Les changes à nouveau en folie.

L'idée centrale qui fonde l'essentiel des thèses de ce blog n'est pas difficile à comprendre : les grands déséquilibres de balances commerciales et de paiements, dans un monde où les Etats ont pris une part de lion dans l'économie et où la monnaie est imprimée à volonté par les dits Etats et n'obtient son pouvoir libératoire que par les Etats, provoquent des crises financières d'autant plus difficiles à maîtriser que les déséquilibres sont plus grands.

Tout système qui limite le plus structurellement possible les grands déséquilibres est bon. Ceux qui les aggravent sont mauvais.

Le système des changes flottants mis en place, par force, lorsque les Etats-Unis ont voulu se débarrasser des contraintes des Accords de Bretton-Woods, qui pourtant étaient déjà déséquilibrés en leur faveur, ne marche pas, n'a jamais marché et ne marchera jamais.

Le système de monnaie unique, si rien n'est fait pour ajuster les déséquilibres internes, ne marche pas, n'a jamais marché et ne marchera jamais.  

S'agissant de relations entre Etats souverains et puissants, qui peuvent être tentés  de tordre les relations économiques et monétaires à leurs avantages réels ou supposés, les accords diplomatiques mous et les belles déclarations d'amour à la stabilité ne peuvent pas être efficaces. Il faut créer des systèmes institutionnels solides avec des correctifs puissants.

Au sein de la zone Euro, comme nous avons essayé de le montrer dans nos articles précédents, il faut un chancelier de la zone Euro, dont le travail est de mesurer, prévenir, et corriger les déséquilibres internes et externes.

Les accords de Bretton Woods étaient de bons accords, car il forçait les Etats à respecter la valeur réciproque des monnaies. Certes ils étaient imposés par une puissance dominante qui les appliquait à son avantage mais ils imposaient une discipline structurelle et des principes, ainsi qu'un maître chien : le FMI, et un porteur de carotte, la BIRD.

Les principes de base étaient d'une grande simplicité :

- Tout le monde gagnera à l'extension des échanges internationaux.

- Il faut donc permettre à tous d'accéder à ces échanges, ce qui impose qu'on puisse les financer avec des moyens de paiements reconnus.

- Les monnaies étant nationales et gouvernées par les Etats, les Etats ont une responsabilité vis-à-vis des tiers lors d'un échange international.

- Les produits doivent s'échanger contre des produits pour ne pas créer de distorsions graves des marchés du travail et permettre à la loi des débouchés de fonctionner ; cet échange doit être les plus équilibré possible.  

- Si une crise intervient qui met en cause la crédibilité d'une monnaie, la collectivité se saisit de la question, pour permettre au pays en cause de revenir à l'équilibre et maintenir son accès au commerce international, sans entraîner les autres dans ses difficultés.

- L'objet direct de l'intervention collective est d'empêcher des mécanismes contagieux de déflation de s'enclencher.

- L'aide du FMI est certes coercitive, pour éviter les défauts à répétition, mais son but reste positif : stopper des phénomènes récessifs cumulatifs.

Le système est à la fois structurellement coopératif et largement auto régulé, puisque chaque pays a la responsabilité de surveiller ses balances extérieures.  

La double organisation des changes flottants dans le monde et de la monnaie unique sans organisation de pilotage en Europe, a signé le retour de la déflation comme moyen d'ajustement des déséquilibres, donc du chômage de masse et des dettes incontrôlables.

Au début de l'année 2015, tout le monde glorifiait "l'alignement des planètes", la conjonction miraculeuse d'un Euro très dévalué et d'un prix du pétrole en chute libre "grâce au gaz de schiste américain". Nous écrivions : attention le commerce international est à zéro ; la baisse du pétrole n'est qu'un détail des baisses massives qui touchent toutes les matières premières.

Les chiffres connus signalent que le commerce international a finalement baissé de près de 4% en 2014. Depuis l'été 2008, il est à l'arrêt et n'a un peu remué que lorsque la Chine, inquiète de voir le dollar se déprécier et son stock de devises et de placements en dollars perdre de la valeur, a converti sa monnaie en "valeurs réelles", c'est à dire acheté un peu n'importe quoi à travers le monde. De même, les remontées du terrain montraient qu'en France le commerce de détail était à l'arrêt et dans une situation pire qu'en 2009. L'Insee vient de confirmer que le PIB y a connu une croissance zéro au second trimestre 2015.

Aujourd'hui on mesure avec la dévaluation soudaine du Yuan que la Chine, qui avait promis de rétablir progressivement une valeur de sa monnaie plus compatible avec l'équilibre des échanges mondiaux, ne pouvait pas supporter la baisse totalement extravagante de l'Euro et celle du Yen, tout en suivant la hausse du dollar.

Tout le monde voit les avantages d'une dévaluation pour soi même. Personne ne voit les inconvénients. Gare aux réactions des autres et aux effets négatifs d'une dévaluation en interne, rarement signalés.

Ils sont pourtant massifs.

L'Europe, pour installer l'Euro dans le concert des nations, a voulu, pendant deux décennies, imiter la politique allemande de la Buba et avoir un Euro fort. Il a été trop fort trop longtemps et a ruiné une partie de l'économie européenne qui a été transférée en Chine et en Inde. Il est brutalement dévalué passant de 1.40 à 1.10, soit une chute de plus de 20%. Quelle est la conséquence immédiate ? Tous les importateurs sont obligés de répercuter une hausse de coûts immédiate de même ampleur et tous les distributeurs, c'est-à-dire le grand commerce et les boutiques, prennent un coup de ciseau effroyable. Ils ne peuvent pas répercuter la hausse des produits qu'ils vendent ni leur substituer une production locale car cette dernière a été purement et simplement éliminée pendant 20 ans. Alors on voit les grands magasins parisiens perdre leur marge et accumuler des pertes de plus en plus lourdes et de grandes chaînes de diffusion faire faillite ou s'en approcher. La consommation freine également brutalement.

Paradoxalement, la stagnation du secteur marchand en France au second trimestre est l'effet direct de la…dévaluation massive de l'Euro.

La Chine ne trouve plus de débouchés en Europe et voit ses exportations s'effondrer. La croissance ralentit fortement. Les pays qui exportaient en Chine, comme l'Allemagne sont touchés. La bourse de Shanghaï, gonflée par les masses de liquidités inemployées accumulées en Chine, s'effondre, le décalage entre économie réelle et financière devenant trop important. En même temps la déflation générale sur les marchés de matières premières déséquilibrait le marché du gaz de schiste aux Etats-Unis avec ces presque 600 milliards de dettes, fragilisait tous les pays dépendants du pétrole et déstabilisait un peu plus les marchés financiers. L'agriculture, notamment en France, qui est de plus en plus une industrie d'exportation (ou sensible aux importations, ce qui revient au même), se retrouvait aussi à découvert comme le montre le marché du porc.  

On ne pouvait pas démontrer plus radicalement que la croissance n'est possible que dans le respect des grands équilibres. Faute d'un système cohérent, globalement admis et surveillé, les échanges internationaux dans une ambiance de liberté sans limite des mouvements de capitaux, de marchandises et de personnes, deviennent incontrôlables.

Cette leçon n'est évidemment présentée nulle part. Et particulièrement pas dans la presse française, ce qui est dommage. Le comble du ridicule est à trouver dans la presse anglo-saxonne qui s'émerveille des dévaluations successives du Yuan, preuve, selon elle, que la Chine va enfin entrer de plein pied dans le flottement des monnaies dirigé par la spéculation internationale et les banques américaines.  

Ah ! Enfin un flottement total et général ! La joie profonde, l'extase de la finance "moderne".

Débloquons, débloquons !

Et bien oui, on débloque. Et on bloque à nouveau la croissance, seule moyen de sortir de la crise de surendettement global qui paralyse le monde et qui a été la conséquence directe du système des changes flottants par le mécanisme de la double pyramide de dettes détaillée par Jacques Rueff en son temps, et dénoncé à nouveau par Maurice Allais à la fin du siècle dernier. Ils nous manquent ces deux là ! .

On fait enfourner du sucre à un diabétique, en lui criant : formidable ; encore ! Et on s 'étonne que les vaisseaux craquent et que des amputations suivent.  

Heureuse période ; période des imbéciles heureux.

Si vous avez entendu un seul homme politique, au gouvernement ou dans l'opposition, faire cette analyse en France, vous avez gagné le grand prix des acouphènes.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Commentaire
Jon's Gravatar Pas de politique en effet, mais pour une fois un article sur Nixon et les changes fixes/flottants dans l'hebdomadaire "Marianne" du vendredi 14 août qui reprend beaucoup vos thèses.
# Posté par Jon | 15/08/15 14:17
DvD's Gravatar Les anglo-saxons - et les américains en particulier compte tenu du rôle d'instrument de réserve mondiale du $ - n'ont toujours pas compris que le flottement des devises autour du $ (si on peut appeler "flottement" les tombereaux de manipulation officielle, maintenant ouvertement admis) conduit les Etats-Unis à prendre à leur compte plus que leur quote-part des déséquilibres commerciaux mondiaux via le creusement de leur déficit de balance courante et la hausse de leur endettement. Il n'est donc pas tout à fait exact de considérer le déficit courant américain comme un "déficit sans pleurs" réglable par simple émission monétaire satisfaisant ainsi la demande mondiale de réserves en $. Il peut sembler en être ainsi uniquement tant que les Etats-Unis n'ont pas saturé leur capacité d'endettement. Or, à 360% de dette sur PIB, leur capacité d'endettement est saturée depuis 2007. La politique ultra-accommodante de la Fed ces derniers 7 ans n'a pas permis le moindre désendettement relatif. 44 ans après la décision de Nixon, il apparait maintenant clairement que l'intérêt des Etats-Unis est d'abandonner le rôle international du $ et les changes flottants, sauf à envisager une évolution de leur dette vers des niveaux critiques. A cet égard, le relatif désengouement pour les candidats de l'establishement (Clinton, Bush) et la percée relative des candidats anti-establishement (Sanders, Trump) dans la campagne électorale américaine me semble significative.

Quant à l'Angleterre, son déficit de balance courante est en plein dérapage et elle va bientôt devoir choisir entre faire fortement baisser la £ où entrer en récession. Plus ça change...
# Posté par DvD | 15/08/15 21:54
S du Jonchay's Gravatar A ce tableau parfaitement exact et rationnel des conséquences du chaos monétaire, il faut ajouter qu'à la différence des années trente, la guerre des dévaluations ne se fait plus par rapport à l'or mais uniquement dans le rapport de la rentabilité du travail à la rentabilité du capital. Pour dissimuler que la double pyramide des dettes n'est plus soutenable par l'économie réelle mondiale, le non système de la non régulation des changes et des monnaies s'emploie à stimuler la rentabilité nominale du capital financier afin de doper le prix financier des actifs réels sur lesquels s'adossent les dettes.

Techniquement, les banques centrales émettent de la liquidité sans contrepartie réelle qui vient mécaniquement enfler le prix des actifs financiers indépendamment de leur rentabilité réelle en croissance de la consommation et en croissance du capital productif. Comme en dehors d'une croissance réelle, la hausse du prix du capital financier ne peut se justifier que par un meilleur rendement du capital en coût du travail, le système fait pression sur les salaires et les dépenses publiques d'assurance du niveau de vie des personnes pour simuler une croissance de la rentabilité du capital. Le déséquilibre entre offre et demande réelles devient abyssal ce qui signifie que l'endettement réel croît toujours derrière l'apparence financière de l'égalité entre actif et passif mondial.

Le système détruit son socle de réalité en niant la déconnexion évidente et manifeste des dettes comptabilisées par rapport à la valeur actuelle réelle du capital productif de consommation humaine véritable. Le régime d'anarchie monétaire ne voit pas que la monnaie et la comptabilisation des dettes ne signifient rien pour l'avenir si les humains qui produisent n'ont aucune assurance d'améliorer leur vie collective par leur travail et leurs échanges.
# Posté par S du Jonchay | 16/08/15 11:31
S du Jonchay's Gravatar "L'idée centrale qui fonde l'essentiel des thèses de ce blog n'est pas difficile à comprendre : les grands déséquilibres de balances commerciales et de paiements, dans un monde où les Etats ont pris une part de lion dans l'économie et où la monnaie est imprimée à volonté par les dits Etats et n'obtient son pouvoir libératoire que par les Etats, provoquent des crises financières d'autant plus difficiles à maîtriser que les déséquilibres sont plus grands."

Ce propos est vrai si l'on s'en tient aux apparences juridiques et financières. Mais dans un régime de "libre échange", de non visibilité publique de la circulation comptable du capital et de "marché" des changes totalement privé, les Etats n'ont plus de substance dans le fonctionnement économique réel. La réalité économique publique appartient exclusivement aux banques centrales "indépendantes" qui matérialisent par la monnaie la puissance publique dans le fonctionnement économique. La représentation de la production présente et future par une monnaie nominalement publique mais réellement privée exclut la Loi et l'intérêt général du calcul économique. La fonction de représentation publique commune de la Loi et de la volonté collective par les Etats est radicalement inopérante.

Les "Etats" ne sont plus que des machines à produire du discours libéral dont la finalité est de masquer ou maquiller tout lien entre la rationalisation économique de la réalité et le calcul financier en monnaie nominale. La crise grecque illustre parfaitement cette virtualisation de la fonction étatique : les réalités économiques sont radicalement occultées par un discours politique incantatoire destiné à simuler une responsabilité politique publique qui n'a plus aucune consistance. Les "Etats" n'ayant plus aucune vue directe sur leurs bases fiscales ne sont que les porte-parole des intérêts particuliers extra-étatiques qui disposent des contreparties économiques réelles de l'émission monétaire.

Evidemment, il faut un chancelier de l'euro pour piloter la politique monétaire par les contreparties économiques réelles à l'échelle de la zone. Mais un tel rétablissement de la rationalité monétaire dans la réalité économique n'aura aucun effet si la réalité des Etats n'est pas restaurée par une fiscalité de la circulation monétaire du capital. Si le capital et les revenus du capital ne sont pas taxables en fonction des coûts collectifs du travail qui rendent le capital productif et rentable, alors le système financier comptabilise des dettes et la liquidité des dettes sans s'inquiéter du travail des débiteurs par quoi le capital aura la rentabilité réelle suffisante pour générer les remboursements.

Un chancelier de l'euro signifie un Etat européen assureur du travail par des lois et des recettes fiscales. Assurer le travail pour assurer la liquidité des crédits en euro signifie un marché des changes, du capital et des paiements totalement contrôlé par une puissance publique financièrement indépendante des intérêts particuliers, privés et locaux. Un Etat européen ou une société financière d'Etats européens signifient des institutions politiques exécutives, législatives et judiciaires autofinancées par l'impôt sur les personnes physiques résidant dans la zone euro. Et la fonction du chancelier de l'euro sera de garantir l'application des principes européens de fiscalisation des revenus ainsi que la répartition des recettes en fonction du lieu de résidence des personnes et de l'autorité politique locale, nationale ou européenne mobilisée dans la régulation de l'appareil productif.
# Posté par S du Jonchay | 16/08/15 18:23
stéphane's Gravatar @ Mr du Jonchay :

"les états n'ont plus de substances dans le fonctionnement économique réel"

=> avec 48 % d'imposition par rapport au PIB, mais 80 % par rapport au pib marchand, avec un état repésentant 60 % du PIB , vous avez sûrement chaussés des lunettes noires pour ne pas voir de substance de l'état dans l'économie réelle.

"les états ne sont plus que des machines à produire du discours libéral"

=> l'état est un concept, ce sont les hommes politiques qui produisent des discours. Et il est évident que le discours libéral a complétement disparu du paysage politique français depuis Madelin en 2002.

Tous les hommes politiqes français sont anti libéraux, l'état produit 800 lois par an, prends 60 % de la richesse totale et produirait ainsi un discours libéral ?

Vous ne savez pas ce que c'est que le libéralisme.

Pour votre proposition d'établir une taxe Tobin, svp lisez Mr Tobin lui-même pour comprendre que c'est une absurdité.

Dans le monde, on ne souffre pas de trop peu d'état ou de taxes, mais l'inverse !!

"assurer le travail pour assurer la liquidité des crédits eu euros" cela ne veut strictement rien dire.

Pour réguler l'appareil productif, il faut déréguler à tout va, cad sortir les états des marchés.

comme disait Reagan qui expliquait ce que c'est que l'interventionnisme étatique en économie :

" Si ça bouge, tu taxes ! Si ça bouge encore, tu taxes encore ! Si ça ne bouge plus, tu subventionnes/réglementes/régules".

Quant au fait que l'état serait impuissant sur sa base fiscale, vous n'habitez manifestement pas en France ..
# Posté par stéphane | 17/08/15 10:55
S du Jonchay's Gravatar @Stéphane,

Je crois que nous sommes tout à fait d'accord. L’État tel que nous le connaissons désormais n'est qu'un pur concept sans substance. Il n'y a plus personne à l'intérieur des institutions publiques pour juger et apprécier la réalité économique à partir des lois qui lient les citoyens, les travailleurs, les entrepreneurs et les consommateurs par des échanges réels et vrais. L’État n'est plus qu'une entité comptable à l'intérieur du système financier qui effectivement pompe des impôts et des taxes sur les contribuables qui lui sont inféodés par l'intermédiaire des comptes de dépôt dématérialisés qui ne peuvent pas fuir dans les paradis fiscaux.

Les 60% du PIB français absorbés dans les "dépenses publiques" servent financièrement à gager la garantie en capital bancaire que l'état français représente pour les banques françaises et concrètement à verser des indemnités à tous les inactifs du système pour qu'ils ne se révoltent pas ni ne détruisent les actifs réels que les "non-résidents" possèdent sur le territoire français. Effectivement l'état français est une machine à traduire en règlements les directives de Bruxelles. Ces règlements ne s'appliquent qu'à l'économie productive qui n'en a pas besoin et pas à l'économie financière qui comptabilise des dettes et des actifs fictifs au bénéfice des "travailleurs" du chiffre qui brassent du vent spéculatif. Les politiques français sont effectivement anti-libéraux pour s'adresser à leurs concitoyens mais parfaitement libéraux pour financer leurs campagnes électorales et leurs clientèles auprès des marchés financiers exemptés de toute loi et de tout contrôle d'un quelconque État de citoyenneté.

J'ai omis de préciser que je parlais de "libéral" au sens anglo-saxon du terme qui n'a pas grand chose à voir avec le libéral en français. En anglais qui est la langue de notre monde globalisé, "liberal" signifie exempté de la loi des sociétés humaines. Le libéral anglo-saxon a sa propre morale ou pas de morale du tout ; il n'a donc aucun compte à rendre à la société de sa conduite et de ses décisions. Les politiques français sont libéraux en se dispensant de s'engager personnellement dans ce qu'ils disent et en ne rendant pas de compte exact à leurs concitoyens de ce qu'ils savent et font.

La taxe Tobin est une absurdité du point de vue libéral anglais mais une absolue nécessité du point de vue du vrai libéral français. Le libéralisme français issu des Lumières ne se conçoit pas sans loi délibérée par une société constituée en État. La taxation financière des flux monétaires internationaux réhabilitée par Tobin est le seul moyen de garantir internationalement un ordre de légalité étatique des contrats internationaux.

Garantir la légalité internationale des paiements, c'est concrètement constituer des réserves de change inter-étatiques et non bancaires pour gager toutes les dettes internationales par la régulation financière des États. La taxe Tobin doit alimenter les réserves de change des États proportionnellement au risque de crédit que leurs ressortissants font courir à la stabilité financière et monétaire du monde.
# Posté par S du Jonchay | 17/08/15 12:57
stéphane's Gravatar "liberal" veut dire socialiste juste pour les américains, je connais bien le sens du mot.

Une taxe n'a aucune absolue nécessité pour un libéral, c'est même à bannir, car il n'y a pas consentement par le vote, comme un vrai impôt.

La taxe tobin a juste pour but de ralentir les échanges en flux de capitaux, elle n'a jamais eu pour but et n'aura jamais pour but de garantir les réserves de change des états, jamasi personne ne l'a revendiquer pour cela, et elle en serait bien incapable.

Vous voulez tarir lespyramides de crédits et empécher les banques centrales de faire n'importe quoi ? Enlever la monnaie de la gestion étatique !!

Aucun rapport entre la légalité internationale des paiements/légalité des contrats et les réserves de change, confusion de votre part.

enfin :

" Le libéralisme français issu des Lumières ne se conçoit pas sans loi délibérée par une société constituée en État"

Phrase qui ne veut rien dire, une loi délibérée ??? une société peut se constituer sans état, la notion d'état nation est toute récente. Pas de différence entre le libéralisme français et le libéralisme tout court, il n'y a qu'un seul libéralisme.
# Posté par stéphane | 17/08/15 15:32
DvD's Gravatar Dans la pratique, les taux de change librement flottants sans intervention officielle dans un cadre de libre circulation mondiale des biens et des capitaux me semble peu réaliste. Il est en effet bien trop tentant pour un pays de prendre un avantage compétitif sur un "partenaire" commercial en s'arrimant à sa devise à un niveau sous-évalué pour développer un excédent commercial sur celui-ci et de continuellement réinvestir le dit excédent en "réserve de change", c'est à dire en actifs libellés dans la devise du "partenaire" afin de maintenir celle-ci surévaluée par rapport à sa propre devise et de perpétuer ainsi l'excèdent commercial indéfiniment. C'est bien ce mécanisme qui créé la double hélice de crédit en gonflant tout à la fois la masse monétaire et in fine l'endettement du pays excédentaire et du pays déficitaire. Certains pays comme le Japon au début des années 1980 et la Chine à partir du milieu des années 1990 ont même érigé ce système en modèle de développement économique. Leur véritable avantage comparatif (au sens de la théorie des coûts comparés dans le cadre d'échanges commerciaux internationaux) et leur croissance ayant eu bizarrement tendance à s'éroder et leur dette à exploser dès que leur devise s'appréciait. Une part importante de leur avantage compétitif reposait en fait sur un arbitrage de taux de change. Il me semble donc inévitable que, pour éviter ce type de comportements "anti-libéral" et laisser les véritables avantages comparatifs se dégager dans des conditions de balances commerciales proches de l'équilibre, un système de taux change conjointement négociés autour d'un étalon neutre (pas forcément l'or) doive être mis en place.

S'agissant de la base fiscale des Etats, il me semble en effet difficile d'équilibrer un système commercial international dès lors que beaucoup de chaînes de valeur transitent artificiellement par des juridictions fiscalement préférentielles. Par exemple, la filiale américaine d'un groupe multinational va faire peu de bénéfices imposables car elle va payer une redevance pour l'utilisation de la marque ou d'une licence ou d'un brevet à une filiale située en Irlande ou au Luxembourg par exemple. La filiale irlandaise ou luxembourgeoise va ainsi servir de réceptacle aux profits de la multinationale qui subiront ainsi une faible imposition. Par "artificiellement", je veux dire que la multinationale en question a typiquement un volume d'affaires dérisoire en Irlande ou au Luxembourg par rapport à ce qu'elle a aux Etats-Unis. Un tel arbitrage fiscal ne peut que provoquer une fuite dans le système par rapport à une situation où la base fiscale serait localisée dans le pays où a lieu l'activité économique. Il y a là une difficulté à résoudre.

S'agissant de la création monétaire par les banques centrales "qui font n'importe quoi", c'est tout à fait vrai mais il faut simplement observer que, depuis 2008, les banques centrales n'ont fait que se substituer aux banques privées dans le n'importe quoi. Ce n'est pas tant l'émetteur - étatique ou privé - de monnaie qui importe en réalité, c'est plutôt le volume d'émission globalement très excédentaire par rapport aux besoins d'expansion de la production dans la stabilité des prix ainsi que son caractère erratique qui fait alterner périodes de forte expansion et périodes de contraction du crédit, entrainant une instabilité dommageable de l'économie réelle.
# Posté par DvD | 18/08/15 22:44
stéphane's Gravatar @ DVD :

Sur le premier point, nous sommes bien d'accord, sans monnaie déconnectée des gouvernements (comme l'or) les changes flottants sont impossibles.

Les reponsables de la manipulation sont les gouvernements, ce sont donc eux qui créent de l'instabilité.

Sur le second point, c'est une très bonne chose, au contraire, que les multinationales puissent jouer sur leurs bases d'imposition en fonction des pays où elles résident.

Si on ne peut voter avec ses pieds, alors 1984 n'est pas loin, qui empéchera la furie fiscale des gouvernements ?

Le responsable, ici encore, ce sont bien les gouvernements, qui en voulant imposer à tort et çà travers, même des personnes morales (qui ne votent pas) pour financer leurs démagogies électoralistes, jouent contre la croissance et le bien êtree de tout le monde.

Sur le troisième point, qui permet les réserves fractionnaires si ce n'est les banques centrales, cad les gouvernements ?

Qui a tout fait pour concentrer l'industrie bancaire sans se soucier de la concurrence et des risques systémiques si ce n'est les gouvernements (pour y placer ensuite les copains) ?

Permettant ainsi aux banques d'être virtuellement insolvables, de faire n'importe quoi, et de financer les dettes des états pour leur démagogie électoraliste tout en créant des bulles de crédit seules responsables, car entrainant une mauvaise allocation du capital, des crises économiques ?

Les états /gouvernements, ce n'est pas la solution, ce sont eux le problème (REAGAN).

Comment peut-on demander aux responsables des problèmes de les résoudre alors qu'ils en vivent ???

"Dieu se rit desgens qui se plaignent des conséquences dont ils chérissent les causes" Bossuet.
# Posté par stéphane | 19/08/15 17:58
DvD's Gravatar Merci pour la citation de Bossuet que je ne connaissais pas. Tellement juste et si joliment formulé ! Il suffit de voir en France comment les prétendus défenseurs des modestes gens sont ceux là mêmes qui les réduisent au chômage, à la précarité et à la misère ; comment les prétendus défenseurs du secteur public sont ceux là mêmes qui le conduise à la déliquescence ; comment les prétendus défenseurs du pouvoir d'achat sont ceux là mêmes qui font baisser le revenu par habitant ; comment les prétendus défenseurs de la justice sociale sont ceux là même qui organisent des transferts de valeur du secteur productif vers le secteur peu ou pas productif.

Sur les taux de change, je reprends votre argument : il est peu réaliste de demander aux gouvernements de s'abstenir volontairement d'intervenir sur les taux de change quand leur intervention permet précisément d'obtenir des transferts de valeur en leur faveur, en faveur de leur pays (voir la Chine depuis son accession à l'OMC en 2001) et, à l'intérieur du pays, en faveur des secteurs privilégiés. Dans un système comprenant plus d'une centaine de pays, ce serait naïf de compter sur la bonne volonté et l'inclinaison libérale de tous les gouvernements présents et futurs. Ce n'est pas le lieu ici de parler longuement de l'or mais c'est un actif aussi connecté aux gouvernements que les autres (sinon plus), et ce depuis des lustres : les Romains trafiquaient déjà le contenu en métaux précieux de leurs pièces de monnaie il y a 2000 ans. Le plus important me semble-t-il est que le but recherché est bien le même : la théorie des changes librement flottants prédisaient précisément, sous certaines conditions qui n'ont pas été vérifiées dans la pratique, que le marché ajusterait les taux de change à des niveaux équilibrant les balances courantes en évitant ainsi de faire porter le poids des ajustements exclusivement sur la production et les prix internes, y compris les salaires ou sur le chômage en l'absence de flexibilité des salaires. C'est aussi le but d'un système de taux de change fixes mais ajustables négociés et conjointement administrés. Quel que soit le système retenu, il est clair que l'instrument de réserve mondiale ne peut pas aussi être la devise nationale d'un pays participant. L'or ne me semble pas être l'étalon idéal car sa disponibilité est ou peut être sujette à des fluctuations importantes.

Sur la question de l'arbitrage fiscal, je comprends votre argument pour une certaine compétition fiscale entre pays comme contre-pouvoir aux tentations de tyrannie fiscale domestique entraînant des contractions économiques indésirables. Par ailleurs, je n'ai aucune illusion sur le fait que les hommes politiques du monde entier font eux-mêmes excellent usage des juridictions fiscalement préférentielles (il arrive même parfois qu'un ministre du budget se fasse prendre...). Simplement, s'il est facile aux marques et aux brevets de voter avec leurs pieds (précisément parce qu'ils n'en ont pas), le manque à gagner fiscal se répercute sur ceux - très nombreux - qui précisément ne peuvent pas quitter leur pays quand bien même ils le souhaiteraient (c'est déjà une minorité) pour des raisons professionnelles, familiales ou simplement de langues. En pratique, les particuliers et le tissu de petites et très petites entreprises d'un pays doivent, pour une très large part, être considérés comme "captifs" de leur gouvernement national, pour le meilleur ou pour le pire. Une multinationale jugeant tel marché national attractif du point de vue de la demande pour ses biens et services doit y localiser les profits issus de cette activité. Bien sûr, il n'est pas possible pour les multinationales d'avoir des centres de recherche ou des usines de production ou d'autres actifs dans tous les pays dans lesquels elles vendent mais l'arbitrage fiscal massif qui s'est développé dans l'entrelacs des prix de transferts internationaux finit par poser problème. Je maintiens qu'il y a là une difficulté à résoudre, certes pas facile. Peut être Monsieur Dufau a-t-il des idées et suggestions à ce sujet ?

Sur la création monétaire, il est exact qu'aujourd'hui la pratique des réserves fractionnaires est autorisée et régulée par les banques centrales avec force réglementations qui avantagent en effet les emprunts d'Etat et qui ont par ailleurs démontré leur parfaite inutilité il y a 7 ans. Ce qui ne veut pas dire que les réserves fractionnaires aient besoin de la moindre autorisation étatique pour exister. En fait, historiquement, la pratique des réserves fractionnaires précède l'existence des banques centrales. Aujourd'hui encore une banque commerciale pourrait très bien pratiquer les réserves fractionnaires même si aucune banque centrale n'existait. Il suffirait pour cela que les dirigeants de la banque décident que le surcroît de profit que la banque générerait en faisant baisser un peu ses réserves pour y substituer des prêts portant intérêt rémunèrerait plus qu'adéquatement le petit risque incrémental d'illiquidité pris par la banque (ce qui est en général le cas, soit dit en passant). Autrement dit, les réserves fractionnaires peuvent très facilement exister sur un marché bancaire totalement libre où les intervenants cherchent à maximiser leurs profits. C'est d'ailleurs bien ainsi qu'elles ont commencé historiquement. Je maintiens donc que ce n'est pas tant l'émetteur - étatique ou privé - de la monnaie qui importe mais les modalités d'émission et de gestion de la monnaie.
# Posté par DvD | 21/08/15 07:31
stéphane's Gravatar @ Dvd :

Je suis un fan de citations :-)

Sur les 2 premiers points, tout à fait d'accord, même si la compétition fiscale entre état serait favorables aux individus si les états n'étaient pas si étendus.

Voilà pourquoi d'ailleurs je suis favorable (philosophiquement aussi, je suis libertarien) à l'augmentation continue du nombre des états (de 50 en 1950, nous dépassons les 200 aujourd'hui) et leur pettie taille, afin de favoriser la protection des individus par la concurrence entre états et la vote avec les pieds.

Comme toujours, ce qui protége les consommateurs, les salariés, les citoyens, c'est la concurrence des producteurs !! (Milton Friedman dans "Free to choose")

Sur le 3 ième point, dans une économie un peu plus libérale et capitaliste, ce ne serait pas les dirigeants des banques qui choissiraient de faire des réserves fractionnaires, mais les actionnaires en assemblée générale, et ceux-ci, bien informés, limiteraient le pouvoir de leurs dirigeants et ces pratiques.
# Posté par stéphane | 21/08/15 13:19
DvD's Gravatar Sur le troisième point, vous avez parfaitement raison mais il faut noter que, historiquement, les réserves fractionnaires précédent aussi l'existence des sociétés publiques (au sens de côtées en bourse, c'est à dire détenues par le public avec donc séparation des actionnaires et des dirigeants) et des sociétés à responsabilité limitée. C'est à dire que les réserves fractionnaires ont été initialement mises en œuvre par des dirigeants bancaires non seulement actionnaires mais aussi responsables sur leurs biens personnels. Des fortunes considérables en résultèrent mais aussi pas mal de faillites retentissantes. Dans la période récente, on peut en effet penser que, compte tenu des risques démontrés par l'expérience récente et en l'absence d'une attente de secours de l'Etat en cas de problèmes, les actionnaires des banques seraient probablement assez vigilants sur ce sujet. Il est d'ailleurs intéressant de noter que certaines banques privées suisses, qui sont parmi les dernières banques au monde détenues par leurs dirigeants responsables sur leurs biens personnels, sont uniquement des banques de dépôts gérant les avoirs de leurs clients pour le compte et au risque des clients et ne sont pas des banques de prêts ou des banques d'investissement pour compte propre. Elles sont ainsi assez proches du modèle de système bancaire imaginé par Maurice Allais dans ses propositions de réforme monétaire.
# Posté par DvD | 22/08/15 14:54
Le Tuff's Gravatar "Voilà pourquoi d'ailleurs je suis favorable (philosophiquement aussi, je suis libertarien) à l'augmentation continue du nombre des états (de 50 en 1950, nous dépassons les 200 aujourd'hui) et leur pettie taille, afin de favoriser la protection des individus par la concurrence entre états et la vote avec les pieds."

Des Etats de plus en plus petits sont de moins en moins capables d'action et de réaction. A l'extérieur; il suffit qu'il reste un gros pour que cela se passe mal. A l'intérieur, tous les Etats centralisés sont nés de la nécessité de mettre fin aux querelles de petits seigneurs de la guerre. L'effondrement des Etats centralisés entraînent aussitôt le retour aux bagarres de clans. Voir la Lybie, la Syrie, pour des exemples récents. Les gens qui votent avec leurs pieds sont les centaines de milliers de migrants chassés par ces guerres civiles. Ils traversent des petits pays qui n'y peuvent rien. Ils votent avec leurs pieds. Sauf qu'il ne s'agit pas d'un vote mais d'une fuite éperdue vers des cieux plus propices. Les habitants des petits pays ne veulent pas de ces arrivants et ils les font passer le plus vite possible dans le pays d'à côté. L'Italie et la Grèce comme la France en appellent à une "superstructure" pour règler la question des migrants. "C'est une affaire européenne". Ou alors on remet en place les frontières, ce qui veut dire un Etat contraignant. La "dégénérescence de l'Etat" n'est pas pour tout de suite, n'en déplaise aux libertariens comme aux anarchistes.

"Comme toujours, ce qui protége les consommateurs, les salariés, les citoyens, c'est la concurrence des producteurs !! (Milton Friedman dans "Free to choose")"

La tendance du capitalisme moderne est de crééer des monopoles. Microsoft a le monopole des systèmes de PC et de la bureautique. Google a le monopole de la recherche sponsorisée sur le WEB. Ebay a le monopole des enchères. Facebook a le monopole de la gestion du narcissisme. Amazon a le monopole de la vente en ligne. Twitter a le monopole du cui cui. Youtube a le monopole de la video en ligne. Etc. Celui qui prend le leadership crée un écosystème qui le protège et empêche les autres d'entrer. A chaque fois se posent des questions de droits qui ne peuvent être réglées que par les Etats sans parler de celle de la collecte des impôts.

La lutte contre les monopôles est une fonction d'Etat et aujourd'hui, mondialisation oblige, une grave question d'organisation internationale, d'autant plus difficile à résodure qu'il y a plus de petits Etats prêts à tout pour vendre leur trahison des objectifs globaux.
# Posté par Le Tuff | 24/08/15 11:16
Micromegas's Gravatar "Comme en dehors d'une croissance réelle, la hausse du prix du capital financier ne peut se justifier que par un meilleur rendement du capital en coût du travail, le système fait pression sur les salaires et les dépenses publiques d'assurance du niveau de vie des personnes pour simuler une croissance de la rentabilité du capital."

Il faudrait un peu expliquer. La déconnection entre capital et travail est complète dès lors que l'économie réelle est à 100 et la masse des dettes de toutes natures à 400. D'accord pour souligner l'apparence trompeuse d'une égalité comptable entre dettes et valeurs des actifs financés par ces dettes. Les promesses de payer sont toujours égales aux espoirs de remboursement. Mais aucun remboursement ne peut se faire à partir de l'économie réelle sans croissance rapide, incompatible avec une baisse radicale des salaires. En France les salaires sont en forte hausse (2-3% avec une croissance des prix nulle, c'est très élevé), les entreprises préférant renforcer leurs équipes sur les marchés résistants plutôt qu'investir et recruter à bas prix sur des marchés potentiels. Personne n'a jamais théorisé qu'on pouvait sauver le capital financier, hors réalité, en ruinant le travail, sauf erreur de ma part. Vous recherchez des intentions là où on pourrait plutôt voir des fuites en avant dans la panique et des défauts graves d'organisation des flux financiers financiers. En revanche on ne connait que trop ceux qui pensent qu'en ruinant le capital, on s'en sortirait facilement.
# Posté par Micromegas | 24/08/15 17:05
S du Jonchay's Gravatar @Micromégas
Nos analyses se mordent la queue si nous ne disons pas que le capital est toujours du travail passé accumulé en même temps que l'anticipation du prix du travail engagé et promis sur le futur. Comme le raisonnement économique ne parvient plus à s'intégrer au temps et à la durée, on ne comprend pas le biais radical introduit dans l'équilibre économique par la survalorisation du travail passé dans le capital prêté et la sous-valorisation du travail futur dans le capital emprunté. On voit bien que cette manipulation cognitive est très favorable au rendement nominal apparent instantané présent du capital emprunté et on veut ignorer que le pouvoir d'achat nécessaire à la consommation de la production effective s'en trouve irrémédiablement insuffisant pour que les dettes soient remboursables. L'économie véritable que la finance libérale méconnaît est tout autant affaire d'objectivité réelle que de subjectivité politique.
# Posté par S du Jonchay | 24/08/15 18:45
Micromegas's Gravatar Je vois les mots s'ajouter aux mots dans une farandole serpentine du plus bel effet, mais vous ne répondez pas aux objections présentées.
# Posté par Micromegas | 25/08/15 14:43
DvD's Gravatar Sur le paragraphe de Monsieur du Jonchay cité par Micromegas, il semble qu'au cours des 2-3 dernières années l'arbitrage salarial au détriment de la majorité des employés des pays développés ait un peu diminué. Peut être parce que la baisse des taux d'intérêt ainsi que la baisse du prix de l'électricité et de certaines matières premières et biens industriels intermédiaires ont permis de soutenir la rentabilité des actifs à risque des pays développés au moment où les perspectives de rendement pour les investissements dans les pays émergents étaient revues en baisse. Ceci a permis de relâcher un peu la pression sur le coût du travail dans les pays développés.

Cette situation ne peut hélas être que temporaire et touche maintenant à sa fin pour trois raisons. Premièrement, les coûts industriels ont déjà beaucoup baissé et les taux d'intérêts sont nuls dans les pays développés et ne peuvent guère aller plus bas même s'ils peuvent - et vont probablement - rester nuls aussi longtemps que les banques centrales pourront tenir (cf. Japon). Deuxièmement, le prix de marché des actifs risqués s'est apprécié plus que proportionnellement à l'amélioration de la rentabilité réelle de ces actifs et cette divergence - due en bonne partie à des effets de levier, c'est à dire à de l'endettement spéculatif - ne peut plus aller tellement plus loin. La pression sur les entreprises pour délivrer la croissance de profits correspondant à leur valorisation est donc en forte augmentation. Les économies sur les matières premières et les frais financiers ainsi que les rachats d'actions financés par dette ayant déjà été activés, la pression se reporte donc vers les coûts opérationnels, dont les salaires. Troisièmement, après les dévaluations importantes de ces 3-4 dernières années, la rentabilité des investissements dans les pays émergents aux nouveaux prix d'entrée actuels s'est améliorée.

La pression salariale dans les pays développés va donc reprendre sous peu, d'autant que le sous-emploi reste très important même dans les pays où le chômage a optiquement baissé (les US par exemple), sans parler de la France qui a continué de détruire 200.000 emplois par an même durant la phase haute du cycle mondial (qui vient de s'achever, nous sommes maintenant dans la phase de ralentissement). Prise isolément, chaque entreprise ne va faire que son devoir fiduciaire, c'est à dire essayer de délivrer la meilleure rentabilité possible à partir de sa base d'actifs tangibles et intangibles en rémunérant ses facteurs de production au prix du marché ou au prix minimum légal pour les salaires si celui-ci est supérieur au prix du marché. Collectivement, en revanche, cela risque bien d'éroder la demande finale dans un monde qui n'en a déjà pas assez. L'écart entre la valeur du capital mondial et la masse salariale mondiale permettant de lui acheter sa production risque en effet d'être trop important et de se résoudre par un ajustement déflationniste. A cet égard, aucun progrès n'a été accompli depuis 2008. Normal, puisque aucun responsable n'a cherché à accomplir le moindre progrès. Ils se sont tentés de gagner du temps en mettant les taux d'intérêt à 0%. Le temps a maintenant passé et revoilà le même problème à l'identique 8 ans plus tard.
# Posté par DvD | 26/08/15 07:17
S du Jonchay's Gravatar @Micromégas,
"Personne n'a jamais théorisé qu'on pouvait sauver le capital financier, hors réalité, en ruinant le travail, sauf erreur de ma part. Vous recherchez des intentions là où on pourrait plutôt voir des fuites en avant dans la panique et des défauts graves d'organisation des flux financiers financiers. En revanche on ne connait que trop ceux qui pensent qu'en ruinant le capital, on s'en sortirait facilement. "

Le problème financier de l'économisme actuel n'est pas qu'il ruine intentionnellement le travail pour stimuler le rendement comptable du capital mais qu'il ne pose pas le travail comme moteur et mobile de la production réelle. Le travail est à la fois un facteur de production et la raison de la consommation par la distribution du revenu sur les facteurs de production et les objets de consommation. On ne travaille pas seulement pour produire mais pour se donner le pouvoir d'acheter ce qu'on consomme en motivation de ce qu'on produit.

Dans le système actuel d'économie libérale mécanique, on suppose toujours que l'offre crée sa propre demande. On suppose que tout le passif des États et des entreprises est par définition la demande intégrale de l'évaluation qu'on a faite du prix de tous les actifs en exploitation. Le raisonnement exclusivement quantitatif en unité de compte monétaire abstraite élude l'analyse qualitative des passifs sociaux. Le passif est justement la représentation du "pour qui" et du "pour quoi" on travaille activement.

Au passif d'une entreprise, il y a deux types de propriétaire : ceux du capital et ceux des créances. Les propriétaires du capital cherchent des objets à produire dont le prix de vente en monnaie soit supérieur au prix de production en monnaie. Les propriétaires actifs du capital s'attachent à la rémunération de leur travail de calcul des prix possibles dans le futur. Les propriétaires des créances attendent qu'on leur livre leur quote-part des productions de l'entreprise au prix exact promis par la société engagée. Parmi ces créanciers, il y a toutes les personnes physiques vendeuses de travail dont l'agrégation est l'origine du chiffre d'affaires par quoi le prix du travail sera réglé au prix convenu entre la personne physique et la personne morale.

La financiarisation de l'économie et la libéralisation de la finance par exonération des lois politiques de l'économie réelle de production par le travail, induit une dissimulation du "pour qui" et du "pour quoi" dans le "combien" de capital à terme en plus ou en moins. Le raisonnement financier abstrait de la loi des personnes tourne ainsi sur sa matière monétaire à l'abri de toute justification par la réalité objectivement demandée. Les propriétaires du capital décident du prix de ce qu'ils vont vendre, y compris des titres de capital qui sont l'actualisation des bénéfices attendus. Pour assurer quantitativement les bénéfices dans le capital nominal, le niveau d'endettement est calculé pour procurer en même temps le levier de rentabilité financière, le prix de vente actualisé de la valeur ajoutée anticipée à l'actif et par différence, le prix nominal du capital émis.

Depuis la libéralisation financière des années quatre-vingts, les banques et les marchés financiers supra-nationaux sont libres d'accorder du crédit aux objets indépendamment des personnes. Les objets sont donc rentables par le seul fait que le "marché" leur accorde du crédit indépendemment de toute politique et de toute loi des personnes. Comme les prix des marchés financiers déterminés par le crédit bancaire supra-national sont la seule référence de l'équilibre général des prix passifs dus, aux prix actifs anticipés, les banques centrales n'ont plus d'autre option que de faire gonfler leur propre bilan pour racheter les passifs financiers au prix dicté par la finance absolue.

Les Etats de droit constitués par des sociétés de personnes physiques délibérant de leurs droits et de leurs obligations ne sont plus concrètement actionnaires des banques centrales. En finance libérale, les banques centrales n'ont pas pour fonction de gager la monnaie par l'inscription des contrats de dette en monnaie dans la loi des sociétés politiques. Seul compte l'égalité des passifs bancaires aux actifs bancaires par quoi les déposants et épargnants sont rassurés sur leur pouvoir d'achat nominal hors de leur travail et de leurs revenus réels. La politique de la distribution des revenus aux personnes n'est plus la trame de la politique du crédit. La rémunération du travail répondant aux besoins des personnes n'est plus le critère de capitalisation de la masse monétaire.

L'explosion de l'endettement par rapport à l'économie réelle du travail effectivement productif est mécanique dans un régime de non-politique du crédit et de la monnaie. Pour simuler la rentabilité du capital financier, il faut que la dette croisse plus vite que le prix du travail effectivement réalisé dans la consommation réelle. Mais pour que les gens réels ne se rendent pas compte de la sous-évaluation de leur travail dans ce qu'ils consomment, sous-évaluation comptablement accumulée par la capitalisation financière de la dette, l'unification du marché financier au-dessus des États divisés et concurrents interdit la consolidation mondiale de tous les passifs financiers par les actifs réels objectifs. La banque "off shore" logée dans les paradis fiscaux sert à "inventer" des actifs par les "prêts" que les banques et Etats officiels comptabilisent sur le non-Droit.

Le résultat de la financiarisation libérale du capital est la multiplication des pays, des entreprises et des personnes physiques explicitement et massivement insolvables. Les personnes continuent de travailler pour consommer mais sans possibilité d'obtenir de leur travail présent et futur le prix de ce que la mécanique libérale de l'endettement leur permet de demander. Comme la liquidation des entreprises n'est pas suffisante pour recrédibiliser le solde des dettes déclarées remboursables, le système fait pression sur les sociétés politiques pour qu'elles renient leurs obligations morales à l'égard des personnes économiquement faibles. Les capacités personnelles individuelles et collectives de travail n'augmentent plus ou se détruisent. La source du capital et de l'accumulation du capital se tarit. Le revenu réel par personne est actuellement en moyenne décroissant à l'échelle du monde.
# Posté par S du Jonchay | 26/08/15 14:10
DD's Gravatar Dans une économie baudruche où les obligations de payer excèdent la production, la valeur n'est plus gagée ni sur le travail ni sur aucun flux de production d'une façon générale. La crise n'est pas dans l'économie réelle, mais dans la masse de dettes en suspension au dessus. La grande question est de savoir comment on aboutit à une telle masse en suspension. On peut parler de capitalisme libéral, mais cela n'a pas grand sens dans un système dominé aussi massivement par les États. Mieux vaut chercher les sources de fuite dans la loi des débouchés. Les énormes déséquilibres interétatiques dans les balances de paiement sont, à notre avis, cette source. S'agissant de montants macroéconomiques d'Etat, la qualification de "capitalisme libéral" parait oiseuse.

Nous préférons parler d'organisation défaillante. Cette organisation n'ayant, de plus, rien de spontané ni rien de pensé, nous préférons parler de défaillance intellectuelle inter-étatique basée sur l'intérêt national mal compris de certains grands états.

C'est un blocage dans le rapport de force, notamment des Etats-unis vis à vis du reste du monde, qui produit une situation non souhaitée et non souhaitable.

Rappelons que le droit international interdit les grands déséquilibres (voir le traité de la Havane, les statuts du FMI et même les accords de la Jamaïque, qui prévoyaient, rappelons-le, qu'on devait revenir assez vite aux changes fixes et régulés).

Nous sommes dans une situation de viol du droit et des règles internationales par voies de fait. Pas dans une forme de capitalisme libéral ou quoi que soit de ce genre.
# Posté par DD | 26/08/15 18:03
S du Jonchay's Gravatar @DD,
Quel qualificatif vous paraît le plus approprié à un système où la loi élaborée et appliquée dans les Etats n'a aucune prise sur les parités de change, ni sur les politiques de crédit des banques, ni donc sur le financement des balances des paiements des États et des zones monétaires, ni sur les politiques de capitalisation du risque de crédit de tout emprunteur domestique ou non résident, personne morale ou personne physique ? Quelle loi, quelle politique et quelle régulation appliquerait un chancelier de l'euro sur les banques et les Etats de la zone ? Selon quels critères, ce chancelier fixerait les limites de déficit budgétaire et d'endettement publics ainsi que les obligations de couverture en capital bancaire du risque souverain ?
# Posté par S du Jonchay | 26/08/15 20:05
DD's Gravatar Le guide, dans cette affaire, est le même en cas de changes flottants, de monnaie unique ou de changes fixes mais ajustables. Si, entre deux espaces ouverts, mais gérés de façon disjointe, un écart de balance de paiement devient massif et durable, il importe d'agir sur tous les leviers nécessaires, chez l'un comme chez l'autre pour revenir vers des zones d'équilibres raisonnables. Pourquoi ? Parce qu'en système de création monétaire sans aucun coût, que ce soit de monnaie de crédit ou de monnaie banque centrale, l'argent qui s'accumule chez le créditeur n'a rapidement plus de contreparties réelles et sert à des replacements qui alimentent des doubles hélices de crédits et gonflent des bulles. La bulle immobilière espagnole a été alimentée par les excédents allemands qui ont, de la même façon alimenté la bulle immobilière américaine. Deux systèmes différents mais deux excédents majeurs et durables et deux bulles explosives.

L'ajustement peut-il se faire seulement par les marchés ? En régime de monnaie unique le seul moyen est la déflation compétitive dans le pays déficitaire jusqu'au rétablissement d'une compétitivité suffisante. Mais les Etats tentent d'éviter cela. En général par la dette. Si la bulle immobilière crève, l'Etat intervient aussi par la dette. Donc cela ne marche pas ou au milieu d'énormes difficultés.

En régime de changes flottants, les déséquilibrent sont auto amplificateur et les bulles montent à de tels niveaux que les explosions sont désastreuses.

En régime de changes fixes mais ajustables, le change sert de fusible mais accompagné de mesures complémentaires pour éviter une fuite en avant dans la dévaluation.

Le système de changes fixes et ajustables par accord avec surveillant général puissant est le meilleur, surtout si les acteurs sont à parité de droits et de devoirs.

Dans un système de changes flottants avec liberté absolue des mouvements de capitaux, il n'y a pas d'autres solutions que la crise qui permet d'évacuer avec un coût spocial désastreux les déséquilibres qui se sont accumulées dans de faux "avoirs", en fait des promesses de payer basées sur rien.

Dans un système de monnaie unique, la coordination est indispensable pour empêcher et prévenir les dérapages, sachant que le coordinateur, ce que nous appelons le Chanceller, peut utiliser TOUS les moyens rééquilibrer en poussant le pays excédentaire à une relance des coûts salariaux et en évitant que les flux de capitaux n'aggravent les choses par les mille et un moyens que l'on connait pour se faire.

Le système le pire est d'avoir une monnaie unique sans coordination structurelle dans le second bloc économique mondial et une monnaie flottante sans aucune coordinattion dans le premier pays commercial qui gère l'essentiel des réserves du monde.

Un tel système provoque la situation où nous sommes. Notons que rien n'a été fait pour corriger si faiblement que se peut ces deux systèmes contradictoires dans les principes et incompatibles dans les faits.

Gardons à l'esprit que le but final est toujours d'éviter de réduire des désajustements par la déflation et de viser le plein emploi.
# Posté par DD | 26/08/15 22:08
S du Jonchay's Gravatar @DD,
Absolument d'accord avec vous sur le but à atteindre et sur le principe des changes fixes et ajustables avec un surveillant général. Le chancelier de l'euro sera donc le surveillant général dans une zone euro dotée d'un système de parités ajustables entre les États membres.

Je suppose que ce que nous appelons "parités fixes ajustables" est un système de différenciation économique des États par la monnaie tel que les prix des mêmes choses puissent être différents d'un État à l'autre en fonction d'une norme d'équilibre de la balance des paiements, donc de l'endettement, entre les États. Je suppose que ce que nous appelons "État" est une société vivant sur un territoire défini avec des lois communes mises en œuvres et arbitrées par un même gouvernement dans une politique unique. Nous pouvons déduire de ces notions de "parité de change" et "d’État" que la zone euro serait mutée d'espace de monnaie unique en espace de change unique ou la politique de chaque État aurait un prix économique exprimé dans le fait par exemple que tous les Français paieraient plus chers leur BMW qu'aujourd'hui et tous les Allemands paieraient moins cher qu'aujourd'hui les fromages français. Cette dévaluation de l'euro français par rapport à l'euro allemand serait bien sûr provisoire et consensuelle au sein du système de l'euro afin que les Français se désendettent vis-à-vis des Allemands en travaillant plus et en vendant plus aux Allemands.

Si nous convenons qu'un chancelier de la zone euro aurait pour mission de superviser la mise en œuvre d'une politique de changes fixes et ajustables entre les États membres, politique qui intégrerait bien entendu des autorisations de déficit budgétaire contraint, de déficit contraint des paiements courants, et d'endettement public et domestique global limité en pourcentage du PIB, nous faisons face à trois questions :
1) quels sont les outils attribués au chancelier pour forcer les États à tenir les engagements qu'ils auront négociés et adoptés par leurs lois et institutions propres ?
2) comment définit-on les pouvoirs spécifiques du chancelier qui ne peuvent plus être ceux des États et les pouvoirs spécifiques des États que le chancelier ne peut pas rogner ?
3) quelles sont les limites du système monétaire de l'euro qui donnent son autonomie à la politique financière et monétaire de la zone et qui permettent à la zone de maximiser ses échanges avec l'extérieur sans excès de dette dans un sens ou dans l'autre ?

En pratique, on imagine que le chancelier devrait avoir une vue propre, indépendante des États et des banques, sur les flux financiers entre les États et entre l'extérieur et l'intérieur de la zone. Comme il faudrait que cette vue soit réaliste, on imagine que le chancelier soit en prise directe sur tout le Système Européen des Banques Centrales et sur la compensation interbancaire en euro mise en œuvre par la BCE. Pour que toute la réalité économique et juridique soit accessible au chancelier, il faudrait que l'euro soit la seule monnaie utilisable entre ressortissants de la gouvernance monétaire commune, donc que la conversion de l'euro dans une autre monnaie soit impossible sans passer par le SEBC et par la compensation BCE. Est-il concevable qu'un chancelier de l'euro ne soit pas maître du marché des changes de l'euro par une loi qui accorde au chancelier de l'euro le monopole de la liquidité des prêts et emprunts en euro à des non-résidents ? Remarquons que le monopole public fédéral des changes est le régime monétaire du yuan chinois par quoi l’État chinois a une politique de change et de crédit international qui agit sur l'endettement intérieur et extérieur de la Chine.

A l'exemple de la Chine, faudrait-il que la zone euro se transforme en empire sans garantie de liberté individuelle et sociale pour que le chancelier de l'euro joue son rôle de stabilisation financière et monétaire, intérieur et extérieur ? Le chancelier de l'euro serait-il président du parti financier européen dictant une politique commune à des institutions démocratiques nationales ontologiquement irresponsables des équilibres financiers ? L'équilibre intérieur et extérieur des dettes en euro est-il incompatible avec les principes européens de consentement à l'impôt, d'égalité d'obligation de contribution et de surveillance de la légalité des dépenses publiques par l'ensemble du corps électoral ? Le chancelier aurait-il un pouvoir monétaire et financier efficient sans un budget propre et des ressources propres lui permettant d'assurer contre des chocs exogènes les États qui tiennent leurs engagements financiers ?

Est-il possible de penser une coordination des politiques monétaires et financières dans la zone euro sans penser à un État des Européens de l'euro ? Un État qui rende possible l'action commune sur des intérêts financiers communs par une loi commune discutable et contrôlable par une communauté politique qui serait plus que la juxtaposition des États-nations déjà existant ? Si le marché des changes de l'euro devient un service financier public commun d'un État de droit financier commun aux États membres de l'euro, alors la société multinationale de la zone dispose d'un instrument collectif de régulation de l'endettement inter-étatique et interbancaire. Techniquement, les primes de change et les primes de crédit (CDS) négociées par les banques pour garantir les crédits internationaux entre États et banques seraient mutées en taxes financières versées au Trésor Public Européen pour assurer le crédit des États et des banques de l'Eurozone.

Le Trésor Public de l'Euro dirigé par le chancelier de l'euro serait une caisse mutuelle d'assurance étatique confédérale. Le seul risque couvert par le TPE serait le surendettement des États et des banques résultant des lois politiques et de leur interprétation économique par les gouvernements et les banques garanties de fait ou de droit sur les ressources fiscales. La seule dépense possible du TPE est l'indemnisation des créanciers et déposants d'un emprunteur public ou bancaire en euro mis en défaut par le chancelier européen pour non respect de ses engagements financiers selon la législation financière commune. Le chancelier est élu au suffrage universel des citoyens de la zone euro sur un programme de change intérieur et extérieur dont la finalité est le remboursement intégral de toute dette compensée en euro par le marché commun public des changes. Le chancelier propose une politique de change par laquelle chaque paiement est taxé à proportion du risque de crédit que représente l’État garant par sa juridiction des crédits déposés sous sa souveraineté.

Par la compensation en euro, tout paiement se rattache à un État de droit garant en dernier ressort de tous les débiteurs en euro domiciliés sous sa souveraineté. Les États membres de l'euro sont domiciliés en tant que débiteurs dans la souveraineté confédérale. Chaque État de droit est affecté par le TPE d'un taux de taxation de tous les paiements crédités dans sa juridiction. Le produit fiscal d'un paiement intra-national va au trésor national. Le produit fiscal d'un paiement inter-étatique va au TPE. Ainsi pour résorber les faillites étatiques à l'intérieur de l'euro actuel faudrait-il une taxation confédérale faible pour les paiements effectués à partir de l'Allemagne, plus forte à partir de la France et maximale pour la Grèce ou Chypre. Les ressources fiscales capitalisées par le TPE sont affectées à la garantie financière de programmes d'investissement communautaire dans la croissance et la convergence sociale et juridique des économies de la Zone.

Logiquement, la modération de l'endettement selon l'économie réelle est un système de contrôle des flux de capitaux et des parités de change entre des zones monétaires distinctes et entre les Etats partageant une même unité de compte. Techniquement, la raison d'être des parités de change et des primes de change est l'équilibrage des dettes internationales en fonction du développement économique réel différent des zones monétaires. L'intérêt à la croissance économique dans la stabilité des prix et du crédit est-il particulier, privé et nationaliste ou général, public et universel ? Les lois de l'économie des prix, de la production, du crédit et du capital constituent-elles une mécanique ou sont-elles convenues par les sociétés politiques ?

Si l'euro n'est pas seulement un système d'économie financière mais une société politique d'intérêts communs, si un chancelier de l'euro et un TPE permettraient assurément de stabiliser le système, quelles lois par quelle politique le chancelier doit-il appliquer pour diriger le système de l'euro vers sa finalité politique ? Qu'est-ce que la liberté politique en économie et la liberté économique en politique ? Si les gouvernements nationaux de la zone euro s'obstinent à ne pas poser la question de l'économie politique de la liberté, ils sont sûrs de ramener la guerre civile qui fera disparaître la monnaie unique. Si par contre, un parlement de l'euro est institué pour formuler les lois communes du crédit de la société européenne, et pour apprécier par le différentiel de taux de fiscalité financière confédérale la contribution de chaque souveraineté au crédit commun, alors un débat scientifique, juridique et moral peut se construire sur le financement politique multinational de l'économie dans la monnaie.
# Posté par S du Jonchay | 27/08/15 14:48
DD's Gravatar " Qu'est-ce que la liberté politique en économie et la liberté économique en politique ?"

A la suite de l'expérience éprouvante du socialisme matinée de façon plus ou moins grave de nationalisme, dont le génie est toujours de nuire à quelqu'un à l'intérieur ou à l'extérieur, la liberté des mouvements de marchandises, de personnes et de capitaux est apparue comme une bénédiction. C'est d'ailleurs une bénédiction. Pourquoi toujours vouloir tout entraver ?

La liberté d'aller et venir, de contracter, au civil comme au commercial, dans le privé comme dans le public, est un bien sacré.

Aujourd'hui l'islamisme s'ajoute au reliquat du socialisme mort pour pousser à une résurgence des frontières, des barrières, des blocages, des limites, des freins, des contraintes, pendant qu'à l'intérieur l'hyperfiscalité prive le citoyen de ses droits fondamentaux.

Que veut l'islamisme ? L'exaltation de la violence qui entrave avec la glorification du crime de masse. Avec la sujétion de l'économie.
Que faisait le socialisme ? L'exaltation de la violence qui entrave avec la glorification d'une violence sociale sans limite qui a causé la mort de dizaines de millions de personnes. Avec la sujétion de l'économie.

Le libre échange est l'antidote. Le libre contrat est la matrice de toutes les libertés.

Une monnaie non manipulée et bien gérée qui permet d'arbitrer les échanges n'est pas apolitique. Elle est le fondement du droit, le coeur d'une société libre. C'est un bien commun. Il n'y a aucune raison qu'une monnaie ne puisse être le bien commun à plusieurs nations pourvu qu'elles s'organisent à cette fin sur des bases coopératives, non biaisées et non politisées.

L'absence de coopération et d'organes spécialisés à cette fin tuent les libertés fondamentales.

L'apparition "d'expériences" politiques d'oppression fiscale ou de destruction politique du contrat tue la monnaie. Mais une monnaie non gérée et défendue par panique peut pousser à l'oppression fiscale et à la destruction politique du contrat social.

La question mute alors dans cette autre : que faire si une entité détruit par passion politique les libertés publiques et économiques ? Ou plus exactement que doivent faire les autres ?

La réponse classique : on contient par les armes et on négocie sur une base de troc. Il n'y a plus de monnaie. Car la monnaie suppose la liberté.

La réponse de Milton Friedman a été différente : faite ce que vous voulez et vous verrez ce que vous valez sur le marché des devises. On commerce quand même. Mais au prix du marché. Si vous n'êtes plus rien, libre à vous. La monnaie ne suppose plus la liberté. C'est ce qui reste quand toutes les contradictions de tout genre ont développé leurs effets.

La réponse de l'Europe de l'Euro a été plus radicale. Il n'y aura plus de divergence ni d'expérience politique contraire aux libertés économiques fondamentales. Qui voudra s'échapper de cette règle passera à la moulinette.

La sagesse des accords de Bretton-Woods a été de dire : il y a un monde libre. Organisons le sur la base des libertés mais gardons des souplesses pour que les exépriences politiques sauvages ou les sottises puissent être digérées sans tout remettre en cause.

La seule action rapide qui peut être mise en oeuvre actuellement dans le monde est le retour à une système de changes coordonnés et surveillées par une organe ad hoc. C'est absolument la seule.

En veillant à la parité des droits et des devoirs de l'organisation, et en refusant que la monnaie de référence soit une monnie nationale.

Dans un tel cadre, la zone Euro pourra être moins hagarde et frénétique, et peser moins sur les nations qui composent l'Euro, pourvu qu'elle même se dote de pouvoirs de coordination. Cela implique que le pouvoir politique de chaque pays est bridé dans la mesure où il remet en cause les libertés économiques, ou qu'il triche vis à vis des autres.

La solution de l'explosion de la zone Euro avec retour avec des monnaies flottantes partout n'apportera aucune solution dans la durée. Les exériences politiciennes de rupture qui redeviendraient possibles n'apporteront aucune solution.

La monnaie n'est pas le sang des Dieux, comme les Egyptiens anciens le disaient de l'or. Mais c'est le sang des libertés. Et il n'y a pas de monnaie utile dans l'anarchie, qu'elle soit politique ou financière. Les contraintes de la monnaie sont celles des libertés : la responsabilité se construit et s'organise pour que les libertés soient un chemin de grâce.





.
# Posté par DD | 28/08/15 11:02
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

Association loi 1901

  
BlogCFC was created by Raymond Camden. This blog is running version 5.9.002. Contact Blog Owner