Le New York Times est-il devenu socialiste ?

Un des charmes des Etats-Unis est que le Communisme n’y a pas été admis et que le socialisme y était un gros mot. En fait, l’absence de communisme avait un gros inconvénient : il n’y avait pas de limite à gauche. En Europe, on savait que dès qu’on entrait dans la dialectique communiste on était dans l’erreur meurtrière. Ce garde-fou n’existait pas aux Etats-Unis. Le politiquement correct, une forme de la bondieuserie militante, qui fait sourire en Europe ( Disons qui faisait sourire) a pu aller à des extrémités qui paraîtraient extravagantes en Europe.  Les « Liberals » étaient l’extrême gauche locale. Ils faisaient même peur aux Démocrates.

Trump est arrivé et avec lui un déchaînement haineux exceptionnel, notamment dans les colonnes du NYT qui, du coup, a pris des couleurs assez étranges. Il est intéressant d’analyser l’édition internationale du 28 août de cette année 2018.

Michael Kazin y signe un article en page opinion qui exige de la repentance pour la répression des mouvements anti guerre lors de la convention démocrates de 1968. Les soixante-huitards américains étaient des pacifistes. Ils étaient marginalisés à l’époque. Ils tiennent la presse aujourd’hui.

Dans la même page, l’éditorial est une longue critique de la politique « pro riche » du gouvernement qui annonce de nouvelles crises. Les Etats Unis ont accepté de ruiner leur classe moyenne pour l’enrichissement du 1% richissime et se faisant, ils ont privé chaque citoyen de 70.000 dollars chaque année.  Conclusion : en faisant la belle vie aux Américains les plus aisés, le gouvernement met en danger la prospérité de tout un chacun. Salaud de riches !

Toujours dans la même page, se termine un article fort long d’un certain Giridharadas demandant qu’on suspecte les riches entrepreneurs qui parlent de changement, alors qu’il ne s’agit que de faux changements. Les vrais, ceux qui comptent, doivent être faits par les politiques sociales. En accordant trop aux riches, ils gagnent dix fois plus que les gains qu’ils proposent aux autres. Tout ce cinéma est donc bidon. Non à la charité et aux fausses bonnes idées managériales, vive le socialisme d’état.

La page 4 est totalement utilisée à vitrioler Trump et ses sbires.

En éditorial de première page, le journal donne une belle apologie du socialisme comme vecteur de liberté. Le socialisme est un espoir, un rêve auquel Saunders a donné un squelette politique. Jusqu’ici la gauche américaine avait accepté que les démocrates cherchent à utiliser les moyens du capitalisme et des marchés pour créer la richesse globale permettant une redistribution. Mais c’était faute d’alternative. Maintenant les magazines imprimés ou sur le web évoquent ouvertement les nationalisations, les conseils ouvriers, et ces thèmes font le débat électoral. L’article qui plonge ses arguments dans Marx et Engels conclue bravement que l’avenir appartient à la classe ouvrière pour qui le socialisme est la porte ouverte à la liberté, la « liberté socialiste ».  

Il faudra en parler aux Venezueliens qui fuient à toute jambes en ce moment même les nationalisations et les comités ouvriers de M. Maduro, ou aux Cubains qui n’ont rien compris à la liberté socialiste.  

Un autre article encourage les spécialistes en intelligence artificielle à ne pas travailler pour l’armée (alors que tous les spécialistes chinois dans la matière appartiennent à l’Armée Populaire).

En un mot au NYT, c’est la lutte finâââ-leu !

Mélenchon : sors du corps de cette rédaction !

Commentaire
DvD's Gravatar C’est exactement l’inverse de ce que dit l’auteur du NY Times : pour réduire les inégalités et faciliter l’absorption de l’immigration aux Etats-Unis, il faut (essayer de) faire ce que Trump cherche à faire.

C’est très simple à comprendre :

- Trump cherche à réduire le déficit commercial extérieur américain.

- Le déficit extérieur américain correspond en grande partie à un arbitrage salarial international. Dès lors que les taux de change ne compensent pas les importants différentiels de salaires entre pays de niveaux de vie très différents, les multinationales ont intérêt à produire dans les pays à bas coûts salariaux et à vendre dans les pays à fort pouvoir d’achat, capturant le différentiel dans leurs profits. L’exemple emblématique est Apple qui fait produire ses IPhones par Foxconn au coût chinois et les vends dans le monde entier au prix occidental, générant des profits colossaux qui en ont fait la première capitalisation boursière mondiale. Après 40 ans de mondialisation dans ce cadre défectueux, cet exemple de l’Iphone est généralisé à toutes les productions transférables.

- La conséquence de l’arbitrage salarial systématique au plan mondial et des échanges commerciaux déséquilibrés qui en découlent est la hausse de la part des profits et la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée, c’est à dire la hausse des inégalités. Pour la petite minorité dans les pays développés dont les revenus sont indexés sur les profits des grandes entreprises multinationales (propriétaires, actionnaires, cadres dirigeants, marchés financiers), c’est le jackpot. Pour les pays en développement, c’est un accélérateur de croissance, d’emplois, de salaires, de qualifications, de progrès technique et de profits, tout le monde gagne à la forte croissance même si elle est inégale. Les perdants sont les travailleurs des pays développés à coûts salariaux élevés, et en particulier les travailleurs peu qualifiés. Pour ceux là, qui constituent la grande majorité, c’est la stagnation salariale, le sous-emploi ou le chômage dans les pays à forte rigidité salariale. Pour réduire les inégalités dans les pays développés, il faut donc réduire les opportunités d’arbitrage salarial exploitées par les entreprises, c’est à dire réduire le déficit extérieur.

- La stagnation salariale persistante, le sous-emploi et le chômage parmi une large section de la population en âge de travailler, et particulièrement parmi les moins qualifiés, complique beaucoup l’absorption de l’immigration. La réticence, voire le rejet de l’immigration, n’est pas liée à des soudaines poussées de racisme mais à des causes économiques élémentaires. Il est tout simplement beaucoup plus facile d’absorber l’immigration quand c’est le plein emploi et que les salaires progressent. Le slogan de Trump « America First » est d’ailleurs repris d’une campagne de 1919 qui visait à intégrer les immigrants d’alors venus des 4 coins de la planète en leur inculquant le sens de la citoyenneté américaine à travers la langue et les valeurs, notamment l’éthique du travail. Une affiche de cette campagne « America First » est exposée au musée de l’immigration de Ellis Island à NY. Un pays qui importent les biens plutôt que de les produire domestiquement a naturellement moins besoin d’importer de la main-d’oeuvre. Il faut donc produire plus domestiquement, c’est à dire réduire le déficit extérieur, pour absorber l’immigration.
# Posté par DvD | 01/09/18 02:21
DD's Gravatar Si on cherche les clés explicatives des cinquante dernières années, on en trouve trois principales :
- l'abandon des disciplines de Bretton Woods et le passage aux changes flottants
- l'effondrement du socialisme et l'apparition dans le jeu économique de milliards de personnes réduites jusqu'ici à la misère
- la construction de l'Euro.

On pourrait ajouter l'émergence d'un irrédentisme musulman largement alimenté par les ressources pétrolières et la réaction contre l'expansionnisme israélien.

La première clé est la principale. Les contradictions entre ces trois évènements ont aggravé les choses. Au lieu d'obtenir une croissance homothétique, on aura une croissance substitutive et déséquilibrée porteuse de crise et de frustrations sociales.

Les études et les commentaires officiels préfèrent occulter ces trois phénomènes. Le premier est une domination subie et il n'est pas facile de l'admettre. Les socialistes et plus généralement la gauche n'aiment pas qu'on rappelle que le socialisme comme solution est mort. L'Euro, "c'est bien et nous protège", ne discutons pas.

On voit donc des explications plus ou moins vaseuses et insignifiantes l'emporter dans les discours et dans la presse. Les nouvelles technologies ne porteraient pas d'emplois nouveaux ; les inégalités expliquent les crises ; les mentalités auraient changé ; la crise écologique explique tout etc.

Non pas que tout soit faux dans ces considérations. Mais si elles se conjuguent avec les trois causes de difficulté principales, elles n'ont pas de caractère décisif.

Le dysfonctionnement global du système monétaire internationale reste la clé principale. Et sur ce point, on n'avance pas. Ce qui explique, au passage, la crainte constante et jamais explicitée que la récession revienne.
# Posté par DD | 02/09/18 07:33
DvD's Gravatar La question des gigantesques et persistants déséquilibres commerciaux internationaux au cœur de la baisse du trend de croissance, de la hausse de l’endettement, de la hausse du sous-emploi et de la hausse des inégalités dans les pays développés, question savamment occultée par les dirigeants depuis longtemps et par le G20 qui a tourné autour du pot ces 10 dernières années, est maintenant explicitement posée depuis l’élection de Trump.

C’est en soi un progrès. Comment, en effet, solutionner une question sans la poser ?

Ce qui m’inquiète ce sont les réactions internationales, particulièrement celles des pays en excédent extérieur, et les réactions domestiques, particulièrement celles des bénéficiaires de la mondialisation qui dominent l’establishement politique et médiatique américain. Ces groupes ont clairement déclaré la guerre à Trump et déclenché une propagande tous azimuts. Cela suggère fortement qu’ils vont s’accrocher coûte que coûte à leurs gains indus découlant d’une mondialisation déséquilibrée. Le style de Trump n’aide pas non plus et le volet monétaire est une grosse lacune dans son approche de la question.

Il est donc possible que cette question se règle de façon conflictuelle plutôt que coopérative et dans le désordre, voire la violence. Ce serait inutile et tout à fait évitable, mais il n’est pas très difficile d’imaginer que « l’étrange désastre » puisse devenir encore plus désastreux, les peuples payant comme d’habitude les pots cassés de leurs dirigeants. Aussi, je ne dirais pas que « le monde regarde ailleurs ». Il me semble au contraire que le monde regarde cette bataille qui s’est engagée, et qui surprend par sa férocité, se demandant de quel côté va basculer le rapport de force.
# Posté par DvD | 03/09/18 00:29
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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