La réforme fondamentale (suite)
Nous proposons une réforme du système monétaire international en deux temps : d’abord la zone Euro puis l’ensemble du monde. La zone Euro disposant, avec Target, d’un mécanisme centralisateur des balances monétaires entre les pays membres, elle possède immédiatement l’infrastructure pour passer aux actes. Pour le monde, il faut revoir le FMI pour qu’il joue le même rôle de compensation des soldes financiers en unité de compte unifiée internationale. Cela implique que les DTS soient convertis en Unités de comptes internationales effectives, ou que l’on crée une unité de valeur internationalement admise, quelle qu’elle soit, à condition que ce ne soit pas une monnaie nationale.
Rappelons le mécanisme exposé dans notre précédent billet : les soldes sont taxés de façon progressive en fonction de leur ampleur déraisonnable, afin d’éviter le gonflement de la mécanique des doubles spirales de crédits qui entraînent automatiquement des dégâts catastrophiques à plus ou moins court terme. On réduit la spéculation et l’ampleur des mouvements de capitaux à court terme, sans empêcher ou entraver aucune opération individuelle.
Si un pays commence à accumuler les excédents monétaires, ce qui est d’ores et déjà interdit par la légalité internationale, une partie de ses liquidités est confisquée par la communauté, privant son système bancaire et sa banque centrale des avoirs correspondants. Les positions trop excédentaires n’ayant plus d’intérêt ne seront plus recherchées. Réciproquement si les excédents sont réduits, les déficits le sont ipso facto puisque le jeu financier global se fait à somme nulle.
La solution est différente des mécanismes actuels du FMI qui fonctionnent sur la base de dépôts prêtés sous conditions. Il diffère grandement du MES, mécanisme européen de stabilité, qui lui aussi fonctionne à partir d’engagements conditionnels de prêts.
La ponction est automatique et n’exige aucune négociation. Les ressources ainsi dégagées, qui n’ont pas vocation à être permanente, puisqu’on souhaite que les gros déséquilibres disparaissent, sont à réutiliser pour obtenir la plus forte croissance possible, c’est-à-dire pour éviter les déflations, lorsqu’un accident se produit. L’emploi des sommes peut passer par les mécanismes existants aussi bien au MES qu’au FMI.
La solution n’a rien à voir avec la Taxe Tobin qui ne s’inquiétait que de la volatilité des changes du fait des mouvements de capitaux à court terme, dans un système de changes flottants. La taxe Tobin supposait que l’on agisse sur chaque mouvement de fond, indifférencié, pensait que les individus rationnels seraient le moteur de la correction souhaitée. Les États n’avaient rien à faire sinon encaisser. On a vu que les idées de dépenses n’ont pas manqué, puisqu’on lui a affecté la pauvreté, puis l’eau, puis le réchauffement climatique, puis la santé…
Elle n’a rien à voir non plus avec l’étouffement des banques auquel on assiste depuis 2008. Étouffer l’amplificateur a plus d’inconvénients que réduire le débit excessif de la source. Là encore, cela permettait de mettre en apparence hors-jeu les États en s’appuyant uniquement sur des institutions intermédiaires. Comme pour la taxe Tobin, la mesure étouffe le bon comme le mauvais et la tentative de séparer dans la masse des crédits le bon grain de l’ivraie est largement une illusion.
Il ne faut pas s’attaquer aux flux individuels mais aux stocks résultants de situations de déséquilibre intenables ou inacceptables. Et pour cela actionner le niveau opérationnel : les États. Cela fait maintenant des lustres que nous dénonçons l’idée que seules les banques centrales peuvent agir.
Voir par exemple :
http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2008/7/6/Crise-conomique--les-quatre-erreurs--viter
Il est assez facile de démontrer qu’une croissance aussi déséquilibrée que celle que l’on connaît depuis 1971 aurait été lissée dans un tel système et qu’au lieu d’une croissance par substitution, on aurait connu un rattrapage des pays ruinés par le socialisme par homothétie imitative. Nous ne nous retrouverions pas avec une telle tension sur l’emploi dans les anciens pays développés. De même les pays pétroliers auraient été obligés de dépenser leurs excédents par achats à l’étranger au lieu d’accumuler des réserves et de tenter d’acheter le capital étranger.
La question de la transition est assez facile en Europe : plus personne n’accepte le système déflationniste actuel et si on le laisse en l’état, il explosera. Et plutôt vite.
La transition internationale est possible aujourd’hui que les États-Unis prétendent réduire leurs déficits. Croire qu’en tapant sur les pays excédentaires à coups de taxes sur les produits importés de 20 % ils amélioreront leur situation est illusoire et mortel pour la coopération atlantique. Les Russes ont intérêt à la stabilisation du Rouble, et les Chinois du Yuan.
Si l’Europe met en place préalablement le système que nous proposons, elle sera en position de force pour l’étendre.
La solution est la seule bonne et la situation commence à être mûre pour son adoption.
Il serait peut-être temps que l’ensemble de la communauté des économistes européens commence à embrayer. Il y a de la place pour eux dans cette perspective.
Sur la question du nom du système, les réponses sont ouvertes. Il faut rappeler que le mécanisme avait été proposé sous une variante par Keynes dès juillet 1940, à la suite d’une suggestion allemande…
Plan International de Compensation Monétaire, PICOM, en anglais International Monetary Compensation Plan, serait un nom clair pour ce mécanisme.
Reformulons :
- L’Europe doit être en place sans tarder un Plan International de Compensation Monétaire
- The IMF should promote an international Monetary Compensation Plan.
En fait rien n’est plus urgent.
Depuis des lustres, nous avertissons : « attention à la colère des peuples ». L’effondrement des systèmes électoraux des pays du sud de l’Europe, France comprise, comme le montrent les élections présidentielles actuelles qui mènent à une crise institutionnelle et au n’importe quoi économique, est malheureusement le début d’un processus délétère qui peut conduire l’Europe et le monde vers le n’importe quoi généralisé, voire la guerre.
Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
- Annonce que la crise terrible arriverait entre 2008 et 2010 dès 1999.
- Alerte continuelle sur le fait qu'une baisse du trend constante finirait par des soubresauts politiques et sociaux ('"attention à la colère des peuples")
- Dénonciation de la myopie des économistes prisonniers de leurs idéologies, surtout en France terre de marxisme léninisme débile et aux Etats-Unis, où l'analyse ne dépasse jamais l'intérêt américain.
- Concentration du diagnostic sur les grandes déséquilibres déficitaires ET excédentaires
- Fausse solution des changes flottants et illusion de marchés monétaires et financiers presque "parfaits"
- Rôle dominateur et perturbateur des Etats-Unis qui abusent de leur monnaie
- Illusion que les Banques centrales peuvent réguler le système
- Organisation absurde de l'Europe qui pousse à la déflation et cautionne une domination allemande indue
- Poids des pays communistes et pendant le règne soviétique qui a stérilisé les échanges et maintenant où les peuples soumis doivent effectuer un rattrapage.
Mais il est vrai que c'est la première fois que vous vous engagez avec autant de précision dans cette idée tout de même très originale d'une confiscation des encours excédentaires et d'une pénalisation des en-cours déficitaires.
Je ne suis pas sûr de connaître d'autres auteurs sur cette ligne là. Qu'est-ce qui vous a fait avancer dans cette direction ? Et quels évènements nouveaux vous laissent penser que cette solution puisse-être admissible ?
Evidemment nos candidats présidents n'ont aucun avis la dessus. Mais pensez-vous réellement qu'un quelconque d'entre eux pourraient endosser un tel projet ?
La campagne traduit le résultat de près de dix années de baisse du revenu par tête en France, après 40 ans de blocage progressif du trend de croissance. Jamais le politique n'aura été autant l'otage de l'économique. Il faut noter que le "printemps arabe" a été la conséquence immédiate de l'explosion de 2008. On dira, à juste titre, que c'était déjà le cas dans les années 20 et trente.
Agir sur les causes de l'effondrement de la croissance est légitime. N'en parler jamais est criminel. Ne jamais proposer de solution serait, pour les économistes, une défaillance.
Nous pensons qu'il y a un chemin hors des sentiers de misère que nous parcourrons depuis 1971. Encore faut-il l'illustrer.
@Micromegas
Je pense depuis toujours que les mêmes principes de solution doivent concerner aussi bien le système monétaire mondial que la zone Euro. En 1997, lors qu'avec Maurice Allais, nous parlions de crise mondiale à venir, personne ne voulait y croire. Elle n'est survenue qu'en 2007-2009. Et il fallait attendre que les plans du G20 foirent lamentablement. Ce qui est désormais acquis. De même la zone Euro se créait et il lui restait à faire les preuves de la nocivité de ces modalités. La quasi régression globale de la zone depuis 2008 est acquise.
Il est maintenant clair pour tout observateur un minimum objectif que le Système Monétaire International comme le Système Monétaire Européen, basés sur des solutions radicalement opposées, sont l'un et l'autre dysfonctionnels.
Voici que les Etats-Unis commencent à regimber et à dire : çà ne va pas. Les toutous se retrouvent désemparés avec leur laisse flottant au vent. Cela veut dire que la pensée a une chance de renaître et qu'il faut la nourrir.
La solution globale doit être cohérente. Les poupées européennes et mondiales doivent s'emboîter.
La solution que nous proposons nous paraît répondre non seulement aux exigences doctrinales mais aux circonstances.
C'est le moment de la développer et de la populariser.
Il est à noter que l'ensemble des candidats à la présidentielles français font de la chaleur sur les conséquences des dysfonctionnements mais aucun ne parle des causes réelles ni des solutions.
Le faire à leur place est sûrement inefficace pour changer le cours des choses, mais nous paraît de nature à réorienter les débats de fond, si un jour ils démarrent en France.
Malheureusement, entre les suppôts de la destruction du capitalisme, et ceux qui cautionnent indéfectiblement les Etats-Unis, la voie est étroite pour l'observation et la réflexion.
Pour l'avoir empruntée dès 1997, 20 ans déjà, nous savons bien qu'elle n'est pas bordée de roses. Il parait qu'il faut une génération pour obtenir les changements de caps critiques. On y arrive...
En tout cas plus personne ne peut dire que les solutions vantées depuis 1971 dans le monde et 2000 en Europe attirent l'admiration générale. Il faut bien autre chose. Autant y penser tout de suite.
Ce sera impossible à faire passer.
N'est-ce pas un peu facile ?
Merci de votre réponse;
Je pense en effet que les mauvais systèmes sont la cause des mauvais résultats. C'est vrai aussi bien dans l'entreprise que dans la nation et plus encore dans les relations entre Etats. Beaucoup des analyses de causes "structurelles" de la crise sont des cache-misère. L'économie collaborative n'existe que si on ne la taxe pas. Les monstres mondialisées du Gafi n'ont la puissance qu'ils ont que parce que certains états acceptent qu'ils soient peu ou pratiquement pas taxés chez eux. Le vieillissement est la seule cause sous-jacente majeure de beaucoup de nos difficultés.
Lorsque des mécanismes atteignent le quantum nécessaire à l'explication de l'universalité et de l'ampleur des dégâts constatés; il est absurde de regarder ailleurs.
Les énormes déséquilibres dans les relations commerciales et financières entre les nations EST la cause de la perte de croissance et d'emploi que nous constatons. Par conséquent, il n'y a pas à tortiller : il faut l'attaquer à la hauteur voulue, c'est à dire par des mécanismes interétatiques le plus automatiques qu'il est possible.
Nous vivons depuis 1914 avec de la monnaie artificielle créée par des instances étatiques à des niveaux illimités. Maîtriser un tel système est difficile mais peut être envisagé froidement.
De toute façon, regardez autour de vous, il n'y a pas d'autre solution candidate, sinon diverses formes de guerre (civiles froides ou chaudes, ou inter étatiques, froides ou chaudes).
Le temps du consensus de Washington est passé. La crise de 2008 l'a tué.
Production domestique = dépense domestique + exportations - importations (on néglige les variations de stocks).
Soit, production domestique - dépense domestique = exportions - importations
Les pays en déficit extérieur (exportations < importations) dépensent plus qu'ils ne produisent (production domestique < dépense domestique), c'est à dire qu'ils dépensent plus que leur revenu national, c'est à dire qu'ils s'endettent vis à vis du reste du monde.
Les pays en excédent extérieur (exportations > importations) produisent plus qu'ils ne dépensent (production domestique > dépense domestique), c'est à dire qu'ils dépensent moins que leur revenu national, c'est à dire qu'ils accumulent des créances sur le reste du monde.
L'économie mondiale étant un ensemble fermé (tant qu'on ne commerce pas avec Neptune et Pluton), les déficits et excédents extérieurs ainsi que les déficit et excès d'épargne associés se correspondent exactement.
Il est visible que plus les déséquilibres extérieurs sont d'ampleur et de durée importantes, plus le montant de crédit et de dette nécessaires pour les financer est important. Plus la dette est importante relativement au revenu dans les pays en déficit, plus les pressions pour comprimer la dépense, c'est à dire la croissance, est forte pour contenir la montée de la dette. Si cette tendance à comprimer les dépenses dans les pays en déficit n'est pas compensée au plan mondial par une tendance à augmenter les dépenses dans les pays en excédent, la croissance mondiale ralentit, ce qui complique l'objectif de faire baisser la dette relative, et les tensions sociales à l'intérieur des pays en déficit, ainsi que les tensions commerciales et politiques entre pays en excédent et pays en déficit s'accentuent.
Il en va de même au sein de la zone euro où la même situation prévaut.
Il est aussi visible que le meilleur moyen de résoudre la situation sans nuire à la croissance globale est d'attaquer les déséquilibres par les deux bouts, déficit et excédent, de façon concertée. C'est ce que propose Monsieur Dufau.
La remarque de Lepetit ignore plusieurs aspects qu'il est n'est pas possible d'omettre. D'une part, les sérieux problèmes actuels en Europe et aux Etats-Unis, proviennent en bonne partie de ces déséquilibres massifs et persistants. D'autre part, ces déséquilibres sont inlassablement dénoncés depuis des décennies (Maurice Allais a investit tout le prestige de son prix Nobel de 1988 dans cette dénonciation), sans que rien n'y fasse tant les préjugés idéologiques et les intérêts économiques se conjuguent pour ne rien y changer. La simple identité comptable énoncée plus haut est niée avec véhémence sur la plupart des forums de tous bords, plus préoccupés de ressasser leur préjugés idéologiques confus que de raisonner clairement.
Si le changement n'est pas possible de façon "apaisée" comme dit Lepetit, alors il aura lieu de façon conflictuelle. Ce sera juste moins drôle que ce que trouve Lepetit et largement plus coûteux pour tout le monde. Il faut mieux prêter attention aux recommandations de Monsieur Dufau tant qu'il en est encore temps.