En finir avec la banque universelle ?
La crise en cours, liée à l'explosion d'une accumulation monstrueuse de dettes déconnectées de la production, pose obligatoirement la question de la réorganisation bancaire. Même si, comme nous le pensons, le système bancaire a servi d'amplificateur d'une création monétaire provoquée par les défauts du système monétaire international, il n'en reste pas moins que le système bancaire est en faillite virtuelle depuis 2006 et ne donne une impression de vitalité que par des injections tellement massives de liquidité qu'elles en deviennent psychédéliques. L'économie baudruche a une composante bancaire extrêmement forte.
La position officielle des institutions internationales et du G.20 est celle des Etats-Unis : le système est parfait. Des vilains se sont mal comportés. On les sanctionne et tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes. On encadre les crédits de façon drastique avec des conditions en capital de moins en moins tenables et l'amplification cessera. Comme la caution des banques est nationale, on replie le champs d'action des banques sur le pré-carré national.
La médecine est purement symptomatique. La cause principale de la crise n'est pas traitée.
L'affaire de la Deutsche Bank est tout à fait symptomatique des conséquences. Comme la BNP et le Crédit agricole en France , l'UBS et le Crédit Suisse, et quelques autres, un peu partout, cette banque a essayé d'être universelle en regroupant tous les métiers.
Aujourd'hui elle est confrontée à la perspective d'une scission du métier de banque d'affaires de ses activités de réseaux tout en payant une fois de plus des amendes vertigineuses pour avoir participé à des fraudes massives sur le Libor.
La question est intéressante car si on traitait réellement les causes de l'économie baudruche, l'activité de marché serait réduite de façon drastique. Le monstre actuel serait réduit à une banque d'affaire restreinte avec, de façon disjointe, des activités de réseaux peu rentables et sous la crainte des peurs des déposants. Alors les hésitations sont grandes. Les activités de marchés ayant été totalement relancées par les différents QE, la tentation est de réaliser des gains majeurs distribués à un petit nombre avec la banque d'affaires et de se débarrasser des tristes activités de banques de dépôts. Vu le faible coût de l'argent, la collecte par les réseaux devient peu rentable et non critique.
Si on se place du point de vue de l'intérêt général, l'enrichissement d'une poignée de dirigeants et de professionnels sur des activités spéculatives de marché n'a strictement aucun intérêt. Si en plus cette activité menace les dépôts et les contribuables, elle est même nocive.
Un autre aspect est la nécessaire augmentation de la productivité des activités de réseau. La renationalisation d es réseaux empêchent des économies d'échelle. Il ne reste que le renvoi sur le client du travail fait en agence, la suppression du chèque, l'élimination de la monnaie papier, et l'augmentation des tarifs comme idée de manœuvre. Avec l'idée d'utiliser le parc existant d'agence pour vendre tout et n'importe quoi. Le réseau cesse d'être une banque pour devenir un système local de services à la personne, dans la sécurité, l'assurance, la communication etc.
Sortir de cette situation suppose le démantèlement des banques universelles, l'efficacité s'alliant à la morale publique puisqu'une banque universelle est automatiquement le lieu obligée de conflits d'intérêts insurmontables. Le Cas de HSBC est de ce point de vue plus que démonstratif. Les autorités britanniques imposent la scission des métiers. HSBC menace. Mais HCBC n'a plus la main.
La réforme du secteur bancaire doit se penser dans le développement de banques de métier spécialisées et capables de profiter des sources de productivité liées aux systèmes informatiques et des économies d'échelles liées à l'internationalisation.
Les catégories de risques et les fonctions de contrôle et de garanties de l'Etat doivent être sériées par métier.
Premier échelon : les banques de paiement : elles ne sont là que pour conserver les dépôts et les faire circuler avec un coût minimum. Ce sont des sociétés de services. Elles sont rémunérées par le paiement à l'acte avec une tarification soumise à la concurrence. Aux entrepreneurs de savoir s'il faut se "virtualiser" complètement (tout sur le net) ou mélanger cette activité avec la rentabilisation des agences par de multiples services non bancaires. Cette activité ne présente pas de risque systémique. Elle peut s'internationaliser et accompagnera l'ubiquité qui marque l'esprit du temps. Du paiement sur le net à la mobilisation de son cash partout à travers le monde, de nombreuses révolutions techniques sont à inventer et à exploiter.
Ces banques n'ont aucune activité de crédit qui devient de la responsabilité des "banques de crédit". La banque de dépôt traditionnelle est donc divisée en deux métiers différents : la banque de paiement et la banque de crédit. La banque de crédit travaille uniquement sur argent emprunté. Les particuliers peuvent placer leur réserve en fonds à court terme porteurs d'un risque petit et d'une rémunération peu élevée. Le profit provient pour la banque de la différence de coût entre l'argent emprunté et de l'argent prêté. Rien que de très classiques. Toutes les structures sont possibles, selon les types de financement. La surveillance des risques de crédit se fait comme actuellement par les banques centrales.
Toutes les activités de marché sont externalisées vers des banques d'affaires qui, elles, n'ont aucune couverture de risque publique. Si elles perdent c'est pour les actionnaires et les souscripteurs. Eventuellement pour les banques de crédits qui pourraient leur faire des prêts, si on les y autorise.
Les activités de placements et de gestion de fortune sont également séparées du reste pour éviter les conflits d'intérêt.
Comment un tel système réagirait-il au maintien des sources d'une économie baudruche ? Les paniques bancaires seraient éliminées. Les dépôts dans les banques de paiements appartiennent au déposant pas à la banque. Si la banque de crédit connait des difficultés, cela touchera ceux qui ont mis de l'argent dans des bons de souscription. S'il y a équilibre entre les durées des bons et des crédits, le système sera plus stable (fin des paniques dues à une trop importante "transformation"). Au pire, les banques centrales refinanceront les banques de crédit si les particuliers thésaurisent dans les banques de paiement les avoirs précédemment placés dans les banques de crédit. La peur n'est plus chez le déposant mais que le distributeur de crédit.
Les pertes de la banque d'affaires ne sont plus l'affaire des états. Qu'elles se débrouillent. !
Si, en plus, on met fin aux sources de l'économie baudruche, c'est-à-dire au flottement général des monnaies et des classes d'actifs, avec interdiction des grands déficits et des grands excédents, on retrouvera une situation saine où chaque métier aura ses objectifs proches de la création de la valeur ajoutée de production au lieu de ne viser que des augmentations de valeur de spéculation.
Le système sera plus facile à superviser. Il pourra à nouveau s'internationaliser sur des bases claires.
Les échanges internationaux sont à l'heure actuelle à un étiage historiquement bas. Il suffit de voir où en est le Baltic Index pour s'en rendre compte.
En France depuis le Front populaire puis Pétain, la banque est totalement cartellisée et vit en symbiose avec l'Etat qui lui fournit ses dirigeants, ses règles du jeu favorables et ses garanties. Elle adore le système de la banque universelle. L'inspection des finances est trop intéressée à ce double jeu entre Etat et Banque pour que des réformes soient possibles. Les banques universelles sont tellement puissantes qu'elles musèlent la presse et le politique.
Une caractéristique nationale malthusienne et centrée sur une micro "élite" se met une fois de plus en travers des nécessités supérieures.
Il faut mettre fin au système des banques universelles. La législation doit accompagner un mouvement qui de toute façon est inéluctable, comme le montre le dilemme de la Deutsche Bank ou celui de HSBC. La banque de papa c'est finie. Et cela doit finir en France.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Les banques aimeraient bien transférer les taux d'intérêt négatifs aux déposants, c'est à dire faire payer les déposants pour reconstituer leurs marges. Mais, tant que le cash physique circule, c'est trop risqué. Il serait en effet moins cher de louer un coffre fort et d'y garder ses billets plutôt que de les garder à la banque. Entrainant ainsi une fuite des dépôts et donc une crise de liquidité du système bancaire. Il faut donc d'abord supprimer le cash physique. C'est l'objet du lobbying actuel des banques auprès du gouvernement. L'intérêt pour celui-ci est que la suppression du cash rend par la même toutes les transactions officielles et donc taxables. Pour les banques, cela supprimerait des coûts logistiques de transport de fonds et de maintenance d'un parc de distributeurs, tout en augmentant les revenus de location de terminaux de paiement aux commerçants et les commissions sur transactions par carte. Si tout le monde y trouve son compte - à part les déposants qui comptent pour du beurre - il y a donc de bonne chance pour que cela se fasse et que la monnaie devienne uniquement électronique, sans plus aucune possibilité de retrait des banques. Alors, les banques répercuteront les taux négatifs aux déposants. Ce sera fait pour décourager la thésaurisation et "stimuler l'économie" par ceux là mêmes qui s'acharnent - avec beaucoup de succès d´ailleurs - à la détruire.