Monnaie et commerce international : les deux règles fondamentales
Le commerce international entre pays souverains n'est possible qu'en cas d'accord sur un moyen de paiement généralement reconnu. Le troc ou la compensation sont des systèmes difficiles et peu productifs. La question monétaire est donc fondamentale.
Il s'ensuit une première règle : on ne peut pas organiser le commerce international sans parler de système monétaire international ; on ne peut pas parler de système monétaire international sans parler de commerce. Lors de la conférence de Bretton Woods tout le monde avait compris que les deux sujets étaient liés et qu'il n'y avait pas d'échappatoire.
Il s'ensuit une seconde règle : les déséquilibres commerciaux entraînent automatiquement des déséquilibres monétaires et financiers. Les déséquilibres considérables et permanents ruinent l'économie. Le développement du commerce entre nations indépendantes n'est donc bénéfique dans la durée que si les grands équilibres sont maintenus également dans la durée, ou, a contrario, si les grands déséquilibres sont rapidement corrigés.
Une organisation du commerce mondial suppose donc une institution internationale qui constate les déséquilibres et entreprend de les faire corriger avec fermeté, même si des moyens sont mis en œuvre pour éviter des corrections trop brutales pénalisantes pour tout le monde.
L'objet fondamental de toute organisation économique plurinationale est donc de prévenir et de corriger les grands déséquilibres, quelles que soient les formes que peut prendre cette organisation. Une zone de monnaie unique est confrontée à cette exigence autant qu'un système de changes flottants ou un système de changes fixes et ajustables.
La grande difficulté actuelle tient tout entière dans le fait qu'aussi bien dans l'organisation mondiale que dans l'organisation européenne, on a oublié ces règles fondamentales. On a laissé se mettre en place des déséquilibres monstrueux sans aucuns mécanismes ni organes de correction.
C'est ainsi que l'Allemagne accumule constamment des excédents délirants dans la zone Euro qui déséquilibrent totalement la gestion de la zone. Les Etats-Unis accumulent pour leur part constamment des déficits tout aussi délirants avec un peu partout des excédents miroirs.
Rien n'est fait pour corriger ces déséquilibres. RIEN DU TOUT ! L'idée même qu'il puisse en aller autrement paraît obscène à nos dirigeants et commentateurs officiels. Que chaque pays s'ajuste aux conséquences et se taise !
Ce qu'il faut comprendre, ce sont les conséquences des désajustements amples et de longues durées. Ce n'est pas bien difficile. Si un pays accumule d'énormes excédents monétaires parce que son économie, au cours de change donné, est structurellement plus productive, elle ne sait rien faire de cette monnaie en excédent sinon la replacer. Dans le pays en excédent les avoirs monétaires justifient une multiplication des crédits locaux. Dans le pays déficitaire où la ou les devises en excédent sont replacées, il y a entrée de trésorerie et poussée des crédits. C'est la fameuse double hélice des crédits dénoncée par Jacques Rueff. Ces crédits finissent par s'effondrer, provoquant des récessions, une baisse du trend, et un endettement accru par les mesures étatiques prises pour juguler la récession. Des petits déséquilibres entraînent des petites crises, des gros déséquilibres des grandes crises.
Au sein de la zone Euro, les excédents continuels et massifs de l'Allemagne ont fini par créer d'énormes boules de crédits sans cause notamment en Espagne, en Grèce, en Irlande, en Italie, au Portugal et en France. Ces crédits sont de purs gaspillages et ne sont pour l'essentiel plus remboursables. L'Allemagne se retrouve donc avec des créances irrécouvrables mais ne veut pas l'admettre. Il en est résulté une course à la contraction économique en Europe qui a fait grimper le chômage partout sauf en Allemagne qui tremble cependant d'avoir finalement à encaisser ses pertes.
Au sein du système monétaire international la situation est exactement la même. De déficits énormes en excédents gigantesques, on a créé une "économie baudruche" qui a finalement explosé en 2008 en laissant une ardoise d'environ 12 mille milliards de dollars de pertes sèche dans le système, qu'on ne parvient pas à éliminer en douceur. 57 000 milliards de dettes supplémentaires plus tard, et avec des intérêts négatifs, on ne sait toujours pas où on va.
Quels seraient les moyens de sortie ?
En Europe, la question est claire. Il faut une institution de coordination et une règle automatique : les pays en excédents doivent ou corriger leurs excédents ou payer au pot commun. Plus l'excédent est gros, plus il est âgé, plus la contribution au pot commun doit être forte. Idem pour un pays en déficit permanent ou chronique. Il peut être aidé, pour sortir de la crise en souplesse, mais sous conditions d'autant plus draconiennes que les déficits sont plus âgés et plus importants. On comprend que plus vite les mesures sont prises et moins graves sont les déséquilibres, plus faciles seront les ajustements.
La grande difficulté est qu'un pays en excédent se considère comme vertueux et fort. Il exige que ce soit les autres qui s'ajustent. Cette position est absurde même si elle est psychologiquement prégnante.
Dans un système de monnaies à taux de change fixes mais ajustables, la variation du change permet de régler rapidement les différences de compétitivité. Si on rend les décisions d'ajustements dépendantes d'une institution extérieure disposant d'une certaine autorité, notamment pour prévenir les déséquilibres et éviter les attitudes délétères de gouvernement cherchant des dévaluations à rythme accéléré, on obtient de bons résultats. En change fixe l'affaire est plus délicate puisqu'il n'y a guère que deux actions possibles, si possible concertées, pour sortir des déséquilibres : la déflation dans les pays en perte de compétitivité et symétriquement la relance et l'inflation dans le pays excédentaire. Ces politiques étant difficiles, la prévention devient fondamentale. La création de la zone Euro aurait dû être accompagnée de la création d'un organe de constat, de prévention et de coordination économique. Ce que nous appelons un chancelier de la zone Euro. On a préféré des règles juridiques absurdes et dont personne ne tient réellement compte. On s'ajuste donc par la déflation et la récession. On peut considérer cela comme une énorme défaillance intellectuelle, morale et politique.
Dans un système de monnaies flottantes, la situation est pire. Surtout si un pays, du fait de l'histoire et de sa puissance économique, a réussi à installer sa monnaie comme monnaie mondiale. Il n'y a alors plus aucun moyen d'obtenir de ce pays qu'il change quoi que ce soit à sa situation. Les ajustements ne se font pas. les bulles enflent et explosent périodiquement. De plus en plus gravement. Les pays en excédent, pays producteurs de pétrole, pays ayant décidé de croître par le dumping monétaire, vivent en permanence dans la crainte de voir leurs avoirs monétaires dévalués et les placements faits à l'extérieur perdre toute valeur. L'Allemagne à la fin des années soixante-dix, le Japon à la fin des années quatre-vingt, la Chine dès 2010 se sont retrouvées ainsi suspendus dans le néant. L'Allemagne a mis 25 ans à s'en remettre. Le Japon ne s'en est toujours pas remis. La Chine tremble.
Les clés d'un système international de commerce et de monnaie efficace sont parfaitement connues.
Tout pays en excédents doit rétablir ses comptes. Les replacements en capital doivent être interdits. Il faut qu'il dépense en achats de services et de marchandises suffisamment pour rééquilibrer ses comptes extérieurs. Il peut le faire en ajustant sa monnaie et/ou ses achats et ses ventes extérieurs. Tout pays en déficit doit réajuster sa monnaie ou remettre en ordre sa productivité.
Quel est le meilleur cadre pour obtenir ces résultats ? Les changes flottants ont montré que non seulement ils étaient incapables de provoquer les ajustements nécessaires mais qu'en plus ils compliquaient ou empêchaient la recherche de solution.
La meilleure solution est un système de changes fixes et ajustables avec des mécanismes automatiques de pénalisation des grands excédents et des grands déficits, une monnaie de compte extra-nationale et une organisation multilatérale indépendante des gouvernements, paritaire, et sans que personne n'y ait de droit de veto.
Il va de soi que dans une telle organisation internationale, le représentant de l'Europe serait le chancelier de la zone Euro. Son travail serait d'autant simplifié qu'il pourrait à la fois ajuster de façon interne les économies et participer aux ajustements externes. Un tel système implique que personne ne puisse plus "shorter "une monnaie et qu'une telle entreprise soit durement sanctionnée. Ce contrôle est désormais techniquement facile à mettre en œuvre. De même les mouvements de capitaux à court terme doivent pouvoir être limités autant que de besoin, surtout s'ils ne correspondent à aucun mouvement commercial.
On dira : et le passé ? Le passé ne doit pas être géré par les institutions chargées de gérer le courant mais faire l'objet d'un cantonnement global par d'autres instances.
C'est à cette nouvelle construction qu'il faut désormais s'attacher. Rien n'est plus urgent. Les conférences sur le commerce proprement dit ne peuvent se mettre en place avant que cette question cruciale ne soit tranchée.
Il n'y a pas de commerce sans monnaie saine ni de monnaie saine sans commerce équilibré
Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile
PS : à souligner, le silence absolu de notre gouvernement et des futurs candidats à la présidentielle sur ces sujets absolument cruciaux "pour la vie quotidienne des Français" et surtout sur l'avenir de leurs enfants. .
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Personne n'aborde ces questions en France. C'en est presque drôle. Arriver, après une telle histoire, au point qu'on ne pense plus à rien d'important au moment où un syndicat communiste tente avec ses nervis de bloquer le pays (avec les armes qui lui ont été conférées à la fin de la guerre : les transports, l'énergie, les ports et l'imprimerie), en profitant d'un président socialiste inconsistant et de médias qui en remettent dans la servilité au socialisme et à ses grands principes, est tout simplement psychédélique.
Dans tous les pays démocratiques, la grève est réservée au secteur marchand et ne peut avoir de motivation autre que professionnelle. Et encore, si cela ne touche pas les intérêts fondamentaux de l'économie. Pas de grèves nationales. Pas de grèves de solidarité. Pas de grèves motivées par des projets de lois. La contestation politique est le domaine de la manifestation, pas de la grève. Les modalités sont partout extrêmement encadrées : pas d'occupation d'usines ; pas de violence ; pas prise en otage de qui que ce soit ; pas de blocage des accès.
Aujourd'hui, la grève est interdite aux entreprises privées, presque toutes en difficulté, du fait de la concurrence internationale et de la crise.
On voit donc des entreprises ex publiques ou publiques mises à contribution pour mener une action politique destructrice.
Oui il faut désormais sortir la France des griffes des anciennes courroies de transmission du Parti Communiste, parti traitre lors de l'invasion du pays par l'Allemagne nazie , puis parti traître financé par l'URSS (pays des pires crimes et génocides avec l'Allemagne, au siècle dernier) et qui, à ce titre, n'a plus aucune légitimité, sinon de permettre à des reitres de vivre sans travailler en grands seigneurs avec l'argent des autres.
Peut-être les candidats aux primaires pourraient s'emparer des deux sujets.
- Construire sur de meilleure base et l'Europe et les les relations économiques et financières internationales
- Mettre l'économie française hors de portée des syndicats politisés des secteurs anciennement concédés à tort au Parti Communiste et à ses syndicats de casseurs professionnels.
C'est vrai. On demande beaucoup. Réfléchir, construire et ne plus accepter de soumissions imbéciles, intellectuelles, financières ou syndicales, en France, c'est une incroyable provocation.
Ancienne Ministre de l'économie française, elle ne sait peut être pas non plus compter : les déséquilibres cumulés de balances commerciales, qui ont explosé à partir de la dévaluation chinoise de 1994 pour atteindre $1600 milliards en rythme annuel en 2007 et qui sont les principaux responsables de la crise qui s'est déclenchée en 2008 et qui les a partiellement résorber par la force des choses à $1100 milliards en rythme annuel, ces déséquilibres commerciaux globaux atteignent en 2015 ... $2700 milliards en rythme annuel.
Enfin, il a visiblement échappé aux dirigeants économiques obsédés par le risque de déflation que, dans les conditions de déséquilibres actuelles, le commerce mondial est nettement ... déflationniste. Le cabinet hollandais CPB Bureau for Economic Policy Analysis fournit dans son World Trade Monitor des données mensuelles sur les échanges commerciaux mondiaux en valeur (USD courants) et en volume (USD constants de 2005). [http://www.cpb.nl/en/figure/cpb-world-trade-monito...]. On en déduit très facilement un indice des prix du commerce mondial. Sur la période de 25 ans couverte (janvier 1991 - janvier 2016), l'indice des prix du commerce mondial exprimé en USD est en baisse cumulée de -67%, soit -4.3% par an. Il faut noter que cette forte déflation cumulée s'est constatée malgré l'effet inflationniste sur les flux commerciaux mondiaux de la bulle du pétrole et des matières premières entre 2004 et 2014. Ainsi donc, le commerce mondial est déflationniste d'environ -4% par an. Cela sans aucune surprise : la déflation des prix à la consommation a été explicitement l'argument utilisé pour convaincre les opinions publiques occidentales des bienfaits de la mondialisation. Les consommateurs allaient payer leurs achats moins chers, la définition même de la déflation. On a juste oublié de leur dire qu'ils allaient aussi se condamner au sous-emploi, à la baisse de leurs revenus réels et à la hausse de l'endettement et / ou de la pression fiscale pour l'immense majorité d'entre eux.
Les effets d'une montée de l'endettement mondial plus rapide que la production du fait de la duplication monétaire engendrée par les déséquilibres commerciaux et des pressions déflationnistes résultant de l'arbitrage salarial mondial systématique se cumulent pour aboutir à un redoutable risque de spirale déflationniste et de liquidation des dettes, encore renforcé par l'effondrement de la crédibilité des dirigeants et la montée concomitante des risques politiques.
Dans ce contexte, voir le débat français s'enflammer sur des sujets aussi dérisoires que la loi El Khomri et voir ignorés, vilipendés ou censurés ceux qui récusent les termes de ce débat stérile et essayent plutôt d'attirer l'attention sur les enjeux cruciaux de la prospérité collective est un spectacle totalement affligeant. La France n'a tiré strictement aucun enseignement des nombreux dirigeants qu'elle a pu placer au FMI et à l'OMC et qui auraient dû être ses "diplomates de la prospérité". Il faut remercier Monsieur Dufau de ses efforts patients pour remonter le niveau.
Autre aspect curieux en ces temps de brexit possible, l'organisation voulue par Keynes aurait pu être idéale pour la zone Euro. Monnaie unique extra nationale, rôle inexistant de l'or et connaissance parfaite des déséquilibres entre pays membres. Il était facile de mettre en place à côté de la banque centrale une chambre de compensation chargée de prélever des frais sur les grands déséquilibres. Les ressources seraient là pour faire face à toute éventualité, sans parler de budget commun ni de fédéralisme renforcé. Au lieu de cela on a mis en place un MEF qui est dans un esprit totalement différent (pour simplifier on fait des prêts proportionnellement à la valeur de son PIB, quelque soit sa compétitivité. On demande donc aux victimes du systèmes de payer à la place des vrais responsables) et n'a aucun caractère vertueusement efficace. Le plan Keynes de l'époque est une des voies de sortie des difficultés de la zone Euro 70 ans après son écriture. Mais qui le connait vraiment ?