Super-Mario vs super-Mariolle ?

Le "clown" Beppe Grillo et le "golden-boy" de Goldman-Sachs, Mario Draghi, donnent à la querelle de l'Euro comme un air de Commedia dell'Arte.

Faut-il en rire ou en pleurer ?

Alors que la crise entre dans sa cinquième année, les grands pays sortent les armes du râtelier. Le Japon montre les dents pour répondre à la Chine, qui derrière un sourire énigmatique, construit un arsenal sur la capture de l'industrie mondiale. Les Etats-Unis ne savent plus où ils en sont, pris entre la gabegie monétaire et budgétaire et la volonté de puissance. L'Allemagne profite de la sous-évaluation de l'Euro par rapport à ce qu'aurait été le DMark pour engranger les excédents. L'hostilité des autres membres de l'Union commence à se faire farouche.

Mario Draghi est vanté comme sauveur de l'Euro pour avoir affirmé qu'il lâchera autant d'euros qu'il sera nécessaire pour faire face à toute panique sur la dette. Mais la réalité des pays du sud, dont la France, est une régression économique déflationniste majeure qui casse tous les codes, y compris ceux de la démocratie.

Les milieux traditionnellement pro-européens ou même européistes crient au populisme mais se taisent sur le fond. Ils sont bien obligés de constater que l'Euro, "cela ne marche pas".  Ils n'ont pas de solution.

Les partis anti-système s'en donnent à cœur joie, partout, et spécialement en France,  au point que le Front National, sous la houlette de Marine Le Pen croit pouvoir atteindre 50% aux prochaines élections européennes…

François Hollande, avec sa triple personnalité, un tiers vipère socialiste, un tiers anguille désinvolte, un tiers couleuvre indécrottable, s'enfonce dans le discrédit avec son gouvernement de guignols et sa majorité parlementaire d'excités. Ils ruinent consciencieusement le pays avec une absence de vergogne tout à fait remarquable.

La droite de gouvernement a disparu des radars.

Manuel Barroso est, comme toujours, parfaitement inexistant.  La Commission ne sait plus si elle doit être molle ou dure.

Le FMI est aux abonnés absents, ce qui est normal pour une institution créée pour accompagner des changes fixes et ajustables et qui se retrouve avec un système de changes flottants qui ne lui laisse qu'un rôle subalterne.  

Mme Merkel est obligée de faire profil bas et pourrait bien être la prochaine victime électorale de la crise.

Plus personne n'ose indiquer un chemin de sortie.   

Le vide politique en Europe est désormais évident. Le monde s'ébroue dans un sens pas nécessairement très réjouissant.

La situation commence à pourrir sérieusement avec des risques désormais grands de dérapages irrémédiables. S'ils se réalisent, l'Euro sautera comme un bouchon de champagne. Le retour de la panique n'est pas loin.  Dans ce contexte la France est incroyablement vulnérable, avec un gouvernement dont les motivations et les pratiques sont totalement contraires aux nécessités du moment.

Le constat est facile. Des solutions sont-elles envisageables ?

Mais oui, bien sûr !

En France, on sait que le secteur privé marchand a été tellement réduit qu'il ne peut se reconstituer qu'avec de la patience et du temps. Il faut revenir progressivement sur toutes les dérives commencées en 74 avec la présidence Giscard, accélérées par la présidence Mitterrand et confortées par les présidences Chirac et Sarkozy.  Il faut restaurer un secteur marchand important en le libérant des 15 points de PIB  qui l'ont assommé et rétréci, en mettant fin à trop de gratuité et en dégonflant progressivement un secteur public hypertrophié. Evidemment, on ne le fera pas en injuriant les patrons, en faisant fuir les fortunes et les jeunes énergies par des impositions spoliatrices, et en paralysant la société. Il faut revenir en France à une société socialement équilibrée et qui travaille. Est-ce que le PS est capable de prendre en charge ces nécessités ?

On peut en douter. Mais le chemin d'une amélioration interne de la situation française est parfaitement clair.

En Europe, on sait également de façon parfaite qu'on ne peut mettre en place une zone monétaire unique sans institutions appropriées. Il faut un gouvernement économique de la zone Euro qui ne doit pas fonctionner pas du tout sur les bases de la Communauté de Bruxelles. Il faut à la zone Euro un Chancelier Européen  qui impose les politiques monétaires, financières, budgétaires et sociales qui permettent l'unité de comportement de la zone vis-à-vis de l'extérieur et celles des gouvernements membres dans un sens non déflationniste. La BCE doit dépendre du Chancelier. L'Euroland cessera d'être un zombi sur la scène internationale et pourra proposer autre chose que la déflation aux pays du sud.

Pour le monde, il n'y a pas plus de doute sur l'action prioritaire à mettre en place : il faut supprimer les changes flottants et revenir à une système monétaire international basé :

- sur la parité des nations

- sur la fixité de principe des changes avec des souplesses pour sortir des situations de blocage

- sur le contrôle qu'il n'y a ni déficits ni excédents monstrueux.

- sur un désir de coopération véritable.

Avec ce système, le monde est sorti en 20 ans, avec une forte croissance, de l'endettement provoqué par la guerre de 40.

Dans le seconde où ces trois mesures seront en capacité de se conjuguer, la crise sera terminée.

Et on pourra comprimer les diablotins à ressort pour qu'ils rentrent dans leur boîte.

Si on continue en France, en Europe et dans le monde à faire exactement l'inverse de ce qui est nécessaire, alors les plus grands désordres sont à anticiper, à commencer par l'explosion de la zone Euro. Car il est sûr, comme nous le répétons depuis toujours, que les solutions grecques ne pourront pas s'appliquer à la France, alors que F. Hollande pointe le navire France vers les rochers du cap Sounion.

Le reste suivra. La tendance géopolitique n'est pas à la sérénité.

Ces idées ont-elles une chance de s'imposer ?

"Donnez moi un levier", aurait dit Archimède.

La pédagogie de la crise ne suffit pas.

Le FMI devrait être ce levier.  Et au sein de l'Europe, c'est le couple Franco-Allemand qui devrait être l'axe agissant.

Est-ce que Mme Lagarde est au niveau des nécessités internationales ?

Est-ce que Mme Merkel et M. Hollande peuvent s'élever au niveau des nécessités européennes ?

Est-ce que M. Hollande peut se faire violence à lui-même pour monter sa réflexion et son action à la hauteur de l'urgence française ?

L'UMP aurait pu être un facteur de maturation au moins de la réflexion sur les solutions. Il fallait pour cela qu'elle fasse vite sa rupture avec Nicolas Sarkozy qui manifestement n'avait pas su comment faire. Sa réflexion en est toujours restée aux têtes de chapitre, son action se diluant dans l'insignifiance dès qu'il a fallu passer aux actes. L'arrivée immédiate d'un Fillon comme Président aurait pu permettre cette réorientation en douceur.  Les jeux d'appareil frénétiques de JF Copé ont cassé cette dynamique qui aura bien du mal à repartir.

On voit que la poursuite de la crise tient plus à des interrogations politiques qu'économiques.

En attendant, Super Mario et Super-Mariolle sont dans un bateau. Qui va tomber le premier à l'eau ?

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile

 

Commentaire
stéphane's Gravatar A mon avis, il est déjà trop tard pour la zone euro.

Les divergences de productivité sont telles entre les pays, les blocages politiques si nombreux, qu'on voit mal une union politique qui ferait payer les allemands pour tous les autres.

L'euro est obligé d'exploser il me semble, et plus on va attendre, plus la déflagration dera des dégats.
# Posté par stéphane | 04/03/13 17:36
DD's Gravatar @Stéphane

Il y a encore une semaine la totalité des analyses aussi bien dans la presse que dans les textes des milieux économiques expliquait que la crise de l'Euro était finie.

Il a suffi que l'Italie se rebiffe électoralement pour que l'Euro soit à nouveau perdu.

Nous pensons au Cercle des économistes e-toile que l'Euro reste menacé et l'était avant le vote italien mais que des solutions existent. La disparition de l'Euro ouvrirait une phase de troubles très négatifs qui doit et peut être évitée.

Premier argument : tant que la crise mondiale avec son lot de dettes sans contrepartie réelle n'avait pas explosé, la zone eruo était calme. Elle est victime et non cause de la crise globale de la dette. En revanche sa vulnérabilité en cas de crise a été rendue évidente pour tous.

Second argument : les différences de productivité se sont creusées, mais pas autant qu'on le dit et pas d'une façon irratrapable. C'eet l'Allemagne qui par sa politique mercantiliste a fait marcher la machine à dériver. L'Allemagne peut très bien revenir sur cette politique et rétablir en partie les équilibres perdues. La déflation est cruelle mais elle marche. Une grosse partie du chemin pour revenir dans les clous est fait. Le cas français est évidemment le pire puisqu'on a fait tout l'inverse de ce qu'il fallait faire. Mais on est obligé d'y venir nolens volens.

Troisième argument : si la zone Euro avait le type de gouvernement économique que nous proposons les divergences futures pourraient être gommées et surtout on pourrait s'attaquer au vrai problème : les changes flottants. Une zone d'unité monétaire dans un océan de changes flottants est en difficulté. le retour à un système de changes fixes mais ajustables permettrait de faire face à la crise de la dette par le haut, comme de 50 à 70, sans traumatiser les électorats.

La difficulté n'est pas qu'il est trop tard pour agir mais que les idées et les rapports de force ne soient pas présents.

Si nous restons à ce niveau de renoncement intellectuel et politique, la zone Euro explosera. On peut vous accorder ce point là.
# Posté par DD | 06/03/13 14:52
stéphane's Gravatar Merci de me répondre.

Il me semble que votre raisonnement sur l'euro porte en lui-même sa faille.

Comment prôner des changes fixes mais ajustables pour le monde car tous les pays sont différents, et prétendre que la zone euro peut marcher avec une monnaie unique, cad non ajustable aux différentes disparités de productivités ?

Les transferts ne se feront pas de l'europe du nord vers celle du sud, et la liberté de circulation des capitaux fera qu'ils iront toujours vers le pays le plus productif.

Or, que ce soit historiquement ou politiquement (je pense à notre droit du travail ubuesque) les écarts de productifvité divergeront toujours fortement entre les pays européens (voilà pourquoi on "réglait" le problème par des dévaluations dans les années 50 à 80).

Sauf à inventer un gouvernement unique de pilotage économique, ce qui me semble parfaitement impossible (cf la pac, autre ubu roi), l'euro est donc voué à exploser.

L'europe politique n'est pas possible, c'est un souhait de nos enarques souhaitant toujours plus de pouvoirs, pas un souhait des peuples.

Les USA d'europe sont une absurdité historique : les USA c'est 50 état pour un seul peuple, on ne pourra jamais faire un seul état avec 50 peuples, et bientôt plus encore ...

Car l'histoire économique moderne va vers des communautés d'intérêts toujours plus réduites ...

Petite disgression philosophique : voilà d'ailleurs en quoi Nozick se trompait par rapport à Rohbard et aux libertariens dans son fameux livre "anarchie, état et utopie"...
# Posté par stéphane | 06/03/13 16:04
SD's Gravatar Aucun bien et aucun droit n'existe si une collectivité a la puissance de s'en emparer ou de l'anéantir. Aucun bien ni aucun droit n'existent s'ils ne sont pas protégés. Et cette protection est obligatoirement collective. Aucun bien ou droit individuel n'existe s'il n'existe une force individuelle ou collective suffisante pour la protéger. Individu, force, collectivité forment un trio inséparable.

La liberté suppose automatiquement un pouvoir de domination quelque part, ne serait-ce que pour tenir à distance les ennemis de la liberté.
La sécurité d'un contrat repose toujours sur une force extérieure au contrat.

Un contrat exige toujours un juge. La source du droit applicable du juge est une affaire fort complexe.
# Posté par SD | 06/03/13 20:22
stéphane's Gravatar @ SD :

L'anarcho-capitalisme ne sous entend pas qu'il n'y a plus d'organismes censé faire respecter les droits fondamentaux.

Mais une multitude d'organismes "de sécurité" en concurrence entre eux pour assurer le respect de la liberté, de la justice et des contrats.

Le monde est passé de 50 états en 1950 à plus de 190 aujourd'hui, et le mouvement s'accélère encore.

Bien cordialement,
# Posté par stéphane | 07/03/13 10:25
DD's Gravatar @Stéphane

Oui mais 1500 personnes à elles seules possèdent l'équivalent de 5 fois la valeur ajoutée des entreprises françaises du secteur marchand non financier ! (Fait qui au passage souligne l'absurdité d'avoir fait partir 35.000 familles fortunées hors de France !).


La mondialisation est ce qui a permis de faire des fortunes mondialisées qui transcendent la réduction du champ politique que vous citez.

On ne peut pas mondialiser le champ du privé et réduire le champ du public.

L'idée qu'on puisse laisser les individus mondialement libres d'exercer leur talent dans le cadre de simples normes, avec un dépérissement des structures nationales des Etats à un échelon quasiment municipal n'est pas absurde.

Mais elle n'est pas actuelle.

On retrouve la même utopie que dans l'idée de monnaies privées s'échangeant en fonction de leur valeur acceptée entre partenaires libres à l'échange.

Aujourd'hui les difficultés ne sont pas de cet ordre. Il faut une concertation et une coopération véritables entre puissances. Parceque ces puissances existent et agissent. La France s'est engagée dans une politique suicidaire de socialisme fonctionnaire et fainéant. L'Europe sans direction mais normative, n'existe pas ou uniquement comme paillasson. Les flux non régulés d'hommes, de marchandises et de capitaux désorganisent la vie des nations.

Il faut des écluses et des éclusiers le long du grand fleuve capricieux de la mondialisation. Et une agence de bassin. Ce n'est pas en multipliant les villages et supprimant les états, le long du fleuve, qu'on évitera les inondations et les pénuries catastrophiques.
# Posté par DD | 10/03/13 11:12
von Hartmann's Gravatar Ils n'ont pas de pétrole...et ils n'ont MEME pas d'idées...
# Posté par von Hartmann | 07/07/13 18:35
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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