Les Français ont bougé. La France bougera-t-elle ?
Dès la connaissance de l'attentat dévastateur contre Charlie Hebdo, nous avons suspendu l'article que nous avions écrit sur la situation économique de la France après une année 2014 calamiteuse.
Le temps n'était plus à la critique. La gravité de l'attentat a fait sortir les Français de leur longue léthargie. Nous avons aussi marché dimanche.
Pour dire stop ! Cela suffit ! On ne peut plus aller plus loin dans l'abaissement national.
Nous ne voulions pas qu'un article fortement négatif, forcément négatif, s'agrège à la désespérance indignée que suscite l'exécution par des Français de ce qui fait le cœur de l'esprit français : la liberté d'expression, la fraternité républicaine, la France éternelle. Cette rébellion est identique à la colère rentrée mais générale devant la répression du soulèvement de Budapest qui déclenchera le déclin du vote communiste, ou la mobilisation autour de Solidarnosc prélude à la chute du Mur. Le monde entier avait porté le badge, comme le monde entier aujourd'hui "est Charlie".
Le Français s'est montré, ces dernières décennies, extrêmement résilient. Sa patience a des limites. Nous n'assistons pas à une crise de l'identité française. Cette identité française vit intensément au sein du peuple français et elle est même comprise et aimée à l'étranger. En vérité, nous assistons au conflit ouvert entre l'identité française profondément inscrite dans les neurones des Français et sa négation répétée par les dirigeants politiques et les grandes forces qui tiennent les médias.
Cette immense rassemblement n'avait ni slogan ni leaders. On ne saurait donc le faire parler de façon catégorique. Plusieurs discours y étaient latents. L'erreur serait de n'y voir qu'une simple commémoration, une simple indignation.
Un psychologue de bazar explique doctement dans la presse que si les Français marchent c'est pour se défouler du choc des attentats. Des petites natures, sans doute, à qui il faut des cellules de soutien psychologique. Non ! Les Français ne se défoulent pas.
Ils parlent. En silence mais avec la force tonitruante du nombre.
Décoder ce message inarticulé tourmentera les observateurs pendant des années.
Dès le lendemain de ces manifestations monstres, les récupérations politiques et idéologiques ont commencé.
On relance la culpabilité française vis-à-vis des Juifs. Mais les Français ont-ils exprimé autre chose qu'un refus des distinctions identitaires ? On rebat à nouveau les oreilles du peuple français sur la question de la condition des immigrés en France. Mais ils savent combien la condition des pauvres est dure dans une France qui régresse économiquement et que ce n'est pas une question de race. Naturellement les marxistes de toujours veulent régénérer le vieux discours anti-bourgeois. Mais ils patinent dans des thèses que personne ne veut plus entendre même s'ils tiennent encore une part notable des médias et de l'Université.
Les Français ont bougé. Notre analyse est qu'ils ne veulent plus de la culpabilité dont on les accable ni des contraintes où on les enserre. Ils se dégagent des tutelles qu'on leur impose. Ils ne veulent pas de guerre importée, ni même de guerre tout court. Ils veulent que la France se redresse, affirme ce qu'elle est; mette au pas ses minorités, reprenne le chemin de l'expansion et cesse ses combats politiciens sans intérêt qui se réduisent à des conflits de personnes au sein de partis obsolètes et dépassés.
Ils veulent que la France bouge et se bouge. Tel est en tout cas la communion que nous avons perçue. Depuis mai 1968, elle a cultivé les voies et plaisirs de l'absence de volonté, de la pleurnicherie, de la coulpe que l'on bat jusqu'à ce que toute la lie soit bien vidée. Jusqu'à ce qu'il soit devenu clair qu'elle perdait sa substance à ce triste jeu.
Dans l'hommage à Cabu, à Wolinski, et à tous les autres, elle salue une dernière fois les utopies amusantes de mai 1968. Mais elle les enterre aussi. On criait CRS=SS ; on applaudit les cars de police et on exige un "grenelle de la police" et le déploiement de l'armée dans les rues. On disait à l'Odéon : "Les faits sont fascistes" ; Les fascistes djihadistes sont des faits. On chantait : "demander l'impossible". L'impossible est arrivé et ce n'était pas celui qu'on appelait. Une anti-culture n'est pas une culture. Une anti-société n'est pas une société. Une anti-économie n'est pas une économie. L'anti-France n'est pas la France.
Le vide national et le laxisme général conduisent au meurtre et à l'abomination. Il conduit également à la ruine. Les Français ne viennent-ils pas d'affirmer qu'il faut arrêter la descente aux enfers !
Le défi des politiques français est de répondre à une France qui se considère comme une tradition, une valeur et une volonté et qui l'a affirmé avec force le 11 janvier 2015.
Ce défi est loin d'être relevé. Tout grand évènement a de multiples visages. Les moins sages rêvent de tout maintenir comme avant, dans l'exaltation d'un n'importe quoi plus ou moins politiquement correct tout en laissant la France au Front National. D'autres, aux extrêmes, de grands soirs mirobolants. Réactionnaires et révolutionnaires se trouvent également confortés.
Notre impression est que le gros des bataillons de marcheurs veut surtout que la France cesse de s'auto-détruire et trouve la voix du renforcement d'elle-même. Ils sont prêts à plus de remises en cause qu'on ne l'imagine pourvu que des résultats positifs soient là. Encore faut-il que les partis politiques et les hommes de réflexion lui montrent un vrai chemin.
Les Français sont de retour. Pas encore la France.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
- Questions économiques : il manque 10 millions d'emplois en France. Dans de trop nombreux pans de la société, aucun recruteur commercial et industriel ne vient faire concurrence aux mafias et fanatismes en tous genres qui n'ont ainsi aucun mal à "recruter".
- Questions sociales et culturelles : que veut dire être français ? Suffit-il d'avoir le passeport et la nationalité ? Ou faut-il aussi partager la culture et les valeurs et comment les acquérir ? Comment concilier respect des différences et creuset commun qui est la définition même d'une société ?
Ces questions sont celles d'une civilisation en déclin. Déclin démographique (vieillissement), économique (pas de croissance, chômage de masse, fiscalité confiscatoire, déficit chronique), moral (politiquement correct à deux sous sur tous les sujets de société), institutionnel (voir vos articles récents sur la SNCF et les scènes de la vie parisienne) et de souveraineté (voir l'imploration du Premier Ministre français au Parlement Européen pour qu'il veuille bien avoir l'obligeance de voter une loi permettant la surveillance des déplacements aériens des personnes soupçonnées de terrorisme). D'une civilisation qui se trouve attaquée précisément parce qu'en déclin et en position de faiblesse. Est-elle capable du sursaut qui va lui permettre non seulement de résister aux attaques des ennemis de l'extérieur et de l'intérieur mais aussi de retrouver le chemin de la prospérité et de la confiance en soi ? La réaction spontanée du peuple français est à cet égard magnifiquement encourageante et a fait chaud au coeur. Votre interprétation du message me semble très juste : que la France se redresse !
Cette volonté de redressement conduit à une remise en cause tellement profonde des doctrines dirigeantes depuis 40 ans que l'on voit mal dans le paysage politique français actuel qui peut se hisser à la hauteur d'un tel défi aux dimensions nationale, européenne et internationale.
On peut dès lors s'attendre à des tentatives de diversion de la part de la classe politique actuelle, profitant de l'émotion générale pour asseoir son emprise et verrouiller plus encore le système politique. On ne peut s'empêcher de penser, par exemple, à la décision américaine d'envahir l'Irak suite aux attentats du 11 septembre 2001, à laquelle la France s'était justement opposée. Cette décision a en effet directement contribué à l'émergence, sitôt les forces américaines reparties, de l'EI dans la région, justifiant et pérennisant du même coup l'arsenal d'Etat policier déployé par le gouvernement américain depuis 2001.
Le plus dur reste à faire mais la prise de conscience vient peut être de commencer.