Fiscalité politicienne et Constitution

La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, telle qu'elle est annexée en préambule de la Constitution actuelle n'est pas très claire sur la question des contributions. Les citoyens contribuent "à raison de leurs facultés".

La constitution de 1789 était plus explicite  en indiquant qu'ils contribuaient "à proportion". La proportionnalité a cédé le pas à la progressivité, voici la raison de cette raison.

En fait, "à raison" veut dire, selon les meilleurs dictionnaires,  "à proportion"… Sémantique quand tu nous tiens !

La pratique fiscale, ces dernières années, s'est engagée dans certaines impasses qui frôlent l'inconstitutionnalité et en tout cas nie l'esprit républicain.

Jusqu'à Pompidou, la règle des augmentations d'impôts et des efforts fiscaux étaient proches de l'esprit de la Constitution : en cas de besoin on demandait un effort à tous et on tenait compte de la situation de chacun pour sortir des difficultés. Le pays mobilise tous ses citoyens, à raison de ses facultés.

Après les septennats fiscaux de Giscard et Mitterrand, qui ont vu une augmentation de près de 40% de la pression fiscale, la crise de 1993 va provoquer une première sortie de l'épure démocratique avec Alain Juppé qui déplafonne l'ISF et envoie automatiquement quelques dizaines de milliers d'assujettis au delà des 100% d'impôts sur le revenu. On n'est plus dans la contribution mais le vol du capital, normalement interdit par la Constitution (toute captation du capital doit être justement indemnisée). C'est ensuite Jospin qui fait valoir un curieux argument : si on baisse l'impôt sur le revenu, la baisse doit aussi toucher ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu ! Il n'y a plus de corrélation entre la hausse des impôts et la baisse. On peut augmenter l'impôt sur le revenu sans toucher ceux qui ne le paient pas, mais pas l'inverse. On invente également l'impôt sur l'impôt et la non prise en compte de l'inflation dans les assiettes fiscales, ce qui revient à imposer un revenu fictif.

Avec Hollande, l'idée que les augmentations d'impôts ne doivent pas être payées par tous mais seulement par "les riches" arrive dans le décor antidémocratique de l'énarchie compassionnelle. L'idée qu'on dût contribuer "à raison" disparaît. La ségrégation fiscale ou apartheid fiscal comme on voudra, apparait dans la pratique. Symétriquement la baisse fiscale ne doit pas concerner tous les citoyens mais seulement une sélection.

Normalement une baisse fiscale devrait concerner les 20 millions de ménages contributeurs, à raison de leurs facultés.

Non : on va en choisir environ la moitié pour faire nombre mais en écartant les riches honnis, c'est-à-dire les 20% de ménages qui paient 70% des impôts.  

Ces mauvaises manières démagogiques s'ajoutent à une autre réalité : l'exclusion de prestations de ceux qui les paient. Depuis le déplafonnement des assiettes de sécurité sociale on faisait payer "aux riches" des sommes disproportionnées pour les services rendus mais au moins ils y avaient droit. Un cadre supérieur paye par exemple jusqu'à 1000 fois les quelques remboursements maladie dont il bénéficie, du fait de la suppression du plafonnement. Maintenant des services deviennent payants pour les heureux contributeurs exclus de la gratuité anciennement générale ou de prestations anciennement universelles. Pour bien brûler la chandelle par les deux bouts, on va même proposer de faire payer plus cher les mêmes services en fonction du revenu…brut naturellement. Le riche va payer le prix fort l'entrée d'un enfant à l'université tout en ayant un revenu net devenu très faible voire négatif.

L'égalité devant l'impôt et les prestations universelles sont des principes constitutionnels désormais à bas. Les principes ont été remplacés par le clientélisme politicien le plus abject et l'électoralisme de bas étage. La justice fiscale a fait place au justicialisme fiscal, ce qui n'est pas exactement la même chose.  

M. Hollande pratique à l'échelon national les principes de ses gestions municipale et départementale. On hausse massivement les impôts après les élections ; on lâche quelques miettes aux masses électorales et à elles seulement, les deux budgets précédant les élections.

Il n'aura jamais réussi à entrer dans le costume d'un président de la république.

Voir la presse, la semaine où les Français qui le paient sont saignés à blanc par un Impôt sur le revenu totalement délirant, compte tenu des autres impositions, emboucher les trompettes de la "baisse d'impôts" c'est-à-dire participer à une manipulation de l'opinion d'une grossièreté inimaginable, donnera aux journalistes une légère indication sur les causes de la perte de confiance qu'ils subissent dans l'esprit des Français.

Leur devoir aurait été de rappeler que le choix de la date  des "annonces présidentielles" en fait une simple opération de com' de la plus basse espèce, à l'heure où ils signent le solde de leur IR,  tout en signalant que les règles de la Constitution sont piétinées.

En ne cherchant qu'à être des perroquets de la com' présidentielle, ils aggraveront encore les malheurs de la presse française. Quant à Hollande, malgré ce qu'il espère, la haine qui entoure ses palinodies fiscales de minable politicien l'empêchera d'être au second tour. Les socialistes soviétiques pensaient que les exactions ciblées contre des boucs émissaires suffisaient à leur attacher les habitants. Les socialistes chinois le croient toujours. Ainsi qu'Hollande, qui a plusieurs reprises a lancé lui-même des attaques ad hominem quand il a cru que cela le servirait (voir l'affaire Depardieu) et qui croit qu'il doit son élection à l'annonce des "75%".  "Une fois abject, toujours abject" affirme le dicton. La règle n'a pas d'exception. Mais maintenant les Français savent. Quant à Juppé, il va lui falloir drôlement polir son programme s'il veut se dégager de la gangue fiscale où il est englué. Une chose est de paraître plus digne qu'un Sarkozy. Une autre est de croire que les Français sont totalement oublieux.

Commentaire
Gary's Gravatar Deux remarques qui me viennent à l'esprit à la lecture de ce billet :

- concernant les journalistes, vous oubliez qu'ils sont achetés par l'État. À la fois individuellement (avec la niche fiscale les concernant, on se demande bien pourquoi elle existe toujours depuis 1934 d'ailleurs, mais c'est comme ça) ainsi que collectivement (via les aides à la presse, directes et indirectes, qui représentaient pas loin d'un milliard d'euros il y a quelques années, et qui n'ont pas dû baisser beaucoup depuis). Ils sont donc essentiellement la voix de leur maître. Bien sûr il y a des différences pour donner l'impression au bon peuple qu'il y aurait une presse "de gauche" et une presse "de droite", et on autorise de temps en temps une animatrice à réaliser des émissions borderline qui fait un petit peu plus mal que d'habitude -- si possible avec un membre de l'opposition du moment -- mais globalement tout est sous contrôle. "Un journaliste, c'est soit une pute, soit un chômeur", affirme un polémiste depuis quelques temps. Sans aller jusqu'à l'encenser, sa formule me paraît révéler une certaine réalité.

- concernant Hollande et ses amis Juppé, Fillon, Aubry, et les autres, ils n'ont désormais plus qu'une seule idée en tête : se compromettre plus ou moins fortement pour obtenir une majorité et rester aux affaires pour le mandat suivant qui dure 5, 6 ou 9 ans. Il faut les comprendre : ils en vivent. Là encore individuellement, si nécessaire en cumulant X fonctions et représentations, ainsi que collectivement, en faisant vivre leur parti via un joyeux subventionnement débridé issu du budget public. Le système est pervers : plus ils enregistrent de suffrages à une élection, plus ils auront d'argent pour faire vivre leur cour un peu plus tard. Toute leur énergie consiste donc à "rassembler" le plus grand nombre, puisque c'est devenu un problème bassement et uniquement numérique. Or il y a davantage de pauvres que de riches... et comme chaque voix porte le même poids que sa voisine, il est honnêtement bien plus facile de plaire aux masses votantes à coup de promesses que d'envisager un cap à l'échelle d'une nation, cap qui sera forcément difficile à tenir, peu porteur d'envie, et synonyme d'austérité, de réduction de dépenses et autres bricoles désobligeantes du même style. En clair, tous ceux qui nous représentent professionnellement depuis des années et qui n'ont absolument pas envie que ça change adoptent des discours remplis de bisous et nivelés par le bas. Hollande ne fait rien d'autre, avec son style de sous-préfet qui se demande ce qu'il fait là, mais ils feraient/feront tous pareil, de Juppé à Le Pen, de Mélanchon à Lemaire.

Et comme les uns ont besoin des autres (un politique professionnel n'existe pas sans médias qui l'invite et qui parle de lui, et un média aura beaucoup moins de contenu à produire et de subventions à encaisser sans les phrases, clash, débats, sorties, universités, démissions, nominations des politiques professionnels), tout ce petit monde se charge de ne pas faire évoluer la société française, en tout cas pas dans un sens qui irait contre lui. Ajoutez à ça un zeste d'idéologie ou de dogmatisme par ci par là, histoire de laisser croire qu'il y aurait des alternatives à la majorité en votant pour l'opposition -- ils échangent régulièrement les rôles mais c'est toujours les mêmes -- et vous obtenez la représentation politique dominante du pays : collectiviste.
# Posté par Gary | 08/09/15 10:14
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