"FAIRE", le livre programme de François Fillon , dans la conjoncture politique actuelle.

La campagne pour les élections présidentielles est désormais lancée.

À gauche, l'affaire est classée : François Hollande se représentera. On peut le regretter, compte tenu du bilan navrant de son quinquennat raté qui a abouti à la désagrégation à peu près totale de sa majorité présidentielle (alors qu'il est considéré comme un formidable tacticien dans la politique politicienne), et une contre-performance nationale regrettable. Une gestion purement électoraliste et narcissique n'est pas ce qu’il faut à la France et continuer comme cela pendant cinq nouvelles années n'a pas de sens pour la nation. Valls est trop associé à ce bilan pour pouvoir jouer une carte utile. Et quel serait son programme ? Il n'osera pas en affirmer un différent des esquisses hollandaises. Macron est rejeté par les socialistes et on n'ose même pas le montrer aux militants. La situation est bloquée à gauche, même si Martine Aubry semble vouloir faire ticket pour les présidentielles avec François Hollande. Le président socialiste peut encore changer les règles électorales pour obtenir une assemblée nationale éparpillée par la proportionnelle intégrale qui rendrait la droite de gouvernement impuissante. Les différentes droites et centres iraient à la bataille sous leur couleur. On voit le décor : le FN à 25 %, les droites à 22 %, les centres à 18 %, le PS à 17 %, les extrêmes gauches à 10 % et les différents Verts à 9 %. Avec à la clé des combinaisons façon quatrième République et un gouvernement de fausse union nationale entre centristes, PS et quelques transfuges verts et Républicains. Se lancer dans un tel barnum à un an à peine avant les élections présidentielles paraît tout de même un peu abracadabrantesque. François Hollande préférera faire la réforme électorale avant, en se réservant de dissoudre après. Il est plus simple de se présenter comme un candidat socialiste du centre qui protège tout en faisant avancer des réformes "que même la droite n'aurait pas su faire", mais dans la douceur. Avec un coup de pouce de la conjoncture, qu'il anticipe, il pense que cela peut passer. On aurait alors un ministère Aubry-Bayrou ou l'inverse.  

A droite, le poids politicien joue en faveur de Nicolas Sarkozy. Il tient l'appareil ; il sait manœuvrer ; il manie les sondages et les études politiques avec maestria ; les militants l'apprécient. Mais il n'a pas de programme et ne peut pas en avoir. Son quinquennat annonçait une rupture qu'il n'a pas faite cherchant surtout, par des arbitrages et des débauchages, à se placer au centre gauche pour se faire réélire et paniquant lorsqu'il est devenu clair que cette stratégie ne marcherait pas. La campagne de 2012 prendra alors le tour pitoyable que l'on a vu. Que peut-il annoncer aujourd'hui ? Qu'il a changé et qu'il va faire un vrai programme de droite ? De mea culpa en mea culpa peut-il faire oublier sa stratégie purement politicienne de 2007 à 2012, presque identique à celle de Hollande et pour les mêmes raisons ? Peut-il donner un sens national à un second mandat ? À notre avis, non.

Il aurait dû s'écarter après son départ forcé, comme Blair le fit au Royaume Uni, et laisser la place au meilleur du moment, François Fillon. Il a préféré interdire tout débat sur le bilan du quinquennat, qualifiant de traître et vilipendant tout malheureux cherchant à faire valoir certaines remises en cause. Il s'est mis à envoyer aux peuples des "cartes postales" et à organiser un retour en fanfare, se présentant en sauveur d'un parti qu'il a lui-même fait exploser en faisant "tuer" Fillon par François Copé dans des conditions scandaleuses. Il prétend avoir réparé ce qu'il a, en fait, lui-même cassé. Les Français croient que des dirigeants sans scrupule mais efficaces pour soigner leur carrière politique, seront plus résistants aux pressions du monde. Ils sont indifférents à la morale publique dans ces affaires. Soit.

Il a réussi à briser la dynamique Fillon, mais il s'est pris dans la figure, en ricochet, la montée dans l'opinion de Juppé. Cette soudaine réhabilitation n'a qu'une interprétation : le rejet de Sarkozy dans une bonne partie de l'électorat.

Juppé est-il l'homme ne la situation ? Objectivement non. Il faut à la France un président qui dispose du potentiel de deux mandats pour réellement redresser le pays. Juppé a dix ans de trop pour cela. Et il faut une volonté de porter des réformes lourdes. Juppé a commis trop d'erreurs majeures : il a déplafonné l'ISF et encenser une mesure fiscale qu'il regrettait de ne pas avoir mis en place lui-même ; il parle de le supprimer. Où est la cohérence ? Il s'est montré et se montre en permanence avec Rocard et Bayrou, qui n'ont rien montré lorsqu'ils étaient au pouvoir et ne représentent plus qu'eux-mêmes. La campagne montrera qu'il n'a pas le fond nécessaire pour conduire une grande politique. La dissolution Chirac, c'était lui, ce qui montre un sens politique, disons, imparfait. Finalement il a baissé pavillon devant les grévistes en 93. Droit dans ses bottes mais en mode recul. Il ne représente rien de l'avenir : ni un programme énergique de redressement, ni un programme d'adaptation au monde nouveau. Rien. Il a rassuré l'opinion au moment où les autres dirigeants de droite se battaient comme des gorets. Mais cela ne suffit pas. Les Français l'utilisent pour décourager Sarkozy dont ils ne veulent pas. Cela ne fait pas un vrai candidat. Son livre sur l'éducation est tellement tombé à plat qu'on en a mal pour lui.

Si ce n'est ni Juppé, ni Sarkozy, alors qui ? Il n'en reste qu'un : François Fillon. Lemaire est un peu vert, Lagarde encore insignifiante, NKM trop fofolle et marquée par sa défaite, hélas méritée, face à Hidalgo.

On dira qu'on peut envisager des binômes : Fillon, avec Lemaire comme premier ministre ; Juppé avec Fillon ou Lemaire comme premier ministre, Fillon avec Mme Lagarde comme premier Ministre etc.

Le fond du problème est tout de même de disposer d'un moteur et d'un conducteur. Le seul vrai moteur actuellement chez les Républicains, c'est Fillon.

Le livre qu'il vient de publier le prouve. C'est un excellent livre. Il montre que c'est Sarkozy qui a constamment cherché une voie moyenne acceptable pour la gauche, et a poussé aux demi-mesures. Il n'a pas démissionné par légitimisme : le président est le seul élu par l'ensemble des Français. C'est lui qui doit assumer la responsabilité du résultat. Ayant été élu par l'ensemble des Français, personne dans son camp n'avait le droit de l'empêcher d'agir. L'important était d'aller dans la bonne direction et de faire face à la catastrophe de la crise sans ajouter de la crise politique à un désastre économique. La position de Fillon est acceptable. Grâce lui soit rendue de ne pas avoir joué, comme naguère Jacques Chirac, la défaite de son camp pour maintenir vivante ses ambitions. En montrant que lui-même avait une stratégie plus ambitieuse et en la proposant aujourd'hui, il démontre qu'il est dans la continuité de Sarkozy mais avec un élan dans la rupture et dans la cohérence supérieure, et sans les travers psychologiques. C'est jouable, même si beaucoup de Français préfèrent les flambeurs irresponsables.

Toutes les mesures proposées dans le livre sont frappées au coin du bon sens et ont pratiquement toutes été défendues par les intervenants de ce blog. Alors bravo !

Nous ne constatons que deux manques.

Fillon ne parle pas de l'évolution nécessaire de la politique judiciaire. Le gouvernement des juges, via la CEDH ou par le justicialisme en interne, est une menace qui interdit toute volonté nationale un peu ferme. Le jugement Murano qui justifie qu'on puisse traiter à répétition de "connes" des opposantes politiques, pourvu qu'on le fasse très souvent et en croyant être drôle, s'ajoute au "mur des cons" de sinistre mémoire. Les libertés sont menacées et la licence est encouragée. Est-ce bien le rôle de la justice ? Et le droit national n'est plus souverain, contesté de l'intérieur et de l'extérieur par les instances européennes. L'impérialisme du droit américain vient encore aggraver les choses. Le droit national ne peut être ni soumis à l'extérieur ni subverti de l'intérieur par des juges politisés et félons. Il faut dénoncer et interdire le justicialisme. Il faut remettre le contrôle de constitutionnalité dans des mains républicaines françaises. La CEDH doit être réformée, comme le demande à juste titre Cameron. Comme en Allemagne notre cour suprême ne doit rien avoir au-dessus d'elle. Sinon, c'est la paralysie politique. On ne peut pas se dispenser d'un volet judiciaire dans le programme électoral d'un parti de gouvernement soucieux de l'indépendance nationale et de la démocratie.

Autre lacune du livre, François Fillon ne parle pas de la cause principale de la crise : le système monétaire international défectueux qui a provoqué la montée de la dette, la baisse du trend, l'aggravation des crises cycliques et finalement l'explosion du système.

Ce sont des sujets jugés compliqués et électoralement sans influence et qui ne seront sûrement pas apportés au débat présidentiel par les autres candidats. Alors pourquoi s'en préoccuper ? On comprend bien la prudence du candidat. Mais ce sont des sujets cruciaux s'il faut rétablir un certain "triomphe de la volonté" et on peut contester qu'ils n'auront pas d'influence sur l'élection. Celui qui donnera un diagnostic de la crise gagnera de la crédibilité car du coup il peut parler de la sortie de crise. N'évoquer que du sang et des larmes ne suffit pas. Sarkozy a été largement battu pour ne pas avoir porté un diagnostic sur une crise qu'il n'avait pas prévue, malgré les avertissements, et pour ne pas avoir présenté un plan de sortie de crise.

Il faut avoir une vision de la crise, une explication de ses causes majeures, un plan pour y faire face. Si la cause principale est dans les défauts du système monétaire international, il faut le faire savoir et militer pour des recettes de modernisation et de réforme. Si la gouvernance de la Zone Euro est en cause dans les difficultés actuelles de la zone, il faut aussi le dire et présenter un schéma de sortie des ornières ainsi dénoncées.

Si François Fillon pense que la France seule, pourvu qu'elle fasse les efforts qui s'imposent, pourra s'en sortir seule, il se trompe.

La France a besoin de se réformer, c'est vrai, mais il lui faut aussi une Europe qui dispose d'une politique d'ajustement interne et externe (pour nous, portée par un chancelier de la zone Euro, coordinateur et non un fuligineux "gouvernement économique") et l'Europe a besoin de la stabilité des changes dans un système de type Bretton Woods rénové qui évite les déficits et les excédents monstrueux, et assure une certaine stabilité concertée des monnaies.

Porter ce message ferait du bien à François Fillon. Car elle l'élèverait au-dessus de la tourbe de la politique politicienne pour aller au cœur du réacteur nucléaire de la crise. Cela lui permettrait également de se démarquer de la gestion de 2007, en donnant du corps à l'idée que son expérience lui a fait prendre la pleine conscience de ce qu'il faut faire désormais et que c'est son expérience qui lui permet de travailler dans les trois dimensions critiques : le monde, l'Europe et la France.

Prochain livre suggéré : "Que l'Europe s'éveille !" Dire qu'il veut une Europe européenne sans autres éléments programmatique, comme dans son livre actuel, ne suffit pas. Et pour le suivant proposons : "Agir pour la stabilité mondiale".

François Fillon est considéré par tous les journalistes comme perdu et ringardisé par sa querelle avec Sarkozy et Copé. Il se traîne dans les sondages.

Il aurait tort de se décourager.

Il a encore de la marge pour doper son programme et le rendre conforme aux nécessités nationales. Et il se peut qu'il parvienne même à ne pas décourager ses soutiens les plus militants, donnant des satisfactions à Boishue. Suggérons qu'il aille même jusqu'à les encourager !

Les autres, à droite n'ont pas de marge programmatique. En exigeant un "socle commun" Sarkozy se cache derrière son doigt. Il fait une double erreur, alors qu'il croit la jouer subtil : il montre qu'il n'a pas la volonté d'avoir un programme propre, décisif et clair ; il laisse penser qu'il se contentera de manœuvres politiciennes secondaires. Dans les deux cas, il se déconsidère. Dès que le couple Juppé-Bayrou projettera son ombre sur le mur de l'espoir français, sans vrai programme (Bayrou n'en a jamais eu ; Juppé non plus), alors que Sarkozy disparaîtra dans les fournaises judiciaires qu'il a lui-même allumées, l'heure Fillon sonnera. En s'alliant avec Lemaire, il peut même gagner la primaire.

Mais il faut que le programme soit complet et qu'il aille à l'essentiel.

S'il n'y a pas d'espoir de sortie de crise ni une volonté ancrée dans des analyses solides, il n'a pas d'élection possible, ni même souhaitable.

Commentaire
DvD's Gravatar Sous Sarkozy, le nombre de chômeurs toutes catégories confondues est passé de 3,6 à 5 millions, soit une augmentation de 1,4 millions de personnes.

Au bout de 39 mois de présidence Hollande, le nombre de chômeurs toutes catégories confondues dépasse les 6 millions de personnes, c'est à dire qu'il est sur une tendance de 1,5 millions de chômeurs supplémentaires sur la durée du quinquennat.

Ces deux là ont des résultats identiquement catastrophiques.

Comment peuvent-ils seulement songer à se représenter après un tel massacre ? Cela montre combien ils sont dépourvus du moindre sens des responsabilités et de l'éthique civique la plus élémentaire. Qu'ils puissent seulement se représenter alors qu'ils ont démontré leur parfaite incapacité ne fait qu'illustrer que le système politique français est totalement verrouillé. Une alternative aussi pourrie que Sarkozy-Hollande (1,4 ou 1,5 millions de chômeurs en plus) ne peut en aucun cas être confondue avec la démocratie, qui exige un réel choix de représentants qualifiés.

C'est bien cette capture de l'Etat par des arrivistes incapables qui bloque toute possibilité de sortie de crise. Une condition nécessaire (mais pas suffisante) pour retrouver la prospérité est de s'en débarrasser et d'ouvrir le système politique de façon à permettre l'émergence de personnalités qualifiées à la tête d'institutions représentatives.
# Posté par DvD | 15/10/15 21:17
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