En Grèce : La victoire électorale de Tsipras
Les Grecs vont dans les îles pour voter. La société est largement restée clanique, bien que la moitié de la population soit concentrée à Athènes et au Pirée. Cette journée-ci est particulière : le pays élit un nouveau parlement, à la demande de Tsipras qui souhaite une nouvelle majorité, ajoutant une nouvelle palinodie démocratique à toutes celles qui ont marqué les derniers mois. À Athènes, seules les affiches de Tsipras et de son parti sont visibles. Elles sont omniprésentes. Où est donc passée l'opposition, présentée comme faisant jeu égal dans les sondages ? "Ils n'ont plus d'argent et ne peuvent plus payer d'affiches", dit la rumeur. Et Tsipras qui avait perdu le premier face-à-face contre l'opposition a gagné le second. Sondage exprès dans les taxis : Tsipras est un baratineur. "Bla bla bla", le geste illustre la parole, avec un doigt qui bat sur les lèvres. Mais Il va être réélu : "On s'en fiche. De toute façon on se fiche de tout, ici. Depuis que nos comptes en banque ont été bloqués, on sait que le chantage européen est invincible. Une fois de plus, nous sommes à merci". Il est vrai que l'histoire moderne de la Grèce ne manque pas de situations analogues. Le pays a-t-il jamais été totalement indépendant ni même simplement autonome ?
À Athènes, la ville est triste. Les restaurants du Pirée sont quasi vides. La nouvelle architecture des restaurants a fait perdre tout charme à l'endroit. Seuls quelques restaurants réputés pour leurs prix bas sont fréquentés. La sublissime terrasse de l'Hôtel d'Angleterre témoigne de la crise : il reste quelques places libres, un Week-End. L'autre attraction hôtelière, l'hôtel Hilton ressemble à un Titanic abandonné. Les bords de la piscine étaient le lieu de rencontre du tout Athènes et la terrasse du dernier étage le rendez-vous de la jeunesse dorée. L'hôtel est sinon mort aujourd'hui, au moins sinistré. Les commerces souffrent partout dans la ville avec un nombre affligeant de magasins fermés, offrant des alignements de rideaux de fer tagués et souillés de mille manières.
En revanche la ville affiche bravement les énormes investissements qu'elle a faits depuis deux décennies. Un aéroport Venizelos dont la piste est la plus longue du monde, indispensable caractéristique, bien sûr. La gestion a été confiée à une société allemande. Elle doit près d'un milliard d'euros de taxes à l'Etat grec. Elle refuse de payer tant que les dettes allemandes ne seront pas remboursées… Une magnifique autoroute ignorée des Grecs, qui évitent les péages. Un musée disproportionné. Des équipements colossaux, nécessaires aux Jeux Olympiques, inoccupés et laissés à l'abandon car trop chers à entretenir.
Dans les îles, rien ne semble avoir réellement changé. Sauf l'ambiance, qui a disparu. Les restaurants sont vides. Les boutiques sont vides. Il est vrai que c'est la fin de saison, mais avec tous ces électeurs d'un jour, on aurait pu penser à plus d'agitation. Le tourisme du quatrième âge ne s'est jamais aussi bien porté. Mais les cheveux blancs ne font pas une ambiance. La hausse du dollar a fait revenir quelques Américains. Des détails frappent. Les prix sont très élevés pour les touristes. Chacun cherche encore à tirer le maximum de ceux qui sont venus en croyant à la bonne affaire.
Le gérant de la paillote unique qui équipe cette crique magnifique, qui a gardé tout son cachet, se perd dans la contemplation d'une feuille d'impôts. 1 250 euros à payer poux le mois d'août. C'est la première conséquence de l'accord avec les créanciers de l'été. Sous les parasols, trois clients, alors qu'il fait un temps resplendissant. La recette de la journée pour un dimanche : 75 euros. Ils sont trois sur l'affaire. La discussion est facile :
- "Nous ne sommes pour rien dans les excès de l'Etat. Nous n'avons rien demandé à personne. Et voilà qu'on nous ruine".
- "1 250 euros, ce n'est pas la mort, pour le mois le plus actif de l'année".
- " Nous payons déjà une redevance pour exploiter les lieux qui est très élevée. Notre saison est très courte. Ce qu'on nous prend aujourd'hui, c'est ce qui nous permet de passer l'hiver, où il ne se passe rien".
- "Que faites-vous en hiver ?"
- "Seulement des petits boulots d'entretien de villas, et on s'occupe de nos arpents agricoles familiaux, quelques chèvres, quelques ruches et trois dizaines d'oliviers. Et de notre petit potager. Dans les îles, depuis toujours, on vit, mais chichement. L'essentiel vient du continent. Avec ces taxes, on ne pourra plus payer. il va falloir s'expatrier en hiver, mais pour aller où et faire quoi ?"
- "Les élections ?"
- "Tout le monde s'en moque. Ils feront tous la même politique et elle ne sera pas grecque".
L'île a changé. Une route magnifique en fait le tour, payée par les fonds européens. Les voitures sont interdites, sauf les taxis et quelques utilitaires. Quarante kilomètres compliqués, en bord de mer, parfaitement asphaltés, sur une belle largeur de 6 à 8 mètres. Pour les deux roues. Le paradis du cycliste. Difficile financièrement à entretenir. Elle commence à s'abîmer au rythme des orages, sauvages dans la région. Quand vous faites le tour de l'île vous croisez un ou deux camions autorisés, une dizaine de deux roues et une paire de taxis. Parlons-en de ces taxis. Ils sont six et désormais surveillés de façon sévère. Ils vous fourrent le ticket de reçu dans la main ostensiblement. Pas question de se faire prendre à ne pas donner de ticket. Et de perdre son business. La répression a commencé avec l'accroissement des taxations.
Les résultats électoraux s'égrènent. Tsipras est en avance, puis largement en tête , puis finalement grand vainqueur. Les Grecs ne peuvent plus voter pour la droite et la gauche traditionnelles. Ils ne se sentent en rien responsables des décisions qui ont été prises au sommet pendant des années et qu'on leur demande de financer avec leur prospérité et leur vie. Tsipras ne fait plus peur. La sortie de l'Euro paniquait le pays. Il a cédé. "OK ! Il n'avait pas le choix". La droite ne craint pas Tsipras. Elle croit dur comme fer que sa présence a été décidée en haut lieu, c'est-à-dire par les nouvelles puissances tutélaires alliées aux grands intérêts économiques grecques. Ils préfèrent que la potion soit administrée par l'extrême gauche. Cela évitera les grèves et les insurrections. La gauche ne craint pas plus Tsipras. Laissons le faire. On verra bien. On n'en attend exactement rien, dans le pays, ni à droite ni à gauche.
Personne ne comprend pourquoi les banques sont en faillite et encore moins l'injustice de prélèvements fiscaux qui provoquent une descente aux enfers du revenu disponible.
La France ? On s'en désole. On l'admirait. Plus maintenant. Elle est devenue une nouvelle Grèce dirigée par des médiocres, aussi médiocres que les politiciens grecs, c'est dire. Louis XIV, Napoléon et le Général de Gaulle, toute cette grandeur est finie. Elle a été colonisée par des vagues migratoires africaines et des vagues de sous-culture politiquement correctes anglo-saxonnes. Sa voix est voilée et n'éructe que ce que la paternelle Amérique lui permet de dire. Elle ne dit plus rien à personne et à peine à elle-même. On l'admirait. On la plaint. "Nous les Grecs, on a connu cela aussi ; c'est votre tour".
Et voilà que des masses d'Arabes et d'Africains débarquent de partout dans les îles grecques proches de la Turquie, par dizaines de milliers. On les rapatrie à Athènes. Par dizaines de milliers. Et seulement une fraction quitte le pays vers la Macédoine et les autres chemins vers l'Allemagne ou la Suède. Que va-t-on faire des autres ? Les Albanais, ils volaient, ils violaient, mais au moins ils étaient travailleurs. Schengen nous a valu les Roms qui montrent maintenant leurs escarres dans tous les lieux touristiques. Et voilà un nouveau déferlement, alors que nous sommes ruinés.
"Ce monde est devenu fou. On marche sur la tête. Que vont devenir nos enfants ?"
Les Grecs ne se sentent ni responsables ni coupables. Tout cela est passé au-dessus de leur tête. Mais pas au-dessus de leur porte-monnaie.
Allons, va pour Tsipras ! Au point où on en est…
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Une célèbre chanson grecque des années 70 disait "Madame Giorgena (Dufoix ?!), ton mari, Georges, est rusé comme un renard".
Rusé, certes, mais en faillite aujourd'hui, hélas !
Des lieux de bonheur transformés en sites de catastrophes.
Jusqu'à quand ?
La rancune électorale est une réalité tenace.