Argentine : monnaie et mensonges

La monnaie argentine est à nouveau sur le toboggan.  Comme d’habitude, l’examen de cette nième catastrophe monétaire ne fait pas l’objet d’une vraie analyse mais de postures. L’historien-économiste officiel Mario Rapoport en donne une nouvelle illustration. Il ment effrontément dans son analyse du passé comme dans son explication du présent.

Prenons le premier mensonge avéré qui concerne l’effondrement monétaire de la fin de siècle dernier. Les marxistes tiers-mondistes et les nationalistes argentins, deux composantes essentielles de l’opinion publique argentine, se sont mis d’accord pour affirmer que le FMI et les monétaristes américains, Milton Friedman en tête, le « pinochétiste » bien connu,  étaient la cause de ce grand malheur.  Tout le monde sait que nous ne faisons pas beaucoup de concessions au FMI depuis l’abandon des accords de Bretton Woods et que nous contestons beaucoup des suggestions de Milton Friedman et notamment sa défense des changes flottants.  Dans le cas d’espèce, il faut les réfuter les accusations qui les concernent.  

Il faut savoir qu’au début des années 70, l’inflation était telle, et la volonté d’en gérer les effets par des blocages divers tellement folklorique, qu’on en était arrivé à des situations totalement ridicules. Par exemple le prix des voitures étaient bloqués mais pas celui des volants. On vendait donc, à part, la voiture, au prix bloqué, et le volant, au prix libre, et le volant valait le même prix que la voiture. Naturellement on imposait que le volant soit acheté en même temps que la voiture. Le pays était hors de tout commerce international autre que de troc (on appelait cela la « compensation »)  et le marché des capitaux était totalement local, personne ne voulant risquer un sou dans une économie de ce type.

Pour mettre fin à cette situation et après les évènements politiques que l’on sait, les jeunes dirigeants formés à l’étranger qui prirent le pouvoir, au tournant des années 90,  décidèrent de mettre en place un « currency board », en s’appuyant sur les suggestions d’un économiste américain qui n’avait rien à voir avec Milton Friedman. L’idée, radicale et exotique, était d’éviter par ce moyen le retour à un financement monétaire exagéré de la dépense publique par la banque centrale.  Ce système très particulier et dangereux, imposait une parité fixe entre peso et dollar, la création de monnaie étant régulée par la balance des paiements. Le système a commencé par marcher très bien. L’inflation a cessé. Les exportations ont repris. L’Argentine est entrée dans la finance internationale avec de nombreux investissements étrangers. La prospérité a commencé à s’installer. Il faut savoir que l’essentiel des ressources d’exportation  provient, en Argentine, du Campo et qu’elles se finançaient depuis toujours en dollar, compte tenu de la faiblesse récurrente du peso. Peu à peu, les grands commerçants ont cessé de mettre leur fortune à l’abri aux Etats-Unis et une certaine normalité s’est installée en Argentine.

Qu’est-ce qui a fait sauter le système ? Les changes flottants. Dans un système de changes fixes, du type Bretton Woods, le « currency board » avait une chance. Lorsque le dollar a été projeté vers les sommets avec la crise faussement appelée « des pays émergents », les monnaies faibles ont successivement dévalué. Le real brésilien s’est effondré. Du coup, les prix, en dollar, des produits du campo devinrent impraticables pour exporter vers le Brésil, principal débouché. L’arrêt des exportations a provoqué l’arrêt de la création monétaire. Une déflation mortelle s’est installée en Argentine, avec des contournements folkloriques comme l’Argentino.

Pour essayer de tenir malgré tout, le temps que le dollar redescende, ce qu’il ne manquerait pas de faire, les autorités ont demandé l’aide du FMI qui au départ ne voulait pas y aller. Le « currency board » n’avait jamais été son idée. Et il n’y avait aucune logique à compenser un défaut structurel par des mesures conjoncturelles, traditionnellement associées à une déflation contrôlée, alors que le pays était déjà en déflation. Le currency board n’a pas de porte de sortie. On sait y entrer mais non en sortir, comme dans le cas de l’Euro.  La seule solution était une dévaluation massive du peso pour rendre à nouveau compétitif le campo. Les comptes en dollars ont été convertis de force en compte en pesos, après un épisode de « corralito » qui ressemble beaucoup à la situation imposée aux banques grecques, contingentant les sorties en numéraires. Puis on a tout cassé. Les investisseurs étrangers ont perdu très gros, de nombreux argentins ont été ruinés par la perte de la quasi-totalité de leurs avoirs, mais la dévaluation a permis de relancer les ventes du campo. Après un moment d’euphorie, le populisme a repris ses droits et nous sommes arrivés à nouveau à la situation traditionnelle en Argentine, après le règne détestables des Kirchner, qui se sont formidablement enrichis (les mauvaises langues les décrivent comme « pourris jusqu’à l’os », ce que nous nous ne permettrons pas de penser),  d’un pays sans monnaie avec fuite des capitaux et dévaluations ravageuses.   Et qui fait appel au FMI qui n’a strictement aucune autre solution à proposer, sauf à alimenter un puits sans fond, que de mettre sous contrôle la dépense publique.

Plutôt que de s’interroger sur les vraies causes des difficultés argentines, une ambiance populiste et socialiste qui n’accepte que des dépenses publiques non financées et espère s’en tirer avec l’argent des autres, après avoir vilipendé les investisseurs et les donateurs, avec une frénésie médiatique anticapitaliste, et une corruption majestueuse, les économistes officiels se croient constamment obligés par nationalisme étroit, d’entrer dans un travail de dénonciation totalement arbitraire de boucs émissaires étrangers. Diabolisation et mauvaise foi sont les deux mamelles de cette attitude qui ne mène strictement à rien.

L’Argentine est d’abord la victime d’elle-même et ensuite du système des changes flottants. Le FMI qui avait, rappelons le, comme seul rôle, de gérer les changes fixes, n’a rien à faire dans ce contexte.  Nous sommes à nouveau dans une phase de dollar fort. Les taux d’intérêts américains remontent. Le FMI ne dit rien. Mme Lagarde se contente de discours sur la libération des femmes dans le monde. On ne sache pas que la femme argentine soit particulièrement maltraitée. En intervenant en Argentine, le FMI servira à nouveau de bouc émissaire et permettra d’évacuer la tension politique liée à la gestion économique désastreuse qui y prévaut. Alors on veut que le FMI donne de l’argent, sans espoir de retour et surtout sans conditions. « Aboule le fric et tais-toi, pour la suite on te conchiera et on verra ce qu’on fait ». Voilà le résumé exact de la pensée forte de ce M. Rappaport.

Les journalistes français, conditionnés aux dénonciations du FMI, et capables de répéter comme des perroquets les pires articles de propagande, pourvu qu’elles sentent bon l’anticapitalisme primaire tiers-mondiste (il n’y a plus de couverture correcte de la situation de l’Amérique Latine depuis plus de soixante ans dans les journaux français,  le ton des élégances étant donné par le Monde Diplomatique dont on connaît l’inspiration fraîche, joyeuse et totalement indépendante du marxismes léniniste tiers-mondiste), répètent et répéteront encore les analyses des Rappaport du moment, sans jamais se soucier ni des réalités locales, ni des aspects délétères de la propagande qui règnent sur tous les sujets économiques dans ce continent, ni des mensonges caractérisés qui y sont régulièrement diffusés.

Dans un système mondial de changes flottants, il ne sert à rien de demander à la collectivité mondiale de financer un pays dont la politique malsaine, faite toute entière de dépense publique incontrôlée, conduit à une fuite devant la monnaie. Il faut exiger une réforme du système mondial des changes et imposer des règles de gouvernance strictes aux pays qui ont fait du laxisme pseudo social un mode de fonctionnement permanent.

Plus précisément la bonne attitude serait de s’opposer aux dérives de la politique mondiale des Etats-Unis et à la « chienlit socialisante et populiste », comme on commence à le dire devant les jolies photos des Black Blocs. Comment voulez-vous qu’un économiste officiel se risque dans une telle aventure qui le met en face des deux puissances majeures du moment ?  Et plus encore, un journaliste…

Commentaire
Almaviva's Gravatar Pourquoi parlez-vous de mensonges et non de différences d'appréciation ?
# Posté par Almaviva | 14/05/18 11:45
DD's Gravatar Il faut parler de mensonge. En France, la couverture des phénomènes économiques qui se produisent en Amértiques du Sud ne sont jamais couverts correctement. Comme pour l'URSS on se contente de copier-coller le roman national qu'on nous sert, en général sous la dictée la plus gauchiste, qui dans le cas de l'Amérique du Sud est généralement très proche du marxisme léninisme le plus pur et marqué par un antiaméricanisme automatique.

Lorsque le "currency board" a explosé, il a fallu près d'un mois pour avoir un article sur la chose et il se contentait de traduire le terme. Ensuite la chanson a toujours été la même : c'est la faute à Milton Friedman et au FMI et ils ont créé un hiver nucléaire économique dans le pays. Ceux qui resserve cette soupe effectivement mensongère ne méritent pas de considération. Et quand on voit que leur rapport bidon, article de pure convenance et d'ajustement du "roman national", est repris sans nuance par des incultes dans les médias français, oui, il faut se fâcher.

L'économie de l'Amérique latine ne doit plus être vue uniquement à travers des lunettes de la propagande. Elle mérite mieux que cela.

Ce faisant on n'est pas serf des Etats-Unis puisque l'explication de bien des désordres est liée à une conception du système monétaire international que l'on doit largement à Milton Friedman. La responsabilité est indirecte et n'a rien à voir ave Pinochet ! Quand au FMI, il n'aurait jamais dû intervenir. Il l'a fait en vain pour sauver les investissements internationaux en Argentine. Et on a eu doubles pertes.
Il faut que les pays d'Amérique latine apprennent à gérer mieux leur économie en renonçant aux facilités du populisme et du vol de l'argent de l'étranger. Voyez la déchéance du Venezuela.
Et il faut réformer le système monétaire international.
Pas raconter n'importe quoi pour complaire et embellir sa carrière.
# Posté par DD | 14/05/18 12:01
Ange LERUAS's Gravatar Votre nouveau billet efface le précédant et ainsi renvoie à plus tard sa résolution. Il en sera de même pour le présent qui de toute évidence ne nous parle que d'opinion économique des uns et des autres, mais jamais d'une vrai idée en économie capable d'apporter une solution aux problèmes qui sont les nôtres.

Vous-même ainsi que ceux que vous citez ou ne citez pas, pas plus que nos Nobel n'ont écrit un principe économique capable d'apporter un progrès à notre vie en société, si vous en connaissez un , merci de me le faire savoir.

En économie hélas aujourd'hui il n'y a pas de principe mais que des opinions sur une situation.

En physique nous avons des théories qui demande à être changer à chaque fois où la théorie se montre impuissante à expliquer un phénomène, la théorie de la relativité à remplacer la théorie quantique, puis la théorie de la cordelette ou anneau ondulatoire, à remplacé la théorie de la relativité.

En économie la théorie capable d'expliquer les phénomènes que nous constatons, que nous observons, n'existe pas. Il serait temps d'en émettre une qui demandera à être modifié à chaque fois qu'elle se trouve incapable à expliquer un phénomène économique.

Nous pourrions alors nous contenter d'observer notre vie sociétale et d'en déterminer la finalité par des successions d'affirmations qui fondent les prémisses de ce qui pourra devenir une théorie.
Si une ou des prémisses sont démontrées fausses elles doivent être écartées. Le progrès n'avance-t-il pas par pallier d'erreur ?

Passons de l'intention à l'acte et à vous de débusquer les erreurs qui s'y seront glissées.
XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

- Chaque nation recherche que sa population satisfasse ses besoins en bien et service, matériel ou ludiques

- Les besoins de l'un ne peuvent être satisfait que si les autres les élaborent.
Chacun de nous partage sa vie

-en temps de production où nous produisons les besoins des autres et consommons la production des autres

- en temps d'inactivité où ne faisons que consommer la production des autres (consommation s'entend dans le sens large d'usage de biens et de service)
- les productions d'une nation peuvent s'échanger entre nation résultat : la consommation d'une nation peut provenir de la production d'une autre nation.

Ces cinq simples prémisses, sauf à l'un de vous de démontrer qu'une ou plusieurs s'avèrent fausses, peuvent servir de base à une théorie de vie en société nationale et de vie mondiale.

Une Théorie économique qui dirait que par équité

- Chacun doit produire, dans sa vie, autant pour les autres que l'équivalent que produisent les autres pour lui.

- Chacun doit produire dans ses temps d'activité, l'équivalent de ce qu'il consomme lors de ses temps d'activité et ses temps d'inactivité.

- Chaque nation doit produire pour les autres autant que les autres nations produisent pour elles
Une Théorie qui observe

- que, de fait, la production d'une année faite par les actifs lors de leurs temps d'activité se fait à leur profit et celui des inactifs faisant que notre vie en société nationale est une solidarité envers les inactifs.

- que nos consommations dans la nation se font suivant trois usages, familial, mutuel, collectifs où l'usage mutuel et collectifs constitue un mode de solidarité entre tous.

- que dans le principe de devoir produire autant pour les autres que les autres produisent pour soi l'équité n'est pas toujours possible par rapport aux capacités et circonstances de chacun, certains étant plus aptes à capter les progrès de la société que certains. Ce qui, dans notre vie en société demande une autre solidarité de la part des ménages captifs envers les ménage peu captif.

- que certains peuvent différer une consommation pour que d'autres puissent faire une avance de consommation qu'ils compasseront postérieurement par un différé afin de rendre à l'autre la consommation qu'il avait différée. Sans quoi il y aurait des esclaves et des esclavagistes.
-que certaine nation peuvent différer une consommation pour que d'autres nations puissent faire une avance de consommation qu'elles compenseront postérieurement par un différé afin de rendre aux nations la consommation qu'elles avaient différée, sans quoi il y aurait des nations esclaves et des nations esclavagiste.

- que du fait d'échange de production entre nations : la consommation d'une nation égale la production nationale moins les exportations plus les importations.

- que pour devenir consommation une production doit circuler du début de la chaîne de production jusqu'aux consommateurs.

- qu'une fois les productions devenues consommations l'ensemble des consommations nationales doit se partager entre tous les consommateurs actifs comme inactifs, suivant le mode familial, mutuel, collectif.

Résultat : si l'ensemble de ces prémisses s'avère exact : la théorie économique n'est toujours pas écrite, ce qui est dit ce n'est que la théorie sur la vie en société nationale et entre société nationale.

Nous reste à écrire la théorie économique  qui met en équation l'outil qui permet de réaliser notre théorie de vie en société et cette théorie se limite donc à
-résoudre le problème de la circulation des productions
-résoudre le problème du partage des consommations nationale afin qu'il se fasse avec équité conformément à notre théorie de vie en société, du vivre ensemble.

Comment, VOUS : vous aller faire circuler les productions et faire ce partage des consommations : est la seule question qui se pose et cette question est déjà connu par vous si vous observer ce que vous faite du prix des consommations : dans la mesure ou, au préalable, la théorie de notre vie en société nationale vous convient :

Vous convient-elle ?

Ange LERUAS 14 mai 2018
# Posté par Ange LERUAS | 14/05/18 12:58
Stephane's Gravatar A Ange,
Mon dieu, quel gloubi boulga !
Le relativisme dont vous faites preuve ne sert il simplement pas qu'à masquer vos insuffisances de compréhension des phénomènes économiques ?

Sur le relativisme économique et les théories économiques fondamentales, un seul livre que vous devez lire: l'action humaine de von mises.
Bonne lecture,
# Posté par Stephane | 15/05/18 22:41
Admin's Gravatar Selon les règles de ce blog, nous n'autorisons pas les mises en cause personnelles. Les interventions de M. Ruas seront donc désormais supprimées.
# Posté par Admin | 17/05/18 11:39
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# Posté par Siem | 18/05/18 18:24
Le blog du cercle des économistes e-toile

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