Deux lois bien intentionnées mais loin du compte : 2 – la nouvelle loi sur le travail

La nouvelle loi travail est présentée comme le Saint Graal de l’emploi. On n’en connaît pas encore toutes les modalités, mais on sait qu’elle simplifiera la représentation syndicale dans les grands groupes, plafonnera les indemnités de licenciement et donnera aux entreprises la possibilité de créer leur propre droit social. Le tout doit permettre aux entreprises d’embaucher à nouveau. Pour beaucoup il s’agit d’une illusion, pour ne pas dire plus, c’est-à-dire une simple opération politique, liquidant l’épisode électoral. Pour les médias sous le charme, on touche enfin à l’essentiel.

Qu’en penser ?

30 années de direction d’entreprise et plus d’une centaine d’entreprises conseillées permettent de pousser la réflexion un peu plus loin que les plans de communication médiatique habituels.

Une entreprise est un organisme vivant qui cherche en permanence des marchés et des capacités d’y intervenir de façon rentable.

Si on ne comprend pas cela, on passe à côté de l’essentiel.

Celle que j’ai créée a changé trois fois de métier principal en 25 ans. Lors de sa vente, les dossiers historiques du personnel comptaient plus de deux cents noms. Alors que nous n’avons jamais dépassé 20 ingénieurs. Nous n’avons pas cessé de recruter et de former des jeunes qui après un temps d’expérience partaient ailleurs. Les difficultés de recrutement de personnel capable et formé ont été le principal frein à notre expansion. Nous n’avons procédé qu’à un seul licenciement. Autant dire qu’aucune des dispositions de la loi travail n’aurait eu le moindre impact sur notre activité.

Bien sûr, les lois Auroux, puis les salades jospiniennes, ont eu un impact. Il a fallu se doter de casiers métalliques hideux pour les salariés (qui avaient tous leur bureau privatif) et qui n’ont jamais servi. Un règlement intérieur a dû être affiché sur un mur, que personne n’a jamais lu. Il spécifiait que quiconque dirait « c’est mieux ailleurs » ou « ce n’est pas mon boulot » pourrait être licencié pour faute grave ! On a même fait, une fois, une élection. Après on a constaté la carence et on a pensé à autre chose. La médecine du travail était affreusement coûteuse et ne servait à rien. Il aurait suffi de payer une consultation à leur médecin de ville à chaque salarié. Au lieu de cela, chaque salarié perdait une demi-journée de travail et il fallait payer 20 fois le prix de la consultation normale. Nous n’avons d’ailleurs jamais eu le moindre malade, l’effectif étant jeune (en moyenne 30 ans). En 25 ans nous n’avons eu qu’une fois une visite de l’inspection du travail qui est resté trois minutes environ. Et un seul contrôle de l'Urssaf qui a relevé un oubli microbique et sans conséquence. Inutile de préciser que nous n’avons jamais eu un seul salarié au SMIC.

On pourrait donc affirmer que toutes les lois sociales aberrantes imaginées par les socialistes et les hauts fonctionnaires n’ont eu aucune conséquence et prétendre tout aussi bien que les réformes dans ce domaine n'auront aucun effet sur l’emploi : c’est la disposition de salariés compétents qui fait le chiffre d’affaires accompagné par les moyens d’investir pour aller au grand large. Au moins pour les sociétés d’ingénieurs travaillant sur des créneaux porteurs.

Ce ne serait pas exact. Les lois et règlements ont été si loin dans le détail, et si forts, qu’elles ont fini par empêcher de travailler.

-        Les 35 heures sont une contrainte impossible, dans un contexte de sous-effectif permanent et de croissance de l’activité

-        Dans une entreprise où les interventions se font partout en France et beaucoup à l’étranger, il est impossible d’intégrer totalement les temps de transports à partir du domicile du salarié dans le temps de travail et de calculer les heures supplémentaires de façon classique.

Donnons un exemple : il faut installer un système dans un pays du Maghreb. La mission couvre quatre jours comprenant le samedi et le dimanche (ouvert dans les pays arabes). En appliquant strictement toutes les règles, il faut que le salarié prenne quasiment six jours de récupération. Impossible !

-        Le recrutement d’un mauvais fer qui se révèle une horreur après sa période d’essai est une véritable catastrophe. Il se met en arrêt maladie de longue durée et vous ne pouvez le remplacer. Tout finit par du chantage et des coûts délirants.

-        Si votre entreprise a des difficultés, tout est fait pour ruiner les actionnaires. Tout argent mis dans l’entreprise doit être considéré comme perdu.

Alors se sont développées des stratégies putrides qui se sont retournées contre les salariés. Licenciements pour faute bidon se finissant par des « arrangements » (sur le dos des contribuables) ; dépôts de bilan devenus mode de gestion ; multiplication des stages de très longue durée et des contrats précaires, faux collaborateurs indépendants, etc.

Si vous ne vendez pas votre boîte, au moment de partir à la retraite, vous êtes proprement ruinés par sa dissolution. Etc. Etc. Etc.

Le plus grave : vous ne pouvez pas capitaliser vos gains et vous manquez en permanence de ressources de développement. La fiscalité est totalement folle. Les impôts locaux ont triplé en trente-cinq ans. La taxe sur les bureaux, exemple type d’une mesure malthusienne, a plus que triplé également grâce à Delanoë et Hidalgo, les fossoyeurs et pourrisseurs de la Capitale.  Les coûts de location de bureaux se sont envolés (doublement dans les dix dernières années). Chaque année, une ligne de charges de plus est arrivée sur le bulletin de salaire. Au départ, c’était une bande de 5 cm de haut et 21 cm de large. À la fin, c’était un bulletin A4 sur une page et demie. Merci les négociations à l’échelon de la branche.

Il faut donc trouver des créneaux très rentables pour pouvoir embaucher. Qui sont rares. Si vous atteignez les seuils sociaux les contraintes de tout genre deviennent telles que vous rusez pour ne pas les subir. Vous finissez par cacher tout bénéfice et distribuer des avantages en nature faciles à dissimuler. En fait, faute d’hommes formés et de ressources, vous laissez passer des opportunités et cédez le champ à l’étranger.

Pour les PME, on voit bien ce qu’il faut faire. Admettre que le contrat de travail ne concerne que la relation dans l’entreprise (pas le contenu des vacances, pas les transports, et autres fariboles). Revenir à la liberté contractuelle dans les relations avec les salariés. Comme dans certains pays qui ont fait une vraie révolution, laisser le champ des relations salariales hors du champ législatif. Baisser les coûts de structures (immobiliers et taxes locales). Former un plus grand nombre de cadres et de techniciens compétents. Réduire les charges d’état et de sécurité sociale qui pèsent sur l’entreprise. Dépénaliser la fin de vie d’une entreprise ou d’une activité. Empêcher les dérives des salariés pourris qui tentent par tous les moyens d’exploiter le système et d’escroquer les employeurs et les organismes sociaux. Aligner le niveau de charge et d’impôt sur la moyenne européenne serait un plus, en sortant le plus possible de l’entreprise ce qui n’est pas de son ressort direct (maladie, etc.).

À l’heure actuelle, ce qui est le plus bloquant pour l’emploi est l’absence de personnel compétent, motivé et en nombre suffisant. S’ajoutent la paperasserie, la surfiscalité et l’absence de liberté contractuelle.

On voit que les esquisses que l’on connaît de la loi travail n’auront aucun effet pour les PME. On ne baisse aucune charge. L’énorme accroissement sélectif de la CSG, la moitié en une seule fois du coup de massue fiscal de Hollande, va casser une partie de la demande. Une hausse de la TVA aurait au moins permis de rétablir un peu de compétitivité extérieure et de financement par l’étranger de certaines de nos dépenses. Mais l’équipe Macron savait que la TVA était vue comme un impôt sur les pauvres et l’achat de vote aurait moins efficace qu’une hausse des impôts sur les retraités, couplés à une baisse des cotisations sur les salariés. Mais l’intérêt n’était qu’étroitement électoral.

La négociation dans l’entreprise de règles dérogatoires ne sera possible que dans des conditions très difficiles à réunir et elle ne portera pas sur l’essentiel. Le plafonnement des indemnités n’aura qu’un effet très restreint puisqu’on ne change aucune loi et que le licenciement est toujours une faute ouvrant droit à indemnisation.

L’effet sur l’emploi sera nul. Nos Énarques le savent et espèrent dans la reprise importée de la croissance. Comme Hollande. Le début de quinquennat est une réplique du précédent.

Ne parlons pas des grands groupes. On sait comment ils fonctionnent : comme des administrations. Sauf que lorsque la situation devient impossible, ils restructurent et se déploient autrement, ce que ne font jamais les entreprises nationales ni l’Administration. Les grandes entreprises avaient profité des 35 heures et des allégements de charges pour revenir sur bien des petits aménagements grignotés au fur et à mesure du temps par les syndicats. Et après la crise de 2001, elles ont restructuré, en cédant des parties entières, sous-traitées internationalement ou délocalisées.

Les arrangements prévus leur simplifieront la vie, leur permettront de licencier plus facilement et ne changeront rien de fondamental.

Pour les banques, où le Président a fait une rapide fortune et qui sont soumises à la Taxe sur les salaires, on baisse fortement cet impôt. Certains y verront un renvoi d’ascenseur. Tant mieux pour les bénéficiaires mais cela n’a effectivement aucun intérêt national, la réduction de l’effectif des banques étant inscrit dans le marbre des évolutions technologiques et des excès passés. On aurait pu choisir d’autres priorités.

Quant à la baisse d’impôts sur les bénéfices, envisagée pour un futur incertain, elle bénéficiera surtout aux investisseurs étrangers qui possèdent désormais plus de 50 % du capital des entreprises françaises et facilitera les stock-options. La belle affaire.

Rien de tout cela ne parait à la hauteur des enjeux.

Qu’attendre de plus d’un collège de hauts fonctionnaires, dont la majorité a fait carrière entre la fonction publique, la politique et les entreprises nationalisées ou pseudo-privées et vivant en symbiose avec l’État (cf. Philippe, Parly, Borne...) généralement en faisant une révérence au socialisme ?  À l’ENA, on n’oublie pas de se servir. Rappelons que la dernière directrice de l’école s’est vue attribuer 400 000 euros de prime de départ à la retraite, dans le silence de l’entre-soi. Pourquoi se gêner ? Servir l’intérêt général est plus difficile et exigeant.

Cette privilégiature publique politisée n’a strictement aucune idée des difficultés et des contraintes d’entreprises captives qu’ils ont toujours considérées comme des vaches à lait sans pouvoir de négociation et à merci.

Elle a pensé à gagner l’élection par des annonces et à récompenser quelques affidés. Cela ne fait pas une politique active de libération du dynamisme des PME françaises.

Pour le reste, que les entrepreneurs se débrouillent. Croire qu’ils vont, soudain, touchées par la grâce, se mettre à recruter comme des malades en criant « Hosanna je suis sauvé », est proprement méprisant pour l’intelligence des Français et injurieux pour les entrepreneurs.

Nous n’avons pas encore atteint le retournement de la phase de haute conjoncture de fin de cycle. Des recrutements peuvent continuer. Quelques apparences pourront être sauvées.

Pas plus tard que le retournement probable du climat international des affaires, dont quelques signes se font jour, notamment aux États-Unis. Alors on verra que rien de fondamental n’a changé et que la force économique du pays continue de partir à vau l’eau, cornaqué par des hauts-fonctionnaires politiquement surpuissants mais économiquement atrophiés, qui auraient mieux fait de rester dans le giron de l’Administration.

Alors qu’on sait parfaitement ce qu’il faut faire.

Commentaire
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