Deux expériences socialistes très pédagogiques

Le retour des hyperinflations

Dans un monde de changes flottants qui s’internationalise brutalement depuis 1971, certaines expériences font figure de leçons de choses monétaires.

Le Zimbabwe, de tous les pays de l’Afrique australe, est celui qui est sorti de la guerre d’indépendance avec les meilleures chances de prospérité. L’ex-Rhodésie est un pays riche. Salysbury, devenue Harare, sa capitale, est une ville charmante, bien desservie et moderne. L’agriculture est prospère, équilibrée entre production vivrière et productions exportatrices. Elle couvre les besoins alimentaires du pays et peut même participer aux plans mondiaux de fourniture assistée de nourriture. Sa place dans la vente de tabac sur le marché international est importante. Le pays est, malgré les drames de la guerre d’indépendance, comme une sorte de Suisse africaine avec un climat favorable et de très bonnes terres.  Les ressources naturelles sont gigantesques et intéressantes parce que largement inexploitées, en dehors du zinc et de l’or, dont on sort des tonnes chaque année d’un sous-sol prodigue. Robert Mugabe, le dirigeant du parti dominant qui avait guerroyé contre les colonisateurs britanniques, et représente l’ethnie principale, se pose en modéré et dispose dans les milieux de gauche, notamment français, d’une mansuétude tout à fait exceptionnelle.  La transition est bien organisée par la Grande Bretagne, avec une apparence de bonne volonté générale qu’on retrouvera plus tard en Afrique du Sud.

Tout le monde croit un instant que la transition vers une démocratie qui tienne compte de la majorité noire sans rejet de la minorité blanche va bien se passer. Le rêve ne durera pas.

Le « progressiste » Mugabe va se transformer rapidement en tyranneau africain caricatural, riche à milliards et cherchant d’inlassables réélections par la force et les exactions. Tout commence par un génocide atroce, la race minoritaire qui avait fourni sa quote-part du mouvement indépendantiste est décimée. La Corée du Nord fournit, contre rémunération, les cadres techniques militaires de ce génocide. Par intérêt personnel, l’équipe Mugabe se mêle de la guerre au Congo en contrepartie de mines (une mine de zinc lui est offerte à titre personnelle !) et d’argent. Le régime s’attaque ensuite aux Blancs, propriétaires de la majorité des exploitations. On en tue une partie tout en expropriant les autres. Les meilleures terres sont confisquées par la famille de Mugabe et des dirigeants proches. Les milices du Zanu-PF, le parti du président, sont dirigées par un reître répondant au nom évoczteur de « Hitler ». Evidemment tout s’écroule. Les mines ne produisent plus. Les champs deviennent stériles. Entre un quart et un tiers de la population fuit le pays et sa misère pour tenter sa chance ailleurs.  La planche à billets est mise contribution.  L’inflation qui oscillait entre 20 et 50% passe soudain le cap de 100% en 2001. On est à plus de 1000 % en 2006, 66.000 % en 2008 et finalement 80 milliards % en novembre 2008. Le tout forme le plus bel exemple d’hyper inflation depuis celle qui a ravagé l’Allemagne un siècle plus tôt. Les institutions internationales chargées à la fois d’éviter les génocides, d’aider au développement et d’assurer la stabilité monétaire ont été totalement impuissantes.  Le régime vend alors des pans du pays à la Chine, pour maintenir les revenus somptuaires de ses dirigeants. Gorgée de réserves en dollars, grâce aux changes flottants et l’acceptation par la communauté internationale de ses énormes excédents, réserves dont elle craint la volatilité, la dictature communiste Chinoise s’installe et commence à récupérer les richesses du pays, pratiquement sans utiliser aucune main-d’œuvre locale. Le dollar devient la monnaie du pays. Mugabe, devenu un vieillard sénile, sera forcé à la démission lorsque sa femme, beaucoup plus jeune, entendra lui succéder. Ce sera un des responsables du génocide initial qui parviendra au pouvoir.

Retenons les caractéristiques de cette histoire : génocide et crimes contre l’humanité, fausse démocratie et vraie dictature, appel à des dictatures communistes pour installer son pouvoir, épuration ethnique et sociale, corruption absolue, ruine du pays, crise humanitaire, émigration de masse des populations, hyperinflation, et finalement affermage partiel du pays à la Chine pour sauver la fortune des dirigeants. Cette descente aux enfers sera presque totalement occultée par la presse française, jusqu’à un revirement récent, Robert Mugabé trouvant en permanence des soutiens actifs auprès de la presse de gauche, plus soucieuse de stimuler la repentance occidentale vis-à-vis des « victimes de la colonisation blanche, génocidaire et inexcusable » que de faire connaître et condamner les dérives ignobles d’une figure idéalisée du tiers-mondisme africain.

On retrouve exactement les mêmes caractéristiques dans l’évolution de la situation du Venezuela. Le pays est extrêmement riche. Il dispose de réserves pétrolières gigantesques. Son potentiel agricole est excellent, avec des possibilités vivrières pour la consommation locale et des produits d’exportation. La hausse vertigineuse des prix du pétrole après 1973 offre au Venezuela la possibilité d’une prospérité unique.  Après l’élection de Chavez, un ancien dirigeant des mouvements révolutionnaires communistes, le pays se lance dans la construction d’un « socialisme bolivarien » assis sur la rente pétrolière.  Le chavisme détruit progressivement la démocratie et la propriété privée. Il arme des milices. Les entreprises étrangères sont nationalisées. La destruction de la production, le développement de l’insécurité, les exactions répétées du pouvoir, finissent par avoir raison de la prospérité du Venezuela. Chavez a fait appel à la dictature cubaine pour épurer l’armée et en contrôler les rouages de commandement. Les nouvelles entreprises nationalisées sont incapables de maintenir la production. Rapidement tout manque dans un pays où la rente pétrolière permettait naguère de fournir à la population les produits de première nécessité qui n’était pas produit localement. Lors que le cours du pétrole s’effondre, le régime est pris de panique. Chavez décide de s’affranchir de toutes les règles et institutions internationales. Il quitte le FMI et met la banque centrale sous tutelle du gouvernement. La planche à billet commence à tourner à plein régime. Les prix enflent en même temps que les pénuries s’aggravent. A sa mort, le pouvoir passe à son adjoint Maduro qui aggrave tout.  Il met fin de facto à la démocratie en imposant une chambre constitutionnelle dictatoriale, élue dans des conditions telles que les députés pro-régime ne pouvaient être que majoritaires. La misère commence à s’installer en même temps qu’une émigration de masse commence. Plus de deux millions de personnes fuient un pays où la sécurité disparait. La criminalité explose. Les meurtres sont quotidiens. Le gouvernement est aux abois. L’inflation s’installe et s’emballe. Elle tourne à l’hyper inflation à partir de 2017. En 2018, elle atteint un million de pourcent. Les dirigeants « socialistes bolivariens » se tournent vers la Chine qui fournit les dollars nécessaires à la survie du régime, contre pétrole et matières premières.  Contrairement à Mugabe, Maduro décide d’innover en créant à l’été 2018 une « crypto-monnaie », le Petro, dont le prix unitaire est celui d’un baril de pétrole, et un Bolivar dit souverain « basé » sur le Pétro. On en est là, avec une crise humanitaire et une émigration qui déstabilise les pays voisins, notamment le Brésil et la Colombie.

On notera aussi ici le soutien indéfectible des médias socialistes et tiers-mondistes français à cette nouvelle expérience socialiste tragique et criminelle, au point qu’un candidat à l’élection présidentielle française de 1917 crut devoir se déclarer un partisan farouche de la « révolution bolivarienne ».  

Il est vrai que les deux « expériences » socialistes présentent d’autres parentés : même ruine du pays ; même destruction de la démocratie ; même émigration ; même recours aux militaires de dictatures communistes pour mater le pays (Corée du nord ou Chine) ; même hyperinflation ; même recours final à une Chine gorgée de dollars par ses énormes excédents ; même haine des pays occidentaux qui avaient fait la richesse des deux pays ; même impuissance des institutions internationales.

Ces deux histoires sont sordides. En dehors des aspects idéologiques et politiques de ces désastres, une réflexion s’impose sur les conséquences du système monétaire international boiteux qui a été mis en place et l’effondrement des institutions multilatérale mises en place par Roosevelt. L’évolution interne des deux pays est certes dictée principalement par les mouvements politiques qui s’y déroulent et la logique de destruction de l’économie et de la démocratie qui est le propre de ces expériences socialistes radicales, mais le système global, totalement déséquilibré, qui s’est mis en place à partir de 1971, a aussi un rôle. Les deux pays étaient parfaitement insérés dans l’économie mondiale et prospères. Ils étaient membres des institutions internationales. Merveilleusement dotés par la nature pour triompher dans la mondialisation, ils devraient être aujourd’hui des exemples de réussite sociale et économique. L’intégration des populations noires et indiennes et leur promotion sociale auraient été faciles à réaliser dans le cadre des Trente Glorieuses.  

Le fait que le monde soit entré dans un système qui a vu une baisse constante du taux de croissance mondial, le déchaînement de crises périodiques de plus en plus graves et la concentration d’excédents massifs dans certains pays, ont eu des conséquences aggravées dans les pays ayant fait le choix d’un socialisme radical. Les crises ont permis l’arrivée démocratique de partis qui ne l’étaient pas ou ont entraîné les dictateurs à rechercher des moyens de faire face à des pertes qui affectaient directement leur fortune et leur maintien au pouvoir. Les deux hyperinflations surviennent après que le chaos sur la scène internationale se soit installé. La Chine n’aurait pas pu mener sa politique actuelle si on lui avait interdit d’accumuler des excédents monstrueux en dollars.

Logiquement, les pays qui ont réussi à sortir du socialisme ont vu leur niveau de vie augmenter et ceux qui ont été forcés à y entrer se sont retrouvés dans la misère.  

Les institutions multilatérales se sont montrées totalement incapables de juguler l’effondrement démocratique et économique des malheureux pays concernés. L’ONU, la Bird, le FMI, le Tribunal Pénal international ont été aux abonnés absents.

Les deux exemples cités sont aussi symptomatiques d’une double faillite du système monétaire international et de du multilatéralisme. Ces deux drames méritent mieux qu’une simple dénonciation de dirigeants-voyous et de leur idéologie délétère. Une économie mondiale mieux organisée et une action internationale plus ferme, excluant de ses instances les nations tentées par ces expériences et interdisant à ses membres tout commerce et aides financières, auraient permis de sauver du drame humanitaire généralisé que l’on constate les populations civiles sacrifiées.

Commentaire
Micromegas's Gravatar Ces deux hyperinflations sont des verrues sur le nez de la mondialisation déséquilibrée en même temps que l'effondrement des pays concernés laissés aux mains de voyous est la marque du triomphe de l'absence de volonté des occidentaux.
# Posté par Micromegas | 29/08/18 09:05
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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