Mondialisation et fiscalité : éviter l'hystérie nationaliste !

Nous sommes en crise. Les Etats du sud de l'Europe sont à court de ressources pour couvrir leur énormes dettes et déficits budgétaires.

La France va atteindre en 2014 ou 15 les 100% de dettes d'état par rapport au PIB, se rapprochant des situations définitivement ingérables. Elle se signale par une hystérie fiscale de circonstances qui fait suite à l'accroissement continu de la part de l'Etat dans l'économie qui est telle que les prélèvements excédent notablement la valeur ajoutée des entreprises non financières et que des milliers de contribuables paient plus de 100% de leur revenu en impôts.

La voilà à la chasse aux revenus et aux avoirs de ses ressortissants hors de l'Hexagone et aux recettes fiscales des étrangers exerçant en France via internet.

L'urgence est là. Soit !

Si on regarde un petit peu plus loin que ces mesures d'urgence, peut-on imaginer un système fiscal mondialisé coopératif qui nous sorte de l'hystérie et permette la fin de nombreux abus, tout en assurant un financement régulier et raisonnable des Etats ?

Un tel système ne sera stable que s'il s'appuie sur des principes eux-mêmes solides, non contradictoires, non offensants  et donc susceptibles d'être reconnus par tous.

L'hystérie fiscale nationaliste n'est pas un tel principe

Le premier principe est que tout individu a un droit naturel au monde et que le développement de l'exercice pacifique de ce droit est un progrès. La civilisation mondialisée se construira sur la possibilité croissante pour chacun, d'aller et venir et de contracter au civil et au commercial où il l'entend. Il faut donc admettre que le citoyen d'un Etat pourra consommer, résider, être propriétaire, faire des affaires hors de son pays et même dans plusieurs pays étrangers simultanément. Les nouveaux acteurs économiques du monde ouvert, du village global, exercent leurs droits économiques où ils le veulent et gagnent leurs ressources et l'emploient là où ils le souhaitent.

La question posée aux Etats est de savoir s'ils vont courser leur nationaux à travers le monde pour tout connaître de leurs actes économiques, afin de les taxer selon les règles nationales.

Les Etats-Unis ont répondu oui à cette question :  du coup ils sont obligés de mettre en place un système totalitaire vis-à-vis de leur citoyen et impérialiste vis-à-vis des pays où un américain viendrait à exercer un pouvoir économique (posséder un bien ou générer un revenu). Le système Fatca ne concerne que les banques mais est la marque évidente de la tentation tentaculaire du fisc américain. Pour tracer tous les mouvements de revenu et de patrimoine de ses nationaux, ce pays impose à tous les autres des règles de notification administrative extravagantes. Elle le fait au nom de son impérium.  Il est évident que si tous les pays du monde faisaient de même, les banques seraient toutes obligées de se conformer en même temps à toutes les législations nationales et à s'adapter en permanence à leur évolution.

Ce serait de la folie pure. Le système américain n'est donc pas généralisable et ne peut pas servir de base à un  système mondialisé.  Il entrave les libertés des citoyens américains  tout en faisant peu de cas de la souveraineté des autres pays.  On voit que la surveillance généralisée exercée par les Etats Unis sur les communications notamment téléphoniques et Internet va dans le même sens et pose le même problème de respect de la vie privée des citoyens et de la souveraineté des nations. Quand on cède à la tentation de Big Brother et du Big Stick, on le fait malheureusement  totalement.

L'affaire est d'autant plus curieuse que l'administration américaine a séparé complètement la solution pour les particuliers et celle appliquée aux  entreprises. Elle a autorisé les entreprises américaines, bancaires comme commerciales, à conquérir le monde hors fiscalité à partir de plateformes off-shore en les laissant utiliser tous les moyens rendus possibles par la technique pour fuir les impositions nationales. La tentation impérialiste a été ici encore la plus forte.

Les Etats étrangers sont, pour les Etats-Unis, une terre de conquête économique pour les entreprises américaines, tout en devant être les auxiliaires du fisc pour les particuliers américains.

Ce système doit-il être la base de l'organisation du village global ?

Nous, nous répondons non.

Absolument et résolument non ! Le flicage bureaucratique généralisé des citoyens,  associé à la guerre économique basée sur des paradis fiscaux,  ne peut être le pilier d'un système durable et concerté de fiscalité coopérative mondiale.

On sent dans la France socialiste actuelle des pulsions pour aller dans le sens américains.  Comme Poutine avec les Tchétchènes, les socialistes au pouvoir souhaitent aller chercher le revenu et le patrimoine des Français jusque dans les "ch…." étrangers où ils pourraient se trouver. M. Attali souhaite qu'on en vienne à une fiscalité attachée non plus à la résidence mais à la nationalité. Les règles applicables pour toutes les situations économiques rencontrées à l'étranger seraient celles de la France. Les accords récents avec la Suisse dans le cas de l'héritage vont dans ce sens. Vous êtes résident suisse de nationalité française. Vous mourrez. La loi sur l'héritage français doit s'appliquer aux héritiers. De la même façon qu'à la mort d'un américain résident en France, le droit qui s'applique n'est pas le droit français.

Le seul ennui est qu'un tel principe ne peut pas s'appliquer à tous les actes économiques. Un principe qui n'est pas généralisable n'est pas un bon principe.

L'essentiel de la fiscalité est basé, partout, sur la consommation. Elle représente entre 50 et 80% des ressources taxées partout dans le monde. Le national qui réside à l'étranger et le simple touriste, supportent les impositions du pays de consommation pas celles du pays de sa nationalité. Changer cela est impossible.  Nous avons obligatoirement une imposition "démembrée" pour la consommation. Le citoyen  paie les impôts sur la consommation là où il consomme. Il est un sujet fiscal multiple, sans centralisation nationale.

Tant que citoyenneté et résidence étaient pratiquement synonymes et que le cas d'une consommation extérieure était marginal, le problème fiscal était mineur. Il ne l'est plus depuis que le tourisme, les mariages internationaux avec multi résidences, les fonctions itinérantes, le business à cheval sur les différents pays, se sont généralisés. On voit de plus en plus de retraités chercher du pouvoir d'achat en fuyant les pays fiscalement chers. Des parents de couples composés de deux nationaux différents passent désormais du temps chez l'un ou l'autre. Un commercial international passe plus de temps hors de son pays que chez lui. Etc. Etc.    

La conséquence : il est impossible d'imposer la consommation d'un citoyen avec les règles nationales partout où il consomme. La règle fiscale du pays de consommation s'exerce seul. La fiscalité sur la consommation est bien "dénationalisée" et le restera.

La consommation n'est pas le seul acte ayant une dimension fiscale. Les pays dirigés de facto par des fonctionnaires comme la France, ont pratiquement taxé tout ce qu'ils pouvaient taxer, notamment les différentes formes de revenu, les plus values, les cessions de biens, les successions, la possession de biens etc.  

De plus en plus de nationaux ont des biens et des revenus  à l'étranger, soit qu'ils résident à l'étranger, soit qu'ils séjournent à l'étranger soit qu'une partie de leur épargne se trouvent à l'étranger, soit qu'ils travaillent pour partie à l'étranger, soit qu'ils gèrent des entreprises qui ont une activité à l'étranger.

Pour les pays qui ont fait des choix spoliateurs pour leurs nationaux taxant tout de façon non pas proportionnelle mais fortement progressive, ces avoirs et revenus étrangers posent obligatoirement des difficultés sérieuses. S'ils ne sont pas déclarés volontairement, la recherche de la preuve doit se faire via les opérations bancaires, tout finissant ou commençant dans une banque.  Ces pays sont donc à la fois tentés par des sanctions disproportionnées pour terrifier autant que possible les non déclarants volontaires, et désireux de  mettre un système d'échange de données bancaires le plus automatique possible.

Si toutes les sources taxables doivent être contrôlées, on entre rapidement dans un enfer législatif et règlementaire d'autant plus complexe et désespérant que les pays où l'acte économique a lieu ont leur propre mode de taxation. Il faut que les agents économiques puissent produire les bases nécessaires aux états fiscaux  des deux états concernés et que des conventions évitant les doubles-impositions existent. Et qu'il existe des moyens de contrôles et la volonté de les exercer.

Dans un état qui ne taxe pas les plus values, les banques ne fournissent aucune information utile sur les bases taxables françaises. Dans un état où il n'y a pas d'impôt foncier, la valeur locative des biens est inconnue ou improuvable. De même l'estimation d'un bien immobilier détenu à l'étranger est souvent impossible ou improuvable.

Chercher pour chaque nation à imposer ses règles propres à ses nationaux pour tous les actes économiques faits à l'étranger impose de telles contraintes qu'elles entravent les libertés.

Le cas de binationaux se pose immédiatement. De qui dépendent-ils ?    

Quelle serait la règle intelligente  ?

Il n'y en a qu'une qui soit simple, d'application facile, et respectueuse de tous les pays : les bases fiscales suivent les règles fiscales du lieu où le fait générateur s'est produit.

Si vous avez démembré votre activité et votre patrimoine à cheval sur plusieurs pays, chaque éléments suit la règle du pays d'exercice.

Vous consommez à l'étranger : vous payez les taxes du pays étrangers sans autres questions.

Vous disposez de revenus à l'étranger : ils suivent les règles du pays étranger tant que le produit reste à l'étranger.  Tous les détenteurs de revenus à l'étranger doivent donc être connus de l'état concerné. Il importe que chaque état impose de façon identique nationaux et non nationaux. Le forfait fiscal suisse par exemple qui avantage les étrangers par rapport aux nationaux serait interdit.

Vous disposez d'avoirs à l'étranger :  ils suivent la législation étrangère sur les droits de mutation, les impôts fonciers, les taxes d'habitation,  la fiscalité des plus-values et du patrimoine.

Lors du votre décès les règles qui s'appliquent sont celles où le bien se trouve. Vos héritiers éventuels disposeront à leur tour de biens à l'étranger subissant les lois fiscales étrangères.

Cette solution valable pour les particuliers doit l'être aussi pour les entreprises. La fiscalité des actes commerciaux doit être celle du pays où ils se produisent et où ils ont généré de la valeur. Il n'y a aucune raison pour avoir deux systèmes de valeur différents, deux jeux de principes fiscaux différents lorsqu'il s'agit  de particuliers ou d'entreprises.

On voit que l'avantage de ce système outre sa cohérence et sa stabilité est sa simplicité qui pousse à plus d'échanges, à plus d'ubiquité  et à plus de respect des libertés. La souveraineté des Etats est respectée autant que les droits individuels.  Il ne peut pas y avoir d'hystérie et de conflits effroyables. Fini le totalitarisme fiscal et l'impérialisme des plus forts.

Chaque état régit les actes qui ont lieu sur leur territoire quelque soit la nationalité de ceux qui les exécutent et se moque de ceux qui ont eu lieu ailleurs.

Quels sont les inconvénients ?  Ils ne sont réels que pour les nations qui ont décidé de frapper fiscalement les revenus et les patrimoines de façon fortement progressive.  Les revenus extérieurs  ne viennent pas s'agréger aux revenus intérieurs pour faire monter les taux d'imposition dans les hautes tranches. Tout le monde sait que les impôts progressifs sur le revenu sont littéralement mités par des niches fiscales et des exemptions pour éviter leur caractère structurellement néfaste : la progressivité casse la croissance et la détourne automatiquement vers la dépense publique tout en stérilisant les efforts supplémentaires de ceux qui peuvent en faire.

De même les impositions sur la fortune sont problématiques et à terme néfaste.

Nous avons déjà démontré cent fois que les impositions fortes sur le patrimoine avaient trois inconvénients inévitables : ils ne peuvent se boucler que par la vente du patrimoine national à l'étranger ; ils  font grimper les taux  d'imposition globale au dessus des seuils de spoliation, ils poussent les citoyens riches à fuir le pays. Par conséquent "l'inconvénient" concernant ce type d'imposition n'en est pas un. Dans tous les cas, un ISF est un mauvais impôt qui doit être proscrit.  Les taxes foncières, les droits de mutations, les droits de cession, les droits de successions peuvent être modulés de façon suffisante pour que l'équité fiscale soit obtenue. Qu'on abandonne mondialement les impositions sur la fortune globale n'a aucune importance et n'empêchera nullement la justice sociale. Rappelons que 99% des pays n'ont pas de fiscalité globale sur le patrimoine !

Passons à l'impôt sur le revenu. Il est clair qu'il est facile de faire naviguer d'un pays à l'autre le revenu des placements. Il suffit qu'un accord international définisse un taux forfaitaire global minimum. On ne voit pas trop ce qui pourrait rendre l'affaire difficile. Certes on supprime partiellement le rendement marginal de la pyramide des revenus taxable progressivement, là où ce système existe. Mais la forfaitisation du revenu des placements a été la règle pratiquement tout le temps et partout. C'est l'intégration dans le revenu global taxable qui est l'anomalie. Autant la supprimer.

Reste finalement les revenus du travail. Ils doivent suivre les règles du pays où le travail est exercé, soit sous forme d'un forfait prélevé à la source, soit sous une forme déclarative contrôlée par l'employeur.

Un patron qui dirige "n" filiales de son entreprises à l'étranger pourra disposer des "n" salaires  taxés n fois selon les règles de chaque filiale. Et alors ? S'il veut rapatrier ses revenus nets, on peut les intégrer dans le revenu taxable. S'il souhaite les laisser à l'étranger libre à lui et grand bien lui fasse.

On ne le taxera pas à75% et plus ? Et alors ? Que les nationaux ouvrent milles entreprises à l'étranger et le pays n'en sera que plus puissant ! Les taxations débiles sur une minorité ne provoquent aucune recette importante et constante, mais justifient des comportements anti nationaux ou anti économiques.

Dans la durée, l'application du principe de taxation dans le pays d'exercice du droit économique  conduira presque nécessairement à une certaine harmonisation. C'est le principe le plus constant, le plus positif, le plus productif fiscalement, car tout finira par se compenser, les fuites vers l'extérieur subies étant équilibrées ou à peu près par les arrivées fiscales de l'extérieur.

L'homme libre devient la base de la société globale et pas le serf fiscal national traqué mondialement.

 Un grand progrès.

Commentaire
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