J.C. Trichet - Un article au Monde tellement révélateur

Jean-Claude Trichet catalyse à lui tout seul toutes les ambigüités de la période de crise que nous traversons.

L'article qu'il vient de donner au Monde (daté du lundi 16 septembre 2013) a cette particularité de dire, en même temps, tout et rien.

Le rôle du commentateur est évidemment d'aller creuser la partie occultée.

Première affirmation excellente :

- Les prémisses de la crise datent de la fin de l'année 2006. Rappelons qu'à cette date, nous avions indiqué dans notre bulletin de conjoncture un avis de grosse tempête. En juin 2006, nous avions annoncé une grosse crise décennale pour 2010 (et envoyé cette prévision aux équipes de N. Sarkozy tout en lançant un avertissement public sur le site du Monde.fr (où il est toujours possible d'en consulter une partie). En décembre nous l'avons avancé à 2009.  Pour quoi ? Parce que  l'indice des prix de vente de l'immobilier aux Etats-Unis venaient de connaître la première baisse de l'histoire contemporaine et qu'une extrême nervosité touchait tout le secteur des prêts interbancaires. les premiers stigmates d'une crise de liquidité se faisait jour. Il faut se rappeler qu'à cette époque le bas de bilan des banques montrait presqu'un tiers de prêts interbancaires. Fanny Mae et Freddy Mac avaient connu de solides difficultés dès 2003 et semblaient devoir en connaître d'autres. Certaines banques comme Citigroup donnaient des signes de panique pendant que Bear-Stearns tombait en faillite (masqué par un rachat qui allait plombé bientôt les comptes du repreneur). La crise de liquidité frappera à mi juillet 2007, lorsque les adjudications sur le marché interbancaire ne trouveront plus preneur et que de nombreux fonds censés être liquides cesseront de l'être. En même temps de déclenche le sauve-qui-peut sur le marché monétaire. De très nombreuses banques sont étranglées.

Cessons donc de parler de la crise de septembre 2008, en la datant de la faillite de Lehman-Brothers. Déjà Northern-Rock faisait face à une ruée sur les dépôts et les banques Islandaises étaient privées de liquidités. Dès le fin 2007 nous annoncions la crise "chaude", c'est-à-dire l'impossibilité de sauver le système bancaire avec les moyens de marché pour septembre 2008.

L'énorme paquets de dettes, flottant à une hauteur stratosphérique par rapport à l'économie commerciale, après s'être effrité, commençait à s'effondrer.  

- L'article décrit très bien l'effondrement du "château de cartes" qui suit le constat que plus aucune banque ne veut reprendre Lehman-Brothers, la reprise de Bear stearns ayant compris les compte de la banque qui avait repris ses "actifs" à bas coût.  Ce que ne dit pas notre auteur, c'est que le lundi même où la faillite de LB a été prononcée, AIG était lui-même en faillite et exigeait une recapitalisation surprise de près de 900 milliards de dollars ! Les CDS n'étaient pas fait pour les chiens. le risque bancaire n'avait pas été disséminé mais centralisé dans les sociétés d'assurances !

- JC Trichet indique que "27% du PIB en Europe était le risque explicite du contribuable". On voit l'énormité de la dette portée par les banques : usuellement on essaie de ne pas dépasser 1 à 2% de risque sur un portefeuille de crédits, plus ou moins conforté par le capital des banques. C'est la démesure des crédits par rapport au PIB qui explique l'énormité du risque pris. les contribuables ont déjà payer près de 10% de PIB pour éviter le naufrage des banques. Comme le dit l'auteur, la crise n'est pas fini. Le hanneton pousse toujours devant lui sa boule de crottin,  et s'épuise dans cet exercice. Nous-mêmes avions évalué entre 8 et 15 mille milliards de dollars l'encours mondial de prêts sans flux de trésorerie suffisants pour les amortir et payer les intérêts. Ces chiffres sont cohérents avec ceux de JC Trichet.

- L'article montre que pour sauver le monde d'une crise pire que 1929, dont le potentiel était donc là, il a fallu sortir de toutes les conventions et de toutes les règles. C'est bien la preuve que le système globalement, dans ses règles ne fonctionnait pas. Et personne ne le disait réellement sinon Maurice Allais qui s'est fait injurié et traité de vieux fou gâteux.  M. Trichet explique qu'il a manifesté son inquiétude. Mais cette attitude a été constante depuis 1984  date à laquelle il a commencé à jour les père la rigueur sans jamais dénoncer dans le concret ce qui n'allait pas.

- Dernier aspect positif : l'article montre bien que rien de décisif n'a été entrepris et qu'il faut aller plus loin "sinon la période présente n'aura servi qu'à préparer la prochaine crise". Comme nous ne faisons rien de sérieux, nous préparons en effet la prochaine crise.

Tel quel cet article apporte beaucoup d'eau à notre moulin. La crise est bien systémique, c'est-à-dire provoqué par un système dysfonctionnel, qui a explosé après un long processus chaotique. Elle est toujours en cours. Elle peut rebondir à tout moment et nous armons la prochaine crise. le stock de dettes pourries est toujours gigantesques et sans rapport avec le capital des banques. En un mot : le système bancaire sans tuteur serait en faillite encore aujourd'hui. Et l'économie dite réelle, c'est-à-dire le commerce international et national est toujours stagnant à un niveau bas.

Où sont les déficiences de l'analyse-récit de Jean-Claude Trichet ? Elles sont toujours les mêmes et toujours béantes : il ne veut avancer aucune explication  du dysfonctionnement général des marchés monétaires et financiers.  Il constate lui-même que rien ne marchait comme prévu, qu'il a fallu faire l'inverse de ce que les "conventions" préconisaient et à une échelle inédite. Mais pourquoi ces dérèglements ?  La chape de plomb écrase la langue de bois de l'ancien gouverneur de la BCE.  Cela donne : "la réduction des risques par des mesures macro-prudentielles ne fait que commencer".  Traduction : cela ne marche pas et il faudrait peut-être commencer à s'interroger "des deux côtés de l'Atlantique".  Ben oui M'sieursdames ! Il faut réformer le système monétaire international.  

Sur l'Euro, autre source du désastre actuel,  il dit bien qu'il a été attaqué en 2003, 2001,2011 et 2012, avec à chaque fois un risque de destruction. Il affirme très justement qu'il distribuait à l'Eurogroupe, un organisme que nous dénonçons comme fantomatique depuis toujours, les courbes différentielles de compétitivité. Il dénonce bien le fait que tout le monde croyait que les écarts se corrigeraient d'eux-mêmes, illusion intéressée car elle permettait de ne rien faire.  

Mais, une fois de plus,  il ne dit pas qu'elle est la maladie qui ronge de façon "systémique" l'édifice. C'est bien de parler de "progrès de la gouvernance" quand justement il n'y a pas de cabine de pilotage, pas de pilote et même pas de moteurs. Du coup la seule solution devient la rigueur et la déflation, alors que toute la réflexion économique depuis la création d'un système de monnaies purement administratives après la guerre de 14-18, système qui permet toutes les créations de monnaies abusives, est de savoir comment on peut juguler les excès de création de liquidité sans avoir à recourir à la déflation.  

Malheureusement, il ne faut pas compter sur Trichet qui est prisonnier du système qu'il a contribué à mettre en place et qui est dysfonctionnel  pour parler clair et annoncer les réformes nécessaires. Pour les solutions on en restera toujours à la bouillie pour les chats grisâtres nourris dans la nuit noire.

Rappelons notre analyse habituelle :

- seule la croissance et non la déflation permettra de sortir de la crise de la dette

- la crise de la dette a été provoquée par le système monétaire international

- la gestion de l'euro exige un pilote doté des organes ad hoc.

- l'hyper fiscalité n'aboutira qu'à la stagnation et la course mortelle à plus de déflation.

Malheureusement aucun des Trichet qui ont géré la mondialisation économique et financière ne veut entendre parler de ces leçons. Il est exemplaire de la faillite intellectuelle des gnomes, qui certes se flattent d'avoir jugulé la crise mais sans comprendre que leurs idées sont à la source du désastre.

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