Crise économique, guerres et révolutions.

L'histoire des années 30 est encore tellement prégnante que le lien entre dépression économique et guerre est presqu'automatique.

La crise que nous connaissons est indiscutablement très sévère. Elle dure. Elle est tout sauf terminée. Elle met en cause sinon le capitalisme du moins certaines de ses modalités.

Les "printemps arabes", pour autant que le concept soit totalement clair, ont été indiscutablement provoqués par la récession économique mondiale. Même les évènements ukrainiens, d'un genre tout à fait différent, sont les enfants de la récession et de la déréliction économique du pays, sous l'effet de la prédation Ianoukovitch. Les tensions en Extrême-Orient sont indiscutablement liées à l'accès au pétrole et à la rente correspondante qui devient vitale dès lors que l'expansionnisme par les exportations flanche.

Pour autant, les drames des années trente sont-ils à nos portes ?

Les deux déterminants majeurs de la situation qui prévaut au début des années trente sont d'une part les effets psychologiques et matériels de la guerre de 14-18 et d'autre-part la montée en puissance du socialisme violent vu par certains  comme l'alternative souhaitable au régime capitaliste.

L'Allemagne qui se donne à Hitler a perdu la guerre et a perdu son épargne lors de la grande inflation du début des années 20. Elle a subi une tentative de révolution socialiste. Elle doit des réparations importantes notamment à la France. Elle a des voisins qui sortent d'une guerre qui s'est terminée par le traité de Brest-Litovsk mais qui reste larvée. Le traité de Versailles a reconstruit de façon dangereuse les ruines de l'empire allemand et l'empire d'Autriche-Hongrie. Partout les nationalismes sont excités.

La violence en Union Soviétique n'est pas liée à la crise de 29. Lorsque les héritiers de Lénine finissent de se déchirer pour le pouvoir absolu et que Staline lance son grand tournant, Hitler n'est pas au pouvoir et la crise de 29 n'a pas commencé.  On sait que de 28 à 33, le "socialisme réalisé" va tuer près de 10 millions de personnes, dont le moitié en Ukraine  et dans le glacis européen. Le prurit socialiste, gratté par les révolutionnaires dépendant de l'URSS, saigne partout provoquant des réactions violentes.  Le fascisme comme le national socialisme repose sur les mêmes critiques du capitalisme que le communisme, avec le même goût pour la violence, le même soucis de l'agit-prop, l même contestation de la religion. Les hommes qui dirigent ces mouvements viennent presque partout du socialisme, à l'instar de Mussolini et de Doriot.   

Le monde a découvert le rôle de l'information de masse, le rôle de le puissance industrielle. Manipuler les masses et vaincre par la puissance industrielle devient l'axe de la réflexion politique.

L'Angleterre reste la principale puissance mondiale mais les Etats-Unis l'ont rejoint et ont le potentiel de la dépasser.  L'Allemagne et le Japon ont un potentiel industriel important. La France, au sommet de sa puissance n 1930, va tout perdre en 10 ans, minée par sa démographie déclinante depuis un siècle, les pertes de la guerre de 14, et son retard dans le commerce et l'industrie. C 'est encore un pays de paysans, avec une frange urbaine et industrielle brillante mais réduite. Elle vit sur l'élan de son passé.

La crise de 1929 a été provoquée par les conséquences de la guerre de 14. D'énormes paquets de dettes ont été accumulés. Les créanciers américains disposent de l'épargne du monde et ne savent plus trop quoi en faire. Ils vont se lancer dans la pure spéculation. Il n'y a plus de marché mondial suffisant pour que le placement de leurs réserves monétaires puissent rapporter suffisamment. L'argent se place là où des espérances de plus values semblent exister. La boule se met à rouler.  

Jusqu'à ce que cette effervescence se heurte au fait que la bulle se nourrit d'elle-même c'est-à-dire de rien. Et on aura le Krach de 29. L'épargne américaine est ruinée. La crise enchaîne ses effets sur un pays peu préparé et sans filet de sécurité sociale.

Par le biais des dévaluations compétitives et des fermetures de frontières  au commerce,  la crise se généralisera. Elle touche l'Europe durement seulement à partir de la dévaluation britannique. Le gros des difficultés  portera sur les années 33-35. Entre 30 et 32, on est dans une phase de contagion progressive. On croit encore en 32 que la France ne sera pas touchée !

C'est dans ce contexte que Hitler arrivera au pouvoir fin 32. En costume de ville. Les Allemands y voient d'abord une volonté et un potentiel de redressement national. Ils voient la revanche possible vis-à-vis d'une défaite refusée qui a rogné leur souveraineté sur des territoires majoritairement allemands, la fin des désordres intérieurs fomentés par les mouvements socialistes, anarcho-syndicalistes ou communistes, une protection contre la possibilité d'agressions venant de l'est.

Le national-socialisme et d'abord l'enfant de la défaite et de la crainte de Staline et du communisme. La crise de 29 n'a joué qu'un rôle d'adjuvant.

On voit qu'aujourd'hui la situation est très différente.  En dehors de quelques guerres marginales, chauffées par l'URSS, essentiellement dans les pays anciennement ou nouvellement  colonisés, le monde a connu la paix.

One ne peut comparer une époque où on venait de sortir d'une guerre mondiale "totale",  d'une intensité jamais vue, avec des destructions inouïes rendues possibles par la puissance  industrielle,  avec un monde qui a vécu en paix pendant 3/4 de siècle.  

L'hypothèque socialiste a été levée, avec la disparition par auto dissolution interne de l'URSS et la conversion de la Chine au capitalisme sauvage.

La crise économique sévère que nous connaissons touche un monde pour l'essentiel paisible et embourgeoisé, qui est dix fois plus riches et qui dispose de filets sociaux importants.

Le seul nationalisme dangereux est celui des Hans. La conversion de la Chine au capitalisme internationaliste tient plus à la montée en puissance du Japon, des Tigres et des Dragons  qu'à une conversion au libéralisme. Les dirigeants chinois ont compris que s'ils laissaient  faire, la Chine serait bientôt un nain économique et militaire dans la région. La conversion au capitalisme est d'abord une volonté de retrouver la place de la Chine dans la région. L'imbécillité européenne et américaine et d'avoir soutenu de façon exagérée cette passion nationaliste. En transformant la Chine en atelier exclusif  de l'occident, les Etats-Unis et leurs alliés ont commis une faute majeure par myopie et angélisme.  

La Chine est désormais en querelle avec les Tibétains, colonisés et martyrisés, les Ouïgours, colonisés, marginalisés et réprimés, avec la Russie du fait de la colonisation de l'Est russe par les paysans chinois et de difficultés territoriales traditionnelles et  avec  tous ses voisins. Le Japon "réinterprète" sa Constitution, avec une seule idée en tête : la bombe atomique ! 

En dépit de ce climat, on ne voit guère ce qui pourrait se traduire par une véritable guerre. Le Japon est surtout inquiet de relancer une économie qui se traîne depuis que ses créances en dollars ont été anéanties au début des années 90, ruinant son système bancaire.  La Chine tremble de voir ses réserves  en dollars disparaitre et sa situation intérieure se dégrader du fait de la stagnation du commerce international. Les deux pays sont en dénatalité accélérée. La démographie joue contre l'idée même de guerre. Reste l'imprévisible Corée du Nord, mais qui est désormais lâchée par Pékin.

La Russie ? C'est un nain politique et elle le restera. Elle n'a pas d'économie et son capitalisme de prédation ne marche pas. Sans la rente énergétique, le pays n'est rien.  Son immensité accuse ses difficultés démographiques. L'affaire Ukrainienne ne saurait masquer ces réalités profondes.

L'Inde et le Pakistan forme un couple en colère l'un contre l'autre avec des bombes nucléaires par-dessus le marché. Si le Pakistan se risque à une attaque atomique préventive, il disparait aussitôt. Une telle attaque ne sera de toute façon pas liée à la situation économique globale.

L'Afrique est traversée par des tensions très diverses,  avec un pays, le Nigéria, qui est en passe de devenir le plus peuplé du monde et le plus instable. Il ne semble pas qu'il puisse y avoir de terreau pour une guerre mondiale.    

Reste le Moyen-Orient et la folie religieuse qui domine tout, aidée par la rente pétrolière. L'IRAN, Israël,  bientôt l'Arabie saoudite, ont la bombe atomique.  Shiites, sunnites, et juifs, une fois dotée de la bombe, règleront-ils leurs problèmes en s'auto détruisant ? C'est possible, mais cela n'a rien à voir avec la crise mondiale. Au contraire, cette dernière, en réduisant la rente pétrolière, joue un rôle…pacificateur.

Que le monde reste une poudrière, avec des conflits un peu partout, c'est évident.

Que l'on soit dans une situation du même type qu'au début des années trente est une autre affaire.

La crise a multiplié ses effets politiques. Cela continuera.  Aucune des conditions ne sont remplies pour qu'elle provoque une déflagration mondiale comme celle de la fin des années 30.  Nous en sommes à la septième année depuis le blocage du marché interbancaire. L'équivalent de 1937, si on veut à tout prix faire un parallèle. Hitler était déjà au pouvoir depuis cinq ans !  Un accord militaire secret avait été noué depuis longtemps avec Staline pour contourner les effets du traité de Versailles. Staline avait déjà  pris le pouvoir de façon absolue. Le pacte germano-soviétique se préparait. Deux dictatures sanglantes  préparaient à marché forcée leurs futures exactions. Où sont les puissances équivalentes aujourd'hui ?  

On ne refait pas l'histoire.

Il faut dénoncer cette crise économique majeure qui n'en finit pas. Il faut surtout souligner quelles en sont les causes et pourquoi  elle dure ainsi.

Voir tous ceux qui ne l'avaient pas prévue jouer les super Cassandre du future conflit mondial comme exercice de rattrapage a quelque chose de désolant et de ridicule.

Cette crise était évitable. On peut en sortir. Il faut pour cela la comprendre et mettre fin aux sources réelles de difficultés.  On ne le fait pas pour des raisons politiques obsolètes. Le socialisme fiscalo délirant  "hollandais" n'est pas la solution. L'Europe de l'Euro sans organe de pilotage monétaire extérieur réel et sans concertation forte des pays membres n'est pas la solution. Les changes flottants et l'acceptation de déficits et d'excédents  monstrueux de balances extérieures  ne sont pas des solutions.

La réflexion économique et politique doit être concentrée sur les conditions d'une réforme sensée permettant de surmonter les problème d'organisation actuelle. L'architecture monétaire et financière mondiale doit être repensée et  reconstruite.  

Préparons- nous à cela plutôt qu'à la troisième guerre mondiale .

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