La France peut-elle redémarrer ? L’empêchement écologique.

Pendant longtemps le genre humain a été présenté comme une ruche industrieuse, où la multiplicité des rôles, des mouvements, des actions illustrait la caractéristique dominante. L’humanité se vit d’échanges, de travail, de mouvement. L’immobilité, c’est la mort. Comme pour les abeilles. Pendant longtemps l’homme a cru que son destin était d’organiser une société plus protégée, plus prospère et plus pimpante. On révérait la nature mais on pensait à l’embellir. Elle offrait des défis que l’on songeait à relever. L’humanité mettait en avant ses grands hommes, c’est-à-dire ceux qui par leur travail ou leur génie, l’avaient fait progresser. Pendant deux siècles, l’homme occidental a fait une percée étonnante et il est parvenu à vaincre bien des maladies, presque partout la misère, tout en créant des villes magnifiques et en portant au sommet bien des formes d’art. Il a même réussi à mettre à bas les régimes totalitaires que la massification, la technologie et la communication avaient rendus possibles et tentants.

Voilà que la volonté de beauté, d’industrie, de bien vivre s’efface au nom d’une prétention scientifique nommée écologie dont le mantra est qu’il faut gazer la ruche, pour sauver la terre.

L’effort millénaire pour rendre la vie humaine plus propre, plus saine, plus belle s’effondre au nom d’une prétention terrible à sauver la terre du réchauffement climatique, considéré comme le fruit de l’industrie et du mouvement, et porteur de catastrophes d’autant plus terrifiantes qu’elles sont réputées presque définitives.

Il faut non seulement calmer l’hubris de l’humanité mais entrer dans une pénitence phénoménale et d’efficacité incertaine. Il ne faut pas changer un peu mais totalement, radicalement. Il ne faut pas s’appauvrir un peu mais radicalement voire totalement.

Toute activité humaine demande de l’énergie. Si on interdit l’accès à l’énergie alors il n’y a plus d’entreprise possible. Toute activité humaine demande de la mobilité. Si on interdit la mobilité, alors il n’y a plus de vie améliorée possible.  Energie et mobilité sont les moteurs de l’humanité qui progresse et qui prospère.

L’alternative est entre deux philosophies de l’action publique.

La première réduit la pollution en améliorant la productivité. La productivité est la capacité de réduire les intrants et les déchets dans un processus de production et de distribution. La production est toujours une transformation. Elle n’est possible que si la matière première est disponible et elle produit toujours des déchets c’est-à-dire des rejets encombrants ou dangereux.  La matière qui devient rare devient cher et les rejets doivent être intégrés dans la chaîne de valeur à leur coût réel (c’est-à-dire au prix de ce qui permet de les rendre supportables dans la durée).  Les prix orientent la demande vers un optimum de satisfaction qui en assure la conformité aux désirs individuels et aux possibilités durables.

La seconde, plus que janséniste, considère que la consommation est un péché contre la nature et qu’il faut sanctionner le consommateur en l’entravant. Qu’importe que l’action entreprise n’a aucun effet mesurable sur le réchauffement climatique, elle est un devoir moral. Bien sûr la pauvreté devenant générale, il faut s’attaquer aux riches pour qu’ils paient tant qu’ils le peuvent. Après on verra. Le Vert est toujours rouge à l’intérieur. La décroissance rapide implique la solidarité dans la pauvreté et une forme de communisme frugal, dans le cadre de phalanstères à imaginer. En attendant il s’agit de donner toujours plus au pauvre qui ne pollue pas par principe et moins aux riches qui tuent la planète. Oublions la contradiction qui n’est qu’apparente : il faut bien prendre le pouvoir. Quand on l’aura, on gazera la ruche et on verra bien.

La difficulté est que la mode est à la seconde philosophie, la plus destructrice de prospérité et d’humanité. Et que l’élection amène de plus en plus de politiciens saisis par le démon du bien fantasmé.

Prenons Paris. Tout le monde l’a compris, pendant les six ans qui viennent, le monde comptera environ 300 villes de la taille de Paris de plus et dans des pays où l’effort écologique est quasi nul. On raserait Paris, pour en faire des herbages et des forêts, que l’effet sur le niveau du réchauffement de la planète serait exactement nul.  La coalition qui dirige la ville depuis 20 ans et pour six nouvelles années détruit la circulation automobile. Elle a converti une bonne partie des automobilistes aux deux- roues motorisés. L’effet sur la pollution a été nul. Elle a interdit des voies en laissant d’autres devenir saturées. Le report de pollution a été acté, pas sa suppression. Maintenant elle passe à la phase suivante : rendre réellement impossible la circulation automobile en tentant de mettre tout le monde à vélo. Aucun calcul n’a été présenté de l’effet sur le réchauffement climatique.

Heureusement, car ce serait une perte de temps. Il est absolument nul. On réduit donc la prospérité, l’activité et le travail de la population pour exactement aucun résultat sinon de rendre fou une bonne partie de la population. Les conséquences sont parfaitement claires : si la mairie arrive à tuer la mobilité automobile, alors l’essentiel de l’activité disparaîtra de Paris (un mouvement qui a commencé et qui s’accélère, la ville ayant déjà perdu près de 500.000 habitants depuis le pic de population et en perdant 30 à 50 mille chaque année. En 2026, après l’interdiction de certains modèles de voitures et les règles drastiques d’isolation des logements, ruineuses, on sera sans doute à moins de 1.800.000 habitants).

Ce qui est vrai pour Paris l’est pour la France entière. Depuis 1980, on constate que le niveau de vie moyen en France a stagné. Aucune croissance en quarante ans. Cette exemplarité devrait nous valoir des résultats formidables. Personne ne les a jamais vus. La stagnation ne suffit pas à faire apparaître quelques résultats que ce soit. Jusqu’à quelle décroissance faudrait-il se laisser aller pour voir poindre un effet mesurable ?

La crise sanitaire nous donne une bonne indication. Une baisse de près de 35% de la production sur six mois  a-t-elle provoqué la promotion de résultats mesurables, au-delà des belles photos de canards revenant sur la place San Marco, ou les photos nettes de bâtiments souvent voilés jusqu’ici par la pollution atmosphérique. La réponse est nette et sans bavures : l’effet a été nul. « Cela ne suffit pas » annonce un article scientifique récent solidement étayé. De même que la destruction de Paris ne suffirait pas, la disparition de toute l’activité française ne suffirait pas non plus à faire bouger les statistiques de réchauffement climatique. Il n’y a pas de niveau de décroissance capable de faire apparaître en France un effet mesurable sur le réchauffement climatique.

La France peut-elle redémarrer ? Nous avons maintenant la réponse. Le redémarrage est impossible si on s’enferme dans l’impasse proposée par les écologistes politiques. On ne mourra même pas guéri. Ne gazons pas la ruche en espérant avoir un miel durable et de meilleure qualité.

Commentaire
Gilles Maleplate's Gravatar Bonjour

je ne suis pas économiste mais je m'interroge moi aussi sur notre capacité à "redémarrer" non pas en opposant écologie et industrie mais sur l'incapacité de la France à identifier et à s'engager sur de nouveaux axes industriels, portés notamment par la transformation écologique.

Mon dada porte sur les éoliennes - un pan industriel servant notre déploiement écologique et durable, créateur d'emplois pour nos cols bleus aurait pu être créé tuot comme cela a été le cas dans les autres grandes nations industrielles mais nous n'avons pas pris le train en marche alors que nous avons tous les savoir-faire nécessaires.

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G. Maleplate
# Posté par Gilles Maleplate | 21/07/20 17:29
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