Big bang ou big flop ?
Nul doute que la conférence de presse du Président Hollande soit une forme de tremblement de terre politique. En s'annonçant comme "social démocrate" partisan "d'une politique de l'offre", il annonce la fin du socialisme pur et dur comme base fédératrice du "peuple de gauche".
Bien sûr le socialisme était déjà mort. La disparition de l'URSS et la conversion de la Chine à une forme d'économie de marché, avaient signé la mort du socialisme révolutionnaire, et l'enterrement de Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao, dès 1989. Il n'aura fallu qu'un quart de siècle pour que le verbe du PS rejoigne la réalité.
En vérité, le socialisme français, en choisissant comme chef, en 1974, F. Mitterrand, grand pourrisseur devant l'éternel, s'était déjà suicidé. Le vieux cynique ruinera durablement le pays et tuera à jamais la prétention "morale" du socialisme. La péripétie Jospin lèvera la dernière hypothèque, celle d'une régénération par le trotskisme apaisé. Alors que tous les socialismes européens, de Blair à Schroeder, avaient jeté aux orties toutes les références à un quelconque marxisme, même dans sa variante atténuée, réduite à la méthodologie, le révolutionnarisme verbal du socialisme français, était de plus en plus décalé.
En en jetant les derniers oripeaux par-dessus les moulins, François Hollande radicalise le constat. Le "peuple de gauche" aura du sociétalisme et plus jamais du socialisme, rendu impossible par le remugle intolérable des régimes socialistes sanglants et la conversion du PS à l'Europe mondialisée.
L'analyse politique de ce geste n'est pas l'affaire de ce blog. Est-ce qu'un Président déconsidéré et au plus bas dans les sondages peut être l'instrument d'une révolution mentale et politique du socialisme français ? En associant le socialisme à une forme d'illégitimité, F. Hollande assume son "complexe de droite", symétrique du "complexe de gauche" de la droite. En même temps, il tue Sarkozy une nouvelle fois. Il est vrai que c'est son obsession. En affrontant des décisions cruciales que Sarkozy n'avait pas eu le courage d'envisager, Hollande le rend caduque en assumant une rupture que son prédécesseur n'avait pas faite. Il fait de la politique politicienne qui ravira les analystes politiques, toujours prompts à apprécier les belles manœuvres, même si le revirement actuel rend également caduque les 18 premiers mois de la gouvernance hollandaise, morte en Bretagne avec la révolte des nouveaux Bonnets Rouges.
Sur le plan économique, qui est celui des réalités lourdes, le Pacte de Responsabilité est-il à la hauteur des enjeux ? En annonçant qu'il allait supprimer les cotisations familiales qui n'ont effectivement rien à faire dans les charges sociales entrepreneuriales, comme il est répété par à peu près tout le monde depuis au moins cinquante ans (on en discutait déjà à l'arrivée du général de Gaulle aux affaires… en 1958), le chef de l'Etat renverse-t-il enfin la table et amorce-t-il enfin un début de reprise en main de la compétitivité française ?
Le niveau de ces cotisations est selon les chiffres contradictoires publiés par la presse entre 30 et 35 milliards d'Euros, à comparer à la valeur ajoutées des entreprises de plus de 1 personne du secteur marchand non financier : 1.250 milliards d'euros. Le tout doit être étalé sur quatre ans (de 2014 et 2017). On aboutit donc à une baisse de charge de 1% par an, qui est presque ridicule par rapport aux besoins. L'affaire se corse si on tient compte que cette mesure remplacera le CICE, même si ce n'est pas dit comme cela. La "boite à outils" magique de l'ancien Hollande socialiste a été jetée aux orties par le nouveau Hollande social-démocrate. Le CICE devait fournir 20 milliards en année pleine. Les naïfs ont cru qu'on ajoutait les 30 milliards aux 20 milliards, chiffres à rapprocher des 50 milliards d'économie annoncés sur quatre ans sur la dépense publique, également de 1.250 milliards.
La réalité est plus prosaïque. Rexecode a calculé que les 20 milliards après impôts du CICE équivalaient presqu'exactement aux 30 milliards des cotisations familiales avant impôts. Pour les entreprises, le nouveau plan est exactement équivalent au précédent et n'apporte aucun allégement supplémentaire. Il est simplement plus lisible. On a changé le ruban sur la boîte à outil.
Le déficit de l'Etat devrait atteindre 74,9 milliards d'euros en 2013 alors que l'objectif initial était de le ramener à 62,3 milliards d'euros. La politique suivie a donc été un échec tragique, alors même que la reprise mondiale s'est enclenchée et qu'on est entré dans la phase "haute" du cycle. En rebaptisant l'outil sans en changer le montant, et en l'étalant sur quatre ans, se met-on en position de faire mieux ? Evidemment non.
Hollande joue sur les mots mais ne soigne aucun des maux de l'économie française. En revanche le gain politique est évident : c'est désormais aux entreprises, bénéficiaires d'un "incroyable cadeau", comme le dit l'inénarrable Mélenchon, d' "inverser la courbe du chômage".
Pour les amateurs d'histoire et d'idéologie, la social-démocratie est un mouvement qui a eu son heure d'efficacité en Allemagne entre 1890 et 1900. L'idée est que le travail et le capital, associés loin des foucades politiques, se mettent d'accord pour prendre, seuls, des mesures concertées concernant les entreprises et leurs employés. La forme atténuée de cette idéologie est, en France, le paritarisme. En enlevant au paritarisme la gestion des allocations familiales, l'Etat reprend la main. Le contraire exact de la social-démocratie. L'Unaf a parfaitement compris que l'étatisation complète des allocations familiales était le premier pas vers sa réduction et sa dénaturation, déjà fortement présente dans le projet du PS.
C'est le côté magique de la politique en France. On fait le contraire de ce qu'on dit, et ce qu'on dit n'est pas ce qu'on dit. La personne qui le dit, élue alors qu'elle n'avait jamais travaillé de sa vie, entourée par l'équipe la plus nulle depuis Charles X, a tout raté et se trouve complètement dévalué.
Mais tout est changé. Le big flop est devenu un big bang !
Le Français, né malin…
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Un président "normal" en somme, très très loin des enjeux du pays.
En dehors des quelques milliers de personnes du microcosme, absolument personne ne verra la moindre différence.
Comme ses prédécesseurs depuis 40 ans, qui ont tous, à un moment où un autre de leur mandat, tenu à peu près ce langage.
On continue donc de réciter ses fiches en mettant le ton et on continue à jouer aux playmobils. "On dirait que lui là, ce serait le président".
A ce propos, comme prochaine réforme sociétale, il faudra penser à donner le droit de vote aux enfants.
Après tout, eux aussi sont des victimes : victimes de l'incompétence collective de leurs grands-parents et de l'apathie collective de leurs parents.
Dans le pire des cas, personne ne sera dépaysé : les enfants aussi apprennent à réciter en mettant le ton et eux aussi adorent jouer aux playmobils.
Dans le cas le plus probable, ils seront plus lucides et plus entreprenants que nous. Il faut dire qu'ils n'ont plus d'autre choix, vu le merdier qu'on a le déshonneur de leur laisser.
...
"Heu, bonjour, c'est moi, le président. Je voulais savoir, heu : pour ma petite pension à vie, c'est toujours ok?"