OMC : une erreur tragique de diagnostic
L'OMC a enfin donné les chiffres clé d'un désastre que nous annonçons depuis longtemps : la contraction de la croissance du commerce international qui perd son rôle de leader de la croissance mondiale :
- Le commerce international croîtra très faiblement (1.8 %) en 2016 moins vite que la croissance globale des PIB qui est elle-même très faible (entre 2 et 3 %). La croissance moyenne du commerce avait été de 6 % depuis la chute de l'URSS
- L'investissement transfrontalier a été multiplié par sept pendant la période pendant que le commerce n'était multiplié que par trois.
Ces indicateurs racontent toute l'histoire : l'économie "baudruche" est bien installée en 1990 et s'amplifie après avec des croissances de mouvements de capitaux sans rapport avec la production proprement dite. Elle a explosé en 2008.
Mais l'OMC va faire une erreur de diagnostic magistrale. Certes, l'effondrement de la croissance du commerce internationale est lié à la crise de 2007-2009, mais il est totalement faux d'affirmer qu'il s'agisse de la "première crise de la mondialisation".
La myopie est singulière.
Son premier inconvénient est d'éviter tout diagnostic de la crise de 2008. D'où serait venu cet accident ? Uniquement des "excès de la finance dérégulée". En catimini voilà revenir l'explication bécassine de la crise par les "subprimes". Rappelons que les subprimes, c'est 600 milliards de dollars d'en cours problématique dont 400 ont été peu ou prou récupéré, alors que le trou global était quelque part entre 12 mille et 15 mille milliards de dollars et qu'il a fallu le combler en faisant monter la dette globale des Etats à plus de 60 mille milliards de dollars (soixante fois le niveau de l’économie marchande française annuelle pour donner du corps à ces chiffres monstrueux).
La récession de la fin des années 2000 est de même cause et nature que celle du début des années quatre-vingt-dix et que celle du début des années soixante-dix. Les difficultés de la Chine sont de même cause et nature que celles du Japon après 92-93 et de l'Allemagne après 73-74.
La baisse tendancielle du trend se fait décennie après décennie depuis 1971, en même temps que la bulle de dettes enfle à proportion., avec des crises financières périodiques de plus en plus graves pour digérer les pertes financières des spéculations hors sol.
La situation actuelle est la queue d'une comète dont la tête est l'abandon des disciplines de Bretton Woods et le flottement généralisé des monnaies. En imposant au monde que des excédents et des déficits extérieurs monumentaux soient possibles, les Américains ont enclenché les mécanismes de double hélice de dettes décrite par Jacques Rueff avec une telle continuité et une telle ampleur qu'une récession majeure ne pouvait que se produire. Maurice Allais nous avait prévenus avec une grande précision et une parole prophétique : "ce qui doit arriver arrive".
Ce à quoi on assiste est l'effondrement du système des changes flottants. La liberté absolue des mouvements de capitaux, de marchandises et de personnes, sans gouvernement mondial ou sans actions coordonnée des Etats pour les canaliser est une erreur majeure qui se retourne contre ceux qui l'ont imposée au monde. Crise financière, crise migratoire et crise du commerce international nous rappellent une loi fondamentale : la liberté se chérit mais les libertés s'organisent.
Monnaie et commerce vont ensemble. Pas de bon commerce sans de bonnes monnaies. Unifier le système monétaire dans un schéma de devise dont la valeur est défendue par les Etats, avec des possibilités exceptionnelles de dévaluer par consentement mutuel, avec interdiction des grands excédents et des grands déficits, et interdiction des attaques spéculatives massives contre la valeur des monnaies, est la seule solution. Si cela implique un certain niveau de contrôle des flux financiers, pourquoi pas.
Les déplacements de population doivent être tout autant contrôlés. Si les prévisions des démographes sont justes, l'Afrique va devenir si peuplée qu'il faudra vers 2 050 que l'Europe accueille environ 400 millions de migrants maghrébins et africains. On ne peut pas laisser chaque Etat laisser sa démographie exploser tout en attendant des autres qu'ils supportent les conséquences. Chaque Etat doit être responsable de lui-même dans le cadre d'une responsabilité partagée et surveillée par tous. Comme pour les monnaies.
L'intégrisme des marchés, sous domination américaine, a conduit, comme tous les intégrismes, à dévaluer les principes sur lesquels ils se fondent. Il n'y a pas de marché monétaire sain. Le marché des capitaux est dans un état lamentable. Le marché des produits est à l'arrêt. le marché du travail est en lambeaux.
Le libéralisme n'est pas un djihad ! Mais une forme collaborative de créer de la richesse et de la liberté. Où et la liberté si, comme en France, des dizaines de milliers de citoyens sont obligées de payer les impôts en cédant leur capital après avoir donné tout leur revenu ? Où est la liberté quand le nombre de personnes payées par la collectivité est de deux fois le nombre de ceux qui travaillent ? Où est la liberté quand certains maires prétendent imposer la présence des immigrés "jusque sur le palier des riches". Où est la liberté quand la masse du peuple n'a plus d'espoir autre qu'un tirage de loto heureux ? Où est la liberté lorsque les élites d'un pays doivent s'expatrier pour faire leur vie, avec tout ce que cela implique de renoncement ? Et s'il n'y a plus de liberté, ni de propriété (cette liberté en dur) comment espérer la prospérité.
La bataille mondiale actuelle n'est pas celle de la finance et des subprimes. Mais le retour à un système monétaire et financier sain, coopératif et organisé, qui ramène la finance à l'investissement et non à la spéculation sur des bulles artificielles, qui ramènent les échanges à l'équilibre sans brider la hausse, qui interdisent les déficits et les excédents majeurs (dans le monde mais aussi dans la zone Euro), ainsi qu'une cogestion de la démographie. Un pays peut être contraint par la collectivité, pour le bien commun, à limiter ses déficits financiers, commerciaux et démographiques. Un pays peut être contraint par la collectivité, pour le bien commun, à restreindre ses excédents commerciaux, financiers et démographiques.
Tout l'enjeu de la décennie à venir est de trouver les bonnes modalités de cette organisation volontariste et collaborative, entre Etats réputés égaux en droit et souverains, des grands équilibres fondamentaux. Alors que la grande erreur collective, à l'instigation des Américains, une fois le système monétaire de Bretton Woods mis par terre, aura été de démanteler toute organisation concertée de canalisation des libertés et de tenter d'affaiblir les Etats autres que les Etats-Unis.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
On ne peut qu'être d'accord avec Mr Azevêdo : il serait en effet très souhaitable que, après ne pas avoir tiré la sonnette d'alarme devant le développement de déséquilibres commerciaux faramineux réglés à credit depuis le milieu des années 1990 menant tout droit à la grave crise de 2008-2009, et après ne pas avoir davantage tiré la sonnette d'alarme ces 8 dernières années après ladite crise alors que les déséquilibres commerciaux et la dette relative s'aggravaient encore, il serait en effet très souhaitable que les dirigeants en charge du système commercial et monétaire international dysfonctionnel se réveillent enfin de leur longue hibernation et tirent enfin la sonnette d'alarme.