En relisant « La mondialisation heureuse » d’Alain Minc
Lorsque les mouches ont changé d’âne, après avoir compris qu’Alain Juppé était hors course et qu’il fallait se précipiter vers Emmanuel Macron, un des premiers migrants fut Alain Minc, légèrement décrié pour un amour de la mondialisation, puis étrillé par la dépression de 2008-2009 et la stagnation qui s’en est ensuivie. La réaction « populiste » de droite comme de gauche exigeait d’ériger un rempart et vite.
Ce goût pour les Énarques politiciens est tout à fait étrange pour qui s’amusera à relire « La mondialisation heureuse », paru chez Plon en 1997, 20 ans déjà.
« La mondialisation impose sa dynamique : davantage de marché, des États sur le recul, ». Pas de chance une grave crise du système des changes flottants se déclenche peu après la parution du livre, appelée à tort « crise des pays émergents », alors que c’était une première explosion de l’économie baudruche qui affolée s’était repliée à toute vitesse vers le dollar, provoquant une réappréciation totale du rôle des marchés financiers dans moult pays et une première intervention massive des banques centrales, c’est-à-dire de l’État. La crise de 2001 et surtout la récession suivante allaient provoquer l'effondrement des marchés et le cadenassage de la finance par les États. Jamais l’emprise des États par la monnaie, la réglementation et les impôts n’a été plus sévère.
On pourrait récrire la phrase : « la dynamique détestable d’un système monétaire dysfonctionnel a provoqué le contrôle serré des marchés et une extension massive du rôle de l’état ».
Alain Minc poursuit : « L’avenir n’appartient ni aux emplois publics ni à la gestion administrée ni aux bureaucraties, ni aux mécanismes centralisés. Et nous seuls au monde à accroître le poids des emplois publics ». « Le pays unanime s'enorgueillit de son service public à la française, sans s’étonner de voir la SNCF crouler sous les dettes au moment même où la Bundesbahn va être privatisée ».
Cette remarque est, elle, parfaitement fondée. Malheureusement les Présidents Énarques Chirac et Hollande, aggraveront tout, le malheureux Sarkozy s’épuisant dans des demi-mesures d’apparence ou de détail. Entre un million et un million cinq cent mille emplois publics ou « quasi publics » pour reprendre la terminologie d’Alain Minc, seront créés dans les 20 années suivant la parution du livre. La France se retrouvera à 56 % du PIB de dépenses publiques (120 % de la valeur ajoutée du secteur marchand), un niveau de prélèvement fiscal communiste, et une dette irrécouvrable de 100 % du PIB pour la partie publique et 400 % pour la dette globale, avec 5 à 6 millions de chômeurs.
Quant à la SNCF, qui croule sous un statut des cheminots et des pratiques managériales qui interdisent tout espoir de productivité, sans parler de rentabilité, elle s’effondre sous la direction d’un dirigeant qui ne dirige rien (sa seule mission est d’éviter la grogne sociale, c’est-à-dire les grèves Juppé), multipliant les accidents, les retards, les abandons de lignes, le pourrissement du réseau francilien, et les dettes. L’incident du Week-End qui a vu une gare bloquée pendant quatre jours lors du moment de pointe des migrations vacancières est une forme de feu d’artifice dans le domaine de l'incompétence technique et de la faillite commerciale.
Du coup on ne comprend plus très bien les choix politiques d’Alain Minc. « Plus jamais d’Énarques » aurait dû être son slogan. En choisissant Emmanuel Macron, il a soutenu le pronunciamiento des hauts fonctionnaires et l’énarchie triomphante est partout. Mme Parly, Ministre de la guère (comme on dit dans les casernes), faisait carrière à la SNCF où elle a couvert de sa sagacité la dérive financière mortelle de la société publique. La ministre des transports a exactement le même profil, mélangeant l’engagement socialiste et les carrières à cheval entre haute fonction publique et entreprises nationales. On s'étonne du manque de réaction de l’une comme de l’autre devant les problèmes dramatiques que posent d’un côté le sur engagement de nos forces militaires et de l’autre la consternante panne de la gare Montparnasse, ainsi que de la réaction poussive et convenue d’un Edouard Philippe qui lui a virevolté entre le socialisme et sa variante juppéiste, des engagements bidon dans une entreprise publique et le carriérisme local.
Cet étonnement frappera d’étonnement ceux qui savent comment fonctionnent les hauts fonctionnaires.
Une des curiosités du temps, est qu’on juge le mouvement En Marche, comme naguère nos journalistes et universitaires jugeaient l’Union Soviétique : uniquement sur les intentions. Pendant 75 ans on a présenté en Occident l’univers soviétique sans tenir compte une seule seconde de la réalité. Les quelques rares voix qui disaient la vérité étaient immédiatement écartées comme « fascistes » ou « faisant le jeu des fascistes » ou « victime d’un anti communisme viscéral et primaire ». Après l’effondrement du régime monstrueux, on a dû constater à regret que c’était pire que le pire. Mais on rechigne à l’écrire. On aurait l’air trop stupide.
Pour En Marche, c’est la même chose. « Ils le feront… un jour ». Attendre avec la foi chevillée au corps, tel est le mantra. Faire confiance car cela va se faire, compte tenu du pouvoir politique obtenu des urnes et qui sera conforté bientôt au Sénat.
La réalité est moins glorieuse : la poursuite de la politique de F. Hollande, sans les cris d’orfraies de la gauche du PS. On rabote la dépense sans mesures de structure. On augmente massivement les impôts (+25 % sur la CSG). Pour le reste, il faut s’extasier sur la fin des emplois familiaux en politique.
À nouveau on explique que l’important est… l’explication. Il ne s’agit pas de discuter de mesures mais de mettre l’inaction gouvernementale « en perspective ». Le discours avant l’action, à la place de l’action.
En attendant Godot : c’est-à-dire une croissance importée de l’extérieur.
Alain Minc va pouvoir écrire un nouveau livre : « la Macronisation heureuse ».
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Encore une fois, vous inversez causes et conséquences.
Le système monétaire dysfonctionnel est lié à la croissance ininterrompue du rôle des états dans l'économie, pas l'inverse.
comme le dénonçait Milton Friedman dans "capitalisme et liberté", le 20 ième siècle est le siècle du recul du libéralisme et de l'avancée de l'étatisme sous toute ses formes.
Un état, par nature, ne peut qu'étendre ses prérogatives, il n'est fait que pour cela.
Ce n'est pas le dysfonctionnement du système monétaire qui a fait grandir la part de l'état dans l'économie, elle aurait grandi sans cela, et cette croissance implique un jour ou l'autre la prise de contrôle de la monnaie.
Luttons contre l'étatisme, et le système monétaire international finira par s'équilibrer.
C’est exact. Le cas de la France le montre assez. La nomenklatura qui le gère n’accepte aucune restriction. L’Enarchie compassionnelle dépasse les clivages gauche droite, comme l’affaire Macron l’a confirmé.
« Ce n'est pas le dysfonctionnement du système monétaire qui a fait grandir la part de l'état dans l'économie, elle aurait grandi sans cela, et cette croissance implique un jour ou l'autre la prise de contrôle de la monnaie ».
Contrairement à ce que Milton Friedman avait théorisé, les changes flottants ne permettent pas un retour tranquille et ordonné vers un équilibre des balances des paiements. Au contraire, ce système possède une instabilité endogène qui aggrave les choses. Les énormes excédents comme leurs énormes déficits réciproques provoquent, par des mécanismes bien connus (Rueff et Allais ont totalement clarifié l’affaire), un gonflement majeur auto alimenté des dettes globales et l’apparition d’une « économie baudruche », comme nous l’appelons ici, qui devient explosive. Chaque explosion entraîne une intervention accrue de l’État, ne serait-ce que pour sauver les banques, avec une hausse de la dépense publique et des impôts.
Alors oui, les dysfonctionnements du système monétaire international ont entraîné historiquement d’une façon incontestable une aggravation de l’étatisation. Il suffit de comparer les points bas du cycle et les poussées de taux de prélèvements pour voir une corrélation évidente. Les seules différences entre États portent sur le fait que certains reviennent en arrière et d’autres, comme la France, non.
Mais il faut ajouter que le principal inconvénient des changes flottants est qu’ils ne forcent pas les États à revenir à un certain équilibre de leurs balances extérieures. Au final ce sont bien les États qui forcent les déséquilibres. La volonté impériale des États-Unis, le mercantilisme de la Chine après le Japon et l’Allemagne, la cupidité des états pétroliers, rien de tout cela n’appartient au monde de la microéconomie.
L’important est de trouver le bon moyen pour contraindre les États. Le système de Bretton Woods était une première esquisse. L’obligation de tenir et sa monnaie et ses balances était là, même si le système était grevé d’un énorme défaut : la dissymétrie entre les États-Unis et les autres. D’autres systèmes sont envisageables. Nous en avons esquissé un sur ce blog.
« Luttons contre l'état, et le système monétaire international finira par s'équilibrer ».
L’expérience de la zone Euro prouve le contraire. La pression sur la dépense publique et les déficits n’a permis aucun ajustement et les déséquilibres n’ont fait que s’aggraver. On a ruiné les Grecs alors que l’Allemagne accumule des excédents intolérables.
Au final, les États moloch posent un problème réel. Mais ils sont là pour rester. On ne peut guère espérer leur disparition. Ce qu’il faut faire, c’est les border en interne et les encadrer fortement en externe.
C’est plus qu’un défi, une entreprise prométhéenne.
On a vu avec le succès de Macron, que l’Enarchie était capable de rencontrer électoralement le peuple, au prix de quelques carabistouilles antidémocratiques coupables mais que personne ne tient réellement à dénoncer, alors que le candidat qui voulait briser l'entropie étatique a été vilipendé de façon totalement ahurissante pour des vétilles. Le fait que les hauts fonctionnaires français tiennent l’État, les institutions politiques, les anciennes grandes sociétés nationalisées, les banques et les médias, leur assurent une quasi-invulnérabilité. Ils affichent actuellement sans pudeur leur suprématie. Sans pudeur et sans résultats…
Mais leur tropisme tourné vers l'intérieur leur interdit toute « diplomatie de la prospérité ». On l’a vu avec Chirac, Jospin, Hollande et aujourd’hui Macron.
Pour les économistes français, la situation est franchement désagréable. La capture interne du pouvoir par l’énarchie les mets dans la situation d’être complices à l’intérieur, s’ils veulent faire carrière, et inaudibles à l’extérieur, sauf à passer sous les fourches caudines du conformisme aux intérêts américains qui les prive de paroles utiles (Voir Mme Lagarde qui s’égare au FMI dans des considérations de promotion des femmes qui n’ont rien à voir avec la mission statutaire de l’institution, mais il faut bien s’occuper).
Les changes flottants n'ont pas de défaut si les états n'interviennent pas. Il n'y aurait d'ailleurs pas de changes flottants si les états n'avaient pas créer de la monnaie de toute pièce et si tout le monde avait continuer à utiliser la seule monnaie que le marché avait fait émerger, cad l'or.
Les changes flottants ça ne marche pas avec le papier monnaie, cad la monnaie étatique, cad de la fausse monnaie (Passy, prix Nobel d'économie : le papier monnaie est de la fausse monnaie).
On ne pourra jamais équilibrer les échanges avec de la fausse monnaie, vos prémisses de raisonnement espère une réalité inenvisageable, donc pas la peine de se fatiguer à chercher des solutions, il ne peut y en avoir, sauf à revenir à l'étalon or, que dis-je, à l'or lui-même ou le bitcoin ou tout autre monnaie que le consommateur aura reconnu de lui-même.
Bien cordialement,
La relecture 20 and plus tard de "La mondialisation heureuse" d'Alain Minc conduit au même constat de carence, dites vous.
La petite histoire veut qu'Alain Minc et Pascal Lamy soient respectivement major et no. 2 de la même promotion de l'ENA. Il s'agit donc des "meilleurs d'entre nous" comme dirait Chirac. Quand on voit la consternante vacuité de cette pseudo élite, on comprend mieux la profondeur de la crise intellectuelle et de leadership qui afflige la France.