Note de conjoncture

Que nous soyons dans la phase haute du cycle décennal, nous l'affirmons depuis un moment.  Le schéma conjoncturel se répète de cycle en cycle depuis 1972 avec une belle régularité: crise ; rebond avec contrechoc ; stagnation puis reprise lente et deux à trois ans de folie spéculative.

Ce que nous constatons aussi, c'est que le trend baisse de cycle en cycle, les récessions sont de plus en plus violentes  et les reprises sont de plus en plus lentes et artificielles, surtout dans les pays qui comme la France ont fait le choix de voler radicalement leurs citoyens.

Ce qui se passe ces derniers mois est l'exact reflet de cette analyse. La reprise est née comme d'habitude des Etats-Unis , a percolé vers les pays ouverts, comme la Grande Bretagne et commence à s'étendre.  Mais le rythme de la reprise est très faible, encore plus faible qu'en 2006-2007, dernière phase haute du cycle, et elle extrêmement artificielle.

Il suffit pour s'en convaincre de relever les faits suivants :

- Le Baltic Dry Index est à son plus bas historique. On peut discuter de la pertinence de cet indice, mais on ne peut nier qu'il confirme ce qu'on sait déjà : le commerce international ne tire plus la croissance.  La pseudo activité des dernières années était due à la volonté de la Chine de sécuriser son tas de dollar en achetant des biens "réels". Cela a fait marcher un temps les exportations de quelques fournisseurs de produits agricoles et de matières premières. Et cela s'est arrêté avec la hausse du dollar : plus besoin de précaution pour un petit moment. L'effondrement de tous les cours est due à cette raison majeure à la quelle s'ajoute l'abandon de la spéculation sur les matières premières par les banques d'investissement pour des raisons de supervision étatique américaine. 

- Les entreprises, y compris en France, ont fait le choix de privilégier leurs salariés et leurs actionnaires. Les rachats de titres en bourse  n'ont jamais été aussi hauts, pour doper les cours et faire marcher les stocks options. Les salaires augmentent plus vite que le PIB.  C'est très net en France où la hausse des impôts est telle que plus personne ne souhaite investir. Alors on soigne son pré carré, quand on est assez solide pour résister à la morosité générale.

- Les écarts de prévisions d'un mois sur l'autre montrent bien qu'il est absurde de se battre sur les virgules quand on cite des chiffres.  Une croissance annuelle inférieure à 1% est dans l'épaisseur du trait. Les "vrais" chiffres ne sont connus qu'avec environ deux ans de retard. Le temps de remplacer les estimations par les constats.  La dernière phase de haute conjoncture en France n'avait pas dépassé un taux de croissance de 3.5%. On peut craindre qu'on atteigne pas 2% ce cycle-ci.

- Que la reprise soit artificielle ne peut être nié. La dévaluation massive de l'Euro, de près de 20%, n'aura d'effet durable que si les autres ne dévaluent pas à leur tour. Les Etats-Unis commencent à réagir.  Les inondations monétaires ont des effets pervers, comme de relancer l'économie baudruche.  les taux d'intérêt très bas ne parviennent même pas à stimuler le bâtiment, sinistré en France. Le BTP entre en récession en France.  Quand le bâtiment et le BTP ne vont pas, rien ne va.

- De nombreux pays sont à l'agonie : la Turquie est au bord de la rupture. La Russie est dans les choux. L'Ukraine est morte. Le Maghreb a plus que du mal. Le Brésil ne repart pas.  La reprise au Japon n'est pas au rendez-vous du fait de l'atonie des échanges internationaux. L'économie américaine s'essouffle.Etc.

Le schéma le plus probable est qu'après le sursaut habituel de fin de cycle, les bulles spéculatives  accumulées exploseront à nouveau. Elles sont petites. La crise sera donc relativement faible. Avec probablement un effet important sur les bourses mais peu marqué sur les PIB.

A quelle date ? Entre 2016 et 2018. Il est peu probable que cela craque vraiment en 2015, sauf initiative politique imprévue.  En revanche  Il  va falloir regarder les signes à partir de 2016 !



Commentaire
DvD's Gravatar Les bulles spéculatives actuelles ne sont pas petites : la bulle obligataire en Europe est absolument massive (des milliers de milliards d'euros d'obligations européennes traitent à des taux d'intérêts négatifs, assurant à leurs porteurs une perte certaine s'ils les conservent jusqu'au terme alors qu'ils engrangeraient une copieuse plus value s'ils les VENDENT maintenant) ; au Japon, les bulles obligataires et actions sont massives et la banque centrale japonaise se trouve happée dans une intervention exponentiellement croissante pour éviter l'explosion ; aux États-Unis, la bulle actions est massive et le fort ralentissement de la croissance à peine le dollar remonte-t-il pendant un trimestre va repousser la normalisation monétaire aux calendes grecques ; en Chine, les bulles actions et de la dette prennent le relais de la bulle immobilière, la banque centrale chinoise choisissant elle aussi la fuite en avant dans l'assouplissement monétaire pour éviter de crouler sous le fardeau d'une dette qu'elle a elle-même décidé.en 2009 ; en Scandinavie, la bulle immobilière est massive et les banques centrales de ces petits pays essayent malgré tout de surenchérir par rapport à l'eurozone voisine pourtant 20 fois plus grosse pour éviter la purge. Etc, etc.

Bref, à l'échelle mondiale, on est dans une situation de bulle financière / immobilière nettement pire que celles de 2000 ou 2007 car le nombre de zones géographiques et de classes d'actifs y participant est nettement plus élevé. Le nombre de maillons faibles prêts à déclencher les dominos aussi. Les banques centrales sont coincées, piégées par leur propre erreur de diagnostic initial : soit elles arrêtent d'intervenir et c'est le crash ; soit elles continuent d'intervenir et alors elles doivent faire croître leurs interventions exponentiellement, toujours plus que le voisin, sans aucune perspective de pouvoir jamais en sortir. C'est l'équilibre de la terreur monétaire mondiale.

Les dirigeants d'une grande nation comme la France doivent-ils se réjouir d'une situation aussi précaire et l'exploiter - le peu qu'elle durera - à des fins purement démagogiques ou devraient-ils faire tous les efforts nécessaires pour engager l'Europe et le monde vers une autre organisation du système commercial et monétaire international assurant une croissance plus équilibrée, plus forte, plus durable et moins spéculative ? Le choix, entièrement prévisible, de nos pseudo-élites n'apparaît hélas que trop clairement.
# Posté par DvD | 16/05/15 10:45
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