Une fausse réforme bancaire
On connait la méthode Hollande : "j'ai dit, mais je n'ai pas dit, tout en disant. Mais oui mais non mais oui mais bien sûr". L'ambigüité permanente lui a permis d'être là où il est. Il ne changera plus.
Il avait promis de lutter contre son ennemi, la "phynance" impie, indigne et désastreuse. Il lui fallait mettre en œuvre cette "promesse de campagne". L'exercice s'achève sur un salmigondis de mesures sans effets et sans vraie importance qui compliqueront un peu la vie des banques et surtout permettront au Président de dire qu'il a tenu ses promesses. Enarque aux milieux des énarques qui gouvernent les banques, il ne pouvait en être autrement. Il a suffi que ses copains de banc d'école hurlent qu'ils avaient mal avant même qu'on les frappe pour que tout tourne en eau de boudin.
Il ne peut y avoir de bonnes réformes sans intentions positives et sans analyse approfondie des difficultés rencontrées, s'il y en a. Il aura manqué les deux ingrédients.
1. La première question à se poser était la suivante : on a vu pendant 40 années les bilans des banques enfler sans limite raisonnable, au point que la plupart des pays de l'OCDE ont dépassé 300% de ratio endettement global sur PIB. La simple observation des réalités auraient du faire comprendre aux dirigeants que les banques n'ont pas été la source de ce gonflement. Les banques ne créent de la dette et de la monnaie que si elles ont des entrées de trésorerie. Rappelons que si elles avaient seules le pouvoir de créer de l'argent elles ne seraient jamais en faillite. En revanche, dans des cadres conjoncturels, législatifs et règlementaires favorables, elles multiplient les apports par un effet multiplicateur bien connu.
Il fallait sans doute agir sur l'amplificateur. Divers mécanismes ont permis aux banques et institutions financières d'élargir leurs possibilités d'action au-delà du raisonnable. Revenir sur des pratiques dangereuse était nécessaire. Les banques l'ont d'ailleurs fait toutes seules. Le gonflement des capitaux nécessaires à garantir certains risques importants est une prudence opportune. On va beaucoup trop loin actuellement, au point d'étouffer en partie des financements souhaitables. On a vu par ailleurs la capacité des banques à éluder ces contraintes en utilisant des procédés juridiques astucieux. Il n'y a pas de raison que cela s'arrête. Le rôle du banquier est de prêter de l'argent contre des risques qui justifient sa rémunération. Sauf à tuer en lui toute envie de réussite, et à bloquer le système, il cherchera l'investissement rentable par tous les moyens, supervision renforcée ou non.
Comme dans le même temps on n'a rien fait pour mettre fin aux excès de l'émetteur, le système monétaire international, basé sur une monnaie nationale de référence et des devises flottantes, système qui a entrainé la fameuse double pyramide de dettes et l'amplification de tous les déséquilibres, le résultat est incertain.
On agit comme le gamin qui crée des châteaux de sable au bord de la mer pour voir s'il va résister à la marée. Ou comme le clown qui déplace le piano pour le rapprocher du tabouret.
2. La seconde question à poser était celle de la taille. Doit-on accepter qu'un pays voit un quarteron de banques enfler leur bilan au point qu'elles mettent en danger le revenu de la Nation en cas de faillite ? L'Islande l'a fait avec les résultats que l'on sait. La Suisse le fait, mais avec de facto le back-up des pays arabes du golfe.
La réponse est non !
Il est indispensable de démanteler les molochs de la banque universelle pour restaurer de la liberté économique et permettre de mieux garantir la solidité globale du système bancaire.
En France, les molochs en question ont refusé et tout le monde s'est couché. En revanche on a fait passer la supervision à l'échelon de l'Euroland pour que ce soit le PIB global qui cautionne le système. Au lieu de réduire les géants, on leur a donné un cadre plus grand pour exercer...
Donc on a rien fait de sérieux. Certaines banques universelles sont trop grosses en France et elles y ont trop de pouvoirs. Elles forment un oligopole fonctionnant en symbiose avec l'Etat, avec qui elles partagent leurs cadres supérieurs. Au nom de la sécurité d'ensemble, on a aggravé le phénomène plutôt que de le réduire. Bravo aux associations bancaires nées de l'époque Pétain qui ont permis ce noble résultat !
La banque universelle de taille monstrueuse a également l'avantage de permettre à une poignée de dirigeants de s'attribuer directement ou indirectement une part démesurée de la rente de monopole sous forme de rémunération démente (via des bonus, des rentes de participations aux conseils d'administrations, des commissions diverses internes ou externes, des stock-options etc. ). Cette rente étant uniquement liée à la taille et non au mérite particulier du dirigeant, elle s'assimile à un enrichissement sans cause réelle. On peut parler d'une forme de parasitisme exacerbé.
3. La troisième question est le corollaire des précédentes : les conflits d'intérêt possibles non seulement avec la Nation tout entière mais avec la clientèle des banques.
Rappelons que tout le système bancaire est fondé sur un mensonge. On parle de dépôts quand on devrait parler de prêts. Le dépot est un prêt déguisé à la banque. L'Etat administrativo-financier, ce sont les mêmes dirigeants, a imposé le recours aux banques pour toutes les transactions de paiement ou presque. On ne peut plus "vider son compte" en liquide. Il faut le virer dans une autre banque. On ne peut plus payer ses salariés en liquide : seulement par chèques ou virements. Le fisc impose le règlement des impôts par virement à partir d'un certain niveau. Il ne rembourse plus que par virement. Tout a été fait pour limiter l'usage du billet.
Inlassablement les banques reviennent à la charge pour que les chèques deviennent payants et elles multiplient les approches pour limiter l'emploi du chèque au profit de moyens qui leur coûtent peu comme les puces sur cartes ou bientôt sur téléphone.
Bientôt la totalité des fonctions de tenue de comptes et paiements seront payantes, alors que les transactions sont prtiquement toutes automatisées et les saisies déportées sur les usagers.
En sus de ce premier revenu, l'argent déposé sert à justifier la création de monnaie de crédit, avec récupération par les banques de la rente de création monétaire, et le bénéfice des activités commerciales lucratives correspondantes. En cas de pépin c'est soit le client, soit l'Etat qui paie. Merveilleuse disposition que l'on souhaite à toutes les PME.
La vraie réforme est de permettre la constitution de vrais établissements de paiement, uniquement chargés de la garde et de la mobilisation de la monnaie thésaurisée par les agents économiques. Les dépôts seraient de vrais dépôts, en ce sens que l'argent ne pourrait pas servir de ressources financières pour les établissements de crédit. On a créé un cadre limité en ce sens pour permettre certaines formes de paiements nouveaux. Il faudrait aller beaucoup plus loin.
Dans des banques de paiements véritables il appartiendrait au client de faire fructifier ses réserves inutilisées en les plaçant auprès d'institutions financières de son choix. Ces institutions devront faire l'effort de les attirer, en faisant valoir leurs qualités, leur solidité, leur sagesse ou leur rendement. A elles de proposer des placements variés, contreparties d'activités de prêts elles même diversifiées.
Ce n'est plus une poignée de banquiers cooptés dans le vivier des Inspecteurs des Finances qui décideraient souverainement de ce qu'ils veulent faire des sommes qui circulent dans leur comptes, en toute liberté. Mais milles institutions capables de proposer diverses formes d'activités donc d'investissements en fonction du risque.
L'activité de prêt à trois mois sur créances quasi certaines, comme l'escompte, rapportera moins que la spéculation à risque et avec effet de levier sans garantie réelle.
A chacun de savoir de ce qu'il veut faire de son épargne.
Il va de soi qu'il faut éviter tout conflit d'intérêts entre le gestionnaire de placement et l'émetteur des placements. La BNP a bourré les comptes de ses clients sous mandat entre juin et août 2008 au moment où ses cours chutaient à la verticale. A la protestation que nous avons vue d'une cliente, la réponse a été : "il est normal d'avoir dans son portefeuille des actions des grandes banques françaises".
Le système de la banque universelle est un nid de conflits d'intérêts permanents.
La loi passée ne supprime aucun conflit d'intérêts. Elle les institutionnalise.
Une loi n'est utile que si une réflexion approfondie a permis de déterminer les voies et moyens d'un changement qui permette d'atteindre des objectifs.
Ici la loi a l'objectif minimal de permettre à un président élu de dire qu'il applique son programme. Une fois de plus on est dans la com' et pas dans l'économie.
Pour masquer le tour de passe-passe on a joué sur les mots. Au lieu de séparer les banques de paiements, les banques de crédits, les banques d'investissements, les gestionnaires de fonds et les gestionnaires de fortune, on a indiqué qu'on isolait les activités utiles à l'économie des autres. Une distinction qui n'a pas de sens. Ces "éléments de langage" ont été répétés ad nauseam par tous les journalistes-perroquets.
Les vrais problèmes restent intacts. Ils n'ont même pas été effleurés pendant les discussions.
Un exemple parfait du mode de fonctionnement de l'énarchie qui nous gouverne.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
On rêverait vous voir ministre des finances.