François Baroin : léger, léger, léger…

Le Ministre des Finances du gouvernement français pendant la période chaude de la crise écrit un "journal de crise". Naturellement on se précipite. Comment les plus hauts dirigeants ont-ils compris, anticipé, corrigé les causes de la crise ? Comment les ont-ils parées ? Ces questions sont importantes. Un éclairage de l'intérieur aurait pu l'être. Aurait du l'être.

Hélas, hélas, hélas !

On sait tout ce que la carrière  de François Baroin doit au féodalisme politique propre à la France. Parrainé par J. Chirac qui avait promis à Michel Barouin, son père, Grand Maître du Grand Orient, de s'en occuper, le jeune François, malgré la légéreté de ses titres, allait connaître une carrière accélérée, quasi météoritique. Robert Galley lui offre la ville de Troyes. Après un succès électoral sans risque dans une circonscription acquise à la droite, il devient Maire de la Ville.

Son talent personnel n'est sans doute pas mince puisqu'il y résiste aux différentes tempêtes politiques et qu'il siège depuis plus 15 ans comme député de la troisième circonscription de l'Aude. Il est vrai que Robert Galley, avait siégé de 1968 à 2002 dans la seconde : 34 ans. Ces circonscriptions ne sont pas politiquement dangereuses.   

Son talent n'est sans doute pas mince puisqu'il a fait son travail sans aucune aspérité aux différents postes secondaires confiés par Jacques Chirac. Au point de devenir un éphémère Ministre de l'Intérieur lorsque Nicolas Sarkozy se lance dans la campagne présidentielle, ce qui n'était plus secondaire du tout, même si ce fut bref.

L'arrivée de Nicolas Sarkozy à la présidence pouvait lui valoir des ennuis. L'obligation de resserrer les rangs de sa majorité et de mettre fin à la mésaventure de l'ouverture aux socialistes donnent l'occasion aux ex Chiraquiens de revenir au pouvoir. Au prix d'un caprice qui le ridiculisera un tantinet, il devient Ministre du Budget. L'affaire DSK et le départ brusqué de C. Lagarde le propulse au Ministère des Finances. 

Ce jeune homme a non seulement du talent et des soutiens  mais aussi de la chance.

En politique il en faut.

Aujourd'hui dans l'opposition il n'est certes pas devenu un ténor. Mais il joue un rôle. Il sera un des négociateurs de la sortie du conflit Fillon-Copé. Il passe désormais souvent à la télévision. Son livre lui a valu une forte exposition médiatique. Certains pensent qu'il pourrait se présenter aux élections de l'été 2013 à la tête de l'UMP.

Sa troisième compagne est charmante.

Tout baigne. 

Malheureusement, il y a ce livre. Ce livre où tout baigne aussi, mais dans un "politiquement correct" et une légèreté de fond confondants. Monsieur a pris la plume, mais elle est légère, légère, légère.

Elle tombe là où la pousse le vent.  Surtout ne rien penser. Surtout ne rien dire. Le Ministre qu'il fut, aura été un commentateur. Des événements extérieurs se produisaient, jamais anticipés, jamais compris. Les services proposaient des solutions. L'Elysée donnait des orientations puis des arbitrages. Le Ministre les défendait.  Voilà comment une vie politique passe.

M. Baroin a cela de commun avec Mme Alliot-Marie : tous deux  n'ont aucun mérite apparent mais ils savent durer politiquement parce qu'ils sont lisses,  sans que personne ne se pose trop de questions sur leurs compétences réelles.  Robert Boulin était aussi une personnalité de ce type. Il ne faisait peur à personne. Il était toujours là. Quand les grands sauriens se battaient, il était  fidèle à tout et à tous. Un peu aussi comme Bérégovoy.

Le dernier a fini près d'un canal, le précédent dans les étangs de Hollande (non, non pas celui que vous croyez). Mme Alliot-Marie, elle, a été la malheureuse victime collatérale de la révolution tunisienne. Si on ne peut même plus avoir d'amis !  

Peut-être le jeune et séduisant François devrait-il se méfier. Il ne faut pas trop monter pour rester en sécurité quand on est pas doté d'une armature intellectuelle et politique plus solide. La faveur et la prudence reptilienne ne permettent pas tout. Pas de vagues, dans les actes, et beaucoup de vague, dans la pensée,  ne suffisent pas toujours. Même quand on est bien implanté dans une circonscription en or massif et imperdable. Même quand on a le soutien affectueux de la Franc-maçonnerie.

La lecture du livre est consternante. Les évènements se produisent. On ne sait pas pourquoi. Ou on en donne des explications tellement courtes que cela confine à la gaminerie.

On imaginerait que le Ministre des Finances va nous donner une vision profonde et travaillée de la crise mondiale. Rien du tout. La crise, c'est la faute des subprimes. Point barre ! Elle est tombée du ciel comme cela. Un beau jour. Il a fallu faire face. Après une autre crise est arrivée du même ciel : la crise des banques. Il a fallu faire face. Ensuite on a eu une récession économique. Il a fallu faire face. Après on a eu la crise de la Grèce. Il a fallu faire face. Après il y a eu la crise de l'Italie, du Portugal et de l'Espagne. Il a fallu faire face.  Puis la France a été sommée de tenir des engagements budgétaires, il a fallu faire face. Puis cela n'a pas marché alors il a fallu faire face. Etc. Ad libitum.

Comme si un mauvais génie s'amusait à glisser sur le bureau du Ministre des dossiers surprises chaque matin. Le Ministre des Finances attendait alors les directives de l'Elysée, en fait de M. Musca. Et on mettait au travail les cellules du ministère. Des types formidables, nécessairement formidables. Ensuite le premier Ministre rendait les arbitrages. Formidable, tout était toujours bien.

Rien ne marchait mais tout était parfait. On faisait tout puis le contraire de tout : aucune importance, c'était toujours parfait.

Exemple : on commet l'immense erreur de ne pas supprimer l'ISF et on crée le bouclier fiscal. C'était parfait. Tout tourne au vinaigre. On fait une réforme tardive et controuvée. C'est tout aussi parfait. 

A l'échelon européen tout semble se faire ailleurs. Il ne s'agit pour le Ministre que de participer aux réunions et de commenter les arbitrages.  Pas une idée, pas une critique, pas une suggestion. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. "Je préfère mettre de l'huile dans les rouages pas sur le feu".

A l'échelon mondial, rien à dire. Absolument rien. Sinon des anecdotes sans intérêts sur des réunions du G.20.

Le malheureux est, à l'insu de son plein gré, surpris "par une suite ininterrompue d'événements imprévisibles".

Les évènements forcent à agir, et la réponse produit des résultats merveilleux. Sauf que la crise est toujours là.

Pour l'Europe, les résultats sont pour l'auteur  inespérés  : " le chemin accompli dans les esprits est déjà conséquent. Si nous allons au terme de cette réforme, il sera immense".  La Grèce est à genoux et sa population au chômage et paupérisée, comme celle du Portugal et de l'Espagne. Tous les pays de l'Euroland sont saignés à blanc et en récession. Pas d'importance ! 

Pour la France, nous avons réussi à stabiliser la dépense publique et même à la réduire d'un quart de chouïa, affirme notre grand ministre.  Du jamais vu !  En fait la dépense publique est restée très haute et n'est jamais descendue au dessous des 50% du PIB. Là où il fallait une hache, on a eu la douceur angevine et consensuelle de la RGPP. Les banques : nous avons un modèle de banque universelle formidable. Et Dexia ? Dexia heu !  heu ! Pour les impôts : nous avons taxé les riches de plus en plus en multipliant les lois de finances rectificatives au fur et à mesure que nos prévisions de croissance se révélaient en décalage avec les réalités. N'est-ce pas formidable ? Un vrai social démocrate qui ne verrait sans doute avec la politique Hollande qu'un soupçon de verbalisme excessif mais une pratique en continuité avec la sienne !

Pour le monde. Pour le monde rien !

La France a été gouvernée par des hauts fonctionnaires en fonction de leurs intérêts : taxer à mort ; ne pas réduire trop la dépense publique ; ne pas faire de vagues.

M. Sarkozy s'est agité en haut de tout cela en faisant croire qu'il agissait beaucoup alors qu'il n'agissait qu'un peu.

Les ministres, comme M. Baroin, ont été les Messieurs bons offices entre le Président et les services.

Pas d'idée ; pas de diagnostic ; pas de pronostic ; pas de vrais traitements ; un politiquement correct permanent (Ah ! la nomination de Lagarde au FMI, "victoire des femmes" :! on aurait préféré une victoire de la France et des idées justes). 

Résultat : pas de résultats probants ; une France au chômage et déjà menacée par l'asphyxie fiscale avant même l'arrivée de M. Hollande.

M. François Baroin aura été un gentil garçon. Son influence personnelle sur les évènements, à le lire, aura été quasi nulle. Aucune élytre n'aura été froissée. Nulle part.

La droite a perdu les élections. La France a perdu son industrie et ruiné ses ménages.

Mais tout va pour le mieux.

La carrière de Monsieur peut continuer avec les perspectives les plus heureuses.

Plus diaphane on ne peut pas.   

C'est vrai, il est bien sympathique François Baroin. Alors bonne chance !

Tout de même. Est-il vraiment impossible de gouverner la France autrement que dans la niaiserie ?

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