Une présentation (très) troublante

Il est toujours dangereux de faire des transformés. Ayant, lors du Bac, à l’épreuve de géométrie dans l’espace, fait une transformée qui ramenait les douze questions suivantes à des cas d’égalité des triangles et réduisait l’épreuve à un exercice de 15 minutes, l’auteur de ces lignes s’est récolté un deux pour « solution déloyale et hors programme » qui n’a pas fait de bien à la mention. En vérité c’était dans le programme. Mais bon !

Nous allons tout de même proposer un changement d’échelle de mesure des séries économiques récentes.  Nous considérerons comme unité de référence la valeur pondérée d’un M2 moyen dans les 5 plus grandes capitales du monde, d’un kilo d’or, d’un baril de pétrole et d’un kilo des principales matières premières industrielles. La série correspondant à ce panier de référence servira à « déflater » les grandes séries économiques.

Si nous faisons cette conversion, alors l’évolution du prix du m2 de logement est pratiquement stable et reste proche d’un. Le prix des actifs boursiers est autour de 1 pour la bourse américaine mais 0.5 pour la France. Ce qui veut dire que s’ils n’ont rien fait, les propriétaires de titres boursiers français ont vu la valeur de leur avoir coupée en deux. Les rémunérations des grands patrons internationaux ont enregistré une hausse de 30% environ.  Les salaires moyens eux ont pris une sérieuse dégelée et ne sont plus qu’à 45% de leur valeur initiale en France et à peine mieux aux Etats-Unis.

La mise en concurrence des industries et des salariés occidentaux avec la Chine, l’Inde, les pays de l’est, etc. a été payé chèrement par les salariés occidentaux. Les plus riches ont maintenu leurs avoirs là où le capital n’a pas été lourdement ponctionné. En France tout le monde a beaucoup perdu.

Ce changement d’unité permet d’éviter les cocoricos ridicules des boursicoteurs qui annoncent qu’on a retrouvé le niveau d’avant crise. Il suffit de retirer la hausse des prix à la consommation pour se rendre compte que cette affirmation est totalement ridicule en, terme de pouvoir d’achat.  

L’Etat français a essayé de compenser la perte de valeur réelle de la production en captant le capital et en le vendant à l’étranger, tout en accumulant des emprunts. C’est un choix détestable puisqu’en fait, il a ruiné tout le monde.

Le populisme est le nom de la rancœur accumulée par cette baisse massive en valeur réelle des salaires.

Cette conversion d’unité de référence a le mérite de montrer l’ampleur de la Bérézina économique de ces quarante dernières années et que rien n’a été résolu.

Il faudrait enfin radicalement changer le cadre des relations économiques et monétaires internationales.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Commentaire
DvD's Gravatar Ayant mis en place depuis le début des années 1970 les conditions qui font baisser le niveau de vie réel d’une majorité de la population et qui font monter le chômage, le sous-emploi, la dette, la pression fiscale et les inégalités, les dirigeants politiques traditionnels ne remettent en cause aucune de leurs idées, crient au populisme, refusent le verdict des urnes en cherchant par exemple à destituer Trump et empêcher le Brexit, et insultent les électeurs qui les ont quitté, les traitant de « rednecks », de gens « peu éduqués », de « racistes » et autres amabilités du même genre. C’est une réaction stérile sur le fond (mieux vaudrait commencer à se pencher sur les causes du malaise), lâche moralement (quand on échoue dans de telles proportions, on fait son mea culpa et on rase les murs) et qui exacerbent les passions politiques sur la forme. Bref, c’est tout l’inverse de la réaction qu’on attend de dirigeants politiques compétents et responsables.

En France, le mouvement « En Marche », n’ayant présenté qu’un changement de façade plutôt qu’un changement de diagnostic et de solutions face à la contradiction fondamentale entre modèle social et fiscal français et participation à des systèmes commerciaux et monétaires européens et internationaux déséquilibrés et dysfonctionnels, s’est rapidement enlisé.
# Posté par DvD | 20/05/18 11:31
siem's Gravatar N'y a-t-il pas une certaine contradiction entre cette présentation a-monétaire, ou avec déflateur correspondant à des valeurs réelles, et l'interprétation monétaire de ce que vous appelez La Crise ?
Dans cette présentation, les difficultés occidentales proviennent principalement de la mise en concurrence de milliards de nouveaux entrants dans le jeu économique qui a fait jouer un jeu de vases communicants. Les nouveaux entrants se sont copieusement enrichis et les anciens ont vu leurs rémunérations baisser. Maurice Allais nous avait averti que la suppression du tarif extérieur commun et la mise en concurrence entre systèmes sociaux si déséquilibrés auraient des conséquences dramatiques pour l'emploi et la rémunérations des Européens. La monnaie n'aurait eu alors qu'un rôle d'obscurcissement des enjeux en forçant les agents à raisonner en valeur apparente, nominale, et non pas en valeur réelle, le passage à l'Euro complétant le dispositif d'escamotage.
# Posté par siem | 20/05/18 13:28
DD's Gravatar Ce n'est pas la première fois que nous présentons cet aspect "réel" des ajustements salariaux entre pays en rattrapage et pays développés. Commerce international et monnaie vont ensemble comme les deux faces d'une même pièce. Il ne peut pas y avoir de bon commerce avec un mauvais système monétaire. Réciproquement, il ne peut pas y avoir de mauvais commerce international si les bases monétaires sont correctes. C'est aussi vrai en interne. Les erreurs monétaires internes entraînent des conséquences directes sur la prospérité. Tout cela se tient.

Après l'abandon de toutes les règles de Bretton Woods, les Occidentaux ont considéré, par suivisme de la position américaine, que tout le monde pouvait faire ce qu'il voulait et qu'aucune coopération n'était nécessaire. On a commencé à accepter les énormes déficits et les énormes excédents de balances commerciales et de balances des paiements, les deux étant largement liés dans la majorité des cas. Les Etats-Unis ont considéré que le privilège du dollar leur permettrait de sortir vainqueur d'une compétition sans règle. On a vu le résultat dans les années 70, alors que les pays socialistes n'avaient pas encore entamé leur migration vers un capitalisme d'état. Crise de 1973-1974, chaos sur le marché du pétrole, n'importe quoi financier, inflation excessive, début des spéculations massives et de la financiarisation abusive. La Chine dépassée par les dragons et les tigres ne changent significativement leurs méthodes qu'au milieu des années 80, avec au bout du chemin la crise de 92-93. C'est là que Maurice Allais crie casse-cou. Tout s'amplifie ensuite pendant une quinzaine d'années et cela finit par exploser. A aucun moment on n'a cherché à ordonner les échanges en évitant les trop gros excédents. Si des mécanismes s'étaient opposés à de telles accumulations, les choses auraient été très différentes.

Bien sûr les écarts de salaires auraient été également progressivement comblés, mais de façon beaucoup plus progressive et sans rupture radicale. La Chine, le Japon ou l'Allemagne n'auraient pas accumulé des milliards de milliards de dollars d'excédents, sans réemploi autre que spéculatif. Les crises décennales auraient été beaucoup moins prononcé. L'endettement ne se serait pas envolé.

Globalement la croissance aurait été au final globalement plus forte mais plus régulière et ce rythme lent aurait pu la rendre moins consommatrice de ressources naturelles du fait du progrès technique. De même les ajustements de productivité auraient pu rendre l'emploi dans les pays développés moins défavorable qu'en jetant brutalement le salarié "pauvre" dans les jambes du salarié "riche".

De même l'absence du système déflationniste de l'Euro aurait permis des ajustements plus faciles entre les pays européens et moins catastrophiques en termes d'emploi.

Il double dysfonctionnement du système monétaire global et du système monétaire européen a aggravé les difficultés et surtout les a rendu insolubles autrement que par des crises violentes et destructrices. On traîne désormais des boulets tragiques.
# Posté par DD | 20/05/18 17:44
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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