Anatomie du pathétique en économie

Rappelons deux chiffres français :

-          La dette « globale » telle que définie par l’Insee (très minorée tant de nombreuses obligations de payer sont ignorées) est de plus de 4.000 milliards d’euros

-          La dépense publique est de plus de 1250 milliards d’Euros

Ces deux chiffres sont à rapprocher de la valeur ajoutée des entreprises de plus de 1 personne du secteur marchand non financier : environ 1250 milliards d’euros.

L’amortissement d’une telle dette et le paiement des intérêts exigeraient d’y consacrer la totalité de la valeur ajoutée précédente.

Le paiement de la dépense publique sans endettement supplémentaire exigerait également l’engagement de la totalité de la valeur ajoutée précédente.

En plus il faudrait tout de même payer les salaires et rémunérer le capital.

L’intégralité des réflexions discutées dans la presse touche les moyens de doper la production en dépit des forces considérées comme contraires de la numérisation et du partage entre particuliers. Pourquoi pas ? Mais qu’on remarque, au moins de temps en temps, que, de toute façon, une augmentation de la production ne réglera rien, sauf à envisager un triplement, ce qui paraît tout de même incertain.

L’échec du CICE et de la politique de l’offre tient entièrement au fait que même si ce n’était pas une grossière manœuvre politicienne de F. Hollande (ce qui est l’opinion de l’auteur) elle ne peut pas avoir de résultats probants sans que tous les autres facteurs de la prospérité économique ne jouent dans un sens favorable : commerce international en hausse,  baisse de la fiscalité, baisse de la dépense publique, réduction de la dette globale etc.

Nous voyons bien que le maintien d’un système monétaire international désastreux dans le monde et dépressif en Europe provoque à la fois un détournement des ressources vers des spéculations hasardeuses qui finissent toujours par imploser, des crises boursières et de changes, conjointes et  récurrentes, ainsi qu’une très faible croissance du commerce international. Dans un tel cadre nous n’avons rien à attendre de l’extérieur. Sans croissance mondiale coordonnée, aucune baisse de la dette globale n’est possible autrement que par des « effondrements de banquises » avec tsunamis associés. Il est amusant de voir comment l’effondrement boursier chinois est minimisé dans la presse, alors qu’il a des effets sévères sur toutes les bourses. Au même moment où le Figaro annonçait en première page une année formidablement positive à venir sur les bourses, le CAC40 se retrouve à près de 4400 points. 3.800 est le signal d’un état de crise de défiance  ouverte ! On n’en est plus loin. Pour les commentateurs, ce chaos est, semble-il, suffisamment modeste pour qu’on ne le commente pas. L’affaire est purement chinoise, comme la crise de 1998 était une affaire bénigne liée aux « cronies » des pays émergents. Qui rappellera que la RFA avait accumulée d’énormes excédents pour finir par en perdre une grosse partie dans les années 70, que le Japon lui avait succédé dans l’exercice et s’était retrouvé en faillite bancaire après la crise de 92-93  et que la Chine leur a succédé avec les mêmes résultats vingt ans plus tard. Les mêmes mécanismes sont à l’œuvre. Personne ne le remarque ni n’en donne l’explication. Comme si l’histoire économique était un exercice futile.

De même, on voit le gouvernement français tout à sa tâche de perfectionner le socialisme à la française, d’abord avec la prime d’activité dont le fondement est tout de même un peu étrange, la mise sous tutelle définitive de la médecine libérale, la collectivisation de la complémentaire santé, la baisse autoritaire des loyers, l’étouffement du (théoriquement) fort au profit du (théoriquement) faible, la consolidation de la sphère protégée . Certains y verront une formidable constance dans l’amélioration de la situation des « sans dents », d’autres (dont l’auteur) du pur achat de votes en vue des présidentielles, avec « suppression » achetée à crédit et totalement artificielle de 500.000 chômeurs dont la présence interdirait au sortant de se représenter.

Les rapports « actifs payeur / subventionnés » et « actifs non protégés/actifs protégés » s’aggravent donc continûment en France depuis 2012, en même temps que les désordres monétaires et financiers internationaux interdisent  toute croissance coordonnée et rapide.

Ce qui veut dire que l’écart entre valeur ajoutée des entreprises telles que définies et besoins de financement ne cesse de se creuser, ce qui implique l’emploi d’expédients de plus en plus radicaux pour que tout n’explose pas tout de suite.

Il va de soi que l’essentiel du débat économique dans la presse devrait se concentrer sur la réforme du système monétaire international et sur la réduction programmée et cohérente de la dépense publique en France. C’est le silence total sur le premier sujet et tout le monde semble d’accord pour penser que c’est après les élections présidentielles qu’il conviendra de parler chiffres avec les Français, même si Fillon a posé en partie la question et si Juppé compte faire de même dans peu de temps. Aucun ne peut proposer « des larmes et du sang »  contre un démagogue qui non seulement a « acheté le vote des masses » mais prétendra que sa politique a  marché en terme d’emplois et que seules les entreprises sont responsables  de ne pas avoir saisi  la main fiscale bien beurrée qu’on leur a tendu.

De toute façon on ne peut pas présenter les bienfaits d’une punition sans faire entrevoir une victoire. La victoire est impossible sans réforme du système monétaire et mondial et européen. « Nous allons nous en sortir seul » est un leurre bien intentionné, même si, naturellement, beaucoup doit être fait en interne.

Coincé entre le parasitisme démagogique des candidats socialistes et populistes à la présidentielle,  et la soumission béate à la finance anglo-saxonne et aux milieux européistes, un candidat proposant une politique responsable n’a pratiquement pas  de moyens de se faire entendre.

Il est tout de même dommage que la presse se fasse le complice d’une absence tellement pathétique de réflexion économique un peu  sérieuse et se contente d’asphyxier le débat en le détournant vers des sujets secondaires, spéculatifs, et finalement sans impact.

 

Post scriptum

Trois brèves dans le Figaro du 6 janvier 2016 :

« La France a emprunté 8.161 milliards d’Euros à court terme (13 à 48 semaines) à des taux compris entre -0.38 et -0.45% ».

« La Banque populaire de Chine a injecté 18 milliards d’euros sur le marché pour enrayer la chute boursière »

« La SNCF engagera en priorité des agents au statut de cheminots ».

Elles donnent une parfaite vision de ce qui se passe aujourd’hui.

La finance mondiale et les changes sont toujours en folie, huit ans après le début de la crise. La zone Euro a besoin de taux d’emprunt négatifs pour survivre. La France se gave des poisons qui l’ont tuée.

Et on nous reproche d’être pessimistes !

Commentaire
frederic cousin's Gravatar Bonjour ,
Lecteur régulier de votre blog mais aussi béotien pourriez m'expliquer pour quelle raison vous prenez toujours comme référence la VA des entreprises de plus de 1 personne du secteur marchand non financier ?
Pourquoi le secteur financier est exclu ?

Merci pour votre éclairage

Bien à vous

Frédéric Cousin
# Posté par frederic cousin | 13/01/16 19:06
DD's Gravatar La raison est très simple et a déjà été expliquée plusieurs fois sur ce site. La France est surendettée et bat les records en matière de dépense publique. Si on veut payer ces charges et diminuer la dette, sur qui faut-il compter ?

Le secteur financier compte ses résultats d'une façon très particulière. Le produit net bancaire est essentiellement constitué d'évaluations. Compte tenu de la crise et de l'ampleur des dépréciations qui restent à faire sur de nombreux compartiment du bilan, auquel s'ajoute l'obligatoire dégonflement des en cours, on ne peut pas compter sur les banques pour créer de la nouvelle valeur, au moins pour un temps. Cela est vrai pour l'ensemble du secteur financier, en contraction continue depuis 2008, avec des rendements de plus en plus infimes.

L'Etat contribue à la production. Mais les frais correspondant sont payés par l'impôt et la dette. C'est une particularité de la comptabilité nationale qu'une partie de la dépense publique entre dans le PIB. Rapportée la dépense publique du PIB produit de ce fait un chiffre difficile à analyser. Si j'augmente les fonctionnaires, j'augmente le PIB, mais ai-je une production réellement supplémentaire ? Non. Probablement une dette supplémentaire. Si j'augmente la productivité des fonctionnaires, à coût constant, le surcroît de production est invisible dans les chiffres.

La production des entreprises d'une personne n'est pas nulle. Mais elle est peu significative et peu porteuse d'avenir. Leur nombre est souvent directement liée à l'envol du chômage et au cadre administratif et fiscal, dont on a vu qu'il était changeant.

La valeur ajoutée des entreprises du secteur marchand est facile à calculer, rapide à obtenir et relativement fiable, la fraude à la TVA étant à peu près connue. C'est un indicateur "pur" et facile à interpréter.

Ce secteur est actuellement le seul levier possible d'une croissance interne et externe permettant de résoudre les problèmes de financement public et de remboursement de dettes. Il est donc important et facile de comparer les falaises de dettes et les montagnes de dépenses publiques à la valeur ajoutée des entreprises de plus de une personne.

Lorsque M. Hollande indique qu'il va faire une politique de l'offre et crée le CICE, il pense agir sur ce levier. La crédibilité de cette politique tient tout entier dans la comparaison que nous faisons entre valeur ajoutée telle que définie, montant des dépenses publiques et annuités globales d'amortissement de la dette et de paiement des intérêts.

La comparaison des montant globaux est instructive. Il faudrait consacrer plus de 100% de la valeur ajoutée au paiement des charges publiques et plus de 100% à l'amortissement et au paiement des intérêts ! Et n plus payer les salariés et le capital.

Impossible. D'où l'échec obligé du CICE. Le secteur marchand commercial ne peut pas tier la France de l'embarras où l'Etat et le secteur financier l'ont mis. IM-POS-SIBLE. On ne peut pas lui demander une croissance de 300% alors que l'emploi n'a pas cru depuis 2001 dans le secteur !

Il faut donc songer à d'autres moyens pour sortir du piège. La croissance du secteur privé marchand organisé et solide ne suffira pas. Donc il va bien falloir s'occuper de restructurer et dettes et dépenses publiques.

L'emploi d'indicateur homogènes et faciles à interpréter permet de raisonner de façon plus efficace et plus juste.






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# Posté par DD | 13/01/16 19:58
Le blog du cercle des économistes e-toile

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