Trump : une dénonciation raisonnable des énormes déséquilibres mondiaux ?
Non car il ne voit pas que les Etats-Unis en sont la cause...Depuis 1997, date à laquelle nous avons commencé à nous exprimer en public, nous ne cessons de répéter : "attention à la colère des peuples". Reprenant le message de Maurice Allais et avant lui de Jacques Rueff, nous avons tenté d'avertir que les dysfonctionnements graves du système monétaire international et l'idéologie de l'ouverture maximale aux libertés économiques sans aucune organisation régulatrice, sinon quelques producteurs de règles marginalisés et sans importance pratique, menaient à une crise économique permanente et à la colère des peuples.
Nous avons défini la crise comme la conjonction de trois évolutions destructrices : la baisse du trend de croissance, la violence de plus en plus grande des crises périodiques et l'envolée de la dette. Nous avons condamnée la création d'une "économie baudruche" résultant du recyclage des énormes déficits et excédents extérieurs que les autorités mondiales ont laissé se perpétuer en dépit des statuts formels du FMI, article 1, et des nombreuses explications de la crise de 1929 basées sur le développement de tels déséquilibres.
Alors oui, les déficits monstrueux sont bien au cœur du problème économique mondial.
Lors que Trump "cuicuite" que ces déficits sont intolérables et met en cause l'Allemagne et la Chine, voire le Mexique et le monde entier, il touche un nerf à vif. Mais réaction inflammatoire n'est pas raison. Les excédents monstrueux sont la contrepartie des déficits américains monstrueux. Et il y a déficits monstrueux parce que le dollar est la monnaie du monde et que les Etats-Unis abusent de ce privilège depuis 1971. En faisant sombrer pour des raisons exclusivement politique et militaire les accords de Bretton Woods et en détachant le dollar de l'or, tout en annonçant que leur puissance leur permettrait une politique sans frein de "benign neglect", en bon français de négligence criminelle, ils sont les premiers responsables de l'instauration d'un système qui ne tient pas compte des leçons de la crise des échanges mondiaux de 1918-1940 et qui ne pouvait que s'effondrer.
Il appartenait aux pays européens et aux autres pays du monde de protester contre le système des changes flottants et des hyper déséquilibres. Ils ne l'ont pas fait. Pour les alliés des Etats-Unis, par soumission pure et simple. Cela a donné les accords de la Jamaïque source de toutes les difficultés ultérieures. Quant aux pays libérés du socialisme, le modèle allemand et japonais leur a paru le meilleur : construire leur croissance sur la captation de la production mondiale en profitant de la pauvreté de leur travailleur, en accumulant les excédents contrepartie des déficits américains.
Au lieu d'avoir cherché une croissance homothétique, on a pratiqué une croissance substitutive. L'Allemagne a totalement capté l'industrie mécanique en Europe et verrouillé une grande partie de ce secteur dans le monde entier. L'Inde et le Pakistan ont capté des secteurs entiers du textile et du médicament. Le Japon tient des secteurs industriels entiers, comme les motos, la photo et l'électronique grand public. La Chine est devenue l'atelier du monde. Cette politique a accru les déséquilibres et la vulnérabilité économique.
Les énormes excédents, alimentés par les énormes déficits américains, ont créé une liquidité effarante parce qu'il fallait bien faire quelque chose des dizaines de milliers de milliards de monnaie accumulée. La finance internationale les a recyclés dans les pays déficitaires provoquant une montée inexorable de la dette globale. Ne trouvant plus à s'employer dans la création de richesse, les dettes ont alimenté des "créations de valeurs" détachées de la production. Bien sûrs ces bulles ont toutes fini par éclater.
La situation de Trump est impossible. Il ne peut dénoncer que les excédents des autres alors qu'ils sont jumeaux des déficits américains. Il ne peut en aucun cas envisager une réorganisation du système monétaire mondial basé sur l'introduction des changes fixes et l'interdiction des grands déficits autant que des grands excédents, avec création d'une monnaie de compte internationale différente du dollar.
Donc tout cela ne peut conduire qu'à des désordres et des discordes.
La réponse de l'Allemagne est parfaitement débile : "si nous avons des excédents, c'est à cause de la BCE et du change trop bas de l'Euro. Rien à voir avec nous". Mais pas un mot sur les excédents monstrueux de l'Allemagne au sein même de la zone Euro.
La révolte électorale des peuples occidentaux vivant en démocratie a eu comme conséquence de mettre à nu la cause principale de la crise : les énormes déficits et excédents croisés que l'on retrouve aussi bien dans la zone Euro que dans le monde. A ce jour cela n'a eu comme conséquence que des propos sur la responsabilité des autres de la part des Etats coupables, puissants, sûrs d'eux-mêmes et dominateurs.
Il est clair qu'on ne peut en sortir que par la création d'un système global qui pousse structurellement à l'équilibre des échanges, donc au retour de changes fixes mais ajustables avec une tension internationale pour agir dès que les déséquilibres se forment.
Il appartient au FMI de mettre en avant l'article 1 de ses statuts et de proposer les voies et moyens d'un retour à un système équilibré.
Il aurait été aussi nécessaire que la France porte la voix de la raison. Mais dans l'état où elle se trouve, probablement le plus navrant de son histoire récente, elle préfère discuter des préférences sexuelles d'un certain Monsieur Macron, dresser des piloris médiatiques débiles, pousser l'exaspération de tous, trouver d'une extrême intelligence que l'on dise dans la même phrase que les robots ouvrant une période où le travail humain ne trouvera plus de rôle et qu'il faut distribuer un revenu universel et taxer les robots, c'est-à-dire supprimer la source de la production redistribuée, où les hauts fonctionnaires violent leur mission pour sauver leurs privilèges, où les juges violent le droit qu'ils sont chargés d'appliquer et où les policiers enfoncent mais par accident une matraque télescopique dans le fondement des délinquants.
Jamais la France n'aura été plus inutile au monde, prolégomènes d'une sorti e de l'histoire aussi médiocre que ses dirigeants, ses journalistes, ses hauts fonctionnaires, ses enseignants d'université et que la mentalité publique qui prévaut .
Jamais le monde aura été plus près du diagnostic de la crise et plus loin de la solution.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Cela pourrait marcher si les flux commerciaux avaient la pré-éminence sur les flux de capitaux. Dans ce cas, la résorption du déficit commercial américain s'accompagnera d'une résorption simultanée des entrée nette de capitaux étrangers aux Etats-Unis. La hausse de l'investissement américain (résultant au minimum du programme d'infrastructures envisagé) devra alors être financée par une hausse encore plus forte de l'épargne domestique qui résulterait de la hausse de l'emploi découlant de la relocalisation d'activités de production aux Etats-Unis et d'une baisse de la fiscalité sur les entreprises et les hauts revenus ayant la plus forte propension à épargner. Dans ce cadre là, le programme économique de Trump paraît parfaitement cohérent.
En revanche, si ce sont les flux de capitaux qui prédominent les flux commerciaux - et cela me semble l'hypothèse la plus probable vu que ces flux sont ~ 40 fois supérieur - alors la hausse du dollar provoquée par l'afflux massif de capitaux vers des actifs libellés en dollar - renforcée le cas échéant par l'incitation fiscale pour les entreprises américaines de rapatrier leurs avoirs accumulés à l'étranger - compensera les tarifs douaniers et maintiendra le déficit commercial américain inchangé en même temps qu'il amplifiera la bulle financière déjà bien gonflée par 6 ans d'injections massives de liquidités par la banque centrale de 2008 à 2014. Dans ce cas, la résolution du problème va se trouver compromise et le problème risque même de s'amplifier. Il me semble que nous sommes bien dans ce cas.
Cela suggère que, même si l'économie américaine est relativement moins dépendante des flux commerciaux internationaux que beaucoup d'autres économies, l'administration Trump aurait beaucoup plus de chances de succès dans sa tentative de ré-équilibrer ses comptes extérieurs en s'y prenant par le biais des taux de change plutôt que des tarifs douaniers et coopérativement plutôt que unilatéralement. Via un nouveau Bretton Woods en quelque sorte.
Un article intéressant de Michael Pettis à ce sujet
http://carnegieendowment.org/chinafinancialmarkets...
mais les gouvernements nationaux ont-ils les moyens de faire pression ? Et les banques centrales ne sont-t-elles pas responsables ?