Place de l'économie dans les élections présidentielles

Beaucoup de commentateurs dans la presse et dans la littérature de débats, se plaignent de la place prise par l'économie dans le débat public. Ils ont forgé le terme d'économisme pour définir ce qu'ils voient comme une maladie du débat démocratique. La vie est tellement plus "complexe et riche" que ce qu'en laisse voir l'économie…

Nous contestons ce triomphe de l'économisme.

Discutant récemment avec un ancien journaliste économique du Monde, il est clairement apparu que le journalisme économique a largement disparu de la presse quotidienne. Il y avait au Monde, naguère, de fortes plumes économiques. "Paul Fabra en savait autant que n'importe lequel de nos ministres des finances". Ce qui est exact. Si on regarde le Monde actuel, il n'y a plus aucun journaliste de cette culture économique. Au Figaro il reste JP Robin. Le Point conserve Delhommais. Et c'est tout. La télévision a fait monter Lenglet, qui porte une parole économique éclairée, mais sinon se contente d'invités.

En s'interrogeant sur cette évolution, le rôle néfaste du Cercle des Économistes, pas le Cercle des économistes e-toile, non, celui qui a pris le nom générique de façon un tant soit peu abusive, est vite apparu. Ce Cercle a réussi à imposer l'idée que seuls des universitaires à gros diplômes (au moins l'agrégation) avaient le droit de causer dans le poste ou d'écrire dans les colonnes. Du coup on a cessé de recruter des journalistes économiques de qualité dans la presse.

L'ennui, c'est que pour pouvoir pontifier dans la durée, Messieurs les professeurs ne pouvaient pas prendre de risques réels. Ils ont essentiellement conforté, rassuré, éteint les inquiétudes, etc. À nous les beaux et lucratifs "ménages" dans les banques, les médias, les conférences ad hoc etc. L'ennui, c'est qu'ils n'ont absolument rien vu venir d'une crise que certains d'entre eux ont niée jusqu'après qu'elle se soit déclenchée. Les économistes, dans l'esprit public, ont perdu toute crédibilité.

Alors les banques n'invitent plus d'économistes "officiels", généralement universitaires, lors de leurs raouts et si certains médias le font encore, personne ne les écoute.

La crise a presque liquidé les faux prêtres économiques de l'entre-soi universitaire.

D'une certaine façon, c'est bien. Un coup de balai nettoie toujours un peu.

L'ennui, c'est que plus personne ne croit plus que l'économie soit une science et qu'elle ait quelque chose à nous dire de notre avenir national. Alors que la stagnation du pouvoir d'achat alliée à la montée de la dette, des impôts et du chômage frappe durement les Français.

Les politiques sont spontanément très hésitants à parler d'économie. La plupart d'entre eux n'y comprennent rien. Aucun ne souhaite s'exprimer sur des sujets où il n'y a que des coups à prendre. Constatons qu'aucun d'entre eux n'a donné ne serait-ce qu'un début d'explication crédible de l'effondrement de 2008, ses mécanismes et les manières d'éviter que les mêmes causes provoquent les mêmes résultats désastreux.

Les Ministres des Finances sont en général des politiques (Barouin ou Lagarde pour Sarkozy ; Moscovici ou Sapin pour Hollande) dont les compétences économiques sont à peu près inexistantes. La politique est conduite par le Trésor, dans ce qui reste de responsabilité gouvernementale. Tout le reste se passe ailleurs.

L'Universitaire, qui avait pris une place abusive, étant déconsidéré, les médias vidés de journalistes compétents, la classe intellectuelle dans le rejet de "l'économisme" et la classe politique dans le refus d'exprimer et diagnostic et thérapeutique, faute de personnel compétent, on comprend que l'économie ne risque pas d'être traitée de façon convenable dans les élections qui s'annoncent.

Comme en 2002, 2007, 2 012 pour s'en tenir qu'à ce siècle. Avec les résultats que l'on voit.

Nous pardonnera-t-on de dire que c'est un drame national ?

Commentaire
DvD's Gravatar Depuis des décennies qu'on attend en vain que les dirigeants des démocraties occidentales formulent le début du commencement d'un diagnostic convainquant à l'envolée du sous-emploi et de la dette. Rien. Pas de diagnostic. Donc pas de solutions. Rien que la crise qui n'en finit plus, les slogans creux mais sonores qui fusent, les gouvernements qui échouent et étalent leur impuissance, dépourvus qu'ils sont de tout diagnostic fondé et de toute vision de que faire pour amorcer le redressement.

On s'en serait peut être aperçu si l'économie avait pris toute la place dans le débat public ? On aurait peut être un peu progressé dans notre compréhension du pourquoi et du comment de la situation économique et sociale délétère qui perdure ?

Malheureusement, il est actuellement plus approprié de parler du néant de la réflexion économique et de l'esprit de capitulation qui plane sur le débat public en matière économique.
# Posté par DvD | 15/06/16 07:33
DD's Gravatar Larry Summers a mis tout son poids en faveur de l'idée d'une dépression "centenale" venant d'on ne sait où. Il lui est impossible de faire le simple constat que la perte financière subie par l'économie mondiale (autour de 12.000.000.000.000 de dollars tout de même) en 2007-2008-2009 n'a toujours pas été purgée. Elle a été simplement "portée" par différents artifices qui ont évité qu'elle n'anéantisse l'économie réelle ( avec 57 mille milliards de nouveaux prêts). Mais cette perte reste latente et provoque une déflation de longue durée qui n'a rien à voir avec une stagnation séculaire dont le concept est très incertain. Seulement voilà : comment accepter de faire l'aveu que le système que l'on a construit à force de déclarations tonitruantes et de mesures désastreuses a provoqué une perte pareille ? Surtout aucune réforme ! Ne changez rien, c'est parfait. Puisque le cadre est bon, et les méchants sanctionnés, reste la magie noire. On passe du "cygne noir", cet événement évidemment imprévisible, au Vaudou. La crise séculaire est un concept vide. La "grande dépression" de la fin du XIXème siècle provient uniquement de la démonétisation de l'argent qui a provoqué une contraction monétaire de longue durée. Pas besoin de magie.

A force de vouloir ne rien voir, et de vouloir toujours parler de façon tonitruantes, les économistes américains sombrent de plus en plus dans le ridicule. En tout cas Summers.

Ils feraient mieux de regarder les faits, d'interroger l'histoire du désastre des quarante dernières années et de se poser un peu. La déflation actuelle est quasiment automatique après une perte aussi massive. Le transfert des pertes aux Etats et aux banques centrales ne sont que des expédients.

Summers exige une énorme relance keynésienne, après tant d'autres. Qu'il se rappelle qu'une des lois de l'économie baudruche basée sur les changes flottants est qu'une relance keynésienne ne fonctionne plus comme avant.

La création d'emplois aux Etats-Unis est en train de s'arrêter. La petite crise du cycle est en train de s'installer. Elle se fera sentir en Europe dans les deux ans.

La seule solution : recréer un système monétaire international coopératif basé sur le maintien des équilibres de balances de paiements et des balances commerciales, avec stabilisation des monnaies. Recréer aux Etats-Unis d'énormes déficits ne fera que créer les conditions d'un nouveau krach.

On ne dira jamais assez le désastre intellectuel et pratique que l'on doit à Larry Summers et aux autres économistes officiels américains.

L'Europe, comme d'habitude est aux abonnés absents. Lors que la mini crise frappera on l'associera à un évènement extérieur. Par exemple le Brexit s'il a lieu.

Quant aux économistes "officiels" français...
# Posté par DD | 15/06/16 10:12
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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