La crise, les experts et la télé

Le premier anniversaire de l'élection du président Hollande stimule les émissions de télévision. Il faut esquisser un premier bilan.  On a donc vu Jean-Luc  Mélenchon discuter avec  Jacques Attali sur une chaîne. Le même soir, sur une autre chaîne, l'émission d'Yves Calvi a fait se confronter les "experts"" habituels, c'est à dire Yves Thréard, chargé de la pensée de droite, M. Philippe  Dessertine, chargé de défendre les positions européistes, M. Todd, chargé de lui-même  

Nous n'évoquerons pas la philosophe de service qui n'avait rien à dire d'utile et qui s'acquittera de cette mission avec l'air pincé et sévère que les femmes philosophes affectent à la télé.

Le thème était toujours à peu près le même dans les deux cas : les hommes politiques sont-ils devenus impuissants ?

Il faut noter que tous ces intervenants sont des experts médiatiques répertoriés depuis bien avant la crise et qu'aucun n'avait eu la gentillesse de nous prévenir qu'elle arrivait. Le fait d'être incompétent et aveugle n'entraîne aucune conséquence médiatique. L'important est d'être "institutionnel" et d'avoir une "gueule" qui passe bien. Après cela, le fait d'avoir été vu à la télé vous classe parmi ceux qui doivent être éternellement revus à la télé.

Ces personnes étant intelligentes, on trouve toujours un ilot d'observations justes dans le flot de paroles qui se déverse sur le spectateur. Mais comme elles ont été totalement aveugles et incapables de comprendre les évènements, le fond manque. Un océan d'inepties se déverse alors, censées justifier les a priori politiques des "posturants", choisis justement pour ce qu'ils  représentent.

Le "talk-chaud" de Mélenchon n'avait pas pour but de faire de la lumière mais de la chaleur. Une chaleur froide et stérile. C'est qu'il est pris dans une contradiction fondamentale, dès qu'on aborde le fond des choses. Il est pour l'Europe qui peu ou prou conduit la politique économique déflationniste de la France, mais croit qu'un "rapport de force " établi en France permettra de retourner la situation. Pourquoi ? Parce qu'en menaçant de ne pas payer la dette, tout le monde se mettra à genoux.  Et de citer l'Argentine qui n'a pas remboursé ses dettes et "s'en sort très bien". Le défaut de paiement, voilà la solution.  Face à ces rodomontades, Attali, constamment coupé,  se contente de répéter inlassablement la même phrase. Vous n'avez pas tort mais la solution n'est pas en France mais en Europe. C'est l'Europe qui doit mener la politique que vous défendez pour le trop petit hexagone.

L'Europe ? Organiser la cessation de paiements ?

La situation de l'Argentine n'a rien de comparable à celle de l'Europe. Les dirigeants de ce pays, depuis Péron, conduisent des politiques démagogiques qui ont fait passer l'Argentin du statut d'oncle d'Amérique doré sur tranche à celui de membre paupérisé d'un pays enchaînant les crises et ne parvenant pas à en sortir.  L'Argentine est un cas typique de ruine par la démagogie. Lorsqu'il s'est agi d'en sortir, les réformateurs ont choisi une solution baroque : un "currency board" basé sur le dollar. Jamais cette solution technique, utilisée principalement dans les colonies  des grandes puissances et par des micro-états ne pouvant assurer la crédibilité d'une monnaie locale, n'avait été expérimentée par un grand pays indépendant. Dans un système de changes fixes, de type Bretton-Woods, le dispositif aurait pu fonctionner. Les changes flottants le mettait en danger dès lors que le dollar montait sur les marchés et que la monnaie de ses partenaires économiques majeurs baissait.  La forte dévaluation du Real brésilien, alors que le dollar grimpait à des sommets, a fait exploser le "currency board".

L'Argentine s'est alors débarrassé de ses dettes en décidant un défaut de paiement et a dévalué très fortement sa monnaie. Comme elle dispose d'un secteur agricole exportateur important, le "Campo" et que la Chine au même moment avait des besoins explosifs de nourriture et les moyens de payer, la balance commerciale s'est fortement redressée et l'argent a commencé à affluer dans les caisses des sociétés exportatrices du Campo. Echaudé par les manipulations monétaires constantes et séculaires du pays, le Campo n'a fait revenir qu'une fraction des revenus gagnés qui sont partis dans les paradis fiscaux ou aux Etats-Unis.  Le résultat est connu : les Kirchner, après s'être personnellement enrichis par tous moyens, se sont trouvés sans ressources nationales pour faire face aux besoins généraux du pays. Comme plus personne ne veut y investir depuis le vol des créanciers et des investisseurs étrangers, l'Etat s'est  retrouvé sans moyen pour faire vivre les grandes villes du pays et son administration pléthorique. On a alors volé les réserves de la banque centrale, mis en place des taxes intolérables sur les exportations et, à nouveau, tout bloqué. La situation argentine est toujours aussi lamentable alors qu'il s'agit d'un des pays les plus riches en ressources naturelles. La politique des coups d'éclats est un miroir aux alouettes. C'est la leçon argentine. Qu'elle soit reprise par Mélenchon ne saurait étonner.  Ses solutions sont les mêmes : on annule unilatéralement les dettes ; on relance à tout va la dépense publique en imprimant des billets ; on taxe à mort tout ce qui bouge. Le désastre est au bout. L'exemple argentin est plus que parlant. 

Dans ce cas il n'y aurait naturellement plus d'Euro ni d'Europe.

La chaleur Mélenchon ne réchauffera que les cruches et les imbéciles.

La position d'Attali est-elle plus claire ?  Il affirme : la solution sera européenne ou ne sera pas. Très bien. C'est une évidence si l'Euro doit être conservé. Mais  comment  sortir des ornières actuelles ? Grand silence. L'Europe, l'Europe, l'Europe ! Seulement voilà : les européistes ont mis en place l'Euro sans nous dire comment cela marchait si on se contentait d' un jeu de règles simplistes, sans cabine de pilotage et dans un monde de changes flottants.  M. Attali n'a rien à nous dire sur les solutions permettant de dépasser cette carence.

Finalement l'échange Attali-Mélenchon ne débouchera sur rien.  Sinon de l'audience pour les organisateurs et un peu de "revu à la télé" pour les protagonistes.  Aucun intérêt.

Tournons-nous vers Yves Calvi. Sa question sur l'impuissance des politiques a-t-elle trouvée une réponse convaincante ? Disons le tout de suite : non ! Un concours d'inepties dans un flot de truismes n'apporte rien à la réflexion.

Examinons quelques thèmes.

Pourquoi le Président de la République Française, qui a plus de pouvoirs que n'importe lequel des dirigeants des grands pays , est-il, de fait, aussi  impuissant que le président le plus faible, qui doit être celui d'Italie, avec ses 88 ans chevrotants ?

C'est "la faute aux grands corps de l'Etat" affirme Todd. Ces vilains sont en fait des banquiers et comme la finance règne en malfaisante, ils règnent comme des malfaisants. Le Premier Ministre n'a pas de pouvoir. les Ministres encore moins. Ils ne choisissent même pas leur cabinet. Thréard surenchérit : les Ministères sont pléthoriques et impossibles à bouger.  Mais" je déteste qu'on mette les hauts fonctionnaires en situation de boucs émissaires".   On bascule alors sur le rôle des parlementaires, leur impuissance, la nécessité des mandats multiples pour qu'ils ne s'ennuient pas complètement. 

Quelle est notre propre position sur cette question cruciale ?

La France n'est pas responsable de la crise mondiale qui s'est déclenchée fin juillet 2007 avec le blocage du marché monétaire interbancaire.  Pas plus que l'Europe. La crise va révéler la formidable faiblesse de la zone Euro et la vulnérabilité d'une France qui a choisi la course folle au non travail et à l'impôt.

Sortir de nos difficultés supposent qu'on ait une vision des causes de la crise globale et de la fragilité de la zone Euro. Si on n'en parle pas, on cause dans le vide.

Le Président de la République Française a un rôle à jouer et dans le monde et en Europe. Mais encore faut-il  qu'il ait une vision des problèmes et des solutions. Nicolas Sarkozy a eu une intuition des problèmes  et une envie d'agir. Mais pas de levier intellectuel pour être efficace. Son action a largement été une agitation, même s'il a réussi à faire bouger des gens qui ne voulaient rien voir ou rien faire. La difficulté avec M. Hollande, c'est qu'il n'a aucune vision de rien et qu'il ne bouge sur exactement rien. Il ne tient aucun discours utile parce qu'il n'a ni diagnostic ni solution.

Ce n'est pas son impuissance institutionnelle qui compte en premier. Le  président qui a plus de pouvoirs que quiconque serait prisonnier d'une Europe trop forte, d'une décentralisation non maîtrisable ou d'une Administration incontrôlable ? L'impuissance est d'abord intellectuelle. Hollande ne sait pas. Il n'a pas réfléchi au-delà des slogans et des éléments de langage de communicants. Il n'a rien à dire, rien à proposer. Les évènements sont plus forts que son babil de démagogue. Et il s'en fout. Il est là où il voulait être. Le reste compte peu. Sa désinvolture est un peu trop visible.   

Les invités de M. Calvi ne pouvaient pas s'engager sur la voie de ce diagnostic simplement parce qu'ils sont exactement dans le même cas. Aucun n'a un vrai diagnostic de la crise, aucune réflexion réelle sur la faiblesse européenne, et seulement des lueurs partisanes sur le cas français.

M. Hollande a été assez puissant pour asséner un choc fiscal et un choc moral si fort au pays qu'il l'a mis à l'arrêt et  a tout aggravé. Il n'a eu aucune impuissance à faire l'inverse de ce qu'il fallait faire. S'il ne renverse pas la vapeur c'est qu'il ne le veut pas, non qu'il ne le peut pas. Il est un président puissant et catastrophique. Les vaticinations sur son impuissance supposée sont ridicules.

La vraie question aurait du être  de savoir si, ayant un diagnostic et une volonté positive, il aurait pu la faire prévaloir. La carence de curiosité a tué le débat.

On retrouve la même impuissance sur la question européenne.  L'européiste Dessertine sort son apologie. L'Europe c'est la paix. L'Euro vient de loin et c'est la sagesse car le commerce basé sur une bonne monnaie unique c'est la paix.  Si cela ne marche pas, ce n'est pas la faute de l'Europe ou de l'Euro mais des dirigeants nationaux qui n'ont pas compris que le monde a changé.  Il énonce une théorie curieuse et nouvelle : ce sont les dirigeants occidentaux qui, en 1990,  ont choisi d'ouvrir les vannes monétaires et de débrider le crédit pour maintenir la croissance et les systèmes trop généreux de Welfare state mis en place à la Libération. L'endettement aurait  été volontaire et concerté. "Fait pour". On paierait cette erreur aujourd'hui.

Cette théorie est fausse. La courbe en U de l'endettement atteint son point bas en 1970 et commence sa remontée à partir de cette date. La libéralisation des mouvements de capitaux n'a pas été décidée en 1973 pour libérer la dette, mais parce que les changes flottants imposent, pour avoir un minimum de cohérence, que ce soit les marchés qui fixent la valeur respective des devises, les banques centrales se contentant de stabiliser la hausse des prix entre 0 et 2%. Pour cela elle devait être indépendante des Etats et ne pas les financer directement. Les accords de la Jamaïque ont créé une mauvaise solution qui n'a jamais marché, mais ils étaient un minimum cohérents avec la doctrine qui les justifiait.

On espérait de la libération des mouvements de capitaux à long comme à court terme qu'elle permette une allocation optimale des capitaux vers les meilleurs investissements. Pas qu'elle augmente la dette ! Les salles de marché pléthoriques datent des années 70, pas 90.

Cet espoir sera déçu et le système en fait ne marchera pas. Il sera la source de déséquilibres croissants qui alimenteront la dette mondiale  jusqu'au point où elle deviendra insoutenable.  Comme Dessertine est en faveur des changes flottants et qu'il n'en a jamais analysé les dangers, il ne peut qu'inventer une scénographie historico-politique aventurée  qui doit être mise à la poubelle des hypothèses farfelues.

Les gentils diront : au moins il avait une idée. Elle est fausse. Mais c'est un début.

On sait que M. Todd a une marotte : expliquer l'impossibilité de l'Euro par la sociologie et le régime matrimonial. Nous avons déjà démonté cette idiotie sur ce blog. N'y revenons pas.

La crise a révélé la faiblesse de la zone Euro qui est d'être gérée par la norme (3% de déficit d'état dans le PIB et 60% de dettes publiques cumulées  par rapport à ce même PIB). La gestion par la norme est une utopie qui a été balayée par la crise. Une zone monétaire unique doit avoir des organes de pilotage au jour le jour. Elle n'en a pas. Elle n'en veut pas. Elle crève. Stop !

M. Thréard n'a aucune idée particulière sur toutes ces questions. Il est pour l'Euro. Point."Credo ergo sum".

Reste le grand débat sur le monde qui aurait radicalement changé. Les gouvernements occidentaux, européens, français n'auraient pas pris la mesure des "changements de paradigmes" (élément structurant de la novlangue de bois) et auraient conservé les voies et moyens de l'immédiate après guerre.  

Depuis Alvin Toffler et la "première crise la plus grave depuis 1929", la mode, pour les penseurs cosmoplanétaires,  est de voir des chocs du futur assommer les pauvres gouvernants qui ne voient rien venir malgré les brillantes analyses de leurs  causeurs de télévision.

Pour Todd, le monde est peuplé de nullités qui ne savent pas les beautés de la sociologie. S'ils s'occupaient un peu plus du régime des naissances, ils comprendraient enfin ce que lui a compris depuis longtemps : Todd est un immense scientifique qui détient la vérité.  S'il a une tronche sinistre et un comportement d'imprécateur, c'est parce qu'il est le seul à dire le vrai, la tête dans les berceaux.

Pour Thréard c'est naturellement le modèle social français qui est décalé. Trop de dépenses publiques associées  à pas de production et voilà le résultat. Vision idéologique à courte vue mais cohérente avec les positions de son journal.

Pour Dessertine il faut s'adapter à un monde nouveau et les Allemands ont montré le chemin.   C'est facile. Vive l'Europe à l'Allemande pour tous. Sauf que le mercantilisme allemand ne fonctionne que si les autres n'ont pas de politiques mercantilistes 

Aucun ne veut voir ce fait crucial : un produit doit s'échanger contre un produit et le travail contre le travail. Avoir mis en place, contre les statuts du FMI, contre la  Charte de la Havane, un système qui fait que les produits et le travail s'échangent contre du papier, en laissant les déficits et les excédents grimper  à des niveaux intolérables, a provoqué une montée faramineuse du chômage, cassé la croissance mondiale, désorganisé les échanges et les décisions d'investissements et finalement fait sauter tout le système financier.

Comment faire comprendre  à M. Yves Calvi qu'il faut qu'il sorte un peu des analyses éculées de ceux qui n'ont pas vu venir la crise, ne la comprennent pas et disent encore et toujours n'importe quoi ?

Commentaire
# Posté par Jean-Marc | 27/04/13 18:17
stéphane's Gravatar Je pense que vous faites une fixation sur les changes flottants sans regarder la cause principale de ces problèmes : la démagogie des gouvernements.

L'endettement des états ne fait pas un U avec 1970 pour base. Les USA se sont désendettés fortement au milieu des années 90 suite aux réformes reagan.

La GB s'est désendettée également dans les années 80 et 90 suite aux réfomes Thacher.

pareil pour le canada, la suède, la norvège, etc ...

Ce qui caractérise les périodes de fort désendettement, c'est une politique économique libérale menée par des responsables économiques justement responsables, et une politique monétaire neutre.

Des changes fixes mais ajustables ne pourront empécher la démagogie des gouvernants.

C'est grace à la sanction des marchés au début des années 80 (3 dévaluations successives du franc) que le gouvernement Mitterrand a pris le tournant de la rigueur (on remarque que les politiques monétaires menées à l'époque par les USA et la GB étaient des politiques responsables).

La politique monétaire est un outil dangereux dans les mains de démagogues, ce n'est pas l'outil qu'il faut incriminer, mais les mauvais utilisateurs de cet outil.

Or, tant que cet outil existe, les gouvernements seront tentés de l'utiliser.
Ce que Friedman, encore une fois, avait parfaitement comprisen prônant la disparition des banques centrales ...

Un dernier point : l'Allemagne ne fait absolument pas une politique mercantiliste ???? A aucun moment elle ne ferme ses frontières ou ne favorise ses produits.

Ce qui se passe ?

L'Allemagne a fait seule en Europe (avec l'europe du nord) des efforts pour améliorer sa compétitivité (cad sa productivité marginale du travail relative).

Forcément, son solde commercial avec des partenaires commerciaux dont la compétitivité est plombée par des politiques économiques irresponsables se gonfle.

Ce n'est pas la volonté de l'Allemagne de dégager des excédents commerciaux, mais le résultats des mauvaises gestions de ses voisins.

Si demain de bonnes politiques économiques sont menées et que la compétitivité de la France, Italie, Espagne augmente, alors l'excédent commercial allemand se résorbera de lui-même, car on pourra de nouveau échanger produits contre produits, travail contre travail, et non plus produits contre dettes.

Merci de rappeler encore et toujours cette loi économique fondamentale découverte par JB Say : la Loi des débouchés.

Bien cordialement,
# Posté par stéphane | 30/04/13 12:19
DD's Gravatar La courbe en U concerne l'OCDE. Les Etats-Unis, excédentaires au sortir de la guerre par rapport aux autres pays a une courbe qui s'infléchit brusquement vers le haut à partir de 70. Ces courbes ont été publiées sur ce blog. Ne pas oublier qu'il s'agit de la dette globale (Etat, entreprise, personnes privées, secteur bancaire). A noter que la secteur bancaire devient ...débiteur net, ce qui selon les théories classiques est une hérésie. En France : 50 % du PIB AVANT la crise. Et on ne parle pas de l'institution d'émission.

Le RU de Thatcher a effectivement lui freiner la hausse cumulée et désendetté l'état. Mais pas le reste de l'OCDE.

La dette d'Etat "normalement" ne doit pas représenter plus du tiers de la dette globale et la dette globale ne doit pas sortir d'un "bracket" de 100 à 150% du PIB. En gros on doit emprunter moins de deux fois la valeur du PIB marchand (en supprimant le PIB administratif) pour avoir une chance de payer intérêt et principal. Si , pour une entreprise quelconque, l'endettement représente deux fois sa valeur ajoutée, les banques commencent à sérieusement flipper et les actionnaires aussi.

Quand vous voyez des particuliers qui empruntent la valeur du revenu national, des entreprises qui empruntent les trois quart du PIB global, les banques et institutions financières hors banque centrale qui arrivent à 50% du PIB, vous êtes déjà dans le rouge, avant même que les Etats ne soient pris en compte. On est passé, pour l'Etat, de 0% en 1967 à 90% en 2012, en France. Mais à chaque fois à cause des crises décennales : crise de 74 d'abord qui met Giscard en difficulté ; crise de 92-3 qui met Balladur en difficulté, crise de 2001-2 qui remet Raffarin en difficulté et crise actuelle. Le choc de déficit de ces quatre crises représente à peu près 60 milliards Euros actuels.

Nous sommes effectivement opposés à une explication par la psychologie : rapacité des uns, goûts de la dépense des autres. Tous les gouvernements sont dispendieux et tous les capitalistes sont cupides. Rien ne changera jamais. Non pas que ces forces ne jouent pas. Elles le font.

Mais les ruptures ne sont pas là. La rupture systèmique de 1971 aboutit à l'abandon des règles de la Havane et du FMI. Du coup, plus de loi de Say ! Notre position n'est pas une marotte. Juste un constat.

Que les Etats et les banques centrales soient responsables de la crise globale, nulle doute là dessus. Mais c'était les mêmes états qui s'étaient désendettés constamment depuis 45.

Les invariants n'expliquent rien. Il faut se concentrer sur les changements systèmiques négatifs. Ils sont en effet souvent fondés sur une certaine idée du bien. L'angélisme a ses limites et l'enfer est pavé de bonnes intentions. .
# Posté par DD | 30/04/13 14:42
stéphane's Gravatar On peut penser qu'un système de change fixe mais ajustable impose aux différents gouvernements une certaine rigueur budgétaire sous peine de dévaluation de la monnaie du pays et de la mise sous tutelle du FMI, ce qui serait mal vu par la polutation et entrainerait la perte des élections des incompétents au pouvoir.

Est-ce pour cela une garantie réelle ? la GB (ou l'Argentine, ou d'autres encore) ont montré que malgré le système de Bretton woods, un endettement excessif et une dégradation forte de l'économie était tout à fait possible, par la faute de dirigeants étatistes.

Le goût des gouvernements pour la dépense publique ce n'est pas une explication par la psychologie, mais par la nature humaine, car les phénomènes économiques sont des phénomènes humains.

James Buchanan (disparu récemment, vous n'en avez pas parlé d'ailleurs), avec "the public choice" a bien montré que les hommes politiques, dans leur immense majorité, ne cherchent que leur réélection, et non le bien commun, d'où des politiques clientélistes et tjrs plus d'état.

Mais en désinformant les électeurs, on leur fait croire aux recettes miracles, qui passe par toujours plus de pouvoir pour les hommes politiques et toujours plus d'intervention de l'état, jusqu'à la catastrophe.

La seule façon de limiter cela n'est peut-être pas un système de changes fixes, mais un système reposant sur 3 piliers :

- des changes flottants et sans banque centrale pour les manipuler, ou alors un système d'étalon-or où les monnaies varieraient par rapport à celui-ci, et les mauvaises monnaies seraient abandonnées.

(jouer sur la valeur d'échange de la monnaie n'a jamais permis la création de richesses, cela ne sert qu'à envoyer de mauvais signaux au marché)

- des états se concentrant sur leur domaine régalien et QUE sur ce domaine : Justice, Police, Armée (ie diplomatie étrangère) avec pour règle budgétaire indépassable un budget en strict équilibre.

(Comme disait Bastiat, si l'on demande autre chose à l'état, il fera mal ses missions premières et rien n'arrêtera le développement de ses autres missions)

- et enfin, la fin du système de réserves fractionnaires qui permet aux banques de se mettre en iliquidité par nature, et donc en danger (ainsi que leur concentration excessive, voulue par les états, et qui mène au "too big to fail" qui détruit l'aléa moral).

Qu'en pensez vous ?
# Posté par stéphane | 30/04/13 16:53
DvD's Gravatar Je n'ai rien contre Ronald Reagan mais c'est juste un fait que l'endettement total (public + privé) des Etats-Unis a très fortement augmenté durant sa présidence de 1981 à 1989.

En % du PIB nominal (source: Bureau of Economic Analysis), la dette non financière totale (source: Federal Reserve) a ainsi augmenté de 136% fin 1980 à 182% fin 1989 alors qu'elle était restée remarquablement stable autour de 134% du PIB entre 1954 et 1980. Toujours entre fin 1980 et fin 1989 sous la présidence Reagan, la dette Fédérale américaine (source: Federal Reserve) est passée de 25% à 40% du PIB. La présidence Reagan correspond en fait à la première poussée d'endettement des Etats-Unis.

Il est vrai que la dette Fédérale a ensuite baissé entre 1995 et 2001 pour atteindre 33% du PIB fin 2001 mais l'endettement privé a compensé si bien que la dette totale est restée stable en valeur relative.

La présidence Bush correspond à la seconde vague d'endettement des Etats-Unis, la dette non-financière totale passant de 180% du PIB fin 2000 à 245% fin 2008.

C'est bien la dette totale qui compte car il arrive parfois (souvent en fait) qu'en dernier recours des mauvaises dettes privées soient socialisées, comme on l'a vu ces dernières années.

Je n'ai pas les chiffres de l'Angleterre sous la main.
# Posté par DvD | 01/05/13 18:55
stéphane's Gravatar Je suis tout à fait d'accord avec vous, la dette a augmenté sous Reagan, ce que dénonçait d'ailleurs à l'époque Murray Rothbard.

Néanmoins, l'augmentation de cette dette avait surtout une explication gé- politique très pertinente : Reagan a gagné la guerre froide, en étouffant l'économie soviétique qui ne pouvait suivre ses dépenses militaires.

On peut ensuite discuter pour savoir si la chute de l'URSS était souhaitable ou pas, mais il semble évident que cela a couté énormément aux USA.

Et surtout, les réformes économiques (baisse drastique des impots, baisse des réglementations étouffantes, diminution du rôle de la FED après avoir vaincu l'inflation) ont donné leur pleine mesure, et ce n'est que Clinton qui en a profité car Bush Senior a lui aussi du faire sa guerre (Irak).

La réduction des déficits peut donc être attribuée en partie aux réformes économiques de Reagan (avec les innovations techniologiques des années 90, mais celles-ci ont peut-être éclos grâce aux réformes de Reagan ?)

En GB, l'endettement a atteint 75 % du PIB sous les travaillistes, et il a été réduit jusqu'à 30 % du PIB en 1999, date de l'arrivée de Tony Blair au pouvoir, de l'abandon de la politique de Tchacher (Major a prolongé sa politique) et de l'ouverture des vannes étatiques : 1.5 millions de fonctionnaires en plus en 10 ans, augmentation des dépenses de l'état de 14 points de pib (de 38 % en 1999 à 52 % en 2010).

Chaque fois que le rôle de l'état dans l'économie augmente, celle-ci perd en croissance potentielle.

Bien cordialement,
# Posté par stéphane | 02/05/13 10:41
DD's Gravatar Lorsque Blair est arrivé beaucoup ont cru qu'il serait relativement sage sur la dépense publique. Il a fallu plusieurs années pour se rendre compte qu'il avait tout lâché. Il est remarquable que c'est Blair et Rocard qui dans leur pays respectif ont fait prendre près de 10 points de PIB à la dépense publique tout en gardant l'image de sages et de raisonnables. Dans les deux cas on a "réhabilité la dépense publique". Pour Blair le levier a été l'éducation et le redressement du NHS, la sécurité sociale britannique. On a déversé des sommes invraisemblables dans ces deux tonneaux des Danaïdes sans véritable résultat. Le leg Thatcherien a été dilapidé. Mais avec un discours paisible et en apparence dans la continuité. Rocard, qui est le premier ministre le pire de la 5ème République avait fait pareil. Bénéficiant d'une énorme croissance mondiale et des recettes fiscales afférentes (l'impôt étant progressif les ressources de l'état ont augmenté naturellement plus vite que la croissance du PIB) il a tout de même ouvert deux trous dans la coque du navire : le RMI (paiement d'une rente perpétuelle à des citoyens ayant les moyens de travailler) et la CSG (désormais à 15.5% du revenu national). Dans les deux cas, le retour de la récession décennale a mis les Etats en déficits colossaux.

Si la France et le RU connaissent aujourd'hui des situations désastreuses comparables, c'est largement à cause de Rocard et Blair, encensées par la "droite intelligente". Ce qui veut bien dire que des politiques de dépenses publiques maissves mettent massivement en danger les pays qui s'y livrent.

Mais la cause de la crise est ailleurs. Elle a frappé des pays vulnérables et affaiblies par ces politiques laxistes. Il est à noter que le fait que le RU soit hors de l'Euro et la France dedans, n'a pas changé fondamentalement la donne. Il faut redresser les comptes dans les deux cas. En revanche l'absence d'outils de pilotage de la zone euro et d'un pilote, rend vulnérable la zone Euro elle même qui peut exploser alors que la liberté monétaire britannique lui donne plus de moyens de sortie, après avoir aggravé la crise britannique en la poussant vers le financement absurde de bulles diverses.

On voit que les trois grandes causes des difficultés actuelles, système monétaire instable et qui a provoqué une montée absurde de l'endettement global, zone euro sans organe de pilotage, et dépenses publiques débridées jouent ensemble la totalité de la partition. Les variantes proviennent simplement de la plus ou moins grande exposition aux trois causes. Les banques anglaises sont KO, pas les banques françaises. Les deux Etats sont exangues. Le gouvernement britannique a plus de leviers pour en sortir que le gouvernement français. Ajoutons l'Allemagne dont les banques sont en difficulté, l'économie plus solide et la dépense publique à peu près sous contrôle. Mais qui subit aussi la déflation européenne.

Si le RU avait eu un Hollande plutôt que Thatcher, il serait mort aujourd'hui ! Et on crie "Thatcher la salope" dans tous les milieux socialistes ! Thatcher + salope sous Google donne désormais 88000 résultats contre 4000 le jour de sa mort.

Dans la pratique :

Cameron n'a pas vu que le système des changes flottants l'avait ruiné et le révère toujours. Il matraque le pays sans changer la cause principale de ses tourments.

Hollande n'a pas vu que la dépense publique et la surfiscalisation française étaient la cause principale des tourments du pays qu'il préside. Il révère lui aussi les causes de ses difficultés et les aggravent.

Quant à l'Allemagne elle impose une gestion par la norme en Europe qui ne marche pas et qui se retourne contre elle.

Tout le monde marche sur la tête.
# Posté par DD | 05/05/13 11:56
Locaterre's Gravatar Bonjour

@ Stéphane

Tout cela est bien compliqué pour le néophyte... J'essaie de comprendre. Vous écrivez :
"... des états se concentrant sur leur domaine régalien et QUE sur ce domaine : Justice, Police, Armée (ie diplomatie étrangère)"

Il est indiqué ici :
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9galien#Les_lib...
"Détenir la souveraineté économique et financière en émettant de la monnaie, notamment par le biais d'une banque centrale."
... bien que cela ne semble pas faire l'unanimité chez les libéraux, qui, pour ceux cités semblent préférer une monnaie privée
Or ici :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_priv%C3%A9e
"De nos jours, si l'émission de monnaie de base (billets et pièces) est généralement un privilège d'un institut d'émission sous le contrôle de l'état, la monnaie émise par les banques reste très largement prépondérante. Émis avec une grande liberté par les banques, crédits, chèques et autre cartes bleues sont autant d'instruments monétaires. Ils remplissent complètement deux des trois fonctions d'une monnaie (moyen de paiement, réserve de valeur) et partiellement la troisième (c'est la monnaie banque centrale qui officiellement sert seule d'unité de compte, néanmoins chaque banque compte ses crédits d'une façon aussi rigoureuse que la monnaie de banque centrale). Ainsi, si les monnaies bancaires ne sont pas officiellement des monnaies privées, la différence est très ténue. Certains considèrent même (voir infra : #Développement des marchés financiers) que le système actuel est de facto privatisé.

Il suffirait de déconnecter le lien qui existe actuellement entre les monnaies bancaires et la monnaie banque centrale pour que le caractère complètement privé de ces monnaies se manifeste."

Est-ce exact ?

Dans ce cas, l'augmentation de l'endettement qui s'amorce dans les années 70 ne pourrait-elle pas trouver une de ces composantes dans la loi de 1973 ? Et pour reprendre les propos de DD :
" L'angélisme a ses limites et l'enfer est pavé de bonnes intentions"
en voulant limiter les abus de "planche à billets" en transférant l'émission monétaire des Etats au secteur financier, n'a-t'on pas, peu ou prou, aboutit au même résultat ?

En vous remerciant, Salutations.
# Posté par Locaterre | 09/05/13 10:44
DvD's Gravatar S'agissant de la crise, les experts et de la télé, rien de très nouveau depuis ceci (voir le paragraphe, Un prix Nobel ... téléspectateur)

http://www.marianne.net/Le-testament-de-Maurice-Al...

Enfin si tout de même, l'audience de ces médias s'effritent régulièrement, les téléspectateurs ou lecteurs comprenant plus ou moins explicitement que l'information économique s'apparente surtout à des publi-reportages et autres articles de complaisance.

Pas seulement en France d'ailleurs. Alors que la bourse américaine bat des records, l'audience de CNBC est à peine la moitié de son audience lors des précédents records de 2007.
# Posté par DvD | 11/05/13 23:34
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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