Après les "Européennes", quelles chances politiques d'un redressement économique ?
Quelles sont les perspectives d'une politique économique de redressement national, dans le sillage du résultats des élections régionales ?
Les élections régionales partagent avec les Européennes et, dans une moindre mesure, les départementales, le fait d'être des compétitions politiques qui n'imposent pas de véritables projets. Elles ne servent qu'à fixer des rapports de force entre les partis et à juger le pouvoir en place. Dans le cas des départementales, du fait du flou dans les réformes projetées, les électeurs ne savaient même pas pourquoi ils votaient. De même, les régions ayant changé de configuration, et n'ayant pas de compétences fortes (les transports et l'entretien des lycées ne sont pas des compétences fortes), ne présentaient pas un champ de différenciation majeure des projets. Aux Européennes, c'est pire, puisqu'il n'y a strictement aucun projet, ceux-ci étant définis après les élections et pas avant. L'électeur français y est représenté de façon tellement minoritaire que son vote n'a à peu près aucune conséquence prévisible. On compte les étiquettes et c'est tout.
Ces élections sont donc le lieu privilégié du vote protestataire, dans un cadre global d'abstention, et le moment des positionnements purement politiciens.
Avons-nous besoin de cela ? Pas sûr. On pourrait très bien se passer d'élections européennes et supprimer les régions. L'impact global réel serait nul. Les régions n'ont été l'occasion que d'un surcroît de dépenses : entre 15 et 20% % de plus que si on s'en était abstenu. L'Europe pourrait vivre avec des délégations des parlements nationaux. Les départements sont des survivances tenaces et ne vivent que comme machines à distribuer des subventions et des allocations.
Les régionales et les Européennes posent également un problème identitaire. Si 80 % des législations sont conçues par l'Europe, la dépossession démocratique des Etats est acquise, et le manque d'intérêt pour la classe politique s'en suit : pourquoi voter pour des zombies ? Si les régions doivent avoir une identité, elle est arrachée à l'identité nationale. On le voit en Corse avec le succès des "nationalistes" corses. Ces deux élections sont des ferments d'effacement de la nation française.
Si l'opinion publique telle que la révèlent les médias est aussi critique pour les "élites", mondialisées ou pas, c'est très certainement du fait du nombre d'élus grassement rémunérés pour siéger dans des assemblées dont le pouvoir est tout sauf clair. Elle voit bien qu'on leur parle de résoudre "leur problème au quotidien", mais que rien dans ces assemblées n'y contribue. Au contraire les électeurs voient les impôts et les subventions politiques s'envoler. Ces démembrements de l'Etat se vivent plus comme des machines à capter des postes et de l'argent public que comme des lieux fondamentaux permettant de traiter les difficultés économiques et sociales de façon positive. On multiplie les guichets clientélistes de proximité (pour ne pas dire la corruption), sans impact sérieux sur les vraies difficultés.
Si la rationalité de gestion imposait une restructuration de l'Etat, il fallait créer des super-départements et de supers municipalités. Avec des pouvoirs exclusifs et sans empiler les strates administratives, avec des règles de non-dépassement des volumes de dépenses. Les élections municipales et régionales auraient alors été synchronisées. Cinq régions et cinq mille municipalités faisaient très bien l'affaire.
Les leçons des régionales sont purement politiciennes, mais importantes.
La gauche ne représente pas plus du tiers des électeurs et le socialisme probablement moins de 20 %. Le gouvernement actuel et le Président gouvernent contre l'opinion majoritaire.
Le PS ne survit que là où le Front national prive la droite dite "de gouvernement" de majorité. Il disparaît lorsque cette politique de promotion du FN le force à se retirer totalement. On ne joue pas impunément avec le "diable".
Le FN a servi de catalyseur du ras-le-bol général vis-à-vis des impôts et de l'immigration, dans un contexte où l'irrédentisme musulman a fini par tuer des Français. Mais les Français ne veulent pas du FN dans un rôle de direction des affaires.
Les Républicains sont affaiblis au premier tour par la rage des électeurs de droite et au second tour par les triangulaires. Et les Français ne se souviennent pas du quinquennat de N. Sarkozy comme d'une réussite. Ils veulent toujours un vrai programme de rupture qui ne peut pas être porté par l'ancien président.
Le centre n'existe plus électoralement sinon comme force de nuisance. Les régions confiées à l'UDI Modem ont toutes été perdues, sauf la Normandie, gagnée d'extrême justesse, alors qu'elles étaient toutes gagnables largement par la droite. L'échec du couple Juppé-Bayrou est significatif.
Les partis marginaux restent marginalisés. L'espoir de Cécile Duflot de substituer les Verts au PS comme celui de Mélenchon d'opérer le même siphonage que Tsipras en Grèce vis-à-vis du Pasok, sont liquidés pour un long moment.
L'élection présidentielle à venir est le seul levier à la disposition des citoyens pour sortir de tous les pièges qui les empêchent de s'arracher de l'ornière où se trouve le pays. Cela veut dire qu'il faudra qu'un homme incarne un vrai projet et qu'il parvienne à se débarrasser de ceux qui comptent sur la ruse politicienne pour s'imposer sans projet autre qu'opportuniste.
Nicolas Sarkozy représentait une réflexion et un programme de rupture en 2007. Sa volonté de réélection l'a conduit à intégrer des socialistes et à faire des demi-réformes, sans prévoir ni comprendre l'arrivée d'une dure récession. Il a perdu toute crédibilité. Il ne peut être présent qu'en réussissant des combinaisons politiciennes qui le mettraient en situation d 'être le seul candidat de la droite en 2017. S'il y parvient, sans crédibilité programmatique quelconque, ce sera désastreux.
François Hollande est dans la même situation. Il a gagné par la ruse en 2012 et depuis virevolte de zigzag en zigzag, sur fond de déréliction générale. Il ne peut être réélu que par des combinaisons politiciennes sordides et en particulier en tentant d'être seul au second tour en face du FN (en lui donnant du grain à moudre). Le jeu est extrêmement dangereux pour la France.
Certains, à gauche, voient le salut dans une restructuration complète du paysage politique avec une coalition sociale-démocrate, centristes, contre une droite plus à droite et divisée. Le PS changerait de nom pour faire oublier le concept de socialisme, mort avec la chute de l'URSS et la conversion au capitalisme d'Etat de tous les pays communistes sauf la Corée du Nord et Cuba. Cela ressemble furieusement à la situation de 1962 où une coalition de vieux partis décrédibilisés en voie de marginalisation avait tenté d'abattre le Général de Gaulle. Sauf qu'il n'y a personne à abattre et que l'urgence programmatique l'emporte sur le destin individuel des partis. Il n'y a pas d'espace politique au centre. C'est au moins un résultat clair des régionales.
Qu'on le veuille ou non, la clé du futur doit être cherchée dans les "primaires" de la droite classique.
Le couple Juppé-Bayrou est désormais très fragilisé. Juppé n'a été haut dans les sondages que pour marquer la volonté de ne pas voir Sarkozy revenir.
Bruno Lemaire est actif, mais il manque encore de beaucoup de bagage politique pour porter autre chose qu'une promesse de renouvellement des hommes, à terme . Il ne peut pas incarner un projet.
Reste François Fillon. Il a les talents et l'assiette politique pour porter un projet et effectivement il le construit sur les bases qu'il faut : une rupture lourde. Il lui manque une triple crédibilité : -
- La crise venant d'ailleurs, il doit proposer t une "diplomatie de la prospérité", ce qui implique d'avoir une vision très claire des voies et moyens de réformes dans la gouvernance des monnaies et dans celle de l'Europe. Fillon s'est engagé sur ce chemin avec des distances prises avec les Etats-Unis et notamment le traité transatlantique. Sur l'Europe et la souveraineté, notamment juridique, ce n'est pas encore très net.
- Il faut un leadership réel sur la question de l'inflammation musulmane, à l'intérieur et à l'extérieur. Là on en est aux esquisses de l'esquisse.
- Il aura à cadrer sa position sur les questions sociétales.
L'hypothèse Fillon est donc très sérieuse mais reste largement à conforter. Il a un an pour construire un vrai programme présidentiel et s'imposer comme un leader. Beaucoup n'y croient pas.
Au terme de ces élections régionales, on voit les cadavres politiques passer sous les ponts. Laurent, Mélenchon, Duflot, Huchon, Aubry, Bartolone, NKM ont coulé. Bayrou, Juppé, . Hollande et Sarkozy se débattent contre une noyade qui est presqu'inexorable. Pécresse, Bertrand, Estrosi, Wauquier ont à s'occuper sans encombrer l'espace présidentiel. Valls et Macron sont paralysés par Hollande.
La seule hypothèse qui remettrait à plat la situation politique serait que Hollande et Sarkozy annoncent l'un et l'autre qu'ils ne seront pas candidats. Il est alors probable que les Centristes et les "Sociaux-démocrates" tenteraient de s'unir, NKM, Bayrou et l'UDI venant rejoindre Valls et Macron., le tout accompagné d'un changement de régime électoral pour les législatives basé sur la proportionnelle. On aurait alors une triangulaire entre Fillon, Le Pen et probablement Valls annonçant un ticket avec Juppé ou Bayrou. Rien de bon ne peut sortir de cette hypothèse qui ferait la part belle au Front National avec en prime une assemblée ingouvernable.
Certains pensent, comme Alain Minc, que seule la candidature de Juppé peut empêcher ce mouvement déplorable dans la mesure où elle bloquerait la fuite de Bayrou vers une "troisième voie" introuvable. L'échec de Juppé en Aquitaine n'accrédite pas cette hypothèse.
La France est donc encore loin d'avoir rassemblé les conditions politiques de son redressement économique.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |