Les chiffres noirs qui endeuillent l’avenir de la France

2023, 2024, 2025 : la trilogie sinistre ?

L’année dernière, à la même période, nous avons refusé de souhaiter une bonne année car les nuages noirs étaient tellement noirs et tellement nombreux qu’il était certain que l’année 2024 serait funeste. L’année 2 024 restera comme une des pires années de l’après-guerre. La responsabilité en revient à 100 % à l’incapacité maladive d’Emmanuel Macron. Réélu sans débat approfondi sur les questions cruciales qui se posent aux Français, la guerre en Ukraine et la tactique de communication lui ayant permis « d’enjamber » les élections présidentielles, la victoire a réarmé son narcissisme tout en le confrontant au vide politique qui le caractérise. N’ayant aucun bilan, en dépit d’un narratif qui bassine le pays du contraire, et ayant déjà ruiné les finances du pays, il n’avait plus le choix : il fallait faire au moins une réforme sérieuse qui ne soit pas un faux-semblant. En même temps il fallait éviter que les conséquences de sa désinvolture vis-à-vis des paysans, des retraités et des propriétaires provoquent des réactions incontrôlables par l’Élysée. Impossible de réellement conduire un pays si on cède à tout dans l’Union Européenne, où seul le président a un pouvoir de blocage, même partiel, si le commerce extérieur élargit ses déficits, avec une part décroissante dans le commerce mondial, si la production ne suit pas et si le chômage reste structurel. Car alors, le budget devient ingérable et les fonctions régaliennes ne peuvent plus être assurées.

Narcisse a alors voulu narguer et provoquer tout le monde en forçant une réforme des retraites qu’il avait lui-même dénigrée lorsqu’il défendait une réforme par points, impraticable, qui est tombée à l’eau après cinq ans d’atermoiements et non à cause du Covid. La preuve, il n’a pas repris le projet ! Jamais une réforme critique n’a été si mal préparée et si mal conduite, dans un climat hystérisé par le Président lui-même. La réforme sera imposée au forceps et entraînera une forme de révolte populaire sous forme de casserolades et de propos injurieux. L’attitude habituellement méprisante du chef de l’Était a fait le reste. Pour résister, il a organisé des opérations images ridicules, où le Président embrassait des bébés devant quelques femmes énamourées qui roucoulaient, entourées de caméras et pas de grand-chose d’autre. Gare aux photos à plan large… Le but unique : construire un narratif où le président voyageait partout au milieu des embrassades et des applaudissements, sans le moindre bruit de casseroles. En fait on a continué la seule politique constante qu’a jamais conduite l’équipe de l’Élysée : bâtir et sauvegarder le narratif hors-sol du président ! La France, pendant ce temps-là, pouvait s’enfoncer.

Préparer la suite, c’était marquer un changement de cap pour bénéficier de la prime attendue des élections européennes. Alors on demande à Attal et Séjourné de se « dépacser » pour être prêt au renouvellement de l’équipe gouvernementale, prévu en début d’année, au prix de l’évacuation sans délicatesse de Mme. Borne, jugée sinistre et incompatible avec l’image recherchée par le Président. Avant même que l’Ange Gabtiel et son joli minois ne soient nommés, l’ensemble de l’Europe agricole s’est mis en mouvement. Elle est ruinée par le Greendeal, construit en particulier par Pascal Canfin président de la commission de l’environnement au Parlement européen avec l’aide d’Emmanuel Macron, totalement responsable d’un « deal » qu’il aurait dû bloquer comme Président. On sait de quelle grotesque façon l’affaire s’est finie au Salon de l’Agriculture où le président a expliqué aux agriculteurs ce qu’ils devaient faire, bien caché par un parterre de CRS.

Dans ce maelström, personne n’a eu l’occasion de s’inquiéter les résultats budgétaires détestables (et minorés) de l’année 2023, plombant toutes les perspectives ni de s’inquiéter surtout les chiffres tragiques de la natalité, en forte baisse et laissant un solde démographique national presque ridicule de 46 000 personnes, avec la menace d’un chiffre négatif à très courte échéance.

Malgré les efforts de communication délirants pour essayer de faire de Gabriel Attal une esquisse de premier ministre, en vain, la campagne pour les Européennes se présentent bientôt sous les pires auspices. D’erreur de casting en erreur de message, la cote de l’inconnue choisie pour mener la liste européenne de Renaissance, nouveau nom des macronistes, ne cessera de chuter au point d’atteindre un niveau ridicule qui sera une terrible gifle pour un Narcisse blessé. On connaît la suite : une décision de dissolution vengeresse et irresponsable, six mois de chaos et une fin d’année lamentable où aucun des problèmes nationaux n’a pu connaître le début d’une solution. Le bilan de ce second quinquennat est, au bout de deux ans, accablant. L’accumulation des situations critiques est sans fin :

-        Crise institutionnelle depuis la dissolution folle d’Emmanuel Macron au sortir de son échec terrible aux Européennes

-        Crise démographique à un moment où les courbes de décès rejoignent les courbes de naissances, et pointent vers une baisse de la population

-        Crise de l’énergie avec des coûts extravagants provoqués par la casse de notre système nucléaire et la volonté européenne de pousser des énergies erratiques et incontrôlables.

-        Crise du secteur automobile prié de se convertir dans des délais farouches à l’électricité et démoli par les réglementations, les taxes, les injonctions diverses. On parle de 700 000 chômeurs de plus en Europe.

-        Crise inédite de l’immobilier, accablé de taxes, d’impôts, de réglementations extrêmes à mettre en œuvre dans l’urgence.

-        Crise de l’aménagement du territoire avec une loi Zéro Artificialisation Nette qui paralyse tout le monde.

-        Crise des finances publiques et du budget en déficit incontrôlable

-        Crise agricole, provoquée par des politiques coercitives malthusiennes fondées sur la folie bureaucratique, la jachère et la substitution des importations à la production nationale.

-        Crise sociale avec la stagnation des revenus et de l’emploi des classes moyennes provoquant une revendication hagarde de pouvoir d’achat.

-        Crise des politiques publiques, avec une Justice effondrée, une école en déshérence, une université qui a sombré dans le Wokisme le plus débilitant et un secteur de la santé ravagé par la bureaucratie tatillonne et l’étouffement syndical et financier.

-        Crise nationale, avec le développement de conflits raciaux et religieux que l’on croyait éliminés à jamais et l’envahissement des villes et des villages par des masses africaines et musulmanes qui haïssent pour beaucoup d’entre eux le pays d’accueil, et renient tous les principes qui fondent sa démocratie.

-        Crise sécuritaire, avec la multiplication des crimes de sang, la peur partout, le vol généralisé, la violence des jeunes, le refus de respecter quelles que règles que ce soit.

-        Crise de la drogue, avec un pays en voie de « mexicanisation » et un début de généralisation de la corruption des acteurs publics, par la peur ou par le gain.

-        Crise européenne, déclassée économiquement loin derrière la Chine et les États-Unis, et qui voit les institutions de l’UE échapper à tout contrôle, alors que des pays clés comme l’Allemagne et la France sont en récession.

-        Crise diplomatique, alors que flambe la guerre sur le sol européen.

-        Crise militaire où l’on constate que notre armée « échantillonnesque » qui tient tout entière dans le Stade de France, ne nous protège plus et serait incapable de mener une guerre de type classique plus de 2 jours.

-        Crise climatique, avec des phénomènes brutaux, dont l’explication « anthropique » laisse à désirer

-        Crise du système de retraite détruit par la démagogie d’un âge de départ intenable, par le vieillissement et l’absence d’enfants

-        Crise du système scolaire et universitaire.

On ne voit pas comment on aurait pu faire pire. La crise des institutions paralyse l’amélioration de la situation dans tous les autres domaines. La France va à vau-l’eau et coule doucement.

La France vient de vivre une année complète de paralysie gouvernementale. Le premier trimestre a été stérilisé par la crise agricole et le changement de gouvernement, le second par la préparation des élections européennes. On a géré les affaires courantes le reste de l’année 2024 et on recommence en 2025.

Certains tabous et mensonges tombent brutalement dans ces périodes de crise.

En deux ans le grand mensonge démographique a été balayé. Depuis des années les médias nous abreuvent de mensonges sur la situation démographique, bien aidés par des piliers de l’INED comme Le Bras et quelques autres. Tous les hommes politiques qui ont tenté de conserver une politique nataliste ont été présentés comme des fous. On se souvient de Michel Debré affublé d’un entonnoir sur la tête, symbole de folie. Alfred Sauvy a été marginalisé et son message occulté. Tout allait bien en France, alors que partout ailleurs les difficultés s’accumulaient. C’était une fable ! La pilule, le divorce facile, le pacs, l’avortement, le planning familial, un féminisme militant remettant en cause les femmes au foyer, l’intérêt du double salaire, le refus de considérer l’enfantement autrement que comme un acte individuel de la femme concernée, jusqu’aux délires actuels faisant de l’accouchement une « servitude », du sperme une substance toxique, de l’homme un violeur structurel, ont évidemment altéré en profondeur la natalité. La femme n’est pas une poule pondeuse et son rôle n’est pas de fournir de la chair à canon ! Qu’on se le dise ! En 2 024, on a constitutionnalisé le droit à l’avortement gratuit inconditionnel. À l’unanimité ! Alors qu’on sait que tout vote à l’unanimité est la preuve qu’on fait une sottise.

Sans remonter jusqu’aux années soixante-dix, remarquons que depuis le début 2000 on a procédé à 5 millions d’avortements à 700 euros l’acte, soit près de 3.5 milliards d’euros consacrés à éliminer des enfants à naître, pardon des « boules de molécules ». C’est plus que les pertes démographiques de la guerre de 14. Et on croit que cela n’a pas eu d’importance ?

Lorsqu’on compare le ratio naissances sur population de 1971 à celui de 2023, on voit qu’avec notre population actuelle nous devrions avoir 500 000 enfants DE PLUS par an que les naissances actuelles. Depuis l’an 2 000, nous avons perdu 12 500 000 naissances, dont 5 millions par avortement. Cela correspond à la population de l’île de France.

Ce désastre pouvait être constaté d’année en année depuis les années quatre-vingt. Pas un mot. Tout allait bien. Il a fallu qu’en début 2024 on constate pour 2023 que le solde entre naissances et décès était devenu ridiculement petit, annonçant un croisement des courbes et le non-remplacement générationnel à très court terme, pour que tout le monde se réveille. 2 024 s’annonce déjà pire que 2 023. Et il n’y a aucune raison que cela s’arrête. Déjà les statistiques par département montrent que dans les départements à faible niveau d’immigrés, les décès l’emportent sur les naissances et que les courbes s’écartent de plus en plus et très rapidement.

Globalement les décès concernent à 90 % des Français « de souche » et les naissances correspondantes en concernent moins de 60 %. Cela signifie que la population française traditionnelle diminue d’environ 300 000 personnes par an. Puisque la population continue de grossir par l’immigration, cela signifie qu’une substitution de population a bien lieu. Formulation totalement taboue.

Qu’importe, puisque la population augmente par l’immigration. Le problème est que la population immigrée a un taux de productivité faible et un taux d’emploi faible, donc un impact sur la production très faible. Outre les questions diverses que pose une immigration massive, elle ne suffit pas à compenser les pertes, tout en embolisant les services sociaux qui sont à l’agonie (urgences, logement d’urgence, HLM, préfectures) et en bousculant police, justice et système pénitentiaire.

Donc les résultats sont désastreux.

D’après le livre de Nicolas Baverez, Sursaut (l’Observatoire), immigration comprise, la population devrait augmenter jusqu’à 69 millions jusqu’en 2 044 et régresser ensuite. La part de plus de 65 ans passera les 30 % dès 2030. La population active stagnera autour de 30 millions.

Sur ces bases, tous les autres déclassements s’amplifient. Le rang de la France pour le PIB, le PIB par tête, la part des fonctionnaires, le montant de la dette, le déficit commercial, les parts de marché internationaux, tout s’aggrave. Les entrepreneurs, les ingénieurs et les chercheurs quittent la France, comme les personnes riches et les artistes : « Ce n’est plus en France que cela se passe ! », la phrase qu’on entend partout dans le monde.

Macron a tenté de tenir en soutenant la consommation par la dette. On est au bout de ce chemin. Son « idée », en fait cette facilité démagogique, de couper les financements naturels (taxe d’habitation, charges et impôts sur certains salaires) sans leur substituer d’autres recettes, a accéléré le développement d’une dette insoutenable.

Il devient impossible de recruter des salariés correctement formés. Les taux de chômage sont les mêmes qu’en 2007 avant la crise mais on crie qu’on a vaincu le chômage structurel alors que c’est un gros mensonge.

L’écologisme et ses prescriptions fondées sur un narratif scientifique incertain, manipulé par l’ONU et l’Union Européenne, ont un coût démesuré pour des résultats climatiques nuls. Les taxes, la bureaucratie et l’écologisme ont tué le marché immobilier. Agriculture et industrie sont en régression rapide et massive.

L’année 2025 s’engage sous des auspices catastrophiques, sans possibilité d’obtenir un gouvernement digne de ce nom et capable d’une véritable action de longue durée, alors que la France n’a plus de diplomatie, d’armée adaptée aux besoins, ni d’influence en Europe où l’Allemagne a pris le pouvoir ou en Afrique dont elle est éjectée manu militari au profit de la Russie et de la Chine !

Dire qu’Emmanuel Macron a amplifié tous les facteurs de déclassement est un euphémisme. L’ennui provient de l’absence de substitut crédible. Au fond du trou, on ne trouve que des vers de terre, pas les moyens d’un rebond. Pour le sursaut, M. Baverez, on attendra !

Les Français veulent plus de dettes, plus de vols fiscaux pour « les autres », moins travailler et moins longtemps, avec moins d’enfants et plus de gratuités. Les nourrir de démagogies systématiques leur va très bien et ils en redemandent. Vive les grèves et les manifs violentes ! Alors pourquoi se gêner ? On a les Macron qu’on mérite !

Bonne Année 2025 !

Trump et l’Union Européenne : les injonctions économiques contradictoires ne mènent à rien.

D’accord, depuis la terrible récession mondiale de 2008 et l’apostrophe de feu la Reine d’Angleterre sur leur inutilité, s’ils ne savent plus prévoir ce genre d’évènements, les économistes ont été largement remplacés dans les médias par les philosophes, les sociologues, les décrypteurs politiques de toute obédience, les militants de tout bord, les porte-parole associatifs, …  C’est fort intéressant, assez chaotique, mais plus propice à l’affirmation d’appartenances idéologiques et politiques radicales que lourd de solutions. Surtout, l’exclusion du minimum de compréhension des règles économiques de base conduit à ne pas voir les « éléphants dans la pièce » selon l’expression que l’on retrouve désormais partout. Osons cet exercice désormais devenu désuet et suspect mais qui n’est pas totalement inutile !

Continuons dans l’accord : tout le monde a compris que l’évolution du monde depuis 50 ans a basculé dans des chemins qui ont conduit à une forme d’impasse. Pour l’Occident développé, l’étape actuelle est douloureuse, avec des résultats économiques et sociaux catastrophiques et un dur déclassement des différentes classes moyennes nationales, la rupture entre la base populaire et les élites, le trouble dans les habitudes de la pensée dominante.

Quelle est la cause principale de cette évolution délétère alors que nous étions parvenus tous en Occident et dans les pays alliés, à une croissance « glorieuse » au sortir de la terrible guerre mondiale de quarante, et avions empêché que le conflit avec le monde communiste obère cette croissance historique ?

Sous la pression des États-Unis, l’Occident a mis au panier en 1971 les Accords de Bretton Woods qui ont accompagné les Trente Glorieuses. Il n’a pas fallu deux ans pour que cet abandon provoque la première récession mondiale d’après-guerre. Les troubles nés de cette décision ont étendu la crise proprement américaine à l’ensemble du monde. Le dollar s’est effondré. Les pays pétroliers ont été privés de ressource. Ils ont réagi en fin 1973, alors que la crise avait près d’un an, par la hausse massive de prix cartellisés, donc en infligeant une rançon permanente aux pays sans pétrole comme la France. La crise de 1973 n’est pas une crise du pétrole, mais une crise du système des changes qui a provoqué, comme première conséquence, une crise du pétrole qui a détruit largement les perspectives mondiales de croissance.

On est passé d’un système où les changes étaient régulés par les États, sous la surveillance du FMI, avec interdiction des grands déficits et des grands excédents. Les pays en excédent devaient hausser leur taux de change, les pays en déficits dévaluer, mais, dans tous les cas, sous contrôle pour éviter les guerres de changes qui avaient provoqué les troubles économiques désastreux de l’entre-deux-guerres.

Les accords de la Jamaïque ont décidé que les cours de changes seraient libres et que les banques centrales deviendraient les régulateurs monétaires de marchés commerciaux et financiers rendus les plus libres possible. Que chacun fasse ce qu’il veut et Dieu reconnaîtra les siens !

Quelles ont été les conséquences presque immédiates de ce nouveau « non-système » du chacun pour soi et les banques centrales pour tous ?

-            Les excédents et les déficits de balances commerciales et de paiement ont explosé.

-            Les relances dites keynésiennes n’ont plus fonctionné

-            Les monnaies ont commencé à fondre

-            La financiarisation et la recherche de valeur ont remplacé l’investissement productif, cassant le socle de la croissance.

-            Les crises mondiales à répétition se sont installées, alternant crises moyennes (1981-1983, 1998-2001), et crises très sévères, (1992-1993, 2008-2010), avec en prime une crise propre à l’Euroland en 2011.

Il faut bien comprendre pourquoi les grands excédents et les grands déficits sont intrinsèquement déplorables et porteurs de désastres. L’explication est élémentaire et elle a été donnée par les plus grands économistes en particulier français comme Jacques Rueff et Maurice Allais, notre premier « Nobel » d’économie.

Lorsqu’un pays connaît un énorme excédent, il détient des masses de monnaies étrangères. Que peut-il en faire ? Garantir la création de monnaie nationale pour investir ? Oui, sans doute. Mais le secteur exportateur est en pleine forme et n’a nul besoin d’investissements supplémentaires de masse. L’investir à l’étranger ? Certes, mais dans quoi puisque les pays en déficits sont peu compétitifs et leurs entreprises vacillent et n’ont pas les moyens d’investir et d’emprunter ? Une seule issue : la spéculation, c’est-à-dire l’investissement en Bourse et dans l’immobilier, et le financement de la dette des états et de la consommation. Mais le ciel a ses limites. Au bout d’un cycle de hausses hors sol, la correction arrive et elle est sévère. D’où les crises mondiales à répétition.

Les États se retrouvent avec des possibilités de dépenser sans compter. La France l’a bien compris. Elle se retrouve avec 3 250 000 euros de dette publique ? Pas grave, puisqu’on peut trouver des ressources sur les marchés pour la financer. Jacques de la Rosière2 a plus que raison de critiquer ce mécanisme dans son dernier livre. Et personne ne pourra contester sa compétence ! Les politiciens les plus cyniques se font élire sur leurs largesses et gratuités. Mais là aussi les dettes ne peuvent pas aller jusqu’au ciel. Voici venus les plans de rigueur à répétition, mais sans employer le mot juste ! Le pays est nerveux, restons prudents !

Les pays excédentaires se voient très beaux dans leur miroir, mais meurent de trouille que la masse de monnaies accumulées, qui se comptent en milliers de milliards de dollars, perde toute valeur si le dollar s’effondre. Qui se souvient qu’en 1980 l’Allemagne et ses excédents colossaux se trouvent déjà dans les pires difficultés ? Qui se souvient que le Japon, dans les années quatre-vingt-dix, se trouve dans des transes terribles ? Il avait placé ses excédents dans à peu près n’importe quoi, comme des clubs de golf en France qui feront faillite. Désormais c’est la Chine qui craint pour ses milliers de milliards de dollars et qui les placent partout dans le monde tout en cherchant à remplacer les dollars dans ses réserves et dans ses excédents monétaires, en organisant par exemple les Brics ou en achetant de l’or.

Au lieu de se mobiliser pour réformer le système monétaire international, les États-Unis ne le souhaitant pas, et une partie des élites occidentales trouvant son bonheur dans la ponction sur les flux monétaires ou les flux de la mondialisation heureuse, on a cherché à masquer les effets délétères qui lui collent au dos comme une tunique de Nessus. La récession de 1973 est devenue « la crise pétrolière ». La crise de 1992 celle « des ordinateurs ». Celle de 2008, « la crise des subprimes ». Rien de systémique, et on s’en sortira nouvelle fuite en avant, qui, à chaque fois,  alimentera la crise suivante.

Voici que Donald Trump est élu et qu’il reprend la querelle américaine qui dure depuis 50 ans en des termes qui lui sont propres, donc violents voire insupportables. En sommant tous les pays de supprimer leurs excédents vis-à-vis de son pays sous peine de droits de douane exorbitants, tout en voulant perpétuer le monopole de la création de liquidité mondiale en dollars qui impose des déficits extérieurs américains et donc des excédents réciproques à l’étranger, il milite pour deux exigences parfaitement incompatibles et formule grossièrement des injonctions contradictoires.­

Autre paradoxe, Trump a compris que le système actuel pénalisait les classes moyennes américaines tout en permettant de sortir des millions de personnes de la misère dans des pays qui détestent l’Occident. Il a très bien vu que le pays excédentaire pouvait acheter le capital américain, notamment ses entreprises et que l’énorme marché chinois permettait de créer des trusts encore plus gros que les siens tout en investissant en masse dans le militaire.

Malheureusement, Il n’en tire pas toutes les conséquences et se contente d’expédients délétères. Son instinct est certes primaire mais supérieur à l’incapacité de l’Union Européenne à formuler une politique viable. Il est clair que le fait que M. Macron se voit en T-Rex et exige des autres dirigeants européens  de ne pas être des herbivores ne témoigne pas non plus d’une ambition intellectuelle et technique forcenée.

Le problème de fond est que l’Euroland n’a pas proscrit non plus les grands déficits et les grands excédents. Les flux financiers des trois pays les plus excédentaires représentent presque 90 % de l’activité de la BCE. Les effets délétères des excédents au sein de la zone Euro ont rejoint les effets délétères des changes flottants. L’Allemagne a pu racheter une bonne part des industries résiduelles dans les pays européens tout en s’inquiétant de voir la Chine s’emparer ce son Mittelstand. Jusqu’à ce que la guerre en Ukraine désorganise tout son système économique, écologique et diplomatique, au point que son gouvernement explose et que ses intérêts sont devenus totalement divergents des intérêts français. Adieu le couple franco-allemand ! Les mythes n’ont qu’un temps.

L’inflation est partout du fait des conséquences du Covid et de la guerre en Ukraine, mais il faut garder à l’esprit que nous sommes dans un système global de monnaies fondantes. Les lecteurs âgés par exemple du journal le Monde le savent bien : il valait 50 centimes de Franc le numéro à la fin des années soixante et 360 cents d’Euro aujourd’hui, en attendant mieux, soit environ 360x7 = 2 520 centimes de Franc. La valeur de la monnaie a été divisée par 7 en cinquante ans et ne conserve que 14 % de sa valeur dans cette unité. Quand on prend d’autres valeurs de référence, on est plus près de 4 à 5 % que de 14 %. La valeur du Monde a finalement assez bien résisté !

Il serait sans doute utile que les yeux se descellent une fois pour toutes. La solution n’est pas dans des affrontements stériles au sein de l’Occident, ni dans la démondialisation malheureuse.

Il faut réformer les systèmes monétaires déficients et régressifs, aussi bien les changes flottants autour du dollar que les mécanismes de la monnaie unique européenne au sein de l’Euroland, qui ne permettent aucun rééquilibrage par les ajustements monétaires. La croissance mondiale ne peut être assurée que par un meilleur équilibre général des changes (par l’ajustement des changes contrôlé collectivement) et le retour à l’investissement productif, et non au placement financier ou à la recherche de la hausse permanente illusoire de la valeur des actifs.

C’est la seule sortie collective par le haut à notre disposition. Au travail ! Même s’il faut sortir pour cela du langage de Jurassic Park !

 Didier Dufau

Président du Cercle des Économistes « e-toile ». Auteur de « La Monnaie du Diable », une histoire de la monnaie de 1919-2019, aux Editions du Cercle.

 Le déclin français est-il réversible – Odile Jacob Jacques de la Rosière

Quelques livres à lire sur la crise et ses solutions

Alors que la France se trouve confrontée à une des pires périodes de son histoire récente, avec des risques sérieux de chaos politique, économique et social, tenter d’en éclairer les causes et les moyens d’y échapper devient un exercice indispensable.

L’affaire dure depuis longtemps. Notre Cercle y a consacré trois livres : L’étrange désastre, La Monnaie du diable et Sortir du désastre, et 1 070 articles depuis que notre blog a été créé. Il avertissait dès juin 2008 de l’arrivée d’une crise terrible, annoncée pour septembre 2008, alors que l’inconscience était générale. Ce sera la pire récession mondiale des 75 dernières années.

La littérature économique non partisane et non idéologique sur les causes de l’effritement de l’Occident, la perte de boussole de l’Europe et le déclassement français a été faible et peu relayée dans les grands médias, concentrés entre des mains soucieuses de complaire aux puissants qui détiennent les pouvoirs et de maintenir un optimisme propice à l’activité commerciale de ses annonceurs. Certains ont même forgé le terme excommunicateur de « décliniste », une sale engeance, qui ne pensait qu’à dénigrer pour d’obscures raisons une situation finalement pas si grave que cela.

L’analyse critique des effets d’erreurs répétés depuis 1971 ne pouvait être que le fait d’auteurs de mauvaise intention qui ne méritaient pas qu’on les considère. L’américanisme de principe, l’européisme de bonne volonté, la mondialisation heureuse, le socialisme soft, l’écologisme hard, et des formes nouvelles de sociétalisme malthusien se sont donné la main pour enclencher des processus délétères qui ont fini par détruire la base de la prospérité générale. L’opinion était chargée d’adhérer malgré les dégâts de plus en plus visibles.

Aujourd’hui la réalité ne laisse plus de place au doute : l’Occident sous conduite américaine et agressivement mondialiste a perdu de son lustre, probablement de façon définitive ; l’Union Européenne tourne au fiasco, avec un classement économique qui s’effondre ; la France est en plein déclassement et se trouve confrontée à une crise de régime particulièrement inquiétante, avec un risque de chaos à court terme si elle ne parvient pas à maîtriser une dette qui s’affole alors qu’il n’y a plus de majorité parlementaire.

Nous sommes particulièrement sensibles à cette situation, puisque le Cercle a été créé à la fin des années quatre-vingt-dix justement pour alerter sur les erreurs économiques commises depuis 1971 et leur persistance. L’effritement de l’Occident, l’erreur européiste et le déclassement français nous paraissaient incompris et nous voulions alerter notamment sur les risques supplémentaires courus par notre pays, en pleine dégringolade.

La littérature économique publiée a été largement à côté de la plaque, car le plus souvent, constitué d’ouvrages américains traduits qui ne reflétaient que le débat entre néolibéraux et keynésiens. Les Américains étant à la source de la catastrophe générale, avec la décision de sortir des règles de Bretton Woods en faisant défaut sur ses obligations, les efforts livresques ont été très idéologisés entre une gauche particulièrement radicale sombrant bientôt dans le Wokisme et les promoteurs d’un système mondial régulé par les marchés et les banques centrales. L’européisme, largement basé sur l’américanisme a conduit l’édition à se concentrer sur les conséquences de Maastricht et de l’Euro. La chute de l’URSS a provoqué un déplacement de l’idéalisme militant qui est resté néanmoins totalement anticapitaliste et violent. De « Thatcher la salope » et « Reagan le clown » à Mélenchon et au révolutionnarisme bolivarien décidé à créer une intifada nationale, le combat idéologique en France s’est totalement perdu dans la grossièreté et la sottise. Des mouvements comme Attac ou les Économistes Atterrés symbolisent cette déviance. Davos en fait le pendant.

Autant dire que le brouhaha intéressé qui sévit depuis 50 ans n’a pas permis au plus grand nombre, et aux hommes politiques, de prendre conscience de la nature calamiteuse des processus en cours et que les Français, consternés, découvrent qu’on marche sur la tête et qu’on risque très gros sans avoir jamais avoir reçu une information pertinente des grands médias et des gouvernements. Certains parlent de désinformation volontaire et une Commission parlementaire sera sans doute formée sur ce thème.

Depuis quelques années, l’édition commence à comprendre qu’il faut donner de l’audience à des analyses sérieuses permettant de changer les attitudes et les politiques.

Premier livre à prendre en considération : Le virage manqué, 1974-1984 : ces dix années où la France a décroché, de Michel Hau et Félix Torrès. 2020, Aux éditions Les belles lettres- Manitoba. Les auteurs ne sont pas des économistes mais des professeurs agrégés d’histoire. On trouve beaucoup d’erreurs d’analyse économique dans le livre, passé totalement inaperçu, qui a néanmoins un immense mérite : rappeler que tout ce que nous vivons dépend d’un grand virage qui a eu lieu dans les dix ans qui ont suivi la crise de 1973 et donner nombre de statistiques qui éclairent les évolutions délétères dont on ne parvient pas à sortir. Ils voient très bien que la perte de l’investissement productif de longue durée est au cœur des déclassements qui se sont produits. « De 1968 à 1973 la formation de capital fixe avait continué à progresser plus vite que la consommation des ménages (6.5 % par an contre 5,39 %). À partir de 1974 c’est l’inverse ». On retrouve ces éclairs de vérité un peu partout dans ce livre imposant et bien référencé. L’essentiel de la critique porte sur une analyse classique de l’impossibilité en France d’envisager des réformes de structures du fait de diverses imprégnations dirigistes, socialistes, démagogiques. Le livre s’attarde sur le fait que le « Welfare state » a été mis à charge de l’entreprise et que cette configuration lui a fait rater la mondialisation et a entraîné la désindustrialisation massive. Tout cela est juste et fait comprendre pourquoi tout finit aujourd’hui dans la stagnation économique et le déclassement avec une dette abyssale qui peut faire chuter ce qui reste de l’édifice.

André-Victor Robert (l’Artilleur), a proposé : La France au bord de l’abîme. Les chiffres officiels et les comparaisons internationales. Ce gros livre de 450 pages, s’est donné comme mission de faire des constats sur tous les sujets qui fâchent et de les agrémenter lorsqu’elles étaient disponibles de comparaisons avec les autres. Cet aspect documentaire est ce que livre propose de plus précieux. On accède très vite aux chiffres critiques et c’est une aide considérable pour celui qui veut se pencher sur les difficultés de l’emploi, de l’immigration, de l’éducation nationale, du budget et des impôts etc. Ces chiffres sont presque toujours déjà connus mais il est bien qu’ils soient rassemblés et facilement consultables. L’analyse est du type « tel est la solution de bon sens au vu des faits » et ne creuse pas toujours les causes et les modalités de changement avec beaucoup de profondeur. Affirmer qu’il faut des professeurs mieux formés, plus de discipline dans les classes et le développement du goût de l’effort chez les élèves ne surprendra personne. Pas plus qu’une régulation de l’immigration basée sur le refus des clandestins, des progrès dans l’assimilation tout en réduisant l’attractivité comparative de la France ne paraîtra une recommandation d’une exceptionnelle originalité. Le livre a ses propres options : on oublie complètement le rôle des changes flottants dans les récessions mais on est très dur contre l’euro.

Le livre offre donc une énumération de mesures souvent présentes dans le débat public mais dont la nécessité est argumentée avec le secours des chiffres.

Jacques de la Rosière ancien dirigeant de la banque de France et du FMI signe pour sa part un petit livre percutant chez Odile Jacob : Le déclin français est-il réversible ? Pas de fioritures ni de grandes phrases : quelques chiffres clefs ; quelques raisons majeures ; quelques solutions inévitables ! Il n’y a pas dans ce texte une seule chose que nous n’aurions pu écrire sur ce blog. La vraie force de cette fessée magistrale, c’est la radicalité de la mise en cause. « Ni la conscience collective ni les médias ne réalisent l’intensité du mal qui nous ronge ». « Nous ne sommes pas loin de frôler la propagande ». « Sur ce fond de démission intellectuelle notre pays décline dangereusement ». « Le déclin est de notre fait ». Évidemment ce spécialiste ne manque pas de rappeler le rôle essentiel des questions monétaires et financières dans les mécanismes qui conduisent à l’effondrement industriel et aux déficits extérieurs. Les inondations successives de crédit entraînent des tsunamis d’importations mais ne financent pas l’investissement. « La France a systématiquement favorisé et stimulé la demande intérieure par une politique de déficits budgétaires et de hausse du crédit. » Le résultat inévitable : « la dégradation de la balance des paiements ». Après avoir rappelé tous les chiffres critiques sur la gestion budgétaire insensée que nous menons depuis des lustres, il cite Eurostats : « le déficit de nos administrations est entièrement structurel », par accumulation « de mesures discrétionnaires et non de mauvaise conjoncture ». Du coup « la croissance est compromise ». C’est dans les services votés qu’il faut frapper. On voit que le projet Barnier ne présente aucune remise en cause de ce type. On préfère comme d’habitude augmenter les impôts. Et on ne veut pas toucher à ce qui est vraiment grave : par exemple les engagements liés aux retraites des fonctionnaires de l’État et autres catégories publiques qui dépassent… 1 600 milliards d’euros. Une autre analyse surprendra bien des observateurs : « le fait pour les banques centrales d’avoir maintenu les taux d’intérêt à zéro en termes réel a significativement creusé les inégalités sociales. » La fin des contraintes de Bretton Woods a fait disparaître les « cordes de rappel » selon la terminologie de l’auteur, disons plus simplement la crainte de la dévaluation et les avantages de la dévaluation. L’adaptation monétaire étant exclue depuis l’euro c’est toute l’économie qui doit s’affaisser pour revenir dans les clous. Et personne n’a le courage d’une telle politique. « La mauvaise gouvernance pouvait fleurir ». L’accident Macron a marqué le sommet du genre. Arrêtons ce résumé sur la question qui est en pleine actualité : « Nos dépenses publiques de 1 500 milliards d’euros doivent être réduites à 1 293 milliards d’euros ». Notons également l’explication de la médiocrité de nos hommes politiques par l’extension des politiques d’argent facile. N’importe quel bavard imbécile est capable de distribuer de l’argent à tout va.

La lecture ne serait-ce que de ces trois livres interdit d’affirmer qu’on ne sait pas ce qu’il faut faire et où sont les failles dans l’action publique. La crise institutionnelle créée artificiellement par Emmanuel macron, le Jupiter de l’argent magique et de l’illusion que tout s’arrangera avec l’argent des autres, complique la situation. On voit bien que le plan Barnier est purement fiscal et ne marque aucune rupture.

Le glissement vers le pire continue.

Mais les solutions existent. Que les Français s’en saisissent au lieu de cautionner les pires démagogies.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile.

Impôts et dépenses publiques : l'urgence absolue d'éviter le gouffre.

Nous avons toujours défendu sur ce blog un retour à la normalité fiscale en France. Nous considérons au vu des derniers chiffres cataclysmiques sur les différents déficits qu’il est inévitable de collecter un minimum d’impôts supplémentaires pour passer le cap. Ce paradoxe exige quelques explications. La première est la raison des déficits extravagants que l’on constate et les stratégies d’atténuation à disposition.

Les besoins budgétaires des sociétés qui ont voulu de créer un « welfare state » sont infinis. La volonté des politiques de satisfaire des demandes insatiables est de tout bord extrêmement forte.

Keynes, en légitiment l’idée que l’Etat devait suppléer les marchés et relancer la machine économique par la dépense publique, sert à justifier, en dehors de tout cadre rationnel, l’idée que la dépense publique est non seulement légitime mais indispensable, comme l’est le corps de hauts fonctionnaires chargé de réguler la manne et de diriger une méga structure administrative pour la distribuer.

L’idée égalitariste poussée à son extrême, prétend que tout le monde a le droit à la même chose et qu’il faut donc prendre ce qu’il faut aux « riches » pour satisfaire la quête de justice sociale. Le concept a été poussé, là aussi, jusqu’à son extrême. Un enfant doit avoir les mêmes facilités qu’un bourgeois pour les livres scolaires, les voyages initiatiques, les petits cours, etc. Les parents sont vus comme les agents infligeant à l’école les miasmes d’une inégalité choquante et doivent être laissés de côté. En France dans l’Éducation nationale, l’excellence et le respect de la langue ont tous deux été dénoncés comme des barrières à l’égalité. Les résultats de l’action publique ont alors cessé d’être positifs, du fait d’une recherche active du nivellement. La dégringolade dans les classements PISA a été rapide et auto entretenue, en dépit de budgets considérables.

Une nouvelle vague de dépense est née du succès des mouvements qui souhaitent venir en aide à l’altérité victimaire. La notion de victimes de la société a fini par s’ouvrir à de très nombreuses catégories de la population : les pauvres, les immigrés, les condamnés ayant fait de la prison, les jeunes délinquants, les femmes, les minorités sexuelles, l’étudiante et l’étudiante, Il ne s’agit plus d’une petite fraction de la population : on atteint près de 80 % des résidents ! Les besoins à satisfaire sont évidemment sans limite.

La tendance politique va être de créer pour ces populations des droits acquisitifs et multiplier de très nombreuses gratuités dans tous les domaines : logements, culture, alimentation, avortement et plus généralement médecine, avec disparition des « modérateurs » de consommation. Le droit-à, éventuellement constitutionnalisé, devient une créance invincible et perpétuelle sur l’argent des autres. On est passé ainsi de quelques milliers d’avortements à 100 000 puis 200 000 puis 300 000 et on va atteindre bientôt les 400 000. On finance à 100 % un acte dont le prix de revient complet dépasse les 1 000 euros, en pleine déconfiture des naissances. Le budget augmentera encore régulièrement de plusieurs centaines de millions d’euros. On trouve les mêmes mécanismes pour le droit opposable au logement, l’AME etc. Ce sont des droits à la gratuité qui provoquent un gonflement permanent de la dépense. On pensait que l’AME ne coûterait que quelques dizaines de millions d’euros : les immigrés clandestins ne sont-ils pas jeunes et dynamiques. On va bientôt atteindre deux milliards !

S’est ajouté dans les dernières années l’exigence climatique et le culte de la nature, devenue objet de droits. On réclame le remboursement d’une « dette écologique » (Sic) et la restauration de l’intégrité de la nature. L’inculpation du CO2 qui touche absolument toutes les activités humaines a lancé une quête d’économies d’énergie astronomiques dans absolument tous les domaines, sans certitude de résultats positifs pour le climat, mais d’un coût qu’on refuse d’évaluer honnêtement tellement il est élevé et croissant (le coût de l’économie d’émission supplémentaire est fortement croissant).

Nouveauté coûteuse : le concept « d’empowerment » qui renvoie sur les acteurs de la vie sociale et économique l’obligation de « faire le bien » qu’il s’agisse d’agir pour la diversité ou pour la réduction des pollutions. Cette méthode est une forme de « do it yourself » qui crée des devoirs et des coûts sans impliquer l’intervention autre que punitive des autorités. Cela devient une « dépense publique » invisibilisée. Cette méthode vient compléter d’autres techniques de camouflage de la dépense publique : le transfert aux associations, chargées de suppléer une administration dont les privilèges sont trop coûteux, l’obligation faite aux promoteurs de financer des politiques d’aménagements dont les coûts sont transférés de façon occulte aux acheteurs de logements ou de locaux professionnels.

Pour gérer cet immense déploiement de dépenses publiques il faut naturellement une énorme armature administrative. En France ce besoin a été encore amplifié par la volonté de créer de nombreux étages de décision qui dépendent les uns des autres : mairies, groupements, districts, régions, états, agences techniques diverses, institutions européennes, autres institutions internationales. Cette ambition a conduit à des hausses massives de recrutement, le plus souvent de personnels protégés qui ne peuvent pas être licenciés et qui seront à charge le reste de leur vie.

La question s’est donc posée dans tout l’Occident dès la Libération : comment financer cette énorme masse de dépenses qui n’a de limites que la disponibilité des ressources nécessaires.

La période qui va de la guerre à la crise de 1973 a connu une réponse simple : une très forte croissance qui a permis, notamment en France, la reconstruction puis l’extension du « welfare state ». La France se couvre d’hôpitaux, de lycées et collèges, d’ouvrages routiers et d’infrastructures de chemin de fer. La fiscalité et en forte hausse mais on reste dans des limites non pénalisantes : les prélèvements sont entre 32 et 35 % du PIB.

À partir de la crise mondiale de 1973, extrêmement grave, et de l’apparition d’une rançon pétrolière exigée par les pays pétroliers coalisés, avec une hausse délirante du prix de l’énergie, la croissance rapide s’arrête, les comptes tournent au rouge, la pression fiscale augmente ainsi que l’inflation.

En France le septennat de M. Giscard d’Estaing est un formidable moment fiscal, alors que dès 1975, le budget est en déficit important (et il n’y aura plus jamais de budget équilibré jusqu’à aujourd’hui). On impose la TVA, la taxation des plus-values, la non-déduction de nombreuses dépenses de l’I ou de l’IR. On sait que le projet d’un impôt sur la fortune était en préparation en cas de réélection ! C’est également l’époque où l’on contingente l’offre : le numerus clausus en médecine devient draconien. Des professions complexes, comme les architectes et les chirurgiens, cessent de pouvoir s’enrichir par divers procédés d’encadrement de leurs actes. La haute fonction publique s’empare des postes politiques.

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni lancent un moment de révolte à la fin des années 1980. Ronald Reagan et Margaret Thatcher remettent en cause leur « welfare state » et cassent la résistance aux réductions de dépenses, en s’attaquant notamment à la pression des syndicats. D’autres pays suivront comme la Suède, la Hollande, le Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande.

La France se singularise par une politique inverse intenable. Les gouvernements socialistes de M. Mitterrand gaspillent l’argent public et cassent la compétitivité de l’industrie française. Le gouvernement Jospin commence à détruire l’industrie nucléaire et prend la pire décision possible : les « 35 heures » sont associées à la retraite à 60 ans, aussi bien dans le secteur public et dans le secteur privé. Le cumul de ces mesures anti productives aboutit à la désagrégation de l’industrie et aux déficits extérieurs et intérieurs permanents.

L’euro pèse également sur la croissance française depuis 1984. Les deux récessions mondiales sévères de 1992-1993 et 2008-2009, complétée par la crise purement européenne de 2011 affectent durablement les possibilités de croissance. La très forte augmentation des taux d’intérêt de la BCE, dont Mme Lagarde s’est vantée en 2022-2023, va être la cause première de l’effondrement du secteur immobilier et pousser l’Union Européenne vers une stagnation économique de longue durée. L’Euro nous protège est un slogan qui n’a plus de sens aujourd’hui.

Résultat de ces évolutions : le financement de dépenses publiques massives par la croissance cesse d’être possible. Ne restent que les prélèvements et la dette ou chercher de réelles économies. Les grandes orientations de dépenses décrites au début de cette note continuant à provoquer une fuite en avant qui devient de plus en plus automatique et incontrôlable, prélèvements et dettes ont littéralement explosé.

Une autre source de financement qui a été longtemps à la mode depuis l’effondrement de l’URSS en 1989, est l’idée des « dividendes de la paix ». On diminue drastiquement le budget et les effectifs de l’armée, qui devient en France une armée légère et mobile pour des opérations « coups de poing » à l’extérieur de nos frontières, et qui cesse d’être capable de mener un conflit traditionnel de haute intensité. Le parapluie nucléaire est réputé suffisant. La guerre d’agression des Russes en Ukraine a montré les limites de cette conception. Les autorités militaires, en phase de réduction générale des budgets, ratent diverses novations militaires, notamment les drones et la lutte contre les agressions numériques.

Autre idée proposée notamment par la gauche socialiste : « taxer les riches ». On croit qu’imposer très fortement les entreprises, la fortune et les hauts revenus aura un effet magique. Dans la pratique, notons que les Socialistes feront principalement l’inverse. La création de la CSG par M. Rocard et de la CRDS, est typique : cette fiscalité devenue gigantesque touche tout le monde. La recette de TVA dans les 15 dernières années est passée de 161 milliards d’euros à 286. La CSG, CRDS est passée en dix ans de moins de 99 milliards d’euros à 156 milliards soit une hausse massive en dix ans. Ces 442 milliards d’euros concernent tout le monde. La droite en revanche n’a pas hésité à créer des impôts très ciblés : Le gouvernement Fillon surimpose les hauts revenus. Aucun des gouvernements dits « de droite » n’est revenu sur l’ISF. On sait qu’aujourd’hui avec « la taxation des morts », les impôts sur la succession, les impôts sur la fortune, les impôts sur la cession du patrimoine, la taxe foncière, la taxe sur l’enlèvement des ordures, même pour un simple parking, la taxe sur les bureaux, la taxe sur les locaux vides, etc. la France a fini par devenir le premier pays du monde qui écrase d’impôts à ce point son capital immobilier. « Ils ne peuvent pas partir » ! Tel est le slogan à Bercy. Sauf que beaucoup de ventes forcées ont pour clients des étrangers qui eux ne paient pas les mêmes impôts que les Français. Vendre le capital de la France à des étrangers pour se financer est une conception détestable.

L’intégration des revenus financiers dans l’IR voulue par le président Hollande a eu des conséquences immédiates : le taux marginal d’imposition des fruits de l’épargne a atteint, cumulés avec la CSG-CRDS près de 60 %. Avec les rendements très bas du capital, dus aux crises successives et aux inondations monétaires associées, ce taux marginal spoliateur a eu des conséquences immédiates : pour ceux qui sont frappés par l’ISF à plus de 1 %, le rendement effectif de l’épargne est devenu nul ou négatif.

Surprise ! L’argent a commencé à fuir la France, d’autant plus facilement que la liberté des mouvements de capitaux a été instaurée dans l’Union Européenne.

Nous vivons nécessairement mal dans un pays où la dépense publique égale la valeur ajoutée des entreprises commerciales. Du coup le scénario d’augmentation des prélèvements mis en œuvre aussi bien par la gauche, le centre ou la droite s’est durablement installé : on commence par afficher des mesures symboliques contre les riches et on finit par des mesures qui frappent directement ou indirectement la majorité des ménages français. Les gouvernements Macron utiliseront à fond cette technique.

La réduction de l’ISF est « vendue » au public en « supprimant » la taxe d’habitation, qui touche pratiquement tout le monde. Il n’y a pas de réduction de la fiscalité locale, seulement un transfert. Ce jeu de bonneteau n’a que des inconvénients. La taxe d’habitation est un impôt de proximité décidé par les maires, qui est plutôt bien accepté. Participer en fonction de son empreinte sur la ville aux dépenses municipales dont on bénéficie au quotidien est parfaitement normal. Si on trouve que les coûts sont excessifs, il suffit de voter pour une autre politique.

Ces services étant maintenus, ils doivent bien être payés. La taxe d’habitation n’est pas supprimée mais transférée. Sur qui ? Ce n’est pas dit ! Les mairies augmenteront leur recette en tapant sur la taxe foncière qui explose. À Paris, Mme Hidalgo qui a promis de ne pas hausser les impôts augmente la taxe foncière de plus de 50 % ! On maintient la taxe d’habitation pour les maisons de campagne. Ceux qui en profitent le moins paieront plus que ceux qui en profitent le plus. Une démagogie anti-riche proche de l’abjection totale s’est installée. Et de rire ! Voyez que je ne suis pas le « président des riches ».

En revanche la « flat tax » sur les revenus du capital et la suppression d’un impôt sur le capital financier, sont deux mesures indispensables à mettre au crédit d’Emmanuel Macron : l’épargne financière était en train de quitter la France. Son court passage chez Rothschild avait alerté très concrètement M. Macron sur les conséquences.

Mais là encore, pour se garder de l’accusation de « président des riches » qui est un des leviers médiatiques traditionnels des mouvements de gauche, on accable les propriétaires immobiliers qualifiés de rentiers. Ils se trouvent que les énormes déséquilibres financiers liés aux systèmes monétaires défaillants provoquent un besoin de recyclage des excédents, devenus monstrueux, des balances des paiements. La seule piste est la bourse et l’immobilier. Les bourses sont dépendantes des récessions périodiques qui sont revenues hanter l’Occident depuis 1973. L’immobilier parait une valeur sûre. Les prix en unité monétaire flambent mais pour le propriétaire de l’appartement, seuls les impôts sur le capital flambent : lui a toujours le même appartement !

Les villes profitent à plein de la manne de la fiscalité immobilière qui leur permet de dépenser sans faire appel à des impôts plus sensibles.

En même temps on crie haro sur le retraité, considéré comme un abusif et dont le nombre explose par le vieillissement de la population. La CSG pour eux est augmentée de 26 % dès l’arrivée au pouvoir de M. Macron.

Le krach immobilier qui va s’étendre un peu partout en Occident et particulièrement en France va avoir d’immenses conséquences. Sa cause principale est naturellement la hausse des taux d’intérêt provoqués par les politiques restrictives des banques centrales après le retour d’une inflation massive liée à la guerre en Ukraine et à la crise sanitaire. Elle se cumule en France avec la concentration des mesures fiscales portant sur le capital : taxes foncières ; IFI ; droits de timbres ; droits de succession etc. L’ajout de contraintes de réduction massive et rapide d’émission de CO2, sera le coup de grâce. L’extension réglementaire devient littéralement ahurissante. Le secteur bascule dans une récession générale extrêmement violente, avec des baisses d’activité pouvant aller jusqu’à 50 % dans certains segments. Le dernier rapport de l’INSEE justifie les déficits par cette baisse d’activité la montée des déficits. Sans dire qui en est responsable.

Le propriétaire immobilier comme vache à lait disparaît ! Encore une source facile de financement de la dépense publique qui s’évapore.

Reste l’endettement. Le passage à l’euro permet d’éviter les tourments qu’a connus le gouvernement Mauroy avec son contrôle des changes radical et les dévaluations successives du Franc. En apparence, on peut emprunter à la BCE sans limites malgré la pression des pays européens peu enclins à cet exercice. Après la crise spécifique de l’Eurozone en 2011, M. Draghi qui remplace M. Trichet indique qu’il fera « ce qu’il faut quoi qu’il en coûte » pour sauver l’Euro. Les inondations monétaires vont permettre à la France d’emprunter sans limite au point que son endettement atteint désormais plus de 3 200 milliards d’euros, dont 1 200 milliards depuis l’arrivée de M. Macron.

Ici aussi, on a atteint le bout du chemin. La gabegie des dépenses aux frais des générations futures, a gonflé le montant des intérêts à verser (ne parlons pas du remboursement) jusqu’à devenir quasiment le premier poste budgétaire.

Cette facilité n’est désormais plus disponible.

Un à un, les robinets qui devaient financer des dépenses délirantes se sont fermés. On arrive au bout d’un chemin.

Pour ne pas avoir à assumer son échec sanglant lors de la procédure budgétaire de 2024 et après avoir subi un revers électoral violent aux Européennes, Emmanuel Macron a choisi de renverser la table avec une dissolution folle qui ne pouvait que bloquer la situation politique et créer une crise de régime. Réaction passionnelle d’un malade mental ou piège d’un petit machiavel déchaîné ? Qu’importe : c’est un drame !

La question budgétaire est désormais aux mains d’un gouvernement dirigé par un parti de droite minoritaire, alors que tous les expédients et autres astuces politiciennes sont désormais impraticables.

Comment peut-on sortir du piège de dépenses publiques intenables alors que le pays est désormais à bout de nerfs et s’inquiète pour son épargne et le niveau de ses pensions ? Avec deux forces aux Parlements proposant un programme d’autodestruction du pays menant tout droit au chaos définitif ?

L’essentiel des difficultés françaises provient spécifiquement de deux mesures totalement démagogiques : les 35 heures qui ont cassé la compétitivité des entreprises exportatrices, provoquant un déficit extérieur colossal et jamais vu, tout en rendant impossible le bon fonctionnement des services publics, et la retraite à 60 ans qui est le responsable principal de l’endettement massif de l’Etat (75 % de la dette). C’est le grand legs de F. Mitterrand avec Maastricht, l’abolition des frontières et la fin de l’indépendance française.

Nicolas Sarkozy a fait semblant d’agir, avec un premier effort sur les retraites privées. Emmanuel Macron a tergiversé pendant six ans avant de tenter une augmentation de l’âge de la retraite au forceps sur des bases qu’il avait lui-même condamnées, avec des réactions sauvages des syndicats et de la rue. Rien n’a été fait pour revenir sur les 35 heures, sinon interdire les 32 heures pratiquées par certaines mairies…

Pour éviter un krach à la grecque ou à la libanaise, aujourd’hui, il faut trouver à peu près 300 milliards de ressources nouvelles, en cinq ans, soit par diminution des dépenses soit par des impôts nouveaux. Oui, la France est confrontée au risque d’un effondrement économique massif. Rappelons que le PIB grec a baissé de plus de 30 % après le krach.

La presse a détaillé les différentes modalités possibles de cet effondrement. Notons seulement que si la voie de l’emprunt massif est fermée, et si donc on ne peut pas faire « rouler » la dette, on se retrouve dans l’impossibilité de payer la fonction publique, les juges, le monde médical, les enseignants, les militaires et les retraites. En plus il faut rembourser le capital de la dette !

Le gouvernement Barnier retombe dans les mêmes affres que l’on connaît depuis les années 1980 : trouver des mesures symboliques contre les riches pour faire passer une diminution introuvable de dépenses intenables. Soyons clair : la disparition ou la réduction les niches fiscales et autres mesurettes de ce type sont totalement dérisoires. Les médias acceptent de parler la langue du ministre du budget en utilisant le vocable de « dépense fiscale » pour des exemptions qui ont été concédées lors de la création d’impôts ou de leur aggravation massive. Pour les fonctionnaires du Budget tout l’argent des Français appartient à l’Etat puisque, sans lui, il n’existerait pas. Le revenu net est une concession révocable. Ne pas le taxer est une « dépense fiscale », la concession d’un revenu qu’on n’a pas pu encore saisir. Cette conception intéressée rejoint l’idée socialiste qui veut que la propriété privée ne soit qu’un abandon précaire et révocable de la propriété de l’Etat. Bonjour la dictature ! La propriété est un droit constitutionnel pour de bonnes raisons. L’effondrement de l’Union Soviétique n’a servi à rien.

La « taxation des riches » ne peut pas atteindre les niveaux de ressources recherchés sans provoquer une fuite générale de l’assiette de l’impôt. Toutes les mesures « symboliques » ne masqueront pas la nécessité de taper lourdement sur la classe moyenne supérieure qui paie l’essentiel de l’impôt en France, si on veut épargner le plus grand nombre par démagogie ou crainte de troubles sociaux.

La seule solution, au vu des montants astronomiques à trouver, est d’une part de s’attaquer aux dépenses publiques de façon soutenue et d’augmenter temporairement de façon faible mais générale les grands impôts existants (IR, CSG et TVA). De même, on peut imaginer de généraliser la taxation forfaitaire aux revenus immobiliers et d’augmenter légèrement le taux des deux taxes forfaitaires d’un ou deux pour cent.

Ces augmentations seront sans conséquences graves sur l’activité à condition qu’on retarde l’âge de la retraite à 66 ans et qu’on rétablisse la durée du travail à 40 heures par semaine. De même on peut créer deux tranches supplémentaires pour les revenus supérieurs à 500 000 euros par an, sans que les effets soient perceptibles.

Ce noyau dur indispensable n’est pas populaire. Mais c’est le seul disponible.

Il faut surtout suturer toutes les hémorragies de dépenses provenant de libéralités sans limites ni frein.

Les mesures les plus efficaces sont :

Le non-remplacement de fonctionnaires partant à la retraite, cohérent avec le retour aux 40 heures

La suppression du statut de fonctionnaire jusqu’à la catégorie A au profit d’une contractualisation. L’emploi à vie, c’est fini.

Quatre jours de carence universels pour les absences de courte durée.

Le rétablissement d’un reste à charge pour le petit risque 15 à 20 %.

La fin de la gratuité totale dans les multiples domaines où on l’a instauré.

Le report des réglementations les plus coûteuses en vue de la décarbonation totale de la vie économique et familiale.

La réduction significative des allocations pour les étrangers (AME, aides au développement etc.).

La taxation du revenu des grandes associations.

L’interdiction des cumuls de rémunérations publiques par les hauts fonctionnaires qui ne pourront cumuler emploi de fonctionnaire et emplois politiques.

La réduction drastique du nombre des agences qui se sont multipliées.

La réduction du mille-feuilles administratif et politique.

La suppression d’institutions qui doublonnent avec les institutions européennes.

La suppression du système de financement des Enr qui est ruineux.

La suppression des politiques sans intérêt comme les Frac au ministère de la culture. Il ne s’agit pas de diminuer les subventions mais de les supprimer complètement. Il en existe des dizaines qui consomment 500 000 euros par ci, 1 million d’euros par là.

Faut-il désindexer les retraites et l’IR ? Ce sont des mesures discriminatoires et attentatoires à la confiance, et elles sont violentes. Elles représentent des baisses de revenus disp

De la nuisance des « marchés administratifs » à la mésaventure du Gouvernement Barnier.

Étendons pour les besoins de la démonstration la notion de marché administratif à toute activité qui dépend directement de la réglementation et/ou de l’argent public. Ils ne sont pas nés de la confrontation directe d’une demande et d’une offre privées, mais des impulsions et des contraintes de la puissance publique. Nous constatons aussitôt que la presque totalité des emplois sont accrochés au service de tels marchés. L’État a réussi à glisser son doigt, puis sa main, puis ses gros paturons dans pratiquement tous les secteurs. Ils sont devenus accros à un dégrèvement, à une subvention, à un financement particulier de la commune, du département, de la région, de l’État et de l’union européenne. Et ils sont entièrement dépendants d’un changement de règles bureaucratiques ou d’oukases provenant des milliers d’agences de régulation qui sévissent en France.

Évidemment pour « réguler » ces marchés ventripotents il a fallu créer une bureaucratie de plusieurs millions d’administratifs qui a son coût, ses exigences et ses lubies. La haute administration en a profité pour mettre la main sur le politique et créer des instances qui permettent de s’affranchir des limitations de salaire et de multiplier les cumuls de rémunérations publiques.

La réglementation a fait exploser les « dépenses contraintes ». Nous avons déjà discuté sur ce blog de la beauté du « revenu net, net, net ». Il faut lui enlever les charges sociales, les impôts et taxes et les dépenses contraintes. Selon les cas, il ne reste que 50 à 20 % du revenu. Dans le silence général. Il n’y a pas de statistiques sur la question et désormais l’INED ou l’INSEE acceptent la « désinformation utile » et des présentations falsifiées. Voir par exemple la disparition de la statistique la plus importante pour suivre l’état de l’économie : la valeur ajoutée du secteur marchand dont on dispose les chiffres le 15 du mois suivant. La dernière estimation publiée de cet indicateur vital : 2 021 ! Félicitations à tous !

Ces marchés administratifs couvrent absolument toutes les activités.

Les Fonds régionaux d’action culturelle achètent des œuvres par l’intermédiaire des galeries d’art qui dépendent du flux de recettes correspondant. Ces œuvres d’art n’ont en général aucune vraie valeur et tout cela s’apparente à un marché aux voleurs. Pour permettre à quelques élus de jouer au Médicis du pauvre, on gaspille l’argent public exactement pour rien. Il n’y a plus de grands peintres en France depuis que le marché de l’art est devenu administratif.

Le Centre des monuments nationaux a vu, entre 2014 et 2023, ses ressources augmentées de 157 %, soit un total de 220 millions d'euros : 135 millions d'euros supplémentaires en dix ans, y compris pendant la période de COVID et alors que les emprunts explosaient. Emmanuel Macron est directement responsable de cette dérive.

La presse est entièrement entre les mains de l’État et de l’argent public. On subventionne les journaux sans lecteurs, les sites internet des grands journaux , la formation, les licenciements, la distribution… Que resterait-il de Libé sans ces subventions ? France Inter est entre les mains de voyous gauchistes qui paradent en toute impunité.

Ne parlons pas du statut des intermittents du spectacle et plus généralement du cinéma entièrement dessiné par l’argent public. Le théâtre subventionné de gauche est devenu une plaie financière béante.

Tout le secteur de l’énergie et du transport dépend de l’argent public. Actuellement pour le pire.

Tout le secteur de la construction dépend de l’argent public. Et Macron l’a détruit sans vergogne en ruinant tout le monde parce qu’il avait décrété que l’immobilier c’était mal ! Sauf quand il s’attribue abusivement l’usage de la Lanterne !

Toute l’agriculture dépend de la réglementation et de l’argent public.

Ne parlons pas de la santé et de l’enseignement. Nous l’avons analysé sur ce blog : les ARS sont un foyer parkinsonien du type Frac mais avec près de 10 mille fonctionnaires, à 80 % des femmes et pour beaucoup des épouses de fonctionnaires. On a fini par voir le ministre de la santé cohabiter avec son conjoint à la tête de la plus grosse des ARS. Pourquoi se gêner ? Le népotisme énarchique est une dimension du déclin de la démocratie en France. On aurait mieux fait de créer 18 000 postes de médecins et d’auxiliaires médicaux.

Etc. Ad libitum et illimitum.

Cette extension illimitée des marchés administratifs a poussé à instituer une fiscalité hors norme et une dette démesurée. Associée aux cadeaux électoraux au peuple qui réduisent drastiquement la production dans un environnement ouvert et concurrentiel, cette pratique d‘emprise de la haute fonction publique sur tous les départements de la vie économique a débouché sur une impasse structurelle dont on ne peut plus sortir sans immenses réactions.

Toute réduction des subventions casse un marché administratif, met en difficulté des entreprises et des emplois, donc globalement des revenus. Sauf naturellement ceux des administratifs qui ont la garantie de l’emploi comme leurs maîtres.

La haute fonction publique s’étant emparé de tous les leviers politiques, il est naturellement impossible de toucher au bloc administratif. Les réductions se font toujours sur le capital et le revenu privé, en aggravant la situation.

Ce merveilleux système que nous dénonçons inlassablement est actuellement en état de faillite après avoir entraîné le déclassement massif de la France dans tous les compartiments de la vie économique et sociale. Et on voit qu’une Van der Leyen se permet d’humilier la France sans aucune réaction de la tête de l’État. Déclassement et marginalisaton.

On demande maintenant à un cadre segondaire d’un parti qui a fait 5 % des voix aux élections législatives de sortir le pays de l’impasse. Il annonce aussitôt qu’il va conserver des membres du gouvernement précédent, associés directement au désastre et augmenter les impôts tout en n’annonçant rien pour réduire le système d’encadrement administratif autre que verbalement.

Son projet consiste à accorder aux Macronistes la moitié des postes de ministres. Il indique qu’il veut conserver Mme Dati qui aurait pu supprimer à la culture d’un trait de plume les Fracs et réformer le statut du cinéma et des intermittents du spectacle. Rien que sur ce ministère on peut obtenir très facilement 10 milliards d’euros d’économie sans que personne ne soit réellement touché dans le pays. Elle est donc activement responsable de la perte de contrôle des finances publiques. Il est vrai qu’elle a voulu changer de ministère ! En vain.

En fait ce gouvernement a été modelé par le président désavoué, alors que rien n’obligeait Michel Barnier à l'accepter. Ce dernier parle de dette écologique, alors que les oukases de Bruxelles ont eu des impacts délétères sur les finances publiques françaises. Il évoque plus de justice fiscale, l’autre nom de l’augmentation de la pression fiscale sur les mêmes vaches à lait.

Le couple Retailleau à l’Intérieur et Migaud à la Justice, sous la tutelle d’un président qui refusera tout referendum permettant de rétablir la souveraineté française sur l’immigration et sur les sanctions pénales, n’a strictement aucune chance de changer quoi que ce soit à une réalité sécuritaire abjecte.

On retrouve la promotion d’inconnus et de copains-copines sans réel poids politique.

Européisme, fiscalisme, écologie anti économique, étatisme paralysant, ça, c’est du chargement qui va nous sortir de l’impasse budgétaire, économique, sociale et sociétale !

On parle de sincérité et de vérité alors qu’on reste dans la gestion du pays par des Macronistes socialisants aidés par des auxiliaires de droite qui ont laissé s’enfoncer le pays jusqu’à la limite extrême du naufrage définitif.

La vérité est qu’il faut augmenter toutes les durées du travail et mettre fin à la gratuité de la vie à base d’allocations de la naissance à la mort. On connaît la solution : centraliser les aides et les rendre temporaires, conditionnelles et révocables. Elles peuvent alors être désindexées sans dommage.  Et rendre le système de subventions à la personne et  public et transparent. Il faut mettre fin à la dérive de l’assistanat.

La vérité est que la sécurité ne sera assurée en France que par le retour de la Cour de sûreté de l’État, la « débadintérisation » et les sanctions graduées qui peuvent aller jusqu’à la perte des droits sociaux et ultimement de la nationalité pour les délinquants récidivistes qui plongent dans le trafic de drogue, les émeutes, les agressions contre les forces de l’ordre, la propagande pour la prise de pouvoir islamiste…

La vérité est qu’Il faut démanteler les marchés administratifs et l’énorme machine administrative mise en place pour la gérer. Il faut en particulier que les hauts fonctionnaires ne puissent pas gagner plus que leur salaire statutaire, et qu’on supprime tous les cumuls de rémunérations publiques. Leur retraite doit être la retraite statutaire sans ajouts. Évidemment cela risque de changer le revenu de Monsieur Fabius ou celui de M. Hollande ou celui de M. Juppé. Mmes Parly ou Wargon seront moins riches. Et alors ? L’économie sera immédiate et s’élèvera à plusieurs dizaines de milliards d’euros. Instantanément. Sans rien changer au dynamisme national. Et naturellement il faut faire sortir du statut de la fonction publique toutes les catégories A et inférieures. Tout doit être contractualisé avec possibilité de licenciement.

Revenons sur le cas Hollande ; il cumule plusieurs retraites, jouit du statut très rentable d’ancien président de la République et touche désormais son budget de député. On aimerait bien qu’un journaliste fasse le calcul de la facgture pour les Français et la présente aux Français. Ce Monsieur depuis son entrée à l’ENA a toujours vécu de l’argent public et se présente en cumulard indécent qui ne craint pas de se mettre sous les ordres  et désordres de M. Mélenchon tout en disant le contraire.  Et personne ne s’insurge.

Voici que Mario Draghi, après une génuflexion aux États-Unis, propose de passer au fédéralisme intégral avec 750 milliards de dépenses publiques européennes chaque année et une fiscalité propre pour les institutions européennes ! Et la france ne se retrouverait pas avec plus d'impôts et plus de dettes ?

Les deux partis protestataires qui exploitent le désastre économique et social auquel la France est confrontée interdisent toute action gouvernementale d’ampleur.

Les verrous énarchiques, européistes, socialistes, écologiques, islamiques, wokistes, corporatifs et mondialistes sont tous bien fermés.

Le mépris qui nimbe l’image grotesque du président actuel de la République, désavoué par les électeurs et rendu infâme par la destruction des équilibres financiers du pays et le blocage du Parlement, pèse des tonnes sur la santé mentale et politique de la nation. Elle compromet l’avenir du pays.

Pauvre France. On ne met pas au pouvoir des Mitterrand, des Rocard, des Jospin, des Fabius, des Hollande et des Macron sans conséquences gravissimes.

Puisse les Français le comprendre un jour ! La désinvolture, à ce niveau, est de l’imbécillité pure et du masochisme. Toujours plus pour obtenir toujours moins ! Quelle intelligence !

Le pseudo-gouvernement Barnier a été construit par Emmanuel Macron pour ne rien faire d’utile et pour disparaître sur un bruissement de vent politique. Michel Barnier a laissé faire. Il ne peut même plus prétendre situer sa démarche dans une logique quelconque.

Il lui fallait marquer son indépendance totale vis-à-vis du président déchu et de son parti, souligner l’état morbide de la situation française, justifiant qu’on ne reprenne aucun ministre du gouvernement précédent. Il fallait choisir dans les groupuscules qui soutenaient le macronisme, les personnalités ayant marqué sinon leur dissidence au moins leur réserve. Il fallait imposer LR à la justice et l’intérieur pour pouvoir refaire une chaîne pénale digne de ce nom.

On a préféré la petite magouille politicienne. Le nouveau gouvernement est donc perçu comme la continuation du précédent et d’une droite qui au pouvoir se croit obligée d’être de gauche.

Caramba encore raté !

On a ouvert la porte à une prise de pouvoir de Mme Le Pen en laissant la rue et les médias publics à M. Mélenchon qui ne pense qu’à créer les conditions d’une guerre civile. Le super bonheur !

Qui peut surmonter une forte envie de vomir ?

Tout cela est insupportable et impardonnable.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

 

Article de Jérôme Fourquet - Seconde partie 2000-2024

La période 2 000 – 2 011 va se révéler tragique pour le pays.

La crise boursière du début des années 2000 signe la mort des ambitions de Lionel Jospin, qui a fini par indisposer les électeurs. Il se voulait de la lignée des saints socialistes qui ont donné au peuple des droits nouveaux, Jaurés, Blum, Mitterrand et maintenant lui ! Il est balayé comme Jocrisse, trotskiste trop longtemps caché, borné et antipathique. Ceux qui l’ont connu au début des années soixante se souviennent de sa haine contre les bourgeois et surtout leurs héritiers, entre deux saluts à Krasucky ! Il finira dans un appartement bourgeois dans un hôtel particulier rive gauche, une maison à l’île de Ré et des régalades au restaurant du Dôme. Plus bourgeois, tu meurs. Et fort riche. Mais seulement avec de l’argent public. Un sale type envieux et cupide qui a lourdement aggravé la ruine de la France.

Chirac, qui préférait Jospin à tout autre, ne sait pas quoi faire de sa victoire facile contre le Pen. Il confirme son tropisme centriste et l’abandon de toute volonté particulière. Il reconstitue avec Villepin une doublette énarchienne à la tête de l’État. Il n’a plus de pouvoir monétaire. Les européistes poussent à adopter une constitution fédéraliste autour de ce qu’on appelle, à tort, une constitution que Giscard est chargé de rédiger. Le temps est à l’effacement des frontières, à l’extension des limites de l’Europe, à la liberté de circulations des hommes, des capitaux, des marchandises et des services. La spéculation financière internationale s’emballe. L’industrie française finit de sombrer. On cherche à tout prix à faire baisser le coût du travail. On met fin aux coups de pouce au Smic. On commence à envisager la défiscalisation et l’exonération de charges sociales sur les bas salaires. Surtout on voudrait permettre à la jeunesse de trouver du travail en créant un SMIC jeune, facilitant l’emploi des centaines de milliers d’adolescents laissés pour compte et commençant à entrer dans la spirale de la violence et de la drogue.

L’attentat contre les tours jumelles de New York marque un tournant. L’Oumma s’est donné un mouvement de conquête à partir du mouvement de Ben Laden enfant du conflit soviéto-afghan puis de Daesh. Le Moyen Orient devient critique ! L’Iran triomphe et arme les mouvements anti-israéliens.

La Chine devient l’usine du monde. Une entreprise qui n’est plus mondialement compétitive est bientôt morte. L’industrie française fond jusqu’à quasi disparaître.

Chirac devient le Grand Méchant Mou, et s’enfonce dans la dépression puis la maladie. Les conséquences des 35 heures, de la retraite à 60 ans, de la surfiscalité, des politiques restrictives de l’Euro, de la dénatalité, d’une immigration incontrôlée commencent à être tragiques. La France dégringole dans tous les classements.

La période est marquée par la passivité centriste. Chirac a théorisé la fragilité du pays. Il ne fait plus rien. « Facho Chirac » est devenu « le roi fainéant » !

Il ne remet rien en cause des stupidités jospiniennes. Juppé s’est grillé les doigts avec l’annonce d’un changement du système de retraite à la SNCF qui a provoqué la grève la plus longue qu’on ait connue dans la période moderne. On ne l’y prendra plus. Le RPR devenu UMP est devenu un parti invertébré, sans doctrine et noyé par le centrisme. On ne voit plus très bien les frontières avec le PS qui conserve son monopole sur les médias et l’Éducation Nationale.

La France sombre doucement sans rien dire et sans se fâcher. Les tares accumulées montrent leurs effets délétères sans que personne ne bouge. Il serait bien aventureux de voir dans la période le règne de l’état guichet. C’est surtout un état impuissant qui ne voit pas que se forme un prolétariat provincial qui ne survit de facto que par les allocations publiques. On se dirige vers les Gilets Jaunes et la France Périphérique angoissée et nerveuse.

La foudre tombe à Wall-Street. La crise majeure annoncée par notre « prix Nobel » d’économie national, Maurice Allais (et par nous-mêmes), étale ses effets à la mi-septembre 2008. Ils sont terrifiants. La France, économiquement désarmée, est anéantie financièrement et économiquement. Il faut déployer tous les mécanismes de survie. Trichet à la BCE résiste et crée artificiellement une sur-crise européenne en 2011. C’est la Bérézina. Sarkozy qui n’avait pas voulu entendre les avertissements portant sur la gravité de la crise à venir, trahit ses électeurs et fait venir une bande de socialistes au pouvoir pour préparer sa réélection. Il ne tient aucune de ses promesses sur l’ISF, les 35 heures et la retraite à 65 ans, mais promeut Kouchner !

Hollande est facilement élu avec un programme grotesque qui fait la part belle aux écologistes, à la fiscalité répressive, au sociétalisme. Tous les services publics s’effondrent. Les riches partent en courant. Les retraités qui le peuvent filent au Portugal pour fuir les impôts et la vie chère. Les attentats musulmans massacrent des centaines de Français. La délinquance triomphe. Le socle de l’énergie nucléaire est cassé et commence à sombrer. La loi SRU et le blocage des loyers montrent le retour de solutions dont tout le monde sait qu’elles sont contre-productives. La bureaucratie explose avec des textes de plus en plus coercitifs. Il y a tant de victimes à protéger, de « droits-de » à brider, de « droits-à » à distribuer !

Hollande, surnommé élégamment Bidochon, dévalorise la présidence française au-delà de toute limite. La droite, déconsidérée par Sarkozy et ses trahisons, n’en profite pas.

La place est libre pour un opportuniste. Emmanuel Macron est élu sur la double promesse de faire les réformes fiscales que Sarkozy n’a pas voulu faire et de revenir sur les excès socialistes et fiscaux de Hollande et du PS, travaillés par des dissidents gauchistes et l’émergence d’un parti Vert copié sur l’Allemagne et qui promeut une écologie anticapitaliste faisant la part principale aux revendications sociétalistes des minorités.

Inutile de revenir sur le bilan des sept années de sa présidence. Le déclassement est généralisé et aucune des causes du malheur français n’a été contrariée.

L’énarchie compassionnelle triomphe avec la nomination de deux énarques puis d’une femme fonctionnaire au poste de premier ministre. Il est considéré comme normal pour un haut fonctionnaire d’être président d’une société publique d’autobus et de métro puis chef de gouvernement. Ou de faire le chemin inverse.

L’action publique est cette fois-ci conforme au scénario de Jérôme Fourquet : un guichet ouvert, quoi qu’il en coûte. La tactique électorale d’Emmanuel macron est claire : pouvoir dire à chaque français « j’ai fait pour toi plus que quiconque avant moi ». Le clientélisme électoral devient sans limite. Il est aggravé par la crise sanitaire après l’affaire des Gilets jaunes et avant la guerre en Ukraine.

Les élites découvrent, tout d’un coup, l’état de la France « périphérique » et la montée de la pauvreté. Beaucoup en province survivent grâce aux allocations et aux activités soutenues par la dépense publique. On s’est beaucoup préoccupé des banlieues sans se rendre compte qu’une France tranquille était en train de sombrer dans la pauvreté.

Le pays découvre avec le Covid que ce qu’on leur présentait comme le système médical le meilleur du monde est totalement en déshérence. Les médecins y ont perdu le pouvoir au profit des dizaines de milliers de fonctionnaires. L’intenable gratuité a fini par ruiner le système. D’autant plus qu’on ouvre le guichet à des étrangers même en situation irrégulière. La « sécu » est une gabegie et en même temps un échec de plus en plus grave, l’accès aux soins de qualité devenant de plus en plus difficile.

La guerre en Ukraine montre la nullité militaire du pays qui n’a pu les moyens d’une guerre classique de forte intensité et s’est fait virer à coups de pied au derrière de l’Afrique. L’inflation prend à revers les banques centrales qui sont obligées de déclencher une récession pour éviter la perpétuation d’une inflation majeure.

Macron est en fait un impuissant qui ne survit que par la com’ et l’endettement massif. « Tu pues la mort » lui dira un manifestant énervé lors d’une opération image menée en province pour mettre fin aux casserolades. Du coup il constitutionnalise le droit à l’avortement et prépare un droit au suicide assisté par l’État…

Une fois de plus, regardons les causes majeures de la situation désastreuse où se trouve la France au terme de la période 2013-2023.

-            La crise structurelle des deux systèmes de changes internationaux, les changes flottants et les dysfonctionnements de la monnaie unique sont centraux. On a jugulé les banques en multipliant les contraintes administratives et bureaucratiques et en réduisant les libertés. Mais les tares sont toujours là.

-            L’Europe a ajouté une couche supplémentaire de réglementation notamment en faisant la promotion du malthusianisme écologique. La France a voulu surajouter sa propre bureaucratie. Les lois Wargon doivent être systématiquement déconstruites pour avancer.

-            Le niveau de vie relatif des Français a décroché.

-            Il n’y a plus d’enfants dans un pays vieilli.

-            L’insécurité est devenue incontrôlable aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.

-            Il n’y a plus de majorité de gouvernement et la montée des extrêmes bat tous les records. Ils détiennent plus de la moitié des votes du corps électoral.

La responsabilité personnelle d’Emmanuel Macron est directement engagée. Fourquet ne le dit pas expressément, alors que la politique du guichet, c’est largement lui qui l’a portée aux niveaux insensés actuels, notamment l’année précédant sa réélection aux présidentielles avec près de 75 milliards de cadeaux au peuple.

Soyons clairs : en ne mettant pas en avant les vraies causes du désastre et en refusant de désigner clairement des coupables, l’article de Fourquet est finalement parfaitement creux. S’il n’y a pas de causes ni de responsables, il n’y a pas de solutions. L’article ne propose aucune mesure, sinon de mettre fin à une politique de guichet dont il ne voit pas pourquoi elle a été mise en œuvre ni par qui, spécifiquement.

La déchéance française est tellement avancée, l’impuissance de l’État français est tellement majeure, avec des pouvoirs néfastes tellement difficiles à vaincre et installés dans des sinécures abusives tellement difficiles à prendre, et les forces extérieures sont tellement contraignantes, qu’il est difficile d’envisager un plan de redressement acceptable pour un pays saccagé par tant d’années d’impéritie et qui flirte maintenant avec le tiers-monde.

Trois récessions mondiales majeures et trois autres moins graves, des dizaines d’années de socialisme débridé, la menace des écologistes anticapitalistes et de l’extrême gauche, l’envahissement islamique, la perte de souveraineté en Europe, la déconfiture des services publics alors que l’énarchie compassionnelle a pris le pouvoir politique et renoncé à sa vocation première, la dénatalité, relayée par le Wokisme, voilà les causes de notre effondrement. La France a des ennemis faciles à désigner et des mesures à prendre pour éviter qu’ils ne lui nuisent. Cela suppose des inculpations précises, une vision claire des causes et un plan d’action sans faiblesse.

L’article de Jérôme Fourquet ne prépare rien de tout cela. Il ne s’agit plus d’être faussement neutre et de disculper tout le monde en inculpant une mauvaise habitude qui arrange tout le monde. Mais de comprendre que le pire est à venir si nous ne réagissons pas. En dénonçant une France à bout de souffle l’article donne certes un peu d’air à ceux qui depuis des lustres avertissent dans le désert. Mais il faut aller beaucoup plus loin.

Le désastre a des causes. C’est sur elles qu’il faut agir.

Il n’est que temps ! L’écroulement guette.

 

Didier Dufau, pour le Cercle des économistes e-toile.

Le faux diagnostic de Jérôme Fourquet sur la fin du " modèle français" Décrire ne suffit pas.

Il faut connaitre les causes et l'histoire. Première partie 1970-2000

L’époque ne s’intéresse plus aux économistes depuis la crise de 2008. On se souvient des propos de feu la reine Élisabeth d’Angleterre : « à quoi servent les économistes s’ils ne prévoient pas les crises ». Du coup le terrain a été occupé par les philosophes, les sociologues, les spécialistes des sondages et les géographes. À eux d’essayer de comprendre la société dans ses profondeurs comme dans ses excroissances.

Certains ont connu une belle notoriété comme Christophe Guilui. Il analyse la fuite de la classe ouvrière résiduelle vers le FN et la crise des Bonnets rouges puis des Gilets jaunes. Il forge le concept de « France périphérique » qui fait florès.

Jérôme Fourquet est un spécialiste des sondages, avec une formation dans un IEP de province et un DEA de géographie qui, à force de commenter ceux de l’IFOP, a fini par devenir un personnage médiatique décryptant la nouvelle société française. Il a, lui aussi, forgé sa terminologie autour du concept « d’archipélisation de la société ». Le livre qui explicite la notion et l’a particulièrement révélé comme penseur global et pas seulement commentateur de sondages est L'Archipel français : une nation multiple et divisée (Prix du livre politique 2 019), éditions du Seuil, février 2019, 384 P. (ISBN 978-2-02-140603-0).

Son dernier ouvrage, La France d'après : Tableau politique, Paris/impr. en Italie, éditions du Seuil, octobre 2023, 560 p. (ISBN 978-2021542493) a été abondamment cité dans la presse et les médias radiotélévisés.

Il vient de signer un très long article (deux pages entières du Figaro, ce qui est rare), dénonçant la faillite d’un modèle qu’il juge avoir dominé la politique française « quel que soit le gouvernement » : « L’état Guichet, un modèle à bout de souffle dans une France qui a cessé de produire ».

Il clôt par cette réflexion, qui se veut définitive, la phase d’indignation qui a suivi l’annonce d’un déficit budgétaire indécent de 5.5 % du PIB qui avait révélé une France incapable de sortir de son addiction pour la dépense publique et le bilan économique décevant d’Emmanuel Macron. Les résultats étaient exactement le contraire de ceux annoncés.

L’avantage des commentateurs des instituts de sondage, c’est leur apparente scientificité et neutralité. Ils révèlent une matière première sans eux inaccessible. Grâce leur soit rendue !

Le terrible diagnostic d’un modèle français tombant en quenouille a donc fait un grand effet et il a été repris et commenté à peu près partout. Venant d’un observateur neutre et nimbé de science sondagière, la vérité ne pouvait plus être contestée. La France est KO ! On ne pourra pas aller beaucoup plus loin avec le modèle qu’il nomme le « stato consumérisme ». L’avantage est de présenter un modèle méta politique : il est valablement explicatif sur des dizaines d’années avec des dizaines de gouvernements différents.

La leçon vaut pour tous les partis politiques de gouvernement sans exception. Donc aucun d’entre eux n’est vraiment responsable. Vive la neutralité. Comme les commentaires de sondages, le texte peut être lu par tout le monde sans se fâcher.

Ce n’est pas comme si on avait condamné le néolibéralisme, le socialisme, l’européisme, l’écologisme ou toute autre frange idéologique de l’opinion. Stato consumérisme, c’est plat, lisse, sans adhérences fâcheuses. On peut y aller.

Il n’y a rien à dire sur les longues descriptions des résultats désastreux qui défigurent la France. L’auteur reprend des chiffres souvent cités et que tout le monde connaît, notamment les lecteurs des ouvrages pour l’IFRAP d’Agnès Verdier-Molinié et … ceux de ce blog. L’originalité est de lier tous les développements sous une même bannière explicative : on a choisi de consommer et non de produire et cela se termine mal. Conclusion : il va falloir relever le défi de la réindustrialisation et tordre le cou à l’obsession du pouvoir d’achat. « Le guichet est fermé ! ».

Le constat n’est pas original. Il ne peut pas faire de mal. Le statut de l’auteur lui permet de le faire connaître au plus grand nombre de façon consensuelle. Parfait !

Eh bien non, ce n’est pas parfait et même en partie trompeur. Le constat lénifiant ne peut pas encourager les vraies solutions. Pourquoi ? Parce que les causes ne sont pas évoquées. On décrit, on nomme, on qualifie. On n’explique pas. Du coup on ne prend pas de risque, mais on ne risque pas non plus de trouver des solutions !

La lecture mélange tout allégrement, les périodes, les circonstances, les gouvernements comme s’ils avaient tous la même caractéristique : défendre le consommateur et lui seul quitte à ruiner la production et les équilibres fondamentaux.

M. Fourquet n’est pas économiste et ne connaît pas bien l’histoire des 55 dernières années qui forment pour lui une espèce de magma homogène de mesures consuméristes constantes. Ces « choix collectifs ont traversé ces dizaines d’années sans être remis en cause ». Quand les a-t-on formalisés et qui ? Silence : on parle des quarante dernières années, mais aussi des cinquante. La fin du siècle est semble-t-il critique. Tout flotte dans le flou.

Finalement aucune des vraies causes de difficultés françaises n’est réellement évoquée. Le silence sur les causes semble d’or. Du coup on sombre dans un verbiage incantatoire décalé des réalités.

Commençons par les années soixante-dix. Fourquet n’a littéralement rien compris à la période 1973-1980.

La destruction par les Américains du système de Bretton Woods provoque la chute du dollar et une crise économique sévère, larvée et américaine jusqu’en fin 1972 et mondiale début 73. Fin 73, en réponse à l’effondrement du cours du dollar, un cartel pétrolier se forme qui assomme le monde d’une augmentation outrancière du prix du pétrole. L’inflation explose et les économies occidentales se grippent encore plus.

Pour la France le coup est inopiné et violent ! Giscard et Chirac tentent une relance « keynésienne » sans savoir que la technique ne marche pas en système de changes flottants. L’expérience échoue et on appelle Raymond barre qui n’est pas exactement un pro consumériste. La purge fera perdre les élections présidentielles, d’autant plus que les États-Unis lancent une politique sévère de lutte contre l’inflation qui provoque une récession mondiale à partir de 1980.

La capture de la politique par les hauts fonctionnaires, un régime que nous appelons « l’énarchie compassionnelle », est désormais installée. Giscard ne pense que fiscalité. Elle va exploser. TVA, plus-value, etc. L’ISF était dans les tiroirs de Giscard. Ce sont les énarques de Mitterrand qui la mettront en place… Ils ne pensent qu’à des mesures administratives. L’autorisation préalable de licenciement est une erreur bureaucratique prodigieuse. Le but est d’éviter après les affres de mai 1968 l’apparition de formes révolutionnaires alors que la coalition socialo communiste menace de prendre le pouvoir. La multiplication des mesures « sociétalistes » et l’ouverture à une gauche modérée sont également une volonté politique d‘assouplir les tensions nées à gauche en mai 1968. Il faut « se réconcilier avec la société et les jeunes ». La théorie du bloc central chère à Minc prend forme. Giscard entend gouverner au centre.

Mais derrière ces approches politiciennes, qui sont du domaine du discours, Giscard apporte une réponse très forte au chantage des pays pétroliers : l’atome et le TGV ainsi que des investissements industriels dans tous les secteurs en retard (téléphonie, informatique etc.). Où voit-on une politique consumériste ? Où voit-on une politique dominée par le court terme ? Giscard a travaillé pour le demi-siècle à venir.

Les années soixante-dix sont politiquement sous la pression du gauchisme soixante-huitard, et économiquement sous la domination américaine qui impose les changes flottants, une inflation démente et la pire récession depuis 1929 ! Le tout est aggravé par la poussée des pays arabes pétroliers et leur volonté d’écraser Israël quitte à faire sombrer le monde entier dans le terrorisme.

Impossible de retrouver dans la période un « modèle d’état guichet ». Bien sûr, il y a de la démagogie. La possibilité de passer deux ans au chômage avec 90 % du salaire est une erreur dramatique. Dans l’entreprise américaine où je suis devenu directeur général adjoint, je dois faire face à la demande d’un ingénieur en chef qui exigence de bénéficier du nouveau licenciement économique. Il pourra finir à Nantes ses études de doctorat tout en faisant le moniteur de voile sur les plages en été et le moniteur de ski en hiver. Mon refus est vu comme de la malveillance : c’est l’État qui paie. Pourquoi refuser ? Les clients ? Rien à battre. Ne rien foutre pendant deux ans en gagnant plus qu’en travaillant, cela ne peut se refuser.

La poussée féministe en faveur du divorce, de l’avortement et du contrôle des naissances lance la destruction de la natalité française, alors que le regroupement familial provoque une invasion migratoire. Plusieurs fonctions régaliennes critiques font les frais des restrictions imposées par la récession. La santé connaît un numerus clausus très restrictif avec laminage de la fortune des médecins et surtout des chirurgiens. L’armée devient une armée de métier pour éviter les « comités de soldats » qu’essaient d’imposer Edwy Plenel et les trotskistes révolutionnaires ainsi que le droit de grève. L’éducation nationale sombre avec le collège unique de M. Haby. La sécurité publique sombre également avec la généralisation du justicialisme dans les tribunaux et la création du syndicat de la magistrature.

Jean Royer se fait un nom en dénonçant l’abandon de la poursuite des délinquants notamment mineurs, et la politique de l’excuse systématiquement mise en place dans les tribunaux. Il ne veut pas de la pornographie et dénonce la pédophilie qui à l’époque est portée par quelques intellectuels de gauche, dont Cohn Bendit pour qui la sexualité des jeunes est réprimée à tort. Il est aussitôt classé fasciste et coursé à chaque manifestation publique par l’extrême gauche, un peu comme Zemmour aujourd’hui. Il est effaré par l’exode rural et le développement de la grande distribution qui tue le commerce de centre-ville en province. La loi Royer lutte contre l’extension des grandes surfaces. Pas de chance pour Jérôme Fourquet, le gouvernement mène dans ce domaine une politique anti consumériste qui verra bientôt le fils Leclerc se lever contre « cette attaque contre le pouvoir d’achat ».

Si on hiérarchise les causes du désastre que sera cette période, on aboutit à cette liste :

-            L’instauration des changes flottants qui provoquent à nouveau des récessions mondiales majeures périodiques et font chuter la croissance à long terme. Merci les États-Unis.

-            La poussée violente des états musulmans, avec le cartel pétrolier et le terrorisme mondialisé

-            Le dévoiement de la cinquième République où le domaine politique est absorbé par les hauts fonctionnaires (l’énarchie compassionnelle) qui ne pensent qu’en termes de taxes et d’impôts, de règlements, de subventions

-            La pression sociétaliste gauchiste et socialo communiste.

Alors oui, des mesures démagogiques sont prises (contrôle stupide des prix, blocage des loyers, les deux années de chômage à 90 % du salaire, l’autorisation administrative de licenciement.) Il fallait faire face dans la panique aussi bien au choc de la récession qu’à la pression politique.

Giscard a multiplié les erreurs graves mais personne ne peut l’accuser d’avoir bradé la production, les transports, et l’industrie. La grande distribution naît à la fin des années soixante, en pleine phase de croissance pour étendre la prospérité à toutes les couches de la population désormais propriétaire de voitures et bancarisées et les gouvernements tentent de freiner le mouvement. La hausse massive du pétrole ne va pas faire du bien à la grande distribution. Les fusions de la fin des années soixante-dix marquent la difficulté du secteur. Quant à l’agriculture, devenue la principale activité de la Commission européenne, elle fait l’objet de réformes à cause de la récession. L’extension des jachères date de là. La grande préoccupation européenne devient monétaire. Que devient le système de péréquations européen en système de changes flottants et comment résister au dollar ? L’ouverture de la finance à la spéculation date du milieu des années soixante-dix avec l’ouverture des grandes salles de marché. Le bâtiment lui s’effondre et ne reprendra vie qu’à la fin des années quatre-vingt.

L’analyse simpliste de Jérôme Fourquet est totalement inappropriée pour la période 73-80. Elle n’a même pas de sens. Elle ne désigne aucune des sources de malheur. Elle ne permet aucune prise de conscience. Elle n’incrimine aucun des acteurs ou des modes de pensée responsables. L’auteur ne tient pas compte de la réalité historique au profit d’une construction intellectuelle artificielle.

Giscard le Fat se fait photographier en bellâtre en maillot de bain sur le bord de la piscine de Kingston à la Jamaïque, alors qu’il y signe l’acceptation de la mort des accords de Bretton Woods qui ont été la condition des « trente glorieuses ». Là, il faudrait sortir la mitrailleuse. Pas un mot de Fourquet pour qui le rôle crucial du système monétaire international est visiblement inconnu.

Si on prend la période 1981-1993, c’est en gros le règne mitterrandien. Mitterrand est un politicien habile et sans scrupule et, humainement un pourrisseur. Il va détruire l’économie française et la société française, aussi bien que son entourage et finalement provoquer le déclassement durable du pays et la perte de sa prospérité comme de son indépendance.

Le Programme Commun, est simplement dément. On nationalise à 100 % des secteurs entiers qu’il faudra dénationaliser plus tard. L’énarchie s’empare de tous les leviers économiques et politiques. L’entreprise est saccagée par la fiscalité et les lois Auroux. La justice se met à enfermer les cadres et les dirigeants d’entreprises à larges poignées. L’ISF est mis en place. La fuite des capitaux commence et ne s’arrêtera plus. On détruit l’hôpital en voulant casser du mandarin. L’emprise de la bureaucratie commence. Tous les secteurs publics ou parapublics sont livrés aux syndicats. Les réglementations explosent.

Dès 1984 après de multiples dévaluations, l’ordre est donné à la banque de France de préparer le passage à la monnaie unique en pratiquant une politique monétaire restrictive. En contrepartie on lâche tout dans le domaine sociétaliste. Surtout on réduit la durée hebdomadaire de travail et on avance de cinq ans l ‘âge de départ à la retraite. On cesse quasiment de réprimer la délinquance en dénonçant la prison criminogène, et on s’enivre de la suppression de la peine de mort. La délinquance explose et ne sera plus jamais contrôlable. La corruption embrase toute la vie politique. Il n’y a qu’à se servir. M. Defferre fête chaque nouveau milliard gagné à Marseille. Et de rire.

Le bilan économique est tragique. Toutes les industries traditionnelles sombres : textile, sidérurgie, le Nord et la Lorraine sont désormais sinistrés à perpétuité. Je suis dans le restaurant où Fabius fête au champagne sa nomination comme premier Ministre. À son arrivée tous les convives marquent leur mépris en tapant sur leur verre. L’après-midi il est venu à la télévision pour pleurer sur la fin de la sidérurgie lorraine… Pleurs au journal télévisé, champagne une heure après ! Les braves gens !

Politiquement Mitterrand crée la fortune de Le Pen, un de ses anciens copains, qu’il enfonce profondément dans le flanc de la droââââte. On rigole bien à l’Elysées. Pas dans le pays. Ce sera la cohabitation. L’énarchie de droite prend le pouvoir avec Chirac et Balladur. Cette période sera la dernière où les grandes préoccupations nationales seront prises un peu en compte par le pouvoir politique. On supprime l’ISF et remet à peu près en place une vraie gouvernance. Mais on ne touche pas à la bureaucratie et aux mesures délirantes. Le sociétalisme reste en place. L’affaire du décès de Malek Oussékine et la révolte étudiante gâchent les chances électorales de Chirac à la présidentielle suivante. L’école peut finir de sombrer.

Le second septennat de Mitterrand est une simple horreur. Il est malade et ne fait plus rien que d’essayer d’avoir un bilan européen. Maastricht devient la grande affaire et avec elle la perte définitive de toute indépendance pour la France. On laisse la place à la finance. Les Oligarques commencent à fleurir. Mitterrand se flatte d’avoir été le dernier président de plein exercice ! Et il est déifié par une coterie !

Le bilan économique des deux septennats est terrifiant. La France n’est plus compétitive et embarquée dans la concurrence internationale avec des fers aux pieds. L’élévation de Bernard Tapie avant sa chute brutale symbolise des années fric, où la spéculation est partout et l’économie nulle part.

Le désordre international lié aux changes flottants continue à faire ses dégâts. Une nouvelle énorme crise financière est en formation. Elle explose en 1992-1993. Elle est sauvage. La France subit un nouveau choc terrible, plus fort qu’en 1973, sans cette fois-ci de réaction sur les prix du pétrole. Mais elle est terriblement affaiblie par 11 ans de mitterrandisme socialo communiste. C’est la catastrophe. La gestion de Rocard a été pitoyable et il a poussé la dépense publique et la fiscalité au plus haut pendant la phase haute du cycle. La récession laisse hagard ses successeurs.

Retour à la situation de 73-74, mais en pire. La France est littéralement ruinée et sommée après le référendum sur le traité de Maastricht de préparer l’Euro et un nouveau moment fédéral européen. Chirac se fait élire et pousse Juppé et ses mesures purement bureaucratiques. Chirac dissout à contretemps et se voit infliger 5 années Jospin et une « dream team » fantasmée qui ruine définitivement l’école, l’entreprise, la sécurité, le bourgeois. L’instauration des 35 heures alors que l’OMC s’ouvre à la Chine et que la mondialisation des échanges devient le mantra de l’époque signe le déclassement radical inéluctable du pays. Il n’y a plus d’hôpital public asphyxié par la bureaucratie. L’éducation nationale sombre définitivement. L’immigration sauvage s’amplifie sans limite. La fiscalité est oppressive. Le secteur nucléaire est attaqué. L’écologisme anticapitaliste est promu. La désindustrialisation triomphe avec la nomination d’un l’énarque socialiste à la tête de l’OMC. Les socialistes commencent à théoriser la perte de la classe ouvrière à remplacer par le nouveau prolétariat : les immigrés musulmans.

Si on regarde les grandes causes du désastre de la période, on retrouve :

-            Les changes flottants, source de récessions mondiales toujours plus graves

-            Le socialisme et les cadeaux au peuple

-            L’extension de la variante malthusienne et antinucléaire de l’écologisme

-            Le triomphe de l’énarchie compassionnelle

-            Le poids de la perspective de création de l’euro qui implique des finances répressives et des taux d’intérêt forts.

En attendant, toutes les fonctions régaliennes sont en grande détresse ; justice, éducation nationale et recherche, sécurité intérieure et extérieure, rayonnement de la France, santé, tout est en train de sombrer. La natalité est en berne, l’immigration au plus haut. On a commencé à détruire notre socle nucléaire, le seul avantage compétitif qui nous reste. Superphoenix est arrêté.

Voilà ceux qui détruisent le pays et sa prospérité.

Le Cercle des économistes e-toile se crée à ce moment pour dénoncer ce qui s’annonce : un désastre.

Il ne s’agit pas de dénoncer un système de guichet mais directement les erreurs tragiques qui vont signer le déclassement tragique du pays.

-            La mondialisation déséquilibrée avec deux systèmes monétaires défaillants le futur euro et les changes flottants

-            Une France dont la démocratie a été captée par l’Enarchie et la bureaucratie, acceptant un étatisme et un fiscalisme délirants

-            Le reliquat de socialo gauchisme et la poussée sociétaliste débilitante qui tue la natalité et laisse le pays envahi par une immigration incontrôlable.

-            Une poussée malthusienne liée à l’écologie qui menace toute croissance.

Cela va tout de même bien plus loin qu’un simple modèle de guichet « statoconsumériste ». C’est le pouvoir d’achat lui-même et la croissance qui sont gravement menacés. La France est en danger.

(à suivre)

La faiblesse actuelle de l'édition économique : un exemple.

Les leçons d'un live très décevant : "Quelle économie politique pour la France ?"

Les économistes n’ont pas la cote. L’affaire des subprimes, la récession de 2008 puis la crise de l’Eurozone de 2011, leur ont fait un peu de tort. La gauche les considère comme des libéraux irresponsables, sauf s’ils réclament des hausses majeures d’impôts sur les riches et des dépenses publiques majestueuses. Les verts considèrent qu’ils vont tuer la terre et l’humanité avec leur croissance idiote. Les droites RN et zemmourienne considèrent qu’ils sont favorables à l’immigration, ce fléau. Quant aux droites centristes, on ne sait pas trop, sinon qu’ils seraient plutôt pour une société de liberté et de propriété ne faisant pas fi de l’augmentation de la production et de la diminution des impôts. Les économistes de cette mouvance se mettent aussitôt à dos et la gauche et la droite de la droite.

On comprend que les économistes passent un sale moment. Il était d’autant plus intéressant de s’intéresser à un livre prétendant définir ce que devrait être la politique économique de la France. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés face au livre de MM. Yves Perrier et François Ewald, préface de d’Hubert Védrine, « Quelle économie politique pour la France » aux éditions de l’Observatoire.

Il aurait fallu être un peu plus méfiant. Dès la page de couverture, on pouvait détecter quelques indices que l’affaire était mal engagée. D’abord les deux auteurs ne sont pas des économistes, encore moins des économistes chevronnés habitués à se colleter avec le chaos économique qui règne depuis quelques décennies. L’un a créé une entreprise financière Almundi, l’autre est un philosophe, un peu particulier, puisqu’il s’agit de philosophie politique. Le préfacier est un ministre de Mitterrand qui a mis l’économie française par terre qui est un grand habitué des phrases creuses et des postures d’autant plus avantageuses qu’elles ne s’appuient sur rien. Le titre enfin est un peu bizarre. Non, il ne s’agit pas du choix d’une politique économique mais d’une économie politique. Les auteurs pensent que cette inversion est d’une formidable audace. En vérité le titre aurait dû être : notre proposition d’une autre philosophie d’organisation pour notre système économique.

L’idée est énoncée sur la première page de couverture : pour un nouveau pacte « état-entreprise-citoyen ».

On pourrait résumer l’ambition en ces termes : « Nous allons vous montrer, en rappelant une longue histoire économique que si l’état, la nation et les entrepreneurs tirent dans la même direction c’est formidable et la France retrouvera sa prospérité ».

Tout le monde constate que l’État en France est obèse et incapable, ruiné et ruineux, pire encore devenu impuissant par différents mécanismes, dont l’Union Européenne, la régionalisation, la captation du pouvoir par les juges, la formation d’une énarchie compassionnelle assurant le contrôle et de l’état et de l’économie et de la politique. Le résultat se voit dans le déclassement économique de la France.

Tout le monde constate que la nation est en train de voler en éclat sous le coup des migrations excessives et qu’elle est éclatée en chapelles qui s‘ignorent.

Tout le monde constate que les entreprises en France sont en difficulté et seules celles qui ont réussi à prendre des parts de marché mondiales survivent ou celles qui vivent en symbiose avec l’état. Notre capitalisme sans capitaux grevé d’impôts et taxes et sur réglementé ne fonctionne pas. Surtout quand on demande à des entreprises surchargées de combattre contre des pays émergents immenses et dont le coût de la main-d’œuvre est très bas.

Dès le départ on sent bien que l’union des mutilés ne risque pas d’aller très loin, si on n’a pas une vision très précise de la causalité et des responsables de ces mutilations.

Les auteurs se sont donc lancés dans une grande fresque d’histoire économique contemporaine.

Surprise, leur choix est de cumuler des banalités en citant à l’occasion un livre plus significatif que les autres. Aucune force analytique, aucune analyse des causes en profondeur, aucune étude des forces en présence. Les systèmes économiques se heurtent ou s’enchaînent sans qu’on sache trop pourquoi. La compilation est totalement descriptive. On a l’impression que les chapitres ont été écrits par différents auteurs ce qui entraîne l’apparition de nombreuses contradictions. Cette compilation sans étude des mécanismes, cette accumulation de faits non expliqués en profondeur, ce magma de situations dont on ne comprend pas pourquoi elles surviennent, offrent une description parfaitement creuse.

On a l’impression que tous ces chapitres ont été écrits en lâchant la bride à ChatGPT dont la particularité est de rester largement neutre sur les causalités, et dans le politiquement correct de surface.

Bien sûr on va privilégier les moments fastes qui servent la thèse des auteurs. Ah le beau modèle rhénan qu’il nous faut importer d’urgence ! Mais l’Allemagne était considérée comme l’homme malade de l’Europe à la fin des années quatre-vingt et est aujourd’hui une puissance qui fait déraper toute l’Europe. Une organisation n’est pas bonne en soi. Tout dépend de la politique qu’elle mène dans un champ mouvant de circonstances. La politique mercantiliste de l’Allemagne menée à l’instar du Japon a été très problématique. Des échanges aussi fortement déséquilibrés ont provoqué des conséquences détestables.

Il vaut mieux que tout le monde soit content de pousser dans le même sens et qu’il y ait une confiance et une unité de vue entre les politiques représentants les citoyens, les entreprises et l’état. C’est d’une rare banalité de le penser. Mais tout dépend du moyen pour y arriver. Hitler avec le national-socialisme avait parfaitement réussi cette unanimité joyeuse du citoyen, des entreprises et de l’état. L’Union soviétique se vantait des mêmes résultats prodigieux.

En France aujourd’hui l’Enarchie règne en famille sur l’État et la représentation politique, tout en assurant sa tutelle, en liaison forte avec les syndicats, sur les entreprises. Les citoyens sont intégrés de force dans le schéma par l’impôt et la réglementation et la fabrication de la bonne opinion par les médias. Le citoyen n’a plus qu’un rôle formel. Aucun budget n’a été voté à l’équilibre depuis 49 ans. Et la CFDT vient de lâcher le gouvernement énarchique sur les retraites. Les pactes socialos bureaucratiques ont tous explosé du fait des résultats épouvantables.

Et les initiatives bouffonnes qui essaient de restaurer le dialogue avec les citoyens ne marchent pas.

On laisse le livre avec beaucoup de frustration. Sa faiblesse analytique et son préjugé pour le modèle allemand nous laissent face à des vœux pieux sans consistance et… aucune politique économique.

Les vrais enjeux ne sont pas traités par un livre qui, finalement, n’apporte rien.

Malheureusement, il n’est que trop représentatif du vide actuel de l’édition en matière économique.

Une autre manière d'analyser la situation économique mondiale

Un des drames de la réflexion économique est qu’elle manipule des valeurs consolidées en monnaie courante corrigées de l’inflation. Ce choix assez naturel masque la plupart des problèmes et provoque des incompréhensions majeures.

En géométrie, on aime bien les « transformées ». Aussitôt une figure en apparence très compliquée se simplifie et des démonstrations limpides peuvent être conduites. En économie aussi, il importe de se libérer des habitudes et de revoir les évolutions des grands agrégats en des unités de valeur différentes.

Appelons « valeur de référence » un panier d’objets qui représentent depuis toujours le bien patrimonial « qui ne ment pas », parce qu’il est rare. Mettons-y l’or, et éventuellement un autre métal rare, une matière première de nécessité absolue, disons le pétrole, et le m2 dans une ville monde (Paris, Londres, Tokyo, New York…). Le panachage est toujours arbitraire, mais on est surpris que les résultats ne dépendent pas tellement du choix des ingrédients de notre indice et de leur proportion quand on déflate les séries économiques sur une assez longue période, par exemple le demi-siècle.

Le graphique ci-dessous, fait à main levée, est une approximation grossière du résultat ( Nous suggérons aux nouveaux doctorants en économie de faire ls calculs exacts en imaginant quelques paniers de valeurs de référence).  Le graphique présenté commence en 1973 et se termine en 1922.

La ligne rouge fixe la valeur de référence par construction constante.

On voit que les prix courants s’effondrent sur une longue période calculée en valeur de référence.  Depuis 1971 et la fin du système de Bretton Woods, on est entré dans un système de monnaie fondante alimentée par les émissions massives de monnaies banques centrales et aussi par l’ouverture totale à la concurrence des pays très pauvres à forte population, et/ou à ceux des pays maintenus dans la déroute économique par le communisme pendant des décennies.

On voit également qu’en valeur de référence le PIB baisse, avec des accélérations dans la baisse à chaque crise décennale, 1973, 1992, 2001, 2 008… Les objets de luxe ont toujours l’air de fuir devant le revenu. Mais depuis 1973, la chute est devenue réellement importante. Une sacoche Hermès à deux soufflets est passée de 10.000 francs à 16.000 euros ce qui en francs fait plus de 100.000 Francs. Il ne reste plus que 10% de la valeur de la monnaie française par rapport à 1970. Le titre Hermès se porte très bien !

Comme les prix se sont effondrés plus encore, le pouvoir d’achat, qui a aussi baissé en valeur de référence, n’a pas baissé en valeur courante. Pour simplifier, il a augmenté en proportion de la baisse des prix liée aux importations chinoises.

En revanche, la hausse de l’immobilier est presque entièrement gommée dans notre graphique.  L’immobilier a conservé sa valeur intrinsèque.

Ce qui se passe à partir de 2020 c’est le blocage de la production et la désarticulation des flux de la mondialisation. On libère des sommes gigantesques de monnaies banque centrale sans production. La courbe des prix vient à croiser celle du PIB et efface toute hausse de pouvoir d’achat et au-delà. C’est ce qui explique l’irruption des mouvements violents, Gilets Jaunes, refus de la réforme des retraites etc.

Tant qu’on ne comprend pas la machinerie qui s’est mise en place à partir de l’instauration des changes flottants et de la suppression de l’obligation de contrôler les grands déficits et les grands excédents, on ne peut dire que des sottises majestueuses à partir d’apparences bizarres qui flottent allégrement dans une caverne platonicienne légèrement déjantée.

L’acceptation des grands déficits américains, pour fournir la monnaie internationale d’usage, entraîne automatiquement la création d’excédents équivalents. Le pays qui les accumule ne sait pas quoi en faire, puisqu’il est déjà hypercompétitif et en excédent. Le pays déficitaire voit ses entreprises chavirer et en manque de liquidité ne peut pas investir. Le système se retrouve en sous-investissement productif permanent. Les liquidités excédentaires cherchent des emplois qui ne se trouvent que dans des opérations financières et boursières, en un mot dans la spéculation, et dans des stratégies de défense patrimoniale comme l’immobilier.

Bien sûr, le transfert de la production vers les pays pauvres entraîne une hausse formidable du niveau de vie dans ces pays (au moins 400 000 000 de personnes sorties de la grande pauvreté depuis 50 ans) tout en enrichissant parfois de façon extravgante la petite élite qui s’est placée dans les circuits de la mondialisation et du recyclage des masses financières.

Les classes moyennes occidentales sont les premières victimes : la croissance s’arrête et le pouvoir d’achat ne dépend plus que des produits importés à bas prix.Cela ne suffit pas vraiment.  Il faut développer le crédit et les subventions pour maintenir une forme de croissance et une apparence de continuité dans la société d’abondance. La dette et les impôts deviennent critiques. Lorsque, comme en France, le système fiscal est globalement progressif on aboutit à cette situation intenable où il faut 1.9 % d’augmentation de la dette pour obtenir 1 % de hausse du PIB qui provoque une hausse de 1.7 % de hausse des impôts et prélèvements !

Jusqu’en 2020, une crise décennale venait purger les bulles financières provoquées par les excédents de balances de paiement. Les banques centrales rechargeaient la machine sans inflation grâce aux importations à bas coûts en provenance de la Chine et des pays à salaires extrêmement bas. On avait une inflation monétaire sans inflation des prix à la consommation, mais une hausse de la valeur de l'immobilier et de la bourse. La classe moyenne s’en sortait en allant chez Liedl puis Aldi, et en s’endettant sur des dizaines d’années !

La crise sanitaire puis la guerre en Ukraine ont détruit cette machinerie faussement vertueuse. Utiliser les banques centrales pour compenser le revenu perdu par la disparition de la production, alors que la perturbation des circuits logistiques de la mondialisation devenait critique, ne pouvait qu’entraîner une forte inflation non compensée par les importations à très bas prix. Le choc de la guerre sur les coûts énergétiques et la disponibilité de biens agricoles, a aggravé une situation déjà intenable. La poussée massive des prix commence trois-quatre mois avant le début de l’invasion Russe en Ukraine.

L’inflation excessive  a aussitôt obligé les banques centrales à freiner des quatre fers provoquant aussitôt des perturbations supplémentaires en mettant en défaut les entreprises trop endettées, les banques ayant prêté pour des opérations spéculatives et les pays qui avaient choisi la dette à outrance comme la France.

Pour corser la situation, une peur millénariste a été insufflée à partir de mouvements idéologiques américains relayant des passions anti capitalistes en déshérence depuis l’effondrement de l’Union soviétique et une religiosité également en jachère depuis l’effondrement du christianisme. Elle a diabolisé l’humanité et sacralisé la nature et l’animal. L’homme prométhéen avait volé le feu de l’Olympe et mit le feu à la terre. Il massacrait la faune sauvage sans vergogne et vidait les sous-sols de tout ce qu’il jugeait utile. Le CO2, qui touche absolument toutes les activités humaines, est devenu le vecteur de condamnation de la race humaine outrecuidante et folle. Démarrée aux Etats-Unis, l’idée saugrenue et scientifiquement fausse d’une influence radicale du CO2 sur le climat, au point de cuire la terre et de la faire se noyer sous l’élévation massive du niveau de la mer, s’est imposée dans les mouvements radicaux américains puis, peu après la conférence de Rio qui voulait dénoncer le rôle de l’homme sur l’avenir de la nature, dans les mouvances internationales et dans la tête des élites dirigeantes de nombreux pays. La propagande a été si forte, si générale, portée pendant si longtemps qu’une peur panique s’est emparé des esprits au pont de créer un état de sidération individuelle et d’hystérie collective. On se rappelle qu’à Carthage, lorsque le climat faisait des siennes, notamment avec des sécheresses calamiteuses, les élites offraient leurs filles vierges et pubères en sacrifice au Dieu Baal. Le spectacle de ces pauvres enfants drogués avant le supplice et brûlant allègrement dans des brasiers terrifiant était censé émouvoir les Dieux, une idée fréquente dans les sacrifices religieux, depuis l’origine de l’humanité, tout en calmant la révolte des administrés vis-à-vis des familles dirigeantes.  Aujourd’hui, sous l’influence des ONG, les instances internationales se sont mis en tête de réussir en quelques années une conversion totale des activités en supprimant toutes celles émettant du CO2. Ils ont eu surtout de l’écho en Europe où les gouvernements multiplient les règlements malthusiens et les dépenses contraintes infinançables. Et cela au moment même où le coût de l’argent pénalise les états ultra-dépensiers. C’est évidemment une totale folie irrationnelle, qui apparaîtra comme telle quand soudain les yeux se décilleront et que le sortilège s’évanouira, ce qui est le destin des peurs millénaristes. Mais que de dégâts sont à craindre ! 

On stigmatise allègrement les propriétaires « qui ont profité de la hausse phénoménale de l’immobilier ». Et on croit qu’ils pourront payer pour toutes les folies en cours. En termes d’unités de valeur de référence, les prix sont restés stables. Il est tout de même simple à comprendre que le propriétaire qui a acheté un appartement disons entre 1970 et 1990 a toujours le même appartement en 2023 et n’a pas augmenté ses possessions. En revanche il a perdu beaucoup de revenus avec tous les prélèvements accumulés sur l’immobilier : IFI, taxe foncière, frais de « notaire »,... , et l’accumulation des frais liés à des contraintes réglementaires effroyablement coûteuses. En revanche les étrangers, qui ne paient pas les mêmes taxes et qui se sont enrichis avec la mondialisation ont racheté une bonne part de l’immobilier le plus luxueux. Et l’État leur a consenti dans certains cas des dégrèvements fiscaux pour se faire. Bravo !

Les entreprises françaises qui n’ont pas fait faillite ont été rachetées par les entreprises des pays accumulant des excédents. Les Allemands ont racheté une part colossale du patrimoine d’entreprises Français. Sous-investissement, délocalisation, transfert de la propriété vers l’étranger ont été de règle depuis quarante ans !

Le secteur public a lui-même été ravagé par le sous-investissement. Certes on peut trouver des tee-shirts à quelques euros dans les surfaces commerciales qui cassent les prix, mais l’hôpital a souffert, la recherche s’est étiolée, les armées vivent de bouts de ficelles, les prisons nécessaires n’ont jamais été construites, les ponts ne sont plus maintenus sur les routes secondaires, la SNCF ne fonctionne plus, les aérogares sont devenues non fonctionnelles, l’université n’a plus que des locaux quasiment insalubres, les postes diplomatiques ont fondu, et plus rien ne marche.

On voit en observant ls courbes du graphique tout le risque qui pèse sur la « réindustrialisation ». Les prix nationaux de production en l’état des législations, sont de 2 à 10 fois ceux des produits importés. Sauf dans des cas très spéciaux, la relocation ne peut pas marcher sans d’énormes changements fiscaux et réglementaires. Au moment où les flux d’articles à bas prix se tariront, la courbe des prix recroisera celle du PIB et éliminera le pouvoir d’achat !

La seule solution pour l’Occident, qui globalement souffre des mêmes maux, avec moins d’acuité dans les pays où les dépenses et la dette ont été maîtrisées depuis 1990, est de revoir le mode d’organisation du système monétaire international et de l’Euroland. Il faut éviter les excédents systémiques et les déficits endémiques. En éliminant les déséquilibres, on retrouvera une logique de la production et de l’emploi plus maîtrisable. Notamment il redeviendra possible de parler en termes d’investissement productif et plus seulement en termes d’augmentation de la valeur des titres.

C’est le message fondamental que suggère le « graphique de Dufau », comme disait mes élèves. Je regrette d’en avoir réservé le commentaire à mes conférences. Il mériterait d’être recalculé avec plus de soin et utilisé à plus grande échelle pour sa vertu d’explication limpide de la situation mondiale . Quand la folie déclenchée par les gourous de la décarbonation totale à réaliser de toute urgence sera retombée, et en espérant que le champ de ruines ainsi créées ne soit pas trop étendu, il sera temps de penser à retrouver un peu de raison et de reconstruire un système mondial des échanges plus rationnel fondé sur l’équilibre des flux, plus que sur des rapports de force destructeurs même pour les pays qui croient posséder des capacités de domination.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile



La hiérarchie des causes de l’effondrement français

Tout le monde est désormais bien conscient que la France dégringole. Le dernier livre de l’IFRAP dénonce le scandale d’une pression fiscale encore aggravée et d’exactions inouïes contre les propriétaires  qui s’accompagne de l’effondrement de toute la sphère publique (éducation, justice, sécurité, santé, etc.) alors que nous avons perdu notre industrie, condamné nos activités portuaires à la stagnation, saigné notre agriculture, prolétarisé la classe moyenne, et laissé se créer un cancer de l’immigration dévastateur pour toute notre politique sociale et pour l’identité nationale. Il faut savoir que cette condamnation n’est pas récente. Le septennat de Giscard sera fiscal de bout en bout. La France était à genoux après le double septennat de Mitterrand. Dès le milieu des années quatre-vingt-dix tous les maux actuels étaient clairement identifiés et la suite annoncée. Et nous avons continué à sombrer au point que les Français sont désormais dans la crise de nerfs permanente. La République livrée aux casseurs et aux incendiaires est désormais en danger.

Pour ceux qui suivent la vie économique et publique depuis plusieurs décennies, cette constance dans la destruction est un sujet récurrent depuis la récession de 1973. La dégringolade n’a jamais été empêchée et n’a fait que s’amplifier, aboutissant au discrédit des partis dits de gouvernement et à la montée de l’ensauvagement de la vie sociale et politique.

Quelles sont les causes profondes de cette inversion dramatique de la trajectoire française considérée comme miraculeuse jusqu’à la crise de 1973 et pourquoi n’ont-elles pas été jugulées ? Quiconque s’avise d’avoir une ambition politique se devrait d’avoir une idée claire sur ces questions. On voit bien que ce n’est pas le cas.

La cause première et fondamentale est la destruction des accords de Bretton Woods et l’instauration des changes flottants. C’est celle qui n’est jamais citée. Cette erreur monstrueuse d’organisation internationale est la cause première de tous les malheurs du temps. Les raisons en sont simplissimes. Ce système permet la création de déficits et d’excédents symétriques totalement effarants. Les excédents sont replacés dans les pays en déficits et la boucle ne cesse de s’amplifier jusqu’à ce qu’une crise financière se produise. 1 973 est la première crise mondiale depuis 1929. Ensuite se sont enchaîné les crises du même type, une crise moyenne succédant à une crise grave pour aboutir à la grande dépression de 2008. La France ne s’est jamais remise de la crise de 1973 ni de celle 1993. Celle de 2008 a signé notre dégringolade définitive.

Personne ne veut ni ne peut changer ce système international frelaté et qui n’a jamais fonctionné qu’au prix de récessions provoquant un ralentissement de la croissance économique. La raison : les Etats-Unis qui croient encore que l’avantage du dollar mérite les difficultés que tout le monde connaît y compris aux Etats-Unis. La domination des Etats-Unis est telle que personne ne fera carrière en économie sans soumission aux changes flottants et au rôle primordial du dollar. La contestation larvée vient des grandes dictatures de l’ancien monde communiste, la Chine et la Russie, avec les conséquences géopolitiques que l’on voit.

Certains diront : c’est la mondialisation qui est en cause et l’ouverture totale à la concurrence libre et non entravée des mouvements d’hommes, de capitaux, de services et de marchandises. Elle a permis de transférer toute l’industrie à l’Asie et aux pays les plus pauvres, avec des entreprises et des capitaux profitant honteusement de l’écart entre les salaires des pays développés et ceux des émergents. La classe moyenne a été sacrifiée. La pression migratoire sur les salaires s’est ajoutée. Le World Economic Forum est le symbole de cette mondialisation faite au détriment des pauvres en Occident.

Oui, l’entrée de la Chine dans l’OMC a été dénoncée notamment par notre petit groupe d’économistes dès les discussions de 1997.

Mais le fond de l’affaire est à chercher non pas dans la mondialisation mais dans la mondialisation non équilibrée. Si le système permet à certains d’accumuler des excédents prodigieux, cela veut dire que les produits ne s’échangent pas contre des produits et que le travail ne s’échange pas contre du travail. Donc les pays déficitaires voient leur classe moyenne s’effondrer. Seuls les pays ayant la capacité de mener des politiques mercantilistes peuvent résister, ou encore le pays qui fournit sa monnaie nationale au monde.

Pour les pays peu productifs et ayant succombé aux formes diverses du socialisme, le système devient extrêmement pénalisant. Ce qui a entraîné des révisions déchirantes en Suède, en Australie et en Nouvelle Zélande, au Canada, au Royaume uni etc. La compétitivité nationale devenait critique, sinon plus de classe moyenne !

La France a choisi de se lancer dans le programme Commun socialo-communiste totalement à contretemps, puis à bloquer toute réforme avant de retomber dans le socialisme jospinien, puis le délire du PS sous Hollande, tué par la dissidence des radicalisés qui triomphera ensuite avec la Nupes.

On voit où cela nous a mené.

La deuxième cause fondamentale de nos difficultés provient de l’extorsion de fonds pratiqués par les pays producteurs du pétrole coalisés pour mettre en coupe réglée les pays dépourvus de pétrole. Il est toujours amusant de constater qu’on a décrit une situation mondiale « libérale » alors qu’elle est soumise à un monopole cartellisé pour le cœur de ses ressources énergétiques.

Pour la France, la prédation pétrolière est devenue dès novembre 1973 un drame fondamental. Nous sommes rançonnés depuis 50 ans, et le poids de cette rançon est colossal. Pour la payer il fallait être plus productifs que jamais et essayer de se libérer le plus possible du pétrole.

Pompidou a compris que la seule solution était de développer le nucléaire et de réduire autant que possible la consommation de pétrole. Giscard a continué cette politique que même Mitterrand n’interrompra pas. Malheureusement cette politique a été gâchée à partir du gouvernement Jospin Voynet. Le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur le pourrissement désastreux de la politique nucléaire peut être lu par qui veut. C’est une véritable tragédie dont les conséquences dramatiques sont désormais visibles.

On peut faire l’histoire française de la tentative de se libérer de la rançon pétrolière sans prendre en compte une seconde la question écologique. Paradoxalement les options prises pour le nucléaire étaient les meilleures sur ce terrain-là mais de façon involontaire. Il restait deux domaines non maîtrisés : l’automobile et le chauffage des bâtiments. Ce sont les deux éléments fondamentaux du capital des Français, ceux qui demandent des années de travail et des dettes lourdes pour le constituer. Il était nécessaire de rester prudent et progressif. On a désormais sombré dans la folie sur ce sujet avec les lois Wargon et les ordonnances européennes inspirées par le GIEC. Rançon plus folie, un vrai triomphe !

La prédation des pays pétroliers, malgré tous les efforts, a pesé radicalement sur la prospérité du monde et celle de la France. On voit que celle des fournisseurs de gaz est tout aussi problématique, sachant que nous avons refusé de tirer profit de nos gisements de gaz de schiste…

La troisième cause du désastre français est interne : le triomphe de « l’énarchie compassionnelle et bienveillante ». À la suite d’un travail commencé sous Pétain, accéléré par les mêmes à la Libération, continué sous la Quatrième et triomphant sous la cinquième, la caste des hauts fonctionnaires a fini par s’arroger la totalité du pouvoir administratif, politique, économique et financier en France. Une caste népotique s’est constituée qui verrouille tout et dirige tout. Cette anomalie est uniquement française. Partout dans le monde occidental libre, on a réussi à cloisonner le monde de l’administration et la politique. Nous renvoyons à nos nombreux articles sur la question pour comprendre l’ampleur du mouvement et de ses conséquences. Le couple Giscard-Chirac est la marque d’un premier triomphe qui ne cessera plus, jusqu’à la caricature macronienne avec ses premiers ministres énarques de seconde zone, Philippe, Castex et Borne. Que personne dans la PQN n’ait souligné le caractère minable jusqu’à l’incroyable d’un système qui veut qu’on choisisse comme premier ministre un ancien président de la RATP et qu’on choisisse comme président de la RATP un ancien premier ministre est la preuve d’un effondrement mental caractérisé. On gère la République comme le métro parisien et réciproquement ? Le népotisme a-t-il besoin d’être prouvé quand on voit la carrière des maîtresses ou des filles de notables hauts fonctionnaires. Exemplaire est La carrière météoritique et catastrophique pour le pays de la fille de Lionel Stoleru, politicien à toutes mains, et d’une énarque haut fonctionnaire chez Hidalgo. Elle n’a jamais travaillé réellement et a connu les rémunérations les plus folles très tôt. Après avoir été Ministre, elle est présidente très bien rémunérée d’une juteuse agence. Le cas de Florence Parly, dite Parly 2, est pire encore. « Fille de » richissime à force de missions surpayées de courte durée (et ratées) dans des boîtes sous influence politique comme Air France et la SNCF, elle devient Ministre des Armées, un beau mandat réussi puisque les forces armées françaises se sont fait jeter du Mali à coups de pied dans le derrière et aux termes duquel tout le monde admet qu’on ne serait pas capable de mener une guerre de haute intensité pendant plus de quatre jours. Elle vient d’être recasée « dignement » avec un beau sac d’or après avoir raté la présidence d’Air France KLM. Les Hollandais sont moins fascinés par l’énarchie que les Français. Il faudra attendre une édition du Canard Enchaîné pour le savoir : « La reine des pantoufleuses : après s'être déjà recasée chez Air France, la SNCF, Altran, Ingenico ou encore Zodiac, l’ancienne ministre des armées, Florence Parly pantoufle, cette fois, chez Ipsos et à la Caisse des dépôts. » Avec les rémunérations ad hoc.

On comprend pourquoi les hauts fonctionnaires sont motivés à conserver leurs privilèges et figurent en nombre parmi les Français membres du 0.1 % les plus riches.

Voir récemment M. Jospin se goinfrer au restaurant du Dôme, lui qui cumule des avantages financiers gigantesques et une retraite somptueuse, après avoir tué l’économie du pays avec les 35 heures pour égaler Mitterrand dans les cadeaux définitifs au peuple, lève un peu le cœur. Il vit dans un hôtel particulier rive gauche, rue du Regard et dispose d’une maison à l’île de ré, ce qui est déjà bien pour un contempteur du bourgeois mais qui prend tout sel quand on sait qu’en 1961 ce trotskiste caché, obligé à faire attention à cause de la collaboration vichyste de son père, ne cessait de dégoiser contre les riches, les enfants de riches, les bourgeois répugnants etc. À l’époque Krasuki était son exemple. Il faut dire que par rapport à lui c’est un héros : immigré juif d’une famille communiste polonaise, il a été résistant et a connu la déportation dans des conditions très dures dont il survivra grâce à l’organisation communiste des camps, avant de revenir comme ouvrier, syndicaliste et de monter dans la hiérarchie de la CGT. En 61 il est directeur de Voix Ouvrière. Le trotskiste caché fait commerce de son admiration pour le futur leader gréviculteur de la CGT. Cela le distancie heureusement de la collaboration. Mais en fait son slogan intime était : « Pousse-toi de là que je m’y mette ».

Emmanuel Macron n’est qu’une pustule sur une plaque cancéreuse très large. Il a fait croire aux Enarques de gauche qu’ils auraient un meilleur avenir avec lui Président et aux Enarques de droite que se rallier à son panache trouble leur vaudrait des avantages. Les Français, lassés des guerres imbéciles et loin de leurs préoccupations, entre Chirac et Giscard, Chirac et Balladur, Jospin et Fabius, Copé et qui voudra, Pécresse et Wauquiez, se sont dit qu’un vent nouveau soufflait chez En Marche. En vérité, c’était un vent encore plus nocif. En multipliant les enjambements et les astuces, et en noyant le pays sous une pluie désastreuse de chèques politiciens, Macron a éludé tout vrai dialogue avec le pays sur les grands problèmes nationaux. Ce Narcisse problématique n’a d’objectifs que pour lui-même et se moque du pays et de ses habitants. Dès qu’il prend une mesure négative, le pays s’insurge.

Un gouvernement aujourd’hui est un noyau d’Enarques intouchables entouré de fusibles ou de guignols ou d’utilité. Ces gens ne connaissent que l’impôt et les taxes, la réglementation, les subventions, et surtout pas de vagues. Le courage est mauvais pour la carrière d’un haut fonctionnaire qui n’agit qu’avec le consensus de ses pairs et leur réassurance.

Aujourd’hui l’ensemble des services publics sont en déshérence avec des coûts et des effectifs administratifs stupéfiants pour des résultats déplorables. Alors qu’il s’agit de la tâche première des hauts fonctionnaires. Ils ont tué la Santé sous les réglementations et l’asphyxie des postes administratifs. L’enseignement public est également détruit, alors que le budget par élève et le nombre de profs par élève est supérieur à ce qui se fait partout en Europe. La Justice n’est plus là. L’armée est en difficulté avec des matériels de plus en plus en retard. Ne parlons pas de la diplomatie et de la francophonie, quasiment abandonnée !

Tous ces abusifs paradent ailleurs que dans des postes administratifs et ils y font n’importe quoi, sans être contrôlés ni sanctionnés. Avoir réussi à générer une croissance de 1 % dans nos ports quand le monde a connu partout une croissance de 100 % ne gêne personne. Un crétin décide d’empêcher 11 millions de tonnes d’exportation de blé. Il reste en place. L’impunité dans l’incapacité est la base de l’énarchie compassionnelle. J’étais dans le restaurant le soir où Fabius fêtait dignement sa nomination comme premier Ministre alors que la veille, ministre de l’Industrie il pleurait sur la disparition des industries lorraines et la fermeture des mines de fer ! Pleurs et champagne. Le « en même temps » déjà. Tout le monde dans la salle frappait son verre avec une petite cuillère pour marquer son mépris pour le Jocrisse. Quarante ans plus tard il est Président du Conseil Constitutionnel avec des enfants embringués dans des affaires que certains jugent douteuses. Rien à f… de l’opinion publique. Les places et l’argent, plus les honneurs même si les résultats sont catastrophiques.

La caste a fini par détruire la classe moyenne et rendre la fiscalité totalement intolérable. Et cela continue sans vergogne. « Vive la Nupes et Mme Le Pen qui nous permettent de rester au pouvoir ! », voilà tout le programme !

Reste le dernier élément du quarteron du désastre : l’Union Européenne. Tant que la « construction » européenne était la mise en commun de politiques de six pays, dans les domaines où elle était souhaitable, elle ne rencontrait guère de critiques. Avec le passage à l’Union Européenne fédéraliste, élargie à 27 membres et conquérant la quasi-totalité du spectre de l’action gouvernementale directement ou indirectement, y compris les préambules constitutionnels, la monnaie, le budget, la gestion diplomatique, l’écologie, les relations économiques internationales, les normes environnementales, on est passé à autre chose où les quelques défauts d’une optique communautaire sont devenus les gros désastres de l’abandon de souveraineté.

Nous l’avons souligné sur ce blog des dizaines de fois. Toute la production des ordonnances et des normes se fait hors de France sans aucune discussion en France. La presse se moque de ce qui se passe à Bruxelles. Les élections européennes n’ont aucun sens, puisque personne ne sait ce qui sera débattu dans l’enceinte de l’Assemblée, qui sera proposé par la Commission, qui, une fois nommée, fait absolument tout ce qu’elle veut. Aucun groupe politique français ne peut influer réellement sur le sens d’un vote. Seul le président de la République peut à la rigueur bloquer un texte jugé nuisible. Aucune étude d’impact n’est faite sur aucune ordonnance. Si l’ordonnance n’est pas transposée, ce sont des sanctions. Si on ajoute le poids des lobbies notamment des ONG internationales, la dépendance totale aux désirs américains dans moult domaines et le gouvernement des Juges européens qui peuvent se mêler de tout en interprétant la déclaration européenne des droits de l’homme, on voit que l’exécutif français n’a pratiquement plus d’autonomie. La politique de liberté totale des mouvements d’hommes de capitaux et marchandises au sein de l’Europe élargie et en signant sans discontinuer des traités de libre-échange avec le monde entier, a laminé la classe moyenne. L’Euro est un système qui autorise les excédents monstrueux de l’Allemagne et se montre intransigeant pour les pays pauvres et déficitaires. Aggravation des distorsions intracommunautaire, rôle délirant de la BCE, avec des émissions de liquidité stupéfiantes, tout est anormal au sein de la zone Euro. L’Allemagne réunifiée y jour le rôle principal sans tenir compte de ses voisins. La récession spéciale en Europe en 2011, c’est elle. Le traitement délirant contre la Grèce, c’est encore elle qui avait déversé ses excédents sans prudence dans tous les pays du « Club Med ». Les difficultés de négociations avec la Chine, c’est encore l’Allemagne qui seule en Europe a une balance excédentaire avec ce pays. La crise énergétique actuelle : c’est la faillite de la politique allemande d’énergie intermittente qui la rend dépendante d’une énergie pilotable importée russe puis américaine.

Tous ceux qui ont un œil sur la classe ouvrière et la classe moyenne savent qu’elles ont été laminées après Maastricht.

Tous ceux qui ont un œil sur l’immigration, savent que le corset juridique mis en place par l’UE empêche d’agir.

Désormais l’Union entrave plus qu’elle n’aide. Elle a eu un effet politique délétère. Plus personne n’ayant le pouvoir d’agir réellement de façon indépendante sur aucun sujet, le Président devient un grotesque impuissant qui ne fait plus que de la Com’. Les partis de gouvernement ne servent plus à rien. Ils ne peuvent même plus construire et assumer sans rire un programme quelconque : ce n’est pas eux qui décideront.

Alors les intérêts français sont en déshérence. La croissance est morte remplacée par une longue stagnation. Les masses populaires ne voient plus de progrès dans leur vie mais une suite de remise en cause des démagogies passées, sans se rendre compte que seule une volonté farouche de productivité, de travail et de qualité leur permettrait de sortir du gouffre.

Les quatre forces que nous dénonçons, toutes abusives, auront mis la France dans la violence, la colère et le dégoût d’elle-même. Emmanuel Macron aura été, du fait de ses travers psychologiques et son absolu mépris pour la France et les Français, le catalyseur de l’effroi national devant le naufrage.

Une fois le diagnostic fait, les solutions sont délicates à mettre en œuvre.

Il est quasi impossible d’imposer un retour aux changes fixes avec une monnaie de référence distincte de celle d’un état, alors que la mondialisation ne peut perdurer qu’avec un retour aux règles de Bretton Woods modernisées et intégrant la Chine, la Russie et tous les grands pays commerciaux du monde. Mais on peut tout de même engager le débat et pousser à la solution. L’Europe peut corriger les déséquilibres internes en pénalisant les grands excédents.

Il faut inlassablement continuer la politique de réduction de la rançon pétrolière, qu’on croit à la crise climatique ou pas. Cela passe en France par le rétablissement de la filière nucléaire et une politique plus sage et plus progressive que celle que la cléricature écologique nous impose en matière de décarbonation.

Il faut créer une séparation franche entre la haute administration et les autres secteurs de la vie politique et économique. « Nul ne peut être élu dans une institution qui détermine ses conditions professionnelles ». « Les doubles rémunérations sont interdites ». Et il faut introduire un contrôle des résultats des politiques conduites par les hauts fonctionnaires, tout en brisant le népotisme. C’est le plus facile

Il faut enfin retrouver tout ou partie de la décision souveraine sur les questions vitales pour le pays. Certaines mesures peuvent être prises sans changer les traités. D’autres non. Dans les deux cas, il faut dire lesquelles et se mettre en position de gagner.

Si un Président se fait élire sans avoir une réflexion publique sur ces quatre causes de notre dégringolade, il ne sert qu’à activer le ressentiment et les colères. La crise politique actuelle est explicable totalement par ce constat : sur aucune des quatre causes, Emmanuel Macron n’a d’analyse publique ni de politique. Le pays s’attend donc légitimement à des effondrements ultérieurs et cela laisse du champ à tous les trublions et desperados du gauchisme révolutionnaire.

Il faut agir.

Ce n’est pas en disant : « je vous protège de Mme Le Pen ».

Ce n’est pas en réprimant à outrance.

Ce n’est pas en prenant des postures.

Ce n’est pas par la Com’.

Ce n’est pas en faisant des chèques ciblés.

Ce n’est pas en détruisant l’enseignement privé ni en permettant le suicide assisté, pour détourner l’attention.

C’est en s’attaquant bravement et sagement aux quatre sources de la déchéance française.

Qui aura ce courage tranquille ?

Le livre d’Alexandra Henrion Caude

Albin Michel a eu l’heureuse initiative de donner le moyen de s’exprimer longtemps et en détail à une généticienne qui n’a guère été vue dans les médias principaux mais qui s’est exprimée assez souvent sur les plateformes du net, sans jamais pouvoir le faire suffisamment, dans une matière parfaitement inconnue du grand public : la biologie moléculaire. À un moment où l’ensemble des autorités médicales et internationales chantaient la gloire des « vaccins à ARN messager », cette généticienne apportait un commentaire inquiet qui, dans l’ambiance de peur panique liée au Sars-Cov-2 passait pour une dissidence et même pire une complaisance complotiste motivée par la recherche d’une gloriole indue. En gênant la protection de l’humanité des conséquences d’une pandémie hautement mortelle, c’était en fait une tueuse inconsciente méritant l’excommunication et la mise à l’écart des « médias généralement considérés comme sérieux », un concept qui a perdu pas mal de sa pertinence ces derniers temps.

Comme souvent les scientifiques de laboratoires, la belle Alexandra n’avait pas un sens de la communication très évident. On comprenait qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Mais quoi ? Elle s’est d’abord fait connaître en soutenant que le virus pouvait avoir été « construit » de la main de l’homme. On avait déjà compris qu’à Wu Han un laboratoire s’essayer à construire des virus à efficacité renforcée. Ajouter ce qu’on apprendra comme s’appelant « spike » à n’importe quel virus lui donnait une capacité à pénétrer l’organisme fortement accrue. « Si on avait voulu créer un virus performant on aurait construit un virus ressemblât beaucoup au Sars-Cov-2 ». L’hypothèse de la fuite accidentelle de ce laboratoire prenait de l’ampleur.

Ensuite le discours contestataire s’est porté sur le produit à ARN-messager créé dans des conditions d’abaissement de toutes les règles de précaution pour faire face à l’urgence., qu’on a présenté comme un vaccin moderne, très représentatif des progrès de la biologie moléculaires et représentant « une chance phénoménale » pour l’humanité menacée. Le génie humain sauvait l’humanité d’une méchanceté de la nature. Spécialiste de la question, la généticienne a voulu alerter sur les risques de cette technologie dont elle avait connu les limites depuis longtemps. L’humanité ne se sauvait pas mais prenait un risque peut être majeur et définitif en tentant de prévenir la maladie par l’injection ce produit à des centaines de millions de gens voire l’humanité toute entière. Elle relevait de temps à autre les méfaits constatés et l’inefficacité du produit, en alertant notamment aux risques de la vaccination des femmes enceintes et des enfants. En l’absence de connaissance du domaine, le grand public était incapable de comprendre ce message qui paraissait une fois de plus dissident dans le flot massif des soutiens à la vaccination de masse, toujours centré sur le même discours ; si c’était dangereux on le saurait. Circulez, il n’y a rien à voir.

Malgré les efforts des chaînes du NET comme Sud Radio, le format ne permettait pas de comprendre la querelle de spécialistes. Le format du livre le permet.

Bien sûr ce n’est pas un manuel de vulgarisation de la biologie moléculaire et le lecteur ne sortira pas expert à la fin de sa lecture, mais l’auteur donne les éléments qui permettent de comprendre son inquiétude devant l’usage massif d’un produit potentiellement dangereux et surtout inefficace présenté comme une panacée.

L’ennui pour la pensée dominante qui a lancé ce projet gigantesque, c’est que toutes les affirmations qui le justifiaient se sont révélées fausses et, pire encore, mensongères, car très vite les erreurs ont été constatées et mises sous le tapis.

Aujourd’hui la majorité des affirmations contestées se sont révélées exactes et ne sont plus niées par personne. Tout le monde a vu que ce produit ne permettait pas d’éviter la transmission, n’empêchait pas d’être infecté à répétition, donc n’éradiquait pas la maladie. Pire encore, il créait de nombreuses complications, allant jusqu’à tuer des jeunes qui n’avaient rien à craindre de la Covid et provoquant de nombreux drames pour les femmes enceintes et les enfants. En un mot le « médicament à ARN messager » n’était pas un vaccin et aggravait plutôt la situation, les pays les plus vaccinés étant ceux qui ont été les plus infectés avec le plus grand nombre de morts.

Le livre accumule les démonstrations pour prouver de façon très convaincante qu’on a sciemment professé des mensonges éhontés pour convaincre la population de se faire injecter. Le livre sort au moment où on rétablit les médecins et auxiliaires médicaux dans les droits dont on les avait privés au nom de mensonges désormais totalement avérés, sans tenir compte de craintes qui elles aussi sont devenues des réalités.

Les lecteurs découvriront la longue liste de ces mensonges et nous ne la reprendrons pas ici. Une des réalités qui a été cachée au grand public et que l’auteur de ces lignes a découverte avec une certaine stupéfaction, est l’absence d’efficacité de toutes les tentatives antérieures de soigner avec des injections de capsules à ARN messager. Les 12 tentatives ont été un échec radical. On a essayé contre des cancers et contre des virus : à chaque fois le bide ! Difficile de ne pas comprendre la crainte des conséquences d’une spécialiste du domaine. Un autre aspect a été, pour tous ces essais et très vite pour le « vaccin », la floraison de complications qu’on ne connaissait pas à ce taux-là avec les vaccins traditionnels. Introduire des molécules dont on ne sait pas ce qu’elles vont réellement faire en touchant au « coffre-fort de la vie », l’ADN, ne peut pas se faire sans de terribles précautions. On les a toutes abandonnées tout en distribuant des éléments de langage totalement faux : L’ARN injecté restait dans le muscle où l’injection avait été faite : faux. Il ne survivait que quelques instants : faux. Il ne se disséminait pas : faux encore, on en a retrouvé partout y compris dans des endroits dangereux comme le cerveau, le foie et toutes les glandes. C’est cette diffusion incontrôlée qui explique l’ampleur et la variété jamais vue des complications. Cycle menstruel des femmes déréglé, lait devenant vert chez les femmes allaitantes, péricardite, accidents cérébraux comme les AVC, troubles du foie. Beaucoup de ces complications ont été mortelles. Plus de 40 000 morts ont été déclarés, ce qui est peu par rapport au nombre d’injections mais qui est terrifiant quand on sait que beaucoup de ces gens ne seraient pas morts de la Covid.

Mme Henrion Caude montre bien que le virus peut altérer l’ADN et que toutes les preuves sont désormais là, lorsque le pire mensonge des laboratoires qui le savaient a été d’empêcher que cela se sache. En agissant sur l’ADN on modifie pour des siècles le moteur interne de l’humanité et pas pour son bien. Et on n’a rien pour le remettre en l’état ex ante.

Pour l’auteur les laboratoires ont pour de l’argent, énormément d’argent, en fait pour créer une poignée de nouveaux milliardaires en dollars, on a joué aux apprentis sorciers et tout reste à découvrir des conséquences. En jouant à la roulette avec l’humanité, les dirigeants politiques ont failli gravement. Ils ont été influencés d‘en haut par des instances internationales et des lobbies, et ils ont exercé une incroyable violence contre la population pour qu’elle se fasse injecter, tout en construisant une information totalement faussée à une échelle inédite.

Une question reste non documentée et avec une réponse indécise : les injections ont-elles permis d’éviter les formes mortelles, comme les perroquets le répètent à l’infini ?

Aujourd’hui plus personnes ne veut se faire injecter. La presse ne met plus en première page le nombre d’infections ni de décès. Le Covid est censé être une affaire réglée. L’information ne passant plus, l’opinion ne pense plus à rien. 7,1 % seulement des 80 ans et plus ont reçu une dose de vaccin depuis moins de 3 mois alors que l’épidémie est repartie avec plus de 2000 hospitalisations pour Covid par semaine et que ce segment représente la majeure partie des 135 morts constatés par semaine, soit 1 % environ de la mortalité globale ordinaire.

Un des aspects imprévus du livre c’est qu’il donne un exemple d’hystérie qu’on retrouve dans d’autres domaines comme en particulier celui du réchauffement climatique où on fait absolument n’importe quoi en dehors de tout contrôle des citoyens, à partir du jeu des lobbies infectant tout le processus de décisions d’instances internationales.

L’hystérie et l’extravagance de solutions irrationnelles sont bien la maladie du moment. La démocratie devrait être le vaccin. Le jeu des instances internationales, des lobbies et des juges la rend inopérante. La aussi on a touché au cœur battant de la France.

L’économie française devient ainsi l’enjeu d’erreurs majeures de politique sanitaire ou écologique qui la ruinent radicalement. Dans le moment très particulier que traverse le pays, marqué par une irritation particulièrement aigüe d’une partie notable de la population, la responsabilité de la dépossession subie par la nation depuis 1992 est majeure. L'exécutif français dépossédé ne craint pous d'instrumentaliser sans vergogne des peurs moyennageuses. L'ensemble suscte des radicalités boursouflées misés au service d’utopies mortifères ou de sottises invraisemblables.

Un article formidablement révélateur du Financial Times

L’actualité est sympathique pour ce blog. Elle nous permet d’aborder des thèmes fondamentaux qui ont été à l’origine de la formation du Cercle des économistes e-toile. Après le drame de la démographie française et les méfaits de l’énarchie compassionnelle, il est temps de commenter une réalité jamais traitée : la quasi-identité de destin économique déplorable de la France et du Royaume Uni qui souligne l’évidence d’une cause commune. Malgré les différences apparentes très fortes entre un pilier du néolibéralisme fortement anti syndical et rétif à l’assistanat et un pilier de la bureaucratie socialisante, entre un pays qui a choisi le Brexit et un pays aplati devant Bruxelles, entre un pays aligné sur Washington et un pays qui fait semblant de goûter les effluves résiduels du gaullisme diplomatique, l’évolution globale depuis 1971 est globalement la même. Les mouvements profonds l’emportent sur les apparences idéologiques ou les traditions nationales.

Vérifions que l’évolution économique et sociale a bien été la même. Le Financial Times nous apporte tous les éléments de réponse grâce à l’excellent article de Tim Harford, dans d’édition du 22 janvier 2023. Son titre dit déjà beaucoup : « Est-ce que la vie au Royaume-Uni est réellement aussi mauvaise que les chiffres le suggèrent ! Oui, absolument ! ».

Tim Harford a écrit trois livres absolument formidables, « The Undercover Economist » en 2007, « Freakonomics « en 2009, et « Why Nations fails », son chef-d’œuvre de connaissances et de réflexion en 2013.

Son approche est exactement celle qui nous a motivés à créer le Cercle des économistes e-toile : couvrir des domaines abandonnés, en montrant qu’on y trouve beaucoup de faits majeurs dont l’explication est indispensable et que les clés de l’avenir y sont présentes dans l’indifférence générale. La différence est qu’il le fait dans la presse et plus encore dans une presse anglo-saxonne où beaucoup de ses réflexions défient la pensée dominante.

Il a un peu dérivé vers le « spectacle » ces derniers temps avec :

Fifty Things That Made the Modern Economy (2 017). Little, Brown. ISBN 978-1408709115

The Next Fifty Things that Made the Modern Economy (2 020). The Bridge Street Press. ISBN 978-1408712665

How to Make the World Add Up : Ten Rules for Thinking Differently About Numbers (2 020). Little, Brown. ISBN 978-1408712245

Ces livres sont en fait des compilations de « podcasts » télévisés de 9 minutes sur une variété d’objets qui ont révolutionné notre vie courante et dont on n’imagine pas la puissance. C’est amusant et curieux, et correspond à l’humour anglais, un peu dans le style du patron qui candidate dans sa propre entreprise.

Le côté « Entertainment » n’est pas à négliger mais manque un peu de fond, ce qui n’est pas le cas de l’article dont nous parlons.

Après avoir cité une étude qui donne des prévisions peu amènes (la perte récente de 7 % du revenu moyen ne sera pas corrigée avant cinq ans), il démontre que ce qui devrait réellement nous épouvanter est moins le désordre circonstanciel actuel mais la longue descente aux enfers des dernières quinze années qui n’ont pas vu de croissance mais une longue stagnation qui contraste avec le quasi-doublement de 1978 à 2008 suivant le triplement entre 1948 et 1978. Au lieu de voir son revenu augmenter le travailleur britannique constate que depuis 15 ans il ne bouge plus, alors qu’il croissait de 40 % en moyenne tous les trente ans depuis l’après-guerre. En un mot : "Amis britanniques vous êtes entrés dans une phase longue de stagnation structurelle dont vous ne parlez pas alors que vous vous inquiétez pour des difficultés certes agaçantes mais momentanées".

Il souligne avec gourmandise qu’un bon gouvernement est celui qui propose d’excellents services publics, une pression fiscale basse et un endettement faible. Comme en France,  il est bien obligé de constater que c’est exactement l’inverse qui se passe depuis de longues années et qu’il est strictement impossible même de l’espérer. L’hôpital est par terre en France, comme l'est le NHS, le service national de santé. Le reste est à l’avenant. Là où on connaît une vraie différente, elle n’est pas de nature mais de proportion. Notre auteur signale que la dépense publique est plus haute de 4 points de PIB par rapport à la moyenne des périodes précédentes, mais le taux n’est que de 37 %. En France il est de 47 % ! On se souvient que le Général de Gaulle voulait dans les années soixante qu’il reste autour de 32 % et que ni Pompidou ni Giscard (surtout ce dernier), n’ont voulu respecter ce vœu. Et la situation est la même au Royaume Uni et en France pour l’école et les services sociaux.

Ne parlons pas de la dette. La situation est catastrophique dans les deux pays avec une dette qui monte inexorablement, des intérêts dont le service n’a jamais été aussi haut dans l’histoire et des déficits majeurs partout et jamais comblés.

Le résultat est le développement de la pauvreté à la base avec une partie croissante de la population qui a du mal à finir le mois. Une étude a montré qu’un quart de la population ne parvenait plus à mettre 10 livres de côté chaque mois, alors que la proportion était de 3 à 8 % il y a quelques années. Près de 10 % de la population déclare avoir eu faim à un moment ou un autre dans les trente jours précédant l’étude.

L’auteur remarque que des pays comme la Suisse, la Norvège et les États-Unis ont désormais un revenu très supérieur à celui des Britanniques qui a chuté de façon relative sinon en valeur absolue. Comme en France où la situation aux frontières est devenue caricaturale, comme nous l’avons prouvé ici dans de nombreux articles. Pour marquer l’opinion il montre que le revenu des dix pour cent les moins riches est plus bas qu’en... Slovénie !

Le paradoxe affirme Tim Harford est que nous ne sommes pas en récession que l’emploi est au plus haut et qu’il ne faut rien attendre d’un retournement conjoncturel formidable. L’affaire est bien structurelle et non conjoncturelle. Et le devoir des politiques est de l’acter et de la comprendre pour commencer à prendre les mesures structurelles qui s’imposent.

Tout le monde voit bien que c’est exactement la même situation en France alors que les dosages idéologiques médiatiques sont extrêmement différents dans les deux pays.

L’auteur n’ose pas aller jusqu’au diagnostic et aux suggestions de redressement. Mais un autre article dans le même journal quelques pages plus loin, fournit une clé d’interprétation.

Un premier graphique montre la baisse tendancielle du PIB depuis la crise de 2008, par rapport à la tendance 1990-2007 qui était déjà en baisse. Le Japon et l’Allemagne ont bien résisté avec une baisse inférieure à 15 %, la France est à 20 % de baisse et le Royaume Uni à 30 % comme l’Italie. La baisse de la productivité a été très forte en France dans les dix premières années du siècle, mais dans les dix suivantes, l’effondrement a surtout eu lieu aux États Unis, en Italie et au Royaume-Uni.

Regardons les choses avec un peu plus de hauteur :

La crise commence au tournant des années 1970 avec une forte baisse de la croissance qui s’accélère à partir des années quatre-vingt-dix qui s’effondre depuis 2008. La productivité devient structurellement problématique à partir du début du siècle. En fait cette réalité est vraie pour tout le monde avec des différences de situation mais autour d’un même mouvement général dans les pays développés.

La raison principale est l’introduction des changes flottants qui permet les énormes déficits et les excédents de même ampleur. Il s’est ensuivi une suite de récessions périodiques de plus en plus graves (73-74, 92-93, 2 008 2 009) avec des crises intercalaires moins sérieuses mais qui ont eu leurs conséquences. La crise de 2008 a particulièrement ravagé les pays les plus engagés dans la folie financière, les États-Unis et le Royaume-Uni, alors que l’introduction de l’Euro provoquait des crises structurelles dans les « pays du Club Med ». L’ouverture totale du commerce mondial à la concurrence de pays à très bas de revenu, sans obligation d’équilibre des balances extérieures, a détruit les classes moyennes dans les pays développés. Les pays sages et compétitifs ou jouant le rôle de havre fiscal, comme le Luxembourg, ont mieux résisté. Ceux qui ont joué à fond la carte démagogique de l'état providence, sont les plus atteints.

Nous retrouvons là le triptyque que nous dénonçons depuis 25 ans et dont l’évocation était strictement interdite dans les pays anglo-saxons. Il est bon que le Financial Times grâce à un de ses meilleurs journalistes fasse déjà le constat du désastre. Il ne reste qu’à donner les explications de fond. Quand le fait est acté il n’a pas rare que l’explication suive. Et on parvient généralement à écarter les explications creuses (Covid, riches qui ont fait sécession et autres tue l’esprit).

Rappelons que tout cela a été déjà été écrit dans notre livre l’Étrange Désastre, il y a maintenant huit ans !

Tout le système de « welfare » mis en place après-guerre n’est possible qu’à deux conditions : une bonne natalité et une croissance continue. Les forces qui à l’heure actuelle tuent à la fois la natalité et jusqu’à l’espoir d’une croissance militent en fait pour la destruction de l’État Providence. Ce qui se vérifie dans l’actualité française avec la question des retraites, dont le système de répartition est directement indexé sur la croissance et sur la pyramide des âges. Sans croissance et sans enfants, il saute et gare aux tâches !

Quand le journal le Point divague avec des économistes socialistes

Le Point vient de faire paraître une intervention d’Olivier Blanchard et de Jean Tirole, « pour en finir avec les bobards ». Il est utile de faire quelques remarques pour en finir avec les jobards, qui dans la presse, croient qu’ils sont des économistes de référence.

Olivier Blanchard le dit clairement : il est plus à gauche que Macron qui suit une stricte politique à la Hollande gaucharde mais pas trop qui explique les 3 000 000 milliards de dettes, l’effondrement des services publics, des déficits extérieurs jamais vus, 85 milliards d’achats de votes pour la réélection etc. Jean Tirole n’ose pas l’avouer aussi directement  mais il est tout aussi socialiste, comme en témoigne ses suggestions.

En fait ces deux-là n’ont eu de carrière que par leur révérence aux idées dominantes. Ils ont dit oui à toutes les erreurs qui ont été faites et justifient qu’on en commette d’autres.

Écoutons ces augures :

-        Il ne faut pas mettre fin à la mondialisation, sinon on va perdre un facteur de croissance. Toutes les voies de réapprovisionnement sont en difficulté et la vulnérabilité vis-à-vis de partenaires dictatoriaux est devenue patente. Les classes moyennes occidentales sont au bout du rouleau. Mais chut ! On ne change pas un système qui perd.

-        Le dollar va être menacé dans son hégémonie. OK mais on aimerait des précisions sur les conséquences.

-        « Il est important de souligner que l’Europe importe une grosse partie de son énergie » ; Il fallait au moins un O. Blanchard pour nous prévenir. Et en effet, il faut savoir qui va payer. Les truismes les plus énormes sont les plus beaux. Il va falloir réduire notre consommation assez vite. De combien et pour quel résultat ? Pas un mot. Yaquafaukon.

-        Il faut augmenter les impôts des plus riches. Ben voyons !

-        Il faut laisser les prix jouer leur rôle de répulsifs de la consommation. OK. C’est le choix de la Suisse.

-        Il faut créer une taxe carbone pour accroître le répulsif mais pas à la frontière parce que cela va être compliqué ! Les entreprises françaises seraient donc seules à la payer en concurrence avec le monde

-        Il ne faut pas indexer les salaires sur les prix. OK on sait où cela mène. Mais attention aux retraites.

-        Il ne faut pas bloquer les prix. OK. Tout le monde le sait sauf les démagogues.

-        Pas de taxe additionnelle sur les profits sauf pour Total-énergies. Pourquoi elle seulement ?

-        Le problème n’est pas qu’on dépense trop mais mal (rappel : nous sommes les champions du monde de la fiscalité et des charges et tous nos services publics sont effondrés).

-        La cote d’alerte pour notre dette n’est pas atteinte. On peut investir avec de nouvelles dettes. Et allons-y ! Jusqu’où ?

-        La dette italienne ne posait pas de problème avec Draghi et en posera avec tout autre. Vade retro Meloni l

-        Les banques centrales devront se poser la question : réduire l’inflation ou non. Belle analyse originale…

-        La réforme de l’ISF a été une erreur. Pardi ! Les riches doivent payer.

-        Mais vaut mieux taxer les multinationales ! Au boulot ! Elles peuvent partir, elles.

-        Il faut inciter les Français à travailler plus longtemps en réduisant les maladies chroniques et en augmentant la formation. Les fonctionnaires tremblent déjà ! Les éboueurs et les employés de piscine de la mairie de Paris aussi.

-        Il faut mettre en œuvre la réforme des retraites par point. Après cinq ans d’atermoiements et de crispations, qui ont montré la quasi-impossibilité politique de mettre en œuvre une réforme aussi globale, ils en sont encore là !

-        Il faut des incitations financières pour travailler plus longtemps. Ah oui ! Mais lesquelles ? Mais surtout pas de pression pour retourner plus vite au boulot.

-        Où sont passés les travailleurs de l’hôtellerie-restauration ? Une fois qu’on saura,  on pourra trouver des réformes. En attendant ne touchons pas à l’indemnisation du chômage. Le fait de conserver 5 millions de chômeurs alors que les entreprises ne trouvent personne quand elles recrutent ne pousse ces gens à aucune réflexion. Un petit budget de recherche est toujours bon à prendre. Vive la dépense efficace…

-        Il faut faire correspondre les formations aux besoins de l’entreprise. Super ! Quels experts !

-        Vive la taxe carbone réservée aux Français. Bis repetita.

-        Il faut des interdictions pour lutter contre le réchauffement. Voici qui est clair. On peut avoir la liste ?

-        Croire que la transition n’affectera pas la croissance est espérer le beurre et l’argent du beurre. D’accord. Mais quelle perte de croissance et de prospérité ? Chut ! Et pour quels résultats sur la température ?

-        La « carte carbone » signée Piketty est impraticable. La taxe carbone donnera à l’état de l’argent à redistribuer. Taxer, taxer, taxer… mais plus simplement.

-        Taxons les riches mais avec des moyens simples. Ben voyons, il n’y a pas d’impôts en France.

-        Il faut augmenter l’impôt sur l’héritage et la transmission. Il faut redistribuer le capital financier pour répartir le capital culturel. Encore et toujours. Salauds de riches. Importons des millions d’immigrés et le capital des riches permettra de les mettre à niveau. Chouette !

-        Le programme de la Nupes conduit à la sortie de l’Europe. Donc c’est mal. Socialiste d’accord mais pas contre l’Union Européenne. Ce serait le seul problème ?

 

Les résultats économiques de la France sont désastreux. L’indigence de nos économistes officiels socialistes n’y est pas pour rien. Nous présenter ce tissu de banalités et de pétitions de principe en faveur de la mondialisation, de l’Union européenne, des taxes, et des impôts sur les riches comme un livre de référence écrit par des économistes de classe mondiale est le plus grand bobard du Point.

Banques centrales, vertu et inflation !

Dans un système d’information aussi « construit » que le nôtre, le flux de la communication a pour but principal de protéger l’échafaudage politique et social dominant, ce qui est parfaitement normal. Les sociétés peuvent être convulsives mais pas suicidaires. Le bureau des légendes est bien en place sans qu’on sache très bien séparer ce qui est de la propagande pure, de l’erreur ou de la simple facilité. Une difficulté plus récente provient de la multiplicité des bureaux des légendes : entre ce qui provient de l’ONU et des ONG rattachées, financées par une multitude de sources, ce qui est émis par les institutions européennes en général en proximité avec les précédents, et la chanson proprement nationale qui elle-même a tendance à rejoindre les précédentes.

Nous avons déjà traité mille fois sur ce site de la question de la surcharge du rôle des banques centrales dans la gestion de l’économie d’abord puis de la société. Depuis l’abandon des disciplines de Bretton Woods, à l’initiative des États-Unis qui souhaitaient pouvoir profiter à fond du privilège du dollar roi, ancre du système monétaire mondial, les états ont cessé d’être les régulateurs des flux financiers et commerciaux au profit des banques centrales indépendantes. Précédemment les échanges devaient être équilibrés et les grands déficits et excédents étaient bannis. C’était le rôle des États nationaux avec un censeur et un assistant, le FMI. Nous avons montré notamment dans notre premier livre l’étrange désastre que les énormes déficits et excédents qui en ont résulté ont provoqué des crises à répétition (1973, 1992, 2 008 pour les plus graves). À chaque récession les banques centrales ont lâché la création monétaire pour maintenir la valeur des actifs, provoquant les conditions d’une crise plus grave un peu plus tard. La mondialisation de la production permettant de baisser les prix de fabrication, l’effet sur l’inflation était jugulé au prix d’une stagnation du revenu salarial des classes moyennes dans les pays riches, partiellement compensée par les prix bas des produits désormais importés, et d’un écart de plus en plus grand avec les possesseurs d’actifs dont la valeur était gonflée artificiellement par la création monétaire des instituts d’émission.

On notera que tout le monde s’acharne sur les effets : écarts entre riches possédants et pauvres travailleurs, stagnation du pouvoir d’achat et chômage important dans les pays développés, montée des populismes, mais refuse obstinément de voir la cause principale : les changes flottants et la disparition des contraintes internationales en faveur de l’équilibre des balances commerciales et de paiements.

Le point d’orgue de cette organisation tragique a été évidemment la crise de 2008 doublée par la crise Trichet de la zone Euro de 2011. On a noyé la faillite du système financier par des créations monétaires fabuleuses qui n’ont pas eu d’effet sur l’inflation d’abord à cause de la crise économique provoquée par la panique financière et aussi du fait de la relance du commerce extérieur par des accords de libre-échange nombreux. Mais l’absence d’inflation est principalement dû à ce fait tout simple que la banque centrale a simplement sauvé les banques par un jeu d’écritures tout en demandant aux gouvernements de cadenasser l’activité des banques pour éviter de nouvelles dérives. Les banques sont devenues des institutions contrôlées à vocation vertueuse. Les banques centrales devenaient des mères la vertu.

Du coup on a cru que les banques centrales pouvaient noyer de monnaies nouvelles toutes les grandes questions sociales et sociétales et pas seulement les crises boursières et financières à répétition.

En provenance des États-Unis et des grandes Organisations Non Gouvernementales, s’est créé un mouvement très fort présentant la nécessité de lutter farouchement contre le réchauffement climatique, de donner le pouvoir aux femmes, d’exalter les minorités et d’abaisser les puissants historiques, en fait le mal blanc hétérosexuel. Comme tous les mouvements idéologiques jusqu’à la religiosité, on a vu apparaître d’insupportables Savonarole éructant des outrances diverses, mais surtout la création par les instances internationales et cascadant sur les nations, d’un courant d’injonctions qu’il était interdit de discuter et qui imposait à tous le devoir de chanter la bonne chanson et d’agir en conséquence.

On a donc nommé des femmes à la FED et à la BCE, les deux banques centrales les plus puissantes. Mme Lagarde a parfaitement compris le message : la voilà qui déblatère sur sa mission « principale » pour laquelle « elle se mobilisera totalement » qui est l’émancipation de la femme partout et notamment en Afrique et au Moyen Orient ! « Marraine de FinanciElles, qui regroupe treize réseaux de femmes de la finance, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) a réaffirmé ses convictions lors la journée de débats organisée le 16 novembre pour les 10 ans de l’association ». C’est que la banque centrale peut conditionner ses prêts aux banques en fonction du sexe de leur président, de l’inclusivité inscrite dans leur politique de prêt et dans leur pratique managériale, de la qualité écologique de ce qu’elles financent. Une véritable dictature de la vertu sans autre loi que la pression sociale et sa soumission aux courants dominants venant des ONG.

Pour faire bonne mesure elle invite Greta Thunberg et s’engage dans le mouvement qui veut contraindre la finance à être verte pour être vertueuse. « Pire, du point de vue de l'orthodoxie allemande, la nouvelle présidente de la BCE a aussi proposé début septembre devant le Parlement européen, ce qui serait une disruption majeure : que la BCE intègre le changement climatique dans les objectifs de sa politique monétaire. Elle s'est évidemment attirée en réponse une volée de bois, vert évidemment, de la part du président de la Bundesbank pour qui une telle orientation, qui permettrait pourtant de doper le marché naissant des « obligations vertes », serait "contraire aux traités européens ».

On pourrait dire : voilà une femme politique consciente des nécessités à plus long terme de sa carrière politique pas une vraie banquière centrale ! Ou mieux encore : voilà une femme conscientisée qui a compris que tout devait être mis en œuvre pour mettre fin à la domination du mâle blanc hétérosexuel et sauver la terre du réchauffement. Ou plus vicieusement : c’est la condition pour devenir premier ministre de Macron. Le ralliement à Macron de Muselier, dont le couple fréquente avec celui de Lagarde l’île Maurice avec délectation, d’où le bronzage permanent des deux, laisse penser qu’elle aura besoin d’un ministre sympa.

Malheureusement, l’évolution vers la vertu en toc dépasse le cas des individus qui gèrent ces institutions. On va le voir avec la crise exogène provoquée par le virus Sars Cov 2. Pris à revers par une crise sanitaire totalement non anticipée malgré les épisodes à répétition des décennies précédentes, sida, vache folle, H1N1, Ebola…, avec une gestion initiale menée en dépit du bon sens après avoir été trop influencée par la manière dont la Chine avait traité l’infestation, les gouvernements occidentaux ont arrêté la production en confinant les activités économiques de façon exagérée. Ils ont demandé à nouveau aux banques centrales de financer la perte de revenu correspondant. L’hélicoptère à monnaie a décollé. L’ennui, c’est qu’il ne s’agissait plus d’un jeu d’écritures entre banques centrales et banques d’affaires, sous la houlette de l’Etat bienfaiteur, mais d’une vraie perte de richesse produite. Créer des signes monétaires en masse, sans produire en contrepartie, a une conséquence automatique : l’inflation. Elle ne s’est pas vue tout de suite dans les prix du quotidien du fait de la récession des marchés alors que la valeur des biens immobiliers et des actifs financiers s’envolait. Mais dès le retour à une situation plus normale, l’inflation s’est installée comme nous l’avions anticipé. Oh Surprise !

Le graphique que nous joignons à ce billet est tout à fait explicite. L’inflation démarre fort à partir de juin-juillet 2021, pas avril 2022, neuf mois avant tout de même ! Les propos lénifiants sur une inflation frictionnelle temporaire dans l’attente du retour à la normale en quelques mois se sont heurtés à la réalité irréfragable. Les prix s’envolaient du fait de l’écart entre production et distribution de monnaie à gogo ! Une loi économique que tous les économistes apprennent en première année d’université.

Là-dessus, voici le nouveau président Biden qui demande au Congrès de lancer un plan de reprise démentiel sur fond d’inondation monétaire préalable ! Et l’inénarrable président Macron déchaîne l’achat de votes et suscite une épidémie de mesures de distribution de prébendes pour être réélu, à des niveaux jamais vus, tout en essayant d’éteindre le feu inflationniste par des mesures de blocage des prix artificiels et des expédients. Un feu roulant d’artifices et de faux-semblants. Tout en expliquant qu’il avait créé une croissance jamais vue et réduit le chômage comme un fortiche. Ce village Potemkine économique ne pouvait que voler en éclat. En ajoutant qu’il allait mettre son prochain quinquennat sous le signe de la planification de la transition énergétique dont le coût est prodigieux et l’impact sur la production récessive, il se livrait à la monstration exemplaire des clous du cercueil économique qu’il allait construire, tout en faisant suinter son féminisme essentiel et son goût pour la promotion des minorités. Mme Lagarde et la BCE avec nous !

Pour une France endettée quasi à trois mille milliards d’euros et non compétitive, avec des comptes publics effondrés dans les déficits, entrant en inflation intense, la question était déjà en septembre 2021 : qui va financer toute cette débauche de destruction de richesses et de dépenses improductives ?

La conséquence de l’opération russe en Ukraine a été l’explosion des prix de l’énergie, la création de pénuries massives, la désorganisation de presque tout. Puis l’arrêt brutal de la croissance. Un premier trimestre à zéro de croissance alors qu’on chantait le miracle d’une croissance à un taux de 8 % jamais vue depuis la guerre grâce à la politique subtile d’Emmanuel Macron !

Voici les banques centrales sollicitées de financer le réarmement de l’Occident, le financement de la crise énergétique et la conversion de l’économie pour sauver la terre, la promotion de la femme et des minorités, la couverture sociale et la sauvegarde de l’Etat providence, alors que l’inflation explose. Contradictions ? Non : Impasse totale. La seule mission statutaire de la BCE est de conserver l’inflation dans les limites de 2 % !

La crise en Ukraine donne la mesure des conséquences des politiques de réduction de l’offre énergétique. Coût démesuré, financement impossible, inflation aggravée, pertes de revenus, pénuries massives, etc.

Certains délires récents dans la presse font désormais franchement rire. On se rappelle cet article du Monde où un penseur cosmo planétaire suggérait que la BCE fournisse des milliards (sans jamais espérer un remboursement) à Airbus pour que l’entreprise cesse toute activité aérienne et se recentre sur des productions écologiques ! Alors que les seules forces économiques françaises sont le luxe, le tourisme, l’aviation et plus généralement les transports.

Cette France qui a voulu jouer en 1981, seule dans le monde occidental, la grande tragédie du socialisme réalisé au même moment où le monde entier abandonnait cette sottise, est désormais, en politique intérieure, encerclée par les extrêmes, et à l’extérieur dans une situation humiliante avec une menace sur sa survie même comme grande puissance.

Qui fait confiance à la petite camarilla qui détient le pouvoir pour sortir le pays de l’ornière où il est enlisé ? Prêt à rien et capable de tout, prêt à tout et capable de rien, Macron réélu triomphalement sans vrai combat, est pris au dépourvu.

Même si la guerre en Ukraine ne dérape pas et s’arrête assez vite, ce qui n'est pas la projection commune, on ne voit pas trop comment la sortie de crise peut être indolore, sauf à revenir aux quarante heures, à réduire les congés payés, à instituer la retraite à 67 ans pour tous, tout en étalant dans le temps la conversion énergétique et en réduisant drastiquement l’emprise bureaucratique des administrations et l’ampleur des redistributions. Peut-on remettre vraiment la France au travail et espérer qu’elle fasse des réformes critiques qu’elle refuse obstinément depuis 50 ans, avant qu’une récession sévère ne se produise, alors qu'aucune des questions critiques n’a été traitée pendant la campagne électorale et qu’on a laissé croire que le faire pousser le pouvoir d’achat était le rôle central du Président de la République ?

The Economist constate soudain que les banques centrales sont saturées de missions politiques et sociétales qui ne sont pas de leur rôle statutaire et exige qu’on en revienne à l’économie et seulement à l’économie. C’est le bon sens. Mais il lui reste à faire le pas décisif : on ne peut pas confier la régulation de la mondialisation à des banques centrales. Ce sont les États qui doivent être à la manœuvre et dans des cadres mutualisés contraignants.

La plus grande vertu est de ne pas faire des banques centrales une forme nouvelle de sacristie. La plus grande sagesse est de laisser à la loi et au débat le soin de fixer le champ des libertés, et non de détourner les fonctions des institutions techniques pour qu’elles conditionnent la vie des gens selon les canons du politiquement correct selon le bon vouloir de leur gouvernance, choisie sur les mêmes critères du politiquement correct.

La banque centrale « woke », face à Poutine, au désordre mondial, et surtout à l’accélération de l’inflation, c’est fini.



Un anniversaire bâclé : la destruction des Accords de Bretton Woods.

Dans un mois exactement, le 15 août, le monde fêtera l’anniversaire de la décision économique la plus néfaste de la seconde partie du XIXe siècle : l’abandon de facto des accords de Bretton Woods qui avaient été conclus 27 ans auparavant. À part Jacques Rueff, personne n’avait perçu la gravité d’une manœuvre qui allait signifier rien de moins que la fin des Trente Glorieuses et pour la France un basculement qui finira par le grand déclassement que la crise sanitaire en cours a rendu évident au plus grand nombre.

Pour ceux que cela intéresse, nous avons traité de cette tragédie dans deux livres, d’abord l’Étrange Désastre* qui retrace la déchéance économique provoquée par l’abandon des disciplines de Bretton Woods, puis dans La Monnaie du Diable* qui fait l’histoire géopolitique de la monnaie de 1919 à 2019. Il nous était apparu lors de conférences que personne ne comprenait la question monétaire et ne se souvenait plus de Bretton Woods. Il faut dire que le seul livre paru en Français sur cette question, écrit par un des participants français, datait des années cinquante. Il ne restait plus dans l’esprit général que quelques simplismes. Au mieux.

Rappelons ici quelques éléments marquants.

Au moment où l’issue d’une guerre mondiale terrifiante paraissait désormais inéluctable, l’effondrement des forces de l’Axe étant manifeste partout, une négociation s’est conclue qui avait commencé… en juin 1940 entre Britanniques et Américains. Tout le monde a oublié qu'après l’effondrement militaire de mai quarante, l’Allemagne a proposé ses conditions de paix et d’organisation monétaire de l’Europe, Hitler cherchant à terminer la guerre à l’ouest par un accord honorable avec le Royaume-Uni. Le plan Funk, avec ses variantes dues à Goering et quelques autres pouvoirs dissidents (le régime nazi était loin d’être monolithique et les factions en guerre intestine presque tout le temps), mettait en place deux organisations parallèles : l’Europe, selon des schémas qui ressemblent beaucoup à ce qui sera mis en place plus tard, et un système monétaire européen basé sur une monnaie pivot, évidemment le Reichsmark et un système de compensation très proche du système actuel.

J.-M. Keynes, sollicité de trouver des arguments pour contrer la propagande autour du plan Funk, surprendra ses commanditaires en expliquant que les principes du plan allemand (la compensation) étaient formidables, même si les modalités étaient malhonnêtes (les nazis ayant la volonté de ne jamais solder ses positions déficitaires) et qu’il fallait qu’il soit pris en compte par les bientôt alliés ! Churchill impose, de peu, la poursuite d’une guerre totale « jusqu’à la victoire », même en cas d’envahissement du territoire anglais, mais doit rapidement obtenir des fonds car il n’a pas les ressources pour poursuivre la guerre seule. Pendant quatre ans, les questions financières cruciales immédiates mais aussi l’organisation future du système monétaire feront l’objet de débats et de discussions plus ou moins houleuses. Les pays alliés et la France combattante y seront associés. Après le débarquement réussi en Normandie à l'ouest, l’effondrement allemand face à l’opération Bagration à l’est, les reculs définitifs du Japon en Extrême-Orient, Roosevelt, qui lance sa dernière campagne électorale, sent le besoin d’un grand succès diplomatique et organise la conférence dit de Bretton Woods, un grand hôtel dans la fraîcheur des montagnes proches de New York. L’endroit a été choisi pour permettre à J. M. Keynes de participer (il souffre de problèmes péri cardiaques aujourd’hui bénins grâce aux antibiotiques mais insolubles à l’époque).

La conférence cherche à résoudre deux difficultés : ne pas recommencer les erreurs commises à la fin de la guerre de 14-18 qui conduiront d’un côté aux troubles allemands (la grande inflation, l’arrivée des nazis) et Japonais (l’étranglement pétrolier) et aux deux guerres de revanche, et de l’autre à la crise de 1929 et ses suites. Première idée, développée par Keynes dans les années vingt, est qu’il ne fallait pas ruiner et maltraiter les pays vaincus, en dépit des immenses pertes qu’ils avaient infligés aux pays vaincus, mais au contraire leur permettre de revenir le plus vite possible dans l’effort productif global. C’était une idée neuve et qui aura les conséquences les plus heureuses pour les deux pays vaincus qui deviendront des mastodontes économiques en contrepartie d’être longtemps des nains diplomatiques.

La seconde idée, toujours fournie par Keynes était la nécessité d’une organisation multilatérale permettant de gérer la coordination des politiques monétaires afin qu’une crise dans un pays ne soit pas amplifiée au point de déboucher sur une crise globale. Des changes fixes mais ajustables raisonnablement, par négociation, l’aide aux pays en difficulté de balance de paiement par des prêts mutualisés, la création de liquidité internationale en cas de crise grave, un organisme de contrôle et d’animation, le Fonds monétaire International, tel était l’idée de manœuvre.

La troisième idée était celle du financement de la reconstruction et des aides financières, avec la création de la banque Mondiale et l’élaboration d’une stratégie d’aides mutualisées pour accélérer le développement.

Tout cela était extrêmement nouveau et a passionné tous les participants qui ont joué le jeu de bonne foi.

La conférence a dérivé assez loin des idées de Keynes lorsqu’il s’est agi de fixer la référence de la base monétaire commune. Le retour à l’étalon or pur était impossible pour une raison élémentaire : tout l’or était aux États-Unis qui n'entendaient pas le voir quitter Fort Knox et qui produisaient à peu près la moitié de la richesse mondiale. On a donc établi un étalon de change-or, où le dollar était l’étalon et l’or l’ancre de l’étalon. Cela voulait dire que les États-Unis assumaient une responsabilité particulière : garantir par sa politique économique globale (interne et externe) le respect de la parité dollar-or. C’était une gageure, car le système donnait aux États-Unis le pouvoir de régler tous ses déficits éventuels de façon indolore dans sa monnaie, et la fourniture de dollars au monde supposait de créer un déficit structurel de la balance des paiements.

Les États-Unis développaient également une autre politique purement personnelle : la disparition des colonies et leur régime protégé, pour obtenir de nouveaux débouchés. Il faudra la décision de Churchill de refuser d'aller à Bretton Woods dans un tel cadre pour que le président des États-Unis renonce à imposer immédiatement la disparition de la préférence impériale britannique.

Les Accords étaient imparfaits. L’aide à la reconstruction s’avérera totalement insuffisante, les monnaies françaises et anglaises s’effondrant radicalement. Du coup, il faudra inventer en urgence le plan Marshall et la Bird se concentrera sur les ex-colonies des pays européens sommés de décoloniser, l’assistance au développement passant des pays colonisateurs aux institutions mondiales. Ce qu’ils feront tous dans les 20 ans suivants la conférence. Surtout, après dix années de redémarrage brillant, le besoin de dollars était moins net, le Japon et l’Allemagne ayant tendance à accumuler les dollars émis généreusement puis de façon irresponsable par les États-Unis. Irresponsable du point de vue de la structure des accords de Bretton Woods qui imposaient de respecter la valeur or du dollar.

Les plans grandioses de réformes intérieures américaines et d’actions extérieures (espace, guerres du Vietnam, « containment » de l’URSS) ont induit une telle cavalerie monétaire que rapidement l’avenir de l'étalon de change-or s’est révélé précaire. On se souvient de la conférence du général de Gaulle, restée célèbre, exigeant le retour à l’étalon or. En fait J. Rueff ne voulait pas le retour aux mécanismes de ce système qui implique que des récessions permettent le retour aux équilibres perdus. Le slogan de Bretton Woods : « non aux récessionnistes » était un mantra généralement partagé, même chez les tenants de l’orthodoxie monétaire passée. Ce qui était demandé, c’est que la référence du système ne soit plus le dollar mais l’or, les États-Unis étant remis sur un pied d’égalité avec les autres nations. Tous les autres principes de Bretton Woods notamment l’existence de règles et l’obligation de les respecter, et, surtout, les mécanismes de compensation et d’aides mutualisées pour éviter les récessions à répétition.

Les Américains ont alors élaboré une réponse nationaliste absurde qui ne pouvait aboutir qu’à des mécomptes : « mes déficits sont de VOTRE responsabilité ». « Moi je fais ce que je veux et c’est à vous de faire les efforts nécessaires pour réduire mes déficits », ce qui est strictement impossible, si la première puissance du monde, détentrice de la monnaie de transaction du monde, lâche les dépenses sans limite. La première page de Time magazine, donnée ci-dessous, traduit assez bien les éléments de langage américain : « vous êtres des vicieux qui cherchaient à me ruiner et à me dépecer comme des rats à casque nazi ». Les Européens tenteront de manipuler le marché de l’or pour que la dévaluation du dollar n’apparaisse pas trop. Mais toutes les béquilles finiront par casser et ce sont les Allemands, las d’importer de l’inflation américaine, qui mettront fin à la mascarade en proposant les changes flottants et en refusant d’appliquer les règles de compensation prévues dans les Accords. La réponse le Nixon sera le refus d’appliquer les engagements que les États Unis avaient pris de repayer en or les dollars accumulés par les autres pays. Tous les créanciers ont été floués. Ils croyaient détenir une créance or, ils se sont retrouvés avec du papier.

Lorsque le Wall Street Journal évoque, dans son numéro du 5 juillet, la fête des « 50 ans de la révolution du système monétaire », il précise qu’elle a été rendue nécessaire « par la concurrence féroce des produits manufacturés du Japon et de l’Allemagne ». Féroce veut dire déloyal naturellement. On ne doute pas que la « révolution » a été bénéfique même si on admet que la flottaison rend les choses un peu instables, complexes et imprévisibles tout en provoquant l’apparition d’une économie baudruche basée sur des gains de casino et les crises bancaires fréquentes, alors qu’elles avaient disparu. C’est que les changes flottants ont permis « de s’adapter rapidement » par exemple aux variations des prix du pétrole ! Prix qui ont explosé après l’introduction des changes flottants et la chute vertigineuse du dollar ! De qui se moque-t-on ? Ils auraient permis de créer de « l’interdépendance » alors qu’on a brisé l’interdépendance structurelle du système de changes précédent, et éviter des guerres (lesquelles ?). Donc Nixon a pris des décisions judicieuses… mais qui montreraient tout de même leurs limites cinquante ans après, parce que tout le monde en a marre du terrorisme monétaire, financier et légal américain. La solution judicieuse serait désormais périmée.

Ce qu’il fallait faire entre 1973 et 1976, c’est une réforme des accords de Bretton Woods qui sauve l’essentiel : les règles de non-déficits et de non-excédents majeurs, la coopération interétatique pour éviter les récessions, la surveillance. Une occasion majeure formidable de créer un système sain et durable a été perdue à cause de l’attitude américaine. L’inconvertibilité temporaire s’est muée en Accords de la Jamaïque, à Kingston, au bord d’une piscine, où le fat Giscard s’est rengorgé en faisant des effets de maillots de bain, un non-système basé sur le chacun pour soi et les changes flottants sous pression américaine, dont les conséquences vont être tout simplement dramatiques.

Dès 1973, le monde connaît une première récession mondiale, « la pire depuis 1929 », et une chute du dollar qui conduit les pays producteurs de pétrole aux actions de cartel que l’on connaît. Mais la crise de 1973 n’a pas été une crise pétrolière. Celle-ci a été une conséquence aggravante. Les énormes déficits et excédents entraînent la création d’une économie financière déconnectée de l’économie générale. La spéculation s’impose partout. Les prêts aventurés massifs finissent toujours par s’effondrer. Les crises financières ne vont plus cesser, avec un épisode sanglant en 1992-1993 une nouvelle fois « la pire depuis 1929 », jusqu’à la grande crise de 2008, qui flanque par terre l’économie occidentale et dont les conséquences se font encore sentir.

Les États-Unis mettre en œuvre quatre politiques :

-        Le TFTEA : C’est une loi Obama qui sera appliquée sans faiblesse par Trump et qui est toujours de bras armé de Biden. Son principe : mes déficits sont nécessairement la faute des pays en excédents et pas de la mienne. Ce sont des ennemis déloyaux qui s’en prennent à la substantifique moelle des États-Unis et qui doivent être châtiés. On en revient à la caricature de Time magazine sur les cloportes qui se nourrissent abusivement sur le dos des Américains.

-        L’encadrement dingue des activités de banques, la suppression d’une partie des paradis fiscaux, les sanctions démesurées imposées par l’extériorisation des lois américaines. L’activité des banques de dépôts et la liberté des déposants se retrouvent totalement ligotées. Mais pas celle des fonds de pension et autres « funds » américains !

-        La remise en cause des principes multilatéraux sur lesquels le monde fonctionnait depuis 1945.

-        L’obligation pour les banques centrales de créer des milliers de milliards de dollars pour compenser les pertes accumulées par le système des changes flottant, avec des taux d’intérêt qui finiront par être négatifs.

C’est dans ce contexte totalement artificiel, injuste, déséquilibré jusqu’à l’absurde et précarisé, que va se produire la crise sanitaire, avec une perte de production surcompensée par la création monétaire des banques centrales, le gonflement dément de l’encours de dettes globales et des conflits latents entre tous les pays et tous les blocs.

Pour aggraver le tout, les Fédéralistes européens, au lieu de créer un pôle de stabilité monétaire basé sur une unité de compte commune et un système de type Bretton Woods, imposent la monnaie unique qui ne permet aucun ajustement sauf à pratiquer des récessions plus ou moins contrôlées, et en dépouillant les nations de toute souveraineté.

Le monde vit donc avec deux systèmes monétaires dysfonctionnels qui imposent des récessions périodiques, tout ce que voulaient éviter les membres de la conférence de Bretton Woods. Les « récessionnistes » sont à la manœuvre, assistés par des explosions de création monétaire des banques centrales. Et le monde n’est plus qu’un champ de combats douteux sur fond de ruine générale du monde occidental.

Ne parlons pas de la France devenue un territoire pour dirigeants lamentables et antinationaux, qui se font filmer avec l’air triomphant parce que Mme Van der Leyen a dit oui à un de leur plan et font semblant de diriger un pays éventré et en pleine déliquescence.

Après la crise financière et la crise sanitaire se présente le délire d’une politique écologique aussi ruineuse que sans effet sur le climat, qui peut achever de mettre le pays à genoux et a le potentiel de créer dans un horizon assez proche une situation à la libanaise.

Face à ces perspectives sinistres, les seules personnes habilitées à parler économie sont Picketty, l’obsédé fiscal maladif, Blanchard, le soumis qui n’a jamais été capable au FMI de faire valoir les méfaits des changes flottants, et Tirole, un prix « Nobel » d’économie qui pense que l’impôt aggravé sur les successions est la solution pour un pays déjà leader mondial des impositions.

Rencontré fortuitement lors de l’enterrement de Gabriel Milesi, Jean Hervé Lorenzi était très content : tout allait bien ! Ce qui sera la tonalité des journées d’Aix en Provence. La BCE crache au bassinet ; l’argent coule à flots pour la haute finance ; l’État peut se goberger dans des dépenses extravagantes ; M. Macron peut faire face à toute contestation en arrosant les clientèles à gros bouillon. La reprise va être majestueuse ! Tout va bien Madame la Marquise. Les propositions faites au terme de ce Davos du pauvre sont d’une indigence rare. Aucune discussion sur les structures dysfonctionnelles de la monnaie et du commerce international. Il faut former la petite enfance, généraliser la garantie jeune (permettant de boucler la gratuité de la vie de la naissance à la mort), alléger les contraintes européennes, coopérer pour la cybersécurité, baisser les impôts sur la production, garantir les placements privés dans l’industrie, augmenter les annuités de cotisation à la retraite mais en étant généreux avec des catégories sensibles, et augmenter les bas salaires. C’est gentil, totalement insignifiant, ruineux pour l’État (pas grave, il y a la BCE, on peut y aller). Et surtout aller franchement vers la neutralité carbone en 2050, sans avoir chiffré le moins du monde ni les coûts de la décarbonation (ce qui devrait être son rôle prioritaire), ni l’efficacité sur la moyenne des températures mondiales. Du politiquement correct total et du politiquement économique insignifiant comme d’habitude. L’important c’est qu’il ait du monde à Aix et que tout le monde reste béat d’optimisme.

Vive la crise en chantant. Avec la destruction de Bretton Woods c’est aussi à la destruction des grands économistes à la française (Jacques Rueff, Maurice Allais, Alfred Sauvy) qu’on a procédé. Tout le monde s’amuse dans les médias à souligner l’extraordinaire baisse du niveau intellectuel des dirigeants français. Pour les économistes officiels français, ce n’est plus une baisse mais un anéantissement.

À moment où la campagne présidentielle s’ouvre, on peut craindre qu’elle soit totalement détournée de sa fonction naturelle : permettre aux électeurs de bien apprécier la situation et d'arbitrer entre les solutions.

C’est dommage. L’anniversaire de la destruction des accords de Bretton Woods offrait pourtant une excellente occasion de faire comprendre au pays pourquoi le PIB par tête se traîne en France fin 2020 au même niveau qu’en 1980 et de lui présenter les axes d’une politique de grand redressement. .

Didier Dufau

 

*Ces deux livres sont disponibles à la librairie en ligne du Cercle « e-toile « à l’adresse https://editions-e-toile.fr/



L'excellent livre du professeur Peyromaure

pourquoi les soins sont-ils partis en déshérence en france ?

Disons le d’emblée, s’il n’y avait qu’un livre à lire sur la crise de l’hôpital ce serait celui, exceptionnel, du Pr Michaël Peyromaure. Pourquoi est-il exceptionnel ? Parce qu’il décrit la réalité et ne s'embarrasse pas des prudences habituelles ni surtout des allégeances faciles. Qu’on me permette d’ajouter qu’il rejoint des analyses que nous avons faites ici depuis de début de ce blog, le premier article concernant le traitement ridicule des ALD, affection de longue durée, prises en charge à 100 % sans raison majeure, d’autres articles ayant dénoncé le service universel de transport vers l’hôpital et retour, scandaleux gaspillages pourris de fraudes diverses, d’autres encore le développement vertigineux de la bureaucratie, et la soviétisation du système de soins, particulièrement à l’époque de Mme Bachelot, mais en fait depuis Alain Juppé avec un point culminant avec Marisol Touraine, sotte prodigieuse et témoin des dérives disons familiales de la classe dirigeante, notamment socialiste, pour ne pas parler de consécration d’un népotisme crapoteux.

Pour avoir, à deux reprises, été appelé à intervenir dans des difficultés d’organisation hospitalière, j’ai une petite expérience des particularités du milieu et il faut le dire, ces difficultés viennent de partout, et en particulier du corps médical lui-même. Ce que j’admire chez le Pr Peyromaure, c’est justement sa capacité à ne pas rejeter uniquement sur « les autres » toutes les fautes et à prendre sa part de critiques. Il n’y a aucune idéologie et aucun esprit de clan dans son livre. Il admet les défauts du système purement mandarinal ; il reconnaît la nécessité du contrôle de gestion ; Il sait la complexité des questions et quels équilibres fragiles sont en cause.

Pour être d’une génération précédant la sienne, j’ai mieux connu la période précédant son arrivée à l’hôpital et pourrais compléter sa connaissance sur les bizarreries qu’il fallait affronter encore au milieu des années soixante-dix. Il n’imagine sûrement pas qu’à l’AP-HP, la tenue des comptes devait être effectuée en couleur, tous les soldes débiteurs étant inscrits sur les registres en rouge. Les imprimantes de l’époque étant monocolores, cela interdisait l’informatisation de la comptabilité ! Pour changer ce petit problème, il fallait une loi ! Cette sottise durera près de sept ans avant d’être levée. Juste au moment où les imprimantes devenaient multicolores !

Dans les années quatre-vingt une nouvelle difficulté s’est révélée avec l’arrivée des micro-ordinateurs. Certains médecins se sont mis en tête de réaliser soit avec des L4G du marché soit des tableurs, et sur les systèmes qu’ils considéraient les meilleurs, des programmes informatiques plus ou moins intéressants et toujours totalement incompatibles avec quoi que ce soit, qu’ils jugeaient naturellement sublimes. Il est vrai que l'administration s’entêtait à concevoir des usines à gaz vieillottes et consternantes parfois sous-traitées à des sociétés intermédiaires « familiales », chut, et qui n’avaient strictement aucun intérêt pour les services hospitaliers sinon de bien nourrir quelques intermédiaires disons amis.

Aujourd’hui, l’informatisation des actes de l’hôpital est « fascisante » : vous ne pouvez rien faire qui ne soit pas conforme à une norme, et il faut demander à la machine le droit de pouvoir agir et consigner à la machine le résultat de vos actes. Le médecin comme l’infirmière sont totalement déresponsabilisés au nom d’une meilleure médecine, comme il y a un meilleur des mondes et surtout du principe de précaution qui pousse surtout à éviter toute responsabilité. Alors on utilise l’informatique non pas pour soigner le malade mais pour protéger le système.

Certains aspects de la réalité échappent partiellement à la sagacité de notre auteur. Il n’est pas économiste même s’il s’intéresse à la discipline et en suit bien des aspects. Il ne peut pas voir que la grosse différence entre les années soixante-quatre vingt et maintenant, c’est que le PIB par tête a doublé dans la première période et est restée stagnant dans la seconde. Le développement médical et notamment hospitalier a été foudroyant dans la première, extrêmement compliqué dans la seconde.

Il faut comprendre quelle a été la macroéconomie des décisions prises par le système politique dans un contexte de stagnation pour comprendre la situation médicale actuelle.

Première décision : limiter l’offre de soins.

Seconde décision : privilégier l’administration et la bureaucratie

Troisième décision : opter pour la démagogie électoraliste des gratuités généralisées à tout et à tous.

Ces « décisions » n‘ont jamais été assumées, de même que jamais le système n’a cherché à comprendre les causes de la stagnation économique. C’est la raison profonde de la création de notre petit cercle qui a dès le départ voulu donné une explication globale des crises à répétition, des causes particulières de l’effondrement français, et des aggravations dues aux politiques européistes. Il a par ailleurs privilégié la compréhension du phénomène de capture bureaucratique (l’énarchie compassionnelle) et les effets délétères des gratuités électoralistes, dans de nombreux domaines, dont celui de la santé.

Le Dr Peyromaure a parfaitement raison de signaler la responsabilité des Français eux-mêmes. On leur a servi la politique qu’ils voulaient et qui était suicidaire. L’échec de François Fillon a commencé lorsque les Français ont compris qu’il y aurait sans doute un peu moins de gaspillage et de gratuité dans la santé. « Ma santé, c’est sacré ». Gare au politique qui ne tient pas compte de cette constante notamment dans le corps électoral féminin. L’obsession de la santé est bien connue des éditeurs et du monde des médias. Disparition du ticket modérateur, CMU, gratuité tous azimuts, couverture médicale des étrangers venus spécialement pour cela ou immigrés clandestins, extension des gratuités, etc. Les politiques ont accepté de jouer le jeu de consacrer une partie du budget qui allait à la médecine aux aides à la population. Dans une ambiance de stagnation du PIB par tête, cela veut dire que la quantité d’argent mis sur les soins, par tête, a BAISSE. Comme la médecine a fait d’énormes progrès, de plus en plus ailleurs qu’en France, faute d’argent, et qu’elle coûte de plus en plus cher, la restriction de la part donnée au soin et à des soins plus chers, a eu un effet constrictif considérable porté pendant quatre décennies. Comme une partie du budget médical est partie vers la bureaucratie, la constriction est devenue encore plus violente.

Du coup tous ceux qui cherchent à faire progresser la médecine, comme connaissance et comme pratique de soins, considèrent la France comme un pays sous-développé. Quarante d’erreur, c’est long ! L’échec de la recherche médicale française dans les vaccins anti Covid a achevé de rendre cette réalité « incontournable ». L’effondrement est désormais palpable dans le domaine médical comme dans beaucoup d’autres.

Le livre de notre professeur, « Hôpital, ce qu’on ne vous a jamais dit », (Albin Michel, 2020, Isbn 978-2-226-44785-2) est plein de suggestions de réformes intéressantes.

Qui peut nier qu’il faut casser la bureaucratie, ce qui implique de mettre fin au scandale de « l’énarchie compassionnelle » et qu’il faut restaurer le pouvoir des chefs de service en centrant l’hôpital autour de l’amélioration des soins et la politique sanitaire autour de la médecine et non de la gratuité de l’accès à la médecine.

L’horreur de la situation est que la politique médicale ne peut progresser que si la partie soin reprend de l’ampleur, ce qui implique automatiquement de la croissance, et une restriction considérable dans le domaine des gratuités tous azimuts. Entre le pouvoir de l’Énarchie, triomphant avec Macron, la montée de l’écologie restrictive qui bloque toute croissance au nom de la survie de la terre, la résistance des équipes socialistes qui ont tout noyauté, partout mais notamment dans le domaine médical, l’exaltation du « tout pour ma gueule de l’électeur consommateur désireux que tout soit gratuit », la crise du Covid et les dégâts financiers économiques de la politique irresponsable qui a été menée, les folies européistes, la chance que le budget proprement consacré l’amélioration de la dispense de soins meilleurs, par tête, augmente, est nul.

Aucune mesure n’a été prise pour réduire les 16 000 femmes fonctionnaires de catégorie A dont personne ne sait ce qu’elles peuvent bien faire au sein du Ministère de la santé et des ARS. Aucune mesure n’a été prise pour réduit les 20 % de médecins qui a l’hôpital ne font aucun soin. Aucune mesure n’a été prise pour réduire les 35 % de temps pris par les actes bureaucratiques dans l’emploi du temps des personnels (médecins et infirmières) effectuant des soins. Aucune mesure n’a été prise pour augmenter l’offre de soins d’urgence malgré la certitude de la relance de-là pandémie.

Cette carence fondamentale n’a pas été secouée le moins du monde par l’urgence de la pandémie. Autant dire que rien ne la fera reculer. Les Français ont-ils cédé aux sirènes de l'abandon et de l'effondrement et conditionné les médias et les politiques à leur servir ce qu’ils aiment quelles que soient les conséquences ?

M. Véran se vante d’avoir limité le nombre des morts de plus de 80 ans en les vaccinant quitte à sacrifier la jeunesse. Et on vient de dépasser les 100.000 morts (en fait les vrais chiffres seront plus près de 100.000. Le ministère de-là santé annonçait 50.000 en fin d’année alors que les chiffres de l’INSEE sont à 75.000 au 31 décembre 2020 ! ).

M. Macron veut la gratuité des lunettes et des pareils dentaires. Il offre des garnitures menstruelles gratuites aux jeunes filles. Il pense à son tour à créer un quatrième risque, finançable, pour couvrir les frais de fin de vie.

Mme Hidalgo fait campagne en proposant plus de gratuités, dans tous les domaines.

D’innombrables imbéciles se déchaînent pour demander plus d’Europe dans la gestion de la santé, garantie d’encore plus de bureaucratie, de coûts, d'éloignement des décisions et d’infirmité dans les soins.

L’Union Européenne est incapable de proposer un plan de relance adaptée. Mais elle exige que des missi dominici européens suivent pas à pas les politiques qu’elle impose à la France dans sa politique de démantèlement de ce qui marche encore un peu.

D’autres déments hurlent à la mort pour obtenir une aggravation des impôts, la réduction des horaires de travail, l'extension des subventions à tous les stades de la vie,  l’extension du contrôle social de la population.

On notera qu’Emmanuel Macron cède à toutes ces demandes de démagogie et ne s’occupe que de sauver son narratif et son élection, tout en soignant les aspects psychiatriques de sa psychologie.

Faire bouger l’opinion et les forces politiques semble impossible, alors que le pire est au bout du chemin.

Merci au Professeur Peyromaure, d’avoir éclairé un peu plus la réalité. Au moins lui le fait d’abord pour améliorer le traitement des malades et des maladies.

Retour de l’inflation ? Une possibilité sérieuse, si…

 Après l’inflation générale à deux chiffres qui a suivi les hausses massives du prix du pétrole imposées par le cartel des pays producteurs, fin 1973, et la sévère récession aux Etats-Unis du début des années 80 provoquée par la volonté des Etats-Unis d’y mettre fin, il est généralement admis qu’il n’y a plus de risque d’inflation. La bourse, l’immobilier et les matières premières rares, ont vu leur prix s‘envoler mais ces biens n’entrent pas dans l’indice des prix à la consommation. En France, l’inflation ne dépasse pas les 2% depuis près de 30 ans.

La résolution de la crise bancaire, financière et monétaire de 2008 a imposé mondialement une inondation de monnaie banque centrale (près de 15 mille milliards de dollars dans le monde) à laquelle se sont ajoutées près de 50 mille milliards de dettes privées supplémentaires, sans inflation des prix à la consommation. Rappelons que la valeur ajoutée des entreprises du secteur marchand en France était avant l’épidémie de Covid d’un peu plus de mille deux cents milliards d’euros et que la dette avait grimpé jusqu’à près de 2.000 milliards d’euros.  En créant de la monnaie globalement à hauteur de plus de quarante fois la valeur de la production marchande française, le monde n’a pas connu d’inflation ! Un peu fort de café tout de même, surtout quand on relit toute la littérature économique sur l’inflation qui sert de base à l’enseignement de l’économie dans nos écoles et universités. Une pareille inflation de moyens de paiement aurait dû se retrouver dans les prix ! Cette bizarrerie ne fait pratiquement l’objet d’aucune étude sérieuse. Un nouveau credo s’est installé : la nouvelle économie ne connait pas l’inflation et le Covid ne changera rien à l’affaire, même si on essaie de compenser des pertes abyssales de production par des distributions de monnaies artificiellement créées.

Ce nouveau credo se doit d’être interrogé. Les sommes mises en jeu pour faire face à la crise sanitaire et sa durée sont tellement incertaines que nous risquons de graves surprises.

Un des premiers aspects qui saisit le regard est évidemment la survenue finalement assez fréquente ces dernières années de crises d’hyperinflation.  Le Liban en connait une en ce moment même. Mais l’Amérique du Sud et l’Afrique en ont porté un témoignage important. Maduro au Venezuela et Mugabe au Zimbabwe ont provoqué deux effondrements monétaires suivi d’une hyperinflation et de la réduction drastique de la production, avec ruine de la population et exode massif. L’Argentine n’est pas passé loin. Plus de 50 états ont une inflation fortement augmentée comparée à la situation d’il y a 6 ans. La hausse des prix n’est pas « à venir ». Elle est déjà parmi nous avec parfois des hausses considérables. Très peu de pays connaissent une baisse de l’inflation. En général ce sont des pays qui ont mis en place une politique stricte de désinflation comme l’Iran, dont l’inflation avait atteint plus de 40%.  Une vingtaine de pays vivent une inflation de plus de 10%.

Dès maintenant, l’inflation dans le monde est souvent forte et parfois désastreuse. Il est vrai qu’elle touche des pays habitués à une mauvaise gestion ou des pays accidentés par des tensions politiques ou militaires. Peut-on alors prétendre que l’inflation a été éradiquée pour les pays développés sérieux et ne demeure que dans les pays à problèmes de gouvernance récurrents ?

En France, l’inflation moyenne sur les 12 mois de l'année 2018 a été de 1.85%, en nette augmentation par rapport à 2017 (1%) et 2016 (0.2%). L’inflation est basse mais en hausse importante et continue jusqu’à la crise sanitaire. En Chine l’inflation en juillet 2020 est supérieure à 2.4% en dépit de la crise de Covid qui a asséché l’activité, alors que le taux de toute l’année 2017 était inférieur à 1.50%. 

Avant la crise sanitaire la pression sur les prix était réelle mais avec des résultats très faibles, la BCE ne parvenant même pas à obtenir l’objectif de 2% d’inflation pour l’ensemble de la zone Euro !

Il importe de comprendre pourquoi, si on veut apprécier, par contraste, la situation créée par la crise sanitaire.

La source de l’inflation monétaire depuis 1971 et l’abandon des changes fixes est bien connue : le système de changes flottants permet aux Etats-Unis d’accumuler des déficits phénoménaux, qu’équilibrent des excédents tout aussi importants au Japon et en Allemagne, puis en Chine et dans les autres Dragons asiatiques. Ces excédents sont recyclés dans les pays déficitaires et une double hélice de dettes se crée qui ne cesse de s’accélérer. A un moment elles deviennent problématiques et on a une crise financière et une récession associée. Ce mécanisme a été vérifié en 1973-74, 1981-1982, 1992-1993, 2002-2003, 2008-2009. La cause étant occultée ou niée, personne ne réforme quoi que ce soit et cela recommence.  A chaque fois des milliers de milliards de monnaies banque centrale sont émises que l’on retrouve dans la valeur des actifs mais pas dans les prix. Pourquoi ? Parce qu’on a ouvert l’économie mondiale aux exportations des pays à très bas salaires à partir des années 80, avec une formidable accélération à partir de la crise de 90. La différence de niveau de vie était telle et la main d’œuvre disponible tellement nombreuse que la Chine et les ex-pays socialistes ont pu capter une part majeure de la production mondiale dans la mesure où les énormes déficits extérieurs ne gênaient plus personne. Du coup les salaires ont été bridés dans les pays développés obligés de faire face à cette nouvelle compétition. Or l’inflation rampante s’accélère toujours par la hausse incontrôlée des salaires. Les récessions décennales provoquées par le système des changes flottants ont aussi pesé lourdement sur les salaires, le cumul d’un chômage de masse structurel et conjoncturel n’était pas vraiment propice à des accélérations salariales. 

Pour l’Europe la construction de l’Euro a imposé une politique financière rigoureuse (notamment depuis 1983 en France) et la stabilité de l’euro impose un contrôle des budgets par la Commission de Bruxelles. L’euro ne permet plus à la France de compenser sa sous-compétitivité accrue vis-à-vis de l’Allemagne par la dévaluation. Le rééquilibrage de la compétitivité passe obligatoirement par une dévaluation relative des salaires. En France les folies socialistes sur la durée de travail, l’âge de la retraite, la pénalisation des relations du travail et le délire de la dépense publique et donc de l’impôt, pèsent également très lourd sur les entreprises et le pouvoir d’achat.

Dans ces conditions les créations de monnaies se sont retrouvées dans les marchés financiers et dans l’immobilier. Les prix immobiliers ne sont pas pris en compte dans l’indice des prix. Donc pas d’inflation !

La crise de 2008 était pour l’essentiel une crise de surinvestissement boursier, bancaire et immobilier. La bulle a explosé créant un trou béant dans les comptes des banques. Les banques centrales ont créé 15 mille milliards de dollar de monnaie pour sauver le système bancaire. Un trou financier se trouvait ainsi compensé par une création financière. Il s’est agi en quelque sorte de jeux d’écritures assez virtuels. Evidemment la récession post éclatement de la bulle, elle, a créé du chômage et une pression à la baisse sur les salaires empêchant tout emballement inflationniste.

Les mécanismes décrits n’ayant pas été corrigés, la pression à la hausse sur les prix à la consommation est restée très faible. La petite hausse constatée dans les pays occidentaux a été provoquée par la reprise économique mondiale ou des circonstances de marché ou des tensions politiques. Jusqu’à l’arrivée de l’épidémie de Sars-Cov-2, le risque d’inflation était nul en France.

Les pays qui ont connu une hyperinflation sont pour l’essentiel passé par trois phases :

-        L’effondrement de la monnaie sur le marché des changes

-        L’effondrement conjoint de la production

-        La création de monnaie administrative en quantité astronomique.

Ce n’est jamais une inflation rampante qui s’est tout d’un coup emballée. Le Liban donne une parfaite image de ce mécanisme. L’effondrement monétaire à précédé l’hyperinflation.

Il faut garder en tête ce mécanisme. La mauvaise gouvernance et des taux de dettes astronomiques peuvent casser les changes dans un système de changes flottants non régulés et provoquer un effondrement économique. C’est un risque qui n’est pas négligeable pour la France.

Comment la crise sanitaire vient-elle s’insérer dans ce système inchangé ?

L’énorme différence tient à la nature de la crise. On a supprimé l’essentiel de la production pendant deux mois et des secteurs vont tourner avec un chiffre d’affaire fortement réduit pendant des mois. Les calculs les plus savants parlent d’une perte annuelle de production autour de 10%. En fait il ne faut pas oublier que le secteur public entre dans le calcul du PIB. S’il a réduit sa « production » (on parle de 17%, ce qui est énorme) il n’a en rien réduit ses rémunérations qui seules sont prises en compte par les statistiques de PIB.  La baisse globale de 10% sur le PIB global d’environ 2.500 milliards est à imputer sur la seule économie marchande dont la valeur ajoutée est de 1.250 milliards.  Les 250 milliards de pertes de production s’appliquent donc à ces 1.250 milliards. La perte est de 20%, pas de 10%.

Ces pertes ne sont pas toutes définitives, une partie des décisions d’achat ont été simplement différés et on fait l’objet d’un rattrapage pendant l’été. Mais une grande partie de la production perdue l’est définitivement. Le revenu correspondant à cette production n’est pas apparu. Il a été largement compensé par des versements d’état. Mais il est facile de comprendre que le circuit économique ne se boucle pas.  Une partie de l’argent versée va chercher ses produits à l’étranger, aggravant les déficits commerciaux français qui ont flambé depuis le confinement. D’autres achats se sont concentrés sur des secteurs en déficits de production et de stocks où ils ont déclenché une hausse des prix. Les autres secteurs, qui captaient une part importante du revenu, comme les voyages, l’hôtellerie, les sorties culturelles, ont été boudés par la clientèle par crainte du virus. La perte de recettes est massive. Les stratégies de prix ont été très variés : certains ont fait des offres attractives en baissant leur prix. D’autres ont eu une stratégie de réduction de leur offre en montant leur prix.  100 milliards d’épargne à court terme se sont immobilisés dans les comptes en banques et les bas de laine, à hauteur de la perte de confiance dans l’avenir. Si ces sommes venaient à se déverser sur les marchés, les tensions sur les prix seraient immédiates faute de production et de stock.   

Cette situation est susceptible de durer jusqu’à la fin 2020 et sans doute aussi en 2021. On commence à voir les prix déraper dans certains secteurs. Il n’est pas impossible qu’en continuant longtemps de compenser le revenu de production en l’absence de production, une certaine inflation se déclenche.  La hausse du chômage est censée jouer en sens inverse en pesant sur les salaires, ainsi que les importations. Si ce schéma est exact, les hausses seront donc plutôt ponctuelles et dépendant de la situation mondiale des marchés.  

Le consensus est qu’il y aura une certaine hausse de l’inflation mais relativement contenue et de nature à faire diminuer le coût des dettes  et à grignoter le surplus de pouvoir d’achat distribué sans production correspondante.  

Sauf en cas d’accident systémique ! L’énormité des dettes supportées par les Etats peuvent à tout moment provoquer une crise de confiance mondiale et des mouvements incontrôlables. La rupture des changes dans un pays parti à la dérive y apporterait dans la minute une énorme inflation. On dira qu’en France et en Europe l’Euro nous protège ! Mais si l’Italie et la France connaissent le même krach que la Grèce, l’Eurozone sautera.

A contrario il n’y a pas pour la France de relocalisation massive possible de production compte-tenu de la non-compétitivité du pays dans le cadre de l’Eurozone. Il faudrait pour cela une dévaluation et un contrôle des échanges, des instruments dont nous nous sommes volontairement privés. L’Euro s’apprécie vis-à-vis du dollar, ce qui est totalement incompatibles avec la relocalisation. On ne pourra relocaliser qu’à base de subvention en creusant les dettes et en créant des distorsions dans la compétition. Ou en prenant l’argent sur les pensions des retraités et en resurtaxant les « riches ». Tout cela n’a rien de durable. Les Enarques croient pouvoir jouer à ce jeu de bonneteau qu’ils pratiquent depuis 1983 avec les résultats que l’on sait. L’Europe fédérale, à ce jeu, ne protège plus que les pays excédentaires, et accable les pays qui se sont laissé aller à casser leur compétitivité comme la France.

Lorsqu’on voit la masse des difficultés anciennes et l’énormité des complications nouvelles, la persistance de systèmes inefficaces, dysfonctionnels et  chaotiques, l’inadaptation des politiques qui sont menées sur la base de réflexes d’un autre temps (comme la relance keynésienne en système changes flottants dont on sait qu’elle ne marche plus depuis celle de Chirac en 1975), l’irrationalité des contraintes que l’on accepte aux noms des petits oiseaux et du réchauffement climatique, le fait que partout on ne respecte plus aucun des principes avec lesquels on a justifié l’édification des nos institutions économiques, on ne peut qu’être troublé.

La prévision devient un exercice impossible. On en est réduit à constater des « surprises ». Aux Etats-Unis une de celles qui fait parler aujourd’hui c’est une hausse des prix soutenue et imprévue, largement liée à la hausse des produits importés du fait d’une dévaluation assez forte du dollar.   Même si le raisonnement permet de juger qu’en Europe une inflation sérieuse est difficile à imaginer, la complexité de la situation, l’inadéquation des politiques, la persistance des erreurs d’organisation, l’impossibilité de certaines réformes indispensables, tout laisse penser que quelque chose peu lâcher. Et cela pourrait bien être le niveau des prix avec une inflation beaucoup plus forte qu’anticipée.

La France est-elle en train de créer une magnifique industrie de l'éolienne ?

Une réponse à une question de M. G. Maleplate

Il y a deux manières de défier la pollution et en particulier celle qui aggrave le réchauffement climatique. La première est de considérer qu'il est possible, par la technique, de trouver des solutions moins consommatrices de ressources naturelles et moins productrices de rejets, ce qui se fait en Occident depuis des décennies, en accélérant le mouvement pour tenir compte des coûts externes éventuellement sous-estimés jusqu'ici.  La seconde est de tenir pour acquis que cela ne suffira jamais et qu'il faut restreindre la production et la consommation de façon drastique en accumulant les mesures extrêmes qui baissent le pouvoir d’achat tout en accumulant des dépenses terrifiantes financées par les déficits et la dette.

La seconde méthode n’a, en France, aucun intérêt, parce que les enjeux urgents voire cruciaux du climat n’y sont tout simplement pas présents de façon significative. L'envahissement par les plastiques se fait majoritairement en Asie et en Afrique. Le rattrapage de croissance, qui a créé plusieurs centaines de millions d'emplois dans ces deux zones, s’est traduit et continue de se traduire par une pollution et une consommation d'énergie non compatibles avec des objectifs climatiques raisonnables, quels qu’ils soient. Et toutes les associations mobilisées par la pauvreté internationale hurlent qu’il y a encore quelques centaines de millions à enrichir !  

Tant que la renverse de la natalité mondiale, prévue pour la fin du siècle par les plus optimistes, n'aura pas eu lieu, et tant que ces pays n'auront pas fait les efforts déjà réalisés par les meilleurs en Occident pour atteindre un niveau de vie correct, rien ne se passera sur le front des résultats concrets. Rappelons qu'il se créé dans le monde l’équivalent de 50 villes de la taille de Paris tous les six ans et qu'elles sont polluées à mort. On raserait Paris et les capitales régionales françaises, l'effet sur le réchauffement climatique global serait nul. L'urgence climatique en France n’existe pas. La France bénéficie d’un bilan carbone d’une qualité que la majorité des pays seront incapables d’atteindre dans le siècle qui vient, sauf surprise phénoménale. L’exemplarité a ses vertus mais pas au point de se ruiner pour rien.  

Lorsque les pays pétroliers, fin 1973, ont entrepris de nous rançonner, la réaction de l’Etat français a été d’imposer des économies drastiques d’énergie, de taxer sauvagement le carburant et de créer une industrie électronucléaire massive. Pleinement souveraine, la France pouvait prendre ce genre de décision sans l’avis de personne. De quelques centrales nucléaires, on est passé rapidement à 50. On a couvert ainsi 75% de nos besoins d’électricité et près du quart de nos besoins globaux d’énergie. Framatome a fini par développer une technique proprement française. L’ancien monde !

En même temps qu’était créée cette industrie, le gouvernement imposait le chauffage à l’électricité dans les immeubles collectifs neufs et créait le TGV pour concurrencer l’avion, trop pénalisant en pétrole. Il a donc fait apparaître deux industries, le nucléaires et le TGV à vocation interne mais aussi d’exportation. Quelques soient les erreurs de Giscard, Chirac et Barre, principalement sociétales et fiscales, la croissance s’est maintenue jusqu’en 1980 sans augmentation monstrueuse de la dette.  En réduisant la facture pétrolière, ils ont réduit de surcroit et considérablement l’empreinte carbone de la France qui depuis a toujours été meilleure que celle des autres.

Pourquoi ne pas, en-effet, imaginer que sous l’effet d’un volontarisme souverain la France se lance à nouveau dans une grande aventure industrielle dans les énergies « vertes », à commencer par les batteries, les voitures électriques, les éoliennes, les chaudières créant de la chaleur et du froid sans prélever de gaz ou de pétrole, les panneaux photovoltaïques, des moteurs d’avion non polluants etc. ? Et que nous puissions, grâce à ce mouvement magnifique, conquérir le monde et créer des millions d’emplois avec un bilan carbone positif (moins d’énergie fossile à effet de serre, non reproductible, consommée dans le processus de production que d’économies produites) !

Ce rêve se heurte malheureusement à la terrible réalité qui s’est imposée avec l’arrivée de Mitterrand et la destruction radicale de la compétitivité française par ses gouvernements socialistes et ceux qui se sont succédé depuis et notamment par ceux de Rocard et de Jospin qui ont, circonstance aggravante, détruit le pays en phase de haute conjoncture internationale. Encore bravo ! Les gouvernements de Hollande ont aggravé l’état d’un pays économiquement grabataire. Les errements du « narratif » du Président Macron, cette espèce de chanson de geste qu’il nous impose et qui n’a aucun rapport avec les réalités, ne font hélas rien pour améliorer réellement les choses, en éludant ou compliquant systématiquement les réformes radicales nécessaires. Ce garçon imaginatif et malade de théâtre (d’ombres), fait marcher la France à côté de ses pompes.

La France présente un formidable spectacle, aujourd’hui : des millions de chômeurs, bientôt trois mille milliards de dettes, des déficits monstrueux dans tous les domaines, une société étrillée et disjointe. La lourdeur fiscale en France est unique dans le monde développé.

Surtout, cette France massacrée n’est plus souveraine. A force de se voir comme un camaïeu de territoires destinés à se fondre définitivement dans une Union européenne mythifiée, la France est ligotée dans une réglementation et une procédure de gouvernance qui ne lui permettent plus d’investir de façon autonome dans des industries d’intérêt national en se protégeant du monde extérieur. A 26 membres, si on considère le Brexit comme fait et sans conséquences, aucune décision du type de celles prises au début des années 70 en France n’est plus possible. S’étant lancée, pour contrer le Covid, dans la gabegie infâme de 500 milliards de dépenses publiques à fonds perdus, elle n’a plus réellement de ressources pour investir seule dans quoi que ce soit.

La France n’est plus compétitive et ce qu’a montré l’affaire des masques, c’est que la production nationale triomphe jusqu’au moment où la production chinoise se remet en route. Quand on parle de production « nationale », il faut bien voir qu’étrillée dans le cadre de la zone Euro comme dans celui de la mondialisation financière effrénée et déséquilibrée, la France a été privée de ses anciens grands groupes devenus presqu’exclusivement des sociétés apatrides dont les plus françaises n’ont guère plus de 40% de capitaux détenus par des Français.

Ce qu’a montré l’histoire des trente dernières années, c’est l’abandon de l’industrie française, la montée d’une énarchie sans limite, avec un ensevelissement de toutes les activités dans des normes et réglementations absurdes, tentaculaires et « indémerdables », la destruction de la société dite « bourgeoise » et son dynamisme,  l’épanouissement d’un socialisme étouffant et bureaucratique qui pousse nombre de salariés à faire ce qui veulent et à peine plus, les déséquilibres monstrueux partout, l’accablement fiscal et la cession de nos prérogatives à l’Europe.  Dès lors on ne peut même plus rêver de conserver efficacité et compétitivité. Le secteur électronucléaire est en état de mort cérébrale. Nos constructeurs automobiles résistent par leurs usines extérieures. Le TGV est un échec commercial international quasiment complet et un gouffre en France. Airbus a été donné aux Allemands et se trouve dans une situation tragique. Notre aviation souffre comme jamais. Reste le luxe et le tourisme… si jamais le corona virus le veut bien.  

N’oublions pas que, de 1980 à 2020, le revenu moyen français a stagné. Il n’y a plus eu de croissance depuis 40 ans. Merci Mitterrand et ses continuateurs ! Merci les Enarques compassionnels qui se succèdent à la tête fusionnée de l’Etat et des instances politiques, tout en cédant leurs prérogatives en masse à des institutions étrangères et en acceptant une organisation économique et financière, notamment de change, totalement désastreuse. La baisse cette fois-ci de plus de 20% de l’activité sur un semestre au premier semestre 2020 n’a montré aucun impact sur le réchauffement et la pollution générale.  Tout le monde sait qu’on baisserait de 50% cela n’aurait toujours pas d’impact. Mais toutes les énergies se mobilisent pour tuer un peu plus l’économie et rendre la situation effarante, avec des sophismes déroutants de sottise et d’inculture économique, comme cette idée qu’il suffit que cela coûte plus cher pour que cela crée plus d’emplois.

Alors il faut le constater avec tristesse, il n’y a strictement aucune chance que, dans le cadre actuel, se développent des industries françaises majeures capables comme en 1974 de créer des productions correspondant aux exigences nouvelles de la situation.

De tous les produits concernés, les éoliennes sont certainement ceux qui auront le plus de difficultés à s’imposer comme grande industrie nationale. Le projet éolien en France est une catastrophe tous azimuts. Etant passé il y a quelques heures devant le parc éolien situé autour des Gouvets dans l’arrière-pays du Mont Saint Michel, il était facile de constater que la douzaine d’entre elles, visibles ,étaient à l’arrêt ! L’aspect esthétique est navrant. L’efficacité écologique est douteuse : plusieurs livres et études ont démontré que le bilan carbone du cycle de l’éolienne était négatif ! En gros plus on crée d’éoliennes, plus on aggrave le bilan carbone de la terre !  Le mécanisme financier mis en place est une ruine pour l’Etat français et pour le contribuable qui achète une énergie trop chère le plus souvent à un moment où il n’en a pas besoin, sans pouvoir rétroagir le moins du monde. Et les paysages sont dévastés.   

La seule voie raisonnable semble se trouver vers la construction d’énormes fermes éoliennes marines qui cumulent puissance et coûts tolérables. On parle désormais d’atteindre 50 Euros le Kwh, malheureusement sans préciser s’il s’agit d’un Kwh utile ou s’il est largement perdu faute de pouvoir l’utiliser au moment où il est produit ou de savoir le stocker. L’ensemble du cycle économique de l’énergie éolienne ne se retrouve pas dans le chiffre de 50 Euros par Kwh. Tous les coûts de distribution manquent. Et une bonne partie des coûts de fabrication, engagés à l’étranger.

Presque tous les parcs européens sont fournis par Siemens-Gamesa qui s’appuie sur des produits chinois.  Les Français dans cette affaire font surtout les travaux en béton en mer ou les différents appareillages pour tenir les éoliennes non implantées dans le sol. Et en partie le montage, quand il n’est pas sous-traité à des étrangers.  La pression sur les coûts et la contrainte de temps fixée arbitrairement imposent le recours massif à la Chine ! La France monte et assemble les produits des autres et la Commission Européenne interdirait à la France de contrer Siemens Gamesa s’il elle décidait de le faire. L’impact écologique des productions chinoises et du transport vers l’Europe est introuvable dans les rapports accessibles.  La valeur ajoutée sérieuse est en Chine avec une bonne partie de la technologie. 

Autre ennui, l’impact des énormes fermes en mer sur le milieu naturel est l’objet de nombreuses interrogations. Leur résistance, dans les conditions marines, à 20 ans, n’est pas claire. La coexistence des activités littorales sur la première bande côtière n’est pas vraiment maîtrisée. On est encore beaucoup dans la Com’.

La méthode qui consiste à se donner des objectifs quantitatifs dans un délai court est anti-économique et antifrançaise. Il faut garder de la souplesse pour faire face aux aléas techniques et économiques. Et cesser les financements publics. Cela fait maintenant de très nombreuses années que des fermes marines d’énergie sont installées. Il est temps qu’elles deviennent rentables.  Rien n’est totalement maîtrisé dès que l’on parle d’assurer les besoins réels des consommateurs, c’est-à-dire de fournir de l’électricité au moment où il en a besoin. Aucune des problématiques de stockage de masse n’est totalement intégrée dans le calcul économique ni ce qu’on devra faire lorsqu’on sera en déficit de production, après avoir détruit l’électronucléaire par idéologie. On nage dans l’approximatif.

Rappelons que le prix du Kwh électrique pour le consommateur français est 0.1506 € TTC, soit un peu moins du tiers du coût de production de l’éolien en mer et que ce dernier doit encore être distribué et couvrir de nouveaux coûts. Le fuel domestique fournit pour sa part du KWH à 0.101€. Mme Pompili vient d’interdire de s’en doter après 2020.  La facture énergétique des Français pour leur usage final va donc exploser. L’impact sur la baisse éventuelle du réchauffement climatique moyen ne sera pas appréciable en millièmes de degré.  Mme Pompili n’a même pas tenté de le faire calculer. On ruine les Français par vertu écolo et surtout carriérisme politicien en s’aveuglant volontairement.

La France mène en matière d’éolienne, une stratégie de dépense effarante sans aucune création de filière industrielle et sans aucun impact sur le réchauffement climatique. Il est malheureusement certain que dans le cadre actuel, et avec les mentalités nouvelles que les réseaux sociaux stimulent, il ne peut pas en être autrement. Comme pour les masques, les objectifs globaux, dans l’état d’impécuniosité du pays, consiste à importer, en creusant nos déficits, pendant que les excédents allemands et chinois, déjà totalement anormaux, enflent sans mesure. Cela ne trouble personne alors que des telles dérives sont censément interdites par des traités internationaux abandonnés de facto.

Il n’y a aucun bénéfice à attendre, quelque soit le point de vue auquel on s’attache, de cette politique de curetons cinglés de la pureté écolo, saisis par la débauche démagogique du politiquement correct outrancier, politique qui est reprise avec gourmandise par l’Enarchie Compassionnelle pour justifier la perpétuation de son emprise.   

La ruine des Français est au bout du chemin. Pas une belle industrie des éoliennes et encore moins la fin du réchauffement climatique.

Un SCHEMA explicatif fondamental

Comprendre l'actualité économique et politique

Le graphique qui explique tout

 

Ce schéma n’est pas une statistique mais une approche de ce qui s'est passé depuis l’effondrement des accords de Bretton Woods en été 71. La référence, base 100 dans le graphique et ligne rouge, est la valeur d’un panel de biens dont la valeur est sinon stable du moins représentative d’une certaine permanence. À 50 %, on retrouve la valeur du m2 moyen dans cinq grandes villes du monde (New York, Tokyo, Londres, Paris et Shanghai). Les autres 50 % sont constitués d’or, de diamant, de terres rares et de pétrole. Les autres courbes sont bien connues. On a pris celles de la France depuis 1971. Après avoir été lissées par moyenne mobile sur dix ans, elles ont été réduites à une ligne droite et déflatée par l’indice de référence.

On voit apparaître l’évolution des courbes en « valeur stable de référence » (VSR) et non en monnaie. Les résultats sont spectaculaires et surtout expliquent bien des évènements actuels.

La monnaie : la valeur de la monnaie s’est effondrée. Le Franc (puis l’Euro) a perdu presque 97 % de sa valeur en VSR, comme le Dollar et pratiquement toutes les monnaies administratives.

Les prix : Les prix ont baissé plus vite que le revenu. Ce qui veut dire qu’il y a eu hausse du pouvoir d’achat apparent mais une baisse forte en VSR qui n’est pas perçue, les gens raisonnant en monnaie courante.

Les impôts : La fiscalité a cru plus vite que le revenu, ce qui a entraîné une régression fréquente du revenu net disponible. En s’accrochant au patrimoine des assujettis, l’impôt des personnes payant l’ISF a pu dépasser 100 % de leur revenu, ce qui était intenable à terme.

La dette : La dette en VSR a baissé compte tenu de l’effondrement de la valeur de la monnaie mais elle a cru plus vite que la fiscalité, et que le revenu. Les classes moyennes ont maintenu leurs dépenses par l’endettement, comme l’État.

Les gros patrimoines : étant investi largement en valeurs de référence, la valeur patrimoniale des très très riches n’a pas baissé en VSR.

Le luxe : le très grand luxe, comme toujours, a fui devant la fortune.

Les champions de la mondialisation, propriétaires d’entreprises mondialisées, ont vu leur patrimoine s'accroître, même en VSR

Quatre points spectaculaires : la baisse relative du niveau de revenu par rapport à l’immobilier ; la baisse du revenu moyen par rapport au patrimoine des « vainqueurs de la mondialisation » : le rôle phénoménal de la dette ; la hausse déraisonnable de l’impôt par rapport au revenu.

Une fois ce tableau en tête, on peut mieux analyser et les causes et les conséquences de ces évolutions.

La cause principale : La conjonction de l’effondrement du communisme et d’un système monétaire international déséquilibré.

Le système mis en place après 1971 (change flottant et liberté du commerce international) a permis à la Chine et aux autres pays sortis du communisme de rejoindre la mondialisation, sans aucune contrainte d’équilibre commercial. L’effet négatif sur le revenu a été massif dans les pays développés, alors que la mondialisation permettait aux gros salaires liés à la mondialisation de se maintenir. En faisant sauter l’obligation de maintenir des comptes équilibrés, les changes flottants ont permis à la Chine d’accumuler des excédents monstrueux alors que le système de Bretton-Woods aurait imposé une réévaluation. Le recyclage de ces excédents a provoqué une hausse phénoménale de l’endettement et l’effondrement de la valeur de la monnaie. Les crises à répétition liées également aux défauts des changes flottants, ont entraîné des dépenses d’état qui ont été payées par l’impôt et la dette.

Il faut ajouter l’effet de l’irrédentisme musulman et sa tentation terroriste, associée à sa longue maîtrise des puits de pétrole qui a naturellement eu un effet sur la croissance par la hausse induite du coût de l’énergie.

Les conséquences deviennent lisibles.

Lorsque, au moment des manifestations des Gilets Jaunes, on entend : « avant on était pauvres mais on s’en sortait maintenant c’est fini », cela tient à la hausse globale de pression fiscale (aggravée par la violence administrative et l’extension sans fin des mesures bureaucratiques coûteuses et dont l’effet n'est jamais évalué) et à la difficulté de se loger compte tenu du prix relatif de l’immobilier.

Les salariés ne parviennent plus à payer leur loyer sur leur revenu. Ils doivent donc emprunter à mort et les taux négatifs répondent à cette exigence.

En vendant leurs biens immobiliers pour des résidences plus modestes ou en région, les retraités disposant préalablement d’un patrimoine sont parvenus à s’en sortir. La chute de la natalité induit que les héritages sont relativement plus positifs s’ils sont en biens stables en VSR. Ils permettent aux héritiers une certaine aisance de consommation, compte tenu de la baisse des prix en VSR. Du coup les fiscalistes socialistes étatistes s'excitent à l’idée de leur piquer cet « avantage » dans la décrépitude générale.

L’extension du « populisme », c’est-à-dire du rejet des élites par la classe moyenne, tient au fait que la hausse relative du revenu par rapport au prix, une fois déduit les impôts et les frais incompressibles, est très faible pour les petits revenus. Savoir que les classes moyennes des pays ex-communistes se sont fortement enrichies les laisse parfaitement indifférent.

Ajouter à des perspectives de restriction à la croissance et à la mobilité, une politique de dépenses publiques nouvelles indéfinies avec des hausses fiscales associées gigantesques ne peut que provoquer que des réactions violentes de rejets. Tout le monde a compris que le bonneteau fiscal auquel s’amuse le gouvernement n’est pas une vraie baisse, la dépense publique augmentant plus que le revenu moyen. Une perspective de baisse massive des retraites ajoute nécessairement à la peur et à la colère. Plus personne n’a de perspectives positives.

La gauche fiscaliste, bureaucratique et antinationale, qui accepte des règles de mondialisation qui ne protègent pas, n’est plus admissible pour la classe ouvrière et les classes moyennes, notamment dans les zones en déclin structurel. Son adhésion à la dépression écologique aggrave les choses.

La droite mondialiste, celle qui n’a aucune explication des crises et aucune politique pour les prévenir, et qui laisse la concurrence ruiner le revenu des classes moyennes, tout en acceptant de céder la souveraineté à l’Europe en externe et à la bureaucratie énarchique à l’intérieur, n’est plus écoutée.

Le « macronisme » qui a été vu par une droite menacée et une gauche en désarroi comme une manière de protection contre le populisme de droite et de gauche n’a pas de solution. Il a provoqué une crise de confiance majeure en n’ayant aucune vision extérieure, et aucune prise en compte des causes fondamentales de la crise structurelle de la mondialisation démarrée en 1971 (au contraire, on se fait botter le c… par les États-Unis sans réagir) et en aggravant les mesures bureaucratiques violentes et coûteuses, tout en inquiétant l’ensemble des Français sur un projet de retraite d’inspiration bureaucratique et qui noie le poisson des vraies inégalités, dans un océan incertain et anxiogène de régression à long terme.

En raisonnant en VSR en non plus en monnaie courante, la situation s’éclaire avec une netteté frappante, aussi bien sur le terrain politique qu’économique et social.

 



Un spectacle rare : l’explosion en plein vol d’une idée dominante trompeuse et abusive

Le martyre des inconditionnels de la politique américaine

Nous vivons une période intéressante. Pour les astronomes, l’explosion d’une supernova a toujours été une expérience excitante. Pour une économiste, l’explosion radicale d’une idée dominante, que l’on conteste est un spectacle à la fois réjouissant. Mais aussi  consternant : il était si clair que tout cela n’était pas durable.

Les « Trente Glorieuses » n’ont pas été le fruit du hasard. Elles ont été construites. Puis détruites. Cette destruction n’a pas été l’effet d’un mouvement de doctrine. Ce n’est pas une profonde réflexion économique partagée qui a conduit à changer la pensée et les pratiques, mais simplement un mouvement de mauvaise humeur des Américains qui avaient décidé d’utiliser leur monnaie et leur puissance à d’autres fins que la prospérité générale.

L’idéologie qui avait mené à l’organisation de Bretton Woods était le fruit d’une précédente révolution idéologique : l’étalon or et la passivité des états en cas de crise n’étaient simplement plus possibles après la guerre de 14 et la crise de 29.  La monnaie n’étant plus fondée sur un étalon en métal précieux, il fallait trouver un moyen de réguler les échanges avec des monnaies administratives nationales multipliable pratiquement à l’infini sans frais.

Une nouvelle idée dominante a été forgée à Bretton Woods en juillet 1944 qui voulait que les échanges internationaux fussent bénéfiques si et seulement si les échanges étaient équilibrés et tant que les Etats évitaient de se faire la guerre avec des dévaluation ou des restrictions artificielles (taxes, réglementations, contingentements) des échanges. Le rôle des Etats était pris en compte : ils devaient s’abstenir de pratiques contreproductives, mais on les imaginait capable de réguler globalement l’économie pour éviter ce déficits et excédents dommageables. Pour mettre tout le monde d’accord, on a créé le FMI, destiné à prévenir les attitudes à risques et à corriger les erreurs résultantes au mieux de l’intérêt de tous. Et nous eûmes les Trente Glorieuses. Bravo !

Lorsque les Etats-Unis en juillet 71 ont fait sauter les accords de Bretton Woods et plus encore lorsque les accords de la Jamaïque, à Kingston, ont été signés, il n’y avait pas d’idéologie sous-jacente, seulement la matraque du maître.  Comme personne ne se plait à jouer les valets de façon trop ouverte, on a bricolé une nouvelle vulgate, pour donner un semblant de rationalité à ce qui n’était qu’une voie de fait et un ensemble de soumissions.

L’idée dominante s’est construite doucement, en s’appuyant globalement sur les théories de l’école libérale autrichienne, qui par réaction au socialisme interventionniste qui avait dominé l’après-guerre, prônait la liberté des marchés et plus concrètement sur les théories de Milton Friedman, seul défenseur un peu élaboré des changes flottants à cette époque.  L’Etat était l’ennemi qui gâchait tout. Il fallait le museler. La finance serait le fait des marchés les plus libres et ouverts possibles et pour ce qui est des banques, ce sont les banques centrales, indépendantes qui réguleraient le marché. 

En soi, détruire la vulgate keynésienne, que Keynes aurait condamné, qui veut qu’on augmente en permanence la dépense publique tout en contraignant les forces productives par la réglementation, la justice et les syndicats, ne posait pas de problème. On a vu le Royaume-Uni s’effondrer littéralement sous Wilson, ce qui a entraîné la très nécessaire réaction thatchérienne qui a remis le pays dans le sens de la croissance.   Milton Friedman est un auteur prodigieusement intéressant et un de ceux qui connaissent vraiment bien les questions monétaires. Comme Keynes est un penseur économique de premier rang.  L’ennui est qu’ils ont donné des arguments à des margoulins politiques qui se sont attribués leur réflexion pour mener des politiques désastreuses.

Le Miltonisme s’est effondré pratiquement en même temps que le keynésianisme.  La FED, après avoir tenté de suivre les idées de Milton Friedman les a abandonnées radicalement. Dès la crise de 92-93, on savait que les avantages théoriques du système des changes flottants étaient illusoires. Les ajustements n’étaient pas progressifs mais très brutaux. Il fallait plus de réserve pour éponger les à -coups. Les soldes n’étaient jamais épongés et les déséquilibres croissants. Les changes flottants, ce ne marche pas. Plus graves, ils créent des crises endogènes.

Mais tous les messages et avertissements envoyés par les économistes clairvoyants comme Rueff ou Allais ont été mis sous le boisseau ou ridiculisés.  C’est la force d’une vulgate : elle élimine tout ce qui la contrarie. Ce qui fait que l’effondrement régulier de la croissance depuis 1971, la montée massive des dettes, la survenue de récessions de plus en plus graves n’ont pas joué leur rôle pédagogique.

On a fait semblant de croire à des tas de sottises et de faux semblants pendant des années. Jusqu’à l’énormité de la crise de 2008 et désormais le changement de stratégie des Etats-Unis. Ils ont balayé tout ce fatras qui apparait pour ce qu’il est : un sac à vent rempli d’approximations plus ou moins intéressées répétées ad libitum par des perroquets.

Sous les choc des tweets de Donald Trump, les suiveurs inconditionnels des Etats-Unis commencent à changer de musique, pendant que d’autres tiennent à conserver leur dignité en lâchant la vulgate qu’ils promouvaient inlassablement mais petits pas par petits pas. Tout dans tout, la dépouille de la vulgate commence à faire tâche sur le sol ensanglanté des guerres trumpiennes. La lecture des journaux, notamment FT et The Economist, les deux vecteurs principaux de la vulgate, devient assez cocasse.

Quels sont les vaticinations les plus significatives ?

Une première option est de faire semblant de croire que les accords de Bretton Woods sont encore opérationnels et menacés par Trump.  

Martin WolF s’est ainsi lancé dans une longue défense du système actuel, en le présentant comme une continuité positive de 1944 à nos jours. L’artifice est un peu gros : la période est coupée en deux : 27 ans de croissance exceptionnelle, sans crise et depuis 71 une baisse continue de la croissance avec des crises d’intensité croissante jusqu’à l’explosion de 2008. Du coup on gomme tout ce qui est à réformer. Et on ne comprend rien à la réaction électorale populiste. Et en final on concède qu’il faut trouver un nouveau modèle.

Une autre optique est de valoriser l’esprit de Bretton Woods mais de dénoncer les grandes organisations Banque mondiale, OMC, FMI, comme sclérosées et à réformer. La vérité est simple : une organisation comme le FMI était là pour gérer des changes fixes et modifiables, sachant qu’on présumait que les Etats étaient capables de réguler ses flux commerciaux et financiers extérieurs.  Si les Etats sont hors-jeu et les banques centrales les seuls acteurs publics tolérés, le FMI n’a plus de sens. Il a perduré dans son être mais par la force de la bureaucratie. Il ne devient pas trop difficile d’alimenter moult articles qui expliquent que ces institutions antiques doivent être profondément réformées voire disparaître. Gilian Tett, la journaliste de FT qui écrit comme un cochon et tire de son stylo une bêtise plus vite que son ombre perd son temps à expliquer qu’il faut les supprimer et les replacer par … du « networking ». Il est vrai qu’aux Etats-Unis la Chambre de Commerce pense que le FMI empêche le business et le dit ouvertement.  Alors pourquoi pas de réseautage.

Contradiction, les mêmes milieux économiques proches de Trump commencent à considérer que le libre-échange, cela commence à bien faire. « Ras de bol de faire du commerce avec des voyous et à notre détriment ». On dirait du Natacha Polony dans le texte évoquant le libre-échange. Inutile d’essayer d’expliquer que ce sont les échanges déséquilibrés qui posent problèmes pas le libre-échange lui-même. La coopération et le libre-échange, à la poubelle ! Sauvons nos classes moyennes martyrisées !

Les mêmes qui vous expliquaient que les Etats n’étaient plus à même de contrôler leurs changes et que cette activité était vaine car impossible, vous expliquent que la Chine manipule sa monnaie et depuis toujours. Donc, on peut ! Et longtemps !

Les mêmes qui vous expliquaient que les banques centrales pouvaient gérer l’inflation, vous expliquent maintenant qu’elles s’avèrent incapable de revenir vers l’objectif de 2%. On ressort les constats de l’économiste américain Lucas, il y a 60 ans, qui avait déjà constaté l’impuissance des seules banques centrales face à l’inflation.  

On demande à la FED de faire baisser le dollar alors qu’on cinq minutes avant on nous expliquait que les énormes masses financières en jeu rendaient l’opération impossible et que seuls les changes flottants permettaient les ajustements.

Et les Trésors Publics ? Ils ne peuvent rien les malheureux, ou tout, c’est selon. Evidemment la politique monétaire est partout gérée par l’Etat, sauf en Europe où les différents journalistes qui se sont penché sur la question ont des vues différentes.  C’est la BCE qui gère dit l’un. Mais de facto car c’est contre ses statuts, dit l’autre. Pas du tout, dit un troisième, elle gère l’inflation (inexistante). Aucun n’a l’air de savoir que c’est l’Eurogroupe, en tant que collectif qui doit mener au jour une politique monétaire en se réunissant tous les sixièmes jeudis du mois. En cas de guerre des monnaies, c’est peut-être un peu embêtant, non ? On fait quelque chose ? Ben, non. Il faudrait changer les traités. Et c’est long. La guerre aura déjà été perdue depuis longtemps.

Trump aura ainsi fait voler en éclats en quelques tweets une vulgate intellectuellement controuvée factuellement décalée et même, concrètement, désastreuse, qui avait été créée par les suivistes de la politique américaine pour justifier la destruction des accords de Bretton Woods. 

Les esprits espiègles ne peuvent que constater que si toute variation de change dommageable est le fruit d’une mauvaise action et non pas un heureux ajustement du marché, il vaut mieux retrouver un système de changes fixes et surveillés, avec consensus préalables pour les ajustements !

Les esprits s’échauffent aussi vite que la planète et pour le lecteur, les contradictions sont devenues telles dans le domaine économique qu’il en est réduit à penser qu’il n’y a pas de sciences économiques, seulement des guignols et des Etats irresponsables et en conflit ouvert.

Il serait plus simple que tout le monde comprenne que les changes flottants ont conduit d’abord à la contraction de la croissance puis à une crise sévère et à la stagnation générale, puis à l’exaspération des tensions, puis à la guerre commerciale et maintenant à la guerre des monnaies.

Entre le constat qu’on ne pourrait pas revenir à l’étalon or et la création d’une nouvelle organisation monétaire internationale, il a fallu deux guerres et 20 ans. Espérons que nous saurons aller plus vite.

Pour notre part, cela fait plus de 20 ans que nous expliquons avec une constance digne d’une meilleure écoute que ce que nous voyons aujourd’hui est le résultat obligé des concepts illusoires et des faux-semblants mis en place après le coup de force de 1971.

En vérité si le diagnostic se cristallise, tout peut aller très vite. On sait ce qu’il faut faire. J Notre association offre La Monnaie du Diable 1919-2019 à tout dirigeant en manque de solutions qui s’intéresserait à la question !

Didier Dufau, pour le cercle des « économistes e-toile ».

La Monnaie du Diable : le sommaire

SOMMAIRE

 

Préface de l’auteur

 

Première Partie : Les Trente Glorieuses

 

L’hôtel du Mont Washington

Le « moment » particulier des mois de juin, juillet et août 1940 et l’efflorescence soudaine de solutions monétaires en Europe

Les effets psychologiques du choc militaire

Le plan allemand d’organisation de la « nouvelle union européenne »

Un accueil plutôt bienveillant en Europe

John Maynard Keynes entre en scène

Le rêve de Morgenthau et le projet de Harry White

Les tractations jusqu’à Atlantic City

La France à Bretton Woods

Des projets préparatoires à la conférence de Bretton Woods et à la création du FMI

Les Trente Glorieuses

Le vice caché et la fin des Accords de Bretton Woods

Les pressions de M. Roosa

Jacques Rueff et la révolte monétaire du Général de Gaulle

Nixon et la fin des Accords de Bretton Woods

Premières leçons des Accords de Bretton Woods

Conclusion : Mars met Hermès KO !

 

Deuxième Partie : la crise

 

Les trois clefs explicatives de la période 1971-2018

Qu’est-ce que « la crise » ?

Les causes fondamentales de la crise

Les changes flottants

Le dégel et la dissolution du bloc communiste

La décision aventurée de créer l’Euro

L’Euro, monnaie commerce, monnaie puissance ou monnaie « zombie » ?

2008, l’allumette des « subprimes » fait sauter l’économie mondiale devenue baudruche

Sauver le Titanic

Et Trump est arrivé

1971-2018 : le faux triomphe du dollar roi

 

 

 

 

Épilogue : se placer sous l’aile du dieu Hermès ?

 

La zone euro est-elle réformable ?

-          L’Eurosystème, une drôle d’organisation

-          Hypothèse 1 : une transition vers le système de Keynes

-          Hypothèse 2 : La sanction automatique des grands excédents

-          Hypothèse la plus probable : les renforcements fédéralistes

-          Conclusion sur l’Eurosystème

Peut-on se débarrasser des changes flottants ?

Et si on ne changeait rien ?

 

Conclusion

Les trois manières de voir l’Europe, dont deux sont actuellement caduques

Les débats sur l’Europe sont généralement niaiseux et biaisés. On est pour ou contre mais jamais aucune réflexion précise ne peut se développer au-delà d’un « je t’aime, moi non plus » parfaitement mièvre. L’Europe est donc une terre d’idéologie et toute entame de réflexion sur un aspect soit technique, soit historique, soit politique, tourne au pugilat sans gloire.  Que le débat soit impossible montre bien la nature de ce qu’on appelle la « construction européenne ». Les cartes n’ont jamais été jouées sur table à aucun moment de l’histoire de l’Europe. Il fallait être pour. Ne pas l’être était la marque d’une forme d’ignominie dévalorisante. Point final !

Cette manière de faire a empêché que ne développent en se confrontant les différentes visions de l’Europe. S’il s’agit d’unir l’Europe par des liens qui empêchent le retour des conflits nationaux, on compte au moins trois principales orientations, symbolisées chacune par un préfixe : 

-          L’optique supra nationale

-          L’optique a nationale :

-          L’optique co nationale.

L’optique supranationale est la plus connue : l’objectif est de créer au-dessus des nations un Etat Fédéral sur le modèle des Etats-Unis. Un président, un hymne, un drapeau, un parlement, un conseil constitutionnel, une monnaie, une banque centrale, un chef de gouvernement et un gouvernement qui pilotent un budget, une diplomatie, une police et une armée.  Les anciennes nations perdent leurs fonctions régaliennes transférées à la Fédération et sont transformées en « länders » chargés d’on ne sait quoi. Ils peuvent se fractionner en régions plus ou moins autonomes, puisque le régalien n’est plus national.

Cette optique est souvent considérée comme le « projet initial des pères de l’Europe » et le débouché normal de la « construction » européenne.  L’organisation actuelle présente des facettes de fédéralisme mais les différences sont majeures. Le Conseil des chefs d’Etat est le vrai organe de décision, ce qui est incompatible avec une vraie fédération. La commission n’est pas un gouvernement. Le Parlement ne décide pas de la politique générale, des domaines entiers restant hors de son domaine d’action. Ne parlons pas du poste européen de ministre des affaires étrangères ni des efforts vers plus d’unité militaire.  Il est tout de même curieux qu'en plus de 60 ans, on soit si loin du modèle fédéral si c’était vraiment le but à atteindre. Jamais ce modèle n’a été autant récusé par pratiquement toutes les nations constituantes (peuples et gouvernements) et le Brexit a prouvé le peu d’attractivité d’une construction de ce type. Les purs fédéralistes disent : supprimons les conseils des Etats et faisons de la Commission un vrai gouvernement exécutif, dépendant du Parlement, qui serait divisé entre Chambre des députés à Bruxelles et Sénat à Strasbourg.  Même ainsi l’Etat fédéral serait incomplet puisqu’il n’y aurait pas de président. Cela suppose que les chefs d’Etats se fassent Hara Kiri et qu’il existe une nation européenne.  Cette hypothèse n’a aucune réalité. Les pays de l’Est qui viennent de recouvrer leur indépendance n’en veulent pas. L’Allemagne réunifiée n’en veut surtout pas. Les peuples disent non quand on les sollicite. Pour qu’un état fédéral se constitue, il faut un ennemi commun. La guerre d’indépendance contre les Anglais a, seule, permis la constitution des Etats-Unis. C’est un exemple unique. Sinon c’est un centre dominant qui fédère des conquêtes, comme l’URSS, modèle répulsif s’il en est. Construire un état fédéral par grignotement, sans dire que le mot « construction » signifie destruction des Etats nationaux souverains et création d’un gouvernement fédéral, dans un système d’assemblée à peu près totalement incontrôlable, est une opération saugrenue. Surtout quand on sait qu’une partie des membres possibles a opté pour un localisme puissant doublé de l’acceptabilité d’une suzeraineté américaine pour la défense et la diplomatie.

Ceci pousse à regarder avec un peu de détail la seconde approche : l’Europe apatride, a-nationale. Le ‘a ‘ privatif est la lettre importante.  Il ne s’agit pas de créer une nouvelle structure à potentiel de puissance.  L’idée est de faire de l’Europe un espace apatride, sans définition précise, ni espace fixé, ni ambition particulière. Le but est d’édenter suffisamment les nations anciennes, presque toutes des anciens empires, pour neutraliser leurs ferments d’influence internationale et leurs conflits nationaux. Les lions ayant tendance à se déchirer de façon un peu excessive et répétée, il faut leur arracher les dents et en faire sinon des veaux du moins des mâles châtrés. L’Europe a-nationale est composée d’apatrides, sans racines ni particularismes.  Elle est également a-démocratique. Le peuple est soigneusement laissé à l’écart, par des institutions d’apparence qui vide les nations de leur souveraineté mais ne sont constitutives d’aucune souveraineté de remplacement.  Cette Europe n’a pas d’armées, pas de diplomatie, pas de puissance au service d’une volonté. Elle est dirigée par une toute petite coterie cooptée qui anime des réseaux d’influence et qui contrôlent la puissance oligarchique exécutive, et tient l’information dans les grands médias.   Dans cette optique, les Parlements nationaux sont court-circuités et deviennent des chambres d'enregistrement. On cherche à diviser les nations en régions qui pourront dialoguer entre elles et avec le pouvoir central européen. Les gouvernements nationaux n’ont plus de pouvoirs, transférés soit à l’étage du dessus soit à celui du dessous. Les dirigeants nationaux sont démonétisés et impuissants. Cette Europe apatride est sous suzeraineté américaine qui veille à ce que le marché européen reste ouvert à ses entreprises et son capital à disposition de leurs fonds spéculatifs.  L’Europe ne peut plus avoir de diplomatie autonome, sous réserve de sanction. L’Europe apatride de type zombie et sous suzeraineté américaine est l’Europe de certains européens dans la main des Etats-Unis. La coulisse est tenue par des représentants sélectionnés du monde de l’entreprise et du journalisme, organisés dans des clubs ad hoc, anciennement financés par les Etats-Unis et maintenant par l’Europe et les grandes entreprises concernées. L’idéologie est mondialiste et orientée vers la spéculation. L’indifférence à la situation des classes moyennes mises en concurrence en Occident avec les masses chinoises et indiennes est totale. L’Euro est une monnaie zombie qui a surtout pour but de mettre sous tutelle toutes les banques et les déposants, et indirectement les Etats. Le symbole de cette Europe apatride et sans passé est l’absence de tout monument européen réel ou portrait d’hommes européens illustres sur les billets en Euros. L’Europe n’est pas non plus considérée par une unité géographique ou culturelle. Le flou géographique comme celui de la civilisation est totale. Elle est ouverte à tous les vents du commerce, de la finance et des mouvements de population. Cette Europe apatride et quasi totalement américanisée est celle de Jean Monnet qui se considérait lui-même comme apatride et abhorrait les nations et le mot même de patrie.  Le fait de l’avoir panthéonisé sous la bannière « la patrie reconnaissante » est tout à fait caractéristique de l’esprit de Mitterrand qui aimait corrompre. Cette Europe apatride et zombie sous tutelle américaine est celle qui fait l’objet des plus nombreux rejets, mais qui est effective.  Elle stimule à l’heure actuelle des flots de contestation, de Régis Debré et de l’extrême gauche aux populistes, des Brexiters au pays de l’alliance de Visegrad. Le côté « on a détruit et remplacé par rien » devient dominant. L’Europe est un dissolvant et ne crée plus, parce qu’elle n’est plus. Elle n’est plus une race, elle n’est plus une religion, elle n’est plus une culture, elle n’est plus une civilisation, et même plus une place libre et forte du débat social. Elle possède une langue de substitution, l’anglais, qui ne lui est pas propre.  Comme le disait récemment un grand patron d’une banque américaine : « Europe is an also run territory. Europe is no more relevant ».  Il voit l’Europe, au mieux, comme une place de consommation pour les produits des entreprises mondialisées. La vraie question pour lui est la Chine ! pendant ce temps au sein des nations, à droite comme à gauche, les cris s’élèvent contre un « système » devenu zombie, impuissant, sans passé et cultivé hors sol dans une ambiance purement individualiste et consumériste.

 

Au moment des débats fondamentaux de Maastricht, nous avions nous-mêmes défendu, dans un profond désert, une approche différente, totalement marginale mais qui correspondait au minimum garanti d’adhésion des peuples européens.  Nous pensons toujours que cette Europe putative, mais latente et partiellement mise en œuvre, est celle à laquelle les peuples ont adhéré. Ainsi s’explique à la fois le nombre d’anti Brexit au Royaume Uni et le fond d’attachement à la construction d’une Europe unie qui reste vif sur le continent. Le retour pur et simple aux nations autonomes et poussant leur avantage au détriment des autres n’est pas l’idée dominante en Europe.  

Cette troisième conception de l’Europe est l’Europe de la co-citoyenneté, des co-opérations, des co-mmunautés.  L’idée fondamentale est que les nations européennes cessent de considérer comme un étranger les membres des nations qui entrent en communauté. Un européen est partout traité comme le national du pays où il a choisi résidence. Aucune discrimination n’est autorisée entre nationaux et résidents européens non nationaux qui disposent des mêmes droits civils de contracter.  « Je ne te crains pas, donc tu es mon égal chez moi avec tous mes droits ». Chaque nation de la communauté fait en sorte d’éliminer les mesures discriminatoires qui avaient pour but de nuire à ses voisins.  Cette optique est à la fois profonde (il y a un pacte de confiance sous-jacent très fort) et légère. On n’a pas besoin d'unifier tout, dans tous les domaines. La création de régions n’a pas de nécessité particulière, pas plus que celle d’un parlement. On ne détruit pas les Etats. Mais ils ont une promesse à tenir : celle de ne pas se nuire, de ne pas discriminer leurs habitants, et de chercher partout la résolution pacifique des conflits. La co citoyenneté peut déboucher sur la co prospérité qui elle demande plus de travail d’unification ou d’harmonisation, donc un processus institutionnel plus charpenté, pour élaborer les normes communes. Les Etats restent les seuls organes habilités à les mettre en œuvre et à les contrôler.  

On trouve dans l’organisation actuelle de l’Europe des éléments des trois conceptions. Elle forme un hybride assez curieux. Certains diraient une chimère.   

Le vrai poison est la formule Monnet d’une Europe apatride et zombie. A la limite, la création d’une Europe Fédérale, puissante et indépendante peut être un objectif défendable, à condition qu’on en précise correctement les contours géographiques, l’unité culturelle et civilisationnelle, et la vocation. Aujourd’hui c’est une utopie. Mais c’est une utopie défendable, si on admet qu’elle suppose la fin de la suzeraineté américaine et une vraie indépendance, avec une armée respectable et respectée, une diplomatie et une politique économique qui part des besoins des européens et défend toutes les classes sociales.

La perte de ce que nous venons de définir comme co-citoyenneté est ce qui navre les Britanniques. Ils y tenaient à cette possibilité de circuler, de s’installer, de contracter, d’acheter, de produire, totalement librement partout en Europe.  En revanche ils ne voulaient ni de l’Europe zombie avec monnaie du même acabit, ni de l’Europe fédérale supranationale.

L’Europe de la co-citoyenneté a été malmenée par l’octroi de la libre circulation à des populations problématiques comme les ROMS, par la politique d’importation de plus d’un million de musulmans par Mme Merkel et par la tolérance de l’immigration africaine de masse, avec une prédominance des populations islamisées. Du coup, vous ne pouvez plus dire en Europe : « je ne te crains pas ».  Ces immigrations ont conduit à une « dé civilisation » et des conflits communautaires, sectaires et racistes détestables jusqu’au meurtrier.

L’Europe de la co-prospérité a été également bousculée par la suppression du tarif extérieur commun et l’acceptation d’importations étrangères de masse, non soumises aux mêmes règles coûteuses et contraignantes de production, qui ont détruit en partie l’emploi et la stabilité des classes moyennes européennes dans la partie développée. Résultat : le fanatisme libre échangiste des instances européennes est plus vu comme la soumission à des intérêts particuliers qu’à la volonté du bien commun.

Du coup le pilier le plus fort, l’Europe de la co-citoyenneté et de la co-prospérité, est fortement entamée, au moment même où l’Europe apatride et antinationale non seulement ne fait plus recette mais répugne et que l’optique Fédérale à l’américaine n’a plus de crédibilité du fait de la soumission à un Trump maniant la schlague d’une bonne partie des pays européens.

La liberté des échanges sans harmonisation des coûts de production était possible si la dévaluation des monnaies nationales permettait de rectifier des différences radicales de compétitivité. L’Euro a supprimé cette soupape de sécurité et entraîné des déséquilibres internes monstrueux, l’Allemagne pompant quasiment toute la liquidité européenne.

Dans ces conditions l’Europe est devenue plus que problématique. Ses institutions posent question ; sa monnaie est dysfonctionnelle ; son inspiration est ambiguë ; son extension est incertaine ; sa souveraineté est inexistante ; sa capacité d’action et surtout de réaction est quasi nulle. Tout changement de cap ou décision rapide lui est interdit. Elle n’a aucune capacité exécutive, sauf dans des domaines totalement délégués où elle est frénétique et agit dans le détachement total des volontés des peuples, en général en liaison avec des lobbies. Elle sait empêcher mais elle ne sait pas faire, sinon mal, lentement et à des coûts extravagants.

Comment sortir d’un tel marasme, pour ne pas dire d’un tel effondrement ?

Seules deux voies sont possibles :

-          La construction modeste mais fondé sur un fort sentiment positif des peuples de l’Europe de la co-citoyenneté et de la co-prospérité

-          La construction d’une Europe fédérale.

Dans l’optique de la co citoyenneté et de la co prospérité, il faut détruire, reconstruire et corriger.

La régionalisation forcée n’a strictement aucun intérêt européen. Il appartient aux Etats, pas à l’Europe, de définir comment chaque territoire national doit être administré. Le lien avec l’Europe se fait par les Etats et les financements directs régions à régions et Europe à régions sont bannis. 

La Commission doit être totalement redéfinie. Il faut créer un Secrétariat européen qui aurait uniquement pour but d’instruire les questions qui conditionnent la co-citoyenneté et la coprospérité. Ce secrétariat perdrait son monopole d’initiative mais pas son droit d’initiative.

Le Parlement européen disparaît au profit d’un Conseil européen des normes communes, dont la vocation est d’instruire avec le secrétariat européen, toutes les initiatives visant à rendre concret la co-citoyenneté et la co-prospérité.

Lors que des politiques communes ont été définies, elles sont gérées par des instances ad hoc, détachées de la Commission et des Etats, mais dont la gouvernance est nommée et contrôlé par les Etats.  

La zone Euro est par exemple gérée par un Chancelier de la zone Euro appuyé sur une mini assemblée consultative et un conseil exécutif. Elle n’a pas vocation à être rejointe par tous les pays de l’union.

La politique agricole peut faire l’objet d’une organisation similaire.

Etc.

Parmi les législations urgentes que ces institutions diversifiées auront à définir, trois sont fondamentales :

-          La réforme de la zone euro afin d’empêcher les énormes excédents et les déficits associés. Nous avons formulé plusieurs solutions sur ce sujet dans des articles précédents sur ce blog. L’idée est d’empêcher d’accumuler d’énormes excédents. Et de mener des politiques déflationnistes sans fini dans les pays déficitaires pour corriger les déséquilibres.

-          La redéfinition de la notion d’étranger et la mise en commun des règles de naturalisation et les politiques migratoires, avec une clarification des migrations internes de pauvreté et les règles d’expulsion des indésirables (délinquants condamnés asociaux etc.).

-          La redéfinition des politiques de concurrence et de commerce, avec la reconstruction d’un tarif extérieur commun, probablement justifié par des considérations écologiques plus que directement commerciales, et sur des règles communes en matière de définition et de taxation des bénéfices des entreprises.

Le Conseil des Nations de l’Union Européenne a essentiellement un rôle d’impulsion et de vigilance pour veiller au bon fonctionnement de ces entreprises communautaires et réfléchir aux extensions éventuelles.  

Il faut noter que la notion de fonctionnaire européen disparaît, et avec lui son statut. Les agences emploieront soit des fonctionnaires détachés soit des contractuels.

Ceux qui pensent qu’une optique fédérale doit être immédiatement consolidée, avec une politique militaire commune, avec une commission devenant gouvernement fédéral, avec une diplomatie commune et  avec un énorme budget commun n’ont rien compris à l’état de l'opinion en Europe sur fond de Brexit, de création d’un groupe de Visegrad et d'effondrement du couple franco-allemand, alors que l’Italie traite directement avec la Chine,  que la Grèce est KO, que la Hollande se révèle un pays de tricheurs phénoménaux, etc.

La posture fédéraliste du président Macron est intenable comme projet européen, même si elle peut l’être comme projet politique personnel. Elle suppose d’évacuer toutes les réalités qui fâchent du débat, pour le réduire à une lutte entre le bien et le mal. Ce qui extrêmement dangereux, en termes de politique interne français.

La politique de Trump qui pratique la suzeraineté américaine avec le big stick rend impraticable et intolérable l’Europe apatride et zombie de Jean Monnet.

Reste donc et c’est la carte unique de la France : le renforcement de l’esprit co européen avec des institutions communes allégées et éclatées, et des politiques corrigées des tares les plus visibles. Il n’est même pas exclu, dans une telle perspective, que la Grande Bretagne soit amenée à reconsidérer le Brexit.   Le sentiment de co-citoyenneté est très fort au Royaume Uni : aucun anglais ne veut se retrouver étranger sur le continent. La nécessité de la co-prospérité est évidente. Le Brexit est le fruit des effets pervers de l’Europe zombie de Jean Monnet et des tares non corrigées dans le domaine des flux migratoires, des flux commerciaux et des flux financiers dans le cadre de la monnaie unique.

Il fallait d’abord mettre fin aux désordres moraux, civilisationnels, commerciaux, financiers et migratoires, avant de crier comme un cabri « Europe, Europe, Europe !». On n’a fait que les nier et on les a amplifiés avec les conséquences que l’on sait. Quand on ne s'adresse plus à l’esprit public et qu’on laisse pourrir les difficultés, dont certaines ont été créées de toute pièce en vue de créer une dynamique anti nationale, on n’obtient que la décomposition générale et un sentiment de répulsion.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

L'Eurosystème : 20 ans (et pas toutes ses dents).

L’Eurosystème est un truc assez bizarre dont peu de gens connaissent bien la construction. Il faut parler de monnaie de nom unique. La France a appelé sa monnaie Euro, comme chaque membre du système. Mais en fait il s’agit à chaque fois de monnaie nationale. Les banques centrales nationales demeurent. Par convention, le passage à ce nouveau nom a coïncidé à un changement de parité avec la monnaie d’ancien nom national. Par traité chaque membre du système a décidé d'accepter sans limitation toute monnaie portant le nom d’euro pour sa valeur faciale et le système s’est vu doté d’une chambre de compensation appelée Banque centrale Européenne. Par extension on a chargé cet organisme de la politique d’émission commune puis de la surveillance des banques systémique.

Pour éviter que les tensions internes ne viennent faire exploser le système on a décrété des règles macroprudentielles relatives aux déficits budgétaires et au taux d’endettement. Et on a confirmé les règles de 1973 : la BCE ne peut pas financer directement les États. Les États sont en concurrence avec les entreprises pour se financer et devront payer ce qu’il faut. Le seigneuriage a été donné aux banques. Pour que la pâte devienne homogène, le principe de la liberté de circulation des marchandises, des hommes et des capitaux a été érigé en dogme.

Ce système est très proche de celui du Dr Schlotterer, présenté en juillet 1940 au bénéfice de l’Allemagne nazie. Il prévoyait que toutes les monnaies européennes seraient compensées dans une instance ad hoc. Les changes seraient fixes. La zone n’aurait pas de droit de douane. Un économiste français a même proposé que dans ce cadre on crée une monnaie de même nom : l’Europ. Cela ne s’invente pas. Par rapport à l’Eurosystème, il n’y a que deux vraies différences : les états pouvaient réajuster leurs changes en cas de dérapage et les soldes de compensation devraient se régler. En bon nazi, Schlotterer pensait que l’Allemagne avait les moyens de jamais rembourser ses déficits de compensation…

Lors le gouvernement britannique a eu connaissance de ce plan, il a demandé à l’illustre économiste Keynes d’en faire la critique immédiate. La réponse fut un peu shocking. Keynes trouvait toutes les vertus au système Schlotterer et proposa d’en écrire une version honnête. Dans la pratique, tout le monde devait liquidait ses positions à un moment ou à un autre, mais on aidait les pays en déficits à faire l’effort de retour dans les clous sans trop de douleur, tout en pénalisant les pays trop excédentaires. Keynes avait trop bien vu, comme Rueff les dégâts provoqués par les trop gros excédents pour ne pas les condamner. Sinon les changes étaient fixes ; l’étalon n’était pas national ou métallique mais nominal : le Bancor.

À Bretton Woods, le plan White d’étalon de change or, avec une monnaie pivot nationale l’emporta. Pour exploser en 1971.

L’Eurosystème est donc très proche du projet Schlotterer et du projet Keynes.

Avec deux énormes défauts :

-          Aucun membre n’est requis de solder ses positions qui s'appelant en volapük européen Target 2.

-          Il n’est pas possible de dévaluer ou de réévaluer.

L’encadrement du système ne prévoit que des mesures budgétaires ou des ratios de dettes. Mais les flux internes dépendent de bien d’autres facteurs, comme les politiques salariales ou la durée du travail. Lorsque Jospin a décidé une politique malthusienne en France quand Schroeder et Harz mettaient en œuvre la politique inverse, euro ou pas, budget ou pas, endettement ou pas, les déséquilibres sont rapidement devenus monstrueux.

Le drame s’est noué quand il a fallu les réduire. L’impossibilité de dévaluer a imposé des politiques de déflation massive et de grandes rigueurs.

Au moins devions nous être tranquilles en cas d’attaques spéculatives : le risque sur la monnaie était nul. En fait les spéculateurs oints attaqués les taux de refinancement des États.

Lorsque l’explosion de l’économie baudruche, alimentée par le système des changes flottants et l’abandon des disciplines de Bretton Woods, les banques européennes se sont retrouvées en faillite et il a fallu que la BCE fasse tout ce qu’elle avait dit qu’elle ne ferait jamais. Plusieurs milliers de milliards d’euros de création monétaire en plus ont permis de donner du temps au temps. Dix ans après, cette politique dite de Quantitative Easing s’achève, mais les banques sont loin d’avoir apuré leurs portefeuilles de crédits « non performants ». On a soigné une crise de solvabilité par une réponse de liquidité. Et on a prêté beaucoup aux États, les taux d’intérêt finissant par devenir négatifs, du jamais vu.

Pour dresser les pays qui auraient pu faire sauter la confiance, on n’a pas hésité sur les moyens : la BCE arguant de ses craintes sur le système bancaire grec a cessé de refinancer ces dernières en ne laissant au déposant qu’un filet de liquidité à retirer chaque jour. La leçon visait aussi et peut-être surtout la France. Du coup la peur règne sur l'épargne européenne.

Le grand perdant dans l'opération sera le contribuable et le client des banques assujettis de mille manières et volés au coin d’un bois par des frais grotesques et sans justification.

Certes l’Eurosystème a duré puis survécu. Qu’on se souvienne des philippiques contre les « contractionnistes » à Bretton Woods et le refus « définitif » de politique de déflation monétaire et budgétaire violente ! Et qu’on les compare à ce qui a été fait en Europe entre 2010 et aujourd’hui.

L’impossibilité de dévaluer et de réévaluer a montré toute sa nocivité.

Pire encore, aucune convergence ne s’est produite entre les économies et certains pays ont accumulé d’énormes excédents dans Target 2 et principalement l’Allemagne en dépit des interdictions diplomatiques. Cette politique mercantiliste a pompé toutes les liquidités des pays en déficits. Elles ont été placées dans des actifs spéculatifs et perdues. Ou elles ont servi à racheter des entreprises notamment en France alors que l’Allemagne rechigne à voir la Chine, qui a mené la même politique mercantiliste, lui chiper son Mittelstand.

Le fait qu’on ne puisse pas ajuster les soldes de Target 2 est un énorme défaut.

Tout le monde savait au même de Maastricht que l’Europe mettait la charrue monétaire avant les bœufs économiques. On se disait qu’on réajusterait un peu plus à chaque crise dans le sens fédéraliste. Ce qui a été fait en partie, notamment en centralisant le contrôle bancaire.

L’enfant mal né est devenu bancal en grandissant. Tout le monde a bien compris qu’on ne pouvait pas en rester au système actuel.

Pour nous la solution est simple :

-          Créer une instance de COORDINATION de toutes les politiques influant sur les échanges internes et externes. Un chancelier de la zone Euro, doit conseiller l’Europe dans ces choix et définir la politique monétaire et de change.

-          Stériliser de façon automatique et progressive les très gros excédents et obliger les pays déficitaires, tout en les aidant, à revenir dans les clous.

Une autre solution qui a les faveurs des européistes dogmatiques est de créer un immense impôt européen pour mener des politiques de convergences centralisées. Macron a défendu cette idée.

Dans le climat anti impôt du moment, et alors que l’Europe est privée de ressource par le Brexit, cette démarche est impossible à faire passer. Il est plus simple de créer une instance de coordination et un automate de stérilisation des excédents de Target 2.

Si cela ne marche pas, soit pour des raisons de révoltes politiques devant la stagnation, soit pour des raisons purement monétaires et économiques, il sera bien temps de passer la marche arrière, qui n’est pas si compliquée.

Il suffira que chaque nation redonne un nom propre à sa monnaie, tout en la déclarant échangeable à taux fixe et qu’on mette en place un vrai système de compensation avec règlement des soldes. Après quelque temps, quatre à cinq années, afin d’apurer en douceur les en-cours en Euro, on admettra des dévaluations ou des réévaluations concertées, encadrées pourrez éviter les dérapages.

Dans tous les cas, l’Europe devrait militer pour une diplomatie de la prospérité qui imposerait le retour à des changes fixes et ajustables dans le monde, avec un étalon mondial extra-national. Vive le Mondio !

Il faudra bien en finir un jour avec les désordres provoqués par l’abandon des monnaies métalliques et le triomphe des monnaies administratives reproductibles à l’infini. Une solution stable, après 100 ans d’expériences partielles et remises en cause par leur maître d’œuvre, ne doit plus se faire attendre plus longtemps. Les changes flottants et la spéculation à tout va, cela suffit !

Rien n’est plus urgent que mettre fin au dysfonctionnement du système de change global et à celui de l’Eurosystème.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

 

Un anniversaire saumâtre : le déclenchement de la Grande Récession

Une crise encore largement incomprise.

Au fur et à mesure que l’on se rapproche du 15 septembre, dixième anniversaire du déclenchement spectaculaire de l’effondrement bancaire international de 2008, avec la faillite acceptée par Paulson de Lehman-Brothers, la presse revient de plus en plus largement sur son déroulement et sur le comportement des uns et des autres des dirigeants aux manettes à ce moment décisif.

Il est intéressant de constater combien les causes de la crise restent appréciées avec courte vue et légèreté.

« C’est une crise des « subprimes » américaines et de la finance mondialisée et dérégulée.   Un incident grave mais finalement bien cerné. Maintenant qu’on a étouffé les banques sous les réglementations diverses, les causes sont sous contrôle et il ne reste qu’à éliminer progressivement les conséquences de ce choc violent. On est sur la bonne voie mais il faut faire attention car les mêmes forces financières peuvent à nouveau se déchaîner, si on relâche la garde ». 

Tel est le mantra de pratiquement tous les articles écrits sur le sujet, que ce soit les propos tenus par les personnes interviewées ou les commentaires des journalistes.

Nous pensons que cette analyse est trop partielle. Elle fait l’impasse sur trois faits majeurs :

-        Les crises de 73-74, 92-93, et 2008 sont de même nature et ont les mêmes causes

-        Le taux de croissance n’a cessé de baisser depuis 1971 de décennie en décennie

-        Le taux de dettes n’a cessé de monter depuis 1971.

D’autre-part, on ne comprend pas pourquoi les banquiers se seraient mis tout soudain à faire n’importe quoi, même si la dérégulation bancaire et l’acceptation d’innovations financières dangereuses accélérèrent les difficultés à partir de la seconde partie des années 90.

Dans notre livre « l’Etrange Désastre » nous avons tenté de montrer que ces crises à répétition provenaient des énormes excédents et déficits de balances de paiement acceptés après l’abandon des disciplines des accords de Bretton Woods. Le recyclage d’excédents aussi massifs a créé une liquidité internationale délirante qui a transformé l’économie monde en économie baudruche. A chaque mini explosion, les banques centrales ont alimenté la machine pour qu’elle ne sombre pas et tout a recommencé un peu plus tard en plus grave, avec un gonflement de valeur d’actifs spéculatifs tout à fait artificiel. Les « subprimes » sont bien l’allumette qui a fait sauter la bombe, mais la bombe était constituée par une accumulation de dettes spéculatives autrement plus massives.

Le trou sur les « subprimes » était en 2008 de près de 600 milliards de dollars et d’après des estimations (dont on ne sait trop comment elles ont été faites et qui varient) la perte finale serait située entre 200 et 300 milliards de dollars. Et il a fallu que les banques centrales créent près de 16 mille milliards de dollars de monnaie et au total c’est environ 60 mille milliards de dettes nouvelles qui ont été générées pour passer le cap !   La perte instantanée était en septembre 2008 probablement proche de 10 mille milliards de dollars, vingt à quarante fois les pertes potentielles sur les « subprimes ».

Dans son interview au Figaro (29 août 2018), Nicolas Sarkozy indique « qu’il fallait avoir une cécité complète pour ne pas s’alarmer » des incidents financiers de l’été 2007, en particulier le blocage des trois fonds de la BNP. Mais lors de la campagne de 2006, il ne voyait rien venir. Nous avons écrit à son équipe de campagne de « ne pas annoncer qu’il allait redresser spectaculairement la croissance, alors qu’une crise majeure allait frapper son quinquennat ».  Sans réaction de sa part. Nous avons publié une version allégée sur le site du forum du Monde pour bien marquer que la crise arrivait et qu’il fallait s’y préparer. 

On sait que Mme Merkel, au moment de l’effondrement, était totalement larguée et continuait de raisonner en gardien du coffre-fort allemand. « La crise est la faute des autres qui ne devaient pas compter sur l’Allemagne pour payer les pots cassés ».  Sarkozy a raison de le rappeler. Mais ce que ni lui ni Merkel n’avait vu, c’est que les banques allemandes étaient automatiquement les plus atteintes puisque c’est elles qui recyclaient les prodigieux excédents allemands. Ce n’est pas seulement HRE qui est en faillite virtuelle en septembre 2008, mais toutes les landesbanken, la Dresdner et la Deutsche Bank, comme la suite le montrera. Merkel n’avait rien vu venir. « Les excédents c’est bien, c’est fort et les banques allemandes sont bonnes et fortes ». En fait elles étaient le moteur du recyclage des excédents et sont largement responsables des investissements douteux dans les pays du Club Med et surtout aux Etats-Unis, dans les subprimes et divers autres marchés spéculatifs.

La corrélation entre trop gros excédents et fragilité bancaire n’est toujours pas faite par les autorités. Dans la même édition du Figaro, Olaf Scholz (vice chancelier SPD de Merkel) considère que l’excédent du commerce extérieur allemand de 265 milliards de dollars, qui a déclenché la crise récente avec les Etats-Unis, ne sont pas un problème. Pour lui, l’Etat allemand n’est pas en cause. C’est juste le résultat de la bonne santé des entreprises allemandes qui sont bien intégrées dans la mondialisation.  « La croissance et la réussite d’un pays sont bonnes pour tous ». Quant au change, il n’est pas sous la direction de l’Etat allemand. Circulez, il n’y a rien à voir, surtout que nous menons une « politique social-démocrate intelligente ».

Nicolas Sarkozy, dans son interview, considère qu’il n’est pas nécessaire de connaître Ricardo, Keynes et Milton Friedmann, pour gérer une crise financière. C’était sans doute vrai au moment de l’explosion du système bancaire et son action en faveur d’une « bombe atomique » lancée contre la spéculation par la BCE a été salutaire, alors que Trichet était dépassé. Mais il devrait tout de même lire le discours aux communes de Keynes expliquant le lien entre désordre monétaire, crise et trop gros excédents commerciaux. Du coup il comprendrait pourquoi la crise est survenue et surtout pourquoi elle risque de revenir. Car s’il craint le retour de la crise il ne dit pas pourquoi les mesures prises ne suffisent pas à l’empêcher. Ricardo a aussi quelques très bonnes pages sur la confusion entre mercantilisme accumulant de l’or et création de richesses. Quant à Milton Friedman, une bonne partie des critiques faites à l’organisation de l’Euro était pertinente. Ce qu’on a vu en 2011.

Il se trouve qu’Emmanuel macron vient d’annoncer et son plan économique interne et son orientation européenne. En route pour une diplomatie économique !  Elle n’est conçue que comme une aide aux exportations. Si le pays n’est pas compétitif, c’est un leurre. Le premier acte d’une diplomatie de la prospérité est d’abord de restaurer la compétitivité du pays et redresser ses comptes. Ce que jusqu’ici, il n’a pas osé faire.   Ensuite de bien comprendre ce qui ne va pas en Europe et dans le monde. Dans une ambiance qui a vu la croissance baisser chaque décennie, ponctuée à chaque fois par une crise toujours plus grave, il importe d’avoir compris pourquoi. Le président n’a jamais énoncé de diagnostic précis sur cette question. Voici que justement Donald Trump frappe la France à cause des énormes excédents allemands. Et que le FMI rappelle que les gros excédents posent un problème. Il serait donc temps d’avoir une vision claire de ces questions. D’autant que Mme Merkel veut imposer un candidat allemand à la présidence de Commission Européenne.

Une diplomatie de la prospérité passe obligatoirement par une stratégie pour mettre fin aux dysfonctionnements globaux du système monétaire international et à ceux de la zone Euro. Sur ces deux questions le silence est total aussi bien dans les propos du Premier Ministre que dans ceux du Président.

Nous sortons en loques d’une crise internationale d’une rare violence et d’une période où l’Europe a fait pire que tout le monde ; les Etats-Unis nous agressent ; les Chinois utilisent leurs excédents colossaux pour acheter notre capital et des entreprises stratégiques dans l’énergie.  Et nous n’avons rien à dire, rien à faire et aucun but diplomatique ?

Nous sommes de ceux qui pensent que c’est une honte française. On peut être en difficulté. On n’a pas le droit de ne rien comprendre et de ne rien faire de véritablement efficace par crainte des réactions syndicales et électorales. Surtout quand tous les mécanismes de la crise ont été explicités par des économistes français de grand talent : Jacques Rueff et Maurice Allais que nos Présidents seraient bien inspirés de relire. 

Une de fois de plus les économistes ne facilitent pas la conversion des politiques.  Un rapport dont toute la presse s’extasie une fois de plus explique la crise par des éléments non significatifs : la prétendue baisse structurelle de la productivité avec des innovations qui ne créent pas d’emplois, ou même, comme les développements récents de l’intelligence artificielle, en supprimeraient l’essentiel, le vieillissement de la population, les écarts de rémunérations. Ce qui est déclaré comme des causes sont pour la plupart des conséquences. Dans une économie baudruche les actifs sont grossièrement surévalués et donc les possédants paraissent avoir une part augmentée. Mais c’est toujours la même maison et toujours le même portefeuille boursier. L’échelle de mesure a changé ( la valeur réelle des principales monnaies a chuté de plus de 95% depuis 1971 ), mais les biens eux-mêmes sont quasiment les mêmes. L’innovation ne produit de productivité et ne crée de l’emploi que si la conjoncture est bonne. Elle ne l’est que de façon artificielle dans une économie baudruche.

Si on restaurait des institutions économiques et financières correctes dans le monde et en Europe, on verrait que la croissance est possible avec une régularisation de bien des excès actuels. La vraie question apparaîtrait alors : le caractère fini des ressources naturelles consommées et les effets globaux des déchets de production et de consommation. Ces deux questions ne peuvent trouver de solution que dans un cadre économique global sain.

Sortir le monde de l’économie baudruche est actuellement le seul combat économique qui vaille. Il faut bien reconnaître que, malgré des progrès, le monde regarde ailleurs.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

Le Monde : un article "collectif" d'économistes officiels décalés des vraies réalités et problèmes

C'est presque toujours le cas.

Nous n’avons jamais été très favorables aux suppliques de collectifs d’économistes. Si une idée est bonne elle n’a pas besoin d’être cautionnée par des masses de catéchumènes. Les arguments d’autorité sont rarement pertinents. L‘histoire montre qu’en France ces protestations collectives publiées par Le Monde ont toujours cherché à cautionner des âneries et à promouvoir des mesures politiciennes ou corporatistes.

Les économistes ne peuvent intervenir dans le champs politique que pour apprécier les risques ou avantages d’une mesure particulière pour la prospérité générale et notamment d’avertir sur les effets pervers. L’économie n’est pas une discipline simple et ses lois sont souvent contre-intuitives. Par exemple : la productivité ne tue pas l’emploi, ce que le non initié ne peut pas comprendre puisqu’il ne voit que la perte d’emploi immédiate et localisée. Ils n’ont qu’une fonction de conseil et d’expertise. Le conseil et l’expertise ne gagnent pas à la collectivisation ni aux tracts. 

On se souvient qu’une collection d’imbéciles motivés par des considérations purement politiciennes avaient cru devoir saluer le passage aux trente cinq heures comme une mesure formidable. Dès qu’elle a pu développer ses effets, c’est-à-dire à partir de 2001, cette mesure a contribué à enfoncer la France dans les déficits extérieurs et intérieurs, sans espoir de solution. Quant aux résultats sur l’emploi qui devaient être mirifiques, nous en sommes toujours autour de 10% de chômeurs, des millions de personnes, souvent enfermées depuis des années dans la trappe à pauvreté. Aucun des signataires ne souhaitent d’ailleurs triompher en se vantant de sa participation à cet exercice techniquement malhonnête et politiquement un tantinet putassier, puisqu’intéressé par des places à prendre alors qu’on savait le résultat garanti comme déplorable.

Ce côté « places à prendre », « carrières à faire » et « budgets à trouver » est maintenant une des « impropriétés » les plus lourdes de la démarche des « collectifs ». Ils veulent collectivement qu’on leur crée une boutique subventionnée au nom d’une bonne cause. L’exemple de ce qui s’est passé pour le climat obsède tout le monde. Des budgets massifs, des passages à la télé, des décorations, des voyages…

On a ainsi vu des géographes exiger une COB immigration, des économistes vouloir la création d’un institut qui irait voir les produits financiers créés par les banques etc…

Dans le cas qui nous intéresse, il s’agit plus prosaïquement de « briser des tabous ». C’est le rôle nouveau et imprévu des économistes, du moins de ceux qui, par magie, sont immunisés contre le risque vulgaire de se soumettre à des tabous. Cette prétention à considérer que les mauvaises mesures ne sont pas le fruit de conflits d’intérêts, de pressions de lobbies, et d’influence des idéologies est assez drolatique.

Pour briser des tabous européens il faut réunir des économistes immunisés venant des quatre coins du monde et pas seulement d’Europe. 5 sur 16 des signataires viennent de l’extérieur de la zone euro ce qui leur permet une juste appréciation des choses. Evidemment, pas de Bulgares, de Grecs, de Lettons, de Polonais ni de Tchèques. Pas plus de représentants des pays du Club Med.

Nos pétitionnaires sont tous des européistes à tout crin en goguette pour appuyer les efforts de l’homme de la Pnyka et de la Sorbonne pour une relance de l’Europe, et qui cherchent à émerger auprès du pouvoir ou à consolider leur rôle existant. Des économistes officiels donc, de ceux qui n’ont pas vu venir la crise et qui, comme Pisani-Ferry n’ont jamais été en manque de suggestions grotesques comme de rétablir dans l’assiette imposable « l’économie de loyers » dont bénéficient les propriétaires de leurs logements !

Qu’affirment-ils dans leur article de la page « idées » du Monde du 11 juillet 2018 ?

D’abord qu’une « véritable union bancaire » est en vue depuis qu’on a brisé le tabou qui bloquait la garantie européenne des dépôts. Mais qu’il faut aller plus loin en brisant un autre tabou, « l’excessive concentration des dettes publiques détenues par les banques nationales ». En quoi est-ce un tabou ? Personne ne se croit obligé de l’expliquer. Ni d’ailleurs pourquoi il faudrait que ces dettes soient portées par des banques non nationales.  A l’heure actuelle une bonne partie de ces dettes a été renvoyée sur la BCE par les banques européennes pour se sauver de la faillite.   Créer un titre de dette publique européen garanti de façon centralisée aurait l’effet pervers de laisser les pays aimant le déficit public comme la France ne plus craindre les réactions négatives des marchés. Le seul bénéficiaire serait le trésor français.  Proposera-t-on qu’ils soient portées par des banques non européennes pour être logique avec le concept de malfaisance pour les banques européennes de porter de la dette européenne ? Si certains pays ne veulent pas de la garantie collective, ce n’est pas parce qu’ils sont victimes d’un tabou mais parce qu’ils ne veulent pas payer pour les pays laxistes qui comme la France nourrissent un déficit public depuis près de 50 ans. 

Il faudrait ensuite revoir les règles budgétaires de l’Union. On sait que les milieux européistes les ont fait voter pour presqu’aussitôt après les déclarer « stupides » et demander d’aller plus loin. Là encore où est le tabou ? Il ne s’agit que d’une tactique partisane. On a mis la charrue avant les bœufs et maintenant que la charrue est cassée pour avoir été abondamment piétinée, on affirme qu’il faut aller encore plus loin. C’est la crise de 2008-200x qui a fait exploser le système et l’a conduit pour se sauver à des politiques coercitives déplorables. Pour les auteurs, « la crise ? Connais pas !». Il faut simplement donner plus de pouvoirs aux économistes qui font carrière dans les conseils budgétaires.  « Des places, du pognon et vite » !

Le troisième tabou concernerait « la stabilité macroéconomique ». Cela devient plus intéressant mais que veulent dire ces termes ? Rien. L’article est vide de réelles suggestions et se contente de commenter des projets plus ou moins élaborés, comme une assurance chômage européenne, ou de déplorer que le recours au MES soit « stigmatisant ». Pas plus de « tabou » que de beurre en branche dans tout cela. Mais nos signataires sont prêts à mettre leur science au service de l’approfondissement des sujets en cours de débat. C’est gentil de leur part.

Rappelons ici les vrais enjeux. La récession mondiale qui a développé ses effets notamment en Europe est le vrai phénomène à comprendre pour en supprimer la cause. Aucun système européen quel qu’il soit aurait supporté ce choc facilement et nous n’en sommes toujours pas sorti. Un article du jour, de Reuters,  signale que le système bancaire allemand est encore malade et tarde à guérir. Rien d’utile ne peut être défini sans d’abord proposer de réduire les causes. Il deviendrait alors possible de réduire les conséquences.  Comme d’habitude l’article des économistes officiel n’a RIEN A DIRE sur ce sujet.

La principale faiblesse de l’Eurosystème est qu’il ne permet pas de juguler les énormes excédents de certains pays membres, alors que ces excédents sont mortifères. Ce sont eux qui expliquent notamment les difficultés du système bancaire allemand. Ces banques ont drainé l’épargne européenne et faute de réemplois en Allemagne, déjà hyper compétitive, ni dans les industries européennes (en désinvestissement, puisque non concurrentielle vis-à-vis de l’Allemagne), elles l’ont réinvestie, ainsi que la création monétaire bancaire associée, dans la spéculation, en Europe et dans le monde. Les landesbanken sont quasi mortes de leur excès de subprimes. Les investissements immobiliers inconsidérés en bordure de Méditerranée pèsent encore dans les comptes de toutes les banques d’investissements. La Deutsche Bank, comme la Dresdner et un quarteron d’autres banques plus modestes, ne s’en sortent que très difficilement du fait de leurs engagements dans le shipping et dans bien des projets exotiques et aventureux. Reuters indique qu’elles craignent de ne pas passer les nouveaux crashtests de la BCE.

La question de ces énormes déséquilibres n’est même pas évoquée, alors qu’elle est pleine d’actualité avec la visite proche de Donald Trump dont la réclamation vis-à-vis de l’Allemagne porte justement sur ses énormes excédents alors que ce pays ne paie pas sa sécurité et mène une politique mercantiliste agressive désagréable pour tout le monde et interdite par tous les traités internationaux.

Le refus par les économistes officiels ou universitaires de porter le regard sur les questions réellement brûlantes, la pusillanimité affichée et intéressée, sont deux tares récurrentes. Elles trouvent une nouvelle illustration dans cet article collectif totalement débranché des réalités importantes.

Navrant mais typique.

Mai 1968 et la monnaie

Cette question n’a jamais été réellement posée jusqu’ici, mais ne manque pas d’importance.

En mai 1968, les autorités n’ont réussi à terminer la grève quasi générale qu’en lâchant les accords de Grenelle qui ont eu pour conséquences immédiates la dévaluation du Franc, afin de reprendre le plus vite possible les avantages intenables qui avaient été concédés et ne pas mettre totalement hors-jeu l’industrie et l’emploi français.

Épreuve écrite :

Que se passerait-il dans des circonstances similaires du fait qu’on ne peut plus dévaluer une monnaie nationale ?

Vous avez quatre heures.

Épreuve orale :

Depuis 1967 de Gaulle ferraillait dur contre le dollar et le Gold Exchange Standard et pour qu’on en revienne à l’étalon-or. Les évènements de mai allaient le mettre immédiatement hors course. S’en était définitivement fini d’une revendication française en matière de système monétaire international. Certains complotistes ont vu dans ces manifestations l’effet de la CIA justement pour pérenniser le rôle du dollar.

Que se serait-il passé si la situation était restée normale ? De Gaulle et Rueff auraient-ils pu provoquer une réforme du système monétaire international et éviter l’explosion de 1971 ?

Vous avez une heure.

Quand les économistes anglo-saxons viennent à nos thèses

Nous ne recopions jamais d'articles de presse sur ce blog. Nous allons faire une exception avec cet article d'un économiste anglo-saxon qui montre que les mentalités et les analyses évoluent dans les milieux qui ont nié le plus longtemps et avec le plus d'acharnement les dysfonctionnements d'une économie internationale basée sur les changes flottants. Nos thèses cessent d'être totalement marginales et désormais, après quarante ans, arrivent dans le "mainstream".

Que 2018 voit d'autres progrès dans ce sens et bonne et heureuse année à tous nos lecteurs.

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Typically over the past 200 years, the international monetary systems that have governed the global economy have lasted between 25 to 35 years. The current system, which has been in operation since the end of Bretton Woods in 1971-73, is 44 years old. Reflecting its longevity and its construct, this system has outlived its usefulness. Replacing it with an international one, which restricts the role of money creation, would go a long way towards solving many of the world’s main political and economic challenges. The modus operandi of this current system is the primary reason we have such populist and divisive politics across much of the west. In particular, this system explains the gap between the “haves” and “have nots”, and it is the reason we have had a “debt supercycle”, subsequent financial crisis and 10 years of fiscal austerity. This current international monetary system is the first, other than during and immediately after periods of global war, that has operated in an unanchored liquidity environment. This, with the 1980s financial deregulation and subsequent three rounds of Basel rules, has enabled the biggest global debt build-up ever recorded in history. That debt is the primary reason for high house prices. The absence of housing supply, while true in localised parts of the west, is a false narrative. An analysis of the UK economy makes the point. Over the past 40 years, mortgage debt has increased eightfold in real terms while excess housing supply as a share of total housing stocks has been increasing, not decreasing, over the past 20 years. Similar growth in household indebtedness has also been experienced in Australia, Canada, Denmark and New Zealand, to name a few. With that, the prima facie role of the commercial banking sector has changed dramatically. In 1980 in the UK and much of the west, the mortgage loan book of the commercial banks was effectively zero. Today, mortgage debt accounts for between 40-75 per cent of the loan books of most western banking systems. The continual reduction in risk weightings for mortgages by successive rounds of Basel rules has, along with this current monetary system, facilitated that rapid growth in mortgage debt. Currently in the UK, for example, risk weightings on mortgage debt are running at about 13 per cent across the main commercial banks. That figure is similar in the Australian, Canadian and other banking systems. In contrast, risk weightings for corporate loans remain at 100 per cent. In effect, therefore, banks need to charge approximately eight times as much interest on a corporate loan to make the same return on capital. That skewed incentive to encourage mortgage lending (into unproductive assets) rather than lending into the corporate sector (into potentially productive assets) is one of the reasons for the poor productivity outcomes in the west. More importantly, the policy response to the indebtedness crisis has further undermined the productive potential of the UK and western economies as ultra-loose money forestalls the Schumpeterian forces of creative destruction. The Bank of International Settlement’s analysis of western zombie companies illustrates the point — zombies in this context are defined as businesses that are unable to cover their interest expense with their earnings before interest and taxes. It shows a trend of a rising share of zombies in the corporate base in the west since the early 2000s (the beginning of ultra-easy money). Breaking that down into an individual country analysis shows the trend is widespread across western and large emerging market economies. Indeed, Japan is the only exception — arguably illustrating that time is one healer of the debt deflationary forces faced by the west. A corporate base with a high share of zombies is a weakened corporate base with productivity growth therefore undermined. That then feeds into poor real wage growth and divisive politics. As such, a return to an anchored international monetary system, while painful en route, should bring about much more widespread real income growth and therefore wealth accumulation. It should, if properly designed, re-orient house prices back towards more normal long-term valuation levels, thereby improving affordability and, by anchoring liquidity provision, it should also bring about less asset price-intensive and more productivity-rich economic growth. With that, politics can once again become more inclusive and less divisive and extreme. Achieving this should be the primary goal of the G20 — or the very least that of the three major currency areas in the global economy (US, eurozone and China). While currently a speculative bubble, cryptocurrencies, if embraced in this new model, would have the potential to realise their true purpose.

Chris Watling, chief executive and chief market strategist at Longview Economics

Un Fonds Monétaire Européen, pour quoi faire ?

M. Macron ayant décidé de contrer les mauvais esprits qui contaminaient l’atmosphère par leur emphase antieuropéenne, notamment lors des précédentes élections européennes, a proposé une relance de l’Europe Fédérale basée sur trois nouvelles institutions : un ministre des finances européennes, un budget européen « très significatif » et un fonds monétaire européen. Mme Merkel a commenté :

- « Pourquoi pas ? Mais il faudrait tout de même que vous précisiez ce que vous entendez par ces trois mots ».

- « Ah bon ? » a répondu le positif et non grognon Emmanuel.

La pensée complexe s’accompagne si naturellement de concepts flous et de mots indéterminés qu’il n’était pas tellement illégitime d’avoir pensé que ceux-là pourraient prendre leur sens plus tard, « en marchant », du moment que le mouvement était lancé. Cette méthode est à l’œuvre à peu près dans tous les domaines en France depuis cinq mois, ce qui, certes, rend à peu près tout le monde hystérique, mais a au moins l’avantage d’animer les émissions de commentaires sur la TNT.

Malheureusement, dès qu’il s’agit d’aborder la question du FME, c’est un silence de plomb qui s’installe. Pas un mot dans la presse. Pas un commentaire sur Cnews ou I-telé ! La règle est de fer : les questions monétaires ennuient tout le monde. Les questions monétaires internationales n’intéressent pas la ménagère de moins de cinquante ans et font fuir le lectorat comme les téléspectateurs.

Déjà en juillet 1944, Roosevelt qui venait d’organiser les Accords de Bretton Woods et s’attendait à un raz de marée dans la presse (en perspective des élections présidentielles de novembre), avait dû en rabattre : décidément cela n’intéressait personne.

Il n’est pas mauvais de se remettre dans l’esprit des Accords qui ont créé le premier Fonds Monétaire, le FMI.

À cette époque Roosevelt et ses amis étaient bien décidés à casser les grandes puissances européennes, concurrentes des États-Unis, colonialistes, et malheureusement sujettes à des accès belliqueux malvenus qu’il s’agissait de faire cesser définitivement. Il a fallu toute la férocité intraitable de Winston Churchill pour éviter la suppression des accords d’Ottawa qui organisaient la préférence impériale, mais en contrepartie d’un désengagement planifié des Indes et des autres colonies. Il a fallu toute la hauteur d’un de Gaulle pour éviter l’Amgot. L’Italie et l’Allemagne seront dépecées, cette dernière échappant de peu à un destin pastoral contraint, ardemment désiré par Blumenthal et Harry White (les négociateurs de Bretton Woods).

Jean Monnet, dont le fait qu’il ait été un agent américain stipendié à cet effet est confirmé par les textes « déclassifiés », pensait l’Europe comme un conglomérat de régions et la Commission européenne comme un ferment de destruction progressive des Etats-nation, en attendant qu’une fédération européenne sans pouvoir et donc sous protectorat américain, les dissolve définitivement. La monnaie unique a été le levier le plus puissant d’une mise sous tutelle irrévocable des budgets nationaux.

La monnaie, ce n’est pas un thème très sexy pour la presse, mais c’est un vecteur politique capital.

On voit aujourd’hui où mène cette politique :

-          Une gestion de l’euro dépressionnaire consolidant l’Allemagne et ruinant les périphéries.

-          Une poussée des mouvements populistes et des réactions indignées qui poussent à la fois le Royaume-Uni vers la sortie et les micronationalismes vers la sécession.

Le Brexit et l’affaire catalane sont les effets décalés des pensées rooseveltiennes de la fin de la Guerre de Quarante.

Les citoyens européens soumis à des hommes politiques ayant perdu le sens de la nation et confrontés à des crises à nouveau très sévères ont subi les effets pervers de l’interdiction d’interdire généralisée en matière de circulation des personnes, des produits et des capitaux. Ils se replient soit sur leur ancienne gloire nationale soit sur un racisme régionaliste destiné à échapper à la pression « des autres », qu'elle soit démographique, fiscale ou économique.

La confusion est totale. Le FMI a perdu tout sens concret dès 1971 avec l’abandon des Accords de Bretton Woods. Il était là pour réguler les changes fixes et permettre des ajustements des balances extérieures sans récession. Nous vivons dans un monde de changes flottants et les déséquilibres de balances des paiements sont la règle. On sait qu’ils sont à l'origine de la Crise (que nous définissions comme la baisse tendancielle du trend, la montée de l’endettement et la violence des crises périodiques). En revanche les anciennes intentions américaines d’effondrement des nations européennes se concrétisent, à un moment où leur chef s'en moque un peu.

Que signifierait un fonds monétaire européen alors que les changes flottants ont fait perdre son rôle au Fonds Monétaire International et que la zone Euro est une zone de changes fixes où la dévaluation monétaire est devenue impossible ?

Oublions que Nicolas Sarkozy s’était vanté d’avoir créé un fonds monétaire européen, lors de la création du MEF (Mécanisme européen financier). À l’instar de Mme le Pen, la très grande majorité des hommes politiques ont du mal avec les questions monétaires.

Une première hypothèse est qu’on revienne aux changes fixes mais ajustables et que le nouveau FME remplace le FMI pour aider aux ajustements des balances extérieurs par des ajustements monétaires. Après tout le Système Monétaire Européen est basé sur deux conventions :

-          Toutes les monnaies nationales s’appellent l’Euro

-          Une convention de change fixe les lie entre elles.

En sous-jacent, c’est le système monétaire national qui persiste. Sortir de l’euro est juridiquement assez facile puisqu’il ne faut que supprimer ces deux conventions. Mais économiquement, les conséquences seraient durablement difficiles. On peut donc en conclure que ce n’est pas un FMI façon 1944 que l’on compte créer.

Une seconde possibilité est d’inventer un simple organisme de prêts, extension du MEF avec des attributions étendues. Ce serait alors plus une banque d’investissement, façon Banque Mondiale (ex Bird des accords de Bretton Woods), qu’un fonds monétaire selon l’acception classique. On a déjà la Berd.

Une troisième hypothèse est de faire de ce FME  l’administration du Trésor supra européenne, au service du nouveau Ministre des finances européen et responsable du budget européen. On peut penser que telle est l’idée de M. Macron. L’idée heurte de plein fouet le président de la Commission européenne qui veut que les institutions nouvelles abaissent un peu plus les États et augmentent son rôle de Président de l’Europe et plus seulement de la Commission.

Quand on y réfléchit le projet Macron n’est pas celui d’un Fonds Monétaire Européen. C’est plutôt un saut vers un fédéralisme budgétaire avec péréquation des financements entre pays riches et pauvres, mais dont les institutions ne seraient pas sous la coupe de Bruxelles. Ni Merkel ni la Commission n’en veulent.

Tout cela risque donc de tourner en eau de boudin, ce qui est malheureusement le destin de beaucoup des initiatives de M. Macron, à l’intérieur comme à l’extérieur, sachant que lors cette eau sèche, il ne reste plus que des impositions supplémentaires.

C’est d’autant plus dommage que faute de pouvoir sortir sans dangers de l’Euro, il faut changer radicalement la gouvernance de la zone Euro, si on n’en veut pas voir se prolonger le sous-développement de cette partie du monde, avec son cortège de dettes et de chômage.

Nous avons nous-mêmes proposé un Chancelier de la zone euro qui aurait pour mission de coordonner les politiques ayant un impact sur la valeur de l’euro, de représenter l’Union dans les instances monétaires internationales et de gérer au jour le jour les mécanismes d’urgence existant. La BCE, resterait indépendante mais comme aux États-Unis, serait obligée de tenir compte des orientations politiques d’un comité monétaire à dimension politique et plus seulement bancaire.

Ce Chancelier pourrait se voir confier la supervision d’un fonds monétaire européen construit sur la base de la proposition Keynes qui n’avait pas été retenue à Bretton Woods mais qui est parfaitement adaptée à un système de monnaie unique et de centralisation des balances en euros. Le but est de priver les pays en très gros excédents de la possibilité d’utiliser une partie de leurs réserves accumulées. Le recyclage de ces énormes excédents provoquent la montée de la dette, de la spéculation et des bulles, tout en permettant le rachat indu du capital des économies déficitaires. Le FME serait cette chambre de compensation chargée de réguler les balances internes et d’assurer que la croissance de la zone se fait de façon équilibrée. Nous avons donné un schéma de cette solution dans quatre articles (http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2017/4/7/La-rforme-fondamentale-base-de-toute-diplomatie-de-la-prosprit et suivants).

Lorsqu’on annonce une réforme il faut en préciser l’esprit, l’objectif et le moyen.

Pour nous le seul esprit qui vaille a nom : coopération.

L’objectif est de mettre fin aux énormes excédents et à leurs pendants déficitaires au sein de la zone Euro

Le moyen est la stérilisation provisoire des gros excédents au sein d’un fonds de régulation que l’on peut appeler Fonds Monétaire Européen.

Il faut aussi imaginer un principe et une modalité qui puissent s’exporter. La réforme du FMI pourrait s’inspirer du nouveau FME. Après tout, la stérilisation des énormes excédents de la Chine et des pays pétroliers est également nécessaire.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

Lord Adair Turner : l’erreur comme un grand art politico social

Une forme aigüe de l'imposture économique

Adair Turner est probablement ce qu’on trouve au Royaume Uni de plus proche d’un Énarque Compassionnel français. Il est passé des postes publics aux postes privés et retour dans une belle chorégraphie, digne de nos meilleurs Inspecteurs des finances. Il a trempé dans tout et rien et cautionné toutes les imbécillités à la mode, un temps, avant de les dénoncer. Il restait à mettre tout cela dans un livre ce qu’il fit avec Between Debt and the Devil : Money, Credit, and Fixing Global Finance, Princeton University Press, 2015, 320 p. (ISBN 978-0691169644) qui a été traduit et publié en France sous le titre : « Reprendre le contrôle de la dette. Pour une réforme radicale du système financier » ; Édition de l’Atelier. (ISBN 2-7082-4513-6).

« Turner est Directeur général de la Confédération de l'industrie britannique (CBI) de 1995 à 1999. Dans ce rôle, il est l'un des principaux promoteurs de l'adhésion britannique à l'euro -- une position qu'il a avoué plus tard être erronée », écrit Wikipédia.

De 2000 à 2006 il est vice-président de Merrill Lynch pour l'Europe. Il est donc banquier au pire moment des folies bancaires. En vérité il a un poste politique et peu financier. Ce qui lui permettra de faire feu sur la finance en quittant le poste.

Plus tôt il avait été un fanatique de la taxe Tobin, une erreur majeure.

Plus tard il sera pour 5 ans président du FSA, la Financial Services Authority, qui supervise les marchés financiers, ce qui est bien normal pour un homme de Merrill Lynch.

C’est cette expérience qu’il monétise par des conférences et ce livre.

Une telle girouette est toujours dans le politiquement correct du moment et l'originalité de ses réflexions est exactement nulle. Son intérêt doit se chercher dans une capacité presque surhumaine à cumuler toutes les sottises que l’on a pu écrire sur la crise et ses solutions, alourdie par un art très particulier d’aller les chercher et dans les milieux anglo-saxons et dans le fond de sauce social-démocrate  européiste.

Anobli pour ce talent unique, il est le témoin presque emblématique de l’idiotie de l’époque.

Nous avions décidé de ne jamais traiter sur ce blog de cette noble figure pour ne pas aggraver votre tendance naturelle à la critique. Mais la couverture de cet ouvrage est telle dans les médias français qu’il faut bien faire un certain travail de correction.

Comme toujours on met en avant des chiffres exacts mais avec une interprétation fausse.

Citons : « dans les années 1990-2000 la dette privée augmentait de 15 % d’an. On croyait que cette augmentation était indispensable pour atteindre un tel niveau de croissance [5 %] ».

L’auteur ne comprend absolument rien à la cause de la hausse de la dette privée et accuse un « on » dont il ne donne aucune composante. À cette époque de très nombreuse voix se sont élevées pour contester les mécanismes qui poussaient à cette hausse indécente, dont celle de Maurice Allais qui a été particulièrement forte et précise. Ce sont les énormes excédents et déficits croisés de l’époque qui ont créé la bulle de crédits mais il est hors question ni de le voir, ni de le critiquer. Cela forcerait à aller trop loin dans la remise en cause des idées communes et ferait perdre tous les beaux postes publics, privés et parapublics.

Citons : « Les crédits ne financent pas les investissements productifs » Ils « alimentent la distribution de crédits immobiliers ». Là encore, c’est parfaitement exact. Nous avons théorisé cette forme d’économie, sous le nom d’« économie baudruche » car elle finance la recherche spéculative de gains en capital, donc des bulles alimentées par la création monétaire.

Au lieu de voir la vraie cause, l’auteur sombre dans le politiquement correct à trois balles en incriminant la montée des inégalités. On retrouve le keynésianisme pour enfant de chœur qui explique que les riches consomment moins que les pauvres et donc perdent les ressources rares dans des spéculations honteuses. Comme pour la « cupidité des banquiers », il semblerait que dame nature ait voulu que les riches entre 1990 et 2 000 se soient mis spontanément à investir comme des malades dans l'immobilier.

L’auteur manipule des « marqueurs » de gauche, nécessaires à sa crédibilité dans l’ambiance du moment, rejoignant Krugman et tous les keynésianistes américains. L’explication est totalement fausse. La France n’a pas connu d’amplification de l’écart de richesses entre riches et pauvres et l’immobilier est tout de même monté à des sommets. La plus grande crise immobilière a eu lieu avant : avec la spéculation mondiale sur les bureaux de 88 à 91, source de la gravité de la crise de 92-93. L’auteur de toute façon est incapable de couvrir la période 1 971 – 2 008. Les dettes créées n’ont, nulle part ailleurs qu’aux États-Unis, avec les subprimes garanties par l’État, servi à financer les achats des pauvres.

La création monétaire forcenée des banques centrales a fait baisser les taux d’intérêt si bas que tout le monde a cherché à emprunter, les plus gros emprunteurs étant les états et les fonds spéculatifs.

Citons : « Je vous défie de trouver une seule entreprise allemande ayant augmenté un tant soit peu ses plans d’investissement du fait de l'annonce de l’assouplissement quantitatif de la BCE ». « Si elle a un tant soit peu fonctionné c’est uniquement parce qu'elle permet de relâcher les politiques budgétaires ».

Ce que notre auteur oublie c’est que cette politique a eu pour but principal de sauver les banques (et les dépôts du grand public) confrontées à une perte globale supérieure à 10 mille milliards de dollars et les États sur endettés. On ne voit pas trop où a été le relâchement des politiques budgétaires. Demander aux Grecs.

Le sous-investissement a été la caractéristique principale de toute la période 1971-2016, et correspond à l'installation de l’économie baudruche par les accords de la Jamaïque.

Citons : « [les banques centrales] doivent financer les déficits de façon permanente en monétisant la dette des États. En clair en faisant marcher la place à billets ».

Eureka, j’ai trouvé ! Youpi, c’est facile ! Le Graal, j’ai trouvé le Graal ! Vive la planche à billets !

En revanche il faut contraindre les banques pour qu’elles ne prennent pas de risques insensés. On oublie d’expliquer pourquoi elles ne finançaient pas l’investissement ni pourquoi l’investissement ne serait pas risqué.

Tout cela est de la posture et n’a strictement aucun intérêt ni explicatif ni curatif. On fournit à tous les « marqueurs » idéologiques qu’ils attendent et on les présente « en même temps » comme tout bon haut fonctionnaire ambitieux, sans se soucier de rien, ni des explications ni des contradictions. Cela permet d’être édité, puisqu’on n’a aucun ennemi, et de briguer les postes les plus éminents, puisqu’on défend l’État, les petits pauvres et la facilité, tout en se flattant d’être « pro business ».

Et d’être fait Lord. Une pensée nulle servie par une sorte d’imposteur sympathique, à éviter absolument comme dirait le Canard Enchaîné !

Anniversaire du blocage financier de 2007 : toujours les mêmes erreurs

En dix ans aucun progrès dans la compréhension des mécanismes du désastre

On pourrait penser qu’avec le temps, la crise de 2008 aurait été comprise dans la totalité de ses dimensions et qu’on éviterait, 10 ans après le blocage du marché interbancaire dès l’été 2007, anticipant la récession globale, les mêmes fausses explications et les mêmes simplismes qui ont été la règle dans les instances officielles et, par contagion, dans la presse. Le côté amusant de l’affaire est de voir coexister un commentaire débile et sa réfutation sous forme graphique dans mille exemples publiés dans le même journal ou dans les diverses publications du jour. Comme si les chiffres étaient une décoration et qu’il n’importait pas de faire le lien entre l’histoire qu’ils racontent et le commentaire.

On ne veut accabler personne et surtout pas les journalistes : ils travaillent avec les interprétations fournies par les instances officielles, mais certains parviennent à un degré de représentation des erreurs ambiantes qui mérite d’être honoré.

Prenons par exemple, parmi plusieurs autres du même tabac, l’article de François Vidal dans Les Échos du 7 août.

Première erreur : la crise a été provoquée par « la bombe à fragmentation des subprimes américaines » (sic). Les subprimes, représentent 600 milliards de dollars de dettes difficiles à recouvrer. Au final, on trouvera 300 milliards de pertes. C’est grave. Coupable même, tant les risques associés aux mécanismes et aux pratiques de ce marché étaient visibles. Mais la perte globale internationale  est de 10 000 à 12 000 milliards de dollars. C’est ce désastre qui allait mettre les banques mondiales au tapis, pas les subprimes. Les subprimes ont joué le rôle de l’allumette. C’est bien ce marché qui a bloqué les relations interbancaires. Mais la bombe était ailleurs et c’est l’explosion de la bombe qui a fait mal. Si HBOS et Lloyds ont liquidé 67 000 salariés sur 135 000, ce n’est pas à cause des subprimes. Si RBS a fait de même (69 000 sur 135 000 également) ce n’est pas pour cela non plus. Si les banques centrales ont gonflé de 12 000 à 13 000 milliards de dollars leurs en-cours et proposé des intérêts négatifs sur une longue durée, du jamais vu historique, ce n’est pas pour couvrir 300 milliards de pertes, couvertes facilement  par le Trésor américain et les amendes internationales que les États-Unis ont imposées aux banques mondiales.

Deuxième d’erreur : « des progrès spectaculaires ont été faits pour domestiquer la planète finance ». N’ayant aucune idée des sources du délire financier qui s’est emparé de la planète en question, le commentateur ne peut que répéter des banalités faciles. Rappelons que la crise est associée aux énormes déficits américains et excédents croisés au Japon, en Chine et en Allemagne. Par le mécanisme de la double pyramide de crédits démontrés par Rueff et Allais, on sait que ces énormes flux financiers et monétaires ont provoqué l’apparition d’une économie baudruche où l’argent n’allait plus principalement aux investissements productifs mais à des spéculations sur des possibles gains en valeur. Le haut de bilan a remplacé le compte d'exploitation.  Et la spéculation généralisée s’est envolée à des sommets intenables. On a depuis essayé d’étouffer l’amplificateur bancaire qui a été la principale victime de l’explosion mais on n’a rien touché des causes. Aujourd’hui encore l’Allemagne la Chine et le Japon ont accumulé environ 1 000 milliards de dollars de bons du trésor américain.  Ces flux ont les mêmes conséquences. La planète finance n’est en rien domestiquée. Elle panse ses plaies et a le plus grand mal à purger ses pertes accumulées dont l’essentiel a été caché pendant des années. L’Europe a été trop loin dans la mise en place de règles constrictives dont les banques américaines se sont libérées très vite, ce qui leur a permis de revenir à une meilleure situation. La finance grise a repris une bonne partie de la spéculation faite par les banques de dépôts, les banques universelles et les banques d’affaires. L’auteur de l’article le souligne. Mais il ne voit pas que des bulles existent partout. Elles exploseront comme d'habitude. Le journal Les Échos le confirme lui-même dans la même édition en citant le fait que le Nickel a vu son cours augmenté de 18 % depuis juin. La preuve explicite que « la planète finance est domestiquée » !

Troisième erreur : « En Europe la création de l’union bancaire et la correction des déséquilibres de la zone euro ont renforcé la solidité du secteur ».

L’union bancaire n’a rien renforcé du tout. Les instances fédéralistes ont profité de la crise pour pousser leur avantage et imposer une réforme qui n’apporte rien de fondamental sinon plus de pouvoir européen et moins de responsabilités nationales. Quant aux déséquilibres de la zone Euro, il suffit de voir, en interne, les excédents de l’Allemagne, jamais plus importants (voir un de nos articles récents), pour vérifier qu’il n’y a eu aucune correction. En externe ce n’est pas mal non plus. Le déficit de la zone euro vis-à-vis de la Chine est 146 milliards d’euros en 2016 !

Quatrième erreur : « C’est toujours sur les épaules d’une poignée de banquiers centraux que repose le sort de la finance comme de l’économie mondiale ».

L’illusion que les marchés fonctionnent bien sous la houlette bénéfique des banques centrales est une des sottises du temps. Les équilibres macroéconomiques ne dépendent que marginalement des banquiers centraux. Ils sont de la responsabilité des États et des politiques économiques et sociales menées, ainsi que du cadre institutionnel global. Si ces politiques sont non coopératives (ou coopérative uniquement dans les mots) et poussent à de graves déséquilibres, et si les institutions n’imposent pas les comportements correctifs nécessaires, alors c’est l’économie dans son ensemble qui devient dysfonctionnelle. Le fait que les banquiers centraux soient à ce point sollicités montre bien que le système global est vicié et pas autre chose.

Rappelons un dernier chiffre : le déficit commercial des États-Unis vis-à-vis de la Chine est de 347 milliards de dollars en 2016. Cet afflux de dollars a mis en branle une bulle de crédits en Chine que tout le monde constate. Comme les dollars eux-mêmes sont replacés finalement aux États unis, ils y créent une bulle de création monétaire qui explique la hausse historique des bourses locales et la meilleure santé des institutions financières américaines, au prix de placements toujours aussi spéculatifs. La crainte commence à entourer à nouveau le dollar. Voici que l’Euro remonte. Merci pour les équilibres et l’action régulatrice des banques centrales.

À force de ne jamais faire les bons diagnostics, on finit par n’écrire que des bêtises sans rapport avec les réalités.

Consternant.

Les vraies causes de l'asthénie française

et leur ignorance par les candidats

Alors que la campagne électorale française pour la présidence de la République entre dans sa phase hystérique, il n’est pas mauvais de rappeler les causes de l’asthénie française et la distance abyssale qui sépare les programmes des candidats des réalités qui comptent. La complexité est plus apparente que réelle dans le diagnostic, la difficulté se trouvant dans la capacité de bâtir une solution qui échappe largement au cadre national. Il est normal dans ces conditions que les arguments de campagne fuient devant un constat qui les présenterait largement comme des impuissants. Il l’est moins, en revanche, que les mesures proposées, tournent le dos aux nécessités, pour se contenter d’un électoralisme débilitant ou pour s’assurer le service de lobbies qui les servent par intérêt.

Le cœur du réacteur est le fait désormais acté et illustré par le FMI que depuis 1971 le taux de croissance n’a cessé de décroître au point que, de crises gravissimes en crises gravissimes, l’ensemble du monde en soit arrivé à une quasi-stagnation. Notre explication du phénomène, tel que présenté dans notre livre, L’Étrange Désastre, met en avant le rôle de l’abandon des disciplines de Bretton Woods, l’acceptation de phénomènes de domination avec les énormes déficits et excédents qui les accompagnent, le tout aggravé par l’instabilité créée par les changes flottants. La mondialisation déséquilibrée et spéculative n’assure plus que l’échange se fasse travail contra travail. Les conséquences sur la structure et le niveau de l’emploi sont désastreuses en même temps que s’installe une « économie baudruche » explosive, qui ne sert qu’une minorité d’intérêts installés aux carrefours des mouvements financiers.

La solution n’est pas compliquée en principe mais difficile diplomatiquement : il faut sanctionner les grands déficits et les grands excédents et le plus possible stabiliser les monnaies et les changes. Le moyen le plus léger est de créer une sanction automatique de ces grands déséquilibres, à charge pour les États de les maîtriser, tout en respectant au mieux les règles nécessaires de la microéconomie et le bienfait des échanges.

Pour une nation donnée, le défi est d’importance : elle n’a en général pas le quantum d’action nécessaire pour provoquer les changements nécessaires. Il lui faut s’engager dans une « diplomatie de la prospérité » dont elle n’a ni l’habitude ni les certitudes intellectuelles, les dirigeants ne comprenant généralement pas « de quoi on cause » et n’étant pas servis par des économistes le plus souvent rendus serviles par les besoins de leurs carrières officielles, ou perdus dans leurs appartenances idéologiques. La crédibilité de l’action internationale d’une nation est corrélée à sa performance économique et sociale, à sa vitalité intellectuelle et sa maîtrise des grands sujets du temps. Il lui faut aussi avoir des alliés et une tradition d’influence. Autant dire qu’une nation qui est totalement dans les choux n’a aucun rôle utile à jouer. Et si ses structures, ses dirigeants, son président, n’a aucune idée directrice pertinente, la carence est totale.

La Communauté Économique Européenne n’a pas su réagir utilement au défi de l’explosion des Accords de Bretton Woods. Dès la fin des années soixante, elle a envisagé qu’une Union Économique et Monétaire lui permettrait de résister aux désordres que créait la volonté américaine de dominer le monde par l’emploi déraisonnable du dollar et une pratique non collaborative. D’échecs en échecs, elle a fini par se rallier à l’idée d’une monnaie unique, mais sans créer les conditions d’organisation nécessaires à son bon fonctionnement. Soumise aux conséquences des crises globales, elle a fini par sombrer dans le « contractionnisme » délirant, dénoncé inlassablement lors de la conférence de Bretton Woods comme le contraire absolu de ce qu’il fallait faire. Le résultat se lit dans le chômage de masse dans une partie de l’Europe et l’énormité des déséquilibres internes de la zone. De facto, l’organisation de l’Union Européenne, surtout depuis son élargissement qui pose des difficultés décisionnelles insurmontables, et celle la zone Euro, totalement dysfonctionnelle, exigent des corrections profondes et rapides qui là encore se heurtent aux difficultés intrinsèques d’une diplomatie.

Naturellement si le pays qui cherche à mener cette diplomatie n’a aucune vision de ce qu’il faut faire et se trouve dans le trente-sixième dessous, faute d’avoir essayé de gérer au mieux la situation, ses chances de se faire entendre sont quasi nulles.

Pour nous, la solution est exactement la même qu’à l’échelon mondial : il faut proscrire les grands excédents et les grands déficits, et rendre la sanction de leur apparition quasi automatique afin que les états concernés prennent spontanément les décisions d’ajustement nécessaires. Il est indispensable que les principes d’une solution mondiale et ceux d’une solution européenne soient exactement les mêmes. On ne peut pas, pour un économiste, défendre un concept différent pour le tout et la partie. Cette incohérence est mortelle pour la crédibilité. Il faut donc aboutir de façon urgente à des mécanismes européens automatiques de sanction des grands déficits et des grands excédents, afin de mettre fin à des exercices déflationnistes destructeurs et sans issue, tout en respectant les libertés économiques fondamentales.

La France pour sa part a réagi de la façon la plus stupide au choc de l'explosion des Accords coopératifs de Bretton Woods. À chaque récession elle a fait venir au pouvoir des socialistes qui ont aggravé les conséquences de la crise en étouffant l’économie et ruinant l’État et les Français. Le désastre du Programme Commun de Gouvernement rendu possible par la victoire du pervers narcissique Mitterrand, un pourrisseur impénitent, a fait décrocher la France qui rattrapait les États-Unis depuis 1950. La crise de 92-93 a fait venir Jospin qui a étouffé les relations sociales tout en asphyxiant l’économie avec les trente-cinq heures. La crise de 2008-2009 a fait venir le sinistre gouvernement Hollande qui a poussé l’incompétence jusqu’à des sommets de l’hystérie fiscale et détruit toutes les capacités d’investissement privées nationales, vendant les entreprises françaises à l’encan et faisant fuir des centaines de milliers de familles. Le rétropédalage final n’a fait que détruire son assise électorale sans permettre un vrai et durable redressement.

Du coup quelles sont les chances d’un pays ainsi maltraité de se redresser et de conduire une diplomatie de la prospérité ?

Les résultats sont tellement déplorables avec en prime une baisse de la natalité qui nous ramène aux années trente, que la révolte gronde et se traduit à la fois par l’émergence du Mélenchonisme et la dynamique du Front national, deux mouvements antimondialisation et antieuropéen.

Les trois libertés de circulation des personnes, des capitaux et des produits sont remises en cause radicalement faut d’avoir été organisée de façon appropriée et faute d’avoir corrigé à temps les dysfonctionnements globaux et européens.

Mme Le Pen n’a aucun avis sur lesdits dysfonctionnements. Elle fait simplement chauffer les mauvais sentiments mais sans débouchés pratiques autres que son succès électoral. Elle capitalise dans tous les milieux touchés par le chômage, la perte d’identité nationale, les impôts confiscatoires, le surendettement, et la peur du déclassement ou son expérience. Cela fait du monde. Son défi est de faire apparaître une cohérence économique et diplomatique pour parvenir aux 50 %. Le propos de son électorat et plutôt d’affirmer aux autorités nationales, européennes et mondiales que cela suffit comme cela et qu’ils ne marchent plus dans la combine. En faisant courir un frisson dans le dos des dirigeants européens et de la petite élite qui les sert, il espère qu’ils changent et prennent en compte leur révolte. C’est d’ailleurs le seul rôle positif de Mélenchon et Le Pen. L’avertissement sans frais avant le vrai chaos.

M. Macron, lui incarne le rejet d’un affrontement droite gauche qui depuis 1971 n’a conduit qu’à des surenchères, des concessions aux radicaux et à l’impossibilité de solutions raisonnables. Mais le vide intersidéral de son discours commence à faire tache.

- Il n’a produit aucun diagnostic de la situation

- Il chante, voir hurle, façon cabrette, vive l’Europe, vive la Mondialisation, vive la Finance, vive tout et tous, et surtout vive moi. Ce qui est tout de même un peu court.

- Il n’a élaboré aucune grande orientation de solution et donne l'impressionne « couvrir » tous les défauts de la mondialisation financière et du contractionnisme européen, avec des changements tellement marginaux qu’ils ne peuvent pas rassurer ceux qui voient leur déclassement, celui de leur village, de leur région et de leur pays.

Son programme est un mélange de reprises de toutes les démagogies du passé (comme la détaxation des heures supplémentaires et l’extension de la gratuité des soins) avec quelques achats de votes nouveaux (l’exonération e 80 % de payeurs de la taxe d’habitation, le transfert de l’argent des retraités aux travailleurs), baignant dans un discours évaporé, et coulant de bons sentiments. Tel quel il n’a aucune chance de changer la situation française et ne peut que l’aggraver, sauf pour une toute petite minorité dont il est le factotum empressé et intéressé.

Il n’a défini aucun élément d’une diplomatie de la prospérité.

Il a compris qu’il pouvait être élu sans tout cela.

Sans doute a-t-il également compris qu’un Président de la République, aussi gavé de pouvoirs soit-il, n’a pas celui de changer réellement les choses et que le destin individuel est un objectif plus abordable que celui de la nation, de l'Europe et du monde. Et qu’il durera au baratin avec l’aide des médias.

Est-il temps pour lui et dans la seconde phase de la campagne puis dans le cadre des élections législatives de faire l’effort d’insérer les vrais problèmes et les vraies solutions dans son projet ? Et en a-t-il la volonté, alors que cela ne semble pas nécessaire au succès de sa petite aventure personnelle ?

La réforme fondamentale (suite)

Nous proposons une réforme du système monétaire international en deux temps : d’abord la zone Euro puis l’ensemble du monde. La zone Euro disposant, avec Target, d’un mécanisme centralisateur des balances monétaires entre les pays membres, elle possède immédiatement l’infrastructure pour passer aux actes. Pour le monde, il faut revoir le FMI pour qu’il joue le même rôle de compensation des soldes financiers en unité de compte unifiée internationale. Cela implique que les DTS soient convertis en Unités de comptes internationales effectives, ou que l’on crée une unité de valeur internationalement admise, quelle qu’elle soit, à condition que ce ne soit pas une monnaie nationale.

Rappelons le mécanisme exposé dans notre précédent billet : les soldes sont taxés de façon progressive en fonction de leur ampleur déraisonnable, afin d’éviter le gonflement de la mécanique des doubles spirales de crédits qui entraînent automatiquement des dégâts catastrophiques à plus ou moins court terme. On réduit la spéculation et l’ampleur des mouvements de capitaux à court terme, sans empêcher ou entraver aucune opération individuelle.

Si un pays commence à accumuler les excédents monétaires, ce qui est d’ores et déjà interdit par la légalité internationale, une partie de ses liquidités est confisquée par la communauté, privant son système bancaire et sa banque centrale des avoirs correspondants. Les positions trop excédentaires n’ayant plus d’intérêt ne seront plus recherchées. Réciproquement si les excédents sont réduits, les déficits le sont ipso facto puisque le jeu financier global se fait à somme nulle.

La solution est différente des mécanismes actuels du FMI qui fonctionnent sur la base de dépôts prêtés sous conditions. Il diffère grandement du MES, mécanisme européen de stabilité, qui lui aussi fonctionne à partir d’engagements conditionnels de prêts.

La ponction est automatique et n’exige aucune négociation. Les ressources ainsi dégagées, qui n’ont pas vocation à être permanente, puisqu’on souhaite que les gros déséquilibres disparaissent, sont à réutiliser pour obtenir la plus forte croissance possible, c’est-à-dire pour éviter les déflations, lorsqu’un accident se produit. L’emploi des sommes peut passer par les mécanismes existants aussi bien au MES qu’au FMI.

La solution n’a rien à voir avec la Taxe Tobin qui ne s’inquiétait que de la volatilité des changes du fait des mouvements de capitaux à court terme, dans un système de changes flottants. La taxe Tobin supposait que l’on agisse sur chaque mouvement de fond, indifférencié, pensait que les individus rationnels seraient le moteur de la correction souhaitée. Les États n’avaient rien à faire sinon encaisser. On a vu que les idées de dépenses n’ont pas manqué, puisqu’on lui a affecté la pauvreté, puis l’eau, puis le réchauffement climatique, puis la santé…

Elle n’a rien à voir non plus avec l’étouffement des banques auquel on assiste depuis 2008. Étouffer l’amplificateur a plus d’inconvénients que réduire le débit excessif de la source. Là encore, cela permettait de mettre en apparence hors-jeu les États en s’appuyant uniquement sur des institutions intermédiaires. Comme pour la taxe Tobin, la mesure étouffe le bon comme le mauvais et la tentative de séparer dans la masse des crédits le bon grain de l’ivraie est largement une illusion.

Il ne faut pas s’attaquer aux flux individuels mais aux stocks résultants de situations de déséquilibre intenables ou inacceptables. Et pour cela actionner le niveau opérationnel : les États. Cela fait maintenant des lustres que nous dénonçons l’idée que seules les banques centrales peuvent agir.

Voir par exemple :

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2008/7/6/Crise-conomique--les-quatre-erreurs--viter

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2008/12/9/Les-certitudes-dans-la-crise-mondiale-2--limpuissance-des-banques-centrales

Il est assez facile de démontrer qu’une croissance aussi déséquilibrée que celle que l’on connaît depuis 1971 aurait été lissée dans un tel système et qu’au lieu d’une croissance par substitution, on aurait connu un rattrapage des pays ruinés par le socialisme par homothétie imitative. Nous ne nous retrouverions pas avec une telle tension sur l’emploi dans les anciens pays développés. De même les pays pétroliers auraient été obligés de dépenser leurs excédents par achats à l’étranger au lieu d’accumuler des réserves et de tenter d’acheter le capital étranger.

La question de la transition est assez facile en Europe : plus personne n’accepte le système déflationniste actuel et si on le laisse en l’état, il explosera. Et plutôt vite.

La transition internationale est possible aujourd’hui que les États-Unis prétendent réduire leurs déficits. Croire qu’en tapant sur les pays excédentaires à coups de taxes sur les produits importés de 20 % ils amélioreront leur situation est illusoire et mortel pour la coopération atlantique. Les Russes ont intérêt à la stabilisation du Rouble, et les Chinois du Yuan.

Si l’Europe met en place préalablement le système que nous proposons, elle sera en position de force pour l’étendre.

La solution est la seule bonne et la situation commence à être mûre pour son adoption.

Il serait peut-être temps que l’ensemble de la communauté des économistes européens commence à embrayer. Il y a de la place pour eux dans cette perspective.

Sur la question du nom du système, les réponses sont ouvertes. Il faut rappeler que le mécanisme avait été proposé sous une variante par Keynes dès juillet 1940, à la suite d’une suggestion allemande…

Plan International de Compensation Monétaire, PICOM, en anglais International Monetary Compensation Plan, serait un nom clair pour ce mécanisme.

Reformulons :

-          L’Europe doit être en place sans tarder un Plan International de Compensation Monétaire

-          The IMF should promote an international Monetary Compensation Plan.

En fait rien n’est plus urgent.

Depuis des lustres, nous avertissons : « attention à la colère des peuples ». L’effondrement des systèmes électoraux des pays du sud de l’Europe, France comprise, comme le montrent les élections présidentielles actuelles qui mènent à une crise institutionnelle et au n’importe quoi économique, est malheureusement le début d’un processus délétère qui peut conduire l’Europe et le monde vers le n’importe quoi généralisé, voire la guerre.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile.



La réforme fondamentale, base de toute diplomatie de la prospérité

La légalité internationale telle que définie par les statuts du FMI est qu'il ne doit y avoir ni déficits ni excédents importants et permanents dans les relations économiques entre États. Elle correspond à un point de doctrine qui fait l'unanimité de la science économique : les grands excédents permanents créent les conditions de déséquilibres encore plus grands qui finissent toujours mal. Les grands déficits peuvent provoquer des récessions majeures collectives.

La règle est violée tous les jours depuis 1971, y compris dans la zone Euro qui n'a pas de mécanismes d'ajustements par les changes.

Des organismes internationaux et des États qui violent tous les jours les traités et les lois élémentaires de l'économie donnent un spectacle lamentable et choquant. La base de toute diplomatie de la prospérité est qu’on mette fin à ce scandale qui est à la base de l’effondrement continu de l’économie mondiale.

Le tableau dit « Target 2 » que nous donnons ci-dessous, affiche les positions des pays de la zone Euro les uns vis-à-vis des autres. Il est le principal levier qui permet de montrer l'inanité des politiques actuelles. Les déséquilibres de balances sont phénoménaux et durent indéfiniment. La solution est simple : la taxation progressive automatique des grands excédents et des grands déficits, pour alimenter un fond de désendettement et de secours mutuel.

Dans le cas de l'Eurosystème la meilleure solution serait une captation de :

- 5 % de l'excédent au-delà de 1 %

- 10 % au-delà de 1.5 %

- 20 % au-delà de 2 %

- 30 % au-delà de 2.5 %

- 40 % au-delà de 3 %

- 50 % au-delà de 3.5 %

- 60 % au-delà de 4 %

- 80 % au-delà de 5 %

- 100 % au-delà de 9 %.

La Hollande aurait du souci à se faire. L’Allemagne aussi.

Pour les déficits, la peine doit être évidemment moins importante, puisqu’il va y avoir nécessité d’un ajustement :

- 1 % de pénalités au-delà de 2 % sur l’en-cours du déficit.

- 3 % de pénalité au-delà de 3 %

- 10 % au-delà de 4 %.

Une procédure d’alerte serait mise en place dès que les seuils seraient franchis. Les sommes étant prélevées directement dans les comptes de la BCE, les États n’auraient pas leur mot à dire. À eux de prendre les mesures qu’il faut pour respecter rester dans les clous.

Il y a fort à parier qu’ils agiraient vite pour éviter les conséquences.

On notera que ce système peut être également implanté à l’échelon international mais là il faut revoir le système des changes : changes fixes avec une chambre unique de compensation, avec une monnaie de compte internationale distincte de celle des États et possibilité de dévaluation concertée.

Au moins les systèmes monétaires européens et mondiaux seraient cohérents entre eux. Il est à noter que le système s’appliquera aussi bien aux États-Unis qu’à la Chine, à l’Allemagne qu’aux Pays-Bas, et à la zone Euro globalement vis-à-vis du FMI.

À partir du moment où le monde entier est passé aux monnaies artificielles, multipliables à l’infini, ce mécanisme est le seul qui respecte à la fois les décisions souveraines de chacun tout en faisant respecter une règle commune indiscutable dans sa logique économique et déjà intégrée dans les traités en tant que norme.

Avec un tel système, les pays sont obligés au jour le jour de faire attention à leurs soldes extérieurs. Les banques des pays qui ont accumulé des excédents massifs sont privées de la possibilité de multiplier les excédents. La double pyramide de dettes s’arrête automatiquement.

Il appartient à chaque pays de régler sa compétitivité pour n’avoir ni déficits ni excédents massifs permanents. Cela vaut pour les pays pétroliers dont la rente ne peut pas servir à des financements extérieurs ni au rachat du capital des entreprises étrangères mais à des achats de biens et de services.

Naturellement il faut changer quelque peu l’organisation du FMI qui ne devient plus exclusivement un organisme de prêts conditionnels avec des dépôts collectifs. De même la gestion du fonds de compensation doit être détachée de la BCE et géré par un Chancelier de la Zone Euro.

On renforcera le système en l’associant avec quelques mesures simples comme l’interdiction de « shorter une monnaie », avec des sanctions magistrales dont on sait qu’elles sont désormais faciles à mettre en œuvre, et la désintégration des banques universelles, en séparant banques de paiements et banques de crédits d’un côté, banques de crédits et banques d’investissements de l’autre. On aboutirait à une grande stabilité monétaire sans pousser personne à la déflation. L’absence de gros déséquilibres empêcherait la capture de l’industrie par quelques grands pays jouant la carte de la productivité à outrance ou bénéficiant de rentes de situation qui n’ont de valeur que parce que les autres sont là.

Le trend de croissance pourrait se redresser durablement sans le risque de crises périodiques explosives. La concurrence étant équilibrée, le travail s’échangerait contre du travail et on ne constaterait pas dans les pays développés l’effondrement actuel des emplois salariés. Les restrictions malsaines aux échanges seraient inutiles.

Le nombre de fonctionnaires internationaux pour faire vivre un tel système n’aurait pas besoin d’être très important. En fait le système est pratiquement automatique.

Il n’y a jamais de panacée. Mais un bon cadre qui régit sainement les rapports entre les mastodontes que sont les grands États, leurs institutions financières et les multinationales, offre le meilleur choix d’un retour à la prospérité générale.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.



Le coût délirant des erreurs monétaires

Pour le prouver, inutile de remonter trop loin dans le temps, encore qu’une grande part de l’histoire mondiale depuis l’antiquité soit déformée par les questions monétaires.

Le XXe siècle est suffisamment éclairant pour prouver le rôle de la monnaie non pas comme voile , comme l’ont assuré les classiques et néoclassiques, mais comme  ferment des drames de  l’économie et de l’histoire.

La guerre de 14-18 a entraîné le développement massif des monnaies fiduciaires d’État, avec une concentration de l’or aux États-Unis. Que faire de cette création monétaire aussi artificielle que gigantesque ? Par habitude de pensée, la majorité des pays ont voulu revenir à l’étalon-or. La fixation d’un taux de la Livre en or irréaliste a plongé le Royaume-Uni dans des affres économiques déplorables. C’est une des grandes erreurs de Churchill. Le coût pour les Britanniques a été fort lourd. La volonté des États-Unis de ne pas faire jouer les mécanismes de l’étalon-or, a provoqué des troubles qui ont fini par la crise de 1929, crise de pure spéculation. Les erreurs des banques centrales ont fait de cette crise une terrible dépression. La réponse malheureuse des gouvernements français du début des années trente a provoqué une déflation coûteuse qui a amené le Front Populaire puis l’effondrement de 1940. L’Allemagne a voulu résister aux « réparations » en faisant fondre sa monnaie. Mal lui en a pris. Elle sera ruinée durablement par une hyperinflation modèle du genre qui fera venir Hitler et, à peine dix ans plus tard, la destruction de plusieurs générations de jeunes allemands et d’une large partie du pays historique.

La réforme de Bretton Woods était excellente à de nombreux points de vue mais elle comportait un défaut majeur : elle faisait d’une monnaie nationale le pivot du système.Le systèmel ne pouvait survivre que si les États-Unis menaient une politique financière raisonnable et la maintenaient dans la durée. Ils choisirent le « benign neglect », ce qui peut se traduire, à ce niveau de responsabilité par « l’indifférence criminelle ». Ils dévaluèrent le dollar par rapport à l’or en 71 (nous en sommes à 96 % de dévaluation aujourd’hui) et imposèrent les changes flottants à Kingston. On connaît le résultat : ce que nous appelons « La Crise » : baisse tendancielle continue du trend, dettes en hausse fulgurante, sévérité des crises périodiques. Le monde a dû encaisser trois crises gravissimes et une multitude d’autres épisodes parfois tragiques. L’économie baudruche a fini par exploser en 2008 provoquant des ravages politiques à la mesure des dégâts, notamment dans les pays développés.

Ce à quoi on assiste aujourd’hui, c‘est aux effets tragiques du non-système monétaire imposé en 1976 à Kingston par les États-Unis.

Les États-Unis se considéraient victimes des empires européens sous Roosevelt et ont entrepris de les casser. Ils se sont vus à nouveau comme des victimes en été 1971. Et ils ont cassé ce qu'ils avaient eux-mêmes créé : les Accords de Bretton Woods. Maintenant qu’ils voient que la compétition sous régime de changes flottants ne tourne pas à leur total avant, ils veulent encore casser le système des échanges, cette fois-ci en s’attaquant au libre-échange qui était leur mantra depuis les années trente.

Le G20 a été l’occasion officielle de l’affirmer au monde. On pourrait l’appeler le : « G20 % à vous imposer ». Mieux encore, les États-Unis commencent à s’en prendre au FMI. Déjà sous DSK, les fantaisies du chef du FMI avaient été extrêmement mal vues. Il ne s’agit pas ici de ses performances hôtelières mais de l’engagement hors de toute légalité du FMI dans les affaires intérieures de la zone Euro. Aujourd’hui, un certain Bill Huizenza, illustre inconnu, parlementaire au Capitole, dénonce l’aide du FMI à l’Europe et menace de clore le financement américain de l’institution s’il n’a pas gain de cause.

Le FMI qui par dépendance quasi-totale et soumission aux États-Unis a accepté tous les viols de ses statuts, se voit récompenser par des menaces et un chantage financier explicite.

Le concept de « commerce juste », avec coup de gourdin à la clef est le même que celui d’utilisation juste du dollar qui a valu des milliards de dollars d’amende à la plupart des grandes banques européennes, et cette "juste" conséquence que tous les grands financements internationaux échappent désormais aux banques non européennes.

Nous avons souligné que le TFTEA, la base législative qui permet au gouvernement américain d’agir, est la pierre angulaire de cette invraisemblable action de force. Dans l'indifférence générale il faut bien le dire. La loi n’a pas été prise par Trump mais Obama.

Les changes flottants et la création d’une finance internationale dérégulée, au seul profit des grandes multinationales américaines, ont fini par détruire totalement l’œuvre de Roosevelt. Ne faisons pas de ce grand président un total altruiste. Malgré tout il avait des valeurs et un certain degré d’altruisme. Le multilatéralisme n’aurait pas eu ce développement sans lui. Il n’en reste plus rien.

La violence de l’attaque américaine met en porte à faux tous les gouvernements  favorables aux États-Unis. L’Allemagne et le Japon qui vivent dans la soumission depuis 1944 se retrouvent floués une nouvelle fois. Pour l’Allemagne il lui est même impossible de réévaluer sa monnaie. Les fédéralistes européens, longtemps soutenus par les États-Unis désireux de casser les empires européens, sont également fort mal. Ils risquent d’apparaître pour ce qu'ils sont : de simples auxiliaires de la finance américaine.

Les désordres monétaires prennent une fois de plus leur rançon. Faute d’avoir réformé à temps la gestion de la zone Euro, et l’avoir laissé à la connivence de la Banque Centrale Européenne, dirigée par un Goldman Sachs, les méfaits du système, qui sont  les mêmes que ceux des changes flottants, l’apparition de déséquilibres internes gigantesques et maîtrisables sans déflation forcenée, l’Europe risque de se trouver attaquée de l’extérieur et de l’intérieur. Beau résultat !

Décidément oui, la monnaie compte. Mais il ne faut pas compter sur elle quand on organise mal sa création, son investissement, son change et son emploi par la puissance publique.

Le seul espoir d’éviter cette séquence mortifère aurait une réaction conjointe du G20, du FMI, de la BRI et de l’OCDE, en 2008 et 2009. Il fallait revenir d’urgence à un système coopératif d’échanges, interdisant effectivement les grands déficits et les grands excédents, stabilisant les monnaies, encadrant l’activité bancaire, le tout basé sur les changes fixes et une unité de compte internationale indépendante d’une monnaie nationale.

Peut-on le faire à chaud aujourd’hui et pire encore demain, lorsque le bâton américain aura commencé à casser des dos et marqué de façon honteusement indélébile l’incroyable sujétion générale aux diktats américains ? Ce qu’on risque c’est l’achèvement de la dislocation du commerce mondial, déjà bien avancé, l’explosion de la zone Euro et le retour à des guerres de change et de commerce.

La France, qui a choisi une sorte de suicide national, en se laissant couler dans le béton socialiste et fiscal, risque elle-même la dislocation.

Bravo à nos « élites » politiques et administratives.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

Pire que le CETA, le TFTEA

Les Etats-Unis veulent se substituer aux institutions multilatérales

On a vu que la traité commercial avec la Canada a poursuivi son chemin européen dans le dos des gouvernements et des peuples, pour être avalisé par le Parlement Européen. Rappelons que lors des élections européennes aucun des candidats n’a exposé de programme. On a voté pour des étiquettes. Etiquettes sans véritable sens, puisque le Parlement Européen cherche une certaine unanimité gauche-droite. Aucun des candidats élus ne s’est présenté en chantant « vive le CETA ». Ou quoi que ce soit d’autre. A droite, ils ont dit : « Je suis de droite et très européen, c’est pour cela qu’on m’a choisi comme candidat ». A gauche ils ont dit : « Je suis de gauche et très européen ». Idem pour les différentes nuances de centristes, toute fédéralistes. Jamais la moindre question sur le programme.

Rappelons que M. Hollande s’est opposé au CETA ainsi que toute la gauche auto-présentée comme « vraiment de gauche » ainsi que la droite de Fillon à Mme Le Pen. Le seul candidat aux prochaines élections présidentielles françaises  qui a souscrit au CETA sans même savoir ce que contenait le traité est M. Macron, qui a annoncé un soutien inconditionnel à l’Europe et à l’Euro avec des cris éraillés que d’aucun, naguère, aurait comparé à ceux du plus scabreux des cabris.

Il est intéressant de constater l’inexistence pendant ce processus de tout article ou émission dans les médias français, qui, de fait, ne couvrent pas le travail des institutions européennes.  Au moment où le CETA était discuté, une émission publique comme C’est dans l’air a traité 18 fois sur 20, sur le mode chasse à l’homme, le dossier de Mme Pénélope Fillon et jamais du CETA, comme si cela n’avait aucune importance.  Il faut dire qu’aucun des grands rapports économiques qui sont tombés récemment n’ont fait l’objet de la moindre analyse un peu poussée.

Il semble que pour les journalistes français, à quelques exceptions près, la question la plus importante soit aujourd’hui d’apprécier les effets électoraux de l’alliance phénoménale celée par un inconnu nommé Jadot et un ancien ministre, de toute petit envergure,  démissionnaire d’un gouvernement Hollande, ou de peser les risques et avantages électoraux, pour M. Macron, du ralliement d’un vieux ouistiti de la politique politicienne dont l’actif électoral est d’avoir pulvérisé façon puzzle les formations politiques qu’il était parvenu à diriger. Jouer au petit cheval électoral est sans conteste plus amusant que s’attaquer aux questions nationales et internationales les plus graves. 

C’est sans doute pour cela que personne en France ne connait la Section  701 du Trade Facilitation and Trade Enforcement Act de 2015. Le TFTEA est sans toute la législation américaine la plus significative de l’effondrement du monde rooseveltien mis en place à la fin de la guerre de quarante. Il annonce Trump avant Trump. Si vous en parlez, sans préciser les dates, vous constaterez que interlocuteurs ont tous la même réaction : « Ce Trump quel sale type, il est en train de tout casser ».  L’ennui est qu’il s’agit d’une loi Obama. La seule nouveauté est l’annonce par Trump qu’il va s’appuyer sur ses dispositions pour attaquer les pays avec qui les Etats-Unis ont un  déficit afin de pouvoir les soumettre à des sanctions diverses.

Il est à noter qu’aucun organe de presse français, ni aucun média radio diffusé ou télévisés n’ont jamais parlé de ce texte, en dépit de son caractère totalement abusif, nationaliste et hystérique. Seul Le Temps aura eu la bonne idée de soulever ce lièvre, parce que la Suisse se retrouve aujourd’hui dans le collimateur. 

Que dit donc ce TFTEA ?

La loi prévoit des outils  de reporting et de monitoring qui permettent de mesurer et de sanctionner les pays qui pratiquent une politique de change que les Etats-Unis considèrent  comme nuisibles aux intérêts américains. En fait, compte tenu du caractère structurellement déficitaire des comptes extérieurs américains, la seule question qui est examinée est la sous-évaluation alléguée de certaines monnaies. Le but est de forcer le « partenaire » en excédent à prendre lui-même des mesures visant à brider son excédent vis-à-vis des Etats-Unis. 

Les pays qui ne se soumettent pas peuvent faire l’objet plusieurs types de  sanctions :

-       Arrêt des financements américains

-       Arrêt des achats dans le pays

-       Action auprès du FMI

-       Blocage des négociations commerciales tant que la question monétaire n’est pas réglée 

Un conseil de neuf membres est chargé de faire des observations en fonction des statistiques et des faits relevés.

Ce texte a été voté définitivement le 24 février 2016 et donc a force de loi depuis un an exactement.

 

Ce texte en apparence peu problématique pose deux questions fondamentales :

-       Il appartient normalement au FMI de surveiller les relations monétaires internationales. Pourquoi faut-il qu’un pays particulier double son action ?

-       Les statuts du FMI condamnent et les gros déficits et les gros excédents. Pourquoi a-t-on toléré qu’ils enflent pendant quarante cinq ans et pourquoi les Etats-Unis ne parlent-ils que des pays en excédent ?

Même si le texte fait sa génuflexion devant les règles du  FMI, il montre que les Etats-Unis  sont prêts à imposer leur propre interprétation et veulent pouvoir agir de leur propre chef en dehors de tout contexte multinational. C’est une violation totale de l’esprit du monde voulu par Roosevelt à la fin de la seconde guerre mondiale. Le multilatéralisme est remplacé par l’analyse et l’action unilatérales des Etats-Unis.

Les Etats-Unis ne retiennent des statuts du FMI qu’une seule face : les gros excédents vis-à-vis d’eux. Mais ils laissent de côtés les gros déficits. Or les gros excédents et les gros déficits vont ensemble et ils sont le fruit à la fois de décisions dans le pays excédentaire et dans les pays déficitaires. Une politique équilibrée est d’agir sur les deux côtés à la fois. La loi viole les statuts du FMI tout en faisant semblant de les appliquer. Plus hypocrite, on ne peut pas !

C’était au FMI d’agir. Il en a les moyens. Mais depuis l’abandon des accords de Bretton Woods, après la voie de fait commise par les américains qui ont refusé d’honorer leur engagement de conversion en or des créances internationales en dollar, ce qui s’appelle un défaut, les changes flottants sont censés fixer le cours des devises. En vérité le marché des devises est totalement entre les mains d’un très petit nombre d’opérateurs comme quelques scandales récents l’ont montré, et la flottaison créée une instabilité artificielle.

Si les résultats ne sont pas conformes aux intérêts américains, c’est, pour les Etats- Unis, qu’un pays voyou trouble le libre jeu du marché. Tout cela est une fable puisque le dollar est la monnaie du monde et finance les transactions internationales. Il faut donc un déficit américain pour fournir la liquidité internationale. Ce défaut est structurel et non lié à l’action de vilains à sanctionner.

Les Américains se croient suffisamment forts pour avoir le beurre et l’argent du beurre : la monnaie internationale qui leur permet de financer leur déficit dans leur monnaie ; l’obligation pour les autres de corriger inlassablement la contrepartie de ce laxisme abusif. De même qu’ils se savaient assez forts pour imposer au monde le non remboursement en or de leurs dettes. Au passage, si un pays quittant l’euro proposait de rembourser sa dette internationale dans sa monnaie nationale, ce serait faire exactement comme les Américains en 1971. 

Conformément à la loi les autorités américaines viennent de produire leur première revue du comportement de leurs « partenaires ». On peut le lire à l’adresse ci-dessous.

 https://www.treasury.gov/resource-center/international/exchange-rate-policies/Documents/2016-10-14%20%28Fall%202016%20FX%20Report%29%20FINAL.PDF

Plusieurs pays ont été ciblés dont la Suisse et l’Allemagne. On sait que Schaüble, le ministre des finances allemand,  a déjà répondu au rapport en expliquant que le change de l’Euro lui échappait complètement. La BCE est indépendante, n’est-ce pas ?  La Suisse, elle,  déjà lourdement sanctionnée à plusieurs titres par le gouvernement américain, s’inquiète sérieusement.

Très clairement une guerre est en cours qui vise à imposer aux partenaires créditeurs des Etats-Unis d’accroître de facto leurs importations américaines.

Plus grave, les Américains se flattent d’avoir imposé leurs vues aussi bien au FMI, que dans les différents G, G7, G8, G20, ainsi que lors de la discussion de plusieurs traités comme le Traité Transatlantique.

Nous considérons cette soumission à la puissance américaine comme choquante et  inacceptable.

 

La bonne réaction devrait être la suivante :

 

-       Nulle monnaie nationale ne peut être la monnaie de facto du monde, car sinon les déficits deviennent automatiques

-       Les changes flottants ne fonctionnent pas et ont permis d’énormes excédents et d’énormes déficits conjoints, en violation des statuts du FMI. L’idée que les marchés donnent une image pure et vraie des changes est totalement fausse et le sera toujours quand une banque centrale peut émettre un montant de monnaie supérieur au PIB d’un pays et que l’Etat collecte plus ou moins la moitié du PIB.

-       L’effort doit venir également des pays en déficits et de ceux en excédents

-       Il faut recréer un système monétaire basé sur les changes fixes et un mécanisme automatique de sanction des grands excédents et des grands déficits. Par exemple 15% de l’excédent serait prélevé par le FMI et 10% des déficits. Les sommes collectées serviraient à alimenter un fonds de stabilisation permettant de vaincre toute spéculation.  

-       Ce même mécanisme doit être instauré au sein de la zone Euro : avec une pénalisation un peu plus forte compte tenu de la difficulté des ajustements (on ne peut plus dévaluer).  Des pénalités de 30% pour les gros excédents et 15% pour les pays avec de gros déficits seraient raisonnables.

En attendant, il faut cesser de passer tout accord commercial tant que l’objectif monétaire n’est pas atteint. C’est pour cela que l’affaire du CETA est grave. La France et l’Europe n’ont rien fait rien dit et cette soumission a empêché que la question monétaire soit posée.

Les Etats Unis ne peuvent pas dire que l’Europe n’a pas le droit de lier monnaie et commerce : leur propre texte institue cette règle !

Il y a bien là une voie de sortie de la crise.

Personne dans les médias français n’en parlera. Je ne suis même pas sûr que, dans les allées des pouvoirs européens, il existe une seule personne sensibilisée à cette problématique. Ignorance et soumission sont les tétons de la France et les mamelles de l’Europe.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

En finir avec la banque universelle française

On est toujours fasciné de voir une profession cartellisée depuis Pétain sur les bases du fascio, en un mot une institution fasciste au sens propre du terme, et vivant en symbiose ouverte avec la haute fonction publique et l'énarchie qui a capté le pouvoir politique en France, se comporter comme des voyous en bande organisée n'oseraient pas le faire, avec l'onction des juges et des politiques.

Prenons un exemple minuscule. Une jeune association se voit imposer début 2017 sans discussion 480 euros de frais de tenue de compte par an pour une recette d'association de 800 euros. Elle est obligée de disposer d'un compte pour encaisser les chèques de cotisants. Elle ne peut garder de l'argent en liquide.

L'exemple est intéressant du fait de la nature très particulière du contrat de tenue de compte par une banque. Comme nous l'avons vu à plusieurs reprises sur ce blog, ce qu'on appelle un dépôt à vue n'est pas un dépôt au sens du droit civil habituel. L'argent versé sur le compte appartient aussitôt à la banque qui en récupère et l'usus et le fructus. Elle en fait rigoureusement ce qu'elle veut sans que le déposant ait la moindre information sur l'emploi des fonds. En contrepartie le client dispose d'une créance sur la banque. Normalement une créance doit être rémunérée. Et c'est là que tout devient psychédélique. La banque a récupéré la pleine propriété du contenu déposé par la petite association et va en faire son miel. elle prend en fait une commission de gestion sur son propre avoir, puisqu'elle a la pleine propriété du contenu du compte. Qui plus est en volant plus de la moitié de la somme déposée. Vous avez bien lu : grâce à nos aimables législateurs, entièrement entre les mains de la haute administration qui vit en symbiose avec les grandes banques universelles françaises, ces dernières gèrent leur argent à vos frais. Cette scandaleuse inversion de toutes les règles de la normalité juridique peut s'analyser, si on préfère, comme un prélèvement à taux usuraire non pas sur le débiteur mais sur ses créanciers. Chapeau ! La banque qui doit de l'argent à ses déposants (les soi-disant dépôts sont une dette comptable et réelle), leur prélève une quote-part démentielle de sa propre dette à titre d'intérêts usuraires inversés !

On marche totalement sur la tête.

C'est contraire à tous les principes du droit. En un mot c'est du vol organisé par une mafia qui vit à cheval entre l'Etat et le secteur bancaire et qui légifère en sa faveur avec une totale absence de principe pour son seul intérêt et celui d'une brochette de cadres aux bonus extravagants compte tenu des pertes abyssales qu'ils ont réalisées.

Si le Conseil Constitutionnel avait un sens, il aurait dû retoquer ces textes aberrants qui rendent obligatoire le compte courant et en organise le vol "légal". Le lobby pétainiste a fait en sorte qu'on ne puisse sortir d'un compte qu'à son détriment et au profit d'une autre banque. Et il fait la chasse au liquide pour imposer la traçabilité totale de tous les échanges. En un mot la grande banque universelle française est un système qui a accepté d'être un auxiliaire du fisc pourvu qu'on les laisse se goinfrer sans limite au mépris du droit.

Le tout baigné dans un bla-bla sur la "banque éthique" et autres balivernes pour gogos.

Nous aurions pu naturellement rappeler les grands délires des banques universelles françaises. Les exploits du "crazy Lyonnais" restent dans toutes les têtes. Les techniques de gestion avancée de la spéculation de la Société Générale sont encore fameuses. C'est la ruine de trois fonds de BNPPARIBAS qui déclenche la crise des marchés monétaires mondiaux et l'explosion financières de 2008. Le Crédit Agricole se fait étriller sur tous ses rachats de banques, totalement aventurés. Dexia a été le succès que l'on sait. Un livre récent montre comment est gérée la Caisse des Dépôts, tenue étroitement par la mafia des inspecteurs des finances qui mélangent adroitement positions administrative et politique. La ruine de Groupama qui croyait faire une bonne affaire en rachetant de la dette grecque et italienne n'est pas mal non plus.

Rappelons au passage que nationalisation puis dénationalisation ont fait de ces banques universelles "privées" l'exemple français d'une oligarchie à la soviétique.

Et si on veut encore remonter le temps, évoquons le glorieux souvenir des contrats d'assurance collective souscrits sans qu'ils le sachent par les déposants, énorme escroquerie qui voyait quelques complices à la tête des banques et des assureurs se gaver d'énormes prébendes sous forme de commissions d'apport ou de gestion, ou en volant carrément les excédents techniques des contrats d'assurance.

À chaque fois, à la tête de ces groupes, c'est une poignée de dirigeants qui se sont servis sans limite. Et les sommes se comptent en dizaines millions d'euros. Au total à peine plus de 500 personnes enrichies sans cause alors qu'ils ont ruiné leur établissement et essaient de se refaire la cerise avec l'argent des déposants.

Il faut évidemment démanteler ce système mafieux. Comment ?

C'est très simple. Le premier acte est de créer un concept de banque de paiement qui reçoit de vrais dépôts qui restent la propriété des déposants. Ces banques sont des sociétés de purs services qui doivent être soumises à une concurrence féroce, afin de faire descendre les frais de gestion au minimum technique. Que ces sociétés facturent des frais au forfait ou à l'acte soit. Mais que les tarifs correspondent aux frais et une marge raisonnable. Gardons à l'esprit que toute la gestion est quasi automatique, reportée pour la saisie sur l'usager et que la réduction de l'usage des espèces limite encore les frais de gestion. Les frais sont essentiellement des frais d'amortissement de systèmes informatiques.

À chacun de choisir l'établissement le mieux disant pour des actes de simple tenue de compte et de paiement. Cette activité doit rester totalement indépendante de l'activité de crédits et du loyer de l'argent. L'avantage de banques exclusivement spécialisées dans le paiement, c'est qu'il n'y a aucune raison d'en brider l'extension internationale. Et il n'y a aucune raison qu'elles soient sous la tutelle de la banque centrale puisqu'il n'y a aucune gestion de risque.

À côté de ces établissements on aurait des systèmes totalement indépendants : les banques de crédits, travaillant sur argent collecté par souscriptions de bons ; Les banques de financements spécialisés ; Les banques d'affaires, travaillant uniquement sur fonds propres ou par émission d’obligations. Les fonds de placements et d'investissements et les organismes de gestion de fortune compléteraient le dispositif.

Tous ces métiers doivent être exercés dans des entités entièrement indépendantes pour éviter les conflits d'intérêts qui sont la base abjecte du système actuel.

Tous les contrats seraient clairs et nets. Et chacun prendrait ses risques de façon parfaitement lisible. Il serait parfaitement inutile de prévoir une garantie des dépôts. Et la faillite d'une banque de crédit ou d'affaires n'engagerait que des investisseurs assumant leurs risques.

Ce système qui se mettra en place à terme de façon presque obligatoire, parce qu'il est LE SEUL LOGIQUE et RATIONNEL. C'est le seul à ne pas être basé sur un concept de vol organisé. L'obstruction hargneuse des grandes banques universelles françaises et des hauts fonctionnaires des finances. doit être cassée avec toute la violence législative et réglementaire nécessaire.

C'est l'Europe qui devrait en prendre l'initiative.

Mais les obstacles sont nombreux : toutes les grandes banques néerlandaises, italiennes, allemandes, grecques, espagnoles sont quasi en faillite. Les Etats-Unis ont fauché tout le marché des grandes opérations de banques d'affaires transnationales. Le bunker français et les multiples établissements européens en difficulté forment un bloc aussi malsain que difficile à faire bouger.

Pourtant, il le faut. Sinon le vocable de bankster a encore quelques beaux jours devant lui. Aujourd'hui, il est parfaitement justifié.

Changer la "globalisation" ?

L'explosion en plein vol de l'économie baudruche qui a gonflé inlassablement à partir de l'abandon des disciplines de Bretton Woods en 1971 a eu comme première conséquence, que nous n'avons cessé de souligner dès 2008 et qui a été totalement sous-estimée par les commentateurs, l'arrêt des financements internationaux, chaque banque cherchant son salut dans son pré carré national et ses autorités de tutelles. L'arrêt de l'énorme spéculation sur les matières premières internationales, y compris le pétrole, associé au repli des banques, a désorganisé les flux commerciaux usuels.

Comme souvent, les mentalités ont été en retard sur les faits. On demande de partout une "pause dans la globalisation" alors qu'elle est largement arrêtée depuis plusieurs années !

Tout le monde n'a pas été aveugle :

"Le ralentissement prononcé de la globalisation est en partie conjoncturel, lié aux effets de la crise, ainsi qu’au ralentissement de l’économie chinoise". « Il est aussi le résultat de la multiplication des barrières aux échanges et du protectionnisme ainsi que des limites atteintes par la baisse des coûts du transport », ajoute Thomas Held, auteur d’un article annonçant en 2012 que « la déglobalisation a commencé ».

La campagne réussie de Donald Trump, venant après le Brexit, met à mal une autre vue conventionnelle : la "mondialisation néolibérale" aurait été une exigence des "Anglo-saxons". Pour une bonne partie des observateurs dans les médias ou les institutions officielles, "l'horreur de la globalisation" est née de l'élection de Thatcher et Reagan. Et on nous annonce une "horreur de la déglobalisation" associée à l'élection du "monstre" Trump…

Du coup, voilà qu'on demande de partout une "nouvelle globalisation". En France et à gauche, c'est Picketty qui s'y colle dans un article du Monde.

Pour lui il ne faut pas revenir au temps des replis, identitaires et économiques, mais lier les négociations multilatérales commerciales avec "des objectifs plus élevés". Le commerce : pouah ! Mais, puisqu'il en faut, assujettissons à son développement des objectifs dignes d'une humanité supérieure. Dans son esprit, la lutte contre le réchauffement climatique et les inégalités.

Il se trouve que nous-mêmes proposons depuis très longtemps de lier l'ouverture des échanges internationaux à une  autre réforme : celle du système monétaire international. La solution est logique : un achat est toujours constitué d'un mouvement de monnaie et d'un mouvement de marchandise. On ne peut pas s'intéresser à un seul pan de la transaction, en imaginant que la monnaie est un "voile", une huile de graissage, permettant de faciliter les échanges. Si les échanges sont très déséquilibrés cela veut dire que des stocks d'excédents monétaires se forment et on sait très bien, notamment depuis Rueff, qu'ils provoquent des doubles hélices de crédits et poussent l'économie mondiale dans le fameux mode baudruche que nous avons connu pendant quarante ans, avec explosion finale. On doit donc associer le développement des échanges internationaux avec des institutions et des règles qui permettent la stabilité relative des changes, l'absence de spéculation désordonnée sur les monnaies, et l'atténuation des déséquilibres des échanges. Oui, CETA et TAFTA auraient dû être associés à une refonte du système monétaire international.

Pour Picketty, obsédé par le contenu de l'assiette du voisin, ces questions ne se posent pas. Les inégalités sont le problème fondamental. Mais voilà, la globalisation a provoqué  une réduction des inégalités :

« La globalisation a fortement réduit la pauvreté dans le monde et accru le niveau de vie dans tous les pays ouverts aux échanges, en particulier en Suisse. C’est elle qui a permis d’atteindre les objectifs de développement des Nations unies », renchérit Martin Eichler, chef économiste de BAK Basel.

Il est très difficile, pour un socialiste, de constater que les Républiques Socialistes de l'Est et de l'Orient avaient réduit leurs peuples à la misère de masse. Lorsque ces régimes sont tombés, comme l'URSS, ou se sont profondément réorganisés, comme la Chine et l'Inde, un énorme écart est apparu entre les niveaux de vie occidentaux et ceux de ces pays. Une femme vivant à la campagne en Ukraine ne gagnait pas plus de 100 euros par mois ; une paysanne collectivisée chinoise pas plus de 50. La fin des guérillas communistes dans les pays pauvres d'Afrique et d'Amérique du sud, a également permis une reprise de la prospérité. On a donc assisté à un rattrapage économique dans toutes ces nations qui s'est traduit globalement par une réduction massive de la pauvreté et des inégalités. Il faut vivre dans une bulle obsessionnelle pour ne pas voir que la globalisation est, historiquement, une baisse massive des inégalités mondiales  et que ce rattrapage a eu pour conséquence des difficultés certaines pour les secteurs ouvriers occidentaux, mis en concurrence avec des pauvres bien décidés à rattraper leur niveau de revenu et de consommation. On peut analyser en partie le rejet de la mondialisation dans les pays développés comme une révolte des classes moyennes mises en concurrence avec les parties plus pauvres du monde. Si on n'avait pas connu 75 ans de socialisme, le besoin de rattrapage aurait été moindre et les tensions en Occident moins sensibles. C'est malheureusement le genre de constat , en dépit de l'énormité de son évidence, qui ne peut pas être simplement imaginé par un socialiste marxisant.

Non M. Picketty la question de la mondialisation n'est pas la création d'immenses inégalités, puisque ce sont les immenses inégalités imposées par le socialisme violent qui s'estompent avec la globalisation !

Quant au réchauffement climatique, il tient à tellement de comportements qui n'ont rien à voir avec les échanges commerciaux, qu'on ne voit pas ce qu'ils devraient faire dans une négociation commerciale. On retrouve là la tentation permanente des ONG de l'ONU de faire de la morale avec des instruments qui n'ont rien à voir. On l'avait déjà constaté avec la taxe Tobin, sujet technique, transformé, avec mauvaise foi, en instrument de financement de toute une série d'objectifs d'abord sociaux puis écologiques. Dans sa dernière formulation elle devrait permettre de financer la transition énergétique des pays du sud. Sortir le monde de la pauvreté d'un claquement de doigt n'est plus à la mode !

La COB 21 a démontré que des conférences internationales ad hoc avaient leur efficacité. Pourquoi détourner d'autres négociations pour traiter des mêmes questions ? Lorsqu’on parle d'échanges de produits, il est vrai que les normes de production interviennent, qu'elles soient de santé publique ou sociales (travail des enfants par exemple). Mais les négociations actuelles entre Occidentaux concernent essentiellement le secteur des services qui n'a aucune influence climatique avérée. Quant à la Chine, la question actuelle est de savoir s'il faut lui reconnaître le statut d'économie de marché, avec des conséquences de compétition aggravée et dans le système actuel, un risque aggravé de déséquilibres massifs. L'écologie n'a pas sa place dans cette discussion. En revanche les énormes excédents chinois, leur formation et leur emploi, ainsi que le choix de la monnaie internationale à utiliser en Europe pour échanger avec la Chine, sont des thèmes de discussions aussi majeurs que totalement mis à l'écart. Là est le scandale.

Il faut associer la relance de l'économie internationale à une refonte profonde du système monétaire international, avec condamnation effective des gros excédents et des gros déficits. Mais, décidément non. Il ne faut pas fourvoyer les discussions sur le commerce international et la globalisation des échanges dans des discussions qui ressortissent d'un autre registre.

Si on avait, dès le changement de stratégie économique de la Chine, imposé un contrôle de l'équilibre des échanges commerciaux et évité les énormes déficits américains et leurs excédents symétriques en Chine, la Chine aurait cru un peu moins vite et en contrôlant mieux sa pollution et les classes moyennes américaines auraient moins souffert, avec un dérapage moindre des inégalités de rémunérations. Les classes moyennes européennes aussi. Ce qui vaut pour la Chine vaut aussi pour tous les pays à rattrapage.

Réformer le système monétaire va donc dans le sens d'une moindre pollution et de moindres inégalités dans les pays développés. C'est à cette bataille-là que Picketty devrait se joindre, car là est le chemin.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile

En écoutant Claudia Buch

"Le comité scientifique consultatif du Comité européen du risque systémique a relevé de nombreux signes de surcapacités dans le secteur bancaire européen, en particulier une forte hausse du volume de crédit par rapport à la performance macroéconomique. En fin de compte, un secteur financier surdimensionné peut avoir une répercussion négative sur la croissance économique réelle."

Cette phrase, énoncée par la vice-présidente de la Bundesbank est tout à fait intéressante. Elle aurait pu être répétée tous les ans depuis 1971, c'est-à-dire depuis que l'on a dynamité tous les contrôles macroéconomiques des balances extérieures (commerce et paiements). L'économie mondiale est devenue une" économie baudruche" comme nous en avons fait la théorie pendant des lustres. De crises en crises, de baisse de croissance en baisse de croissance, d'endettement massif en endettement insoutenable, la baudruche a fini par exploser. Nous vivons dans un système non réformé et mis à plat par la dernière crise, entre perpétuation des anciens maux et épongeage des effets du collapsus de 2008.

Alors oui, chère Claudia, la baudruche recommence à se remplir, tout en fuyant de toute part. Mais là n'est pas l'important. Ce qu'on attend de vous c'est d'indiquer les causes au long cours de la situation. Et là vous êtes muette comme une carpe allemande par grand froid.

Votre constat serait important si vous ajoutiez : les excédents allemands alimentent une création monétaire malsaine par recyclage dans des circuits financiers non directement connectés à la production, des gains qui proviennent d'un excès de compétitivité prix. Alors vous pourriez ajouter qu'il faut prévoir en zone Euro des mécanismes de pénalisation de ces excédents. Les excédents seraient taxés et enlevés du système financier au profit de l'investissement productif dans les pays en perte de compétitivité. L'Allemagne aurait alors intérêt à relancer sa consommation, relever ses salaires, pousser ses importations intra-européennes, perdant en compétitivité mais faisant croître la prospérité générale sans imposer de lourde récession à ses partenaires.

Que Claudia Buch se souvienne des suggestions allemandes de chambre de compensation faite en été 1940. Bien sûr, c'était de sales nazis qui voulaient mettre en place un système dont ils espèrent tirer parti par la force en ne régularisant jamais leurs positions. Mais "une variante honnête" comme disait Keynes serait sans doute la meilleure solution aujourd'hui.

Pour couvrir le dispositif, chère Claudia Buch, il faudrait même aller un peu plus loin : imposer un système de ce genre à l'échelon mondial en proposant de taxer les grands déficits et les grands excédents. Du coup la politique européenne d'ajustement n'entraînerait plus de risques globaux.

Il ne faut pas seulement dire que le roi économique est nu. Il faut l'habiller.

Et la "fashion week" doit commencer au plus tôt aussi bien au sein des banques centrales que des grandes instances économiques internationales.

Qui peut ne pas être lassé de voir que le seul courage autorisé dans les instances dites "de régulation" est de dénoncer un fait sans jamais voir l'image globale ni proposer de solution.

D'accord si vous vous lanciez dans ce travail vous seriez virée dans la minute de votre poste. Mais vous êtes universitaire. Vous avez l'indépendance. Cela vaut tous les honneurs. Sans doute préférerez-vous une carrière du type de celle qu'a connu votre prédécesseur, Beatrice Weder di Mauro, dont la carrière a été éclatante mais entièrement dans les jupes américaines et n'a, pas plus que vous, osé s'attaquer aux questions qui fâchent et notamment celles qui mettraient en colère les maîtres de Washington.

Au-delà de son énoncé, la phrase de Claudia Buch met en lumière la manière dont les économistes sont soumis aux diktats américains. Le but de ces déclarations n'est pas de promouvoir les réformes nécessaires mais de contrer Mario Draghi qui est considéré par les Américains comme dangereux puisqu'il fait baisser l'Euro par rapport au dollar. Elle permet également de se valoriser par rapport au board de la Bundesbank qui prône un certain rigorisme, tout en admettant les énormes excédents allemands. le tout sous couvert d'examiner les risques systémiques pouvant toucher la finance.

Tout cela finit toujours par des invitations au Groupe Goldenberg, rassemblement des "élites politiquement compatibles avec l'idée américaine de la globalisation" et tremplin pour les plus belles affectations.

Il faudrait qu'en matière économique l'opportunisme atlantiste cède un peu la place à une réflexion de fond et des études de réformes un minimum sérieuses. Les nominations sur la base du "genre" et non de la compétence, aggravent encore les phénomènes traditionnels de soumission. On l'a vu avec la nomination de Mme Lagarde à la tête du FMI, "parce que c'était au tour des femmes". Aussitôt tout risque de pensée non conforme est bloqué pour des années.

Et l'économie baudruche perdure indéfiniment avec des discours de régulation qui, au mieux, ne servent que de cache-misère pour masquer le vide de toute réflexion approfondie sur des réformes de structure.

Le Baltic Dry Index ne mentait pas

Nous avons attiré l’attention ces dernières années sur l’arrêt du commerce international depuis l’effondrement de septembre 2008. Nous considérions que les quelques mouvements qui subsistaient étaient essentiellement des achats de précaution de la Chine, soucieuse de ne pas perdre son tas de dollars accumulés au-delà de toute raison, avec, en épiphénomènes, quelques spéculations douteuses.  En un mot nous considérions que le crédit international était mort et que les investissements délirants faits sur l’hypothèse qu’il n’y aurait pas de limite à l’envolée des échanges  internationaux étaient en grand danger.

Nous avons récemment  commenté l’effondrement du Baltic dry index tombé en dessous de son indice d’origine. Il est aujourd’hui à 5% ce son plus haut !95% de chute.  Certains, sur la foi de rapports intéressés dans la presse (et non, l’information n’est pas sans biais dans la PQN !), se demandaient si cette chute des prix ne masquait pas une croissance en volume.

Les chiffres publiés hier  montrent qu’il n’en était rien du tout. Les armateurs sont à l’agonie. Les pertes dépassent 10 milliards de dollars sur quelques entreprises seulement.

En vérité si on cumule tous les types de pertes sur les investissements dans l’équipement des ports et des flottes, la perte globale pour les banques et les sociétés d’investissement est supérieure à 100 milliards !

Comme toujours la presse cite les chiffres sans tenter de creuser les explications qui restent à la surface des choses.  La crise du secteur est toute entière le contrecoup de la folie des années 1997 à 2009 permise par un système qui accepte les énormes excédents et les gigantesques déficits.  Rappelons que les imbéciles avaient théorisé le fait que les excédents chinois et les déficits américains étaient le nouveau paradigme d’une croissance éternelle sans crise… On pouvait investir sans limite !

On voit le résultat. On se rassurera : les propagandistes de cette idée fausse sont toujours aux postes de commandes des grandes institutions et ont gardé leur place dans l’amour des médias.

Du coup, ils n’ont aucune solution à proposer.

Ce n’est qu’en revenant à un système des échanges mondiaux basés sur des équilibres managés par les Etats, avec défense de parités monétaires fixes mais ajustables, qu’on pourra retrouver une croissance pérenne et équilibrée des échanges internationaux.

Les changes flottants, c’est-à-dire le n’importe quoi  général, associé à des déséquilibres effroyables, n’a fait que créer une économie baudruche explosive.  C’est ce constat que le G.20 chinois en cours devrait acter.

Il ne le fera naturellement pas.  Laissons les équilibres macro-économiques sous le tapis et travaillons à supprimer quelques contraintes microéconomiques, aux cris mille fois répétés de « coopération », « dialogue », « synergi e », « entente »…

C’est une imposture. Il n’y a pas de coopération dans un système structurellement non coopératif. Seulement des mots. Et des maux.

 

Didier Dufau pour le Cercle des economistes e-toile

Le système de change actuel ruine la société...

Le système de change actuel ruine la société

Jacques de Larosière, qui fut directeur du FMI, gouverneur de la Banque de France et président de la BERD, dénonce, dans «50 ans de crises financières», le manque de leadership et de discipline qui règne dans le «non-système» actuel

Jacques de Larosière a rassemblé, dans «50 ans de crises financières» (Odile Jacob, 272 p, 2016), ses notes «prises au jour le jour pendant les périodes de crises les plus aiguës». Cet homme d’influence a vécu de l’intérieur la fin du système de Bretton Woods en 1971. Il a rapidement compris que «les Etats-Unis n’accepteraient plus de se voir imposer les disciplines inhérentes à un système de changes stables». A l’époque, «on a sous-estimé la portée de l’effondrement du système de Bretton Woods», écrit-il. Les événements de 1971 sont en effet à l’origine de nombre des déséquilibres structurels actuels. Le flottement des monnaies a eu «des conséquences délétères sur nos économies et, plus généralement, sur nos sociétés», observe-t-il. Il a par exemple «encouragé le laxisme budgétaire et monétaire dont les effets cumulés nous écrasent aujourd’hui», avoue cet homme d’exception que les politiques monétaires d’assouplissement quantitatif plongent dans «un abîme d’interrogations et de doutes».

Le père de Jacques de Larosière était officier de marine, sa mère au bénéfice d’une licence d’enseignement en anglais. Durant la deuxième guerre, celle-ci lisait le Journal de Genève, lequel répandait «une bouffée de liberté», selon l’auteur. «La famille n’avait pas de fortune mais elle avait des valeurs», précise cet homme à la formation heurtée. Il se déplaça en effet de Rome à Bordeaux, en passant par Istanbul et Paris pour aboutir à l’ENA.

Rencontres avec Thatcher et Deng Xiaoping

Sa carrière, qui débuta en 1957 à l’Inspection des finances, lui a permis d’être au coeur des crises financières. Il fut directeur du Trésor (1974-78), directeur général du FMI durant neuf années (1978-87), puis gouverneur de la Banque de France (1987-93), président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (93-98), et conseiller (BNP-Paribas).

Il nous offre un livre de mémoire qui respire la sincérité et le bon sens. S’y côtoient des anecdotes sur des personnalités célèbres et sur la vie des grandes institutions ainsi que des réflexions sur la finance internationale. Il rencontra Deng Xiaoping en 1981 qui lui demanda son avis sur la manière de sortir son pays de son «retard économique». Il admira le courage et la volonté de Margaret Thatcher. Au 10 Downing Street, face à des dirigeants des organisations internationales rattachées à l’ONU, elle s’enquit de l’objet de la réunion. Quand Kurt Waldheim, le secrétaire général, «répondit que c’était pour se coordonner, elle explosa: «Vous devriez avoir honte! C’est travailler que vous devriez faire, pas vous coordonner!»

La dénonciation de la fuite dans la dette

Jacques de Larosière se révèle très critique à l’égard de l’union monétaire européenne, dénonçant un manque d’union politique ou de véritable coordination économique. Il regrette qu’elle ait ouvert la voie à de profondes divergences entre l’Allemagne et la France. Pour lui, «l’union monétaire n’est pas un free lunch et nécessite des règles budgétaires et structurelles communément partagées et communément mises en oeuvre». A son avis, «l’Union économique reste dans les limbes». On se concentre excessivement sur la politique monétaire: «La création monétaire illimitée n’est tout au plus qu’un palliatif lui-même source de dangers», explique-t-il. Quant à la gestion de la crise grecque, elle est «particulièrement discutable». En 2009-2010, il était évident qu’un programme de redressement devait comporter une restructuration en profondeur de la dette, écrit-il.

L’ancien directeur général du FMI, admirateur de Pierre Mendès France, «le seul homme politique capable de clairvoyance et de courage», dénonce le «non-système» actuel et la fuite dans l’endettement. Le monde financier a favorisé l’irresponsabilité budgétaire. «Jamais les gouvernements n’ont posé aux représentations nationales les vrais choix de société qu’implique, pour les générations futures, la pratique de l’endettement indéfini», selon l’expert qui a travaillé avec Paul Volcker et Raymond Barre.

«C’est la liberté de choix en matière budgétaire qui a été à l’origine de nos démocraties. Mais si on ne laisse aux générations futures que le choix entre payer une dette trop lourde ou la renier, cette liberté de choix est singulièrement réduite!», écrit l’auteur.

Jacques de Larosière regrette aussi que la réglementation mise en œuvre après la crise financière, sous la pression américaine, «ait affaibli le modèle de banque universelle du continent européen». Il l’interprète comme «un témoignage supplémentaire de la faiblesse du leadership européen dans les négociations internationales». Difficile de lui donner tort.


Extrait du "Temps" article de

 
 

J. Peyrelevade : un éclair déchire le ciel bleu de l’Enarchie

Jean Peyrelevade publie « Journal d’un sauvetage » (Albin Michel - 6 mars 2016). Le livre fait l’effet d’une explosion d’Exocet sous la ligne de flottaison des « élites politico administratives », en un mot de l’Enarchie. Revenir, après un quart de siècle, sur les circonstances d’un sauvetage de banque finalement raté, était-il, en soi, indispensable ? Sans doute. L’occasion est rarissime de suivre de façon aussi précise et détaillée le fonctionnement de l’Etat Moloch alors que l’un de ses plus illustres serviteurs a conduit à la faillite un des fleurons de l’histoire mondiale de la banque (Le Crédit Lyonnais était avant la guerre de 14 le premier établissement bancaire mondial, mais oui !).

Il ne faut pas bouder son plaisir. Le livre se lit d’une traite. L’auteur a le talent d’écrire nettement et sans fatiguer le lecteur.  Il a sollicité et affiné  sa plume pour peindre des tableaux au vitriol de certains protagonistes de l’affaire. Règlement de comptes ? Un peu, heureusement, tant les excès ont été effarants.  Le déroulé implacable des évènements met en lumière les énormes dysfonctionnements d’un système où les mêmes hommes tiennent le politique, le législatif, l’administratif, la banque et indirectement, les médias.

Depuis 20 ans nous poursuivons le même combat contre ce que nous appelons l’Enarchie Compassionnelle. Nous essayons de donner mille exemples des effets malsains de ce système consanguin et anti démocratique, mais surtout source d’un gaspillage indécent. Le récit de Peyrelevade est, de ce point de vue, d’une limpidité telle qu’on n’imagine pas qu’il puisse rester une seule personne adepte d’un tel système après avoir fini la lecture.

La société des hauts fonctionnaires est un système féodal où il est impossible de mettre en cause qui que ce soit, et où aucune des institutions mises en place pour exercer des contrôles  ne fonctionne.  Les pires erreurs ne sont jamais sanctionnées. Inlassablement, les grandes affaires sous contrôle de l’Etat périclitent et jamais la moindre leçon n’en est tirée.

Il n’y a donc aucune raison pour que de nouveaux désastres ne viennent pas s’ajouter aux précédents. La faillite de Dexia est en effet pire que celle du Crazy Lyonnais. Les pertes abyssales d’Areva, les difficultés de l’ex EDF,  les pertes massives et  récurrentes de la SNCF, les villes mal gérées comme Paris ou Montpellier, les mille et uns abus commis sans vergogne avec l’argent public ont tous la même cause.

Un système où les hauts fonctionnaires cumulent tous les pouvoirs et où les sanctions ne viennent jamais ne peut pas se porter bien.  La complicité avec les syndicats s’installent aussitôt, au nom de la paix sociale et les coûts s’envolent après qu’on ait tout lâché en matière de congés payés, de recrutements, de temps de travail, d’avantages exorbitants, d’indiscipline non sanctionnée.  On place les proches et les copains. On multiplie les postes de hauts dirigeants bien rémunérés pour des tâches pas toujours très claires.  Les auditeurs ne peuvent rien dire : c’est la politique de l’Etat ! Les carrières n’ont plus de rapport avec l’efficacité dans l’accomplissement des missions. D’ailleurs il n’y a plus de réelles missions. On est. On ne fait pas.

Le récit de Peyrelevade est implacable. On ne peut pas réformer un tel système. Il faut le supprimer. C’est la raison pour laquelle nous nous époumonons à réclamer la séparation du politique et de l’administratif, de la banque et de l’Etat, de la presse et de la banque.

Jean Peyrelevade voulait prendre la tête d’un Crédit  Lyonnais privatisé après séparation des actifs douteux liés au passé. Le système français est tellement bridé, que lorsqu’on privatise, la capture du patrimoine national se fait entre oligarques indéboulonnables qui tiennent entre leurs mains pratiquement à vie tous les grands projets nationaux pour des lustres, et la presse quotidienne en prime. Pensons à Michel Pébereau à la BNP, qui est l’exemple parfait de la chose et des actes associés (comme le vidage du directeur du Monde, après un article documentée sur la « pieuvre Pébereau »). On peut malheureusement imaginer que si l’auteur du livre avait réussi à être son pendant au Crédit Lyonnais, il en serait encore le président et le livre n’aurait pas été publié.

Si Peyrelevade passe au rayon X (il a fait Polytechnique) l’establishment de l’Inspection des Finances, n’est-ce pas en partie parce qu’on lui a barré l’accès au Naos du Grand Temple ?   

D’autres faiblesses structurelles du raisonnement des élites financières, administratives et politiques sont révélées par ce livre, sans que l’auteur ne s’en rende compte.  Jean Peyrelevade ne connait pas la notion de cycles économiques et n’a pas analysé le type d’économie qui s’écroule en 93 en France.  Le système bancaire français à cette date est touché dans son ensemble par l’explosion de la bulle immobilière notamment dans les bureaux. Des dizaines de milliards ont été investis hors de toute raison  dans une bulle terrifiante. Partout dans le monde. Les pertes du Crédit Lyonnais ne sont pas seulement liées à la folie des grandeurs de Jean-Yves Haberer.  Son successeur,  une fois aux manettes,  sera confronté, sans qu’il l’anticipe, à une absence prolongée de résultats du fait de la crise du système global. Il se trompera dès le départ sur l’ampleur des pertes du passé et constamment sur celles de la gestion courante.

On touche là la grande faiblesse de nos responsables : ils n’ont pas compris les énormes dysfonctionnements de l’économie globale, basée sur les changes flottants et le recyclage d’énormes excédents. Peyrelevade comme les autres. Nous l’avions déjà constaté au moment où il souhaitait dialoguer sur le net, une expérience qu’il abandonnera presqu’aussitôt. Le livre, indirectement, nous le démontre à nouveau.

L’inconvénient de cette incompréhension est une concentration excessive sur les hommes et le schéma franco français. Le Lyonnais a sauté comme Lehman Brothers et comme bien d’autres, faute d’avoir compris qu’elles chevauchaient une baudruche explosive. L’inconscience les a tuées.

On voudrait être sûr que l’inconscience des causes globales de la crise puisse venir un jour au premier plan des réflexions des grands auteurs. Jean Peyrelevade a manqué le coche mais  a fait œuvre magistrale pour rendre manifeste l’incroyable perversité du système français de confiscation du pouvoir administratif, politique, bancaire et médiatique par une clique minuscule et ses conséquences dramatiques en terme de perte de démocratie et de gaspillage d’argent public. Grâce soit rendue à ce livre pour cette seule raison. On n’avait jamais été plus loin dans la démonstration.

Et que les Français comprennent enfin qu’il ne faut pas élire un Enarque à la présidence du pays. Adieu Hollande ! Adieu Juppé ! Sinon le système dysfonctionnel et inefficace dénoncé si précisément dans le livre perdurera indéfiniment.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Expédients

La Banque Centrale Européennes prend des mesures "non conventionnelles" nouvelles. Tous les bons esprits essaient avec plus ou moins de subtilité, de décrypter les mesures prises par le sphinx monétaire, sans trop s'interroger sur le saugrenu de la situation : pourquoi aurions-nous donc besoin d'un sphinx monétaire ? M. Draghi, président de la BCE, après avoir voulu dévaluer l'Euro pour des raisons de compétitivité européenne défaillante, chercherait maintenant à relancer l'activité bancaire en payant les banques pour qu'elles prêtent. L'activité suivra. Toujours en noyant son projet dans la litote et le non dit puisque l'objet social de la BCE est de maintenir la valeur de la monnaie et donc de contrôler l'inflation. Bref, les médias tentent d'expliquer les modalités d'un viol répété et constamment aggravé des principes gravés dans le marbre du traité de Maastricht. On avait le "vol de l'Aigle", nous avons "le viol du sphinx". La règle était formidable. La violation de la règle encore plus formidable.

Pourquoi ne pas se contenter d'avouer vérité et de dévoiler la réalité ?  La perte globale mondiale générée par l'éclatement de "l'économie baudruche" en 2007 et 2008 est d'environ 12 000 milliards d'euros. Pour donner du sens à ce nombre, il suffit de rappeler que la valeur ajoutée des entreprises françaises non financières de plus de une personne en France est d'un peu plus de 1 200 milliards. En un mot, notre merveilleux système monétaire international, de dérèglements en sauvetages façon pompier pyromane, a réussi à créer une perte égale à 10 fois la production française !

L'essentiel de la perte étant logé dans les banques, et le capital de celles-ci ne permettant pas d'absorber ces pertes, il a fallu sauver les banques par une série d'expédients. Les Etats et l'impôt ont été sollicités. Mais cela ne pouvait pas suffire. On a protégé les banques de mille façons, la dernière en imposant que toutes les transactions passent par les banques, avec le but avouer de faire disparaître la monnaie de poche. L'essentiel a tout de même été de donner du temps aux banques pour qu'elles puissent progressivement éliminer les pertes latentes des portefeuilles de prêts.

Comme nous l'avons dit il y a bien longtemps, on a adopté la technique du hanneton qui pousse sa boule de crottin devant lui. L'animal fatigue parfois. Il faut l'aider un peu plus à chaque faiblesse. La BCE intervient pour permettre de faire rouler encore un peu la boule de dettes à chaque fois qu'une incertitude grave vient toucher les banques. L'effondrement du cours des banques exigeait une réaction. Elle vient de se produire.

L'absence d'inflation rend l'opération d'élimination de la perte latente bancaire longue et aléatoire. Mais comment générer de l'inflation lorsque la perte latente pousse à une déflation phénoménale ?

Oui la BCE permet aux banques de faire des gains financiers sans cause réelle. Oui la BCE permet aux Etats de vivre malgré le poids démesuré d'une dette d'état qui s'est substituée en partie à la dette des banques. Oui la BCE entraîne la finance dans une zone inconnue où une part croissante de la dette porte des intérêts négatifs, c'est-à-dire subventionne l'emprunteur avec de l'argent banque centrale créé à partir de rien.

Aucune de ces mesures n'a de justification dans la théorie économique, ni ne correspond à aucun texte, ni ne répond à aucun des principes qui avaient conduit à la création du système de l'Euro.

Le but : survivre sans changer le système ; Maintenir un système de monnaie unique dans un monde de changes flottants ; Conserver la liberté absolue des mouvements de capitaux, de personnes et de marchandises sans rien organiser ni canaliser.

D'expédients en expédients jusqu'à la victoire finale !

Tout sauf s'interroger sur la perversité du système des changes flottants et la mauvaise gouvernance de la zone Euro.

Les Etats européens n'ont plus de responsabilité du tout dans l'efficience économique, sinon d'adapter les citoyens à la nouvelle donne. Les politiciens n'ont plus qu'un seul jeu : se faire réélire ou élire en finassant. François Hollande pratique ouvertement l'achat de vote. On le voit aujourd'hui même avec l'annonce de l'abandon du gel des rémunérations des fonctionnaires. La discussion porte sur le bon moment de la distribution, afin d'optimiser le gain électoral. Une hausse tout de suite pour créer l'ambiance puis une autre juste avant les élections pour amplifier le "feel good" électoral des fonctionnaires. Mais quand ? En octobre ou en janvier ? Dilemme fondamental ! En contrepartie, il faut faire semblant d'obéir à l'injonction bruxelloise de "réformer le marché du travail", qui, il est vrai, a été totalement étouffé en trois fois par les socialistes : mesures Auroux ; mesures Jospin-DSK-Aubry et mesures Ayrault. Mais l'injonction vaut pour tous les pays européens, avec comme objectif avoué de faire diminuer le coût salarial pour retrouver de la compétitivité mondiale, alors que la zone est… excédentaire ! Comprenne qui pourra.

La France est devenue un théâtre d'ombres. Plus d'intelligence. Plus d'intérêt général. Conserver des places et aider à survivre des systèmes bancals, voilà toute l'ambition. La presse prend bien garde à ne pas effrayer le Prince qui lui permet de survivre grâce à des subventions exorbitantes pourvu qu'elle ne dise rien qui fâche vraiment.

Il n'y a plus de réflexion économique publique. Il n'y a plus de politique économique de production. La science économique est à l'encan. Les mêmes économistes médiatiques qui n'avaient pas prévu la crise et même qui avaient nié qu'elle puisse survenir, expliquent que la déflation vient de "l'ubérisation" de la société. Quand on compare l'effet d'UBER aux 10 000 milliards de pertes latentes qui font stagner l'activité depuis 2007 malgré mille expédients, il y aurait de quoi mourir de rire.

Le pire : personne ne rit.

Il est vrai que plus personne ne pense.

 

Attention ! Ce qui doit arriver arrive.

Lors d'une récente conférence, un auditeur avait protesté violemment à un de nos commentaires : "les banques sont maintenant à nouveau solides. La crise financière est derrière nous. Dire le contraire est irresponsable et erronée". Telle était la critique virulente.

Nous venions d'affirmer que la perte latente de 12 mille milliards de dollars subie en 2007-2008 était loin d'être résorbée, étant entendu que le développement d'une dette nouvelle ouvrait à nouveau des perspectives douloureuses pour les organisations financières qui s'étaient engagées dans des opérations purement spéculatives. Faute de réforme du système monétaire et financier mondial en 2008, on allait à nouveau vers un krach bancaire et boursier qui serait moins grave en ampleur qu'en 2007-2008 mais malgré tout assez sévère.

Nous rappelions que les crises mondiales périodiques existent depuis longtemps, qu'elles commencent aux Etats-Unis et s'expliquent par des crédits aventureux qu'il faut bien résorber. Cette crise était à venir en 2016-2017. Les chutes brutales de prix, dans un environnement de crédits purement spéculatifs, étaient un signal fort que les banques allaient souffrir. Nous ne croyions pas que la chute verticale des prix du pétrole correspondait à un nouvel équilibre de l'offre et de la demande, propice à une croissance mondiale formidable, mais à l'effondrement d'une spéculation excessive identique à celui qui se produisait simultanément sur les marchés de toutes les matières premières. "L'alignement des planètes" n'était pas un mythe, mais l'effet bénéfique ne pouvait pas masquer que des forces telluriques étaient à l'œuvre dans les bilans des banques et sur les marchés de spéculation.

Nous ne sommes pas des catastrophistes adorant annoncer des horreurs ou se complaisant dans la critique acerbe pour le plaisir du défoulement. Simplement, nous pensons que les évènements ont des causes. Si elles sont ignorées, les mêmes effets sont à attendre des mêmes causes. Nous le disons depuis l'erreur fondamentale des premiers G.20 qui ont annoncé qu'on ne changerait absolument rien dans les principes et les modalités d'une organisation monétaire et financière qui venait de s'effondrer. Relance par la dette, transfert de la dette aux Etats et aux banques centrales, inondations de liquidités devaient permettre de passer le cap.

Huit ans après, l'ineptie de cette politique éclate à nouveau. De nombreuses banques sont au tapis comme la Deutsche Bank en Allemagne , Unicredito en Italie, Société Générale en France, sans parler de dizaines d'autres un peu partout.

Le discours ambiant est partout le même. Le monde a changé. il faut s'adapter et remettre en cause les modèles sociaux trop généreux ou trop rigides. Il faut faire baisser le coût du travail.

Or il n'y a strictement aucun rapport entre un taux d'intérêt négatif qui conduit une banque gavée depuis 2007 de crédits douteux à des opérations spéculatives aventurées ouvrant la voie à une jolie faillite  et le régime social des entreprises de production.

La finalité de l'économie reste évidemment de permettre une croissance globale de la prospérité et de garantir une amélioration des conditions de vie de tous.

L'organisation née à Bretton Woods avait aussi comme but de conforter la mise en place d'un "welfare state". L'analyse des travaux de cette conférence mythique montre que les congressistes avaient une trilogie en tête : ouverture libérale des marchés commerciaux ; cadre monétaire sain et empêchant les ajustements par la dépression ; cadre social garantissant une prospérité générale.

Depuis 71, le temps est à la destruction progressive des structures sociales, après avoir détruit le cadre monétaire sain.

Naturellement on ne peut considérer que "ruiner les riches" nationaux par l'impôt confiscatoire, en enrichissant les riches extranationaux, soit une politique sociale. Si les réformistes de la situation actuelle n'ont comme finalité qu'un libre échange débridée basée sur des circuits financiers déséquilibrés et des Etats tellement endettés qu'ils ne peuvent jouer leur rôle social, rien de bon ne sortira de la spirale de sottises consécutive. Nous l'avons écrit en 2008. Nous le répétons. La réforme doit porter d'abord et avant tout sur la gouvernance fautive du système monétaire et financier mondial, sur la correction de la rigidité coupable de la zone euro qui ne permet pas d'autre forme d'ajustement structurel que la déflation, et sur la correction des systèmes étatistes fondés sur la prédation fiscale et l'étouffement de la liberté contractuelle.

La campagne électorale française malheureusement, à droite comme à gauche, fait litière de toutes discussions sur la gouvernance mondiale et européenne. On se contente d'ajuster le modèle social français, dans l'hystérie fiscale à gauche, dans la promesse fiscale intenable à droite. Rien de bon ne peut sortir de ce schéma d'une débilité profonde.

Lorsque, dans une conférence de presse marquée par la complaisance des interviewers, le Président de la République Française, nerveux au point de dire parfois le contraire de ce qu'il entendait exprimer, se présente en réformateur acharné, et que sa dernière année de pouvoir sera consacrée à la baisse des charges sociales sur les salaires, on ne peut que lever les bras au ciel. Il n'y aura en fait aucune baisse mais un transfert sur d'autres que l'entreprise des charges en question qui demeurent inchangées voire aggravées faute d'une action réelle.

Les charges sociales financent la maladie, la retraite et le chômage. Toute la politique du gouvernement conduit à l'explosion de la dépense médicale dans le rationnement des soins. Le frein et l'accélérateur sont appuyés en même temps : gare aux dérapages ! Il n'y a  rien à espérer sur le front de la dépense-maladie avec la généralisation du tiers payant. Le chômage fait l'objet d'un traitement statistique qui aggrave simplement les coûts. On ne touche pas à l'âge de la retraite.  Résultats attendus : plus de dépenses, plus de pression fiscale, plus de dettes. Les entreprises, elles dépendent de la conjoncture mondiale qui s'abîme à toute vitesse, les derniers feux de la minuscule reprise de fin de cycle s'éteignant les uns après les autres.

Tout l'exercice est donc uniquement politicien et on aimerait qu'il ne soit que stérile. En fait il est catastrophique puisqu'il aggrave dette et fiscalité. Il ne débouche sur absolument rien d'utile. Le remaniement ministériel confirme cette vacuité avec l'intégration de personnalités lilliputiennes représentatives de chapelles ou d'un intérêt politicien minuscule en vue de la candidature nouvelle de François Hollande. On voit un président de conseil général réajustant sa majorité secouée par des dissensions de personnes et de clans et veillant à sa réélection. Pas un leader à la hauteur des enjeux français, européens et internationaux dans un moment dramatique.

Qui croit M. Ayrault, petit germaniste à la compétence professorale incertaine qui a montré sa dangereuse nullité comme premier ministre, capable d'une diplomatie économique de qualité ? Il n'est là qu'à but politicien, Hollande ne pouvant s'accommoder d'une fronde de ses propres amis. Comme il n'y a plus de diplomatie française, sur aucun terrain, voici donc un incapable à la tête d'un ministère régalien. On garde un président de conseil régional pour mener la guerre contre l'islamisme radical. Le choix de l'inconnu sinistre Urvoas, à la Justice, confirme que les Bretons sont aux commandes régaliennes de la France. Le bonnet rouge remplacera-t-il le bonnet phrygien ? Ne parlons pas des écolos en rupture de ban venus là pour la gloire de pouvoir dire plus tard qu'ils ont été une fois ministre. On a troqué la qualité contre le nombre. Minable.

Il est des moments de l'histoire de France où l'esprit du temps et les pouvoirs politiques sont tellement en décalage avec les nécessités qu'on ne peut envisager que le pire.

Nous y sommes.

Cercle des Economistes e-toile

Ben Bernanke : Des "Mémoires de crise" sans aucun intérêt

Lire le livre de Ben Bernanke, l'ancien directeur de la FED, évoquant son action avant et pendant la crise la plus dure qui ait frappé le monde depuis 1929, est un double supplice. L'inconvénient de nommer des  universitaires à la tête d'organismes publics est qu'ils pensent tout de suite au livre qu'ils pourront écrire en quittant le poste et aux gains associés. Il faut bien penser à sa retraite dorée ! Alors ils prennent des notes. Frappé de ce syndrome, le livre de Bernanke est beaucoup trop long  et pourri d'anecdotes absolument sans intérêt compte tenu de la gravité de la situation à laquelle le monde avait à faire face. Savoir que le Président Bush lui a relevé le bas du pantalon parce qu'il portait des chaussettes beiges sur un costume sombre et lui a  rappelé, qu'à la Maison Blanche, il fallait aussi avoir un peu de tenue, est sans doute un événement crucial dans la vie de l'auteur. Et raconter que, a semaine suivante, tous les participants à la nouvelle réunion avec Bush avaient des chaussettes de la même couleur, marque certainement le début d'une véritable épopée. Mais tout de même. On n'achète pas ce type de livre pour lire ce genre d'anecdotes.

La crise, ce sont des milliards de dollars de pertes, des dizaines de millions de chômeurs, des milliers de suicides de patrons de PME ou de cadres supérieurs, des guerres meurtrières liées à la misère induite, comme dans les pays arabes, des millions de carrières arrêtées ou anéanties. Que viennent faire les chaussettes du directeur de la FED dans ce désastre ? Mais cela devait figurer sur une note que l'on a compilé à toute vitesse pour satisfaire l'éditeur. Grotesque. S'il n'y avait qu'une remarque de ce genre ! Mais non. Ce ton rigolard traverse tout le livre.

Plus grave, le livre montre l'incroyable incompétence qui noie la réflexion économique aux Etats-Unis. Ben Bernanke nous apprend que sa principale contribution à la science économique, en tant qu'universitaire tenant un des postes les plus prestigieux, dans une université des plus prestigieuses, est d'avoir expliqué que, sans doute, les banques jouaient un rôle dans les crises ! Il se trouvait que la vulgate universitaire américaine en économie était encore trempée dans l'idée que la monnaie était un voile sans importance. Prodigieux effort ! Les théoriciens des crises et du cycle avaient tous déjà décrit depuis au moins cent ans que les crises périodiques étaient d'abord financières. Une telle audace le qualifiait comme spécialiste "incontournable" de la monnaie et lui vaudra finalement son poste à la FED. Quand on sait avec quelle révérence les politiques, les médias et les économistes français écoutent tout ce qui vient des Etats-Unis, on se rend compte combien cette attitude de colonisé est inappropriée. La vérité et le savoir ne viennent pas, en économie, des Etats-Unis. Seulement un "prestige" sans fondement.

Déjà, en lisant DSK et ses analyses du pourquoi de l'inconscience du FMI et du comment de son incapacité à prévoir la crise, on se rendait compte que tout ce petit monde vivait sur des clichés et sous la tutelle américaine, deux maîtres particulièrement déprimants. Chacun regardait dans son petit domaine et personne n'avait vu que les relations déséquilibrées entre les grands Etats débiteurs et les grands états créditeurs avaient des conséquences effroyables sur la montée de la dette globale.

La lecture de Bernanke est encore pire. Pour le lecteur, une des questions clé est justement la question de la montée vers la crise. Les signes précurseurs étaient-ils perçus ? Avait-on un diagnostic global sur ce qui se passait ? Des alertes sonnaient-elles un peu partout ? Comment les organes de direction de l'économie mondiale réagissaient-ils à la montée des périls ?

Le lecteur sera bien déçu. L'auteur passe directement de très très longues digressions sur l'histoire de sa nomination (dont tout le monde se moque) et sur la manière dont il s’est installé dans son poste, à… la crise des subprimes de l'été 2007. On ne trouve aucune analyse ou témoignage sur la réflexion économique pré crise. Ce que consent à écrire M. Bernanke, c'est simplement qu'on réfléchissait à modifier la politique de la FED de remontée systématique d'un quart de point du taux directeur pour "faire face à l'inflation" et qu'on regardait la montée puis le ralentissement du marché immobilier. Sans grande crainte : l'immobilier marchait bien sous la pression de la hausse des revenus (on satisfaisait des besoins) et des facilités de crédit ; le marché ensuite régulait normalement quelques excès.

Aux Etats-Unis,  le reste du monde n'existe pas. Il s'agit de définir ce qui est bon pour les Américains. D'ailleurs aucune déclaration d'un "responsable" d'un organisme officiel américain quelconque se garderait de  ne pas préciser que les décisions sont prises "parce que c'est bon pour les Américains". M. Bernanke n'a aucune vision internationale. Aucune réflexion sur les tourments du système monétaire des changes flottants. Aucune idée sur la montée de l'endettement global partout dans le monde, ni sur ses conséquences. Aucun effluve de réflexion sur la signification pourtant assez "ominous" du passage à une économie baudruche, où les investissements n'ont plus un objectif de production mais de "création de valeur". Le vide intégral. Le "benign neglect", cette négligence volontaire des conséquences pour les autres de la politique du dollar n'est même pas perverse. Ignorance et indifférence en sont le moteur principal.

Alors que dès la mi 2006, notre Cercle s'interrogeait sur l'ampleur et la date de la crise périodique à venir, publiait des analyses semestrielles très pessimistes et lançait des alertes tous azimuts (notamment aux candidats aux présidentielles de 2007 en France), M. Bernanke se félicitait de retrouver machin ou chose qu'il avait connu dans une vie antérieure, s'inquiétait de bien parler aux médias et arbitrait l'immense question de savoir si l'inflation était bien sous contrôle ou s'il fallait s'en inquiéter, alors que tout le monde fêtait Greenspan, "le sorcier qui avait fabriqué la période de croissance la plus longue de l'histoire"…américaine. Inutile de rappeler à ces enthousiastes que depuis 1971 la courbe de la dette globale s'était inversée pour dépasser en moyenne 400 %. Cet indicateur-là n'est pas suivi par la FED. Inutile aussi de leur mettre sous le nez les courbes qui prouvent que la croissance n'a cessé de baisser de décennies en décennies depuis 1971. Inutile de leur rappeler que les crises périodiques ont été de plus en plus violentes. La psychologie collective aux Etats-Unis impose de penser qu'une crise provient toujours de vilains ou de vilaines choses. La crise de 72-73 ? Les vilains de l'Opep. La crise de 92-93 ? Les vilains de l'Irak qui ont imposé la guerre.

Les Mémoires de Bernanke devraient rappeler au monde que le dirigeant de la FED est un aveugle et un paralytique, enfermé dans une pensée économique inexistante et de plus monopolisé par le seul intérêt de Wall Street. Le seul drame dont témoigne son livre est une erreur de communication qui a fait baisser la bourse américaine ! "Ne pas merder" (c'est dans le texte) sa communication, voilà la vraie question.

Que la montée astronomique de la dette globale et notamment immobilière soit due à la double hélice de crédits permise par les énormes déficits et excédents de balances de paiement, l'explication aurait ahuri Bernanke, presque autant qu'un Indien voyant arriver Cortes. Que l'inflation dans les prix des produits soit éliminée par le transfert à une Chine industrieuse et radicalement pauvre de la production mondiale, alors que l'inflation délirante des moyens de paiements se concentrait sur les "actifs", financiers ou immobiliers, encore une idée qui aurait eu le même effet que la découverte par Mme Duflot qu'elle aurait prononcé par inadvertance une phrase intelligente.

L'ignorance et l'inconscience régnaient à la FED en 2005, 2006 et 2007. Comme au FMI, pour les mêmes raisons de révérence à la nullité américaine (sur le plan des idées) et à leur domination (sur le plan institutionnel).

Cette ignorance a une traduction concrète : pas une ligne, pas une page, sur les réflexions et les actions de ce M. Bernanke de mars 2006 à août 2007. En revanche, on ne nous épargnera rien sur les vacances qu'il pensait prendre pendant ce mois d'août 2007 et auxquelles il devra, par surprise, renoncer dans l'urgence. Le blocage des fonds gérés par BNPPARIBAS ("abrutis de Français, toujours à nous embêter") marquait l'effondrement du marché interbancaire, entièrement dominé par des produits frelatés en provenance des Etats-Unis !

Plusieurs conclusions sont à tirer de l'épaisse contine narcissique de Monsieur Ben Bernanke :

- D'abord qu'il est inutile de lire le livre. À part la révélation de l'ignorance et de l'inconscience qui règnent dans les plus hautes sphères américaines, dont nous avons tant de preuves par ailleurs, il n'apporte absolument rien (sinon une rente d'édition malvenue à son auteur et un ennui de lecture pesant).

- Ensuite que la science économique aux Etats-Unis est un parfait désastre et que sa domination sur le reste du monde a entraîné la discipline dans le trente sixième dessous. La déconfiture des économistes officiels français trouve son écho dans la vacuité de l'enseignement et de la recherche économique américaine.

- Enfin qu'il faudra bien de la persévérance et bien de la force pour forcer les Américains à revenir à un modèle monétaire international un peu plus coopératif et soudé. Aujourd'hui il n'y a qu'un moyen : bloquer le traité transatlantique jusqu'à ce que tout le monde s'accorde sur une réforme monétaire. Il n'y a pas de réflexions sur les échanges de biens et services qui ne doivent s'accompagner d'une réflexion sur la monnaie.

Les affaires économiques du monde sont bien trop importantes pour les confier plus longtemps à des universitaires américains.

Les économistes américains découvrent (enfin) les méfaits de la dette massive

Le phénomène économique mondial le plus important des quarante dernières années est l'inversion de la courbe de la dette globale à partir de 1971. Alors que la dette globale, supérieure à 400% du PIB  dans la majorité des pays occidentaux en 1944, était redescendue en 26 ans à moins de 200%, l'abandon des disciplines de Bretton-Woods, les changes flottants, et l'arrêt de la condamnation des grands déficits et des grands excédents, contrairement aux statuts du FMI  et au traité de la Havane,  ont provoqué une remontée constante jusqu'à dépasser en moyenne les 400% à nouveau partout dans les pays de l'OCDE en 2006.

C'est le thème principal de mon livre, L'Etrange Désastre, écrit justement parce que ce phénomène était non seulement passé inaperçu mais pire encore n'avait jamais été expliqué par les spécialistes. Il est facile de calculer qu'un taux de dettes de 400% est intenable. Avec une maturité de 5 ans et un taux d'intérêt plus frais de 5%, il faut 100% du PIB pour payer les intérêts et amortir la dette ! Cette réalité explique le blocage du marché interbancaire de l'été 2007 puis la série d'explosions bancaires de 2008, culminant en septembre avec la faillite de Lehman Brothers.

La source de ce désastre est la volonté américaine de pratiquer une négligence offensive dans la gestion du dollar, mis au service des intérêts militaires et économiques américains, considérés comme de l'intérêt général pour le monde occidental et à ce titre jamais contestés. Le mécanisme est la double hélice de crédits, décrit par Jacques Rueff, générée par le recyclage des excédents massifs des pays exportateurs.

L'idéologie véhiculée sur ce sujet des changes flottants, nous l'avons vu dans un récent article, rend la discussion impossible. Mais le système des changes flottants n'est pas la seule idée, intéressée et fausse, imprimée dans les esprits. Sans sombrer dans un marxisme méthodologique de pacotille, il est bien clair que les phénomènes de domination produisent une vulgate indiscutée, à caractère de crédo, qu'il serait malséant de discuter.

Une idée dérivée du "benign neglect" (que nous traduisons "par négligence offensante et offensive"), est la bonté intrinsèque de la dette. La dette ne serait pas grave parce qu'elle a des contreparties. Nous avons vu dans plusieurs articles que la valeur de ces contreparties est incertaine si elle n'est pas assurée sur un flux de valeur associée à une production attendue. La valeur actuelle des rendements attendus de l'investissement donne l'estimation d'un capital. S'il n'y a aucun flux futur, il n'y a pas de stock !

En s'écartant de toute notion de valeur actuelle de rendements futurs, la marque du passage de l'économie en mode baudruche, les contreparties d'une dette qui dépasse 200% du PIB n'existent plus. La dette devient une charge intolérable pour l'économie réelle et ses acteurs. On le voit en Grèce, en Europe et dans bien des pays aujourd'hui. La France est au balcon, sur ce sujet explosif.

Non seulement la dette doit avoir un coût, pour éviter son bourgeonnement mais elle doit être contenue dans des limites strictes, et la nature des financements doit faire l'objet de réflexions différentes. Le crédit à la consommation est extrêmement dangereux puisque l'intérêt n'est pas financé par une valeur ajoutée nouvelle mais par une hypothétique croissance. De même le crédit immobilier doit être contenu dans certaines limites parce que lui aussi au final  ponctionne ses intérêts sur une éventuelle croissance. Les investissements d'entreprises doivent pour leur part trouver leur équilibre entre la "transformation", utiliser des emprunts courts pour financer des emprunts longs, la dette bancaire, les obligations et le capital.

Toutes ces règles dominaient les esprits jusqu'en 1970 dans tous les cours d'économie générale et d'économie bancaire.

Le bourgeonnement de la "finance" et son envahissement de la sphère économique, a fait naître un nouveau réflexe conditionné : toute nouvelle dette est bonne pour l'économie et l'investissement. Si les marchés financiers deviennent "parfaits" au sens de la théorie de la concurrence, les ajustements se feront dans la plus parfaite fluidité, à l'émerveillement des masses. Dans la pratique on a vu que tous les marchés de taux et de devises étaient frelatés, car tenus par très peu d'intervenants et faussés (ou manipulés "pour leur bien") par des banques centrales ne considérant plus qu'elles devaient faire attention à leur propre création de monnaie.  Ben Bernanke a été choisi pour diriger la FED parce qu'il avait théorisé que les banques centrales pouvaient, à elles-seules, faire sortir l'économie de toute récession.

Huit ans après l'explosion en vol du système, commence à se produire l'inévitable reflux intellectuel.

Le livre de Bernanke traduit sa déception : non, les banques centrales ne peuvent pas tirer, seules, l'économie d'une récession grave. Comme nous le disons depuis toujours : une banque centrale est comme un psychanalyste. Elle ne peut guérir que les maladies qu'elle a elle-même provoquées. (Mémoires de crise - Ben S. Bernanke -Seuil - 640 pages - 28.00 € TTC)

Celui d'Adair Turner , (Between Debt and the Devil, Money, Credit, and Fixing Global Finance, Princeton University Press) , met un deuxième clou dans le cercueil. Non la dette n'est pas nécessaire à l'investissement si elle échappe à certaines limites. Au-delà, elle devient "satanique".

La question de la fausse perfection des marchés monétaires et financiers internationaux est déjà tranchée par de nombreux livres depuis plusieurs années.

Il ne reste qu'un dernier tabou : les changes flottants. C'est celui que nous avons tenté de dynamiter dans notre livre. C'est le tabou qui est derrière les trois autres : des dettes massives ; interventions délirantes des banques centrales ; marchés financiers et monétaires "non performants".

Au passage notons que le FMI en est toujours à lever tous les obstacles aux changes flottants et  à la perfection des marchés financiers, en proposant de taxer à mort le capital. Nous lui suggérons de tirer parti des livres qui paraissent aux Etats-Unis, donc de la maison du maître des lieux, et de changer simplement de cible.  Le dernier livre suggère que c'est en taxant la dette qu'on mettra fin à l'économie baudruche, pas le capital.

Pour le moment on s'est contenté… de la rendre presque gratuite ! Le transfert de la dette aux Etats rend cette solution indispensable. Mais si la contrepartie est la taxation massive du capital, la solution est vaine à moyen terme. On le voit bien en France avec les dernières mesures prises par le gouvernement en matière de logements. La loi stupide acceptée pour des raisons politiciennes par le faiblissime Hollande, proposée par une parfaite imbécile aux dents longues et aux pensées courtes, (une certaine Duflot), qui devait propulser la construction de logements aux plus hauts sommets, a effondré le marché. Loyers diminués de façon autoritaire de 20 à 40%, mesures vexatoires diverses contre les propriétaires et les intermédiaires, frais nouveaux ruineux, aveuglements divers (le loyer imposé est le même dans le même bâtiment entre un rez-de-chaussée et un appartement en étage avec vue, ensoleillement etc.), dans un contexte de fiscalité spoliatrice des "possédants" (des propriétaires en langage courant), ont ruiné le marché. La crise du logement ne cesse de s'aggraver dans un contexte de baisse du revenu par tête. Que propose le gouvernement : encore plus de dettes privées subventionnées par le recours à plus de dettes et d'impôts publics ! Rappelons que le prêt à taux zéro est financé par l'impôt immédiat (ou futur : la dette). On croit en France qu'un marché se redresse par le double jeu de l'impôt sur les investisseurs et de la subvention à l'acheteur pour qu'il s'endette). Aucune théorie économique ne justifiera jamais de tels délires.

Rappelons que la France détient en même temps le record mondial de la subvention au logement, et le record tout aussi mondial de l'imposition de l'immobilier. Et qu'elle est la merveilleuse vitrine de la crise du logement perpétuelle. D'erreurs en erreurs jusqu'à l'effondrement final ?

Alors que, lentement, le cadre conceptuel absurde qui a ruiné la prospérité occidentale commence à basculer, même aux Etats-Unis, le Français né malin, s'enfonce dans toutes les erreurs balisées, au prix du saccage de toutes les libertés et du droit de propriété. Du sous-chavez à prétention technocratique, exalté mais unanime.

Pas un média n'a fait entendre une voix discordante sur cette amplification de l'appel à la dette subventionnée. Pas un parti d'opposition n'a moufté. L'impôt ciblé sur les riches, c'est bien. La subvention et la dette aidée, c'est très bien. Embrassons-nous, Folamour !

L'affaire du dopage de l'économie par des produits illicites n'a pas encore été découverte ! Le plus drôle c'est que la France se dope…pour perdre !

Consternant.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile

Retour sur ce que disait l'Express en septembre 2009 pour juguler la crise

Au moment où les illusions d’une reprise franche, massive et riche en emplois s’estompent, preuve que la crise n’a pas été totalement comprise et que les mesures prises n’ont pas eu les effets escomptées, il est intéressant de revenir sur ce que disait la presse à la rentrée de 2009, alors que la récession était à son maximum, après s’être développée depuis juillet 2007. 

Prenons par exemple l’Express n° 3038, qui annonce « Crise : plus jamais ça ». « Après deux ans de chaos,  la nécessité de repenser le capitalisme s’impose ». « Les idées neuves commencent à émerger ».  L’Express  a sollicité quatre intellectuels de renom pour esquisser la forme que pourrait prendre demain le capitalisme ».

Pour Philippe Aghion, membre du CAE et de la commission Attali, marques de renom s’il en est, « les pays comme la France […] ont mieux résisté que le Royaume-Uni ou les Etats-Unis qui ne disposaient pas de stabilisateurs automatiques ».

On voit six ans plus tard où l’on en est. La France a le double de chômeurs, sa dette devient incontrôlable, et son taux de croissance est moitié moindre.

Il préconise une intervention massive de l’Etat dans la régulation bancaire et même dans les décisions au jour le jour comme les rémunérations. Il omet de signaler que toutes les banques sont en faillite virtuelle et ne cherche pas à savoir pourquoi. Ce sont finalement les banques centrales qui sauveront les banques en leur permettant d’emprunter à coût nul et de prêter aux Etats, le gain servant progressivement à amortir les pertes. Le processus est loin d’être terminé, comme on le voit avec les restructurations massives de nombreuses banques, contraintes de dégonfler rapidement et leurs en-cours et leurs effectifs. En revanche une législation incroyablement tatillonne a été mise en place qui est étouffante, sans que les restructurations majeures n’aient été faites (séparation des banques de dépôts et des banques d’affaires ; arrêt des cotations en continu ; encadrement des mouvements de capitaux à court terme, stabilisation des changes, …).

Les autres suggestions sont d’une parfaite banalité (fiscalité punitive, avec la fusion de la CSG et de l’IR, surtaxe sur les très riches, formation et recherche, environnement, protection nationale des sources de croissance mais dans le cadre des règles du marché unique). On ne craint jamais les oxymores  et la résolution des contraires par le verbalisme.

Rendons hommage aux membres du CAE : ils ont eu suffisamment d’influence pour faire avancer leurs idées. Les banques sont corsetées ; les Français sont fiscalement pillés ; on ne parle que d’environnement source des progrès et de l’industrialisation future. Et nous sommes dans la situation où nous sommes.

Pourquoi ce contraste, tout de même un peu fâcheux ? La raison est simple : il n’y a aucun diagnostic des causes de la crise. Pas un mot sur le grand retournement de la dette globale à partir de 1971 et sa montée jusqu’au-delà de 400% du PIB presque partout. Pas un mot sur les défauts d’organisation de la zone Euro. Pas un mot sur les défauts d’organisation du système des changes. Pas un mot sur l’excès de dépenses publiques françaises.

Alors on glose sur des thèmes sans danger de carrière. Et on ne propose que des banalités sans effets sur la réalité tout en prétendant « réformer le capitalisme ». On voit que cette philosophie est encore de règle dans les milieux de l’économie officielle et qu’elle nourrit les politiques de tout bord.

L’Express en appelle alors à un certain Richard Senett, de la London School of Economics. « Le développement des idéaux de performance et d’autonomie fait que ces gens pensent ne pas avoir été à la hauteur ». Ces gens sont ceux qui ont vu leur carrière hoqueter à cause de la crise. Dans les années 70, nous avons personnellement réorganisé une société de gestion d ‘archives d’entreprises. Lourde réalité : divorces et suicides sont la conséquence des faillites dans beaucoup de ménages. Les femmes cherchent un protecteur. S’il flanche, elles partent. La grande nouvelle ! Après trois récessions destructrices les drames se sont succédé. La vraie question est d’éviter les graves dépressions économiques. Pas de « réhabiliter la notion de métier », ni de « concentrer l’action syndicale sur les questions de santé », pour que le salarié puisse acquérir de la « continuité narrative ».

Notons- le, un nouvelle fois : l’absence totale de diagnostic de la crise est criante. Les autorités ont bien compris le message de Senett. Nous voici avec la notion de dossier  professionnel continu du salarié, censé faire face à la discontinuité des carrières.  Au moment où le rêve de tous est de devenir fonctionnaire, un « métier » où la « continuité narrative » est assurée. Mais pas la valeur ajoutée.

Le périodique appelle alors à la barre le « Philosophe de service ». Depuis Platon, la corporation méprise l’activité commerciale et la production. Très bien payé comme professeur « travaillant » (horresco referens) très peu à l’université de Lausanne, ce curé des temps modernes (le prêche sans le sacrifice) nous assène : « il faut arrêter de penser que l’enrichissement matériel est une fin en soi ».  Faites l’expérience : proposez à ces olibrius un retour au niveau de vie moyen de l’URSS, pour ne pas remonter au XIXème siècle. L’œil devient vitreux, le discours se raidit :   « Il est scandaleux que les professeurs soient aussi peu reconnus dans la société de consommation : des sous, des sous ! ».

Mais force est de constater que ces discours moralistes portent et nous voilà à l’aube de la COB21. La croissance détruit la planète. "Salauds de capitalistes avec leurs économistes suppôts qui sont des génocidaires pires qu’Hitler."

La solution : « forcer les chambres hautes à se consacrer aux seuls enjeux de long terme avec une approche qualitative et non monétaire ». La monnaie, pouah, c’est sale et ça tâche.

Les désordres actuels sont liés à une organisation monétaire défaillante On voit la pertinence de tout cela. On imagine que ce brave garçon envisage d’être un des nouveaux sénateurs. Il pense si « politiquement correct » ! Et faire la morale, dans l’opulence, il n’y a que cela de vrai.

Voici pour finir la saga des penseurs de la refondation capitaliste un directeur de recherche au Centre d’études européennes de sciences-po. Que faire ? C’est tout simple. Permettre aux Brics de prendre toute leur place dans les institutions mondiales. L’Europe sera marginalisée et l’Occident aussi, mais ce n’est pas grave. Il faut supprimer le droit de veto à l’ONU. La gouvernance du FMI doit être réformée.

L’auteur remarque justement qu’ « il est anormal que le FMI n’ait pas pu jouer son rôle d’alerte » et qu’il n’a servi qu’à relayer les exigences américaines. Mais il ne dit pas que le FMI, créé pour réguler un système de changes fixes n’a pas de rôle autre que de sous-diplomatie américaine à trois balles,  dans un système de changes flottants.

La crise est une de fois de plus associée à une dérégulation excessive des marchés financiers, sans voir que cette dérégulation est consubstantielle à un système de changes flottants. Il faut bien que les marchés s’exercent pour fixer la valeur respective des monnaies. On a vu récemment Mme Lagarde se réjouir que la Chine libéralise un peu la gestion de sa monnaie dans la perspective de la mise sur le marché du Yuan.

Huit ans après, l’émancipation de la Chine, le retour de la Russie sur le plan international, rend tout ce verbiage inopérant. L’Occident est toujours de toutou des Américains qui détruisent allègrement leurs concurrents bancaires européens et s’emparent de la finance mondiale comme jamais (100% des grandes syndications sont pilotées par des banques américaines) ; Le soft power a montré son impuissance en Ukraine et au Moyen-Orient.  Les bruits de bottes deviennent un peu sonores et des millions de personnes déplacées viennent ajouter à la crise globale, sur fond de stagnation économique de longue durée.

Au total, la pertinence des quatre sauveurs du monde capitaliste se révèle totalement nulle et à côté de la plaque. Aucune réflexion sur les vrais problèmes :

-          Le dégel du monde communiste qui met sur le marché des centaines de millions de salariés au moment même où tous les marchés sont ouverts à la puissance américaine.

-          Les désordres monétaires internationaux liés aux changes flottants et à l’abandon des grandes disciplines de balances de paiement, avec notamment la montée d’un endettement incontrôlable.

On ne parle que normes aggravées, là où il faudrait engager le fer sur des questions d’organisation et de politique au jour le jour.

Pas un mot sur l’Europe et le feu qui couve dans les déficits associés à la politique de relance, à la crise, et à la garantie des pertes bancaires. Pas un mot sur la FED ou la BCE.

Bref,  une absence totale de  pertinence et une compréhension du monde d’une nullité abyssale.

On constatera que ces caractéristiques restent très actuelles. Ces quatre articles n’ont pris aucune ride et pourraient être resservis tel quel. La réflexion sur les causes de la crise et les vraies solutions est toujours à peu près inexistante dans les analyses présentées dans les médias et, plus grave, dans la littérature économique technique. Faire de la morale facile (à bas la finance, vive l’écologie, vive le travailleur qu’il faut protéger, vive les pays émergents) l’emporte aujourd’hui sur les préoccupations d’efficacité qui passent par la connaissance pertinente et l’action ciblée.

Le « triomphe de la volonté » n’est toujours pas à l’ordre du jour. La pénitence sous les anathèmes de pseudo-penseurs intéressés reste la règle.

Nous entrons dans la neuvième année de crise  avec pour la France, rappelons ces quelques chiffres :

- Un prélèvement public supérieur à la valeur ajoutée des entreprises du secteur industriel et commercial  de plus d’une personne.

- 7.5 millions de pauvres (près de 10 millions selon certains).

- 5.500.000 de chômeurs (certains disant 6 millions)

- Le plus faible taux d'occupation des femmes, des jeunes, des immigrés et des personnes âgées de tous les pays d'économie comparable

- Deux millions de personnes ne cherchant pas à travailler et à la gamelle publique.

- 2.200.000 milliards de dettes publiques et à peu près le même niveau  de dettes privées, soit quatre fois la valeur ajoutée des mêmes entreprises.

- 15 millions de retraités prévus pour 2016.

- 5.5 millions de fonctionnaires et on recrute.

- 15.5 millions de salariés.

- Un budget pour 2016 en hausse avec maintien du taux de prélèvement champion du monde. Une hausse massive des impositions locales.

- Une fuite continue des fortunes, des jeunes, des techniciens.

- Une baisse continue de la construction malgré la croissance de la population.

- Un investissement des entreprises historiquement mou.

- Un commerce international stagnant.

Globalement la guerre ravage le Moyen-Orient et les marges est de l’Europe. Le Japon réarme. La Chine devient exigeante. La Chine, le Brésil, la Russie sont en grave difficulté, comme la majorité des membres du Brics. La reprise américaine est la plus lente jamais vue depuis 120 ans.

Tout va très bien Madame la Marquise ! Le désastre économique est total mais puisqu’il est enveloppé de moraline facile, tout semble sous contrôle.

Il ne faudra pas 40 ans pour que nos enfants trouvent cette période particulièrement consternante.

Pour une diplomatie de la prospérité !

Jean-David Levitte est sans aucun doute le sommet de la crème de la crème de nos élites diplomatiques, françaises et européennes. "Diplomator" est son surnom qui marque bien l'admiration légitime que le milieu accorde à ses talents.

Les anciens de l'INSEAD l'ont invité ce matin pour un petit déjeuner-débat qui s'est révélé à l'image de l'invité : exceptionnel.

Exceptionnel, l'exposé brillantissime sur l'évolution des grands axes géopolitiques depuis quatre décennies, marquée par des novations majeures tous les dix ans. Le grand tournant est daté de l'arrivée de Khomenei aux affaires en Iran, accompagnée du second choc pétrolier et de la décision de la Chine de se lancer dans l'ouverture capitaliste. La situation diplomatique figée par la guerre froide se remet en mouvement. D'événements en événements (Chute de l'Union Soviétique et guerre en Irak, destruction des Twin Towers et guerre en Afghanistan), on se retrouve aujourd'hui avec une série de fragmentations, dont l'Asie mineure est le meilleur exemple mais qui touche aussi l'Afrique et surtout l'Europe.

Exceptionnelle, l'analyse de "l'échec dangereux" de la politique de Poutine qui est obligé d'intervenir en Syrie pour masquer son échec en Ukraine. Fils d'un père juif de la région russe d'Ekaterinbourg, devenue la ville ukrainienne de Dniepropetrovsk, Monsieur l'Ambassadeur a quelque raison de suivre les affaires locales avec attention. En proposant l'idée que c'est Poutine et son agression qui ont créé le sentiment national ukrainien, il pousse sans doute le bouchon un peu loin. Les massacres staliniens (Holodomor) avaient fait beaucoup et le nationalisme Ukrainien ne date pas d'aujourd'hui, même si la Crimée est Russe ("mais réclamée de façon un peu cavalière…") et qu'il y a en effet trois parties bien distinctes en Ukraine. Il fait de l'échec de la politique russe la source possible d'un nouvel embrasement. Il considère que le soft-power européen, si souvent décrié (notamment par nous-mêmes), a bien fonctionné. L'Union Européenne est généreusement réhabilitée avec une vision du nouveau traité entre l'Europe et les Etats-Unis plus que positive, même dans ses aspects d'arbitrages privés, qui nourrissent de violents débats dans la blogosphère et sur les réseaux sociaux. La raison : si les normes ne sont pas construites entre l'Europe et les Etats-Unis, elles le seront par l'Asie.

Exceptionnellement bien présentés, les efforts de la Chine pour réaffirmer sa suzeraineté sur tous ses voisins, tout en ne cherchant jamais à aller trop loin.

Où se niche le sentiment sinon de malaise du moins d'inachevé qui nimbe ce grand exposé ? Il est toujours difficile de bien cerner un sentiment diffus. Cela vous grattouille et cela vous chatouille sans qu'on parvienne trop à comprendre ce qui cloche. Jusqu'à ce que la lumière se fasse. Cet exposé ne comprend aucune analyse de l'évolution économique depuis quarante ans ! La diplomatie reste exclusivement géopolitique, façon Talleyrand, et ne s'intéresse pas au bain économique global.

Nous posons la question : "Depuis quarante ans chaque décennie voit la croissance ralentir, les crises périodiques devenir plus sauvages, la dette augmenter jusqu'à devenir intolérable, Pourtant le discours diplomatique sur ces sujets est inexistant. Ne devrait-on pas donner une dimension économique à la diplomatie, avoir aussi, en France et en Europe une diplomatie de la prospérité ? Nous n'avons pas de vision des causes de la crise, pas de diagnostic, pas de "guidelines" qui pourraient être le support d'une action diplomatique continue envers les gouvernances internationales dysfonctionnelles. Est-ce normal dans une période de mondialisation où nous dépendons des autres de plus en plus étroitement ? "

Le discours, limpide jusqu'ici, se fait hésitant et même incertain. "C'est à la France de s'adapter et elle ne l'a pas fait et ne le fait toujours pas". Pourtant ce n'est pas en France que la crise est née et pris son envol. On a pris en pleine figure l'explosion de la sphère financière internationale pilotée par les pays anglo-saxons. Certes on n'avait rien fait pour s'y préparer, mais les causes du saccage de la prospérité ne sont pas en France. Il serait donc logique d'élaborer une action diplomatique vis-à-vis des acteurs et des actions qui nous nuisent. Visiblement la nécessité et les contours d'une telle action sont totalement étrangers aux préoccupations diplomatiques françaises et européennes. Jean-David Levitte se contente de citer quelques pointures françaises qui sont au cœur de discussions réussies, comme la fin du secret bancaire ou la fiscalisation des multinationales. Sinon, c'est peut-être le destin de l'économie d'avoir atteint une sorte de sommet. Et puis tout semble aller mieux. Les banques ont été sauvées. Le Grexit a été évité. "La reprise est là en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis, même si la classe moyenne ne cesse de perdre du pouvoir d'achat". Dans la salle on entend quelques affirmations du type : "la crise est finie !" ; "Quelle crise ?" ; "La reprise est là !".

L'économie n'a toujours pas trouvé sa place dans la diplomatie. Une carrière diplomatique réussie suppose qu'on ne s'attaque pas à des sujets qui fâchent : une zone euro dysfonctionnelle qui a ruiné certains de ses membres ; un système monétaire international dysfonctionnel qui explique l'essentiel des grandes crises politiques qui se sont enchaînées et qui ont été si bien décrites par l'orateur.

Pas de Khomenei sans l'émancipation de l'Opep et l'arrivée d'une manne pétrolière démesurée. Pas de chute de l'URSS sans la rupture de croissance des années 73-89. Pas de changement de la politique chinoise si on ne comprend pas que les Tigres et Dragons étaient en train de dépasser la Chine en puissance économique et financière. Pas de crise actuelle en Chine si on ne comprend que l'accumulation d'actifs en dollars a été excessive et que comme au Japon après 92-93, le risque était de voir s'évaporer dans le néant des milliers de milliards de dollars de créances. Les révolutions dites du printemps arabe sont toutes les fruits de la misère consécutive à l'effondrement bancaire de 2008.

La trame de tous les événements qui marquent l'évolution géopolitique des quarante dernières années est liée aux défauts structurels du soubassement économique international et notamment à ceux du système monétaire international. De façon inextricable.

La diplomatie n'en a cure. Il n'y a pas de dimension économique de la diplomatie, analysée dans un discours construit et portée par une politique explicite. L'économiea été évacuée vers les banques centrales et les institutions financières internationales, ensemble hors les murs de la politique et de la diplomatie, sauf sur des sujets étroits et moralement indiscutables, comme la lutte contre l'argent noir ou l'évasion fiscale.

Le Général de Gaulle est le dernier président français à avoir élaboré une doctrine économique et monétaire internationale et pris le soin de l'exprimer.

Depuis les présidences françaises sont taiseuses. Les erreurs économiques massives commises en France ont fait perdre de toute façon toute crédibilité aux gouvernants français.

C'est pour cela que notre diplomatie économique est muette.

Il nous faut une "diplomatie de la prospérité" qui s'attaque aux systèmes internationaux dysfonctionnels. Le suivisme morose ne rime à rien sinon à l'effacement de la France en particulier et de l'Europe en général, dans une déréliction globale.

Diplomator doit être aussi Economator.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Économistes e-toile

Une erreur majeure de perspectives

De nombreux livres paraissent qui tentent d'expliquer les difficultés économiques du moment par les évolutions supposées de la production. Le numérique tuerait l'emploi. "L'uberisation" de la société déboucherait sur un chômage structurel. La destruction du tertiaire n'alimenterait pas de quaternaire. Etc.

Où est l'erreur ? Dans ce fait élémentaire qu'au dessus de notre PIB se trouve une couche quatre fois plus épaisse de dettes. Les désordres actuels proviennent de cette couche ingérable de dettes, pas de la structure de la production ni de son évolution.

Considérons le fait majeur qui inquiète aujourd'hui même : le retour de la baisse des prix en Europe et dans bien des parties du monde. Est-il lié le moins du monde à Uberpop ou aux nouvelles technologies ? Pas du tout. En revanche la destruction monétaire provenant du dégonflement nécessaires des en-cours bancaires est un mécanisme tout ce qui a de plus pertinent pour expliquer la déflation des prix.

Les observateurs à courte vue mettent en avant la baisse du pétrole comme facteur principal de la baisse des prix et ajoutent que le gaz de schiste en est le vecteur. Le moindre approfondissement de l'observation montre que toutes les matières premières ont connu la même baisse. C'est l'arrêt du commerce international et l'abandon de la politique de sécurisation de son stock de monnaies mises en réserve par la Chine qui explique cette décroissance subite, pendant des politiques de spéculations pratiquées antérieurement.

Ces baisses ne proviennent pas de la production mais des mouvements spéculatifs antérieurs permis par la création monétaire prodigieuse des décennies précédentes et le non contrôle des déficits et des excédents majeurs de  balances des paiements.  

Le monde aimerait se débarrasser d'un stock de dettes vertigineux mais ne se met pas en position  d'enclencher des mécanismes concertés de croissance. Le résultat est la stagnation, le chômage et la déflation.

Uberpop  et ses confrères n'ont rien à voir avec ces mouvements majeurs qui portent sur des milliers de milliards d'actifs plus ou moins faisandés.

En se concentrant sur des exemples marginaux d'évolution des produits et des productions, beaucoup des analyses publiées perdent le contact avec les réalités massives et ne produisent rien de  probant. C'est comme ci de subtils analystes voyant des villages entiers emportés par des crues gigantesques expliquaient le désastre par la forme du toit des nouvelles maisons ou la nature des nouveaux matériaux de construction.

La crue destructrice est le phénomène économique majeur. La numérisation de l'économie pas plus que sa mécanisation ou son électrification ou l'accroissement de la part psychologique dans la valeur des produits, ou la saturation des besoins, n'est la source structurelle d'une hausse du chômage. En revanche quand vous avez 400% de dettes par rapport au PIB avec une durée moyenne de l'en cours de 5 ans et un taux d'intérêt de 5%, le remboursement du principal et le paiement des intérêts prendrait 100% du PIB. Impossible !   Cà, c'est une vrai vecteur de chômage et de difficultés.

En se concentrant sur 1% du PIB (la part des nouvelles technologies problématiques) au lieu de s'attaquer aux 400% de dettes, toutes les subtiles analyses qui triomphent actuellement dans les medias ne sont qu'un vain exercice. Ce n'est pas la paille qui volète autour de certains marchés nouveaux qu'il faut analyser mais la poutre qui est plantée au cœur de l'économie et qui empêche son cœur de battre.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile

Parution du livre de Didier Dufau : L'étrange désastre - Le saccage de la prospérité

Le Cercle des Economistes  E-toile (CEE*) crée un département « édition",  avec pour vocation  l'édition de livres économiques susceptibles de faire avancer les solutions de sortie de crise et populariser  les propres thèmes développées par le cercle.  

Pour lancer cette activité, nous sommes heureux d’annoncer la parution à l'automne, du livre de Didier Dufau,  un intervenant que les lecteurs de ce blog connaissent bien :

Didier DUFAU

L’Etrange Désastre

Le saccage de la prospérité

Avec une préface de Gabriel Milesi.

300 Pages

Aux Editions du Cercle des Economistes e-toile.

ISBN 979-10-95148-00-5

Octobre 2015

 

En avance de publication, un pré-tirage  particulier a été réservé aux lecteurs de ce blog,  au prix spécial de 19.90 Euros + frais de port, soit 25 Euros pour la France. Pour obtenir le livre il suffit d'envoyer un chèque  libellé à l’ordre du Cercle des économistes e-toile,  à  l'adresse suivante :

Cercle des économistes E-toile

Attention Mme Sophie Delfyn

c/o La Maillière

4, Av. Jules Janin

75016 Paris.

N’omettez-pas de donner vos coordonnées d’adresse pour l’envoi.

Compte-tenu du petit nombre d’exemplaires réservés à cette filière,  seules les  premières demandes pourront être servies.

Un compte Facebook va être  ouvert pour recueillir vos commentaires,  auxquels nous attachons la plus grande importance.

Pour toute demande d’information à l'auteur,  écrire  à  l'adresse : ddufau@e-toile.fr

 

Le secrétaire général

E E-F



Que faire de la zone Euro ?

L’Eurosystème est une des rares institutions internationales construites dans les 30 dernières années.  Elle est mal née.  Les motifs qui l’ont porté sur les fonts baptismaux sont relativement incertains.  Certains ont voulu « avancer dans la construction européenne ».  A tout prix, selon un sens étrange de l’urgence européenne. L’abandon des disciplines de Bretton-Woods et le flottement des monnaies avaient bloqué les projets d’Union monétaire européenne mis en avant lors de la conférence de La Hayes, en 1969.  Les différents serpents monétaires ayant été balayés, les européistes se sont mis à considérer que seule une monnaie unique résisterait à la spéculation internationale conduite par les Américains et plus généralement les Anglo-saxons.  Les banques centrales européennes ont commencé dès le début des années 80 à considérer que le projet était quasi certain d’être mis en œuvre. La Banque de France s’y prépare dès le milieu des années 80, en totale indépendance des alternances politiques. Les fédéralistes européens considéraient que c’était l’étape suivante indispensable, celle qui créait une situation irréversible. Depuis Jean Monnet, l’idée fédérale s’inscrit dans une tactique qui veut que les faits accomplis économiques contraignent  le politique jusqu’au fédéralisme promis. On met donc la charrue économique avant les bœufs politiques. En espérant que les bœufs piétineront suffisamment la charrue pour qu’on soit obligé « d’avancer » (« L’Europe avance par crise ») mais pas assez pour la casser.

Des discussions, nombreuses, ont eu lieu dans ces milieux, pour savoir comment faire. Très peu sur les conditions de réussite d’une monnaie unique et les contraintes d’organisation dans la durée.  Aucune sur l’opportunité de monter un tel système. L’ardente obligation européenne imposait d’avancer.  Le marché unique et la monnaie unique s’imposaient « naturellement ».  Cela se terminera par le rapport Delors, source de tous les maux.  Au passage le JDD  de ce dimanche nous a commis deux pages hagiographiques sur J. Delors au moment même où les vices du système mis en place sont devenus manifestes !  Il est vrai que les Européistes viennent de primer  Delors pour contrer le mauvais climat qui règne en Europe depuis que la monnaie unique a été installée.  

Ne faisons pas à ce « père de l’Europe de la monnaie » l’injure de penser qu’il ne savait pas que le système qu’il proposait était problématique. Il n’y a pas un économiste sérieux, connaissant un petit peu les questions monétaires, qui ne sache qu’une monnaie unique est une construction politique qui ne peut réussir qu’avec un pouvoir central fort.  Mais il fallait « avancer ». On a fait semblant de considérer qu’une zone de monnaie unique pourrait fonctionner si on libérait totalement les mouvements de capitaux, de marchandises et de personnes.  Les marchés s’occuperaient d’harmoniser les déséquilibres éventuels. Les Etats devaient être mis en muselière. Pour cela il suffisait de deux règles juridiques : pas de déficit budgétaire supérieur à 3% du PIB et pas d’endettement public de plus de 60% du même PIB. Pour préparer la fusion monétaire, les systèmes devaient converger vers ces objectifs.  Et roulez bolide ! Bien sûr cela ne marcherait pas parfaitement mais on profiterait de la première crise pour faire avancer l’intégration et restreindre la souveraineté des Etats.

Les adeptes de Milton Friedman  encensèrent le maître qui avait annoncé que l’Euro ne durerait pas trois ans et que les changes flottants étaient la seule solution.  Depuis des lustres les économistes américains expliquent que les Européens croient bêtement à la « stabilité » et que les vrais amoureux du business sont pour le mouvement. Après tout le dieu Hermès a des petites ailes aux pieds.

Sans voir que les changes flottants avaient fini par créer une économie baudruche qui ne demandait qu’à exploser. Asphyxiés par leur propre mythologie, ils pensaient que la souplesse du roseau était la garantie d’une flexibilité heureuse sans se rendre compte que le système était pervers de façon endogène et voué lui-même à l’autodestruction. L’aveugle insultait gaiement le paralytique.

Autre point commun, tous ces économistes pensaient que le cycle n’existait plus, qu’on savait le juguler, que  Greenspan était un génie et que la crise de 87 était due aux ordinateurs, pas aux effets délétères de la montée de l’endettement global  qui déjà dépassait les 300% à la fin des années 80.

Le « génial économiste » Mitterrand.  (Il n’était pas seulement le Dieu de la politique politicienne en ce temps-là, ce qui avait tout de même fait un peu  ricaner même une Françoise Giroud) avait prédit que l’acte unique allait permettre une formidable croissance en 92-93 Nous eûmes à cette date la pire crise conjoncturelle depuis 1929 ! 

Cela ne fit réfléchir personne. Ni sur les méfaits du système des changes flottants, ni  sur le caractère un peu dangereux de créer une lac de fixité au milieu d’un océan de flots monétaires internationaux  déchaînés.  Pour les jeunes générations, il est intéressant de souligner qu’à cette date, Il était impossible, strictement impossible, de faire passer quoi que ce soit dans la PQN qui remette en question les changes flottants et l’idée d’une monnaie unique ou la contradiction entre les deux formules.  Maurice Allais le fera un peu plus tard et recevra la bastonnade que l’on sait. On trouva même d’astucieux économistes pour défendre, en même temps,  l’idée que les changes flottants mondiaux et celle d’une monnaie unique européenne étaient toutes deux excellents en même temps. La flagornerie ne craint pas les oxymores.

En avant pour le traité de Maastricht et une institution structurellement bancale.  Aucun vrai débat technique sur la manière de gérer une zone monétaire.  Seulement un affrontement entre souverainistes et fédéralistes.  De même que le débat sur le système monétaire international, lorsqu’il avait lieu, c’est-à-dire presque jamais, ne consistait qu’en un échange d’horions idéologiques entre marxistes (cachés en « keynésiens ») et « néo-libéraux », c’est-à-dire en adepte de la liberté financière à tout va. 

La faiblesse du dispositif se voyait à l’examen d’une seule question : qui gérerait le change dans le nouveau système ?  Extraordinaire  exemple d’un instrument, capital à l’échelon national, qui disparaissait soudain à l’échelon européen. La BCE n’était pas chargé des changes mais du niveau des prix. L’ « Eurosystem » disposait d’un « Eurogroupe », un aréopage d’une vingtaine de ministres des finances, présidé par un « président de l’Eurogroupe » sans pouvoir, sous le contrôle d’un conseil des chefs d’état de la zone euro.  C’est lui qui serait chargé de la gestion du change. Mais comme on considérait que les changes flottaient naturellement et que seuls les marchés étaient chargés de donner la valeur de l’euro, la question ne se posait pas.  De toute façon les moyens techniques de gestion du change ne dépendaient pas de l’Eurogroupe.  Les Etats avaient perdu tous les leviers de la politique des changes et des taux d’intérêt mais personne n’en avait réellement hérité. Curieux, non ? Et cela ne choquait absolument personne. Lorsqu’on évoquait la question devant un politique il répondait invariablement : « C’est étrange en-effet, mais c’est une question technique et nous avons d’excellents techniciens de la finance ».

La grande question d’une zone de monnaie unique avec des Etats indépendants est la gestion des écarts dynamiques de productivité, de prix  et de compétitivité. Nous-mêmes avons inlassablement dénoncé un système qui faisait de la déflation-dépression le seul moyen d’ajustement. Les fédéralistes pro-euro répliquaient que l’ouverture totale des marchés intérieurs suffirait à entraîner mécaniquement les ajustements nécessaires.  Nous disions qu’avec des Etats qui prélevaient entre 40 et 100% de la valeur ajoutée des entreprises, la notion de marché tout puissant était tout de même un peu aventurée.  Les politiques publiques non ajustées pouvaient avoir des effets pervers catastrophiques. « Nous avons d’excellents conseils et une haute administration de qualité partout en Europe. Ils savent ce qu’ils font ! »  Fermez le ban !

Et justement voilà que le gouvernement Jospin  asphyxie l’entreprise française par des réglementations étouffantes et étrangle l’économie avec les 35 heures.  Peu après l’Allemagne fait l’inverse avec le plan Schroeder.  La compétitivité relative de la France s’effondre. Personne ne dénoncera la contradiction  comme une source de difficulté à venir pour la zone euro.

La chute des dictatures en Europe, a conduit à une extension inconsidérée de l’union Européenne. Et ces pays fragiles entendaient entrer dans l’euro pour des raisons purement politiques.  On croit devoir faire droit à leurs demandes.  Comment laisser à la porte la Grèce loin de Papadopulos, le Portugal débarrassé de Salazar et l’Espagne, d’où Franco a disparu ?  Et ces pays de l’est qui frappent  soudain désespéramment à la porte ?

On a chargé la barque de l’Euro, déjà bancale par construction. Le navire a pris de la gite dès le départ et elle a été aggravée par des politiques incompatibles.

La mini récession du début des années 2000 a aussitôt fait prendre conscience que les règles de droit étaient incompatibles avec la conjoncture. On parla de « règles idiotes ». Pour un système fondé uniquement sur deux règles, ce n’était pas très encourageant pour la suite. Surtout quand les pays qui jugeaient ainsi étaient l’Allemagne et la France, les deux piliers !

La Grèce commence à souffrir dès 2002-2003. De même la finance internationale est en crise après l’effondrement boursier du début du siècle.  Cela branle de partout et la FED commence ses inondations monétaires.  Le taux de dettes globales commence à s’approcher à peu près partout de 375%. Certains pays en sont déjà à plus de 700%.

L’effondrement du dollar projette l’euro à des sommets et aggrave la crise en Europe qui entre en stagnation.  Mais les politiciens sont heureux de ne plus avoir à surveiller le taux de change. Ils trouvent cela merveilleux et ne cessent de le dire dans les médias.  Donc ils peuvent emprunter et ils le font sans retenue, ou laisser leurs banques et autres agents économiques emprunter.   Personne ne surveille les taux d’endettement globaux de chacun des pays.  Au printemps 2008, le taux moyens d’endettement global dépasse 425% dans l’OCDE. Différents pays sont à plus de 1000% ! Dès décembre 2006 nous prévoyons l’effondrement certain  pour 2009-2010. Début 2007 nous rapprochons cette prévision à 2009, puis la crise de liquidité bancaire de l’été 2007 nous la fait avancer à l’automne 2008. En décembre 2008, nous annonçons un krach pour septembre 2008.

L’hystérie financière générale laisse penser qu’on est à nouveau dans une phase économique formidable. Personne n’écoute.

L’Euro se porte assez bien : la crise du dollar le dope sur les marchés de change ; les taux d’intérêt ont convergé. Tout cela parait solide, même si certaines voix s’élèvent pour dire que le respect des règles n’est plus assuré. Tout le monde fait ce qu’il veut. 

Lorsque l’effondrement financier a lieu, avec l’abandon à la faillite de Lehman-Brothers, tout le monde croit que « l’Euro nous protège », y compris les Islandais qui sont en faillite grave.  L’Euro, c’est solide. La crise est venue des Etats-Unis et l’Euro a bien résisté.

Jusqu’à ce que la spéculation s’attaque aux taux d’intérêt des pays dangereusement endettées de la zone Euro (Grèce, Islande, Portugal, Espagne, Italie).  Et là, c’est aussitôt la Bérézina.

L’organisation de la zone Euro, inexistante, n’a aucun moyen de faire face ; Il faut improviser d’urgence. Ce sera la suite ininterrompue de « sauvetages » avec des « mécanismes » forgés à la va vite et qui conduiront aux récents évènements grecs.

Lorsque nous écrivions dans les années 90, que la régulation se ferait dans la déflation, personne ne se rendait compte réellement ce que cela voulait dire. Avec l’affaire grecque, la fermeture des banques, la perte de 25% du Pib et toutes ses choses, l’affaire devient diablement concrète.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le vrai problème reste la crise mondiale. Le système des changes flottants ne marche pas, n’a jamais, marché et ne marchera jamais. Mais personne ne songe à le modifier. C’est l’explosion de ce système défectueux qui a déstabilisé l’Eurosytem. Pas l’inverse. Mais l’Eurosystem a démontré qu’il n’était pas armé pour faire face autrement que par des mesures détestables qui enflamment les haines sociales et nationales. Le politique devient le pire ennemi de la zone euro.

Les euro-fédérolâtres considèrent que somme-toute, ils ont gagnés. La crise a permis de faire des progrès dans l’abaissement des Etats nationaux. Les banques sont supervisées désormais par la BCE. La Commission a reçu des pouvoirs élargis.  Le système global est sous contrôle maintenant que l’amplificateur bancaire a été mis sous tutelle étroite. La BCE a mangé son chapeau allemand et « fait ce qu’il faut » pour sauver la zone Euro. Donc tout va bien : militons désormais pour une forme fédérale de contrôle de l’économie européenne !

Les souverainistes poussent à la destruction immédiate de la zone Euro dont les mécanismes de sauvetage nous ont endetté pour des millénaires et empêchent toute politique nationale de sortie de crise.  Les marxistes exigent également la fin de la tutelle bruxelloise pour pouvoir enfin mener une politique de « relance sociale par la planche à billets ».  Façon Chavez.

Hollande, toujours à sa copie servile du parcours mitterrandien, se pose en créateur d’un nouveau système fédéral avec budget unique, parlement spécial, etc ; La dette ? On s’en fout ! Le respect des règles de Maastricht ? On s’en fout ? Le chômage ? On s’en fout. Proposons comme Mitterrand une fuite en avant européiste.  

Foutaises !

Il faut un « chancelier de la zone euro », assisté de comités parlementaires issus des parlements nationaux, avec une compétence d’investigation, de recommandation et de maîtrise de la politique monétaire et financière au jour le jour. Il aura pour mission de faire revenir le monde à un système de changes fixes et ajustables. C’est lui qui décidera du taux de change et de la politique des taux d’intérêt. Il sera à la fois le FMI interne de la zone, le pilote des instruments monétaires mis en commun et le conseiller en matière de politiques budgétaires, économiques et sociales pour tout ce qui concerne les écarts de compétitivité et les ajustements nécessaires.

Si ce poste avait existé dès 1997, il aurait évité que les Français et les Allemands se lancent dans des politiques incompatibles avec une monnaie unique, freiné les bulles immobilières dans la zone, empêché les glissements budgétaires de type français ou grecs.  Il n’aurait pas empêché le choc de la crise des changes flottants mais il serait là pour exiger une évolution radicale pour des changes fixes et ajustables. On n’aurait pas eu besoin d’appeler le FMI. Et les dérapages ayant été maîtrisés un certain nombre d’instruments collectifs auraient pu se mettre en place, comme des bons du trésor européens.

Est-ce encore aujourd’hui la solution pertinente ? Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Mais le climat a été tellement dégradé et la méfiance portée à de tels sommets que la faisabilité de la réforme devient très aléatoire.

Un certain nombre d’idées ont tout de même fait leur chemin. La première est que toute organisation de la zone euro doit être propre à la zone euro et ne pas dépendre de l’UE. La deuxième est que les parlements nationaux doivent être associés et pas le Parlement Européen. La troisième est que la BCE doit être aussi responsable de la croissance. Ensuite il faut un pilote avec les instruments ad hoc.

C’est toujours agréable de voir que des idées proposées depuis 20 ans finissent par entrer dans la discussion publique.

Il existe cependant de fortes différences entre notre projet et ceux que l’on voit surgir. Le Chancelier doit être pour nous un coordinateur et un conseiller et non pas un « gouvernement économique ».

L’espèce de frénésie fédérolâtre qui a saisi les télévisions françaises, notamment celles de la TNT, depuis l’annonce présidentielle est proprement ahurissante. Alors que le système vient de subir une crise historique on voit réapparaître toutes les bouches à feu du fédéralisme, dans des émissions qui font de la surenchère,  sans la présence d’aucun contradicteur. Sur le thème « on a échoué parce qu’on n’a pas été assez loin  dans l’union», voilà toute la mouvance de ceux qui veulent voir disparaître les Etats européens et notamment la France, en train de présenter le catalogue complet des mises en commun. Le « saut qualitatif européen » devient un must. Même si ses contours sont totalement flous. Et qu’on ne voit pas clairement où serait des avantages, généralement présentés comme magiques par la vertu de la sainte Trinité bruxelloise. Tout s’arrangerait comme par miracle. On pourrait tout faire. Du social, de l’écologique, de la science, du progrès économique.

De l’autre côté du spectre, les souverainistes posent la question : Et pourquoi ne pas abandonner l’Euro purement et simplement ? Tout deviendrait miraculeusement simple. En tout cas on ne serait pas obligé de payer pour les autres dans des conditions antidémocratiques (pauvres grecs victimes des vilains prêteurs). Et on pourrait faire enfin ce qu’il faut, notamment avec notre création monétaire,  sans être constamment entravés.

Les deux miracles fédéralistes et souverainistes sont des illusions.

L’abandon de l’Euro ? Il n’y a pas de méthode  pure et simple d’abandon, même si doctrinalement rien ne s’y oppose vraiment. Chaque état membre crée une monnaie sur la base d’une unité nouvelle = un euro et indique qu’il remboursera ses dettes dans cette monnaie. Et on voit ce qui se passe. Très probablement une relance des comportements de précaution et un blocage temporaire mais général des affaires, avec une poussée de l’inflation dans les pays les plus endettés qui monétiseront aussitôt les déficits publics. En France les fonctionnaires qui dirigent le pays considéreront qu’il n’y a plus d’efforts à faire. Le marché des changes sera fortement secoué. Les balances commerciales danseront la samba. Et il faudra dix ans pour que l’économie-monde et celle de l’Europe s’en remettent. Lorsque les Etats Unis sont passés du dollar gagé sur l’or au dollar flottant, une opération très semblable, il a fallu 15 ans pour digérer le choc. En fait, on ne s’en est jamais vraiment remis, du fait des défauts du nouveau système de changes flottants.  Car ces nouvelles monnaies flotteront, sinon où est l’avantage de liberté dans la manière de gérer son stock de dettes ? On aggravera les effets délétères du système des changes flottants et aucune réforme dans ce domaine ne sera plus jamais possible à horizon raisonnable, l’échec de l’euro servant de repoussoir perpétuel.

Conserver la gouvernance actuelle ? On voit que cela ne marche pas et que cela coûte très cher à tous, tout en créant les conditions d’un rejet populaire massif.

La seule véritable solution est la coordination, qui maintient la souveraineté des pays tout en les associant, avec un mécanisme d’éviction du club si un pays considère qu’il doit suivre une voie incompatible avec celle des autres.

Le coordinateur doit disposer des moyens statistiques communs, et de pouvoirs d’investigation du type de ceux du FMI, qui n’a pas à intervenir à l’intérieur d’une zone de solidarité monétaire.  Il faut établir  un pouvoir de recommandation et une procédure de « reconsidération », au cas où une mesure serait proposée par un pays qui pourrait être jugée comme incompatible avec la prospérité générale.  Cette administration ne devrait pas être logée à Bruxelles mais à Paris, puisque la BCE est en Allemagne et que ces deux pays sont les plus importants du club. Des procédures d’association des parlements nationaux sont indispensables, mais pas sous forme d’un Sénat européen, structure lourde et complexe dont le rapport avec le Parlement Européen resterait à préciser.  Un délégué par parlement par pays membre suffirait, dans chacune des trois chambres qui devraient être créées : chambre sociale, chambres budgétaires et fiscales, chambre économique et monétaire.  Tout doit rester léger.  Et naturellement, le conseil des ministres des finances et celui des chefs d’Etat serait l’instance d’arbitrage final en cas de divergences graves.

Le « chancelier de la zone euro » aurait un domaine propre qui est celui de la politique monétaire, en liaison avec la BCE  et aurait la mission de faire évoluer le système monétaire international, avec comme objectif  le retour à un système de changes fixes et révisables.

Cette évolution serait moins traumatique pour les souverainistes que la création d’une machinerie fédérale  disproportionnée. La coordination ex ante ne pourrait avoir que des avantages et mènera naturellement  à des instruments financiers collectifs susceptibles d’éviter les méfaits de spéculations hasardeuses. Elle conduira à plus de stabilité dans le monde et une meilleure prise en considération des points de vue européens, notamment vis-à-vis du « benign neglect » américain.

Tout renforcement collectif, de toute façon,  supposera que la France cesse d’être l’homme malade européen, avec une gestion désastreuse basée sur l’asphyxie fiscale et la dépense publique outrancière à crédit.

Le plus grave reproche que l’on puisse faire à F. Hollande est d’être l’obstacle principal à toute évolution. Qu’il fasse de la surenchère fédéraliste, sous les vivats de ceux qui font semblant de croire  qu’il a « sauvé » l’Europe lors de l’affaire grecque,  est sans doute  de bonne tactique politicienne. La vérité est qu’en ruinant le pays comme il le fait sous le poids d’une fiscalité intenable, d’une dépense publique obscène,  et d’une démagogie de tous les instants, il rend impossible toutes les évolutions nécessaires.

Rarement l’imposture d’un Hollande audacieux et stratège, conduisant l’Europe au succès,  n’aura été plus majestueuse. Ce n’est pas parce que des medias se couvrent de ridicule en la véhiculant qu’il faut s’y vautrer.

Il serait curieux que l’Allemagne accepte plus de fédéralisme  avec une France en dehors des clous du traité « merkozy ». Si elle persiste à conserver un déficit budgétaire de près de 4% de PIB et une dette proche de 100% du PIB, il ne peut rien se passer de réellement important, sinon des constructions institutionnelles loin des peuples et qui ne mangent pas de pain, ou des initiatives très partielles sur la fiscalité ou autres. Il faudrait de même que le cas grec soit réellement réglé. Tout le monde pense que la purge actuelle ne règle rien, surtout sous la houlette de Tsipras et de son équipe. Et il faut attendre que les Italiens, les Espagnols et les Portugais aient éliminés Beppe grillo, Podemos et tous les « mélenchoniens » potentiels. On a construit sur du sable avec Maastricht, mais on ne construira pas sur de la vase.

La solution plus légère d’un coordinateur avec des pouvoirs propres dans des domaines actuellement à l’abandon, comme la politique de change, la politique des taux d’intérêts, et la politique des crédits, la politique de convergence des compétitivités, peut s’enclencher plus facilement.  Mais il est probable que sa condition préalable soit le départ de F. Hollande et l’élection, en France, d’une équipe capable de lourdes réformes de structure à la tête du pays.

Le paradoxe du moment est qu’on exalte le « nouveau Hollande européen »  au moment où le meilleur service qu’il pourrait rendre à l’Europe serait de démissionner.

Ce qui doit arriver arrive !

Depuis 1997, nous défendons publiquement trois thèses extrêmement claires et précises.

Un système de changes flottants et de liberté totale des mouvements de capitaux entraîne mécaniquement une hausse de la dette globale par le mécanisme de la double pyramide de crédits. Dès que la dette globale dépasse 400%, on est certain que la prochaine grosse crise cyclique fera des dégâts abominables. Ce phénomène s'est vérifié avec le blocage du système interbancaire en 2007 et l'effondrement bancaire général de 2008. Comme l'avait dit Maurice Allais, au milieu des ricanements, "ce qui doit arriver arrive". C'est arrivé.

Un système de monnaie unique sans organes de pilotage et seulement deux règles de droit sur les déficits et l'endettement des états, avec abandon des outils de politique monétaire, est vulnérable. La crise précédente a précipité l'explosion du système. L'affaire grecque était prévisible : on se soigne pas une crise par la déflation et la dépression. Sinon, les peuples deviennent nerveux. "Ce qui doit arriver arrive".

Un Etat capturé par sa haute fonction publique qui cumule le pouvoir administratif et fiscal, le pouvoir politique et le pouvoir bancaire, tout en tenant dans ses mains directement ou indirectement les medias, conduit à la ruine et l'étouffement du citoyen, l'empêchement d'une économie libre et efficace et à la double tare d'un Etat pléthorique, bouffi et incapable, et d'une économie marchande rétrécie, qui survit péniblement au milieu des quolibets serviles d'une caste de cultureux subventionnés et sans vergogne."Ce qui doit arriver arrive".

Au final nous assistons  à la négation de la démocratie et à la formation d'une situation incontrôlable dont plus personne ne sait comment sortir, dans le monde, en Europe et en France. En cet été 2015 comment nier que ces trois analyses soient pertinentes ? Comment ne pas observer que rien ne se passe non plus pour sortir du piège.

L'amas de surplus monétaire accumulé par la Chine a eu pour conséquence dans un premier temps de permettre des achats de précaution qui ont laissé croire que le commerce international était encore vivant. En vérité les échanges internationaux ont baissé en 2014. Baissé ! Pour la première fois depuis la fin de la guerre de 40. Et la bulle de crédits née de cet amas en Chine même a fini par explosé avec comme manifestation première l'effondrement drastique de la bourse de Shangaï.

La reprise américaine est extrêmement molle. Elle est percluse de bulles alimentées par les déficits américains et les politiques de gonflement monétaire de la FED.

L'Europe est entrée dans une de ces phases d'incertitudes qui font le charme d'une organisation bancale et non démocratique, sous-traitant la monnaie et la finance à des experts.

La France est entrée dans le cycle détestable des glissades irrattrapables. La dette s'est gonflée subitement au premier semestre avec une rapidité stupéfiante, alors que "l'alignement des planètes" devait nous sauver. La peur recommence à régner en maîtresse dans l'esprit de tous ceux qui ont des "actifs" et notamment de l'assurance-vie.

Pas un mot dans le monde sur le retour à un système sérieux de politiques commerciales et financières concertées autour d'un système de changes fixes et ajustables. Pas un mot. Le FMI s'est encore une fois ridiculisé à contre-emploi en intervenant là où il ne devait pas le faire. Le résultat sera l'éjection de Mme Lagarde qui croit encore à ses chances électorales présidentielles françaises. L'espoir fait vivre.

En Europe on commence, timidement, à comprendre qu'une zone de monnaie unique sans système de pilotage est une incongruité dangereuse. Jeroen Dijsselbloem et son Eurogroup sont un cache misère sans aucune légitimité ni aucune prise sur rien. Les idées qui sont lancées sont soit la destruction de la zone Euro, soit le renforcement de la dictature bruxelloise, motivées par l'abaissement des Etats,  sous paravent d'un Parlement Européen pseudo démocratique qui a montré sa vacuité lors de la convocation de Psipras,  soit l'émergence d'un couple Franco-allemand, assurant les bonnes options pour l'ensemble de la zone.  Avec une France dans l'état où elle est, bonjour la fantaisie !  La seule vérité est qu'une zone euro doit avoir des institutions spécifiques à la fois techniques et démocratiques et distinctes de la Commission bruxelloise. En résumé, il faut un chancelier de la zone Euro, épaulé par un dispositif représentatif ad hoc assurant la démocratie effective du système.

La France, bouffée jusqu'à la racine par une fiscalité déshonorante pour l'esprit de résistance des Français, voit ses médias faire une place déraisonnable aux thèses du marxiste Picketty, auteur d'un succès de librairie mondial avec une étude qui examine l'assiette du voisin pour conclure que les nouveaux riches sont plus riches que les anciens nouveaux riches, ce qui prouvent que la dette doit être radicalement gommée en leur piquant tout ce qu'ils ont. Plus d'impôts, plus confiscatoires et encore plus ciblés, voilà la solution !  

En un mot aucune des causes de la crise majeure en cours n'est traitée. Au contraire chacune est soigneusement aggravée. Et l'on s'étonne que la crise perdure 8 ans après son déclenchement sans espoir de voir un jour prochain le bout du tunnel.

Ce qui doit arriver arrive. La vrille s'accélère et le sol se rapproche désormais très vite avec un risque de démantèlement complet des circuits économiques normaux.

 

Didier Dufau, pour le Cercle des Economistes e-toile.    

L'art de dépouiller le citoyen

L'interdiction des paiements en liquide est l'un des derniers clous qui restent à sceller sur le cercueil des libertés individuelles. Le complexe politico-fonctionnaro-bancaire qui a capté la vie publique et économique en France vient de l'enfoncer à nouveau de quelques centimètres. On ne pourra plus payer en liquide plus de 1 000 euros. La banque réclame la mesure depuis longtemps. Lorsqu'il n'y aura plus de liquide du tout et qu'il faudra passer exclusivement par des systèmes de paiements connectés, elle aura jugulé une des "fuites" qui l'empêche de récupérer aussitôt la monnaie de crédit qu'elle a émise. Porte-monnaie électronique et règlementation sont les deux mamelles du big-brother bancaire.

Le citoyen libre d'une république libre est d'abord une vache à lait de l'Etat moloch et l'esclave enchaîné du système bancaire, les deux institutions étant gérées par les mêmes. .

Il est probable que le plafond des sommes en liquide avec lesquelles on peut se promener en Europe sera ramené bientôt à moins de 5.000 Euros.

Voyagez léger avec un bout de plastique et prouver que vous êtes un citoyen totalement transparent tout en sauvant votre système bancaire !  

La législation a donné à la banque, déjà sous des gouvernements socialistes, des pouvoirs exorbitants. Vous ne pouvez solder une compte en banque…que dans un autre compte en banque. Un trou dans votre compte courant ? La banque peut casser n'importe lequel de vos comptes d'épargne sans même vous le dire. Vous voulez du liquide ? Il vous faudra une carte bancaire, car les guichets n'en distribuent plus. Et le montant que vous voudrez retirer sera limité à quelques centaines d'Euros. De toutes façons pour des sommes importantes, il faut commander, aller au siège, respecter les plafonds et… un transport par la Brinks, mon bon Monsieur. Quant aux placements, ne croyez pas que vous en soyez maître. Tous les dispositifs de placement sont désormais des constructions fiscales qui ont pour but de ramener l'épargne vers les objectifs et les caisses de l'Etat. Avec des taux d'impôts marginaux à 65.5%, vous n'avez plus aucun choix. La banque universelle qui peut faire à peu près ce qu'elle veut de votre épargne, y compris vous faire acheter ses propres actions, pour peu que vous lui ayez donné un mandat, (et comment y échapper ?), vit en symbiose totale avec l'Etat, et en conflit d'intérêt toléré avec ses clients. L'assurance-vie en est le plus merveilleux exemple. Question posée il y a quelques années à la banque :

- "Vous vous êtes désengagés de la Grèce ? Non, l'Etat nous a demandé de détenir un certain pourcentage d'obligations grecques".

Quelques mois plus tard :

"- Qu'est-ce qui se passe avec mes obligations grecques ?

- Nous avons été obligés d'accepter une perte de moitié sur ces titres.

- Je vous avais bien dit de pas détenir des titres grecs

- Oui, mais c'est de l'assurance vie ; nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons;

- Sortons de l'assurance vie.

- Je ne vous le conseille pas. C'est le seul produit sûr et défiscalisé, bla bla bla."

La défiscalisation est devenue le principe vendeur numéro un des banques, marquant la totale interdépendance du secteur bancaire et de l'Etat.

Les diverses lois sur la construction n'ont qu'un seul but : permettre aux politiques de présenter des bilans un tant soit peu honorables en matière de logements. En fait la défiscalisation conduit à monter des programmes de construction dans des endroits où il n'y a pas de demande et qui ne servent :

- qu'à engraisser les banques qui collectent l'épargne défiscalisée

- qu'à engraisser les grosses boîtes de construction qui bâtissent les projets

- qu'à fournir des statistiques aux politiques.

L'épargnant se retrouve avec des logements sans usage et sans rentabilité.

- "Madame la banque, vous m'avez fait tombé dans un piège à c…"

- "C'est pas grave, c'est défiscalisé".

Et il suffit d'une loi Duflot pour envoyer tout de même au tapis la construction neuve.

De toute façon vous n'êtes plus maître de vos biens immobiliers, dès lors qu'il ne s'agit pas de votre logement principal. Ne parlons de la propriété agricole ! Et pour votre logement ne croyez pas vous en sortir comme cela. D'abord, à vous toutes les législations normatives qui vous ponctionnent de partout. A vous le détecteur d'incendie qui se déclenche tout seul à tout propos et transforme votre immeuble en rossignol. A vous aussi le défibrillateur qui doit figurer dans un endroit ostensible à l'entrée de votre immeuble. A vous le dossier de cession qui avec tous les tests obligatoires finit par peser une tonne. Et gare aux préemptions.

Si vous êtes propriétaire de votre logement, les bons apôtres vous expliqueront que vous avez un avantage inouï par rapport à ceux qui paient un loyer et qu'il faut que vous payiez pour cette flagrante inégalité. ISF, taxe foncière, charges imposées, ne sont qu'un début. A quand la taxe compensatrice de l'avantage indu du propriétaire, Thénardier de lui-même par politiques et hauts fonctionnaires interposés ? L'incroyable privilège qui veut que vous bénéficier d'une "niche fiscale" en ne payant pas, dans votre impôt sur le revenu, la plus value éventuelle sur la revente de votre domicile, plus value le plus généralement fictive car ne tenant pas compte de l'inflation, ne durera que ce que dure les roses. Dans le vocable repris bêtement par les médias il s'agit d'une "dépense fiscale de l'Etat".

Nous allons perdre dans l'affaire grecque environ sept fois la contrevaleur de l'ISF annuel. S'il est admis qu'un pays peut se dégager de ses dettes simplement en demandant par referendum si la population veut ou non rembourser, il y a quelques soucis à se faire. A entendre les milliers de commentaires qui "sur les réseaux sociaux" encouragent la Grèce à faire défaut, sans que leurs auteurs aient même compris que c'est eux qui paieront, on réalise le degré de désinformation et de sottise qui règne aujourd'hui en France.

L'Europe du "soft power" où les grands Etats ont été stérilisés et empêchés,  s'avère totalement incapable de faire face à l'intérieur comme à l'extérieur aux agressions qui la menacent. Jamais la situation n'a été plus claire aujourd'hui.

- Elle ne peut rien contre la Russie qui attaque un pays de l'Europe centrale et s'empare d'une partie de son territoire,

- Elle ne peut rien contre la Grèce qui détruit la zone Euro de l'intérieur et se moque à peu près totalement de l'espèce de salmigondis de pouvoir qui s'appelle la Commission et l'Eurogroupe.

- Elle ne peut rien contre l'envahissement par des centaines de milliers de migrants non désirés.

- Elle ne peut rien contre l'envahissement juridique intéressé des Etats-Unis (voir les amendes colossales imposées aux banques européennes et l'invraisemblable Fatca). Et elle va céder sur ce point vital dans les traités transatlantiques : les sociétés américaines pourront se plaindre aux juges américains des difficultés éventuelles rencontrées en Europe. Les gouvernements passent sous tutelle du juge américain.  

- Elle ne peut rien contre le démantèlement des assiettes fiscales par les grands intervenants d'internet.

- Elle ne peut rien contre une barbarie basée sur l' "affirmative action"  et la "fierté retrouvée" d'une religion rétrograde et violente, animée par la tendance salafiste, en pleine croissance en France,  qui met à bas tous les principes européens durement acquis et commence à décapiter ses citoyens.

- Elle ne peut rien contre l'envahissement de produits qui ne respectent aucune des prescriptions qu'elle impose à ses producteurs.

- Elle ne peut rien contre les effets d'une économie internationale devenue baudruche à force de changes flottants non régulés et déficits et excédents croisés monstrueux. Sinon se taire et empêcher qu'on discute des mécanismes qui ont mené à la situation désastreuse actuelle.

- Elle ne peut rien mais empêche les Etats d'agir.

Ah ! Si ! Les Etats peuvent toujours augmenter les impôts et cadenasser les finances privées des citoyens.

Et en France, laisser les derniers duellistes présidentiels faire semblant de jouer à la démocratie médiatique, sous l'œil hagard de la population ;

Et en Grèce laisser Tsipras et Varoufakis faire semblant de jouer à la démocratie référendaire (jusqu'ici le referendum était "fasciste" à l'extrême gauche…), sous l'œil hagard de la population.

Et en Italie laisser Renzi se dépatouiller avec ses immigrés illégaux, sous l'œil hagard des arrivants.

On imagine où en serait si les grands Etats européens s'étaient dissous dans une nuée de petites régions avec un Eurogroupe de 100 membres ! Rien que pour dire non et expliquer pourquoi dans cette enceinte, il faudrait une semaine. Et la Grèce serait l'un des plus grands Etats membres…

En attendant quelque égaré fou d'islam tranche une tête française sur le sol français. Les Grecs découvrent le "corralito", avec le plaisir de pouvoir sortir quelques euros par jour de leur bancomat. M. Juncker pleure sur l'esprit européen perdu. Le commerce international est à l'arrêt. Les taux d'intérêt se cabrent. L'Euro s'affaiblit. La chômage qu'on annonçait en baisse probable grâce à "l'alignement des planètes", s'est encore accru : près de 630.000 chômeurs de plus depuis le début du quinquennat, plus que sous l'ensemble du quinquennat Sarkozy qui avait pris le choc du gros de la crise, alors que partout ailleurs la situation s'améliore.

Tout va bien.

Le Président de la République Française n'a rien à dire sur aucun de ces sujets dramatiques. Il voyage. Il mène campagne, l'œil vissé sur les sondages et près à toutes les opérations image qu'on voudra.

Dignité, Liberté et Prospérité sont au coin de la rue.

Et il n'y avait rien de plus urgent que de réduire l'emploi de la monnaie de papier par ce suspect permanent qu'est le citoyen.

Après l’Argentino, l’Ellenikos ?

Les spécialistes se souviennent de la crise monétaire argentine.  Le pays avait choisi de mettre fin à un laxisme monétaire endémique en mettant en place un régime monétaire très particulier : « le currency board ».  Le Peso était aligné sur le dollar avec une parité de 1 pour 1.  Pour maintenir cette parité aucun peso ne pouvait être créé sans contrepartie en dollar. C’est l’excédent de la balance des paiements en dollars qui justifiait la création de monnaie banque centrale en peso. Toute demande de conversion d’un peso en dollar était donc d’une certaine façon garantie. La masse monétaire en Peso était équivalente aux réserves en Dollar.

Le système était possible parce que le Campo argentin était structurellement exportateur.  L’agriculture argentine alimente le monde.

Ce système a eu un résultat initialement miraculeux : l’inflation a aussitôt cessé. Jusque-là le pays vivait au rythme des poussées d’inflation à deux chiffres et des blocages de prix, avec des conséquences parfois farfelues : le prix des voitures importées était bloqué mais pas celui des volants. Le volant finit par coûter le prix de la voiture dont le prix officiel ne comportait pas de volant qui était en option mais obligatoire à l’achat du « package » !

Ce système de caisse monétaire très particulier revenait à une semi dollarisation de la monnaie nationale mais sans la honte d’utiliser en interne la monnaie d’un autre pays. Il était plus fragile que la dollarisation puisqu’il restait une monnaie nationale et une banque centrale. On sait depuis Copernic, repris par Gresham, que la mauvaise monnaie chasse la bonne et que tout reposait sur la solidité d’un lien administratif entre Peso et Dollar qui pouvait être dénoué par la politique.

Le « currency board » n’avait été utilisé que dans le cadre colonial ou par de petits pays vivant en symbiose avec un gros voisin.

Dans un système mondial de changes fixes mais ajustables, et pourvu qu’on soit structurellement exportateur, le système est viable.

Dans un système de changes flottants, l’initiative devenait autrement plus aventurée. Si les pays destinataires du Campo dévaluent, la compétitivité de ce dernier est entamée. La masse monétaire se trouve réduite et peut même se contracter violemment, entraînant une déflation problématique.

Lorsque le dollar s’est envolé après le tremblement de terre de Kobé, doublant à peu près contre toute monnaie, le Peso argentin a ipso facto été réévalué d’autant, ce qui a bloqué les exportations de l’Argentine, donc la création monétaire.

Quand le principal partenaire de l’Argentine, le Brésil, a dévalué massivement le Real, la situation monétaire argentine est devenue catastrophique. Il aurait fallu dévaluer le peso mais il était lié au dollar qui flambait.

Les Argentins ont commencé à craindre pour le Peso et ont demandé la conversion en vrai Dollar. La création de monnaie de banque avait été faite en pesos. La contrepartie en dollar de la masse monétaire globale y compris les dépôts créés sur le sol argentin par les banques n’existait pas. Les réserves de la banque centrale furent bientôt menacées puis le blocage est survenu.

Le gouvernement a cru un temps qu’il pourrait résister.  Puis les mesures d’exception commencèrent avec l’apparition du fameux « corralito ».  Les comptes en dollars furent partiellement gelés. Les comptes en peso devaient seuls fonctionner. On espérait que la course au dollar s’arrêterait  et que le pays fonctionnerait sur les pesos que les banques pouvaient éventuellement créer en développant le crédit. Mais la fuite devant le peso avait asséché la trésorerie des banques et le marché interbancaire s’était bloqué. On demanda au FMI de la liquidité. Mais la quantité de dollars à fournir était hors de proportion pour faire face à la fuite devant le Peso. Les gouvernements régionaux commencèrent à faire circuler des reconnaissances de dettes pour ne pas contracter leurs dépenses, avec des noms plus ou moins explicites. L’Argentino, fut une de ces reconnaissances de dettes circulantes. Pas la plus importante mais la plus symbolique.

Au bout d’un moment tout le dispositif craqua à cause des remboursements des prêts internationaux privés ou publics. Les créanciers voulaient de bons dollars pas de l’argentino.  La conversion forcée des comptes en dollar en peso puis le défaut vis-à-vis de l’étranger, puis le retour au peso seul, très fortement dévalué, s’ensuivirent. Le Campo recommença à exporter mais les dollars ne rentrèrent plus au pays. L’Argentine n’eut plus accès aux marchés de capitaux internationaux. Les investisseurs étrangers, grugés et spoliés, quittèrent le pays (notre EDF national y laissant de gigantesques plumes).  

Les derniers épisodes sont connus :

-          Mme Kirchner pillant la banque centrale

-          Les hedge funds qui avaient racheté de la dette bradée exigeant le remboursement auprès de la justice américaine et gagnant.

-          La déréliction générale de l’Argentine.

Un pays qui ne sait pas gérer sa monnaie est livré nécessairement ou à ses créanciers et/ou au chaos.

La Grèce se trouve dans une situation similaire, parce qu’elle n’a plus sa souveraineté monétaire et que l’émetteur de monnaie banque centrale et le superviseur des émetteurs monnaie de crédit est étranger.  

La trésorerie des banques grecques est à sec parce que les Grecs ont déplacé leur argent à l’étranger soit en Euro soit en devises étrangères (beaucoup en Franc suisse). La valeur des dépôts est passée de 220 milliards à 140 milliards ces dernières années. Ces sorties n’ont été possibles que parce que la BCE a accepté de fournir jusqu’à 140 milliards d’euros aux banques grecques. La loi de l’euro veut qu’on ne puisse pas refuser la sortie des capitaux en euro ! Il faut bien que quelqu’un intervienne.

L’affaire de Chypre, où la BCE a imposé le vol d’une fraction importante des dépôts,  inquiète naturellement les Grecs qui ne conservent en banque que le strict minimum.

Le gouvernement grec n’a plus la ressource de créer de la monnaie pour lui-même. Les banques ne peuvent plus lui prêter, faute de trésorerie. Il est donc à la gamelle et attend constamment des subventions européennes qui ne lui sont données qu’au prix d’un « assainissement de la dépense publique » qui tourne évidemment à l’assassinat économique. La dette dépasse le PIB et s’aggrave !

La tentation devient très forte  de recourir aux mêmes facilités que les gouvernements régionaux argentins : faire circuler des certificats de dettes et leur donner le pouvoir de payer les impôts.

Au passage notons que la monnaie est toujours de la dette !

Ces certificats s’appellent des IOU (I owe you) en jargon anglo-saxon, de simples reconnaissances de dettes.

Sur le modèle de l’Argentino parlons plutôt d’Ellenikos.

La question juridique du droit d’émettre de l’Ellenikos et de lui donner un pouvoir de règlement n’est pas si nette que cela. Imaginons que le gouvernement décide finalement d’émettre « provisoirement » des reconnaissances de dettes en Ellenikos à hauteur de ses besoins internes tout en conservant l’Euro. Est-ce que cela pourrait marcher ?

Les fonctionnaires n’auraient pas le choix : ils seraient payés en Ellenikoi et les commerçants seraient sans doute forcés par la loi de les accepter. La mauvaise monnaie chassant la bonne, les étrangers venant en Grèce seraient sans doute obligés de payer leur hôtel en Euros. Pour éviter que les  recettes ne repartent aussitôt à l’étranger, il sera nécessaire de mettre en place un contrôle des mouvements de capitaux, lui totalement exclu par les traités.

De même que faire des 100 à 200 milliards d’Euros déposés à l’étranger ? Difficile de ne pas imposer leur retour ou un contingentement façon « corralito » : montant en euro que l’on accepte de voir détenue par les Grecs en Grèce ou à l’étranger. Là encore, les traités seraient violés.   

Il est à noter que les Ellenikoi seraient libellés… en Euros. Ne pas confondre avec un retour à la Drachme.

La Grèce comme l’Argentine n’a de ressources extérieures que via le tourisme et l’agriculture. C’est la seule source d’euros.  

Les exportateurs recevront donc de l’Euro mais ne pourront pas l’utiliser en interne. Il faudra les convertir en Ellenykoi sur un par de un pour un.

En revanche pour convertir les Ellenikoi, il faudra passer l’office des changes de la banque centrale de Grèce qui ne donnera de l’euro que pour des motifs limités (licence d’importation).

Peu importe si le marché noir qui permettra de convertir de l’ellenikos en euro marque une décote par rapport à la parité.

L’émission d’Ellenikoi mettra fin à la déflation sans recourir à des prêts en euros. Les recettes extérieures en euros permettront de rembourser progressivement des dettes d’Etat en Euros.   

A terme le gouvernement pourra racheter contre euro les ellenikoi ; sur la base de la parité ou avec une décote.

En dix quinze ans l’affaire pourrait être réglée.

Cela éviterait tous les ennuis actuels, récession terrifiante, injures réciproques, tentatives de vendre les biens agricoles en Russie en profitant de la surprime de violation des règles d’embargo, etc.

Les banques grecques verraient leur bilan  en Ellenikoi enfler sans avoir recours aux prêts de la BCE. L’Etat grec ne serait plus asphyxié mais devrait rester extrêmement prudent. Evidemment les prêts en ellenikoi risquent d’être problématiques. Mais actuellement les banques grecques ne jouent pratiquement plus qu’un rôle de banque de paiement. Plus personne ne veut de leur papier sinon la BCE.

La banque nationale grecque n’émettrait pas d’ellenikoi sinon par conversion de tout euro en ellenikos. Seuls les déficits du gouvernement grec et les exportations créeraient de la monnaie. Une différence avec le cas argentin ; Il y aurait naturellement une certaine inflation en ellenikos des prix à la consommation. Cela vaut mieux que la déflation.

D’accord, toutes les règles de l’Euro auraient été violées. Mais que fait-on depuis sept ans, sinon violer toutes les règles absurdes mises en place après Maastricht ? L’expérience argentine ne laisse pas d’inquiéter. La double monnaie n’a pas résisté longtemps. Mais en fait c’était un système à monnaies multiples : dollar, peso et monnaies substitutives. Ici il n’y aurait pas de Drachme.

Dernière remarque : le dollar n’avait pas avant 1971 de valeur intrinsèque : il donnait accès à l’or sur la base de 35 dollars l’once. Comme les Ellenikoi donneraient accès à leur valeur faciale en Euros. De même, qu’un temps, les billets de banque donnaient accès à leur contrepartie en pièce d’or.

L’avantage du système est qu’il donnerait un certain espoir. Après tout il existerait une perspective de s’en sortir sans tout casser.

Mené avec intelligence et doigté un tel système pourrait conduire à un retour à l’Euro finalement assez vite.  La situation actuelle en revanche est sans issue.

Une autre solution serait que la BCE crée elle-même la monnaie nécessaire à l’état Grec et provoque dans ce pays une inflation en Euro. Certains commencent à envisager la solution. De toute façon il faudrait mettre en place un contrôle des changes.

Créer un Ellenikos serait une meilleure solution car elle éviterait le risque de contagion ou seulement dans des pays si petits (le Portugal) que cela n’aurait guère d’importance.

La France ne pourrait pas mettre en place ce système-là. Mieux vaut qu’elle se réforme  et restaure sa compétitivité.

Deux mots sur la dette française

L'INSEE vient de présenter dans ses Tableaux la dette françaises hors intitutions financières à fin 2013.

Notons d'abord le retard à fournir des chiffres cruciaux. 14 mois, c'est bien trop. Le chiffre devrait être connu et publié dans les deux mois, au pire d'un trimestre sur l'autre.

Notons ensuite que l'on oublie les dettes du secteur financier qui sont extrêmement difficiles à bien cerner et à consolideer avec la quote part de dettes de la BCE.

Au 4.500 milliards de dettes, hors secteur financier doit s'ajouter les dettes cumulées du secteur financier. Les quatre pincipales banques françaises ont une dette cumulées (non consolidée) de plus de 6 000 milliards. 

On en est déjà à plus de 10 000 milliards, sans compter la BCE et le reste du réseau des institutions financières françaises.

Ce qui veut dire que notre taux d'endettement global est  bien supérieur à 400% du PIB et croit encore.

Ce chiffre doit être rapproché de la production des entreprises de plus de 1 personne du secteur non financier qui était fin 2013 autour de 1.200 milliard d'euros.

Croire que la production privée française va permettre de rembourser les dettes encourrues par les agents économiques français et la banque centrale européennes est une triste fadaise.

Face à cette réalité, le gouvernement Valls présente la loi Macron, dont l'effet sur la croissance du secteur privé non financier doit être environ d'un dixième de pourcent de PIB. Il aurait aussi bien fait d'attaquer la dette avec un cure-dent.

Un jour, on s'étonnera....

 

 

 

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Réflexion sur le SMIC

Le SMIG a 65 ans. Cette règle sociale fait encore discussion.

Les partisans du socialisme en font une conquête sociale marquante qu’il s’agit de conserver, perfectionner et étendre, parce qu’elle évite que le loup libre mange les poules libres dans le poulailler libre et qu’il y a quelque décence à ne pas faire travailler un citoyen à un salaire de misère.

Les économistes partisans des thèses libérales soulignent que le marché à un prix d’équilibre qui permet d’employer le plus possible de facteurs de production. Le travail est un facteur de production comme les autres. Forcer un prix au-dessus de la valeur d’équilibre du marché ne provoque que du chômage.

Nous reconnaissons un de ces faux-débats dont les Français sont friands. Tout est évidemment controuvé dans cette manière de voir les choses.

D’abord tout ce qui concerne le SMIGa été mis en place par la droite. C’est une loi Pleven qui créé le SMIG. Ce sera la droite qui unifiera les différents SMIG en 68 et qui créera le  SMIC (on passe d’une indexation sur les prix à une indexation sur la croissance). C’est encore la droite qui initiera la politique des « coups de pouce » au SMIC.

Le Parti Communiste, sous la direction directe des soviétiques,  mènera une lutte acharnée contre « cette ruse du capitalisme honni», la SFIO multipliant les réserves.

Il est vrai que Pleven a présenté cette mesure comme un moyen de lutter contre le communisme. Ce qui fait écrire aux communistes que sans leur pression, la mesure n’aurait pas été prise …

En vérité le SMIG avait une double fonction :

-          Sortir des blocages de la guerre qui ont perduré bien après la défaite de l’Allemagne. Salaires eet prix étaient administrés.

-          Eviter que l’inflation ne ruine les bas salaires.

Le salaire minimum inter-professionnel  était fixé bas, parce qu’il appartenait aux acteurs sociaux de définir des minima par branche. Les conventions collectives proposaient obligatoirement des minima qui étaient différents d’un secteur à l’autre.

Les SMIG étaient régionaux (une vingtaine de zones)  parce que le coût de la vie n’était pas les mêmes partout et parce que les niveaux de salaires historiques étaient trop divergents d’une région à l’autre.  « Placer le SMIG en Lozère au niveau de celui de Paris  n’avait pas de sens », selon l’expression de l’époque, «  et serait désastreux pour la Lozère dans le cadre de la politique de décentralisation ». C’était l’époque où le livre ridicule d’un certain Gravier (Paris et le désert Français) était à la mode. Bientôt le Plan deviendra une « ardente obligation ».

Sagement, on avait créé un salaire minimum agricole plus bas que le SMIG général.

Une fois le « miracle français » réalisé et les « glorieuses » bien mûres, l’idée générale dans les sphères politiques et administratives étaient de « faire dépérir le SMIG ». Comme il n’était pas indexé sur la croissance mais seulement sur les prix, son importance relative par rapport aux minima de branche qui eux étaient révisés par la négociation chaque année s’accusait de plus en plus.

Preuve qu’un système de salaires  minimum n’est pas en soi contraire au plein emploi si on le gère intelligemment.

Certains se demandaient même s’il ne fallait pas abroger les différents SMIG qui ne servaient pratiquement plus à rien sauf dans des cas très marginaux, du fait du quasi plein emploi. Le SMIG servait essentiellement à condamner les employeurs au noir un peu comme la législation sur la taille minimum des pièces à louer sert à coincer  les « marchands de sommeil ». Avec à peu près les mêmes résultats.

Mai 1968 est arrivé, et « l’énarchie compassionnelle » a considéré que la paix sociale exigeait que l’on remette sur le métier un instrument d’affichage social de portée national permettant au complexe politico-administratif de montrer sa belle âme et continuer de régner comme avant.

On a donc commencé par supprimer les 20 zones de SMIG, sans grand dommage, puisque les minima par branche étaient tous supérieurs au plus haut des SMIG. L’ennui, c’est que l’instrument devenait national et permettait au politique d’agir facilement et globalement sans avoir à mener des discussions locales.

C’est donc Chaban-Delmas (assisté de Delors), qui va remettre en selle une institution sans danger et utile marginalement pour éviter des abus, dans le cadre de la  « nouvelle société ».

On quitte alors le concept de « minimum vital » pour celui de petits salaires devant participer  à la croissance générale. On est en pleine réflexion au Club Jean Moulin sur la politique des revenus. Les énarques commencent à croire que leur devoir est de régler la répartition des revenus créés par l’entreprise, qu’ils entendent également « réformer » (Le livre de Bloch Lainé, « Pour une Réforme de l’Entreprise »,  est aujourd’hui illisible sauf pour son comique involontaire).  

On est à la fin des « trente glorieuses » mais on ne le sait pas. La crise du syndicalisme est manifeste en France où la négociation ne fonctionne pas ou très mal. La  CGT refuse toute « collaboration » avec le capitalisme honni et tient les autres organisations syndicales sous sa pression.

Il est intéressant de noter que le passage au SMIC ne soulève pratiquement aucune objection dans les milieux patronaux. Il s’agit d’être « moderne » et de ne pas « injurier le futur ». La paix sociale d’abord.

L’histoire ultérieure du SMIC  sera celui d’une catastrophe politique et économique. Une véritable leçon de chose de démagogie à effets pervers.

Disposant d’un instrument national à fort affichage politique (« le salarié pauvre » va faire son apparition dans le vocabulaire politique, au même titre que le chômeur comme objet de cadeau au peuple), les politiques vont commencer une saga qui, avec le recul, prend l’allure d’un délire.

D’abord, on va « charger » le SMIC. Progressivement les charges vont représenter plus que le net. Au sommet de l’évolution, quand une entreprise payait net 100 F au salarié, les prélèvements complémentaires étaient à 120-130.

Ensuite on va vicier le mécanisme de croissance du SMIC en le faisant croitre plus vite que le PIB. Cette démagogie va commencer avec Giscard d’Estaing et s’amplifier sous Mitterrand, et grimper sous Chirac jusqu’à un pic délirant sous Jospin.

Seulement voilà : les trente glorieuses sont mortes en 1971 avec le changement de système monétaire international.  Dix années de « Stagflation », mise sur le dos du pétrole, et le programme Commun de la gauche, ont mis l’économie française par terre. Elle ne va plus se remettre.

Le résultat est radical :

Le SMIC dépasse puis laisse sur place  tous les minima prévus dans les conventions collectives qui du coup laissent les partenaires sociaux sans « grain à moudre ». La négociation sociale perd tout contenu.

La hiérarchie des salaires s’écrase au point que l’essentiel des salariés est payé au SMIC.

Sous le double effet du chargement du SMIC et de la hausse de son taux, le chômage devient massif. On passe de quelques centaines de milliers à quelques millions.

Le SMIC aura été l’instrument privilégié de la préférence pour le chômage. Jospin complètera le dispositif avec les trente-cinq heures et le blocage administratif de la vie sociale dans l’entreprise.

On construit cette horreur au moment même où Delors et les Enarques de gauche considèrent qu’il faut faire entrer l’économie française dans une concurrence mondiale totale.

La contradiction entre des coûts d’emploi aggravés et une concurrence terrible des pays à bas salaires,  est évidente, avant même les mesures Schroeders qui, elles, dopent la concurrence d’un pays exportateur du fait de la puissance de son industrie.  La compétitivité des activités de main d’œuvre française s’effondre.

En 2000, le « manque à gagner » dans les effectifs salariés privés atteint près de 10.000.000 d’emplois, en dépit de la très forte hausse mondiale de l’emploi des années 97-99.  Le chiffre est facile à calculer : il suffit de faire le ratio entre population totale et population salarié dans les 5 pays du monde les plus efficaces et de l’appliquer à la France. Pour 62 millions d’habitants on devrait avoir entre 25 et 28 millions de salariés. On en a entre 15 et 18 selon les chiffrages. 

Face au désastre, on commence à revenir en arrière avec des mesures de plus en plus imbéciles.

On détaxe les bas salaires pour leur rendre un minimum de cohérence avec les valeurs du marché. Mais les charges globales elles ne baissent pas : le massacre fiscal des entreprenants peut commencer ; on tuera l’investissement après avoir tué l’emploi salarié. 

On détaxe les heures supplémentaires, jolie démagogie Sarkozienne car il faut répondre à la question du consumérisme électoral :

-          « Qu’allez-vous faire pour le  (mon) pouvoir d’achat ? »

Mais qui paie cette libéralité ?

On détaxe les emplois familiaux. Même questions : qui paie ?

Qui paie, sachant que, déjà, il faut payer pour financer les trente-cinq heures ?

La France s’enfonce dans le chômage de masse, l’hyperfiscalisation, les artifices politiciens démagogiques, le sous-investissement, les déficits commerciaux.

Avec l’énarque Hollande, on passe à la dimension supérieure : l’asphyxie totale du pays.

La France passe au 7ème rang des pays pour le PIB. Elle s’enfonce dans la dette (près de 100% du PIB)  et le chômage (plus de 5 millions). L’hystérie fiscale bloque tous les marchés : le bâtiment s’effondre, l’immobilier suit, l’investissement industriel est ridicule, les entrepreneurs fuient.

La totale.

Devant un désastre devenu indécent, un nouveau changement à 180% se produit. Voilà Macron, en majesté, une réforme microscopique et un « pacte » qui redonne en partie ce qui avait été pris mais sans toucher aux vaches sacrées : SMIC en folie ; blocage social ; hyper-fiscalité aggravée etc.

Que conclure ?

Un salaire minimum n’est pas une catastrophe si on respecte quelques conditions :

-          Pas de gestion politique nationale

-          Codécision patronat syndicat par branche

-          Garantie de pouvoir d’achat (smig et pas smic) et valeur nettement supérieure aux garanties chômage minimales et aux minima sociaux.

-          Nombreuses dérogations pour aider les populations fragiles à trouver de l’emploi.

-          Filet de sécurité, certes, mais  par zones géographiques en fonction du niveau des prix locaux.  Paris n’est toujours pas la Lozère.

-          Revalorisation négociée et tenant compte du cycle et du nombre de chômeurs. 

-          Révision de la notion de charges sociales pour un concept de salaire différé, avec baisse du salaire différé par rapport au disponible.

Le drame actuel c’est qu’on considère les salaires minima comme des variables globales d’ajustement international. On dit : l’Allemagne doit créer des salaires minima pour diminuer ses excédents. On demande à la Grèce de diminuer les salaires minima pour faire face à ses dettes.  

Le SMIC devient un instrument global d’ajustement macroéconomique.

Alors qu’il doit être une valeur de contrôle des abus salariaux éventuels et géré dans la microéconomie au plus près des branches d’activité et des réalités régionales.

Tous ceux qui ont cru qu’ils pouvaient jouer au Monopoly avec les grandeurs essentielles de l’économie, soit par idéologie, soit par démagogie,  soit même par l’effet de bons sentiments, n’ont commis que des catastrophes. L’effet pervers est quasiment automatique. Le progrès social passe par une politique macroéconomique qui favorise et une micro-économie qui enrichit.

On peut constater que les cadres macroéconomiques qui ont été mis en place depuis 1971 aussi bien dans l’organisation mondiale, qu’européenne et française sont dépressifs et que la micro-économie a été mise sous tutelle au point de l’étouffer, ou sous des tensions telles qu’elle a fini par craquer.  

Quand la BCE finit de manger son chapeau allemand

La BCE vient de prendre la décision de fournir près de 1.100 milliards d'Euros de liquidités aux banques.

Cette décision stimule des commentaires plus ou moins ridicules dans les medias, en même temps qu'elle est totalement incompréhensible pour le citoyen de base.

Quelques rappels sont nécessaires.

Au départ de la crise on trouve une élévation, globale depuis 1971, du taux d'endettement dans les pays développés, jusqu'à dépasser 400%, un taux intenable.

La cause de gonflement est à chercher dans le phénomène de double pyramide de crédits rendu possible par le système des changes flottants et l'abandon de l'interdiction d'accumuler excédents et déficits de balances de paiements, dans un cadre de liberté quasi-totale des mouvements de capitaux.   

Cette mécanique funeste a fait passer progressivement l'économie mondiale dans un mode baudruche. Les crises décennales ont été progressivement plus violentes et le trend s'est ralenti jusqu'à être très faible.

Surtout, la baudruche a commencé à percer en 2007, avec le blocage du marché interbancaire puis a explosé en septembre 2008, avec la grande faillite de Lehman-Brothers.

Une perte potentielle de 10 à 12 mille milliards de dollars a alors frappé le système financier, mettant tout le système bancaire en état de faillite virtuelle.

Si aucun mécanisme compensateur n'avait été mis en place, la dépression aurait nécessairement suivi avec la perte de toute l'épargne financière mondiale et la faillite de la totalité des banques.

On sait que le G.20 a refusé de faire un vrai diagnostic de la crise, préférant l'imputer à des guignoleries (avidité soudaine des traders, mauvaises pratiques des agences de notations, règles comptables frelatées etc.).

Il aurait fallu revenir immédiatement (et si possible dès l'été 2007) à un système de changes fixes et coordonnés, et condamner radicalement tous déficits ou excédents excessifs. Et réformer  le système bancaire en isolant les banques de paiements, les banques de crédits, les banques d'affaires et les institutions de gestion de l'épargne. A cette occasion, il aurait fallu mettre sous tutelle voire nationaliser les banques les plus engagées dans des spéculations absurdes, en changeant les équipes dirigeantes.

On ne l'a pas fait, préférant mettre à la charge des contribuables, donc de l'activité, l'essentiel des dégâts, mais pas trop vite. On a retardé le plus possible le jour du jugement dernier. Le hanneton a commencé à pousser devant lui sa boule de crottin. Evidemment, il se fatigue. A chaque accès de faiblesse, la crise repart.

Les grandes banques centrales ont fait marcher la planche à billet et fourni de la liquidité en masse pour éviter un "credit-crunch" dévastateur. Du fait que le multiplicateur bancaire joue à la hausse comme à la baisse, le potentiel de restriction financière aurait pu atteindre 50 à 60.000 milliards de dollars.

Les banques centrales ont globalement créé près de 10.000 millions de liquidité banque centrale pour contrer ce mouvement.

La FED a presqu'atteint la moitié de ce nombre. La BCE n'est pas très loin derrière. Son émission de monnaie n'est pas du tout la première. Le bilan de la BCE est passé de 1.000 milliards à 2.500 fin 2012. Depuis nous en sommes à la seconde émission. Le bilan atteint 4.000 milliards fin 2014 et sera de plus de 5.000 milliards fin 2015, soit une hausse globale de près de 4.000 milliards. La seule nouveauté de l'émission actuelle  est purement juridique et concerne les actifs que la banque centrale accepte de refinancer.

Au total, les accroissements de liquidité des banques centrales atteindront plus de 12.000 milliards fin 2015. On retombe bien sur nos estimations des pertes faites dès 2008.

Pour les Français, l'intéressant est de comparer ce chiffre à la valeur ajoutée de ses entreprises de plus de 1 personne du secteur marchand commercial : 1.200 milliards en 2013.

La BCE créera cette année le même montant de liquidité que la production française privée non financière et non étatique. Elle avait déjà créé le double !

La nouveauté n'est donc pas économique mais seulement juridique. Il fallait faire tomber le dernier tabou : refinancer les dettes d'état. Le jugement de la cour de Karlsruhe a libéré le terrain.

Une décision à caractère juridique peut avoir un effet économique. Mais une création monétaire exceptionnelle a le même effet qu'elle soit basée sur le rachat d'actifs privés plus ou moins pourris ou sur de titres représentatifs d'une dette d'état. Un sou et un sou quelque soit son origine.

D'un point de vue juridique la décision de la BCE est une novation. Du point de vue économique ce n'est qu'une continuité.

En revanche, on voit comme l'organisation de la zone Euro était défectueuse. Une vision purement juridique ne permet pas de faire face aux situations économiques exceptionnelles. Tout faire reposer sur une banque centrale est également fautif.

On n'aurait pas du créer une zone Euro sans poste de chancelier de la zone avec des attributions permettant d'ajuster les économies internes et de s'adapter aux économies externes.

On donne à la BCE un rôle de gestion du change qui n'est pas dans ses attributions, alors que le change dépends de mille autres facteurs. On a aussi perdu énormément de temps.

Rappelons qu'au départ de la crise de l'Euro, lors de l'effondrement de la Grèce  et de l'attaque spéculative  sur les taux d'intérêts en Europe, il suffisait de 40 milliards d'euros pour passer le cap. On a préféré imposer à tous les pays du sud une déflation terrible avec une récession carabinée et un chômage de masse.  Et finalement on aura du créer ex nihilo 100 fois cette somme.

Il est bien prouvé que la crise est d'origine monétaire et liée directement aux défauts du système monétaire international et que l'organisation de la zone euro est imparfaite.

Comme dans les années trente, tous les grands pays auront finalement dévalué pour se retrouver Gros-Jean comme devant quelques années plus tard. Ces dévaluations successives, dans un monde de liberté des mouvements de capitaux,  auront entraîné des folies spéculatives et entravé l'économie réelle, sans apporté de vraie solution.

La décision de la BCE, connue de la BNS,  a forcé cette dernière à faire sauter son "peg" en urgence (son lien gérée entre Franc suisse et Euro) avant qu'un flux massif de capitaux vers le FCH ne l'entraîne dans des cabrioles dangereuses. Les imbéciles ont crié : "c'est bien la preuve qu'un peu de fixité est impossible. Vive les changes flottants". Les voilà, une fois de plus,  en adorateurs des causes de la crise ! En vérité aucune monnaie ne peut supporter que celle d'un partenaire commercial s'effondre. C'est la chute du Real brésilien qui a provoqué celle du Peso argentin. Et la chute du Real avait été rendue nécessaire par la brusque appréciation du dollar, elle-même liée à une double spéculation sur le dollar et les bourses américaines.

A partir du moment où le dollar avait dévalué, et la Livre britannique et le Yen Japonais, et le Rouble et le Won etc. l'Euro ne pouvait rester aussi haut.

Les mouvements récents ont mis par terre le Forex et tous les agents travaillant sur le marché monétaire. Les industries Suisse sont KO. Un désordre est toujours un désordre.

La Presse se demande si "cela va marcher", rappelant le succès américain, largement imputé au gaz de schiste, voire anglais, imputé à la place financière de Londres, mais aussi l'échec Japonais.

Cela marcherait si l'activité commerciale nationale et internationale repartait d'un bon pied. Les mesures prises depuis 8 ans n'ont pas principalement cette vocation. Comme nous l'avons vu, le but est de faire face à la perte de 12 mille milliards de dollars  encourue par l'économie baudruche. On a sauvé les banques artificiellement, en faisant intervenir les Etats. Maintenant on sauve les Etats qui sont à bout de souffle fiscal.

On évite un krach général. Mais on ne stimule rien. Les taux d'intérêt sont déjà extrêmement bas, presque trop bas pour une rationalité économique d'entreprise. Les entreprises ont besoin de demande globale. On ne peut leur restituer qu'en "rendant l'argent" aux consommateurs et en cessant de voler les entreprises et leurs propriétaires.

Au total, faute de vouloir réformer le système monétaire international, chaque sous-système est obligé de prendre des mesures d'urgence pour tenter de ne pas subir seul les effets de la crise et la crise perdure indéfiniment.

Une économie baudruche percée de toute part, avec des instances dépassées qui tentent de maintenir la quantité d'air de façon artificielle au lieu de colmater les brèches  n'est pas une organisation intelligente de l'économie internationale.

Il faut d'urgence que les pays du G.20 remette en place un système de changes fixes et ajustables, mettent fin à la liberté totale des mouvements de capitaux  et se mettent en position pour une croissance mondiale rapide, comme celle qui a vu l'endettement global d'après guerre passer de 400 à 200% en 20 ans, sous l'influence d'un système régulé qui interdisait grands déficits et gros excédents.

Il faut que la zone Euro achève sa mue en créant un poste de chancelier disposant des attributions nécessaires à l'ajustement en temps utile des différentes économie et à la gestion du paquet de dettes résiduelles. La BCE ne peut pas tout.

Il faut que la France sorte du socialisme fiscalo-étatiste antinational qu'elle est la seule à pratiquer à cette échelle et revienne dans les clous d'une économie équilibrée, après une réforme drastique de l'Etat et de ses dépendances.

Dans ces trois domaines, on joue la procrastination,  on évite, on tangente, on met la tête dans le sable, on enfume l'opinion, mais on est finalement obligé de plier. Trop peu et trop tard.

Résultat la crise est plus longue et plus coûteuse que nécessaire.

Regrettons une fois de plus que la terrible mais limpide leçon des faits ne soit pas entendue.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

2015 : pour qui sonne le glas ?

Dimanche dernier le glas a sonné. La France  directement atteinte en son tréfonds s'est réunie. Nous avons décidé de cesser tout commentaire pendant une semaine. Mais les grands deuils sont aussi la condition d'un sursaut si l'indignation et le chagrin n'interdisent pas l'action. Même si on n'a guère envie de revenir sur ce que fut la désastreuse année 2014, il importe d'en tirer quelques leçons.  

La question, en 2013, était de savoir si l'optimisme de commande des autorités était justifié alors que le budget de 2012 emmenait la France droit à l'échec économique. Nous avons eu la réponse  : une année Hollandibilis et horribilis se terminant par la révolte des Bonnets Rouges et l'annonce d'un changement important de politique. Le socialisme se transformait, au PS, en social-démocratie avec un siècle de retard ! Les augures intéressés avançaient que l'année 2014 serait enfin celle de la reprise. Les journalistes de cour accumulaient les sarcasmes contre les "déclinistes" et les spécialistes de la déprime nationale qui ne voyaient ni le monde, ni l'Europe et encore moins la France en grande forme. Fustiger les Cassandre est un marronnier qui refleurit chaque année à la période des vœux.  En début d'année, tout allait donc bien, Madame la Marquise. 2014 serait meilleur et la "boite à outils" mise en place par le chef des socialistes montrerait ses effets lumineux.

Seulement voilà : les faits sont têtus.

Le monde a encore connu, en 2014, une année désastreuse. Certes les Etats-Unis, appuyés sur une monnaie nationale qui est aussi la monnaie du monde (à plus de 80%) et un dynamisme pétrolier probablement temporaire mais indiscutable, sont repartis en croissance  et dans une moindre mesure la Grande Bretagne.

Au global, le commerce international est à l'arrêt, les flux financiers sont toujours déréglés et spéculatifs, et l'économie baudruche, percée de partout, et regonflée artificiellement par des injections gigantesques de monnaies banque-centrale n'est qu'une Montgolfière ballotée dans des cieux tourmentées.

Ce sera le cas tant qu'un nouveau système monétaire international ne sera pas mis en place.

L'exaltation juridique et nationaliste des Etats-Unis a conduit à la mise en œuvre de Fatca, une loi inique et grotesque qui a une conséquence imprévue : plus aucune banque mondiale ne veut ouvrir de comptes aux détenteurs de passeport américain. Les double-nationaux abandonnent leur nationalité américaine en dehors du pays. La volonté des Américains de faire croire que la crise est le fait de "méchants" les a conduit à infliger des amendes grotesques à des banques américaines mais aussi étrangères, portant sur des dizaines de milliards de dollars. Le système ne peut pas être mauvais, seulement les personnes ! En même temps, les entreprises américaines colonisaient le monde sans pratiquement payer d'impôts. Cette dualité intolérable est là pour durer. Elle n'a pas empêché la Chine de devancer les Etats-Unis, sur certains critères, comme première puissance économique mondiale. La faiblesse d'Obama, fait prix Nobel de la paix dès son premier jour de mandature pour lui rogner les dents et lui lier les mains, entraîne par ailleurs l'effondrement de la puissance  américaine, permet à Poutine d'annexer une partie de l'Ukraine et de créer la guerre civile dans l'est du pays, stimule la volonté des Japonais de retrouver leur puissance nucléaire et pousse le ressentiment musulman au delà de l'inhumanité absolue.  

Un désastre économique a toujours des conséquences politiques déplorables.

Du coup, le pétrole que les écologistes nous annonçaient à 200 $ le baril se retrouve à moins de 50, ruinant les pays rentiers dont la Russie et le Venezuela. L'Arabie Saoudite, alliée surprenante des écologistes les plus sectaires, expulse plusieurs millions de personnes "allogènes" et fait patiemment fermer toutes les exploitations pétrolières coûteuses de ses concurrents. Les imbéciles qui prétendaient que la crise du pétrole était simplement un fait de marché lié aux excédents temporaires de production, doivent constater que toutes les matières premières sont en repli avec parfois des baisses pires que celles du pétrole. C'est l'abandon radical de la spéculation sur les cours de matières premières, liées aux mesures de contrôle mises en place aux Etats-Unis qui est à la source du renversement total des perspectives. La manière dont la spéculation a été conduite par quelques fonds et grandes banques est, elle, clairement délictueuse.

La réaction judicaire américaine a donc des effets contradictoires : elle arrête des modalités de spéculations dévoyées, tout en empêchant les grandes réformes nécessaires !

Le désordre international est donc un peu plus profond en fin d'année 2014 qu'il n'était en fin 2013. Il suffit de constater ce qui se passe actuellement sur le front monétaire international pour constater des désordres que l'on peut qualifier d'inouïs. La BNS a tué les spéculateurs du Forex. L'Euro s'effondre comme de nombreuses monnaies alors que la BCE annonce qu'elle va faire exactement tout ce qui était jusque là interdit. Il ne restera rien du chapeau dont s'était affublé M. Trichet.   

L'Europe de la zone Euro, étranglée par ses politiques déflationnistes, asphyxie par contagion ses principaux clients. L'année 2014 aura été celle de la consolidation à un niveau très bas. Faute des institutions de gestion nécessaires à une zone de monnaie unique, l'illusion qu'une reprise serait possible uniquement par la grâce d'un président de la BCE non conformiste, s'est dissipée dans les nuées. Depuis huit ans, nous crions inlassablement qu'une Banque centrale est comme la psychanalyse, incapable de soigner quelques maux que ce soit, sinon ceux qu'elle a créés.  

L'Europe est à la traîne. Les élections européennes ont été un théâtre d'ombres, permettant aux pays les plus petits de s'arroger l'essentiel des places contre les piliers européens que sont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. L'idée Rooseveltienne d'une Europe lavette dont les nations puissantes auraient été noyées dans un lac de petites nations sans envergure et ficelées par une bureaucratie aux ordres, est désormais en place. Le choix comme président de la Commission d'un ancien chef du Luxembourg, état microbique dont le jeu est de s'enrichir en favorisant fiscalement les grandes multinationales étrangères et notamment américaines, est plus que significatif. Le risque de dissolution des grandes forces européennes a été aggravé par le referendum écossais, légal, et le referendum catalan, illégal. Si les grandes puissances historiques sont dissoutes dans des micros ensembles, elles n'auront plus aucun moyen de mettre en commun les ressources nécessaires à ne serait-ce que leur défense nationale.  L'Angleterre seule, sans l'Ecosse et le pays de Galles ne peut plus avoir d'armée significative.  L'Espagne sans la Catalogne et le pays basque non plus. Pas plus qu'une Italie coupée en deux. Ne parlons pas de la France, si l'Alsace, la Lorraine, la Bourgogne, la Corse, la Bretagne, la Savoie, la Normandie, le Jura, l'Auvergne, la Guyenne-Gascogne, le Pays basque, "l'Occitanie", la Picardie, les Flandres  et le Comtat-Venaissin venaient à acquérir leur autonomie. La dissolution de l'Europe en micro états de dimension vicinale est la mort de l'Europe tout court.

A l'occasion des élections européennes, le Parlement s'est permis un "coup d'Etat" (selon l'expression de VGE), liant le résultat du vote et la présidence de la Commission. Pourquoi se gêner ?  Quant aux résultats de ces élections en France, on l'a vu : après une campagne électorale creuse et même, pour l'essentiel, carrément inexistante, où les grands Partis se sont contentés d'ajouter quelques recalés du suffrage universel direct à leurs européistes qualifiés, le Front national a emporté la mise, sur fond d'abstention débilitante, entraînant une réaction de marginalisation de la France dans toutes les institutions. Ce qui veut dire que l'idéal européen est en lambeaux, et que la France a les pieds pris dans les déchets.

Quant à la France ! Commencée dans le vaudeville, l'année présidentielle a enchaîné sur des convulsions politiciennes grotesques, avec la disparition sans gloire du gouvernement Ayrault, puis une crise gouvernementale de l'équipe suivante, sans causes nationales sérieuses, aboutissant à l'éviction de deux ministres, dont le ministre de l'économie, parti aussitôt apprendre la gestion dans une école de management ! Le scénariste le plus délirant n'aurait pas osé imaginer une histoire aussi débile.

Comme chacun sait, l'histoire est tragique. Voici qu'un Français a été décapité dès son arrivée sur un sol arabe, sans aucune réaction du gouvernement et dans la foulée, des musulmans en folie foncent dans les foules françaises à Noël. Des centaines de musulmans nominalement français mais qui ne se considèrent pas comme tel, partent massacrer, violer, terroriser dans les pays où l'islamisme, enflammé par les conquêtes et exactions occidentales puis israéliennes depuis des décennies et nourri par la rente pétrolière, a été libéré par des Occidentaux malavisés des régimes forts qui le contenait.

F. Hollande qui pensait se faire une image de chef en envoyant ses troupes contre l'Islam à l'étranger se retrouve avec un second front intérieur, alors que, suivant les recommandations de Terranova, il avait fait du terreau musulman son électorat privilégié. A peine a-t-il recommencé à le courtiser en proposant l'élection des étrangers aux municipales que deux frères délinquants séduits par la violence illimitée islamiste et le surmoi qu'elle permet aux faibles d'esprit, entraînés au Yémen par Al Qaïda, mais qui sont représentatifs d'une forme d'irrédentisme musulman proprement national qui s'amplifie depuis des années, massacrent toute la rédaction d'un journal marginal mais sympathique et qu'un troisième tue à répétition aux portes de Paris de façon synchronisée. L'arrogance d'une fraction croissante des enfants d'immigrés musulmans vis-à-vis des "gaulois", leur volonté de ne pas s'assimiler, leur revendication identitaire et religieuse dans la cité, dans l'armée et dans l'entreprise, la provocation vestimentaire ou alimentaire permanente, le refus d'accepter le contenu républicain et national de l'enseignement public, la tendance à la délinquance de ses jeunes, le romantisme du combat armé sans règle humanitaire depuis la guerre de Yougoslavie, attisé par la conscience d'une domination démographique dans certains territoires de la République Française, créent les conditions d'une guerre civile larvée.  En nous embarquant dans des guerres religieuses au Moyen-Orient et en Afrique, nous n'avons fait qu'attiser un feu qui couve depuis des années.

On a accepté de changer l'enseignement de l'histoire et les règles de l'école pour ne pas fâcher les élèves musulmans, on a toléré que l'hymne national soit sifflé en masse au Stade de France, on a trouvé expédient de substituer aux Français dans les logements sociaux des millions d'étrangers n'attendant souvent de la France que des indemnités, on a chanté inlassablement aux Français qu'ils étaient des "beaufs" et des "salauds au sens sartrien du terme". La veille des assassinats politico-religieux des frères Bouaki, la télévision passait le film de Tavernier, "Coup de torchon", présentant les Français au temps des colonies comme des porcs bons à être saignés par un justicier pas très propre sur lui. "Français vous avez des devoirs vis-à-vis de ceux qui vous tuent, car vous avez péché". Déjà, le jour où des avions démolissaient les tours jumelles de New York, le fameux "11 septembre", un excité s'exaltait à condamner les Français sur France-Inter pour l'affaire de Sétif ! Rappelons qu'Hollande lui-même a tenu à stigmatiser, il y a moins d'un an, la répression d'une manifestation interdite du FLN de 1961, à une époque où les commissariats étaient protégés des exactions des Fellaghas par des guérites en béton. Les autorités n'avaient pas voulu laisser la rue et le haut du pavé au FLN. Pas plus qu'elles n'avaient voulu que l'OAS y fasse régner la terreur. Sans faiblesse et même sans pitié.

Nous voici avec un 7 janvier 2015, où les menaces contre la liberté d'expression et de pensée ont été mises à exécution par des musulmans dignes justement du FLN, de l'OAS ou d'Action Directe. Ce passage à l'acte ouvre une autre période de l'histoire française.

Sur le terrain économique, les cartes sont désormais étalées. La France finit l'année avec des déficits aggravés, des dettes aggravées, un chômage aggravé en nombre et en durée, des faillites record, une construction à des niveaux ridicules, des familles ruinées par les impôts, des jeunes, des patrons, des retraités et des entreprises en fuite vers l'étranger. La réponse est une loi poudre-aux-yeux promue par un certain Macron qui fait du tort aux professions que les socialistes n'aiment pas et qui n'a strictement aucun intérêt économique autre qu'anecdotique ou politicien, comme on voudra.

L'important, pour tout ce petit monde, est la stratégie politique présidentielle de M. Hollande qui n'intéresse pourtant que lui-même et ses clans mais qui doit s'imposer aux Français. Surtout pas de réformes sérieuses qui pourraient coaliser des masses ou des énervés disposant d'un pouvoir d'agitation. Alors on ne redéfinit pas à la baisse  les missions du moloch étatique : la fonction publique et toutes les mille-et-unes organisation publiques et parapubliques, c'est électoralement sacré. La SNCF s'effondre ? Tant pis. EDF et le CEA forment un Etat dans l'Etat de plus en plus nul et coûteux. On s'en fiche. Les intermittents du spectacle ? Le déficit de leur régime extravagant de financement par les autres de leur temps d'inactivité est sanctifié, sacralisé et "sanctuarisé" ! Mais oui, le Premier Ministre a parlé de sanctuaire. Les déficits démagogiques, c'est malsain mais c'est saint !  Alors qu'il ne s'agit que d'un abus délirant responsable du tiers des déficits de la branche chômage pour un nombre ridicule, mais en forte augmentation, de bénéficiaires. On se pince, mais tout cela est vrai.

"L'achat de vote" recommence. On rajoute aux impositions déraisonnables et spoliatrices, portant sur les réussites, l'impôt que l'on supprime à "9 millions de foyers" ! Raisonnable et républicain ?

On perfectionne les gratuités, notamment dans le domaine de la Santé, afin de rendre les situations vraiment inextricables, au prix d'une dérive bureaucratique de qualité soviétique . Il ne s'agit rien de moins que de supprimer les libertés médicales. Les médecins, qualifiés et utiles, devront demander, avant de lancer des traitements, l'autorisation préalable à des sous-fifres sous-qualifiés, planqués dans ces usines à incapables que sont les Agences Régionales de la Santé. Leur rémunération dépendra du bon vouloir de bureaucrates dont la compétence peut s'apprécier tous les jours, à la mesure de nos déficits et des désordres de plus en plus graves qui agitent le domaine. Une occasion de plus de rappeler que tout le secteur dit social est entre les mains de pseudos-cadres, marqués politiquement, sortis d'enseignements le plus souvent très faibles, ivres d'un pouvoir à peu près totalement incontrôlé, ayant acquis une presque totale indépendance et nourris par des prélèvements constamment croissants. Pour eux : "la crise connait pas". Le gouvernement Valls reflète assez bien cette sous-bureaucratie politisée, sans mérite et sans valeur, à qui on a laissé trop de pouvoir. Autant dire que l'année 2015 s'engage sous les meilleurs hospices !

La France est désormais plus qu'engagée dans le maelstrom du déclin. Son revenu par tête a encore baissé en 2014. Son rang économique aussi. Ce n'est pas le pseudo pacte de responsabilité qui changera quoi que ce soit. Ce dispositif est purement politicien et n'a pour but, malheureux mais évident, que de renvoyer sur les entreprises l'échec socialiste et lui permettre d'avoir quelque chose à dire pour faire réélire son chef. Quo non descendam ?

Voilà le monde largement à l'arrêt économiquement et sous la pression de musulmans fanatisés en armes sur plusieurs continents. Pendant que la France pleure 17 morts, Boko Haram vient d'en tuer 2.000, en rasant 16 villages, avec vieux, femmes et enfants, pratiquement sans un mot dans la presse française. L'Europe est en pleine dérive. La France renifle des effluves de guerre civile. Elle flirte avec la déréliction économique irrattrapable, avec un président requinqué par le sursaut d'unité nationale des Français et  qui frétille de bonheur déplacé de pouvoir s'exprimer sans être aussitôt sifflé. Après tout le massacre historique que l'on vient de connaître a été évité en Belgique et subi en France. Le succès de la police de doit pas grand-chose au Ministre de l'intérieur qui indiquait en été 2014 : "Ce n'est pas un délit de prôner le djihad" (RTL - 5 Août 2014), ni une garde des Sceaux, incapable d'assurer le suivi judiciaire de condamnés dangereux à qui elle cherchait à éviter une "prison qui empêche la réinsertion".   

Politique et économie sont liées. Lorsqu'on atrophie l'économie par idéologie et esprit politicien, on met aussi en cause la stabilité politique d'un pays. Et lorsqu'un pays pourrit par sa tête politique, son économie souffre aussitôt. Peron a mis l'Argentine par terre. Chavez a ruiné le Venezuela. Papadopoulos a abaissé la Grèce et aggravé ses tares traditionnelles. Castro a laminé Cuba. Mugabé a tué et affamé son peuple. Le FLN a fait de l'Algérie un pays intolérable que fuit sa jeunesse. L'Iran des Mollah est une infection. Poutine ruine la Russie.  

L'économie française se défait par la politique. L'échec économique défait la France. L'équipe que dirige M. Hollande, a prouvé en deux ans et demi qu'elle n'était pas au niveau des missions qui devraient être les siennes, et qu'elle n'a pas les moyens de sortir le pays de l'ornière dangereuse où il se retrouve.

L'unanimité des bons sentiments dans le chagrin et la pitié est une bonne chose, à laquelle nous nous sommes associés totalement. Les moments d'unité nationale sont trop rares pour les bouder.

Elle ne pourra pas longtemps faire oublier qu'aucun Français digne de ce nom ne peut  admettre que la France en général et son économie en particulier tombent si bas. Le drame de l'insurrection musulmane djihadiste qui s'enracine en France et risque de s'étendre et de s'aggraver encore, sur un terreau social dégradé, s'ajoute au drame que sont les résultats économiques de 2012, 2013 et 2014.

Puisse les Français comprendre dans leur tréfonds national que la vocation de la France n'est pas l'effondrement économique, la déréliction sociale, la dégénérescence du politique dans la démagogie clientéliste et la comm', la dissolution nationale dans une Europe croupion, et l'épuisement dans une variante larvée de " guerre des civilisations".

Un cycle historique qui a vu la France s'enfoncer si bas doit se refermer. Et un autre commencer. Il implique une autre vision de l'organisation mondiale, de la construction européenne et de que doit être la France.

L'échec économique global, l'échec européen et l'échec français ont tous les trois des causes précises. On ne peut en rester là.

Nous avons écouté le glas. Maintenant il faut entendre le tocsin !

 

PS : Nous donnons ci-dessous, comme chaque année, les résultats de la fréquentation de ce blog qui a dépassé 690.00  lectures cumulées de personnes différentes, soit une hausse de 190.000 en un an (grosso modo le nombre des chômeurs supplémentaires en France. Espérons qu'il n'y a pas de corrélation !).  Trois articles font leur apparition dans le palmarès des articles les plus lus. Ils touchent à l'essentiel et nous sommes heureux que leur importance soit ainsi reconnue. La question de l'organisation bancaire est centrale. "L'étrange nature du dépôt bancaire" est désormais un thème qui retient l'attention, bien que le chemin reste long vers les banques de paiements et les spécialisations bancaires que nous préconisons. Les observations de J. Rueff sur les doubles pyramides de crédit sont fondamentales pour comprendre la situation actuelle. Nous nous réjouissons de les populariser ici. Plus surprenant notre bulletin de conjoncture de juin 2008, annonçant clairement la crise, a fini par retenir l'intérêt des lecteurs avec 6 ans de retard. Nous avons ici prévu une crise dure et longue en temps voulu, malgré tous les propos des nigauds qui ne cessent de répéter que cette crise était imprévisible. L'important n'est pas la gloriole du "je vous l'avais bien dit" mais de comprendre les chemins de cette prévision et le diagnostic qu'elle sous-tend. Plus que jamais, nous persistons et signons :

- Il faut mettre fin aux changes flottants et recréer un système monétaire international coopératif.

- On ne peut pas gérer une zone de monnaie unique uniquement avec des normes. Il faut créer une chancellerie de la zone Euro distincte de la Commission de Bruxelles.

- L'asphyxie fiscale française est un désastre auquel il doit être mis fin.



Contresens sur le concept de "zones monétaires optimales"

La monnaie est une terre fertile en inepties de toute sorte. Une des sottises du moment est tout à fait remarquable : elle consiste à partir de la pensée de Robert Mundell, un sage parmi les sages, hostile aux changes flottants (ce qui nous le rend sympathique), et favorable à l'Euro, pour "prouver" que l'Euro est condamné par les économistes. C'est une thèse que l'on retrouve pratiquement chez tous les contempteurs de l'Euro, d'un commentateur comme Eric Zemmour à des hommes politiques comme Mme Le Pen ou M. Dupont Aignan.

La science économique aurait défini, par son meilleur prix Nobel sur le sujet, les règles de création d'une bonne zone de monnaie unique. L'Europe ne répond pas à ces règles. Les Zélotes de l'Euro, niant la science pour la foi, aurait péché contre l'esprit et créé "un monstre intenable et dangereux".

Tous ceux qui ont suivi, ne serait-ce que d'un œil, tout le débat économique sur la création d'une union monétaire dans la CEE savent que Robert Mundell a développé ses idées pour permettre de la construire. Il est un des pères de l'Union Monétaire Européenne. Paradoxe, tout de même, de voir que les arguments du principal promoteur de cette union soient considérés comme la preuve "scientifique" de son impossibilité, même si la couverture médiatique des débats économiques de fond en matière de système monétaire international, est, de tradition , quasiment nulle.

Il faut d'abord relever une erreur tout aussi grotesque. On affecte de penser dans les milieux médiatiques que la monnaie unique est le fruit de la pensée profonde de M. Mitterrand, qui aurait arraché le DeutschMark à l'Allemagne et à M. Kohl, pour prix de sa réunification après l'effondrement du bloc socialiste. Cette fable a été dénoncée récemment par l'ancien ministre des Finances d'Helmut Schmidt. A juste titre.

La préoccupation concrète d'une monnaie européenne remonte aux premiers effets des défauts structurels des accords de Bretton-Woods et de la licence prise par les américains dans la gestion du dollar.  De tensions en tensions on ira jusqu'à la rupture du lien avec l'or, en été 1971 et à la mise en place du désastreux système des changes flottants.

Cela fait plus d'un demi siècle que les Européens se posent la question de l'unité monétaire de l'Europe. Ces efforts se concrétiseront à La Haye, en 1969, où seront signées d'une même plume la création d'une union monétaire européenne et l'entrée de la Grande Bretagne dans la CEE avec ses pays compagnons.

Avant même cette conférence, les experts se sont affrontés sur l'opportunité d'une monnaie unique. L'affrontement est oublié aujourd'hui, mais il fut rude. Les principaux opposants étaient les économistes… allemands. Parmi les partisans de l'unification : Robert Mundell.

L'examen des conditions optimales d'un rapprochement monétaire entre zones économiques est un exercice de l'esprit qui a simplement pour but de déterminer les mécanismes qui jouent dans ces relations. Il s'agit bien ici de régions, pas de nations. Par un travers commun à trop d'économistes (L'influence du modèle Walraso-parétien n'a pas fini de faire des victimes), Mundell  part  d'un "déséquilibre" modifiant un état précédent réputé équilibré. Et regarde ce qui se passerait selon les différents régimes monétaires.  Dans un but pédagogique, pourquoi pas, après tout. Il montre comment réagit le système en faisant varier différents paramètres et cherche à savoir dans quelle configuration la monnaie unique serait le plus efficace.

En simplifiant à l'extrême, on peut réduire les facteurs favorables à deux catégories :

- Des arguments purement micro-économiques

- Des arguments politiques.

Les arguments économiques sont du genre tautologique : si tout est pareil alors, la monnaie peut l'être aussi. Si rien n'est pareil, c'est plus dur. Si les économies qui fusionnent ont la même structure, sont bien imbriquées et connaissent une bonne fluidité intra-zone des facteurs de production, alors une monnaie commune posera moins de difficulté que s'ils sont totalement divergents en terme d'exportation, de consommation et de production et que les facteurs de production sont figés.

Les arguments politiques sont néanmoins l'essentiel : la monnaie doit être gérée ainsi que tous les facteurs qui en conditionnent la valeur. Sice pouvoir existe les divergences du terrain pourront être gommées et on peut envisager une monnaie unique. Après tout, pratiquement aucunes zones monétaires existant dans les années soixante n'étaient homogènes : ni l'URSS, ni les Etats-Unis, …ni la zone Franc.

De toute façon, selon Mundell, tous les systèmes économiques et financiers (notamment les taux d'intérêt)  finiront par converger si la monnaie est unifiée et pilotée intelligemment : la dévaluation n'est qu'un expédient, agréable du point de vue politique, mais sans grand effet à moyen terme sur le fond. Les inter-relations entre les économies, de plus en plus imbriquées, rendent d'ailleurs l'avantage à court terme d'une dévaluation de plus en plus réduit.

Pour Mundell, une conclusion s'imposait : les Américains font n'importe quoi et la politique du dollar est menée contre les intérêts à long terme de l'Europe. Il faut contrer cet hégémonisme qui contribue au désordre monétaire mondial en créant l'Union Monétaire Européenne. Pour que ce la marche, il faut fluidifier la circulation des facteurs de production et créer les institutions ad hoc.

En lisant Mundell, une conclusion s'impose : il faut à l'Union Monétaire Européenne une politique commune solide au dessus d'un marché libéré de ses entraves.

Tout de suite après la conférence de La Haye, le système monétaire de Bretton-Woods s'effondre et on entre dans la Danse de Saint Guy des monnaies.

La tentative de l'ECU, European Currency Unit, est un échec, détruite par la spéculation permise par les américains. Le Serpent monétaire explose. Les penseurs européens en concluent qu'il faut créer une monnaie unique pour éviter tout interstice où la spéculation puisse s'insérer. Elle doit faire masse pour exister face au dollar.

Les années 80 verront donc les Européens favoriser la fluidité des mouvements de facteurs de production au sein de l'Europe, vue comme un préalable, et à créer les conditions d'une monnaie unique.

C'est l'époque où nous-mêmes recevions mission de créer un système de comptabilité analytique à la Banque de France pour permettre de piloter une fabrication des billets compétitive lorsque les grands marchés d'impression de la monnaie unique seront lancés. A cette date personne n'envisageait ni l'effondrement de l'URSS ni la réunification de la RDA (et Chirac était au gouvernement).

Bientôt Delors propose de marcher vers le marché unique, en même temps que les bases de l'Euro sont négociés.

On oublie que, dans les années 80, la RFA avait besoin de digérer l'énorme perte de changes sur les dollars accumulés par ses excédents commerciaux du fait de l'effondrement du dollar. Dans les années 90, il lui faudra digérer l'absorption de la RDA. Alors qu'on fait de l'Allemagne le Raminagrobis trop content d'entrer dans le poulailler européen, ses économistes étaient plutôt sur la réserve.

Elle viendra à l'Euro en acceptant toutes les mesures de libéralisation des mouvements de facteurs de production, mais avec une réticence marquée vis-à-vis de l'unification des politiques monétaires et économiques.

C'est ainsi qu'a été construit le compromis de Maastricht :

- Monnaie unique mais sans organe de gestion autre que la BCE et deux critères de gestion : 3% de déficit public au maximum et pas plus d'endettement public que 60% du PIB. Pour bien faire on a ajouté la nécessité de prouver sa vertu dans le cadre d'une procédure d'adhésion marquée par le respect de différents critères de convergence.

Les idées de Mundell ont triomphé à moitié. La fluidité des facteurs de production a été mise en œuvre. La politique solide unifiée est restée dans les limbes. Les fédéralistes, façon Delors, savaient bien que le système était boiteux, mais pensaient qu'en mettant la charrue avant les bœufs, les inconvénients forceraient les ajustements institutionnels dans le mouvement. "Nécessité fait loi et l'Europe se construit de crises en crises" !

En dehors de la BCE, dont les objectifs sont définis de façon trop restrictive, avec juste un taux d'inflation comme mesure, et un fantomatique Eurogroupe longtemps présidé par le non moins fantomatique Juncker, il n'y a pas d'organe de gestion de la zone Euro.

Mundell a certainement surestimé la capacité de marchés libres, dans un cadre monétaire unique, à converger. Les Allemands ont exigé une convergence préalable. Mais beaucoup ont triché, comme la Grèce. Et rien n'était prévu pour la suite. C'est comme cela qu'on a vu le plan Jospin (35 heures et relations sociales coercitives, avec effondrement de la compétitivité ) s'affronter au plan Schroeders (redressement de la compétitivité avant tout). Et tout le monde se moquer des règles 3/60.

Une autre faiblesse de l'approche de Mundell est de s'appuyer trop sur la micro économie (les comportement de production et de consommation de micro acteurs) et pas assez sur les réalités globales, notamment la création d'une économie baudruche où le taux d'endettement est devenu massif et la finance totalement débridée.  

La construction de l'Euro aura donc une influence dépressive pendant tout le temps de l'obtention des critères d'adhésion, et conduira certains pays à gonfler trop facilement leur endettement public à partir de 2000.  Comme Mundell l'avait prédit les taux d'intérêt ont bien convergé rapidement, mais ils ont attisé l'endettement, rendant l'Europe vulnérable à un retour de conjoncture. Il n'a pas compris que la finance, faute de s'attaquer aux monnaies, jouerait avec le taux d'intérêt des emprunts d'Etats, avec le potentiel de les ruiner et de faire sauter l'Euro. Le résultat :

- Les pays de la zone Euro  ont divergé avant la crise (entre 2000 et 2008) et l'endettement global et public a trop augmenté

- La crise a mis à nu l'absence de politique commune et d'organes de pilotage de l'Union qui a réagi le dos au mur en violant toutes ses règles et en provoquant une récession sanglante dans le sud de l'Europe : chaque pays ne peut s'ajuster que par la déflation.

- L'Europe sort tard et mal de la crise, sans avoir crevé l'abcès du mode d'organisation d'une zone monétaire unique.

Aujourd'hui, il est parfaitement ridicule d'utiliser la théories de Mundell sur les zones monétaires optimale pour justifier la sortie de l'Euro.

Il faut au contraire perfectionner l'approche de Mundell :

- Oui il faut un Euro pour contrebalancer la puissance du Dollar et bientôt celle du Yuan (qui n'entrait pas à l'époque dans le champ de vision de Mundell).

- Non les ajustements ne se font pas tout seuls

- Il faut une instance de pilotage des la zone Euro (ce que nous appelons un Chancelier de la zone Euro) que nous voyons distinct de la Commission Européenne. La difficulté démocratique impose, contrairement à ce que pense VGE, une retouche institutionnelle, avec des organes de contrôles venant des parlements nationaux. Démocratie oblige.

- Compte tenu du système mondial de changes flottants et de finance sans contrôle, le pilote doit se voir confier des instruments qui ne sont pas seulement ceux de la BCE.

- Il faut militer pour la fin des changes flottants et de la licence de certains pays d'accumuler excédents et déficits massifs.

Cela suppose que la France cesse de s'enfoncer dans le désordre et le n'importe quoi. Il ne faut pas non plus craindre d'éjecter la Grèce, si les réformes s'y révèlent impossibles.  

La création de nouveaux organes et de nouveaux instruments ne peut se faire qu'après retour de certains pays laxistes à un minimum de sérieux. De ce point de vue là, la politique débile de F. Hollande est le principal obstacle au passage au stade d'organisation convenable de la zone Euro.

On voudra bien comprendre que la théorie des zones monétaires optimales de Mundell n'est en rien un argument contre l'Euro. C'est l'inverse. Et que cinquante ans après sa formulation il est simplement nécessaire de l'adapter aux leçons de l'histoire et surtout à celles des défauts du système de change mondial  et de la crise économique en cours.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.  

Une leçon de la chute des prix du pétrole

Dans un système des changes flottants, la valeur respective des monnaies n'est pas seule à flotter. Toutes les valeurs "d'actifs" flottent également. Et les variations sont d'autant plus fortes que la création monétaire, par les banques centrales ou par les banques commerciales, a été plus massive. Dans une économie "baudruche", comme nous appelons la situation créée après l'abandon des disciplines de Bretton-Woods, toute "classe d'actifs" est alternativement à la veille d'une spéculation à la hausse ou à la baisse.

Dans le cas du prix du pétrole, qui viennent de s'effondrer, la conséquence sur les interprétations fréquemment avancées, est intéressante.

Première erreur : Parler d'un hausse perpétuelle du cours de l'or noir est un non sens. On peut invoquer une hausse tendancielle, guère plus. Nous aurons la charité de ne pas citer les bons auteurs qui voyaient le cours du Brent à 300 dollars le baril en 2014 avant la disparition du pétrole en 2020 (leurs prédécesseurs de 1970 voyaient cette disparition dans la décennie 1990 et au plus tard en 2000). La spéculation sur les cours du pétrole au milieu de la première décennie du siècle avait été tellement forcenée qu'une correction était quasiment obligatoire. Elle a été retardée par les achats chinois qui ne savaient plus quoi faire de leurs excédents de dollars. Et le krach spéculatif a fini par se produire. Cette règle est valable pour toutes les "commodities", y compris l'or qui n'est pas seulement une matière première.

Seconde erreur : croire que le pétrole fait la conjoncture. Les cours du pétrole sont dans la dépendance de la conjoncture pas l'inverse. Beaucoup de commentateurs ont cru devoir expliquer "la crise", depuis 1973, par l'évolution des cours du pétrole. La récession de 73-74 aurait été la conséquence de la guerre israélienne et de la hausse massive des cours du brut qui a suivi la défaite arabe. En vérité c'est la crise monétaire et de change provoquée par l'abandon de la référence à l'or par Nixon qui a provoqué les excès pétroliers pas l'inverse. Plus généralement, faire dépendre exclusivement de la rente pétrolière, qui s'est créée à ce moment là, le gonflement général du taux d'endettement de l'économie mondiale que l'on a constaté depuis 71, est une erreur de jugement.

La fin des "trente glorieuses" n'est pas expliquée par l'évolution du marché pétrolier, pas plus que cette période de forte croissance ne peut se réduire aux besoins de la reconstruction, ou à l'explosion d'un marché particulier. Combien de fois entend-on que la grande croissance a été uniquement le fruit de l'expansion du marché automobile associée à un pétrole pas cher ! Et que désormais tout cela est fini et qu'il faut songer simplement à organiser la baisse démographique  et économique pour songer à un bonheur brut dans l'abstinence.

La conjoncture est entièrement guidée par le crédit et l'investissement. Toutes les crises du cycle sont des crises de crédit, en particulier les phases de crises dures (74, 93, 2009). C'est parce que les mécanismes de régulation monétaire ont été détruits en 1971, que les crises périodiques sont de plus en plus graves. Le phénomène de la double pyramide de crédits, associé mécaniquement aux déficits et excédents monstrueux de balances de paiement,  a fait passer le taux d'endettement moyen à plus de 400%. Dès lors le dégonflement de la baudruche était impératif. Il se produit depuis 2008. Et il touche les marchés de biens, que ce soit l'immobilier, l'or ou le pétrole, en dépit des créations gigantesques de liquidité que les banques centrales ont impulsé (près de 10 mille milliards de dollars tout de même). Un autre mot pour la même chose : la déflation ! Seule une croissance forte dans une cadre plus que légèrement inflationniste et collaboratif permettrait d'éviter une phase de déflation désastreuse. Il n'y a plus de cadre ni de réel collaboration. La déflation est là : surprise, surprise !

La monnaie n'est pas un "voile" sans importance. Monnaie et crédit sont la base de la conjoncture. pas le pétrole.

Un système monétaire international nocif  fabrique des phénomènes conjoncturels désastreux. le système des changes flottants est une erreur calamiteuse.

Delenda est  !

L'effondrement du cours du pétrole, en effondrant en passant les théories absurdes qui font du pétrole la clé de tout, devrait ouvrir les yeux.

Devrait…

 Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Une autre erreur économique commune

Parmi les erreurs que l'on retrouve de façon assez généreuse dans la presse et parfois dans les rapports des grandes institutions économiques mondialisées, figure l'idée que les pays émergents tireraient la conjoncture et serait la solution aux difficultés des économies "vieillissantes". Nous avions déjà dénoncé ce travers , dès 2009, dans le dossier :

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2009/3/8/Non-la-Chine-ne-nous-sauvera-pas-

Nous donnons ci-dessous le graphique de l'évolution du PIB chinois tel qu'il nous est désormais connu. On voit qu'il n'y a pas eu de miracle. La Chine a suivi l'évolution générale. Ses énormes réserves ont permis des poussées spéculatives ou défensives d'achats divers (terres rares, pétrole, ports étrangers, achats africains, etc.) qui ont laissé croire à une reprise du commerce international. En réalité le commerce international, largement basé sur la santé des circuits financiers car on échange des biens contre du papier étranger, s'est totalement effondré en 2009 et n'a jamais véritablement repris.

L'effondrement pendant l'année 2014 (qui devait être l'année de la franche reprise) des prix du pétrole, de l'or, des matières premières, et d'une façon générale des biens qui servent de base aux échanges internationaux,  en est aujourd'hui la preuve éclatante.C'est cette baisse qui fait craindre au FMI un début de déflation généralisée. Mais le FMI n'en analyse pas la source. Pour cette institution c'est la stagnation européenne qui explique tout. En fait, l'explosion du système monétaire international, avec repli sur leur pré-carré de toutes les banques, sauvées par leur Etat, n'a conduit, sur le front international,  qu'à des mouvements erratiques soutenus essentiellement par la spéculation ou les pratiques défensives.

Les énormes liquidités créées par les banques centrales ont certes conduit les investisseurs à chercher des opportunités dans les pays émergents. La hausse de tel ou tel marché dans ces régions a été créée par ces mouvements spéculatifs qui ne reposaient sur rien. Jusqu'au moment où le néant sous-jacent est apparu clair à tout le monde et ce fut le repli en ordre dispersé. Le rôle des responsables de la gestion de fortune est de chercher à être au début du mouvement spéculatif et de s'en échapper à temps. Certains y arrivent. Mais, obligatoirement, la majorité d'entre eux se noit.Et avec eux les économies touchées : voir le cas du Brésil.

La vérité est toute simple : les économies importantes sont grevées par un stock de dettes irrécouvrables monstrueux qui pèse sur leur croissance. Les pays émergents peuvent être occasionnellement boostés par les flux de monnaie créés pour contrer le dégonflement global de l'économie baudruche mais ils ne sauraient tirer la conjoncture.

Le faible ne sauve jamais le fort.

 

 

 

 



La fausse "exemplarité" du marché des devises

Parmi les lubies de l'époque, et cela dure depuis la libération complète des mouvements de capitaux en 1990, figure l'exemplarité du marché des changes, présenté un peu partout et en particulier dans les cours d'économie financière, comme le parangon d'un marché quasiment parfait, permettant une confrontation à la seconde de millions de décisions  d'achat et de vente, et l'allocation optimale des ressources, en liaison avec le marché des taux d'intérêt.

Depuis cette époque nous ne cessons de répéter que cette doctrine est totalement aveugle aux réalités.

Le marché monétaire est l'exemple même d'un marché doublement imparfait :

- Il est dominé par quelques banques centrales qui peuvent intervenir avec des moyens tels que les changes n'ont que le sens qu'on veut bien leur donner (ou qu'elles veulent bien qu'on leur donne). On l'a vu avec la banque centrale suisse, qui a émis presque la valeur d'un PIB national pour arrêter la hausse des cours du Franc Suisse. On l'a vu avec l'émission de monnaie de la Banque centrale du Japon qui a noyé de liquidité les marchés pour faire baisser le Yen. Ne parlons pas de la FED et maintenant de la Banque Centrale Européenne qui ont émis près de 10.000.000.000 de dollars de monnaie gagée sur rien du tout en 7 ans.

- Les opérateurs au quotidien sur le marché des changes sont très peu nombreux et peuvent se coaliser facilement pour monter des coups permettant des gains faramineux en quelques heures ou quelques jours. Les gains sont minimes en taux mais les capitaux mobilisés sont tels et la durée des opérations si courte,  que les rendements sont extravagants.

Que constate-t-on aujourd'hui ?

- La condamnation des principales banques ayant manipulé le cours de certaines monnaies clés permettant de fixer des "trackers" sur lesquels on a pris des positions spéculatives à très court terme. On se rappelle que le Libor avait déjà été manipulé de la même façon. Cours de change et taux d'intérêt ont donc été constamment manipulés pendant vingt cinq ans. Merci pour l'allocation optimale des ressources !

- La danse de Saint-Guy actuelle des monnaies dont les cours sont manipulés par les banques centrales ou les Etats, ou de celles qui ont été affectées par des éclatement de bulles spéculatives. Le cours du pétrole, entièrement dominé par la spéculation, a fini par s'effondrer,provoquant aussitôt la chute de monnaie surévaluée comme par exemple le Rouble russe, lui-même victime de faits politiques. Le Real brésilien se porte mal du fait de l'arrêt des achats chinois qui avait permis une spéculation éhontée sur les "classes d'actifs" brésiliens dont la monnaie. L'Euro a fortement baissé par rapport au dollar du fait de l'action de M. Draghi.

Encore une fois, où voit-on un marché libre, liquide et parfait ?

De toute façon dans une économie boursouflée par la création monétaire massive, que nous avons appelé "baudruche", les marchés de capitaux n'ont aucun sens "réel". L'argent ne se place pas dans des projets de production mais dans des espoirs de gains en capital sur des valeurs nominales dépendant directement des émissions monétaires.

Tant qu'on n'a pas mis fin au mécanisme qui permet un gonflement des crédits  hors de tout contact avec les investissements de production, et qu'on laisse les banques centrales se faire la guéguerre monétaire, enveloppée dans l'encens des réunions périodiques sacralisées et pseudo consensuelles, les sanctions juridiques n'ont aucun sens.

La seule solution est d'en revenir à l'essentiel : les Etats doivent être rendus responsables de l'équilibre de leurs balances extérieures et du change de leur monnaie, avec des mécanismes de contrôle et d'aide pour limiter les effets des ajustements éventuels.  L'énergie est trop importante pour qu'on en laisse le prix flotter au gré de la spéculation. Il faut revenir à un système de monnaie internationale de référence, gagée sur des valeurs réelles, dont le pétrole mais aussi l'or, avec des monnaies au change fixe et ajustable par rapport à cette monnaie internationale.

Cette organisation, conforme aux statuts du FMI et aux accords de la Havane, mais corrigée par rapport au système de Bretton-Woods (suppression de la référence obligée au dollar, parité des droits et des devoirs au sein du FMI, intégration des grandes valeurs économiques de référence comme l'énergie, interdiction du "short" sur les monnaies, interdiction de la cotation continue), est la seule capable de mettre fin à l'économie baudruche et de canaliser le dégonflement de la masse d'endettement global qui frôle toujours aujourd'hui dans l'OCDE les 400%.

Cette réforme est SINE QUA NON.

Vouloir faire croire que la crise est circonstancielle et liée à l'action condamnable de quelques malfaisants est, au mieux, une naïveté.   

La crise a éclatée en juillet 2007. Sept ans après, l'empilage de dettes n'a pas été réduit. Le marché des monnaies est en pleine folie. "L'allocation optimale des ressources" est, comme la fameuse main censée la guidée "clairement invisible". En revanche la stagnation perdure ; les désordres perdurent ; le chômage s'étend ; les politiques économiques restent de pure panique.

Et pas un mot de la part des responsables pour faire le constat de ce sinistre tableau ni prendre la moindre mesure corrective. Où est M. DSK, l'ancien président adulé du FMI ? En train de tenter de se sortir d'un engagement fumeux dans la spéculation internationale. Où est Madame Lagarde ? En train de tenter de se libérer de son inculpation dans l'affaire Tapie. Où est le Président de la République Française ? En train de tenter de se sortir des mille et pièges qu'il dresse et dans lequel il tombe avec un certain plaisir. Où est M. Juncker, le Président de la Commission Européenne ?  En train de tenter de se sortir de l'affaire des avantages fiscaux donnés aux multinationales par le Luxembourg qu'il dirigeait, au détriment des autres pays d'Europe. Où est Poutine ? En train de reconquérir par la force une partie de l'Ukraine. Où est M. Abe ? En train de tenter d'interpréter la Constitution Mac Arthur pour construire la bombe atomique. Où en sont les Chinois ? En pleine exaltation du national-socialisme Han. Où est M. Obama ?  Qui est M. Obama ?

L'esprit de coopération économique et monétaire international a totalement disparu, noyé dans le "libre" marché des capitaux et la perte de toute réflexion économique collective sérieuse.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

L'état du monde en octobre 2014

Toutes les prévisions gouvernementales suivent, à peu près, le même cheminement : aujourd'hui, cela va mal, mais la reprise arrive l'année prochaine et dans deux ans ce sera magnifique. La reprise est toujours "au coin de la rue". Rien n'aurait donc changé depuis Hoover ? Lorsqu'on relit les analyses d'octobre 2013, on constate que l'année 2014 était annoncée comme un excellent cru économique et que l'année 2015 serait encore meilleure. Nous étions sceptiques.

Cet optimisme de circonstance s'est fracassé, comme d'habitude, sur des réalités plus puissantes que les vagues espoirs, plus ou moins honnêtes, de dirigeants déboussolés.

La difficulté de l'économie mondiale tient au fait qu'une masse de dettes délirante s'est accumulée en quarante ans, à un niveau tel que la production ne peut pas en assurer le remboursement et permet à peine le paiement des intérêts. Nous en sommes toujours, pour les pays de l'OCDE, à un taux de dettes globales situé quelque part entre 380 et 420% du PIB. Par rapport à la valeur ajoutée des entreprises de plus de une personne du secteur marchand non financier, le taux doit être plus proche de 800% que de 700%. Ce qui veut dire que les banques sont toujours virtuellement en faillite et que les détenteurs "d'actifs" sont dans l'angoisse permanente d'en perdre une partie plus ou moins conséquente.

Le mouvement naturel du commerce est entravé par cette situation d'enflure qui provoque des comportements de défense aussi bien des Etats que des banques, des entreprises et des particuliers. Qui dit défense dit contraction et repli. Les Etats ruinent leurs citoyens par l'impôt et/ou leurs entreprises par la contraction de la demande et des moyens d'investissement. Les entreprises restent infiniment prudentes, faute de marchés. Les énormes liquidités déversées sur les banques ne servent qu'à chercher les reliquats de plus-values ou les mini-bulles spéculatives que ce ruissellement peut engendrer.

L'examen du "Baltic dry index" montre un électroencéphalogramme commercial absolument plat, alors que les bourses ont grimpé un petit peu, en même temps que certains secteurs immobiliers comme en Irlande, à Berlin ou à Londres. Nous sommes toujours dans le type d'économie que nous avons qualifié de "baudruche", avec un ballon gonflé à l'hélium des banques centrales mais qui fuit de partout. Cette situation où tout le monde a le pied sur le frein pendant que les banques centrales appuient sur l'accélérateur est propice à tous les dérapages, surtout quand elles lâchent l'accélérateur. 

La volonté de la Chine de ne pas perdre trop sur son stock de dollars a animé, un temps, les marchés internationaux avec des achats de produits agricoles et de matières premières. La remontée du cours du dollar du fait de l'action de la BCE qui a fait fondre un peu l'Euro, a réduit cette pulsion. Alors tous les cours baissent. Déjà la menace d'une diminution du Quantitative Easing de la FED avait déréglé le marché des changes. Si le dollar remonte, les flux spéculatifs se réorientent. C'est la beauté des changes flottants avec refus de maîtrise des excédents et des déficits massifs de balances de paiements et liberté absolue des mouvements de capitaux. Les décisions ne sont plus corrélées aux productions et consommations mais à des spéculations massives sur des interprétations comportementales.

Le problème est que les Etats-Unis ne joueront pas le rôle qu'ils ont tenu à la fin des années 1990. Le retournement du change du dollar avait provoqué l'accélération de la spéculation sur les bourses américaines, confortée par la bulle sur le compartiment NTIC du Nasdaq,  et une spéculation sur le dollar lui-même, en même temps qu'une énorme création monétaire des banques d'affaires et commerciales, basée sur le recyclage des excédents Chinois et Allemands,  avait provoqué une flambée conjoncturelle très intense. Rien de tout cela n'est plus possible aujourd'hui. Les banques ont besoin de dégonfler leurs bilans et la consommation est asséchée par les impôts, notamment en France et plus généralement en Europe.

La chute des cours du pétrole prend acte du fait que la spéculation sur les cours n'a plus aucun rapport avec la consommation effective. Toutes les autres matières premières suivent le même chemin, sauf l'or qui frémit devant de nouveaux risques d'explosion de la zone Euro.

Alors, oui, nous sommes encore dans la phase "haute" du cycle, mais la hauteur en question est réduite par l'obligation générale de réduire les déficits publics et les en-cours bancaires. Le seul aspect positif est que la récession décennale devrait être modeste, la correction des excès de crédits se réduisant à la digestion d'erreurs spéculatives de petite amplitude. Sauf, naturellement si la baudruche perce massivement du fait de politiques trop gravement inconséquentes ou d'évènements extérieurs gravissimes. 

L'Afrique dont la croissance a été plutôt bonne du fait de l'arrivée massive de capitaux internationaux à bas prix et par les achats multiples de la Chine,  commence à tousser. L'Europe est toujours plus ou moins stagnante. Et les Etats-Unis, faute de marchés extérieurs, voient la reprise économique, réelle, s'étouffer lentement.  

Cette situation inquiète les grands maîtres de la spéculation internationale. Ils ont fini par conclure que les positions allemandes bloquaient tout le système et empêchaient de faire des affaires. Depuis juin 2014 les rumeurs signalent qu'ils vont provoquer une correction assez forte des marchés d'action, qui n'avaient pourtant grimpé en moyenne que d'une dizaine de pour cent en deux ans. Le but n'est pas très compliqué à comprendre :  provoquer la crainte d'une récession en l'Allemagne, où le système bancaire est très abimé, puis d'un nouveau Krach. Il fallait, pour que l'opération réussisse, que les indices cautionnent l'opération. On a attendu octobre pour la déclencher car tous les chiffres d'activités sont dans le rouge ou l'orange foncé et des aléas pèsent sur la fin de l'aide à la Grèce, et celle du Quantitative Easing de la FED. Les petites guerres en Europe, en Afrique  et en Orient ajoutent au climat. La baisse soudaine des bourses, amplifiée par les programmes informatisés, joue le rôle d'un avertissement. Tout est trop artificiel, trop lié aux banques centrales. Mais il faut que ces dernières ne renoncent pas à la création monétaire et que l'Allemagne cesse ses blocages.

Sans tomber dans le "complotisme", l'avenir nous révélera sans doute, comme d'habitude, que quelques dizaines de financiers se sont réunis dans un endroit sympa et discret en cette saison, comme Colorado Springs, pour réfléchir à l'avenir.

Ceux qui sont accrochés à la baudruche ne veulent pas d'un dégonflement cataclysmique. Ils pensent désormais qu'il faut que l'économie réelle reparte. Sans croissance, il est impossible de sortir de la situation. Ce en quoi ils n'ont pas tort.

L'expérience montre que le seul moyen d'obtenir une relance concertée qui ne sombre pas immédiatement dans les crises monétaires et financières est de recréer un système de changes fixes et défendus par des Etats conscients de leur responsabilité dans ce domaine. L'expérience des années 1944 à 71 montre qu'on peut, en même temps, faire baisser l'en cours de dettes global et créer une forte croissance.

Si on était dans un système de changes ajustables, le Yuan aurait été fortement réévalué, le Dollar dévalué, le DM fortement réévalué et le Franc fortement dévalué, mais de façon concertée, avec un fort accent mis sur la production et la productivité.  Une fois le nouvel équilibre institué, les entrepreneurs et les financiers auraient eu un horizon stable pour rechercher non pas une spéculation  artificielle sur une bulle monétaire ou immobilière quelconque mais des possibilités de flux de recettes liées à l'activité croissante.

L'action des banques centrales, associée à des traités intercontinentaux ne suffit pas, si on conserve un système de changes flottants avec irresponsabilité des Etats sur leurs excédents et déficits. "Nous sommes au bout des politiques monétaires", disent les banquiers centraux.

C'est le grand paradoxe de la situation actuelle. Les grands spéculateurs viennent de le faire savoir, avec leurs moyens : cela ne marche pas ; changez ! Mais pour que cela marche, il faut leur ôter un champ immense de la spéculation : les taux de changes et les taux d'intérêt. Et, de toutes façons, il faudra que l'endettement global redescende en dessous de 250%. Venant de 400 %, ce n'est pas simple et la crainte de la déflation ne sera jamais vaine dans les années à venir, comme depuis… 2007.

Face à cette évolution, l'Europe Unie est, comme toujours, ailleurs. Le gouvernement de nains qu'on appelle la Commission, conglomérat de représentants de pays minuscules, dirigée par un Luxembourgeois dont le pays vit de l'évasion fiscale, et sans programme connu, finit de jouer sa parodie de spectacle politique, dans son théâtre de démocratie factice.  Elle négocie en secret un accord transatlantique dont les peuples et même les gouvernements n'ont pas le droit de connaître les tenants et surtout les aboutissants.

La France de Hollande est la France de Hollande. Un immense cratère de démagogie dans laquelle la fortune historique de la France s'engloutit peu à peu. Ce minuscule président brise les tabous qui ne coûtent pas cher et permettent de durer, un peu, sur fond de ruine générale. Sa seule boussole est de tenir pour avoir une sortie un minimum honorable. Pour cela il ne faut pas que dans la rue se "coagulent les mécontentements" et que le flot d'emprunts coûte plus cher. C'est que la France doit emprunter chaque année 30% de la valeur ajoutée des entreprises non financières de plus de une personne, alors qu'on prélève chaque année, en impôts, la valeur de cette production ! Alors on aggrave encore les impôts mais sur ceux qui ne peuvent pas tenir la rue. Les familles, les "riches". On brûle la chandelle par les deux bouts. Ceux qui paient l'essentiel de l'impôt n'auront plus les mêmes droits que ceux qui en paient peu ou pas. Pour eux les services et prestations publiques seront "modulés", traduire : réduits ou supprimés ou rendus plus chers qu'aux autres,  en fonction du revenu brut. Mais pas du net !  Tous ceux qui connaissent la déclaration de revenu et d'ISF de la classe moyenne supérieure savent qu'elle doit puiser dans ses réserves pour payer l'impôt. Le net est souvent négatif. Cela ne les empêchera pas de payer plus cher pour les services de la Ville de Paris, dit Mme Hidalgo, maire très satisfaite d'elle-même et d'une gestion si dispendieuse que personne ne sait plus comment la financer. Boucler des budgets extravagants exige toujours plus de prélèvements. Il y a tant de mines prêtes à exploser que la situation n'est pas près de s'inverser (voir par exemple les incroyables dérives du grand auditorium de la Villette, impossible à rentabiliser et même à simplement occuper sauf à cannibaliser de façon mafieuse les autres enceintes, comme la Salle Pleyel).  

Entre panique et calcul politicien, la "France se suicide". Effectivement. C'est pour cela que les débats sur la consistance de ce qui faisait la force des Français et de la France est si vif. La ruse et la palinodie ont remplacé l'effort national concerté et partagé équitablement. Il suffirait d'une hausse à 4 ou 5% des taux d'intérêt pour qu'elle tombe dans le gouffre grec, et l'Europe à sa suite, provoquant un ressentiment mondial contre l'ineptie française, là où il y avait, naguère, envie et admiration.

Il ne manquerait plus que la Corse, le pays basque, la Bretagne, la Savoie, l'Alsace Lorraine, la Bourgogne, nos "possessions" extérieures, et le Comtat Venaissin, naturellement,  fassent sécession pour que nous ne soyons plus rien du tout.

Ce qui donne le ton de cet automne climatiquement doux, économiquement cruel et politiquement désastreux, c'est que les trois réformes indispensables, le retour à un système de monnaie fixes et de balances extérieures coordonnées, la construction d'un système européen respectueux des peuples et dont les ajustements économiques relatifs ne se font pas par la récession provoquée, la reconstruction d'une France dynamique et élitiste soulagée d'une fiscalité aberrante, ne connaissent strictement aucun progrès ni sur le plan théorique ni sur le plan pratique.

Qui peut s'étonner que sept ans après le démarrage de la phase chaude de la crise, avec le blocage en été 2007 du marché monétaire interbancaire global, le monde, l'Europe et la France en soient toujours, respectivement, à la stagnation, au blocage et à la nécrose ?

Didier Dufau pour les Cercle des Economistes E-toile.



Le grand tournant de 1988 !

Nous faisons régulièrement des retours dans le passé. Il éclairent le présent. Prenons par exemple la campagne de Jacques Chirac en 1988. Elle est intéressante parce que nous sommes juste à la césure de l'histoire économique mondiale, européenne et française.

Mondialement :  La crise du début de la décennie 1980 a été sévère aux Etats-Unis du fait de la volonté de la FED et de son gouverneur de "casser" l'inflation. Thatcher et Reagan ont par ailleurs imposé un nouveau style à la gestion de l'Occident. L'Afrique et certains pays émergents comme le Mexique, sont encore dans les affres de la frénésie de prêts publics fondés sur la rente pétrolière recyclée, mais les Tigres et les Dragons asiatiques décollent. C'est le moment Japonais. Le monde entre dans la phase haute du cycle décennal.

En Europe l'idée de l'Euro comme monnaie unique s'est imposée et on la prépare. Ceux qui pensent que l'Euro date de la chute du mur et des accords entre Kohl et Mitterrand se trompent absolument. L'Euro monnaie UNIQUE est sur les rails dans les cénacles européens.

En France le gouvernement de cohabitation Chirac-Balladur a commencé à se débarrasser des pires dérives du désastreux Programme Commun de la gauche, avec des dénationalisations, la fin de l'IGF, l'ISF initial, et a commencé à stabiliser le chômage.

Nous sommes là réellement à un moment clé.

La croissance est là. Des réformes utiles vont devenir possible. La question monétaire internationale  est posée ainsi que celle de l'Europe.

Selon le diagnostic qui sera fait et en fonction des résultats électoraux, l'avenir sera très différent.

Si les Etats-Unis admettent de revenir à un système monétaire organisé qui proscrit les grands déficits et les grands excédents et assure la coordination des politiques économique dans le cadre d'un système de monnaies stables mais ajustables par consensus en cas de dérapage, l'économie casino qui s'est mise en place au milieu des années 70 cesse et une croissance régulière et équilibrée devient possible.

Si l'Europe dans ce cadre monétaire stabilisée, met en place un système de monnaies coordonnées avec des solidarités un peu plus serrées qu'à l'échelon international, elle évite le piège de la monnaie unique, qui interdit tout ajustement autre que par la déflation, sauf organisation fédéralisée des politiques économiques.

Si la France continue de se libérer des imbécillités du programme Commun et modernise son Etat, en stabilisant sa pression fiscale,  elle peut revenir dans la compétition internationale et réduire son chômage tout en améliorant sa croissance.

Quelles sont les propositions de Jacques Chirac lors de la campagne présidentielle de 88. Il suffit de relire son livre "Une ambition pour la France", publié par Albin Michel.

"Où que nous regardions nous ne voyons que désordre :

- Désordre commercial entre les pays riches qui accumulent des excédents gigantesques  et d'autres pays, tout aussi riches qui vivent dans le déficit chronique,

- Désordre monétaire  depuis que l'erreur de quelques techniciens et la faiblesse de certains Etats  ont ait entrer le monde dans l'ère des changes flottants qui ne valent rien de bon à personne".

Chirac refuse également la transformation de l'Europe en simple zone de libre échange ouverte à tout vent.

"Rien ne serait plus dangereux que d'offrir à nos concurrents, asiatiques ou américains, l'espace désarmé d'une vaste zone de libre échange."

Mais il annonce la monnaie unique étayée par une Banque centrale Européenne.

"La Communauté doit être un système monétaire complété et achevé  où circule peu à peu une monnaie unique émise par une banque centrale commune".

Pour qu'elle fonctionne, il faut " reconstituer un ordre international avec les disciplines, les automatismes et les sanctions que cela implique dans la gestion des parités monétaires".

Déjà le programme présidentiel annonce qu'il faut que l'Etat se renforce sur ses missions régaliennes et se dégage du reste. Il faut réduire le chômage qui est à 2.500.000 grâce à la formation et à la recherche scientifique. La compétitivité de la France, mise à mal, doit être restaurée (déjà).  

Arrêtons-nous là. Nous pourrions, de façon plus ou moins comique, monter que tout le programme actuel de Valls est une resucée verbale, presque mot à mot, du programme du candidat de droite de 1988 sur le plan intérieur. Ce n'est qu'anecdotique

Plus intéressant : pourquoi les aspects les plus bénéfiques de ce programme n'ont-ils pas accroché l'opinion et pourquoi le monde, l'Europe et la France se sont-ils enfoncés dans un système qui ne pouvait qu'exploser ?

Le bon virage n'a pas été pris.

Nous sommes certes à la veille de la crise décennale de 92-93, qui sera pire que sa devancière de 74 et prendra le titre de pire crise depuis 1929, avant que notre crise actuelle ne lui reprenne le ruban bleu.  Elle aurait pu servir de déclencheur. Mais c'était trop tard : Greenspan venait de se lancer dans un programme d'inondation monétaire après la prétendue "crise des ordinateurs" qui avait fait chuter lourdement le Dow Jones. La guerre du Golfe était gagnée. Les Etats-Unis étaient triomphants. La campagne pour Maastricht était partie.  

La chute de l'URSS, la conversion de la Chine et de l'Inde au capitalisme internationalisé, le triomphe du consensus de Washington, l'extension rapide du champ de l'Union européenne ont créé un "momentum" de fuite en avant qui interdira toute réflexion jusqu'au blocage du système bancaire international en 2007 et son effondrement en 2008.

C'était bien en 1988 qu'il fallait agir. La France s'étant sortie du grotesque retour en arrière mis en scène par Mitterrand pour se faire élire en 1981, elle avait encore de l'influence. Elle pouvait peser.  

Les Français décidèrent cette folie que sera la réélection de Mitterrand. Perseverare diabolicum. Les Français ont considéré qu'il fallait purger le syndrome socialiste français qui s'était enkysté puis enflammé après 1968, en laissant toutes ses chances à une variante partiellement atténuée, comme on désactive un virus. Mitterrand comprendra le message et "lèvera l'hypothèque Rocard".  On en est  désormais à la social-démocratie et au social libéralisme… Encore un effort et le socialisme aura été évacué.  Mais le processus va coûter cher à la France;

Le gouvernement Rocard bénéficie de la phase haute du cycle qui le gorge de ressources fiscales automatiques. Aucune réforme n'est faite. On remet en place l'ISF. On crée la CSG. On troue la coque avec des prestations qui enfermeront une partie des Français dans une trappe à pauvreté. Avec Delors et Beregovoy, on débloque l'option "finance folle" et on crée le chemin d'une liberté totale des mouvements de capitaux, de produits, de services et de travailleurs  en Europe. Le Traité de Maastricht est voté sans aucune réforme préalable du système monétaire international et sans institution de pilotage. Que des sottises !

A la fin du second septennat de Mitterrand, toutes les causes de l'effondrement futur sont réunies :

- Plus de réforme du système monétaire international

- Europe ouverte à tout vent et libéralisme absolu des mouvements sous domination allemande.

- Français fiscalisés à mort

- Préférence pour le chômage et l'assistanat.

Chirac se résoudra au "ni-ni". La violence de la crise de 92 le conduira à "réduire la fracture sociale". La cohabitation Jospin ajoutera les 35 heures et l'étouffement de l'entreprise. Sarkozy évoquera la "rupture" sans la faire. Hollande finira le travail dans le n'importe quoi délirant. L'Europe de l'Euro sombrera dans les politiques de récession et de déflation. Pendant que le monde passera de 250 à 400% de taux d'endettement global et finira par succomber sous le poids de la dette imbécile accumulée.

C'était bien en 88 qu'il fallait agir en profitant de la volonté de Thatcher de ne pas passer sous les fourches caudines de l'Allemagne, de la présence de Schultz aux finances américaines, qui n'était pas un partisan des changes flottants en dépit des rodomontades de Reagan (qui parlait plus qu'il n'agissait) , et en profitant de la phase de croissance du cycle pour réformer en profondeur la France.

Est-ce que Chirac élu aurait eu la force de ce changement de perspectives, à la tête d'une France qui n'était pas encore "sortie de l'histoire" et effondrée dans la gaudriole, le "sociétalisme" politiquement correct, la fiscalité confiscatoire et la paralysie économique ?  

On ne le saura jamais. Notons tout de même que les idées que nous défendons ici, le retour au changes fixes et ajustables, l'interdiction des déficits et des excédents monstrueux de balances extérieurs, la réforme d'un pays qui a développé de façon exagérée et intenable le champ de l'action publique tout en bloquant les processus productifs par une fiscalité délirante et un enfermement administratif incontrôlé et suicidaire, ne sont pas des idées saugrenues, sorties d'un esprit embrumé ou d'un soliloque atterrant.

Elles étaient au cœur du débat français en 88, avant d'être évacuées du discours public devenu un exercice de communicants au service d'écuries présidentielles où la posture et les petites ambitions l'ont emporté sur la recherche du bien commun et d'un avenir français digne de son passé.    

Remarquons aussi que les risques d'une zone Euro sans organes de pilotage dans un système global de changes flottants étaient totalement ignorés.  Nous en sommes encore là avec le traité Merkozy, 25 ans plus tard.

L'histoire est éprouvante !

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

Mauvaises nouvelles (suite)

4,3% de déficit public par rapport àun PIB qui comporte une grosse partie de la dépense publique.

93% de dettes publiques par rapport au PIB.

11% de taux de chômage.

Aucune perspective sérieuse de redressement.

Sept ans après le blocage du marché interbancaire.

La fiscalité excessive, le  "sociétalisme" agressif, et le discours méprisant contre des boucs-émissaires ont eu raison du "socialisme municipal". 

La fracture entre ceux qui paient et ceux qui reçoivent est devenue béante et publique,  créant des risques sociaux et politiques également béants.

Faire du tort aux Français, qui perdent revenu, emploi, espoir  et à la France qui ne tient aucun engagement et  s'efface dans la compétition mondiale, quel beau résultat !

La bataille se déplace vers l'Europe, le Traité, les trois libertés de circulation des capitaux, des personnes et des marchandises.

Personne ne regarde la vraie cause :

Sans retour vers un système monétaire international coopératif, à base de stabilité des changes , aucune solution n'est possible.

7 ans sans réflexion mais avec des réflexes politiciens minables.

Un désastre international, européen, français.

Un désastre intellectuel avant d'être économique et politique.

 

Sexe des anges bancaires européens et risques systèmiques

La zone Euro a unifié la création de la monnaie "banque centrale"  de ses membres. La crise financière a conduit a l'idée en apparence rationelle  d'une unification de la supervision de la création de la monnaie de crédit, qui est, en valeur, infiniment plus importante. On parle donc d'Union Bancaire Européenne, avec une supervision centralisée à la BCE et un mécanisme de résolution des difficultés bancaires.

La gestion de tous les types de  monnaies serait donc totalement fédérale.

A l'occasion de cet effort fédéraliste, conduit totalement à l'abri du regard des peuples, une idée a surgi : les banques doivent financer elles-mêmes la survie du système bancaire en crachant régulièrement  une forme de prime d'assurance tout en sachant que ce sont les actionnaires, les prêteurs obligataires et une partie des avoirs déposés qui seront impactés en cas de faillite.

On souhaite abonder un fonds de 50 Milliards d'euros à terme pour compléter le dispositif.

La bataille, essentialiste et non technique, oppose actuellement les Etats, et notamment l'Allemagne, qui souhaitent conserver un oeil sur l'avenir de ses banques et ne pas tout laisser à la BCE, sachant qu'in fine c'est le contribuable  qui servira  de financier de dernier ressort pour le système bancaire européen dans son ensemble, et les européistes qui veulent immédiatement un système totalement fédéral et mutualisé.

En un mot le Parlement crie "l'Europe, l'Europe, l'Europe" comme un cabri et comme un seul homme, alors que le Conseil est sur une ligne plus réaliste, compte tenu des enjeux.

Gardons quelques ordres de grandeur en tête :

- Le fonds de garantie vise à récolter ( à terme !)  50 milliards d'Euros.

- Les fonds d'Etat mobilisés depuis 2007 pour sauver le système bancaire européen : 1.600 milliards d'Euros.

- Sauver le système financier (banques, assurances, etc.) a mobilisé près de 15% du PIB européen et 20% du PIB marchand. 

- Essayer de mettre fin aux conséquences de la crise de la dette  aura mobilisé en pertes cumulées pour les ménages et les entreprises, sur la période 2007-2017, probablement l'équivalent global d'une année de PIB. 

Ce qui veut dire que tout ce qui se discute en ce moment et qui mobilise les idéologues, n'a strictement aucun sens pratique et porte un risque systèmique colossal.

Croire qu'avec le dispositif en cours de discussion on pourra réellement éliminer pour les Etats le soucis du système bancaire et d'un éventuel nouveau sauvetage est un énorme leurre. Croire que ce dispositif apporte une solution pérenne est une idiotie.

On l'a bien vu : la source de la difficulté n'est pas dans la banque mais dans un système global qui provoque mécaniquement un accroissement irresponsable de la dette. Ce sont les défauts cumulés d'un système monétaire mondial trop souple, basé sur les changes flottants et les marchés, sans contrôle des déficits et des excédents monstrueux de balances de paiement, et d'un système trop rigide en Europe qui ne permet pas les ajustements interétatiques dans la zone Euro, qui posent problème.

Ces deux causes majeures ne sont pas traitées. Et on croit que les mesures envisagées sont à la hauteur des risques ?

Les pertes  mondiales  associées à l'effondrement da la pyramide de crédits dégagés de tout rapport avec la production ont excédé 10.000 milliards de dollars.  Ce qui veut dire que tout le système bancaire a été et reste en faillite virtuelle. On évite par des procédés d'urgence que cette faillite soit actée. Mais le sousjacent est malheureusement fort clair. 

Les risques associés à une nouvelle crise sont de même ampleur voire plus élevés.On a vu que les mécanismes d'assurances crédit mis en place, notamment les CDS,  concentraient les risques chez les gros assureurs et les fonds de pension. Ce n'est pas la petite prime de risque envisagée, d'un niveau ridicule par rapport aux échelles de pertes potentielles, qui aura la moindre importance.

En revanche revenir sur la doctrine qui a été la base du FDIC aux Etats-Unis, à savoir que l'effondrement successif des banques est automatique si on ne garantit pas les dépôts, est extrêmement dangereux.

Considérons bien la situation :

- on ne traite pas les causes de la crise

- on met en place un cautère pour jambe de bois

- on supprime le traitement  qui avait montré son efficacité.

En revanche on s'affronte sur le sexe des anges européens, entre Etats qui savent bien qu'au final ce sont les contribuables qui seront sollicités, notamment dans les grands pays, et européistes à tout crin  qui veulent profiter de la crise pour créer un "fait accompli fédéral".

Cela rappelle facheusement tout le débat sur Maastricht. Pas une réflexion sur la manière dont une zone de monnaie unique peut créer des dangers supplémentaires et notamment comment on règle la question du change extérieur et des déséquilibres intérieurs. En revanche on livre farouchement une bataille essentialiste entre souverainistes et fédéralistes.

Naturellement, pas un vrai débat technique dans les média. Il ne faut pas ennuyer l'auditeur.

Disons le clairement : tout ce qui concerne l'Union Bancaire Européenne est pour le moment une énorme farce mais avec bombes à retardement incorporées.

Le seul vrai débat qui compte est de savoir comment on peut éviter à l'avenir qu'on se retrouve avec la valeur d'un PIB compromise par des défauts majeurs d'organisation  des systèmes monétaires. Se concentrer sur l'amplificateur des crédits, les banques, ne suffit pas. Il faut s'attaquer aux sources d'émission primaire de la dette globale. Et on ne le fait pas. En revanche, on crée de nouveaux risques pour permettre un accord fédéraliste.

Tout faux.

Comme pour Maastricht, c'est 20 ans plus tard qu'on s'en rendra compte. 20  ans trop tard.

 

 

 Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Devises : un faux marché !

Combien de fois avons-nous entendu ou lu que le marché des devises, et a fortiori son résultat, les taux de changes, était le prototype d'un vrai "marché" où des millions de décisions venaient se confronter permettant aux libertés économiques de jouer pleinement et d'exercer leur pouvoir bienveillant, guidées par la "main invisible" de l'intérêt.

Les changes flottants, c'est-à-dire le cours des monnaies laissé à la libre appréciation des agents économiques "sans intervention" des Etats, sont désormais considérés dans la presse comme un état de nature, au-delà de toute critique. Aucune appréciation contraire n'est acceptée dans les médias de la PQN. Le sujet est non seulement peu vendeur mais tabou. Pas un "prix Nobel d'économie", pas un "grand économiste" qui s'écarte de cette idée : "nous ne sommes pas capables de définir à priori le cours d'une devise. Seul le marché a raison. Les Etats qui interviennent n'ont rien compris car on ne peut rien contre les marchés qui sont plus forts que tous les Etats, même le plus grand".

Ces doctrines tournent à la farce. Tout est faux, de A jusqu'à Z.

On le voit très bien en ce moment pour peu qu'on se donne la peine de regarder.

Il se trouve que les autorités de contrôle, un peu partout en Occident, ont fini par se rendre compte que tous les marchés monétaires et financiers avaient été largement manipulés. Ils ont enquêté et confirmé qu'il y avait bien eu manipulation. Tiens-donc : les "millions d'intervenants" pouvaient donc être  manipulés par quelques banques alors que les Etats seraient impuissants ?  Bizarre ? Non, pas bizarre. Car on s'est vite aperçu que le marché des changes était tenu par trois banques réalisant 50% des transactions et que 90% de leurs transactions étaient le fait d'ordinateurs et de progiciels de gestion instantanée des tendances. En un mot, trois gus avec leur ordinateurs réalisent 50% des transactions.

Là-dessus on a vu la BNS doubler ses encours d'émission de FS pour contrer la hausse de la devise, et la Banque du japon effondrer sa monnaie. On a vu qu'un seul propos de la FED pouvait amorcer une dégringolade des devises des pays émergents avec des chutes plus que significatives puisque dépassant 40% dans bien des cas comme la Roupie indonésienne ou le mois dernier le peso argentin, la banque centrale argentine intervenant pour mettre fin à la spirale descendante. On a vu qu'un discours de M. Draghi pouvait arrêter durablement un train de spéculation sur l'Euro. Une voix serait plus forte que "des milliards d'actes quotidiens".

Bref, on a vu que le marché des changes étaient tout sauf un marché parfait. C'est un marché de spéculateurs et de régulateurs où la manipulation est partout présente et qui ne correspond à rien sinon à donner l'exemple caricatural d'une instabilité chronique associée à des marchés purement spéculatifs et dotés d'instruments de spéculation concentrés entre quelques mains.

L'Europe a renoncé à utiliser le levier des changes et le change de l'Euro est la variable d'ajustement de toutes les spéculations et manipulations qu'elles proviennent des états ou des intervenants principaux.

Il s'agit d'une faute contre l'esprit autant qu'une sottise économique.

Certains ont affirmé que contrôler les grandes opérations contre les monnaies était impossible. Si la loi internationale  interdisait le "short" des monnaies à partir de fonds rassemblés à cet effet (en général des crédits bancaires atteignant des montants fous) avec des sanctions extrêmement lourdes pour tous les complices, il n'y aurait pas de nouveaux Soros se vantant d'avoir fait fortune sur le dos de la Livre anglaise.

L'examen de la réalité, et il n'y a pas besoin de microscopes, montre bien que toute la théorie qui fonde actuellement la gestion internationale des monnaie est substantiellement fausse et controuvée. Rappelons que la double hélice des crédits qui est à l'origine du gonflement maladif des dettes globales ans le monde, elles mêmes responsables du désastre économique actuel, est la fille des théories sur la nécessaire abstention des Etats dans la gestion des balances de comptes extérieurs.

C'est tout un pan du credo qui prévaut depuis 1971 qui est à démolir et à reconstruire sur des bases différentes.

Volcker vient de dire qu'il fallait une monnaie mondiale. C'est l'idée que nous avons exprimée dans notre article "en route vers le Mondio", il y a 5 ans maintenant. La monnaie unique montre bien que cette idée, pour être efficace, doit être complétée par des modes de gestion opérationnels permettant un pilotage au jour le jour. Les normes ne suffisent pas.

Malgré l'évidence, rien ne bouge sur ces sujets essentiels. La leçon fondamentale de la crise n'est pas tirée.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

Le blocage incompris du marché interbancaire Chinois

Le 8 mars 2009,  nous avions tenté de faire comprendre que la CHINE était plus un problème qu’une solution (voir   http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2009/3/8/Non-la-Chine-ne-nous-sauvera-pas-). A cette époque, dans le désarroi intellectuel général, certains commentateurs « autorisés » avaient repris les inepties de quelques analystes qui pensaient que les réserves chinoises allaient servir à relancer l’économie mondiale.  

Il y aura toujours, en toute époque, et à tout moment, de fins esprits pour croire que l’abondance de liquidité est la garantie d’une reprise rapide de l’activité. La Chine était gorgée de liquidités : la reprise serait là  et se ferait par-là ! En vérité, la Chine, après le Japon, après l’Allemagne, découvrait que l’accumulation d‘actifs en dollars la rendait vulnérable à des pertes abyssales. Elle allait donc gigoter dans tous les sens pour ne pas trop perdre, déstabilisant de nombreux marchés sans permettre de vraies reprises des échanges.

Il ne faut pas confondre panique et commerce.

Aujourd’hui les mêmes analystes restent sans voix : pourquoi le système bancaire chinois, gorgé de liquidité, est-il en grand danger ? Ils n’ont pas la clé d’interprétation d’un phénomène qu’ils ont pourtant devant les yeux depuis 2007, et qu’ils n’ont jamais voulu comprendre.

Alors ils développent les mêmes arguments que lors de la crise appelée à tort « des pays émergents ». On se souvient qu’à l’époque il était de bon ton de critiquer le « cronyism » supposé des systèmes financiers émergents. S’ils étaient en crise, c’était de leur faute et ils n’avaient qu’à mettre de l’ordre dans leur système. En fait la crise de 98 était une crise du dollar dans un environnement de changes flottants et de mouvements de capitaux à court terme totalement libres. Craignant l’Asie et surtout le Japon après le tremblement de terre de kobé, les spéculateurs étaient revenus en masse sur le dollar provoquant une double spéculation sur le dollar et sur la bourse américaine, notamment pour les valeurs technologiques. Rien à voir avec la gouvernance des banques des pays émergents qui seront VICTIMES dans cette affaire et traitées en voyous.

D’où la conclusion de l’article du Monde : « selon les analystes seules de vraies réformes structurelles du système bancaire…avec épuration des créances douteuses  et lutte contre la corruption, permettront d’éloigner vraiment le risque de crise ».

On a envie de demander à Marie Charrel, qui signe l’article, qui sont ces « analystes ».  On sait bien que ce sont les mêmes qu’en 1998 : les analystes des banques anglo-saxonnes en général et des banques américaines en particulier qui prêchent pour leur paroisse.

 

La crise actuelle en Chine est exactement du même type que la crise de 2007 dans les pays de l’OCDE. Le marché interbancaire s’est bloqué, comme en juillet 2007, au moment où les banques ont soudain compris que leurs partenaires étaient vulnérables et que tout prêt était en danger de ne jamais être remboursé. En 2007, après des mois d’incompréhension, la cause avait été trouvée : « ce sont les subprimes » !  Comme nous l’avons rabâché depuis, les « subprimes » ont joué le rôle d’allumettes mais la masse explosive venait d’ailleurs et était ailleurs.  

Notre thèse, reprenant les observations de Jacques Rueff, était que le blocage provenait de la double hélice de crédits qu’avaient permis le système des changes flottants, associés à la liberté totale des mouvements de capitaux.

Si un pays accumule des déficits colossaux, un autre pays accumule des excédents colossaux. Que faire de ces excédents ? La tentation est de les replacer dans le système bancaire du pays déficitaire. La nouvelle liquidité reçue génère une augmentation du crédit dans le pays déficitaire qui le devient de plus en plus. L’augmentation des actifs bancaires dans le pays excédentaire y permet le développement du crédit. L’endettement global ne cesse plus d’augmenter.

Pour les pays de l’OCDE, le taux d’endettement global est passé de moins de 200% à plus de 400%, créant une situation d’explosion, en dépit des purges périodiques provoquées par les crises décennales fortes (73-74, 92-93).

Regardons la réalité chinoise : le Monde du 24 décembre 2013, reprenant les informations du FMI,  la montre dans fard. « Les prêts classiques et les « crédits non traditionnels » s’élèvent aujourd’hui à 200% du PIB contre 130% en 2008 ». L’effet de la double hélice de crédits, en l’absence de toute réforme, continue à s’exercer. L’endettement américain a été soutenu par le « Quantitative Easing » aux Etats-Unis. La Banque de Chine  lâche 300 milliards de Yuan pour éviter le blocage du marché interbancaire Chinois. Le parallélisme est saisissant, même si les faits sont décalés du fait de l’administration stricte de la finance chinoise par les autorités.

La Chine confrontée à la fois aux risques de ses avoirs en dollars et aux effets de la création monétaire induite par les excédents est en difficulté.

Automatiquement en difficulté.

Il ne peut y avoir de surprise.

Les changes flottants sont un système nocif qui n’a jamais marché, ne marche pas et ne marchera jamais. C’est cela que la réflexion devrait commander d’écrire à Marie Charrel. Elle ne le fera pas. Elle tient à sa place. On peut la comprendre.

Mais quel désastre intellectuel !

Le centenaire oublié

Un des aspects oubliés du centenaire de la grande guerre n’est pas le moins important : le système monétaire multimillénaire basé sur les métaux précieux a été abandonné sans espoir de retour.

Depuis nous vivons dans des variantes de systèmes de « fiat money », de monnaies de papier. Plusieurs formules ont été envisagées qui n’ont en fait jamais fonctionné totalement bien, même pendant la période Bretton-Woods.  Le système actuel de changes flottants est déplorable et destructeur.

Alors que nous avons surmonté beaucoup des maux, causes ou conséquences, de la Grande Guerre, nous avons perdu 100 ans sur le front monétaire international.  

Curieusement personne n’en a parlé.

Un symptôme et un début d’explication de cette carence extravagante.

Le FMI : pyromane devenu pompier ? Même pas !

Le FMI est une institution malade depuis la fin des accords de Bretton-Woods qui l'avaient instituée. Son rôle était de réguler les changes fixes en permettant à des pays dont la monnaie était attaquée de ne pas régler ses difficultés de paiements internationaux par la récession et la déflation, entraînant tous les autres dans ses problèmes. Ses statuts lui imposaient et lui imposent toujours de veiller à ce qu'aucun acteur international ne laisse filer ses déficits de façon astronomique ou accumule des excédents intolérables. 

Seulement voilà : les Etats-Unis ont un statut privilégié au FMI et ils ont un pouvoir de veto. Le dollar est devenu de facto la monnaie du monde avant de l'être de jure après les accords de la Jamaïque qui ont démantelé les dispositifs de coopération mis en place à Bretton-Woods.

Les Etats-Unis ont donc alimenté le monde en dollars, en creusant des déficits immenses. En contrepartie se sont créés des excédents immenses. Les déficits ont été comblés par la planche à billets aux Etats-Unis et par le replacement des excédents dans les banques américaines. Chaque goutte de déficit américain a donc permis une émission de crédit dans le pays créditeur et une émission de crédits dans le pays déficitaire. Cette double pyramide de crédits, sans frein depuis que les changes flottent, a fait passer la dette globale de moins de 200% à près de 400%  du PIB à peu près partout.

Il en est résulté des crises périodiques de plus en plus fortes et une baisse tendancielle du "trend", provoquant un chômage intense dans les pays développés et une dette publique considérable.

Jusqu'à la crise finale que nous connaissons.

Nous avons chiffré entre 8 et 16 mille milliards de dollars la perte à fin 2007 sur ces crédits de plus en plus artificiels car depuis longtemps déconnectés de l'économie de production.  Ce chiffre parait énorme. Il l'est par rapport au capital des banques. Le système bancaire mondial est virtuellement en faillite depuis 2006.  La crise a créé une nouvelle source de crédits défaillants ("non performants" en novlangue). On est passé d'un taux de 2 à 4% de crédits en difficulté à 8-12% selon les banques. Cela a créé une nouvelle bouffée de crédits défaillants.

Les Etats en ont absorbé une bonne partie. Le déficit budgétaire annuel américain a gonflé de 10.000 milliards de dollars. En six ans, les sommes ainsi cumulées représentent près de 40.000 milliards de dollars.  Le reste du monde, globalement, a généré à peu près les mêmes flux.

Une crise portant sur une dizaine de milliards de dollars a créé, par un multiplicateur tragique, dix fois la même somme en déficits variés financés par la planche à billets et la création de crédits ex-nihilo.

On demande aux peuples, dont aucun n'a été décisionnaire, de rembourser ces dizaines de milliers de milliards de dollars. Ils ne le peuvent pas.

Rétrospectivement, on voit l'absurdité de la politique conduite par le G.20, dont nous avions ici même dénoncé les dangers dès la première réunion en novembre 2008.

Il fallait sortir immédiatement du système des changes flottants avec liberté totale des mouvements de capitaux pour restaurer une coopération minimale autour de changes fixes mais ajustables, avec interdiction des déficits massifs et des excédents démesurés.

On ne l'a pas fait et nous sommes exactement au même point qu'en 2008, sauf que la déflation généralisée a conduit à des dommages considérables et aggravé les choses.

Cette décision devait être accompagnée par une ponction exceptionnelle et immédiate d'une partie des placements mondiaux. On sait que l'épargne mondiale placée est d'environ 250.000 milliards. Il fallait immédiatement éliminer 10.000 milliards de dollars de dettes perdues par prélèvement sur cette masse. Cela faisait une perte de 4%, parfaitement digeste.  Maintenant qu'on en est à 100.000 milliards, la solution est impraticable.

Pourquoi n'a-t-on pas effectué immédiatement cette ponction de 10.000 milliards de dollars ? Simplement parce que le gros de cette épargne est dans des mains où elle ne peut pas être facilement saisies. Les gros contributeurs auraient du être la Chine, les pays pétroliers, et les détenteurs de rentes de situation massives, notamment les propriétaires des plus grosses sociétés mondiales et les hyper milliardaires. Ils représentent à peu près 80%  de l'épargne mondiale.

On a préféré un gonflement massif des émissions monétaires et des déficits publics pour leur permettre de conserver en valeur nominale la valeur de leurs avoirs.

En Europe, et notamment en France, cela a conduit à une politique spoliatrice visant  les "petits riches" tout en envoyant des wagons de salariés au chômage.

Le FMI après des années d'errance intellectuelle, découvre, tout d'un coup, qu'après ne rien avoir compris à la crise, d'avoir raté toutes ses prévisions et d'avoir proposé des fausses solutions, il faut désormais faire porter le chapeau aux riches  grâce à un impôt important sur le capital. Comme les principaux  détenteurs de rentes sont à l'abri, cette suggestion revient à demander une aggravation de la taxation de ceux qui sont déjà surtaxés dans les pays où le fisc est fort.  C'est naturellement une fonctionnaire française du FMI qui fait cette recommandation...

Sans même évoquer les causes de la crise et le rôle du système international des changes.

Le FMI dans ce triste drame aura été défaillant avec une constance regrettable.

Le drame d'un organisme sans objet, et le FMI n'en a plus depuis 73, c'est que sa volonté de survivre en fait un dispositif pire qu'inutile : néfaste. Il est malheureux que ce soit des dames françaises qui en témoignent de la façon la plus criarde.

Soit on réforme le système monétaire international, soit on supprime le FMI !

Au moins on ne financera plus l'indigence.

 

Didier Dufau, pour le Cercle des économistes e-toile   

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Dettes : requête à l'Insee, à Eurostat et au FMI

Le document affiché en bas de billet est une infographie du Figaro dont la source est la Deutsche bank. 

Merci et bravo au Figaro de l'avoir publiée.

Il montre l'évolution de la dette globale pour les pays du G7 de 2003 à 2012.

Première constatation : ce que nous n'arrêtons pas d'affirmer est confirmé. La dette globale, qui était inférieure à 100% en 1971 a progressivement explosé ses plafonds pour passer les 100, 150, 200, 250, 300, 400% et atteindre comme il est montré, en moyenne près de 440% du PIB.

Lorsque j'écrivais ma thèse de doctorat, on estimait qu'une dette d'Etat inférieure à 20%, une dette des particuliers inférieure à 25%, avec une part prudente pour l'immobilier, et une dette des entreprises non financières (plus de deux personnes) variant entre 30 et 50%, dans des économies où la valeur ajoutée des entreprises représenterait près de 75% du PIB, était raisonnable. La seule ambiguïté portait sur la dette de l'institut d'émission. Fallait-il l'ajouter ou non, en tout ou en partie,  à la dette globale, l'émission de monnaie banque centrale étant, comptablement,  une dette collective mais pouvant être considérée, avec l'abandon des monnaies métalliques, comme un fonds de roulement "technique" que l'on pouvait neutraliser dans les décomptes des dettes effectives : nul n'était besoin de la rembourser ! 

On peut se demander pourquoi cette évolution du taux de dettes globales est passée pratiquement inaperçue pendant des décennies, alors qu'elle représente une véritable révolution intellectuelle et économique. J'ai déjà présenté ce calcul élémentaire :

Si la dette est de 400% du PIB , avec un taux de 5% et une maturité moyenne de 10 ans, pour simplifier les calculs, l'amortissement  est de 40% du PIB et le versement des taux d'intérêt de 20%. Il faudrait donc que l'économie sorte 60% du PIB pour faire fonctionner un tel système à partir de la valeur ajoutée. Ce qui est impossible. Les banquiers ont cru pouvoir détourner cette impossibilité en  se remboursant nominalement sur les plus values de biens. Un banquier se moque d'être remboursé à partir d'une plus value ou de la vente d'une immobilisation, plutôt que d'un flux de revenu. Pas l'économiste.

Ce que montre le graphique, c'est qu'en moyenne les pays du G7 ont grimpé dans la folie des dettes jusqu'à l'explosion et qu'il n'ont réussi qu'à stabiliser le taux de dettes. Le graphique, ne montre ni le transfert des dettes vers les Etats ni le transfert vers les banques centrales.

Nous sommes toujours dans la situation intenable que nous avons matérialisée par l'image du "hanneton qui s'épuise à pousser devant lui sa boule de crottin".

La situation est plus simple pour les pays greffés sur la monnaie mondiale, comme les Etats-Unis qui en fournit 90% et le Royaume-Uni qui la fait tourner. L'explication des gros bénéfices des grosses banques mondiales est entièrement dans le fait qu'elles se sont débarassées du gros de leurs dettes et qu'elles continuent à fixer leurs honoraires sur une fraction démente du PIB des nations. La situation est dramatique pour les pays de la zone Euro,  contraints par l'absurdité du système de Maastricht qui a supprimé les possibilités d'action monétaire nationale sans transférer les mêmes moyens à l'échelon supérieur.

La grande question est de comprendre comment une évolution aussi néfaste et aussi massive que le gonflement gigantesque du taux de dettes a pu passer inaperçu et pourquoi les quelques lueurs qui ont percé le mur des ténèbres ont été considérées, par presque tous les économistes, sauf Maurice Allais, comme sans conséquences.

Une réponse est l'inadéquation des statistiques. Sur ce site, nous poussons à intervalle régulier un large cri d'alarme statistique et demandons à l'INSEE et aux medias, de remédier à des lacunes phénoménales.

- Nous souhaitons des séries longues, sur 50 ans minimum et sur 100 ans si possible. Pourquoi ? Parceque les évolutions étant incrémentales, elles ne prennent leur pleine expression que sur de longues plages de temps.  L'existence d'un cycle de 8-10 ans ne peux échapper à qui prend en compte l'évolution de la valeur ajoutée des entreprises depuis 1900 ! 

- Sur la dette globale la situation se double d'un probléme de définition. Quiconque s'est penché ne serait que trois minutes sur la question se rend compte qu'il est quasiment impossible de se faire une opinion fondée sur des informations solides. Tous les chiffres disponibles sont incompatibles entre eux. Les études sont faites, comme dans le cas de celle du Figaro, sur des enquêtes particulières dont la méthodologe est incertaine. Comparer les chiffres annoncées  par les uns et les autres, genre enquête Mckinsey, est IM-POS-SIBLE !

Dans le cas de la zone Euro le problème se corse du fait des dettes de la BCE ? Comment les réaffecter aux nations composantes ?

Le trouble est caractérisé quand on lit l'opuscule de l'INSEE sur l'économie française. Pour la première fois, l'édition 2013 donne des indications sur la dette relativement au PIB, alors qu'auparavant on donnait des chiffres sur des bases différentes : par exemple la dette des particuliers était rapportée au revenu disponible, pas au PIB, rendant les regroupements pénibles. 

Si on s'en tient aux chiffres données (particulier, état, entreprise), on reste dans des plages de dettes "acceptables" dont le total dépasse à peine 200%. D'où vient alors l'écart de 200% avec le chiffre de 440%  de la Deutsche Bank ?

Nous transmettons donc la supplique suivante à l'Insee (et par extension à Eurostat et au FMI)  : fournissez-nous une série longue recomposée au moins depuis 1945, donnant, sur une base normalisée, l'évolution de la dette globale française (européenne et mondiale pour les autres institutions).

Devraient  figurer EN TETE et en ENORME dès le début de l'opus sur l'économie française de l'INSEE, l'évolution des courbes suivantes :

- Valeur ajoutée des entreprises de plus de 1 personnes (en montant et en en pourcentage)

- Montant de la dépense publique

- Montant des prélèvements

- Montant de la dette globale et de ses principales composantes.

- part de la population globale  au travail

- ratio salarié des entreprises privées (hors associations et finance)/population totale ;

Dans la seconde qui suivra la lecture de ces courbes, le lecteur comprendra :

- que la crise de 2007-201x et sa dureté étaient entièrement prévisibles : télescopage de la crise décennale avec un encours de dettes intenables. C'est le moyen qui nous a servi à les prévoir dès Pâques 2006.

- que la montée du chômage est entièrement corrélée à celle de la dépense publique, avec ses deux compagnons prélèvements et dettes.

La crise de 1929 a permis de gros progrès statistiques. Il faut que la crise en cours provoque les mêmes progrès accompagnés d'une meilleure diffusion publique.

L'INSEE, malgré les pesanteurs politico-syndicales qui pèsent sur ses équipes (et qui était devenue évidente quand les syndicats ont exigé le renvoi d'un analyste qui niait l'effet bénéfique sur l'emploi des 35 heures), n'est ni au service de l'Etat, ni au service de la classe des fonctionnaires, ni au service du "peuple de gauche" ou de ses servants. Il est au service des citoyens et son monopole a pour contrepartie une diffusion neutre,  éclairée et éclairante. 

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Tout sauf Summers


 

 

 

Le démon du bien

Le démon du bien

 

Depuis le début de la crise nous prétendons qu’elle n’est pas le fruit de l’action de « vilains » mais plutôt d’erreurs globales commises par des élites animées par la recherche d’un bien supérieur. La durée de la crise et l’absence de vraies solutions proviennent justement de ce caractère très particulier : personne ne veut renoncer au bien !

Cette situation rappelle l’Union soviétique et ses politiques agricoles. Le système ne marchait pas. Mais il était parfaitement conforme à la doctrine considérée comme « indépassable » du socialisme agraire.  A chaque début de famine ou de disette, on criait aux nécessaires réformes et on en lançait une. Qui marchait parfaitement. Allait-on la généraliser ? Non ! Aussitôt les défenseurs de la bonne pensée socialiste veillaient et  interdisaient la prolongation de la réforme.

Nous avons proposé une explication de la crise en trois éléments :

-          Le système des changes flottants a provoqué une baisse tendancielle de la croissance mondiale, aggravé l’ampleur des crises décennales et finalement explosé. Le mécanisme principal est la montée délirante et généralisée de l’endettement global, du fait des doubles pyramides de crédits permises par ce système monétaire particulier et jamais décrit en bien par la doctrine jusqu’à sa mise en œuvre de facto sous la pression intéressée des Etats-Unis.

-          L’organisation de l’Euro, fondée uniquement sur une norme, sans aucun organe de pilotage, est un système fragile incapable de faire face à une crise autrement que par des déflations.

-          L’hyperfiscalité française, constamment aggravée, a progressivement paralysé l’économie marchande qui  souffre d’un manque à employer de près de 10 millions de salariés, permis une hypertrophie délirante du secteur public  et créer une situation insoluble où les prélèvements excédent la valeur ajoutée des entreprises.

Il n’est pas difficile de comprendre que la France, baignée dans la mondialisation financière basée sur les changes flottants,  membre fondamental de  la zone euro en déshérence et noyée dans son propre vomi fiscal, ne peut pas s’en sortir facilement.

Le premier choc fiscal, dû à  Sarkozy, doublé par le délire fiscal et les injures sociales de Hollande,  ont aggravé la cause spécifiquement française de nos malheurs économiques. L’année 2012 a vu un recul global de PIB, la baisse du pouvoir d’achat (par tête et global), la spoliation des entrepreneurs et des épargnants pour obtenir au final plusieurs centaines de milliers de chômeurs de plus,  avec en vue le record de chômage à plus de 11%, de très nombreuses faillites,  le  blocage de l’immobilier, et…un déficit public et un endettement public  aggravé.

Dirigée par un fils de famille aigri contre la bourgeoise et l’extrême droite de son enfance, haut fonctionnaire qui n’a jamais travaillé, ni dans la fonction publique ni ailleurs, qui a fait une carrière d’apparatchik malin  mais méprisé par tous ceux qui l’ont approché du fait de sa méthode qui consiste à toujours donner raison au dernier interlocuteur et d’éviter à tout prix de se faire coincer par l’énonciation d’une idée quelconque,  la France économique  a été abandonnée aux vaticinations et improvisions d’un professeur d’allemand et d’un professeur de maths.  Ces excellences de préau d’école n’ayant jamais vu une entreprise de leur vie ne pouvaient que prendre des décisions déplorables. Elles l’ont fait avec une incompétence à la hauteur de leur engagement socialiste.

Bien sûr, dans un moment de dépression économique, il faut à tout prix réduire les frais généraux de la nation et conforter autant qu’on peut le tissu des entreprises. 

Comment faire quand la classe gouvernante depuis 1974, l’énarchie compassionnelle, promeut l’idée généreuse, bien que controuvée, selon laquelle  seul le haut fonctionnaire voit juste et qu’il est seul  désintéressé, qu’il doit arbitrer la société,  qu’il faut crier en permanence « vive l’impôt » et que la dépense publique est le seul bien collectif qu’il faut à tout prix protéger, et ses servants avec ? Seule la séparation de la politique et de la haute fonction publique permettrait d’en sortir.  Cela supposerait deux mesures constitutionnelles évidentes :

-          Nul ne peut recevoir deux rémunérations de l’état

-          Nul ne peut être membre d’une assemblée ou d’un exécutif qui fixe sa propre rémunération.

Seulement voilà, il faudrait s’attaquer à un « démon du bien », comme disait Henri de Montherlant.  Et ce démon  tient les institutions politiques, l’Etat, la banque, et … la presse.

L’Europe de l’Euro a elle aussi ses démons du bien.  Ils suggèrent que l’Europe c’est la paix, que seul l’abaissement des Etats la permettra, qu’il faut mettre fin à toutes les barrières, à toutes les frontières et que l’individu européen, enfin libéré des contraintes artificielles mis à son bonheur et à son action par  les nations, pourra montrer toute sa fécondité.

Les Européistes ont considéré qu’il fallait créer  l’Euro sur une base purement contractuelle.  Que les sinistres moignons d’Etat fassent ce qu’on leur demande, à savoir conserver leur déficit dans la limite de 3% du PIB et l’endettement public en deçà de 60% du PIB et tout irait bien.  Jusque-là les Etats avaient des armes conjoncturelles, taux de change, politique monétaire et financière.  Dans le cadre de la zone Euro ces pouvoirs sont supprimés. La BCE n’a qu’un rôle vis-à-vis des prix qui doivent rester en deçà de 2%. L’objectif statutaire est unique.  Que se passe-t-il en cas de crise conjoncturelle mondiale ? Silence.  Que se passe-t-il en cas de distorsions internes ?  Silence.  On a mis la charrue avant les bœufs. Les bœufs ont naturellement piétiné la charrue qui ne marche plus.

On change ? Non. L’approche juridique et l’option européenne de principe sont des démons puissants. Tout cela a été fait (ou défait comme on voudra) pour la paix et le bien commun. Cela ne marche pas ? Tant pis ! On ne revient pas sur d’aussi beaux principes.

La dernière classe de démons du bien se trouve aux manettes de l’organisation monétaire internationale. Seuls les polémistes à courte vue peuvent prétendre que l’organisation qui a été mise en place est le fruit pourri d’une malveillance organisée.  Empêcher les Etats de venir gêner voire empêcher des relations économiques mondialisées par des contraintes abusives est un objectif défendable et même souhaitable.  La liberté n’est pas une contre-valeur.  Faire en sorte que chaque individu à travers le monde puisse aller et venir librement, s’établir librement, contracter librement,  au civil comme au commercial, acheter et vendre librement,  ce n’est que reconnaître un droit naturel de l’homme au monde. 

Construire un tel monde n’est pas une œuvre vaine et démoniaque.

Le diable une fois de plus n’est pas dans l’objectif mais dans les modalités.  L’organisation monétaire est  contingente. Ses modalités doivent être d’abord efficaces.  Pour servir une même fin,  une organisation peut s’avérer meilleure ou pire qu’une autre. Chercher la meilleure n’est pas  un exercice indifférent.

En voulant construire un système de libertés concrètes sur une organisation non coopérative, le monde occidental s’est trompé. Malheureusement les tenants de cette politique non coopérative et déséquilibrée assimilent l’organisation qu’ils ont choisie et les objectifs poursuivis.  Jupiter aveugle ceux qu’il veut perdre.

Le résultat est qu’il est impossible de mettre en cause le système des changes flottants qui est la base du G.20 et de toutes les relations internationales. Essayez, pour voir, de faire passer un texte qui remette en cause les changes flottants dans un cénacle international, dans un média qui se veut sérieux,  ou même auprès d’un éditeur : impossible !  Le tabou est trop fort.

Système monétaire malfaisant, système de l’Euro absurde, hyperfiscalisme français aberrant sont autant de montagnes impossibles à gravir car gardées par des démons du bien.

La crise entrera dans sa septième année en juillet 2013. Sept ans de malheur. Il est temps de jeter le miroir cassé de nos bonnes intentions  détournées de leur véritable finalité!  Les changes flottants ne sont pas la condition du  libéralisme économique international. L’Européisme aventuré n’est pas la condition de la construction européenne.   Le socialisme bureaucratique n’est pas la condition du social.

Il faut vaincre le démon du bien qui est en nous, même si l’enfer, c’est les autres, comme disait Sartre, un spécialiste.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.  

Quelle organisation nouvelle pour la zone Euro ?

Pour répondre à cette question il faut lever deux préalables :

-          Déterminer les objectifs de cette organisation

-          Savoir si elle doit être gérée dans le cadre de la Commission ou de façon autonome vis-à-vis des institutions de Bruxelles.

Une zone de monnaie unique impose une gestion politique centralisée forte.

Cette réalité a été entièrement gommée lors des discussions qui ont mené au vote de Maastricht. On pensait qu’il suffisait de créer des normes que devraient respecter les Etats.  Tout se passerait au mieux.  La monnaie unique comme par magie nous « protégerait ».  L’union faisant la force, comme chacun sait, l’union monétaire ferait la force des pays membres de la zone euro.

Le résultat on le connait :

-          Devenus libérés de la contraintes de change, les états traditionnellement irresponsables se mirent à emprunter sans limite : ce n’était pas cher.

-          Aucune coordination des politiques économiques et sociales n’ayant été prévue, on a vu l’économie des pays membres diverger  et d’énormes déséquilibres internes apparaître.

-          Les autres pays gèrent le cours de change de leur monnaie. Pas l’Europe. Une monnaie unique dans un ensemble flottant était une gageure. Finalement l’Euro sera presque toujours trop fort pour la majorité des pays de la zone Euro, aggravant leurs difficultés récurrentes.

Lors que la crise de la dette mondiale a éclaté, dette qui n’était pas fondamentalement de la responsabilité de l’Europe, la zone Euro et ses faiblesses se sont trouvées en première ligne.

L’impossibilité de dévaluer  ne laissait la place qu’à des politiques déflationnistes désastreuses, sauf à laisser la dette de chaque état en face d’une spéculation acharnée sur les taux d’intérêt qui ne pouvait qu’aboutir à la destruction de l’Euro.

Cette analyse conduit obligatoirement à la conclusion qu’il faut soit abandonner l’Euro soit créer une gestion centralisée des grands déterminants de la compétitivité : politique budgétaire, politique économique et sociale générale, politique monétaire et de change, politique de crédit, politique de redistribution interétatique.

Certains ont cru qu’on pouvait limiter la coordination aux seuls aspects monétaires. C’est une grave erreur. On ne peut pas laisser un pays passer aux 35 heures et maintenir une retraite à 60 ans avec des exceptions à 50 ans, pendant que d’autres passent à 65 voire 67 ans, en maintenant une durée de travail importante.  Les législations sociales comptent autant que le budget.

Les Européistes le savaient parfaitement. La mise en place de l’Euro devait tôt ou tard provoquer cette prise de conscience et forcer le passage vers un centralisme européen supplémentaire.  Ce sont les mêmes qui  affirment maintenant  que la crise est formidable parce qu’elle fait avancer la construction européenne.  Qu’importe si le système bancal mis en place a fait des dégâts colossaux. L’important est dans le fédéralisme européen arraché à la mauvaise volonté des Etats et des peuples.

Eh oui ! L’Euro suppose plus d’Europe institutionnelle.  On a mis exprès la charrue devant les bœufs. Certes ils ont piétiné et cassé la charrue mais il suffit de réparer et de la mettre à nouveau à sa place. C’est comme cela que l’Europe avance !

La position est cynique mais efficace : si on ne détruit pas l’Euro, il faut créer des institutions de gestion de la zone euro.

Par calcul et devant la résistance de certains états, on ne parle que de coordination budgétaire avec une sorte de Ministre des finances de l’Union européenne. En fait il faut aller beaucoup plus loin. Tout le monde le sait et fait semblant de ne rien voir.

Nous nous préférons dire qu’il faut un Chancelier de la zone Euro avec des pouvoirs dans trois domaines :

-          La coordination budgétaire

-          La coordination économique et sociale

-          La politique monétaire et de change.

Commençons par cette dernière :

-          Il n’ya pas actuellement de responsable du niveau de l’Euro sur le marché des changes. La BCE, qui dispose des principaux leviers pour agir sur les changes n’a pas dans ses statuts d’autre mission que de conserver, à l’échelon de la zone,  la stabilité relative des prix d’un échantillon de produits de consommation.  L’Eurogroupe était censé s’occuper des changes. Il ne l’a jamais fait.  La raison en est simple : les Européens croient, à l’échelon mondial,  à la justesse de la théorie des changes flottants  qu’ils ont récusée  à l’intérieur de leur zone.  Cette contradiction est insurmontable. Elle consiste à affirmer que les marchés fixent le cours de l’Euro  mais ne doivent en aucune façon fixer le cours respectif des monnaies nationales.

-          Le résultat est connu : les autres pays manipulent TOUS leur monnaie et l’Europe est la seule zone où on accepte de prendre tous les coups sans réagir.

Il est clair que le nouveau Chancelier doit :

-          Conduire la politique de change

-          Conduire la politique monétaire

-          Conduire la politique de crédit intra-européen.

Les statuts de la Banque centrale doivent être modifiés pour d’une part compléter l’objectif de stabilité des prix par un objectif de croissance et d’autre part l’associer fortement à la politique générale du chancelier.

On voit l’énormité du saut conceptuel qu’il faut faire.

Le Chancelier aura également comme mission de proposer une réforme du système monétaire international afin de revenir à un système de changes fixes et ajustables raccordées à un étalon extérieur à la monnaie d’un seul pays.

 

La seule existence de ce poste avec cette mission provoquerait une immense vague de fond dans le monde de la finance et des états. L’Europe serait là comme joueur et non plus comme ballon crevé dans lequel tout le monde peut frapper à loisir !  

Le Chancelier aurait naturellement en charge le soin des dettes globales des états et de la coordination des budgets.  Fini le mercantilisme des uns et le laxisme des autres. Il lui faudra s’assurer que les déficits structurels internes à la zone soient corrigés.  Associée à la politique monétaire cette politique pourra ne pas être purement déflationniste.

N’allons pas plus loin. L’essentiel est dit même si dans le détail, il y a de quoi écrire un livre entier sur la nouvelle institution.

La seconde question se pose aussitôt. A qui doit être rattaché le chancelier nouveau ?  L’Allemagne, on le voit bien, comme beaucoup de fédéralistes européens, veut renforcer la Commission Européenne qui est devenue avec le temps l’organisme gestionnaire d’une simple zone de libre échange, à l’exception notable de l’agriculture, en même temps qu’une machine à casser et sanctionner les nations composantes.

Le nouveau traité lui donne un pouvoir de sanction et d’intervention sur les budgets.  On fixe des normes drastiques et on donne à La Commission les moyens par des amendes gigantesques de les faire respecter.  On aggrave le système défaillant précédent tout en aggravant également la perte de moyen d’action au jour le jour. La gestion par la norme est une catastrophe. La crise l’a bien montré.

Faut-il que le chancelier soit une émanation de la Commission et fonctionne en liaison avec les Parlement Européen ?

Nous pensons que non.  Le Chancelier doit être une émanation  du conseil des gouvernements des pays de la zone Euro, avec des organes consultatifs et délibératifs propres, associés largement  aux parlements nationaux des seuls pays membres. Sans cela le déficit démocratique serait béant et de toute façon on ne voit pas pourquoi des institutions qui concernent des pays hors zone Euro devraient s’occuper de questions relatives à  cette zone.

Angela Merkel en proposant un saut  fédéral à l’échelon de l’Union Européenne tout en imposant une gestion par la norme confiée aux flics de la Commission fait une fausse proposition.

La réponse de la France devrait être :

-          Nous voulons des organes de gestion de la zone euro qui soient propres aux pays de la zone avec un pouvoir exécutif permettant une action au jour le jour sur le change, l’émission de monnaie, la gestion de la dette.

Une telle proposition, détaillée et construite sur des bases logiques et appropriées au problème à résoudre, aurait un énorme impact en Europe comme à l’international.

C’est la meilleure initiative qui peut être aujourd’hui envisagée.  Ce serait un véritable pavé dans la mare.

Elle ferait apparaître pour ce qu’elle est l’hypocrisie américaine, l’abus chinois, coréen et japonais et le désordre intellectuel mondial en matière de change.

Elle ferait apparaître le déficit démocratique de la commission et des institutions de Bruxelles.

Elle permettrait d’envisager autre chose que des politiques de déflation pour rééquilibrer les finances et la compétitivité des pays au sein de l’Union.

Il faut au monde un choc financier et à l’Europe un choc démocratique. 

On aurait les deux !

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

Une fausse réforme bancaire

On connait la méthode Hollande : "j'ai dit, mais je n'ai pas dit, tout en disant. Mais oui mais non mais oui mais bien sûr". L'ambigüité permanente lui a permis d'être là où il est. Il ne changera plus.

Il avait promis de lutter contre son ennemi, la "phynance" impie, indigne et désastreuse. Il lui fallait mettre en œuvre cette "promesse de campagne". L'exercice s'achève sur un salmigondis de mesures sans effets et sans vraie importance qui compliqueront un peu la vie des banques et surtout permettront au Président de dire qu'il a tenu ses promesses. Enarque aux milieux des énarques qui gouvernent les banques, il ne pouvait en être autrement. Il a suffi que ses copains de banc d'école hurlent qu'ils avaient mal avant même qu'on les frappe pour que tout tourne en eau de boudin.

Il ne peut y avoir de bonnes réformes sans intentions positives et sans analyse approfondie des difficultés rencontrées, s'il y en a. Il aura manqué les deux ingrédients.

1.  La première question à se poser était la suivante : on a vu pendant 40 années les bilans des banques enfler sans limite raisonnable, au point que la plupart des pays de l'OCDE ont dépassé 300% de ratio endettement global sur PIB.  La simple observation des réalités auraient du faire comprendre aux dirigeants que les banques n'ont pas été la source de ce gonflement. Les banques ne créent de la dette et de la monnaie que si elles ont des entrées de trésorerie. Rappelons que si elles avaient seules le pouvoir de créer de l'argent elles ne seraient jamais en faillite. En revanche, dans des cadres conjoncturels, législatifs et règlementaires  favorables, elles multiplient les apports par un effet multiplicateur bien connu.

Il fallait sans doute agir sur l'amplificateur. Divers mécanismes ont permis aux banques et institutions financières d'élargir leurs possibilités d'action au-delà du raisonnable. Revenir sur des pratiques dangereuse était nécessaire. Les banques l'ont d'ailleurs fait toutes seules. Le gonflement des capitaux nécessaires à garantir certains risques importants est une prudence opportune. On va beaucoup trop loin actuellement, au point d'étouffer en partie des financements souhaitables. On a vu par ailleurs la capacité des banques à éluder ces contraintes en utilisant des procédés juridiques astucieux. Il n'y a pas de raison que cela s'arrête. Le rôle du banquier est de prêter de l'argent contre des risques qui justifient sa rémunération. Sauf à tuer en lui toute envie de réussite, et à bloquer le système, il cherchera l'investissement rentable par tous les moyens, supervision renforcée ou non.

Comme dans le même temps on n'a rien fait pour mettre fin aux excès de l'émetteur, le système monétaire international, basé sur une monnaie nationale de référence et des devises flottantes, système qui a entrainé la fameuse double pyramide de dettes et l'amplification de tous les déséquilibres, le résultat est incertain.

On agit comme le gamin qui crée des châteaux de sable au bord de la mer pour voir s'il va résister à la marée. Ou comme le clown qui déplace  le piano pour le rapprocher du tabouret.

2. La seconde question à poser était celle de la taille. Doit-on accepter qu'un pays voit un quarteron de banques enfler leur bilan au point qu'elles mettent en danger le revenu de la Nation en cas de faillite ?  L'Islande l'a fait avec les résultats que l'on sait. La Suisse le fait, mais avec de facto  le back-up des pays arabes du golfe.   

La réponse est non !

Il est indispensable de démanteler les molochs de la banque universelle pour restaurer de la liberté économique et permettre de mieux garantir la solidité globale du système bancaire.

En France, les molochs en question ont refusé et tout le monde s'est couché. En revanche on a fait passer la supervision à l'échelon de l'Euroland pour que ce soit le PIB global qui cautionne le système. Au lieu de réduire les géants, on leur a donné un cadre plus grand pour exercer...

Donc on a rien fait de sérieux. Certaines banques universelles sont trop grosses en France et elles y ont trop de pouvoirs. Elles forment un oligopole fonctionnant en symbiose avec l'Etat, avec qui elles partagent leurs cadres supérieurs. Au nom de la sécurité d'ensemble, on a aggravé le phénomène plutôt que de le réduire. Bravo aux associations bancaires nées de l'époque Pétain qui ont permis ce noble résultat !

La banque universelle de taille monstrueuse a également l'avantage de permettre à une poignée de dirigeants de s'attribuer directement ou indirectement une part démesurée de la rente de monopole sous forme de rémunération démente (via des bonus, des rentes de participations aux conseils d'administrations, des commissions diverses internes ou externes, des stock-options etc. ).  Cette rente étant uniquement liée à la taille et non au mérite particulier du dirigeant, elle s'assimile à un enrichissement sans cause réelle. On peut parler d'une forme de parasitisme exacerbé.

3. La troisième question est le corollaire des précédentes : les conflits d'intérêt possibles non seulement avec la Nation tout entière mais avec la clientèle des banques.

Rappelons que tout le système bancaire est fondé sur un mensonge. On parle de dépôts quand on devrait parler de prêts. Le dépot est un prêt déguisé à la banque. L'Etat administrativo-financier, ce sont les mêmes dirigeants, a imposé le recours aux banques pour toutes les transactions de paiement ou presque. On ne peut plus "vider son compte" en liquide. Il faut le virer dans une autre banque. On ne peut plus payer ses salariés en liquide : seulement par chèques ou virements. Le fisc impose le règlement des impôts par virement à partir d'un certain niveau. Il ne rembourse plus que par virement. Tout a été fait pour limiter l'usage du billet.

Inlassablement les banques reviennent à la charge pour que les chèques deviennent payants et elles multiplient les approches pour limiter l'emploi du chèque au profit de moyens qui leur coûtent peu comme les puces sur cartes ou bientôt sur téléphone.

Bientôt la totalité des fonctions de tenue de comptes et paiements seront payantes, alors que les transactions sont prtiquement toutes automatisées et les saisies déportées sur les usagers.

En sus de ce premier revenu, l'argent déposé sert à justifier la création de monnaie de crédit, avec récupération par les banques de la rente de création monétaire, et le bénéfice des activités commerciales lucratives correspondantes. En cas de pépin c'est soit le client, soit l'Etat qui paie. Merveilleuse disposition que l'on souhaite à toutes les PME.

La vraie réforme est de permettre la constitution de vrais établissements de paiement, uniquement chargés de la garde et de la mobilisation de la monnaie thésaurisée par les agents économiques. Les dépôts seraient de vrais dépôts, en ce sens que l'argent ne pourrait pas servir de ressources financières pour les établissements de crédit. On a créé un cadre limité en ce sens pour permettre certaines formes de paiements nouveaux. Il faudrait aller beaucoup plus loin.

Dans des banques de paiements véritables il appartiendrait au client de faire fructifier ses réserves inutilisées en les plaçant auprès d'institutions financières de son choix. Ces institutions devront faire l'effort de les attirer, en faisant valoir leurs qualités, leur solidité, leur sagesse ou leur rendement. A elles de proposer des placements variés, contreparties d'activités de prêts elles même diversifiées.

Ce n'est plus une poignée de banquiers cooptés dans le vivier des Inspecteurs des Finances qui décideraient souverainement de ce qu'ils veulent faire des sommes qui circulent dans leur comptes, en toute liberté. Mais milles institutions capables de proposer diverses formes d'activités donc d'investissements en fonction du risque.

L'activité de prêt à trois mois sur créances quasi certaines, comme l'escompte, rapportera moins que la spéculation à risque et avec effet de levier sans garantie réelle.

A chacun de savoir de ce qu'il veut faire de son épargne.

Il va de soi qu'il faut éviter tout conflit d'intérêts entre le gestionnaire de placement et l'émetteur des placements. La BNP a bourré les comptes de ses clients sous mandat entre juin et août 2008 au moment où ses cours chutaient à la verticale. A la protestation que nous avons vue d'une cliente, la réponse a été : "il est normal d'avoir dans son portefeuille des actions des grandes banques françaises".

Le système de la banque universelle est un nid de conflits d'intérêts permanents.

La loi passée ne supprime aucun conflit d'intérêts. Elle les institutionnalise.

Une loi n'est utile que si une réflexion approfondie a permis de déterminer les voies et moyens d'un changement qui permette d'atteindre des objectifs.

Ici la loi a l'objectif minimal de permettre à un président élu de dire qu'il applique son programme. Une fois de plus on est dans la com' et pas dans l'économie.

Pour masquer le tour de passe-passe on a joué sur les mots. Au lieu de séparer les banques de paiements, les banques de crédits,  les banques d'investissements, les gestionnaires de fonds et les gestionnaires de fortune, on a indiqué qu'on isolait les activités utiles à l'économie des autres.  Une distinction qui n'a pas de sens. Ces "éléments de langage" ont été répétés ad nauseam par tous les journalistes-perroquets.  

Les vrais problèmes restent intacts. Ils n'ont même pas été effleurés pendant les discussions.

Un exemple parfait du mode de fonctionnement de l'énarchie qui nous gouverne.

Champagne à la Kaiserstrasse !

A certains grands moments de la crise que nous subissons depuis 2007 l'avenir dépends des décisions  des pouvoirs publics. Une mauvaise appréciation, l'inconscience de la réalité des choses, le poids des impuissances peuvent conduire à en prendre d'exécrables.

On l'a vu lors des G.20 de 2008 et 2009. Il fallait comprendre que la crise provenait du système monétaire international et y porter remède. On ne l'a pas fait. On a conservé le système non coopératif des monnaies administratives gérées par des gnomes et dont la valeur se fixent sur les marchés de devises, avec liberté totale des mouvements de capitaux. Malgré toutes les exemples historiques qui démontraient que dans ce cadre les relances keynésiennes ne marchent pas,  on a fait le pari que cette fois-ci on verrait ce qu'on verrait. On a vu : quatre ans après le désastre économique continue (Cf. sur ce blog :   G.20 un pari très dangereux)

Pour la France, on savait que le danger venait de sa surfiscalité aberrante provoquée par le développement d'un secteur public  de proportion exagérée, dont l'ampleur et les besoins de financement avaient  créé un sous-investissement massif et une précarité maximum dans un secteur marchand laminé, sans capitaux, sans marge, sans compétitivité et  incapable de pourvoir aux besoins d'emplois du pays. La décision tragique sera celle des Français portant au pouvoir de façon totalement décalée une équipe socialiste de fonctionnaires qui allait tout aggraver au lieu de commencer à remonter la pente. Le climat de haine sociale entretenue contre les patrons et l'annonce de mesures spoliatrices allaient dès l'été 2012 bloquer le pays.  50.000 chômeurs plus tard, la France est confrontée à la perspective d'une année noire en 2013.

Restait l'Europe. On savait que la zone Euro était structurellement malade. Elle n'avait aucun instrument pour faire face à une crise mondiale. De paniques en expédients on en est arrivé au  TSCG, traité budgétaire renforcé qui sacralise les règles  de Maastricht. Restait à savoir si dans ce cadre malsain, car uniquement déflationniste, allait se mettre en place d'autres organes de gestion que les croupions actuels. Certains célèbrent aujourd'hui l'accord "historique" qui voit les responsabilités de supervision bancaire glisser des banques centrales et des organes de contrôle bancaire nationaux  vers la BCE. Crier au miracle et à l'avancée déterminante comme Le Monde du jour est tout à fait excessif. Y voir la fin de la menace contre la zone Euro est risible.  L'idée sous-jacente est traditionnelle au  sein du fédéralisme européen  : cette étape permettra d'en atteindre une autre etc. On dépouille les Etats nationaux  et c'est déjà cela de pris.  Les résultats sur la réduction du chômage, la gestion des écarts de productivité,  la vulnérabilité spécifique aux systèmes nationaux seront pratiquement nuls.

Christian Noyer, qui parle certes en son nom mais qui est trop fin connaisseur de ce qui se passe à la BCE, a tué toute perspective positive en ce sens. Sa dernière intervention laisse entendre que la politique de la BCE a été formidable car elle a permis de maintenir l'inflation dans les limites statutaires de la BCE (on retrouve l'hymne à la gloire de Trichet : cf sur ce blog l'article La "victoire" à la Pyrrhus de Jean claude Trichet). Il est inutile de prévoir de grosses modifications dans la gouvernance européenne. Si la politique monétaire a été handicapée, la faute en revient à "l'indiscipline" des Etats. Il suffit de renforcer les normes et la sanction des normes pour que tout aille pour le mieux. Au passage renforçons les pouvoirs de la BCE. Un plaidoyer pro domo ;  de la plus belle eau.

Cette vision est totalement controuvée et lourde de nouvelles difficultés. Elle confirme l'amour éternel porté par les banquiers centraux européens, contrairement à leurs devanciers,  à un système de monnaies administratives gérées par eux-mêmes et dont la valeur externe est laissée aux forces du marché. Que le système ne marche pas et soit structurellement déséquilibré ne les gênent pas : on ne touchera pas à la source, à l'émetteur des déséquilibres mais au transmetteur et à l'amplificateur, le système bancaire, qui passera sous le contrôle des gnomes. Si les Etats sont par ailleurs contraints, tout ira bien.   

On notera que toutes ces erreurs majeures se complètent : on ne souhaite pas traiter le mal à la racine alors on s'énerve sur les symptômes.

Un exemple historique nous rappellera comment on gère normalement une crise économique. Après l'échec  de la relance de Chirac en 74, on a appelé Raymond Barre. Il explique très bien ce qu'il a fait (cf : "en relisant Raymond Barre" sur ce blog) : il a piloté la sortie de crise en jouant  sur la monnaie, sur les changes, sur le budget et sur les règles du jeu social (désindexation compétitive , fin de l'autorisation administrative de licenciement, etc.). Heureux homme qui avait encore une cabine de pilotage totalement équipée des instruments de bord nécessaires.

On voit bien que les Etats européens n'ont plus accès aux instruments de pilotage anticrise. Les changes ? Plus personne ne s'en occupe sinon un fantomatique Eurogroupe dont Juncker va quitter la présidence et qui ne fait exactement RIEN en la matière. La politique monétaire : la BCE s'en charge avec une seule boussole : les prix. Le budget : il est désormais contraint. Restent les règles du jeu social qui dans le contexte général ne peuvent être réorientées que dans un sens restrictif.

L'urgence aujourd'hui, si on veut que le système de l'Euroland marche et que l'on sorte de la crise , est de recréer une possibilité de pilotage global à l'échelon de la zone. Il faut une cabine de pilotage, la centralisation des instruments, et une action coordonnée sur les intérêts, les changes, les financements globaux, les budgets et les mesures sociales.  Bien sur il faut refuser le saut fédéraliste total avec création d'un budget fédéral gigantesque s'amusant à effectuer des transferts massifs entre pays européens.  Noyer a raison de dire que les opinions publiques ne le permettront pas.  

Cela implique un poste de "Chancelier de l'Euroland" doté de moyens légers mais cohérents et démocratiques d'agir sur les manettes économiques, y compris les changes et y compris la politique monétaire.

La BCE serait dans ce cadre partiellement  subordonnée à ce Chancelier. L'Europe renoncerait  à être la seule puissance du monde qui joue réellement le jeu faussé des changes flottants.

On pourrait envisager une sortie de crise par le haut en renonçant au chemin débile de la déflation et de la dépression dans les pays en décalage de compétitivité.

Dans la pratique on tourne le dos à cette orientation.

Nous nous retrouvons donc à la fin 2012 avec

- un monde dominé par les changes flottants et les attitudes non coopératives des Etats

- une Europe de l'Euro sans pilotage mais étouffée dans un système anti démocratique et lacunaire de contrôle et  de restrictions en tout genre.

- une France dans la folie fiscale aggravée par un socialisme sûr de lui et dominateur qui a fait de la Kalachnikov fiscale le moyen du" grand soir" de la ruine de sa bourgeoisie, au milieu des injures mille fois répétées contre les entrepreneurs (les patrons sont des "patrons-voyous", les chefs des entreprises du CAC "les douze salopards". M. Mittal" n'a rien à faire en France". "Casse toi pauvre con" lance-t-on à M. Arnault.   Et quand Depardieu "se casse", c'est un" traitre" à la patrie, alors que le droit d'établissement où l'on veut en Europe est la conquête  principale de l'Union Européenne pour ses citoyens) .

Autant dire qu'il n'y a rien à attendre de bon de 2013. Le problème des grandes erreurs, c'est qu'elles ne se rattrapent jamais.  

La crise entrera dans sa sixième année, du jamais vu depuis 1929.

Le Bilan de la BCE et ses gains n'ont jamais été aussi élevés.  Voilà ses pouvoirs élargis.

On doit faire livrer les bouteilles de champagne au 29 de la Kaiserstrasse à "Eurofort sur le Moins", comme disait Séguin.

Mais ce sont les peuples qui trinquent.

Un débat et une prévision de 2009 vus avec quatre ans de recul

Il nous a paru amusant de reprendre ici un dialogue  de février 2009 que nous avions eu sur le site de Guy Sorman (http://gsorman.typepad.com/guy_sorman/2009/02/crise-qui-est-coupable.html)  à propos d'un intéressant article qui s'interrogeait sur les coupables d'une crise qui devenait visible et qui regrettait que les théories étatistes  l'emportent sur une vision plus libérale des choses.  Il concluait :  

"Au nom du bonheur commun, souhaitons que les politiques de relance  en cours aux Etats-Unis comme en Europe réussissent ;  on sait d’expérience,  qu’un succès à court terme est possible mais qu’ il serait certainement suivi d’un retour à l’inflation. Il reste donc indispensable de préparer une alternative , ce que Hayek appelait, une utopie de rechange."

On a vu dans les faits que la relance a effectivement réussi à court terme, mais qu'elle s'est rapidement effondrée  peu après.  En revanche il n'y a pas eu d'inflation.  On sait pourquoi : la crise était due (et reste active) du fait d'une accumulation de dettes et de crédits insupportable. Ajouter de l'activité par de la dette nouvelle ne pouvait que mettre les Etats en difficulté.  La destruction de monnaie privée étant supérieure à la création de monnaie banque centrale, il n'y a pas eu de vrai inflation. En revanche les effets de paniques ont été aggravé par la liberté totale de mouvements de capitaux aves des comportements de précaution qui ont fait aller l'économie dans tous les sens sauf celui de la croissance. Et nous voilà avec des impôts monstrueux pour essayer de payer la facture.

Dans les faits Guy Sorman a eu raison sur un point clair : les relances keynésiennes ne sont pas efficaces et faux sur un autre : ce n'est pas l'inflation qui est arrivée mais l'hystérie fiscale. Dans un système où les banques centrales ont un objectif de stabilité des prix seuls l'impôt permet de solder une crise de dettes partiellement transférée sur l'Etat.

Il nous paraissait que l'a priori doctrinal ne suffisait pas et qu'il fallait aller à la racine de la crise de la dette pour comprendre pourquoi les mesures engagées ne fonctionneraient pas.

Il nous semble que nos observations ont été totalement validées par les faits.   

Nous renvoyons le lecteur  au texte de Sorman et présentons le dialogue qui a suivi :

Notre réponse  :  

"L'ennui de cet article est qu'il ne comporte pas de vrai diagnostic et donc aucune vraie solution.

"La crise dite des "subprimes" n'a été que l'allumette qui a fait sauter la vraie bombe : le désastre des changes flottants qui ont permis la constitution d'un endettement si colossal (pour les Etats Unis plus de 3 fois le PIB) que plus personne n'aurait pu payer les intérêts. Ce à quoi on assiste c'est l'effondrement de cet endettement phénoménal et sans cause sérieuse depuis qu'il ne sert qu'à alimenter la fuite devant les monnaies et le gonflement du prix des biens dits réels.

"Depuis 1971 date où le dollar est détaché de l'or son prix en or est passé de 35$ l'once à plus de 900 et s'oriente vers les 1000. Une dévaluation de près de 97%. Est-ce que Friedman, le seul théoricien des changes flottants avait prévu cela ? Non évidemment. Il avait déclaré que les changes et les taux d'intérêt s stabiliseraient. Le dollar a perdu la moitié de sa valeur puis a doublé puis a reperdu la moitié de sa valeur désagrégeant les échanges et ralentissant la croissance. Du coup on est passé des trente glorieuses à une période bien moins tonique. Quant aux taux d'intérêt unifié, il suffit de regarder le désastre actuel pour voir à quel point un prix Nobel peut se fourvoyer.

"Le système des changes flottants a permis au pays dont la monnaie était dominante de creuser des déficits colossaux et perpétuels qui ont généré avec une fréquence de 3 à 5 ans des crises financières répétées. Pour sortir d'une crise on gonflait le ballon de liquidités en dollars qui venait crever lors de la crise d'après avec une aggravation constante. Jusqu'à l'explosion nucléaire finale.

"Dire : il faut laisser faillite se faire est amusant. L'ensemble du système financier mondial est en faillite. Le capital global des banques est d'environ 1/20 des pertes encourues ou potentielles ! Si on laisse tomber les banques c'est l'ensemble des dépôts mondiaux qui s'évaporerait. On sait que la perte de 30% des dépôts entraîne une récession d'environ 50% du PIB. Bonjour les suites heureuses de l'irresponsabilité conduite par l'idéologie.

"Actuellement crédit est mort parce que les banques sont des mort-vivants. Tout le système mondial des échanges est quasi à l'arrêt. Les flux commerciaux ne savent plus comment s'orienter.

"La seule solution n'est pas de gloser sur libéralisme ou non mais de mettre fin sans délais aux changes flottants afin de stopper les guerres de dévaluation qui se mènent tous les jours, de supprimer l'alea sur les changes (qui explique la complexité des CDS et autres produits dérivés) et de rétablir un horizon économique stable pour le commerce international.

Tout le reste n'est que ruine de l'âme et de l'esprit."

 

@didier dufau:
Et concretement, comment fait-on pour mettre fin aux changes flottants?
On revient a un systeme ancre sur l'or?

@avidadollar

La première question est de savoir si les changes flottants sont bien en cause dans la crise actuelle, nième épisode depuis 71. Apprécions qu'on le pense suffisamment pour poser une seconde question : comment en sortir ?

Un système monétaire international correct suppose l'égalité des nations et des règles élémentaires. La première : tenir sa monnaie et faire en sorte que les déséquilibres qui se produisent ne soient que temporaires. La seconde : solder ses comptes internationaux. La troisième : au cas où on ne le peux pas, accepter une aide temporaire moyennant une action correctrice forte imposée par la communauté.

Faut-il une monnaie comme l'or pour ajuster les soldes ? Non. N'importe quel système est possible. L'important est de revenir à une balance suffisamment équilibrée pour ne pas poser de problème.

Ce peut être des DTS, une monnaie de compte internationale comme le Mondio, un système de régulation fort (les excédents impliquent aussitôt des mécanismes de taxes compensateurs si le pays ne relance pas en interne son économie).

Cela peut même être l'or. On n'a jamais extrait autant d'or. On est sur une tendance de 3% par an de croissance des productions ce qui le rythme à long terme d'une croissance soutenable.

La ringardisation de l'étalon or après en avoir fait la seule solution libérale orthodoxe est une curiosité intellectuelle.


L'important dans l'affaire c'est de cesser de pleurer sur les conséquences sans jamais voir la cause.

Les américains ne croient pas au plan de relance parce qu'ils on peur pour le dollar et craignent sont effondrement. Merci les changes flottants.

L'Islande n'a plus de monnaie après avoir pu prendre des engagements multiples du PIB. merci les changes flottants.

Le RU dévalue à mort : merci la libre concurrence saine avec une gain immédiat de près de 5à% de compétitivité !

Les fluctuations des monnaies font courir un risque tel que le commerce international est arrêté. Merci qui ?


Les pays baltes voient leur monnaie s'effondrer. Cela effondre les bourses un peu plus. Merci qui ?

Il est stupéfiant de voir décrit cent fois dans les journaux des malheurs liés aux changes flottants sans que JAMAIS ils ne soient mis en cause.

La relance keynésienne ne fonctionne pas en change flottant. Pas de chance. Keynes était CONTRE les changes flottants.

Les relances monétaires par les banques centrales ne fonctionnent pas en mode changes flottants. Keynes l'avait bien vu en 1921.

En fait rien ne marche en change flottant.

le seul théoricien des changes flottants Milton F. avait prévu :

- une harmonisation des taux d'intérêt
- la convergence des taux de change.

Tout faux.

Rien ne marche en changes flottants même pas les théories des pères du système.

Il serait peut être bon de le comprendre avant que l'échec de tous les plans lancés depuis 6 mois ne deviennent encore plus patents !

 

Avec le recul on ne voit pas trop ce qui devrait être changé dans notre position.

L'or est passé à 1750 dollars au lieu des mille que nous envisagions à court terme, preuve de la panique générale et de la fuite des monnaies  créées par les plan de Quantitative easing  ont été dans les marchés de biens durables pas dans l'activité.

Nous disions que la relance keynésienne ne marcherait pas, ce qui a été le cas. L'expérience Chirac de 1974 avait déjà prouvé qu'une relance keynésienne en change flottant finissait par…un plan Barre de relèvement des impôts sans réellement changer quoi que ce soit.

Comme rien ne marche en changes flottants et qu'on n'a même pas envisagé une seule seconde de simplement discuter de la question, la crise perdure près de quatre ans après cette petite discussion.  

L'utopie de rechange dont parlait Hayek est bien la suppression  du système des changes flottants, un système qui ne marche pas, qui n'a jamais marché et qui ne marchera jamais !  

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.

Une nouvelle erreur à la mode

Cette réflexion a été inspirée par la lecture dans Commentaire N° 139, d'un article de Jean Serisé. Jean Serisé fait partie de cette cohorte hauts fonctionnaires qui, portée par la Libération, a imposé une autre conception plus économiste de l'Administration et qui, via le Plan et la Direction de la Prévision du Ministère des Finances, a cru à la possibilité d'une gestion keynésienne de l'économie. le Club Jean Moulin portera largement les réflexions de ce groupe.

Que d'illusions !

On a quelques scrupules à s'attaquer à ces monuments de la Haute Administration d'après guerre qui sont aujourd'hui morts ou dans le très grand âge. Mais enfin, il faut bien le dire, la lecture de certains livres de l'époque laisse rêveur. "Pour une réforme de l'entreprise" de F. Bloch Lainé, une figure emblématique de cette confrérie, est totalement illisible aujourd'hui et, dans bien des pages, frise le ridicule. La "planification" est morte et aujourd'hui encore la direction de la prévision ne sait toujours pas combien il y a de fonctionnaires en France, soixante ans après que ces préoccupations aient été exprimées.

L'économie française et mondiale, comme l'Administration, sont des haridelles capricieuses, difficiles à monter et à dresser.  

Parti de l'économie dirigée keynésienne, Jean Serisé finira dans le giscardisme et le néolibéralisme : une carrière !

Nous avons un petit peu asticoté sur ce site L. Stoleru, membre du groupe,  qui avait écrit un article hélas légèrement délirant. Si nous critiquons ici son confrère qu'on n'y voit pas d'esprit de système. Son texte n'est d'ailleurs pas ridicule. Simplement il porte une affirmation que nous croyons inexacte : l'Europe serait vouée à la stagnation ou à la croissance très lente, d'une façon structurelle. Il faudrait que tout le monde s'y prépare dans la tristesse et l'affliction.  L'équipe de Giscard en 1975 disait déjà la même chose, ce qui explique en partie les mesures idiotes et intenables de Chirac pour lutter contre un chômage massif qu'on voyait permanent (en particulier les 2 ans d'indemnité à salaire égal voire supérieur du fait d'un effet fiscal) .

On connait les arguments stagnationnistes des tenants de "l'économie réelle". Les aspects monétaires ne sont pas importants. Des pays vieillissants et nantis, ne peuvent pas connaître une croissance rapide.  La capture de richesses par les pays détenteurs de ressources rares nous imposera de payer une rente, voire une rançon, qui nous privera des ressources nécessaires à l'investissement. La préoccupation écologique nous impose de tout freiner. La montée des pays émergents nous  contraint et pèse sur l'emploi.  

Serisé les reprend en partie, en cherchant à démontrer que les politiques monétaires sont finalement vaines et que les facteurs structurels joueront leur rôle en Europe.

Nous croyons cette vision fausse. L'Europe n'est pas vouée à la stagnation et la France aux déficits perpétuels et à un chômage de masse.

Cette théorie fait l'impasse sur les trois sources de la crise :

- Un système de changes flottants de monnaies administratives qui empêche le bon fonctionnement de l'économie mondiale

- Un système monétaire européen mal fichu qui force à des adaptations par la déflation

- Un système français asphyxié par les sureffectifs administratifs et la captation de l'économie par l'Etat, dont le chiffre symbole est le fait qu'il manque désormais entre 5 et 10 millions de salariés dans l'économie marchande française et que la dépense publique représente aujourd'hui plus de 100% de la valeur ajoutée des entreprises de ce secteur.

On voit que l'économie "réelle" a peu de rapports avec ces défauts de structure et que la monnaie joue un rôle central. 

L'ouverture des pays communistes à l'économie de marché est une grande chance pour l'économie européenne, pas un problème.  Le développement des pays africains ou sud américains également. La contrainte écologique existe bien ainsi que la rente pétrolière. Mais la productivité permettrait d'y faire face si on lui laissait ses chances.

Il n'y a aucune fatalité du sous emploi et de la faible croissance en Europe. Il faut simplement revenir sur des erreurs d'organisation économique et commerciale qui rendent impossible l'échange du travail contre du travail.  

On a commenté ici mille fois la baisse universelle des taux de croissance décennaux depuis l'instauration des changes flottants. Sa cause principale est la violence constamment aggravée des crises décennales qui est directement liée à l'économie casino et à la surfinanciarisation de l'économie par le mécanisme des doubles pyramides de crédits décrit depuis longtemps par J. Rueff.  Quand le haut de bilan l'emporte sur le compte d'exploitation, le chômage global suit immanquablement.

Un système de monnaies administratives flottantes n'a jamais marché, ne marche pas et ne marchera jamais. Delenda est !

En escamotant ce problème central en jugeant les aspects monétaires secondaires, on décrédibilise totalement sa démonstration.  Nous ne vivons pas depuis 2007 une crise écologique ou démographique ou pétrolière. Nous subissons une crise monétaire et financière carabinée avec l'obligation de liquider un monceau de dettes accumulées depuis 1971 dont près de 15% n'a en face d'elles aucun flux réaliste de remboursement.

Que l'on dise : la liquidation de cette dette aberrante va peser longtemps sur la croissance mondiale, peut-être. Mais on peut dire aussi : la croissance est un des moyens de liquider ces pertes comme les trente glorieuses l'ont montré.  Les dettes globales européennes étaient partout redescendues en dessous de 200% du PIB.

Les conseillers de Giscard n'ont rien compris des malheurs que recelaient les accords dits de la Jamaïque. Ou s'ils les ont compris ils se sont montrés incapables de les exprimer et de  faire prévaloir une vision différente. Maintenant qu'ils sont évidents il n'est pas juste de les escamoter sous le tapis.

Les hauts fonctionnaires giscardiens ont été également été pris en défaut lors de la discussion sur la création de la zone Euro. Ils constatent aujourd'hui le lait versé mais où étaient-ils et que disaient-ils lors du traité de Maastricht ? La zone Euro, sans organisation ad hoc,  a été une erreur économique majeure et l'instabilité monétaire mondiale a fini par servir de révélateur de sa nocivité.

Quant au problème spécifiquement Français de sur-administration  on le doit largement à la captation du système politique par la haute fonction publique.  "L'énarchie compassionnelle", ce système d'étranglement de la société par des fonctionnaires juges et parties,  est largement due à la génération de hauts fonctionnaires, sur d'eux-mêmes et dominateurs, qui s'est installée juste après guerre, même si c'est la génération suivante d'énarques "politiques" qui gouvernent aujourd'hui.

Si on revient à un système monétaire qui pousse à la croissance concertée, sans délires monétaires ni accumulation de déséquilibres commerciaux ou financiers aberrants, si on règle la question d'organisation d'une zone de monnaie unique en Europe et si on réduit fortement la suradministration française avec son hyperfiscalisation, ses sureffectifs de personnels sous statuts,  son amour pour la dépense publique et son endettement endogène, il n'y a strictement aucune raison pour que le monde dans son ensemble, la zone euro et la France en particulier ne retrouvent pas des formes de plein emploi et une croissance soutenue.

L'ennui, c'est que sur ces trois sujets, on ne va pas dans le bon sens. L'organisation monétaire mondiale n'a pas changé d'un pouce depuis 2007. Les déséquilibres se sont aggravés et la dette insolvable aussi.  Les mesures prises en Euroland sont à mille lieux du nécessaire et conduisent invariablement à la déflation. La France de l'énarque politique Hollande a fait le choix d'aggraver encore sa fiscalité sans réellement toucher à la dépense publique.

Nous ne serions trop convier la revue Commentaire à se focaliser sur ces trois sujets plutôt que de se ringardiser avec des auteurs dépassés qui ne voient d'autres perspectives qu'une lente dégradation  structurelle de l'économie européenne.   Avant guerre toutes les revues de réflexion militaire avaient banni les questions d'offensive parce que les grands anciens ne croyaient qu'à la défensive. Parler d'offensive, de divisions mécanisées intégrées, de forces d'attaque stratégique, de mouvement,  était interdit. Et les vieux généraux venaient y  crier leur foi dans la Ligne Maginot.  

On a vu le résultat.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.

Taxation des transactions financières : la farce continue !

Le sujet de la Taxe dite Tobin du nom de son promoteur n'est pas anodin. Il touche au cœur même du système monétaire international, de facto détruit dans sa variante Bretton Woods depuis 1971 et de jure depuis 73 , et qui est à la source même du désastre économique général que nous connaissons comme nous l'avons inlassablement démontré.

Tobin avait parfaitement compris que les changes flottants apporteraient une instabilité et un manque de contrôle dans la mondialisation économique. Ils craignaient à juste titre les effets d'une dérégulation totale des mouvements de capitaux, notamment à court terme, dans un système de compétition débridée des Etats. Afin de rendre impossible une économie financière "casino" qui n'était que trop prévisible, il a proposé une massue : un taxe de quelques points de base permettant d'empêcher les opérations purement spéculatives sans toutefois  empêcher les opérations financières basées sur l'investissement. Fini le Day Trading sur n'importe quoi et notamment sur les monnaies. Fini la spéculation perpétuelle sur des valeurs nominales dans le cadre de contrats n'ayant que le sens qu'on voulait leur donner.

La position de Tobin était parfaitement rationnelle. Nous lui avons toujours reproché d'être un expédient : la solution était dans le retour à un étalon monétaire international (cette fois ci détaché d'une nation, fut-elle la plus importante du monde) et un système coordonné de changes fixes mais ajustables sous le contrôle d'une puissante institution comme le FMI (détachée également du véto américain). On notera en passant que dans un tel système, la crise actuelle de l'Euro n'aurait pas l'intensité destructrice  de ces derniers jours.  

Le débat est réellement crucial. Il est de ceux qui conditionnent  notre avenir et celui de l'économie européenne et mondiale.

Comme on le sait ce débat est impossible. Les médias n'en parlent pas. Les économistes officiels regardent obstinément ailleurs. Pourquoi prendre le risque de se colleter avec les idées dominantes en provenance des pays anglo-saxons qui croient pouvoir prospérer sur la base débilitante des changes flottants ?  Finis alors les jolis et juteux postes nationaux et internationaux, les cercles internationaux ou nationaux plus ou moins confidentiels, comme celui qu'on reproche aujourd'hui à M. Draghi !

Honneurs, carrière  et argent sont dans le silence. Il est de fait assourdissant.

Attac, un charmant organisme communiste cherchant à survivre à l'effondrement de l'Union soviétique a mis le thème à la mode. Attaquons la "finance", celle que n'aime pas le Président Hollande, et pour cela brandissons l'épée de la taxe.  Il est vrai que Tobin  avait imaginé de donner le produit de la taxe aux ONG internationales. Alors on avait vu un certain nombre d'idiots utiles expliquer qu'avec une taxe infime on obtiendrait des sommes pharamineuses qui en un tour de main règleraient tous les problèmes du tiers monde.

Evidemment on était dans le mensonge  intéressé et l'agit-prop : si une taxe est d'un rapport pharamineux c'est que la taxation est elle-même pharamineuse. Il n'y a pas de miracle.

Tobin se fendit alors d'un communiqué pour expliquer qu'il n'avait rien à voir avec ce ramassis de communistes en rupture de ban et en espérance de subventions phénoménales, cachés derrière le faux-nez de l'éducation populaire.

Nicolas Sarkozy, toujours à l'affût quand il s'est agi de piquer une idée à la gauche, annexera la Taxe Tobin mais en totale rupture avec l'idée de réforme du système monétaire international. Pour lui il s'agira simplement de politique politicienne et de fiscalité facile, à la Chirac avec son système de taxation des billets d'avion.

Les différents lobbies politiques commencèrent à se déchirer le pactole. On vit la taxe servir à réduire la fracture Nord-Sud, puis la fracture numérique, puis la conversion verte  des pays en développement puis celle des pays européens. Mme Lagarde et Kouchner d'un même élan se fendirent d'un article ridicule que nous avons commenté en du temps sur ce blog. M. Douste-Blazy, l'évanescent on-ne-sait-plus-quoi, étonnant voyageur chargé à New York des ressources non conventionnelles, comme il y a des armes non conventionnelles, faisait du lobbying sur le thème "moi vouloir ces sous et vite".

Le produit de la taxe était convoité par tout le monde pour des prétextes divers (charité internationale, écologie, …) et n'avait plus aucun rapport avec la question du désordre monétaire international.

Finalement Nicolas Sarkozy, dans la précipitation d'une campagne électorale délirante, fit voter une taxe sur les transaction financière de 0,1%, soit 20 fois plus importante que le projet Tobin mais portant sur presque rien.  Il ne s'agissait plus que de collecter des ressources fiscales nouvelles pour l'Etat. Les Inspecteurs des Finances veillaient. 

L'énarque Hollande devait faire encore plus fort encore plus nul.

Nous voici donc avec une taxe 40 fois plus forte que la taxe Tobin, totalement déconnectée des questions monétaires internationales, portant sur les achats d'une liste d'actions en bourse et rapportant prétendument un peu plus d'un milliard d'Euros, ce qui nous sauvera face au 1.700 milliards de notre dette (qui augmente régulièrement de quelques dizaines de milliards par an).

Pour satisfaire  les lobbies du day-trading sur ordinateur, notamment la branche spécialisée de l'Ecole Polytechnique, avec des dépendances du côté de HEC, dont le président est "alumnus" on a décidé que la taxe ne s'appliquerait pas … aux spéculateurs.  Les ordinateurs qui sont la source de 80 à 90% des ordres d'achat pourront continuer à chauffer. Ils sont responsables de ce yoyo à fortes variations (2 à 3% à la baisse, deux à trois % à la hausse) et du vol caractérisé des intervenants non informatisés ? On s'en fiche.   

Les CDS : on ne touche pas.

La monnaie : pas touche non plus.

Ce n'est finalement rien d'autre qu'une taxe nouvelle et ciblée sur le déplacement de capital d'une forme à une autre. On a créé un type d'impôt inédit pour gagner six francs six sous.  Effets pervers : les actions des titres concernés ne seront plus négociées à Paris ou si elles le sont, avec des coûts supplémentaires qui limiteront l'accès à l'épargne. Tout le monde s'en fiche.  Du moment que l'épargne va dans les poches qui financent la dette, le reste n'a pas d'importance.  

Le plus drôle est la tête déconfite des ONG. M. Hulot proteste au nom de l'écologie. D'autre au nom de la lutte contre le Sida, d'autres enfin par habitude de quémandeurs frustrés. On attendait des milliers de milliards et voici qu'on nous fait l'aumône d'un misérable 10% d'une collecte fiscale minable.  Comme si 100 millions d'Euros ce n'était rien en ces temps de disette. Citoyens ne vous attendez pas à savoir où cette manne ira. Personne ne vous le dira dans le détail. Copains et coquins vont se régaler en faisant semblant de pleurer pour réclamer plus, plus tard. Il n'y a pas que les cultureux de gauche pour manipuler la sébile et la grenade.   

La taxe sur les transactions financières a été détournée de son rôle théorique pour devenir un impôt de plus, de justification incertaine, avec une distribution affectée abusive bien que modeste de son produit à des quémandeurs professionnels.

Une parfaite farce. Tout  fait dans le genre de M. Hollande, le roi du nègre-blanc, qui doit bien rigoler en pensant aux petits calculs désespérés de N.Sarkozy pour "faire gauche". Il a tant d'humour.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Explosion du lectorat de ce blog : 336.000 lectures cumulées

Effet probable de la conjonction d'une crise dont on ne sort pas, faute d'avoir pris les mesures qui s'imposaient comme nous le répétons inlassablement, et d'une élection présidentielle désastreuse tant elle a été biaisée par l'électoralisme le plus cynique, le lectorat de ce site a littéralement explosé dans l'année écoulée.

Depuis sa création en juin 2008, le nombre de lectures cumulées des articles de ce blog a évolué comme suit :

- Juin 2008-Juin 2009 :                   11.300 lectures

- Juin 2009 - Juin 2010 : 35.000 lectures

- Juin 2010- Juin 2011 :                  81.800 lectures

- Juin 2011 - Juin 2012 :             336.800 lectures.

Les articles les plus lus ont connu entre 2000 et 4000 lectures. Chaque article a été lu en moyenne par presque mille internautes différents.

Au total près de 35.000 lecteurs différents ont lu au moins un article. Une centaine de lecteurs ont lu tous les articles. Sur cette seule année le site a connu plus de 255.000 lectures, dont 221.000 ont eu lieu au premier semestre 2012.

Marquée par de lourdes inquiétudes économiques, l'élection présidentielle a probablement exacerbé un besoin de comprendre hors des canaux habituels les explications qui n'étaient pas données dans la presse et les médias audiovisuels. Notre lectorat est retombé à ses étiages habituels dès la fin du premier tour, lorsque tout était joué.

Beaucoup ont désormais intégré que la blogosphère était une source d'expertise plus ouverte et moins manipulée que la presse. Les journaux sont sensibles à leur positionnement et à leur viabilité économique. Le conformisme et l'urgence y règnent en maîtresses  exigeantes. Ces défauts deviennent criants lors des périodes électorales.

L'inconvénient des élections, pour les rédacteurs d'un blog économique qui entend d'abord décrypter les phénomènes économiques constatés  sans se préoccuper des positionnements partisans, c'est que des observations libres peuvent être justement considérées comme partisanes. Compte tenu de l'importance prise par l'Etat dans l'économie, cette dernière peut pâtir de mauvaises politiques. Elles sont portées par des partis. Les critiquer peut naturellement froisser ceux des lecteurs qui les soutiennent par principe. Il va de soi que les programmes électoraux sont le plus souvent parfaitement cyniques. Il faut tout de même dire que l'on a atteint lors de ces élections un sommet dans le genre. Comment ne pas les dénoncer ?

Le plus grave reste l'inconscience. Lorsque, sur la durée, les gouvernements et la cohorte de leurs conseillers ne comprennent pas le pourquoi ni le comment d'une crise économique gravissime et que le milieu médiatique, en France entre quelques mains seulement, ne fournit pas à l'opinion publique les explications qui lui permettraient au moins de savoir où l'on va, un sentiment d'accablement et de colère vous envahit.

Pendant quatre ans nous avons fait la chronique de cette inconscience.

Qui se rappelle qu'au début de l'été 2008  le monde politico médiatique dans son ensemble considérait qu'il n'y aurait pas de crise et que de nombreux économistes officiels niaient qu'il puisse seulement y en avoir une, écartant d'un revers de la main tous les indices, alors que nous égosillions à dire que la crise était pour septembre et qu'elle serait très grave ?  Après avoir annoncé que la crise était localisée sur une toute petite partie de la finance américaine, ils ont affirmé que la crise était purement américaine, puis purement anglo-saxonne, puis purement immobilière, puis…

Puis rien. Par un changement totale de perspectives les mêmes ont alors déclaré que la crise était inévitable, que la zone Euro était une structure malade etc.  

Nous avons été le miroir, autant que les contempteurs,  de cette ineptie récurrente dominante dans les médias.  

Qui se rappelle qu'à l'automne 2008 et au premier semestre 2009 le nouveau G.20 ne se préoccupait que du bonus des "traders", des règles comptables bancaires, des "subprimes" et autres fariboles ?

Qui se rappelle que certains voulaient des plans de relance gigantesques sans avoir fait le diagnostic que la crise était déjà une crise de la dette et que l'accroissement de la dette globale et son transfert sur les états les mettraient en grand danger?

Qui se rappelle…

Ce blog n'aura été qu'une longue chronique d'un désastre annoncé. Après quatre années de mesures d'urgence, de tentatives de calmer des paniques au lieu de régler les problèmes de fond, des pays entiers vivent un enfer économique. La France prisonnière d'une dépense publique démente et d'un sous emploi massif sort de l'histoire par la petite porte. L'Euro est à deux doigts de éclatement du fait de ses défauts de structure qu'il était interdit de signaler dans la presse tant la pression européiste était forte, juste qu'au virement de bord à 180°. Le monde stagne alors que des déséquilibres phénoménaux se sont accumulées et que la puissance américaine interdit qu'on en discute au fond.

Pour faire apparaître un minimum de vérité, il faut vaincre toutes les bouches à feu qui crient en France "vive la dépense publique, vive l'impôt", c'est-à-dire tout le bloc de l'énarchie compassionnelle , en Europe "vive l'euro", "vive le plus d'Europe", c'est-à-dire toute l'influence européiste dominante dans les médias,   dans le monde "vive la liberté totale des mouvements de capitaux", "vive les changes flottants", c'est-à-dire la toute puissance américaine mobilisée autour du dollar et du triomphe de la finance anglo-saxonne.

C'est beaucoup. On peut même dire que la tâche est impossible.

La seule solution était de prendre l'histoire à témoin, de la mettre avec soi au service de la vérité. Les résultats économiques ne mentent pas. Les erreurs de diagnostics et les mesures improvisées à courte vue ont été le quotidien de ces quatre dernières années. On voit les résultats aujourd'hui :

- La rigueur sans espoir en France, avec en prime  la destruction fiscale de la classe de ses entrepreneurs sous les applaudissements des imbéciles,

- Le désastre de la zone Euro, engagée dans une spirale déflationniste dans fin, avec des fédéralistes à la manœuvre pour rendre l'affaire définitivement intolérable.

- La stagnation et la récession menaçante partout dans le monde faute d'avoir réformé le système monétaire international et mobilisé les Etats sur des objectifs communs, avec la persistance d'une vulgate économique intéressée et débile imposée par les Etats-Unis et les anglo-saxons en général. .   

Aujourd'hui le Cercle des économistes e-toile, comme annoncé, prend un peu de recul. Nos thèses sont connues. Elles ont, croyons nous, reçu une confirmation expérimentale pendant ces quatre années. Nos billets sur ce blog  vont s'espacer en même temps que nous allons chercher d'autres formes d'influence.

Nous remercions les centaines d'entre vous qui nous ont soutenu par la fidélité de leur lecture pendant ces quatre années.   

Nous espérons que ceux qui voudront se pencher sur ces quatre années désespérantes et chercheront à comprendre ce qui s'est passé trouveront dans nos billets des éléments de réflexions et des constats intéressants. Nous avons à plusieurs reprises essayé de traduire le sentiment public tel qu'il était perceptible à certains moments de cette longue crise. Ces sentiments sont fugaces et si rapidement oubliés qu'on n'imagine pas qu'ils aient été possibles. Oui, à un moment, les Français regardaient la crise comme on regarde un défilé d'un balcon : les yeux étaient écarquillés mais le spectacle ne les concernait pas vraiment. Aujourd'hui alors qu'ils sont étrillés fiscalement, que le chômage atteint à nouveau 10% d'une population ,active comptée au plus juste,  que leur épargne est par terre, que même les fonctionnaires vont subir dans leur pouvoir d'achat une érosion certaine,  le sentiment de la crise devient psychose. Ceux qui étudieront la crise dans les années prochaines ne pourront pas percevoir ces évolutions de l'air du temps. Nous en avons conservé quelques volutes.

Nous avons pris à partie un certain nombre de personnalités, non pas pour elles-mêmes, mais pour la pédagogie que pouvaient recéler leurs erreurs manifestes. Quand on expose on s'expose et quand on se trompe parfois de façon caricaturale le commentaire critique peut être un peu raide. Qu'ils sachent tous ici que ce sont les idées exprimées qui ont été critiquées et non pas leur personne, pour laquelle nous avons presque toujours la plus grande considération.

Merci enfin à ceux qui nous ont encouragés de leur commentaires parfois depuis les tout premiers articles.

Didier Dufau économiste en chef du cercle des économistes e-toile.



Châteaux en Espagne

Comme nous l'avons expliqué depuis 5 ans le gonflement artificiel et monstrueux de la dette mondiale du fait des défauts du système monétaire international est la cause principale de la crise. La dette est en fait de la monnaie de banque, dont la contrepartie est l'épargne des citoyens. La déflation, c'est à dire la réduction de la dette, des dépôts et de la monnaie, peut toujours prendre un caractère cataclysmique et entraîner une grande dépression mondiale. Il est donc normal qu'on fasse extrêmement attention à la manière de liquider les excès de crédits.

Pour donner une mesure de la difficulté, la dette globale mondiale actuelle doit se situer autour de 100.000 milliards de dollars, dont environ 10% n'est gagée sur rien. C'est à dire qu'il n'y a aucun flux de trésorerie à espérer dans le futur pour rembourser.  Pour faire large, cela représente à peu près le PIB de la France.

Le capital des banques mondiales étant très inférieur à cette somme, on peut dire comme nous l'affirmons depuis le blocage de l'été 2007 du marché interbancaire que le système bancaire mondial est virtuellement en faillite.

D'astuces en ficelles, de contournements en expédients, les états essaient de masquer la réalité. En vain. La panique est partout qui entraîne des mouvements de protection de la part des épargnants qui aggravent les difficultés.  L'immobilier a doublé de valeur, comme l'or.  Les Grecs comme les Espagnols ont leur épargne en Allemagne ou en Suisse.

Madame Lagarde, du FMI, donne trois mois à l'Europe pour sauver l'Euro alors que la sortie de la Grèce du système pend au nez de tous.

Aujourd'hui les banques espagnoles sont en premières lignes. On "débloque" par des moyens peu clairs 100.000.000.000 pour les recapitaliser.  En un mot on ne constate pas la perte de 100 milliards d'Euros du système bancaire espagnol (en fait la perte est à peu près trois fois cela si on actait la décote de tous les actifs immobiliers à une valeur de vente possible). On fait de la dette masquée pour combler des pertes.   

Cinq ans déjà que l'on joue à ce petit jeu aux quatre coins de la planète.

Et toujours pas une seule analyse des mécanismes de cette dette fantasmagorique  et aucune mesure prise contre ses causes !

Le plus poétique dans l'affaire auront été le résultat des "stress tests" et les notes données par les agences de notation. Mensonge ? Illusion ? Bêtise ? Cynisme ?

Pendant ce temps là,  la presse s'occupe des "Tweets" du harem. On a Les lettres Persanes qu'on peut.   

On ne peut même pas dire qu'on danse avec grâce sur un volcan.   Le Fandango a du plomb dans l'aile.

Les thèses du Pr. Antal Fekete

Singulière expérience que de retrouver dans un livre récent presque mot à mot les thèses que nous défendons inlassablement dans la blogosphère depuis 1996. Ce livre est "le retour au standard or" du Pr Antal Fekete.  

Il tient, comme nous, que les crises ont une source principale : des dérèglements monétaires.

Il signale, comme nous, que le début de la crise est la décision de Nixon de couper le cordon entre or et dollar, introduisant un cours forcé de la monnaie administrative sur sa zone  et des cours flottants entre les différentes monnaies administratives.

Il montre, comme nous, que le FMI a perdu progressivement tout son rôle statutaire.

Il critique comme nous la Doxa imposée aux Universitaires qui veulent enseigner et aux économistes de cour et de média. Il montre la quasi impossibilité de faire carrière sans soumission à cette doxa imposée par les banques et les Etats.  Il charge les économistes officiels d'être des taiseux intéressés quand ils ne sont pas "vendus" aux intérêts bancaires et étatiques.

Il est très clair sur le fait que la  crise qui s'est étendue depuis la chute de Lehman-Brothers n'est pas une crise des subprimes,  des règles comptables ou des bonus et qu'on n'a toujours pas pris la moindre mesure  correctrice utile ce qui explique la durée de la crise. Une thèse que nous serinons sans relâche et qui et une des vocations de ce blog.

Il démontre facilement, comme nous-mêmes,  que la production d'or aurait permis de garder le rythme d'une croissance équilibrée dans les 50 dernières années, sans les pénuries annoncées par les sectateurs de la monnaie administrative à cours forcé.  

Bref l'auteur est de ceux qui comme nous considèrent que nous sommes arrivés à une forme d'explosion du système de monnaies administratives, gérées par des gnomes,  et s'échangeant entre elles sur des marchés à cours flottants.

Bravo et merci !  On se sent moins seul. Peut-être ceux qui nous lisent auront moins l'impression que nos thèses sont trop personnelles et aventurées, malgré leur rigueur intellectuelle et leur adaptation aux faits . Des économistes regardant les faits et eux seuls arrivent aux mêmes conclusions, ce qui est plutôt réconfortant.

Quels sont les points où l'auteur va plus loin que nous et ceux où nous divergeons ?

Sur le passé, l'auteur remarque que le 19ème siècle a été pendant tout le temps où l'or a continué à circuler librement nationalement et internationalement, un moment de croissance régulière globale de 5% l'an.  Certains calculs aboutissent plutôt à 3%. L'auteur oublie le cycle et les crises récurrentes qui étaient à l'époque particulièrement forte. On pouvait subir des reculs de PIB de 30 à 40% !  

Il attribue la responsabilité de la guerre de 14 aux mesures de 1909 sur le cours forcé/cours légal des principales monnaies. En fait c'est la crise de crédit terrible qui touche les Etats-Unis un peu avant qui expliquent les mesures prises et la guerre a des causes externes à la question monétaire. En revanche il voit juste lorsqu'il signale que la monnaie administrative à cours forcé a permis de maintenir la guerre totale pendant très longtemps, alors que faute d'or, elle se serait arrêtée plus tôt.   

Il analyse l'échec du retour à l'étalon or de la fin des années 20 par le refus de recréer un marché des créances obligataires  ou d'escompte rattaché à l'or. Cette décision aurait été  secrète. le but était de dégager les Etats de leur sujétion vis-à-vis de l'or. Les états ne voulaient pas que l'épargnant privilégie les créances privées remboursables en or pour fourguer son papier monnaie.  Du coup la licence de création de monnaies administratives a créé un emballement des dettes qui a fini par exploser en 29, alors que les dettes de guerre restaient énormes et généralement irrécouvrables. Nous sommes plus nuancés : la crise est directement liée au gold exchange standard et aux doubles pyramides de crédit qu'il a permis. Mais il était à peu près impossible de revenir à un pur étalon or, ce dernier ayant été capté par un seul pays, les Etats-Unis.  

Il est vrai qu'il défend le rôle des effets-or (titre à trois mois gagés sur l'or et pouvant se négocier internationalement)  avec des raisonnements très clairs et démontre qu'en l'absence de ce mécanisme de produits dérivés de l'or, un système d'étalon or ne peut pas fonctionner bien. L'auteur croit au rôle indispensable d'une chambre de compensation de créances-or à 90 jours, sur une base nationale et internationale.

A contrario le développement des effets-or permettait de financer les salaires et le plein emploi. L'auteur associe chômage structurel et monnaies papier à cours légal exclusif.  "L'évidente porte de sortie est la résurrection du Fonds des salaires qui permettrait la circulation spontanée des Effets réels qui ont été utilisés pour la dernière fois en 1914". "Un vrai effet-or pour être utile doit mûrir en un instrument financier supérieur. Sinon il ne circule pas. Par conséquents la réhabilitation des effets signifie la réhabilitation simultanée du standard-or les deux allant ensemble comme une main et un gant".

Sans nier le moins du monde la réalité de ce raisonnement, il convient de noter que les trente glorieuses ont été possibles sans ce mécanisme. Mais il y avait une certaine forme de rattachement général des monnaies à l'or, même si c'était via le dollar lui-même rattaché, et les changes étaient fixes même s'ils restaient ajustables. Bien sûr comme nous l'avons expliqué dans différents billets  ce système finira par exploser. Mais, corrigé, il nous semble devoir rester un bon système, sans nécessairement passer par un étalon-or pur et dur.

Antal Fekete défends aussi l'idée que les taux d'intérêt très bas sont destructeurs de l'emploi et de la prospérité. Nous avons-nous-mêmes défendu cette thèse contre Alan Greenspan dans les années 90 et au début des années 2000. Une sorte de croyance populaire assimile  taux très bas à prospérité. En vérité les taux très bas anéantissent le capital  qui disparait. Pourquoi conserver du capital stérile ? Les taux d'intérêts trop bas ne peuvent que financer des bulles qui explosent au final.    On répète dans les cours d'économie que la baisse du taux d'intérêt fait hausser les cours d'action.  Il suffit de constater aujourd'hui que les taux sont historiquement bas EN MEME TEMPS que les bourses sont au plancher ! Paradoxe ? Non, normalité.  Les taux d'intérêt trop bas poussent les banques à enflammer le marché des prêts donc des dettes pour se rattraper sur la quantité. Les risques augmentent. Ensuite elles réclament des taux de refinancement nul ou même négatif pour refinancer leur dette, ouvrant un cercle vicieux mortifère.

D'où cette phrase à donner à méditer aux étudiants en économie : "Le secteur financier a siphonné les capitaux des comptes de production". Puis  : "La crise bancaire actuelle est le résultat du nettoyage des capitaux du secteur financier, par le même processus qui a anéanti les capitaux du secteur de production".

Au passage l'auteur aborde une question que nous avons également traitée : la vente au plus bas de l'or de la France par Nicolas Sarkozy. Cette mesure incompréhensible et dommageable n'a, pour l'auteur, qu'une raison : complaire aux Etats-Unis décidés à éviter que le dollar se fracasse sur le mur de l'or. " En vendant le patrimoine de la France , Sarkozy s'est exposé comme le petit caniche du gouvernement américain".  Un peu plus tard il voudra imposer les "subprimes à la française" sur le modèle américain… RIP !     

Point intéressant, notre professeur attire l'attention sur les conséquences d'une augmentation de la dette au delà de 100% du PIB en système de changes flottants de monnaies administratives.  Alors qu'en régime d'étalon or un accroissement de 1% de la dette entraînait un accroissement de 3% du PIB, ce chiffre est devenu de plus en plus faible pour devenir négatif en 2006, précédent et annonçant la crise. Au fur et à mesure que la dette globale dépassait  250 puis 300 puis 350% du PIB l'ajout de dette entraînait progressivement non plus une croissance du PIB mais un recul !  

Rappelons que pour nous l'observation du gonflement de la dette globale a été le moyen le plus simple de prévoir la crise. "la production marginale de la dette est un tyran sans imagination"."Les débuts discrets de la dette irrécupérable se sont transformés en un édifice colossal".  

Finalement comme en sortir ? La solution du professeur Fekete est moins simpliste que le simple retour à l'étalon-or.  Elle consiste à permettre d'ajouter à la circulation monétaire papier une circulation de monnaie d'or et surtout de papier commercial rattaché à l'or.

C'est là une question  majeure : faut-il par exemple en Europe où les défauts de l'Euro sont patents et étouffent certains pays ajouter une autre monnaie de papier, l'Euro jouant dans ces pays  le rôle de réservoir de monnaie forte et tenant en quelque sorte le rôle de l'or ?  Ou faut-il carrément mettre l'Euro en concurrence avec l'or permettant à la fois d'assécher une partie de la dette grâce à l'or monétisé, d'augmenter la liquidité disponible et de rétablir la confiance dans les transactions ?

On reprochera à ce livre une tendance à voir des complots et à traiter de voleur une partie des élites monétaires. Mais il met sur la place publique des réflexions fondamentales et qui, de surcroît, corroborent sur beaucoup de points notre propre réflexion publique, même si elle diffère sur d'autres.

Nous ne saurions donc trop en recommander la lecture.  

 



La crise ? Connais pas !

Une des curiosités de toutes les phases de récession est l'impertubable avancée des lobbies et grands prédateurs qui vivent de leur liens avec l'Etat.

Le grand public est en général peu au courant car la Presse  parle peu de ces institutions et presque toujours dans le sens du poil quand elle le fait.

Prenons l'Europe.  Si vous fouillez le net pour savoir combien il y a de fonctionnaires européens, il est impossible d'avoir une idée précise. Les dénombrements vont de 32.000 à 44.000.

On sait que ces gens sont très bien payés : près de 80.000 Euros annuels en moyenne, avec des hauts postes entre 200 et 500.000 Euros voir plus (comme le président de la BCE).  Période électorale aidant les gouvernements ont fait semblant de bloquer une hausse des émoluments de près de 3.5% . Ils n'ont accepté que 1.7%. En vérité l'affaire a été portée comme lors de la dernière fantaisie de ce genre devant les juges européens qui donneront totalement raison aux fonctionnaires.  Non seulement ils toucheront un rattrapage pour 2011 mais repartiront sur les nouvelles bases pour 2012 et 2013.

N'oublions pas que ces fonctionnaires ne paient pas d'impôts nationaux. La flambée fiscale française par exemple ne les atteindra pas. Le bouclier fiscal européen est en titane.

Les Eurocrates sont si sûrs de leur succès qu'ils ont prévu pour 2013 une hausse de 3.2% des frais de fonctionnement, ce qui portera à 213.000 Euro le coût du poste de travail européen.  Et cela tout en proposant une réduction de 5% des effectifs. On ne se serrera pas la ceinture à Bruxelles, au Luxembourg et autres lieux-dits de l'Union Européenne, pour ceux qui restent.

A Paris on va vers un effectif de 52.000 personnes, soit 1/3 de plus que les effectifs européens. On sait qu'avec M. Delanoë le slogan est : "pourquoi se gêner ; je ne m'excuserais pas !"

Qui sait en revanche que les directrice de crèche se sont vu subrepticement accorder le statut de fonctionnaire catégorie A ?  Une mesure incroyablement coûteuse qui déséquilibre tous les financements de crèche dans toute la France à un moment où on les multiplie.  Citation dans la presse ? Aucune. Discussion lors de la campagne électorale ? Néant. Des exemples comme celui là il y en a des centaines. Le Moloch adminsitratif marche en avant sans s'occuper de l'environnement. Vive la tranche à 75% de l'IR !

Dans un genre différent constatons en pleine campagne électorale la parution d'un énième rapport Pauget exigeant la disparition du chèque "gratuit". L'organisation des banques françaises, corporation pétainiste de façon certaine, celle-là, veut rendre payant l'ensemble des moyens de paiements.  Elle ne veut plus ni du chèque ni de la monnaie en pièces et en billets.

On sait que les dépôts dans les banques ne sont pas des dépôts mais des prêts gratuits.  Les banques utilisent immédiatement toute trésorerie qui lui est confiée pour leur compte propre, les mettant aussitôt en danger.  Elles ont une peur panique des rushs vers  la liquidité. Elles ont obtenu des avantages dérogatoires du sens commun pour essayer de ne jamais subir les foucades de la clientèle. 

Vous voulez quitter la banque ? D'accord mais après avoir viré votre argent dans une autre banque. Pas question de vous fournir votre solde en liquide. Prisonnier des banques vous devez rester prisonnier des banques.  Vous voulez retirer de l'argent liquide de vos comptes ?  Désolé on ne le peut plus au guichet : il faut passer par l'automate. Mais je n'ai pas de cartes de crédit ! Souscrivez c'est payant. Je dois payer pour retirer l'argent que je met en dépôt chez vous ? Euh oui mais non mais bien sûr. On fera pression sur vous jusqu'à ce que vous craquiez et vous dotiez d'une carte.  Payez et faites le travail vous-même. Votre argent m'intéresse à condition que j'en fasse ce que je veux et que vous ne puissiez le retirer qu'avec les plus grandes difficultés. Quelques oiseaux rares résistent. On leur donne des cartes à retrait unique ! A chaque retrait il faut redemander une carte. Pratique, non ?  Les mêmes banques ont obtenus le droit en cas de déficit du compte-chèques de casser vos instruments de placements et de se servir eux-mêmes sans même vous avertir.  Le droit de propriété ? Il n'existe pas pour les clients des banques.

Mais voilà : il reste le chèque, le maudit chèque. Il est d'usage gratuit alors que tout le reste est payant. Insupportable, non ?  Inlassablement le Moloch monte à l'assaut. Il faut réduire l'usage du chéquier et le rendre payant.  Evidemment il faudra trouver un autre nom pour le compte-chèque.  Le plus drôle est que l'Etat, phagocité depuis longtemps par les Inspecteurs des Finances qui règnent en maîtres sur la banque a imposé le chèque comme moyen de paiement obligatoire pour certaines opérations et en tout cas pour tout paiement supérieur  à une certaine somme (de tête 5000 euros).  Va-t-il inventer le virement payant obligatoire pour tout paiement à partir d'un compte-carte ?

Pour qui suit la guerre d'usure menée par les banques depuis des décennies contre le chèque l'aspect comique provient des justifications avancées qui changent en fonction de la mode. Aujourd'hui on nous dit qu'il faut supprimer le chèque gratuit pour payer la modernisation des paiements par cartes. Si ces nouveaux systèmes sont productifs pourquoi devrait-on payer plus cher que pour ceux qu'ils remplacent ? 

Et la Presse obligée de survivre dans la mouvance des banques de chanter les louanges de ces rationalisations putassières. Et gare à leur direction si elle n'obtempère pas.

Eric Fottorino, l'ancien directeur du journal le Monde, raconte dans son dernier livre (Mon tour du Monde) comment il a été viré par M. Pébereau, le président infatué et gonflé de primes et bonus de la BNP. La raison : il avait montré que ce M. Pébereau était comme une pieuvre dans la quasi totalité des conseils d'aminsitration des grandes entreprises françaises, cumulant les jetons de présence et les pouvoirs.

Plus rien ne peut se faire dans la presse ou dans l'industrie sans ce M. Pébereau qui touche à tous les rateliers et dispose d'un pouvoir de nuisance absolue en cette période de crise.

Mérites : nuls. La BNP comme toutes les grandes banques "généralistes" ologopolistiques françaises multiplient les conflits d'intérêt et en tirent profit. En plus, actuellement, la BNP emprunte à 1% et replace en bons d'état à 3 ou 4. Des dizaines de milliards d'Euros. Il faut deux personnes à la banque pour ces opérations d'une technicité redoutable : il suffit de savoir faire des additions et des soustractions, et de savoir remplir les imprimés.  Et le bonus va au dirigeant sous forme d'argent et de pouvoir. Ils ont tellement de talent !

Les portefeuilles sont remplis de crédits problématiques ? Pas d'importance. Une grande banque en général se refinancait à hauteur de 15 ou 20% auprès de la banque centrale. Pour certaines grandes banques on en est à 80%. Il y a tellement de mistigris dans les portefeuilles que plus une banque ne fait confiance à une autre banque. Ils savent, eux, que leurs directions ont fait gonfler les bilans au delà de toute mesure et de toute sécurité. Ils pourraient tous être poursuivi pour faillite par moyens ruineux.  Alors la BCE dirigée par l'un des leurs fait tourner la planche à billets pour les sauver. Et protéger les dépôts qu'ils ont employés à mauvais escient au risque de leur faire perdre toute valeur. 

Le plus drôle est de voir certains cumuler leurs rentes de satrape sans mérite  avec ...leur retraite de l'Inspection des finances. Pourquoi se gêner  ? 

Pourquoi se gêner ! La crise n'existe pas. Les grands prédateurs et les petits, bien embossés dans les arcanes des institutions nationales et internationales savent qu'ils peuvent tout se permettre  en se moquant totalement des électeurs et de la conjoncture. 

 

Sylvain

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Non la crise actuelle n'est pas d'un type nouveau !

Non la crise actuelle n'est pas d'un type nouveau !

Une des curiosités de la crise actuelle  est la surprise générale des économistes devant un évènements qu'ils n'avaient généralement pas prévu ni même envisagé.

Il suffit de livre l'excellent livre de Catherine Nay, toujours parfaitement informée et capable de rendre excellement les situations passées pour se rendre compte de l'impréparation  mentale générale. En mai 2007, cela turbule déjà beaucoup sur le front des refinancements bancaires.  La chute des prix immobiliers, la première depuis la guerre, provoque dès le début 2007 des secousses sur les marchés de trésorerie. Les grands groupes américains ont fourgués à toute vitesse des centaines de milliards de CDS aux Européens, trop content de voir leur intérêts bonifiés, pardon "dynamisés".  La dynamite en question était légèrement explosive et en mai les premières tensions sont perceptibles.

Nous même avons averti : une grande crise arrive. Elle est pour le second semestre 2008.  Gare ! Nous avons même envoyé une lettre ouverte à MM. Sarkozy et Guaino pour les avertir et réfréner leur foi dans une accélaration impossible de la croissance.

"Le Ministre des Finances , Thierry Breton, estimait en quittant Bercy que la croissance dépasserait 2.5% et atteindrait êut être même 3%. Ce que personne, Commission européenne comprise,  n'avait mis en doute". L'illusion règne en maîtresse sauvage dans les palais de la rRpublique.  

Cette surprise quasiment totale des politiques et de leurs nombreux conseilleers  pose au moins deux questions. La première est la réalité de l'économique en tant que science.  La seconde est l'observation de la Reine d'Angleterre dès 2008 : "à quoi servent les économistes s'ils sont incapables de prévoir une crise ?"

S'ils sont les tenants d'une science, faut-il incriminer la discipline ou les disciples ?

Une des manières de répondre à cette redoutable question est de relire les anciens. Pour avoir trainé mes études de longues heures dans la salle Leroy-Beaulieu, à l'Institut d'études politiques de Paris, j'ai une particulière prédilection pour les écrits de cette figure d'"économiste distingué", une formule qui semble avoir été créée pour lui. Aujourd'hui il est universellement décrié par ceux qui croient le connaitre, c'est-à-dire pas grand monde. L'ignorance et l'idéologie conduisent à des jugements du type : petit penseur bourgeois sans importance.

En vérité le "Traité théorique et pratique d'économie politique" de ce professeur au Collège de France est une mine d'or à la fois sur la manière dont on concevait l'économie à la fin du XIXème siècle et aussi sur la manière d'expliquer de nombreux phénomènes économiques.  Il était de la race des économistes sans préjugés ni connaissances mathématiques, ce qui lui évitait de modéliser sur du sable. Il avait l'œil. Il regardait. Et lui, n'hésitait pas à prendre parti sur les questions du jour.  Un parfait honnête économiste comme on les aime et que détestent les économistes asservis à une idéologie. On s'expose à exposer : il fut la tête de turc de pas mal d'humoristes dont un Allais, Alphonse,  qui lui n'aurait pas pu prétendre au "Nobel d'économie". Il y a beaucoup à prendre de ses observations.

Il savait, lui,  qu'il y avait des crises périodiques et il en avait précisé avec une grande justesse la dynamique.

"Les crises de la seconde catégorie, la plus nombreuse et la plus fréquente, sont celles qui portent spécialement le nom de crises commerciales quoiqu'elles soient souvent d'origine financière et qui ont leur cause dans les entraînements du public et dans les abus de crédits".

Déjà le monde de la finance n'aimait pas être mis en première ligne et imposait des appellations neutres : crise de surproduction ; crise commerciale. On dit aujourd'hui crise de la mondialisation ou de la civilisation ou du capitalisme. Cela permet de rester imprécis.

"Leurs causes, leur périodicité, leur évolution sont parfaitement connues".

"Les crises de cette catégorie proviennent d'une certaine disposition d'esprit exagérément optimiste et audacieuse où se trouvent placés et maintenus pendant un temps de quelque durée non pas certains hommes mais la généralité du public et qui poussent les entrepreneurs, les commerçants, les capitalistes à développer outre mesure leurs opérations sans proportion aucune avec un débouché probable en faisant un usage excessif du crédit".

Le suroptimisme et l'emballement du crédit sont la cause des crises périodiques.

"L'engouement et la crise reviennent à des intervalles assez rapprochés tous les dix ans".

Voici notre cycle quasi décennal bien cadré. Il faut dire qu'il a été mesuré pendant tous le dix-neuvième siècle et qu'il n'est pas  bien difficile de le voir se déployer au vingtième.  Pour s'en tenir aux quarante dernières années : 1973-19674, 1982-1983, 1992-1993, 2001-2002, 2008-200x.

"Certaines circonstances sont particulièrement propices à l'éclosion des crises notamment la baisse des intérêts des capitaux". Ses conséquences "poussent à chercher des gains chimériques"…"On cherche à compenser à compenser la modicité du revenu par de rapides plus values sur le capital lesquelles quand elles se produisent sont alors considérées par beaucoup de gens comme une sorte de supplément consommable de revenu. Le besoin s'allie alors à la cupidité pour propager le goût des entreprises hasardeuses".

Difficile de ne pas voir l'application de ces mécanismes à notre économie contemporaine basée sur l'accroissement de la valeur pour l'actionnaire, c'est-à-dire la plus value.

En termes actuels,  l'économie cesse de s'intéresser au compte d'exploitation au profit des opérations de haut de bilan.  La finance cesse d'être connectée au réel.

"Cette extension des opérations de production dont les unes sont sérieuses mais exagérées et les autres complètement chimériques s'effectue en grande partie avec le crédit".  "Les encaisses des banques se vident chacun usant dans la limite possible" les capitaux dont il dispose ou qu'il emprunte.

On voit se profiler ici la crise de liquidité des banques : il faut constamment se refinancer.

" Au fort des crises commerciales et financières de cette catégorie le portefeuille et les escompte des banques montent à un chiffre très élevés". Le bilan des banques  "dépasse énormément les chiffres habituels". 

L'auteur rappelle que c'est sur l'observation du gonflement des bilans bancaires que Juglar a basé sa théorie du cycle.  L'accroissement anormal est le signe précurseur de la crise. Quand les encaisses se sont reconstituées et les bilans dégonflés, la reprise devient possible.

Au début 2007 les encaisses des banques sont au plus bas et les besoins de refinancement gigantesques. 

Qui ne voit l'application directe des observations de Juglar, reprises par Leroy-Beaulieu ,  sur le désastre  qui s'annonce ? 

L'ennui c'est qu'alors, plus personne ne s'occupait plus d'économie bancaire et que tous les économistes officiels regardaient ailleurs. Quand aux grands manitous de la finance modélisée et hyper- mathématifiée, qu'ils appartinssent à l'école micro-économique ou aux sous produits keynésiens, l'idée même de s'intéresser à des choses pareilles ne leur seraient pas venue. 

Lisons la suite :

" A un certain moment quand tous les ressorts du crédit sont au maximum de tension un incident quelconque  atteint une des pièces de tout cet échafaudage et le fait s'écrouler".

Subprimes, Islande, Grèce, tous ces secteurs à l'extrême limite du crédit possible ont vascillés en 2007 se sont effondrés en 2008.

"Une grosse faillite, comme celle de L'Union Générale et de la Banque de Lyon et de la Loire en 1882  rappelle à la prudence ceux des prêteurs qui ont encore quelques réflexion".  Eh oui : Baring, ou LTCM ou Lehman Brothers…

"De proche en proche le crédit se restreint et il se produit une panique". 

Ces temps de panique imposent une grande libéralité dans l'approvisionnement monétaire pour éviter la ruine des épargnants et les conséquences du "crédit crunch".

On constatera qu'on na pas attendu Milton Friedman pour proposer des politiques de "quantitative easing" ! Bagehot l'avait fait dès les crises du milieu du XIXème siècle ! Et cela faisait partie de la vulgate.

"Les crises se dénouent en une période de 18 mois à 2 ans en général, quelque fois trois ou quatre". 

Comment ? Toute seule. Il faut laisser la réduction des bilans bancaires se faire, tout en assurant la liquidité générale et en engageant de façon raisonnable des travaux publics pour réduire les effets du chômage de façon utile à l'avenir et soutenir l'activité.  Pas de protectionnisme ni trop d'interventionnisme de l'état qui a tendance à en faire trop et mal.

Bien entendu  ces observations doivent être actualisées. Nous sommes dans un monde où la monnaie métallique a disparu au profit de monnaies administratives pilotées par des experts. Les gouvernements prennent une part colossale de la richesse produite. Les changes sont flottants.  Des institutions comme la zone Euro ont été créées.  L'Union soviétique s'est effondrée. Des pays immenses se sont ouverts au commerce mondial.  L'informatique a changé les conditions des transactions financières.

Nous n'admettons plus des récessions de 30 à 40% du PIB industriel, tempérées partiellement par la prédominance de l'économie agricole.

 

Mais le moteur reste à peu près le même que celui montré par Leroy-Beaulieu. Ses leçons ont été perdues au moment où par Hubris les économistes et les dirigeants politiques ont cru qu'ils savaient juguler les crises.  On a créé alors les conditions d'un retour aux crises toujours aggravées par le désordre monétaire et amplifiées par la mondialisation, avec une gravité croissante  aboutissant au chaos actuel.

La science économique existe. Encore faut-il la pratiquer !

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile



Mairie de Paris : pillages et gaspillages

Nous avions déjà sur ce blog critiqué les "folies Delanoë" (voir http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2008/10/24/Comment-nos-impts-augmentent-massivement--lexemple-de-Paris) en notant que les effectifs étaient passés de "40 à 43.000" sans aucune nécessité" (aujourd'hui, trois ans à peine après, nous en sommes à 50.000 !), que l'augmentation des dépenses avaient été catastrophiques, que la hausse des prélèvements en pleine crise était irresponsable.  Nous y voyions l'exemple le plus caricatural des débordements budgétaires d'une collectivité locale importante.

Le livre de Dominique Foing, "Comptes et légendes de Paris", "Bilan de la gestion Delanoë",  chez Denoël, dont nous conseillons à tous la lecture urgente, va bien au-delà de ces constats faits à la volée. On découvre une gestion cataclysmique et une communication efficace mais basée entièrement sur le mensonge et l'esbroufe.

Le caractère terrible du livre de Foing est qu'il n'est en aucun cas polémique : on prend les promesses affichées, les justifications avancées, les annonces faites. On les compare avec la réalité. On tombe de haut. De très haut ! Il ne s'agit plus d'un simple écart entre objectifs et réalité. Piloter une ville est difficile. Il est normal qu'entre le programme annoncé et les réalisations sur le terrain il y ait quelques divergences. Elles sont telles qu'on peut parler ici de moquerie pour ne pas dire d'escroquerie vis à vis des Parisiens.

Nous n'extrairons que quelques exemples, renvoyant les lecteurs à l'ouvrage lui-même qui fourmille de détails plus accablants les uns que les autres.

"Depuis qu'il est élu, Bertrand Delanoë fait exploser les dépenses municipales".  Les chiffres sont donnés avec précision : 44,45% de hausse ! Pendant ce temps-là le PIB national a stagné. A ceux qui se demandent comment des pays comme la Grèce ont pu tomber dans le piège de la dette impossible à rembourser, il suffit de regarder le comportement d'un politicien comme ce Monsieur Delanoë. On dépense ; on dépense; on ne cesse de dépenser.

On a vu que les effectifs de la ville déjà considérés comme pléthoriques se sont accrus massivement.  Alors que le nombre d'habitants n'a pas varié sensiblement. 

A la tête de la municipalité un véritable "spoil-system" a été mis en place. Tous les cadres dirigeants ont été changés. "Tous les directeurs centraux sont remplacés. 22 sur 23 des directeurs de société d'économie mixte le sont également". Les nouveaux venus se sont vus attribuer des rémunérations inespérées. Elles sont si grasses que malgré son affichage de transparence le Maire refuse de donner tous les éléments qui permettraient de savoir qui a été "servi" sans vergogne au plus haut de la pyramide de la mairie. 

Sans surprise "le produit fiscal collecté sur les contribuables parisiens est passé de 1.7 milliards d'Euros au budget 2001 à 2.5 milliards au budget 2008 soit 47% d'augmentation". Et cela n'a pas arrêté depuis puisqu'on va dépasser les 3,1 milliards pour 2011. Pourquoi se gêner ?

Il suffit d'affirmer qu'on n'a pas augmenté les impôts et qu'ils restent les plus bas de France pour que le forfait soit accompli sans conséquences électorales.

En vérité la hausse des impôts sur les ménages parisiens a été de 70% entre 2001 et 2011 ! Que le ménage qui a vu son revenu augmenter dans la même proportion lève le doigt il n'a rien perdu à venir à Paris.  A part les copains de M. Delanoë grassement augmentés, on peut craindre qu'on n'en trouve aucun. Delanoë a fait plus perdre de pouvoir d’achat aux Parisiens que la crise ! 

Si on s'en tient aux seules dépenses de fonctionnement elles ont cru de 2 milliards d'euros en 10 ans !  Il s'agit bien de folie furieuse dans la dépense irresponsable.

La dette, faible à l'arrivée du nouveau maire, s'est accrue également d'un milliard d'euros. Une fois encore pourquoi se gêner ?

Faire valser les milliards pris dans la poche des administrés n'est-ce pas la preuve du plus grand dynamisme ? "Et je ne m'excuse pas" dit Bertrand Delanoë.

Si on ajoute l'absentéisme, trois fois supérieur à celui des personnels des entreprises privées parisiennes, aux jours non travaillés pour mille et une raisons, "un employé de la mairie travaille en moyenne un jour sur deux !"

Arrêtons-nous là : nous avons l'exemple même d'une gabegie totalement débridée. Rappelons qu'elle s'est développée en plein marasme général et dans la stagnation et la crise économique.

Tout cela pour quoi ?

Le lecteur trouvera tout le détail sur les improvisations, les erreurs, les légèretés coupables qui émaillent  le parcours de B. Delanoë. 

Investissements culturels aberrants et déficitaires.

Opération de rénovation des halles tournant au délire et à la spoliation des Parisiens.

Politique de "mixité sociale" fleurant bon le ridicule. Le dernier exemple qui ne figure pas dans le livre est de transformer à prix d’or l'immeuble de la marine situé en plein cœur de Montparnasse en refuge pour ex taulards et SDF de tout poil.

A coûts de centaines de millions d'euros on fabrique des appartements labellisés "sociaux" en maintenant dans les lieux les anciens locataires qui profitent du coup d'un loyer modéré ! 

Le blocage de la circulation à Paris continue bon train avec l'élimination des voies sur berge, un projet  tragiquement malthusien. 

Et voici notre Maire saisi de la maladie de la pierre à la George Frèche de si belle mémoire !  A nous les nouvelles tours, les projets extravagants.

Pendant ce temps-là le promeneur habituel dans Paris n'aura pas beaucoup de mal à confirmer que Paris est devenu une des villes européennes les plus sales.

Le citoyen s'inquiétera de constater que tous les indicateurs qui pouvaient donner une idée des résultats tangibles des politiques menées ont été peu à peu supprimés.  L'auteur en donne la longue liste. Le "baromètre propreté est abandonné dès 2008".  Le "bilan des déplacements" est arrêté la même année.  Etc. Etc. Etc.

Il ne reste que les "éléments de langage" qui sont en général autant de trompe-couillons qui ne résistent pas aux plus petites vérifications.
 
La nuée de parasites qui s'agitent autour de la mairie centrale et des mairies d'arrondissement n'a jamais été aussi vibrionnante. Jamais le clientélisme n'a été poussé aussi loin. L'information sur les subventions est carrément inexploitable. L'argent part on ne sait où. Mais il n'est pas perdu pour tout le monde.

Le plus accablant est que cette gestion proprement ahurissante n'est pratiquement pas dénoncée par l'opposition, qui dans le genre "taiseux" est plus que remarquable. Les media font silence. Il est plus que significatif de voir que le livre de Dominique Foing est pratiquement passé sous silence dans la presse et les médias, voire même les librairies. L'information en France est tenue par dix personnes.  Elles soutiennent Delanoë comme précédemment DSK et elles le feront jusqu'à ce que décidemment ce ne soit plus possible.

Le bon peuple est tenu d'accepter cette gabegie insensée. On viendra nous expliquer que faire des réformes est inutile et des économies impossible : voudriez- vous supprimer policiers et infirmières ! Il n'y a pas de policiers ni d'infirmières dans le budget massivement augmenté de la Mairie de Paris.

Avoir commis ce pillage et ces gaspillages ou les avoir laissés faire sont le signe d'une forme d'effondrement moral et politique français.

Que faire ?

Il faut passer une camisole de force aux petits potentats médiocres qui comme ce Monsieur Delanoë ont appauvri leurs administrés et endetté leur collectivité locale dans des proportions aussi indécentes.  

La décentralisation ne peut pas servir à quelques satrapes sans honte ni scrupules de dépenser autant, de gérer aussi mal des effectifs pléthoriques constamment gonflés, de servir des rémunérations si élevées à tant de petits marquis incompétents, de piloter si mal tant de projets mal inspirés, et d'endetter in fine la France entière. 

Au moment où la France titube sur le bord du précipice de la dépense publique et de la dette, le comportement du maire actuel de Paris doit servir de repoussoir.

Ce genre de dérive n'est plus admissible. Il faut légiférer pour empêcher que cela ne se reproduise, avec de lourdes sanctions pénales pour ceux qui seraient tentés de passer outre, dont l’inéligibilité à vie. 

L’exemple de Paris est loin d’être le seul. Un rapport récent du Ministère du Budget rappelle que les collectivités locales auraient créé 262.000 postes entre 2002 et 2009. En vérité depuis 1981 on a dépassé allègrement le million de fonctionnaires locaux supplémentaires. La loi de Parkinson joue à plein, crise ou pas crise. On a substitué sans vergogne des emplois de fonctionnaires aux emplois industriels.

Le plus dramatique est la manière dont la presse rend compte de ces débordements tragiques qui font de la France le pays où il y a le plus de fonctionnaires ou assimilés par rapport à la population active et le moins de salariés dans les activités productives.

Nous n’en donnerons qu’un exemple pris cette fois-ci dans la presse régionale, en l’occurrence Ouest France (du vendredi 4 novembre 2011). Le journal est, comme chacun sait, de tendance socialiste et chrétienne-démocrate.  Donc il faut défendre la dépense publique et s’agissant de la presse locale, très proche du socialisme municipal, la dépense des collectivités locales. On cite donc un Jacques Pallissard, président de l’association des maires de France, UMP, ainsi qu’un Laignel, vice-président, PS, qui expliquent que les collectivités locales sont « exemplaires ». L’argument clef : « 262.000 postes en 7 ans ça fait 37.500 par an, un par collectivité, toutes tailles et toutes catégories confondues ». Nous sommes le pays au monde qui a le plus de collectivités locales et donc les plus petites. Des milliers d’entre elles n’ont pas 1000 âmes.

Le vice sert à justifier le vice.

En vérité la France ne devrait pas avoir plus de 6.000 collectivités locales pour être efficace et aux ratios habituels. Mais, comme le rappelle opportunément le Canard enchaîné de la même semaine, les regroupements de communes ont été souvent l’occasion de multiplier les postes de fonctionnaires et d’élus rémunérés au lieu de les réduire, avec dans des villes moyennes comme Rouen des dizaines de vice-présidents grassement défrayés, équipés, transportés et aérés dans des voyages d’études sympathiques,  et dont la plupart cumule leur fonction avec des présidences de sociétés d’économie mixte.
 
On voit donc que s’est établi en France une espèce de complicité entre média, fonctionnaires et élus  (de tous bords politiques) pour que rien ne change et que le maximum de parasites se servent sur la bête, indéfiniment, dans un « toujours plus » mortifère.

Casser cette connivence est une priorité nationale. 

Alors que les présidentiables préparent leur programme, qu'ils se rappellent qu'il faut créer la règle d'or suivante pour les collectivités locales : pas de croissance des dépenses supérieures à la croissance générale. Toute exception, dans le cadre d'une enveloppe nationale maximale, devra être votée par le parlement, dont les députés devront être empêchés naturellement de cumuler emplois nationaux, régionaux et locaux. 

Même si ce sont les dépenses de sécurité sociale qui, nationalement, poussent le plus aux déficits et aux dérives de l'endettement, nos bobos soixante-huitards reportant sur les générations futures le paiement de leurs bobos, il n'y a aucune raison de laisser le champ libre aux excès démagogiques ou simplement délirants des collectivités locales ou territoriales.

 

Sylvain Dieudonné

Demos et Economos sont dans un bateau. Economos tombe à l'eau…

Demos et Economos sont dans un bateau.  Economos tombe à l'eau…

…et il faut se pincer pour éviter de rire aux éclats au spectacle des  Dieux du G.20  constatant avec horreur que Demos risque de se retrouver seul avec le bateau (le plus drôle étant qu'un certain Papademos tient désormais la barre à Athènes en remplacement de Papandréou !).
 
L'épisode de la menace d'en appeler à un referendum populaire  proférée par l'ancien chef du gouvernement socialiste grec, devant l'impossibilité d'accepter sans autre forme de procès les pressions déflationnistes de plus en plus pressantes  de la "troïka" formée par le FMI, la Commission Européenne et la Banque Centrale Européenne, restera un temps fort de la "chronique d'un désastre annoncé" que nous tenons maintenant depuis bientôt cinq ans.

Rappelons que le mot troïka a été utilisé par Staline pour qualifier les groupes de trois apparatchiks envoyés avec pouvoir de vie et de mort dans les campagnes ukrainiennes pour mettre au pas les "koulaks". Une famine atroce et  5 millions de morts plus tard, le mot troïka avait perdu un peu de son charme.
 
Rappelons aussi le plan en 15 points dont on parle :

1.    Coupes dans les effectifs – saisonniers ou fixes – dans toutes les administrations, y compris les enseignants.
2.    Etendre le chômage technique à l'ensemble du secteur public et application immédiate du système.
3.    Egalisation de la taxe sur le fuel domestique sur celle du gas-oil.
4.    Permettre la retenue sur salaire de l'impôt de solidarité destiné à financer les caisses de chômage.
5.    Baisse des retraites pour les marins et les anciens employés de l'opérateur téléphonique OTE.
6.    Suppression des subventions à la Poste pour la distribution de la presse.
7.    Nouveau cadre juridique dans le secteur public pour réduire les indemnités de départ et les heures supplémentaires.
8.    Gel des retraites primaires et complémentaires jusqu'en 2015.
9.    Augmentation des amendes pour les constructions illégales.
10.    Fusion ou fermeture de 35 agences d'Etat.
11.    Fusion ou fermeture de 10 autres structures: agence nationale de la jeunesse, organisme de télévision publique, société de l'immobilier public, société des biens immobiliers touristique, etc.
12.    Recensement des biens mobiliers et immobiliers sous le contrôle de l'Etat.
13.    Recenser tous les avantages sociaux et prestations de santé; signature de négociations collectives dans 16 hôpitaux privés ; signature de contrats entre hôpitaux privés et publics pour la locations de lits.
14.    Nouvelle loi pour réduire les retraites agricoles.
15.    Réduire les prix des médicaments en passant des accords avec les laboratoires pharmaceutiques.
16.   
Ce plan, sorte de bric-à-brac de mesures diverses à l'impact économique incertain et d'ailleurs non chiffré mais politiquement ultra sensible, est typique des actions moralisatrices du FMI qui lui ont valu la réputation flatteuse que cette institution connait dans la plupart des pays où elle est intervenue. En fait on affiche des aspects du clientélisme politique particulièrement honteux  et on demande une action immédiate.  L'aspect économique est secondaire. 

Que le chef de la majorité politique du pays ait voulu se dédouaner d'un plan aussi connoté n'est pas tellement surprenant. La manœuvre est légèrement narcissique : assumez, vous, puisque vous me faites la leçon si bruyamment ! Moi je me retire sur l'Aventin ou plutôt sur le Mont Philippapou, restons local.  "Je serai le recours. Celui qui n'a pas eu peur du peuple". A quelqu'un d'autre de subir la honte d'avoir à démonter 50 ans de bricolages politiciens de bas étages.

La seconde victime de ce happening à la grecque aura été le G.20 de Cannes. Là aussi on était dans l'affichage et le bricolage géo-politicien. Il fallait masquer le sentiment qui domine : chacun pour soi les Dieux de l'Olympe (ou d'ailleurs)  pour tous. Toujours aucun diagnostic avoué de la crise. Toujours aucune solution organisée. Seulement, à prix d'or, des débats totalement stériles tant les positions de force des pouvoirs de fait l'emportent sur la réflexion économique élémentaire.  Depuis le premier G.20 la crise n'a pas cessé de s'approfondir au milieu des déclarations ronflantes censées prouver la parfaite maîtrise des dirigeants. On reste sur le même schéma de pur affichage.

La semaine flamboyante ne pouvait se terminer sans un dernier effort.  On a donc vu M. Sarkozy annonçer, à la veille d'une élection, un plan Fillon qui comme le Canada Dry, se doit d'être un plan Juppé avec le goût d'un plan Juppé, l'effet d'un plan Juppé mais sans être un plan Juppé modèle 1995. 

Rappelons que M. Juppé, deux ans après la récession de 93,  avait assommé le pays d'un tel coup de gourdin fiscal, qu'il y avait provoqué une récession sui generis en 1996 et …fait perdre les élections suivantes, provoquant cinq années de cohabitation  entre MM. Chirac et Jospin.

Comme toujours avec M. Sarkozy, les préoccupations électorales et d'amour propre l'ont emporté sur tout le reste. Jamais un candidat n'a été si bas dans les sondages à la veille d'un scrutin présidentiel. Sa seule carte est de jouer la "responsabilité et le courage " contre "l'irresponsabilité socialiste traditionnelle". C'est un gambit politique de belle ampleur façon Papandréou. S'il tombe ce sera en "père la rigueur" maître de l'intérêt général français. S'il ne tombe pas, il est maître des lieux pour cinq ans.

Le plan Fillon, c'et vrai,  essaie de tenir compte de l'expérience Juppé. On n'y va pas "droit dans ses bottes". On finasse. On contourne. On cherche à conserver des "éléments de langage".  Démos est si fragile et son ouïe est si délicate ! 

Quels sont les éléments du plan d'équilibre des finances publiques, présenté lundi 7 novembre par François Fillon ? Il prévoit "7,9 milliards d'euros de hausses d'impôts supplémentaires en 2013, dont 5 milliards pèseront sur les ménages de façon directe et 6,8 milliards au total, en intégrant l'effet indirect sur les consommateurs du relèvement des taux réduits de TVA."

Ces dispositions s'ajoutent aux mesures prises précédemment, notamment lors du premier "virage-de-la-rigueur-qui-n'était-pas-un-virage-de-la-rigueur" de juillet 2011. 
1) "La mesure qui rapporte le plus, est le gel en 2012 et 2013 du barème de l'impôt sur le revenu (IR), et partant de celui de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), et des donations et successions. Ce gel rapportera 3,4 milliards d'euros en année pleine".

Il s'agit d'une hausse d'impôts déguisée puisqu'on ne tient pas compte de l'inflation. On taxe à l'impôt progressif un revenu nominal dans la réalité inexistant.  Les 10% des ménages les plus aisés paieront 90% de la facture.  Si la mesure est maintenue alors que la planche à billets déclenche une inflation forte, ce sera du vol pur et simple. Notons que l'ISF n'est pas ajusté à l'inflation et que ce type de vol y est pratiqué de façon régulière. 

2).Le relèvement de la TVA à taux réduit de 5,5 % à 7 %  sur tous les produits, "à l'exception des seuls produits de première nécessité  (produits alimentaires, abonnements au gaz et à l'électricité ainsi qu'à des réseaux de fournitures d'énergie, équipements et services à destination des personnes handicapées), rapportera 1,8 milliard en année pleine. Le nouveau taux de 7 % s'appliquera au secteur de l'hôtellerie-restauration mais aussi à la restauration rapide".

1.5 sur 5.5, cela fait une hausse d'impôt de 27,3%. Notons au passage les errements de la fiscalité sur les travaux d'entretien. Pour éviter le travail au noir, on décide qu'ils seront déductibles de certains impôts. On supprime cet avantage pour les assujettir à une TVA réduite. Et on augmente peut après la TVA en question. L'incohérence est frappante ainsi que l'instabilité fiscale qui perturbe toutes les décisions.

Nous avions critiqué ici la baisse de la TVA sur la restauration. Nicolas Sarkozy semble n'avoir porté à terme cette mesure que pour faire pièce au "roi fainéant Chirac". Ces réformes partielles incohérentes sur lesquelles on revient par nécessité ou par opportunisme sont une plaie française particulièrement détestable et une signature dans le cas Sarkozy, as du deux pas en avant trois pas en arrière.
 
Précisons que la taxe équivalente en Grèce est de 13%...
 
3). Les mesures de réduction des niches, "dont le rendement sera d'1 milliard en 2013, concerneront aussi, pour l'essentiel, les ménages avec en particulier le coup de rabot transversal supplémentaire, la suppression en 2013 du dispositif Scellier sur les investissements locatifs, le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) sur le neuf et une diminution du  crédit d'impôt développement durable".

Nous avons déjà dit mille fois sur ce blog que la notion de niche fiscale n'avait pas de sens. Si l'exonération consentie a un sens, ce n'est pas une "niche" mais une bonne mesure.  Avec l'envolée des prix de l'immobilier et la hausse de toutes les impositions du patrimoine, le tout enveloppé dans une justice entièrement du côté du locataire déloyal, la location d'habitation ne permettait plus de loger les Français.  On a donc poussé par mille procédés artificiels  successifs les épargnants à construire pour le logement. On cesse d'aider. Comme on cesse d'aider les investissements sur les économies d'énergie. Soit ! Le saupoudrage de mesures fiscales de ce type est néfaste.  Reste à gérer la hausse des coûts de l'énergie  et l'insuffisance des constructions de logements. On en entendra à nouveau parler… 

4)Au nom de la réduction des écarts de taux d'imposition entre les revenus du travail et ceux du capital,  le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et les intérêts, mis en place en 2004 par la droite,  est relevé de 19 % à 24 %. Matignon affirme que, pour les personnes les plus aisées, imposées jusque dans la dernière tranche du barème, les dividendes supporteront désormais le même niveau d'imposition, quelle que  soit l'option choisie par le contribuable (prélèvement libératoire ou taxation au barème de l'impôt sur le revenu).

5/24 = 20,8% de hausse. Une bagatelle. On a choisi de frapper les revenus du capital au nom d'un légitime rééquilibrage de la fiscalité entre revenus du travail et revenus de l'épargne. Il ne faut pas oublier que la CSG et le CRDS frappent également ces revenus qui ont fait lors de la création du RSA l'objet d'une imposition nouvelle. Le tout se cumule.

Ce qui est dommage c'est qu'une fois encore on préempte une mesure qui aurait du être prise dans un cadre d'ensemble de réorientation de l'imposition.  Elle aurait du servir à par exemple baisser les prélèvements sur le travail. Une fois de plus on attend un prétexte pour aggraver les impôts (et avec quelle violence) mais sans contrepartie de réforme utile.  Le tonneau des danaïdes recevra une pluie de prélèvements nouveaux.  Les revenus du capital servaient largement à augmenter la formation de capital brute en France. Associés à diverses facilités comme le Scellier ils permettaient notamment le financement des entreprises et de la construction. Les voilà mobilisés pour financer des déficits.   Le court terme l'emporte sur le long terme.

5)Le montant de l'impôt sur les sociétés, "qui est dû au titre de 2011 et de 2012 par les grandes entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros, sera majoré de 5 %. En comparaison aux mesures pesant sur les ménages, le rendement de la mesure est estimé à 1,1 milliard soit 14 %  seulement du total des nouvelles hausses d'impôt prévues dans le deuxième plan Fillon pour 2011".

Ici encore on prive les investisseurs du rendement de leur capital.  La France est le pays où les entreprises sont sous capitalisées à l'extrême. L'épargnant est la cible privilégiée du plan Fillon.

On cherchera en vain la réduction des dépenses publiques dans ce plan. Dans le plan de juillet nous avions 10% de réduction de dépenses publiques pour 90% d'augmentation d'impôts.  Ici il n'y a qu'une augmentation d'impôts.

Le gouvernement a choisi de frapper les classes moyennes supérieures, déjà fortement touchées par la chute de la valeur de leur épargne et étrillées par les hausses des impôts locaux.  Nicolas Sarkozy pense qu'elles se laisseront faire sans réagir et qu'elles n'auront pas de choix que de voter pour lui plutôt que pour Hollande. On n'est pas dans l'économie mais dans le calcul politicien.

Economos s'en sortira un peu plus meurtri mais on croira avoir neutralisé Demos. D'autant qu'on a baissé ou bloqué les salaires des hauts dirigeants publics et incité les patrons privés à en faire autant.  L'ennui de ce genre de gesticulations c'est qu'elles laissent généralement totalement froids les électeurs qui attendent des réformes de fond et non des expédients.

Il aurait mieux valu  remettre à plat le système fiscal pour diminuer la fiscalité portant sur le travail et cesser de subventionner les importations. Comme Rocard,  comme Juppé, comme Jospin, Fillon gaspille les cartouches qui auraient pu servir à des réformes fondamentales et durables. Et la chancelière allemande Merkel, qui, elle, bénéficie du fait que l'Allemagne les a faites, baisse la fiscalité de ses entreprises !

Pendant ce temps là, la crise, incomprise dans ses causes, laissée à elle-même faute de mesures adaptées, s'approfondit. Demos paie pendant qu'Economos se noie.

Tableau.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.

La faillite nous voilà !

Un des aspects de l'Euroland qui devient évident aujourd'hui, est qu'une banque centrale indépendante et exogène par rapport à un pays souverain lui fait perdre  le privilège  de ne jamais être mis en faillite. 

Si les dettes souveraines sont appuyées sur une banque nationale, il est toujours possible de fournir au nominal l'argent des intérêts et le remboursement du principal. Ce qu'on appelle la monétisation de la dette a des inconvénients majeurs : on crée de l'inflation ; on ruine le créancier en le remboursant en monnaie dévaluée, mais doucement ; le change de la monnaie s'effondre ; les voisins peuvent prendre des contre mesures pour éviter une concurrence déloyale. Le crédit devient difficile.  L'avantage est évidemment que tout est très facile pour les gouvernements : c'est la banque centrale qui fait tourner la planche à billets. Les ministres n'ont rien à faire d'autres que le train train habituel.  Et il est inutile de tout bloquer, d'imposer des impôts nouveaux, de  revenir sur des avantages acquis etc.

L'externalisation de la banque centrale rend impossible ces expédients. C'est comme si les emprunts étaient faits en monnaie étrangère. Il faut rembourser les dettes dans une monnaie dont on ne tient pas le robinet. On est tenu par les créanciers. Il faut soit faire défaut soit rembourser en se serrant la ceinture, si tant est que le dit serrage de ceinture ne casse pas définitivement la croissance.

On a conçu la banque centrale européenne comme le prêteur de dernier ressort des banques soumises à une crise de liquidité. On a strictement refusé le rôle de financier en dernier ressort des dettes souveraines. La BCE ne devait pas financer les états qui étaient tenus de conserver leurs dettes au dessous de 60% du PIB et leurs déficits budgétaires au dessous de 3%. C'était monter un barrage en papier contre le risque de défaut sur les dettes souveraines.

Le vice caché est que rien n'était stipulé pour les dettes des autres agents économiques. Or on a vu l'endettement des autres agents s'emballer à un niveau qui rendait la pyramide de crédits si fragile qu'elle ne pouvait que s'écrouler. Il est vrai que les mouvements de capitaux ayant été totalement libérés les agents étaient capables de ponctionner toute la liquidité mondiale sans trop se soucier des directives de la BCE.  L'Europe devenait tributaire des politiques monétaires des autres.

Une des conditions du succès de l'Euroland était évidemment de limiter l'accès aux marchés financiers internationaux. Sinon on pouvait voir se gonfler un surdendettement privé qui lors de son implosion entraînerait aussitôt un dépassement de toutes les normes de papier mis en opposition aux déficits et à l'endettement publics.

Sauver les banques pour sauver l'épargne et l'économie, amortir la récession par des stabilisateurs budgétaires, relancer l'investissement, toutes ces mesures ne pouvaient que faire exploser les déficits et l'endettement souverain.

Endettement qui dans l'Euroland ne peut être monétisé statutairement. Donc le système revenait à admettre froidement des défauts sur la dette souveraine des états composant l'Euroland.  La faillite nous voilà ! Les Etats Unis admettent parfaitement qu'un Etat puisse faire faillite. Ou une ville, ou un comté. La Fed n'intervient pas.

Pourquoi alors ne pas accepter la faillite de la Grèce tout en la conservant au sein de la zone Euro ?  C'était la pure logique de Maastricht. Les détenteurs de la dette grecque auraient perdu sauf si des CDS leur permettaient de reporter sur d'autres le fardeau. Les montants n'avaient pas de niveau "systèmique", même à 200 milliards.  Faite il y a un an cette opération d'apurement n'aurait d'ailleurs pas atteint ces montants. La Grèce soulagée d'un poids de dettes excessif n'auraient pas été sauvée d'une période d'adaptation lourde, ses déficits structurels  étant devenus impossibles à financer par des emprunts externes. 

L'autre solution était la sortie de la Grèce de la zone Euro.  La première conséquence aurait été immédiatement un défaut complet sur la dette souveraine mais aussi sur toutes les autres dettes internationales de la Grèce. Il est peu probable que qui que ce soit se soit intéressé, à l'achat de Drachme pendant un certain temps. Donc la dévaluation du Drachme aurait été très forte.  On aurait eu à peu près la situation de l'Argentine lors de la sortie de son currency board.  Sauf qu'en dehors de son tourisme, la Grèce n'a pas grand chose à exporter, contrairement au "campo" argentin. Le système bancaire grec aurait été lessivé.  Un contrôle des changes draconien aurait été mis en place. L'hypothèse de la faillite du Portugal voire de l'Espagne ou de l'Italie serait devenue une certitude. Le risque d'une panique générale se serait ajouté. 

On peut comprendre qu'on n'ait pas voulu choisir entre le diable et Satan.

On a choisi entre 2008 et 2011  la voie du faux semblant et de la solution d'attente jusqu'à ce que l'absence de politique sérieuse soit devenue impossible.

La solution retenue hier par les pays de l'Euroland est en fait une faillite organisée de la Grèce, sans le dire pour ne pas faire jouer les CDS,  avec pare feu pour éviter la contagion aux autres pays menacés.  Elle est à la fois dans la logique du rôle de la banque centrale maastrichienne et un expédient.

Le malheur c'est qu'il reste dans le monde plusieurs millers de milliards de dettes irrécouvrables qu'il faudra bien nettoyer un jour ou l'autre. La Grèce comme les subprimes ne sont qu'un détail de la pyramide de dettes sans contrepartie réelle qui pèsent sur le monde. 

La crise de la Grèce comme la crise de l'Euro ne sont que des vues sur la crise globale de l'endettement accumulé depuis 1971. 

L'organisation de la zone euro et les statuts de sa banque centrale interdisent une des voies d'élimination de ce surendettement (la monétisation et un certain niveau d'inflation). Le système monétaire international des changes flottants interdit largement la solution d'une croissance concertée.

Le monde se met donc en place pour une réduction générale de la dette par la perte directe, par la faillite. C'est le chemin de la dépression et de la guerre économique.

Sans remédier aux défauts structurels de la zone Euro et sans refonder une coopération internationale basé sur un système de changes concertés, il n'y a pas de solution.

Nous sommes dans la même situation qu'après guerre où il fallait éliminer collectivement  une masse de dettes nées du conflit. Nous y sommes parvenus en moins de 15 ans, avant de repartir dans un dérèglement majeur et l'absurde système des changes flottants. Les modalités de Bretton Woods  ont permis de sortir du gouffre.

On ne veut ni changer le système de Masstricht ni revoir le système monétaire international.  En dépit des chants de victoire qu'on entend après l'accord de faillite masquée en Euroland, on n'échappera pas à une aggravation de la situation globale. Alors que tout était en place pour une croissance mondiale concertée.

2012 : l'année de tous les dangers

Comme en rugby, le scénario de la crise connait ses temps faibles et ses temps forts.  2010, comme nous l'avons déjà écrit,  était un moment d'illusion. La reprise artificielle liée à des plans de relance massifs a masqué la gravité des faits  : un endettement partout monstrueux entraînant la faillite virutelle des banques et des états. 

Les dirigeants du G.20 ont cru qu'il suffirait "de rassurer l'épargnant" , de sauver les banques en leur permettant de faire rouler leur paquet de dettes, et d'amorcer des réformes sur des points mineurs pour que la crise soit en quelque sorte suspendue.

Chacune des deux  grandes puissances a essayé de se débarasser du fardeau en haussant les épaules et en se pensant plus fort qu'il n'était. Les Etats-unis étaient heureux de mettre l'Euro sous pression afin de retrouver toute la puissance exclusive du dollar.  La Chine se sentait assez forte pour maintenir des taux de change historiquement au plus bas vis à vis de l'Europe et à peine réévaluée par rapport au dollar.

Bien sûr ni l'un ni l'autre de ces grands pays n'avaient l'esprit complètement libre.  Les Etats Unis se savaient vulnérables à un effondrement de l'Euro.  La Chine se savait vulnérable àun effondrement du dollar.

L'Europe, quant à elle, était en proie au désamour des peuples, aux défauts structurels de l'Euroland et à l'inorganisation complète de ses institutions, à la fois en compétition et impuissantes, miracle du traité de Lisbonne signé en franchise de l'opinion des citoyens.   Qu'elle ait servi de "zones d'ajustement" n'est pas surprenant. 

Ce que personne n'a bien vu, c'est que la reprise de l'économie des échanges commerciaux internationaux n'a pas eu lieu en 2011.  L'asthénie presque complète du commerce mondial (on finira l'année sans doute autour de +5% , alors qu'on espérait 7% et que le taux de croissance normal devrait être entre 10 et 15%) )a été masquée par les effets de différents plans locaux. La Chine a débridé son crédit intérieur provoquant de l'achat d'équipement en Allemagne et pour le reste converti une partie des dollars engrangés en constituant des réserves et en  faisant monter les cours de matières premières.  

En vérité il n'y a eu aucune reprise saine nulle part. 

Les Etats-Unis ont découverts qu'il y avait un plafond à l'endettement indéfini.  Ils ont passé toute l'année avec un chômage à près de 10%, une réalité qu'ils n'avaient pas connu depuis les années trente.  Le modèle de rechange n'est pas apparu. Ils savent que si la Chine garde sa monnaie collée au dollar et si l'Europe explose ils entrent dans une récession de longue durée.

Les Chinois n'ont aucune des structures économiques qu'il faudrait pour gérer sainement une reprise de leur économie intérieure.  Ils continuent de compter sur l'accumulation mercantisliste de dollars en contrepartie  du bradage de leurs ressources infinies en hommes.  L'économie publique chinoise est largement basée sur  la corruption et l'argent de la corruption vient principalement de ce que les bureaucrates tiennent : les permis de construire.  La relance a entraînée une bulle des dettes des collectivités locales et une flambée immobilière excessive. 
 
Certes les entreprises mondialisées ont continué à investir  dans "l'usine du monde" de peur  de perdre toute chance d'être "leader sur son marché". Mais en réduisant drastiquement la voilure ailleurs  et en rachetant massivement leurs actions.  

L'Europe a constaté que la Commission était non pas le ferment de l'Europe Uni mais un dispositif bureaucratique anti-état, indifférent aux conséquences des politiques de laisser faire intégral  qu'il promeut .   L'assemblée européenne s'est révélée un "machin"  incapable d'être le creuset de la moindre politique économique.  Ces deux institutions ont été les deux grandes muettes européennes pendant toute la crise.  On ose presque dire : tant mieux, tant elles ne sont là que pour produire du "politiquement correct"  anti national. 

Le couple franco-allemand, en tension depuis longtemps,  du fait du laxisme français et du mercantilisme allemand,  et la BCE empêtrée dans des objectifs exclusifs de  stabilité des prix  n'ont pas véritablement de politique. Ils veulent conserver.  Conserver l'apparence du succès de l'Euro. Conserver l'Euroland.  Conserver leur banques. Conserver l'épargne des déposants.  Pas de grandes mesures. Du conservatisme prudent et des opérations images rassurantes. 

L'ennui c'est que la Grèce ne peut  s'en sortir par une déflation à caractère atomique.  L'ennui c'est qu'à défaut de réformes sinon de pure forme ou de constructions en papier à peine glacé, on résiste mal à une tempête internationale qui n'est toujours pas calmée.

Qu'attendre alors du G.20 de Cannes ? Les Etats Unis attaquent la Chine. La Chine réplique. L'Europe dit qu'elle veut garder le statut du dollar et qu'elle ne veut pas indisposer la Chine.

Partout le désastre des monnaies flottantes est patent mais il ne faut surtout pas aborder la question. Parlons environnement. Parlons taxes nouvelles dopées verbalement sous le vocable de "ressources innovantes".  D'un coup de baguette magique en ne faisant aucune autre réforme qu'une taxe sur les opérations financières l'économie et la planète seront sauvées pour toujours.

En fait chacun fera ce qu'il veut en attendant...en attendant quoi justement ? Un miracle spontané ?  L'effacement miraculeux de la dette sans conséquences sur l'activité ? La continuation de systèmes inefficaces et dangereaux  qu'on ne veut surtout pas toucher dans le bonheur et la prospérité ?

Surtout ne pas perdre la face. Surtout donner le sentiment que tout est organisé. La faillite de la Grèce sera donc déguisée en triomphal succès de la coopération internationale. Alors même que les Etats-Unis refusent de doter le FMI pour qu'il continue à violer son rôle statutaire qu'il n'exerce plus depuis 1971.

Le rôle théorique mais aussi statutaire du FMI  était d'éviter les mercantilismes et les laxismes monétaires et d'agir pour permettre à un pays en difficulté de balances de paiements de ne pas mettre tout le système par terre par une déflation excessive.  Il ne le joue pas. A la place on tente de lui faire assumer le rôle de banquier de dernier ressort des états surendettés !   Sur quelle base théorique ?  Le refus américain n'est pas totalement sans fondement.

Déçus les européens veulent faire une banque européenne de soutien aux pays endettés.  Mais statutairement la BCE ne peut pas jouer son rôle normal en cas de graves difficultés de financier de cet organisme.  On ne peut rien monétiser des dettes que cette banque fera.  Donc on ne peut qu'accroître la dette pour règler une question d'excès de dettes ou faire payer par les impôts les citoyens qui ne comprennent pas qu'on les rende solidaires de cigales irresponsables.

Rien de tout cela n'a de sens.  Tout le monde vit d'expédients.  En attendant la bourrasque suivante.

Le plus curieux c'est que l'économie réelle internationale commence à se réveiller, alors que tous les indices qui arrivent concernent le passé. C'est traditionnel : on commente toujours ce qui s'est passé il y a six mois ou un an. Prévoir le présent reste l'exercice le plus difficile !

L'aspect le plus navrant de la situation est qu'une réforme de fond faite maintenant accélèrerait le mouvement et permettrait d'entrer dans une phase de consolidation.   C'est maintenant qu'il faut faire les réforme nécessaires.  L'erreur des premiers G.20 qui n'ont rien réformé  est encore rattrapable. Mais une nouvelle erreur provoquera un ensemble de réactions qui peuvent nous envoyer pour le coup dans la dépression de longue durée.

Nous n'avons jamais voulu jouer les Cassandre ici au Cercle des économistes e-toile.  Nous avons préféré le débat autour des causes réelles des difficultés et l'examen des solutions rationnelles qui sont à portée de main.  Mais si on reste dans l'état de catalepsie mentale associée à un bras de fer politique entre les acteurs majeurs, la dépression est au bout. 

Surtout que les élections s'approchent partout et que la tentation du n'importe quoi est grande.  On l'a bien vu lors des débats pour la primaire socialiste en France.  Et l'impatienc e des peuples grandit qu'il ne faut pas confondre avec les petits cris aigus des "indignés".

On peut craindre qu'il ne se passe rien à Cannes durant un nouveau G.20 de façade.  Mais l'absence de mesures se fera sentir en 2012 qui devient l'année de tous les dangers.  Alors qu'elle aurait du être la première année de franche reprise spontanée des affaires dans  un cadre monétaire international et européen rénové.

Le spleen du hanneton fatigué de pousser sa boule de crottin

Nous avons toujours défendu ici que la crise que nous connaissons est une crise de  la dette.  La plupart des pays riches ont développé une dette globale qui représente un multiple excessif de leur PIB.  Nous avons montré qu'un pays qui s'est laissé glisser à porter une dette de plus de 200% de son PIB était dans une situation impossible.  Nous avons constaté que certains pays avait dépassé les 350, les 400 et même les 1000% de dettes par rapport à leur PIB.   Nous avons expliqué que cette évolution devait faire exploser  le système et elle l'a fait effectivement.

L'idée générale exprimée dans les médias a d'abord été qu'il s'agissait d'une crise limitée au secteur du bâtiment puis une crise limitée à l'Amérique qui ne traverserait pas l'océan,  puis une crise bancaire internationale liée aux produits toxiques,  et enfin on en est arrivé au constat de la réalité : il s'agit bien d'une crise de la dette.  Quatre ans  de perdus !

Malheureusement personne ne s'est enquis des mécanismes de cet énorme gonflement de la dette.  Nous avons nous-même proposé très vite un diagnostic très précis, lié au dysfonctionnement du système monétaire international.  Au contraire l'idée générale  véhiculée par les dirigeants et la presse aura été qu'il suffisait de revoir les bonus des traders et les règles de comptabilité, tout en mettant fin à certains contrats complexes de mathématiciens fous  pour que tout aille mieux.  Les banquiers n'avaient qu'à bien se tenir.

Le même manque de vision s'est attachée aux remèdes.  Les  états sont venus au secours des banques  en reprenant une partie de la dette,  car sinon le système bancaire entier entrait en catalepsie.  Et ils ont cru qu'en laissant glisser les déficits et en effectuant une relance concertée par les banques centrales tout se passerait bien.

Ils avaient oublié qu'en système de changes flottants les relances keynésiennes ne marchent pas.     D'autre part  il était certain que le double mouvement de récupération des dettes des banques et du creusement des déficits provoquerait automatiquement une hausse massive de leur propre endettement.  Pouvait-on règler une crise de dettes par un accroissement de dettes  en changeant de débiteurs ?  Nous l'avons écrit ici il y maintenant près de quatre ans : la réponse est non ! 

Tous les pays qui s'étaient laissés glisser sur la pente fatale des déficits publics permanents et massifs se sont retrouvés avec des dettes encore plus massives. La peur s'est installée partout.

A-t-on pris des mesures contre les causes de la crise ? Non. L'absence de diagnostic ajouté à la certitude "qu'on savait faire"  pour sortir d'une crise, a conduit à une passivité absolue.

Lorsque la dette globale s'est retrouvée ainsi  aggravée, on s'est posé la question de savoir ce qui fallait en faire.  On connait la solution retenue :imiter  le hanneton et pousser la boule de crottin devant soi inlassablement.

Reporter inlassablement le problème à plus tard était une facilité qui se donnait l'air de la responsabilité.

Nous-mêmes avons expliqué dès 2007 qu'il fallait restructurer le plus vite possible.  Restructurer ? On veut dire admettre la perte en partie et ne pas tout différer.  Et nous avions noté que le report des dettes n'avait de sens qui si une croissance forte  était organisée en solidarité des états.  Comme les relances ne fonctionnent pas en système de changes flottants, il fallait se réunir comme à Bretton Woods, recadrer les parités monétaires  de façon à éliminer les grands déséquilibres à la base du gonflement de la dette mondiale,  et mettre un gendarme permettant de s'assurer que les déséquilibres restaient bien sous contrôle.

Restructuration partielle de la dette , suppression des causes structurelles du gonflement de la dette mondiale,  fixation d'un cadre  monétaire mondial  raisonnable avec un cap de croissance visé collectivement , permettant des anticipations économiques rationelles pour les entreprises, étaient les trois axes de solution.

On n'en a suivi aucun.  Quatre ans après on se retrouve gros jean comme devant.  Les dettes d'état des pays les plus endettés ne peuvent plus être remboursées et elles s'aggravent. Les aides ponctuelles associées à des programmes déflationnistes n'aboutissent à rien.  Cameron provoque une récession en Grande Bretagne. Les créanciers de la Grèce provoque une récession en Grèce.   Aucune réforme n'ayant été faite, la peur s'installe et provoque des comportements récessifs qui minent les relations d'échange.  Les perspectives d'une reprise de la récession  s'accroissent.

Le hanneton est fatigué. La boule de crottin a grossi.  Et la dysentrie qui le mine n'a pas été soignée.

Les peuples s'impatientent, comme prévu. La sinistrose s'installe comme en 1929 avec le développement de systèmes de pensée entièrement négatifs.  Et les gouvernements comme à Londres à cette époque considérent qu'ils n'ont rien d'autre à faire que de se débrouiller comme ils le peuvent sans coopération.  C'est à dire que nous sommes  dans les conditions où une grande dépression peut s'installer.

Le cadre de la solution est bien le G.20. Mais le G.20 n'a pas été le fer de lance du diagnostic de la crise car le FMI n'a pas joué son rôle.  La réunion des ministres des finances du G.20 vient de se terminer par un échec.  La réunion de Cannes ne promet rien que la manifestation de l'égoïsme de fond des grands acteurs  sous halo d'unanimisme de façade.

Il n'y a toujours pas de diagnostic, donc pas de mesures adaptées qu'un consensus pourraient faire avancer.  On écope dans l'urgence.  C'est le sauve qui peut.

Rappelons qu'il y avait à peu près 10.000 milliards de dettes sans contrepartie permettant de la rembourser en 2007.  5.000 milliards de ces dettes ont été purement et simplement perdus.  Mais on a ajouté 10.000 milliards de dettes sans contrepartie de plus.  Nous avons donc en circulation  15.000 milliards de dettes ne correspondant à aucun rendement futur.  Ce qui veut dire en clair que le système bancaire mondial est en faillite car le capital des banques ne peut en aucun cas faire face à cette masse de pertes potentielles.

Comment faire ? 

D'abord il faut un diagnostic. Pas de médecine sans compréhension de la maladie.  Ce diagnostic doit être fait et acté internationalement.  Il  implique  la mise en cause du système monétaire international et l'accord sur des changements radicaux .

Ensuite il faut restructurer. A quel niveau ? Probablement autour de 5 000  milliards de dollars de dettes.   Enfin il faut éviter toute politique récessive et déflationniste. 

Un peu d'inflation mondiale permettra de réduire la dette globale de façon certes non indolore mais régulière.  

Depuis 2005 le rendement moyen des portefeuilles en Occident  a été de 1.7% soit la moitié de l'inflation.  Donc l'épargne a fondu régulièrement de près de 1.5% par an en moyenne.  Il faut à peu près doubler le taux de fonte pour qu'en dix ans on obtienne un dégraissage significatif de la dette.

Ce qui n'a pas été restructuré et ce qui n'aura pas fondu dans l'inflation, devra être remboursé par la croissance pour la moitié et repoussé pour une autre moitié.  Le hanneton poussera toujours une  boule de crottin mais elle restera proportionnée à ses forces.

On dira : vos ordres de grandeur sont grossiers. Ils le sont.   Mais il faut simplifier les grandes masses pour les rendre compréhensibles. Aux instituts statistiques de faire mieux s'ils le peuvent. Actuellement ils regardent ailleurs.  

Le plus navrant est que le mouvement des affaires est plutôt solide. Il est entravé et cassé par les mauvaises politiques suivies et la panique qui s'est installée partout.

Tant que la crise intellectuelle n'aura pas été surmontée alors la crise économique ne le sera pas.  Pensée zéro égale volonté zéro égale résultats désastreux.  Sinistrose et désorganisation internationale égalent panique et effondrement.

C'est un chemin sans issue. Si Cannes est un G.20 pour rien une fois de plus, tout risque d'être emporté.  Pensons à la Conférence de Londres  du 12 juin 1933. Là, déjà, les états ont décidé de se battre dans un chacun pour soi qui est devenu une désastre pour tous.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Retour vers le futur : 1935 ?

La tentation des comparaisons historiques plus ou moins bancales est toujours grande lors des crises un peu sévères. Quand l'avenir est incertain, on aime se raccrocher à quelque chose de familier même si le passé lointain est généralement plus fantasmé que connu.

On l'a bien vu hier soir dans un de ces débats télévisés où deux intervenants censés avoir des connaissances économiques solides se sont empoignés pour affirmer, pour l'un que la déflation était la raison de l'arrivée d'Hitler au pouvoir, pendant que, pour l'autre, c'était la déflation.

La minuscule affaire grecque, une perte sur crédit d'une centaine de milliards d'Euros (à rapprocher des quatre mille milliards d'Euros sur crédit perdus depuis fin 2006 dans le monde entier), fait renaître les pires fantasmes d'une montée prochaine du fascisme pour un camp, du socialisme violent pour l'autre.  Avènement d'un nouvel Hitler ou nouveau Front Populaire, tel serait le choix !

Il faut dire que les difficultés économiques stimulent les extrêmes. Mme Le Pen et M. Mélenchon tiennent désormais des discours  économiques que les tenants des principes qui nous gouvernent et qui nous ont mené là où nous sommes ne peuvent plus réellement juguler.

Dans ce maelström toutes les postures deviennent des contorsions. La droite libérale en vient à défendre les suggestions d'Attac, le mouvement post communiste bien connu. La gauche plaide pour l'austérité et la militarisation du redressement des jeunes délinquants.  Les keynésiens d'hier plaident pour une réduction drastique des déficits et de la dette. Les libéraux d'hier suggèrent qu'on pourrait nationaliser les banques, temporairement bien sûr.  Les européistes d'hier ne se souviennent plus très bien  pourquoi ils ont voulu l'acte unique et l'Euro.  Les souverainistes plaident pour un tarif extérieur commun renforcé. La BCE viole ses statuts tous les jours.

La crise a bousculé cul par-dessus tête les discours figés du politiquement correct d'avant.  L'Europe, c'était bien et cela ne se discutait pas. On pouvait l'étendre ad libitum : le mouvement d'élargissement se justifiait par le seul fait qu'il avait lieu.  L'Euro c'était bien et cela ne se discutait pas.  L'impôt: super ! La dette : pas grave ! Le désordre monétaire international  : la marque de la vitalité des marchés, à qui il aurait été stupide de s'opposer !

On s'aperçoit toujours de la fragilité des vulgates lorsque les populations s'affolent.  

Surtout quand on les laisse sans perspectives.

Mettons nous tout de même un instant dans la peau d'un chômeur qui a été licencié en 2008 et peine à retrouver un emploi trois ans plus tard, de parents dont les enfants ne trouvent pas à s'employer au sortir d'études immensément rallongées, d'accédants à la propriété à bout de ressources (ils se sont endettés pour trente ans !) à qui on a doublé la taxe foncière et fortement grossi la taxe d'habitation. A tous  on affirme : vous allez payer pour la Grèce ; vous allez payer pour sauver l'Euro et si on n'y arrive pas vous perdrez vos plans d'épargne ; vous allez payer parce que vous n'aviez pas assez payé encore alors que la France est au sommet des prélèvements.  Et à tous ces gens, une littérature pressée d'extraire le jus de la crise explique qu'ils n'ont encore rien vu, que le pire est devant eux.

Pas une explication des différentes crises qui nous frappent. Pas la moindre perspectives sérieuses de s'en sortir.  Et des élections en vue, partout, qui ont l'énorme inconvénient d'interdire la seule vertu utile en temps de crise : la constance.

Ce qui nous ramène à 1935.  La confusion la plus totale régnait comme aujourd'hui. La crise avait également quatre ans en France.  La reprise n'avait pas eu lieu. Les politiques fondées sur des a priori qui faisaient consensus ne marchaient pas.  La politique de déflation qui avait sa chance se trouvait confrontée aux perspectives d'élections perdantes. On allait sombrer dans le n'importe quoi et aggraver tout. La France sortirait des années trente en ayant perdu autant que pendant la Grande Guerre. Il lui faudra quarante ans pour se remettre avant d'oublier les leçons si durement apprises.   
   
Quant au monde ! Il a absolument tout oublié. On a voulu créer en 1971 un monde basé sur les relations de force entre les états, systèmes sociaux  contre système sociaux , politiques contre politiques, puissance économique contre puissance économique en supprimant toutes les écluses, tous les canaux, toutes les pompes aspirantes et refoulantes.  Les américains croyaient qu'ils gagneraient facilement. Les Allemands et les Japonais étaient sûrs d'eux.  Les nationaux communistes Han ont vu la faille et ont cru qu'ils pourraient manger l'économie du monde et assurer leur domination. Les pays pétroliers pensaient pouvoir s'en sortir sans problème grâce à la manne pétrolière.      

Les Français, eux, réglaient de vieilles querelles du dix-neuvième siècle, sans se rendre compte de rien.

Nous sommes au bout de ce chemin là.  On redécouvre qu'il n'y a pas de solution sans une coopération entre les états ; qu'on ne peut pas assumer des libertés économiques sans monnaie de référence et sans politique harmonisée des changes ; que la concurrence des systèmes ne fonctionnent qu'avec des pare-chocs et des écluses.

En sécurité routière on sait bien qu'un tank aussi blindé soit-il, n'est pas sûr, pas plus qu'un cerf volant allégé à l'extrême . Il faut  éviter les chocs et en cas de choc évacuer un maximum d'énergie pour protéger les passagers.

Eviter les chocs en économie mondialisée, c'est déjà éviter les systèmes instables comme les monnaies flottantes en organisant de surcroit l'irresponsabilité totale des gouvernements vis-à-vis des conséquences de cette instabilité.  Instabilité structurelle plus irresponsabilité structurelle, les deux mamelles du désastre économique.

En 1935 tous les pays ont voulu s'en sortir par eux mêmes, ayant désespéré de toute coopération internationale, tout en ouvrant la porte à leur démons intérieurs (communismes staliniens, socialismes divers , fascisme et national socialisme).  Aujourd'hui les démons intérieurs n'existent pas : il n'y a pas de grande idéologie en attente de s'imposer. Les socialismes nationaux ou autres ne sont plus dans les esprits ni les espoirs. Les nationalismes  flamboyants ont disparu au moins en Europe même si les égoïsmes et les petits calculs demeurent.

Ce qu'il faut donc craindre c'est d'abord le n'importe quoi spontanéiste né de la peur.

Car la solution existe.  

En 1935 il était impossible d'assurer la coopération internationale autour d'un projet commun. Hitler et Staline imposaient leur loi. Des professions de foi violentes courraient le monde  et elles étaient militantes.  Les grandes puissances imposaient leur loi à de nombreuses colonies et des nationalismes s'exacerbaient, comme celui des Japonais ivres de "lebensraum".

Rien de tout cela aujourd'hui : l'islamisme radical n'est pas mort mais il est sans influence mondiale et incapable de faire lever des masses ni de proposer un  système d'organisation un  minimum sexy.  L'islamo-nationalisme iranien est contraint par les révoltes qu'il est obligé de réprimer et son isolement international.  Les rebonds de nationalisme dans les pays de l'ex URSS ou sous sa domination n'ont pas d'importance cruciale. Il faut bien retrouver un peu de quant à soi.  Le nationalisme Han est le seul qui soit réellement dangereux. Mais il est totalement dépendant de la bonne volonté occidentale. Que la Chine soit exclue de la mondialisation et le système s'effondre ! Ce sera un nationalisme prudent.
Nous sommes donc dans une situation totalement différente de 1935. Il suffirait de sortir de la confusion pour que les voies d'un redressement général apparaissent ouvertes.

Comment faire ? Il n'y a qu'un seul chemin : le G.20 annonce que les états membres  coopèrent pour mettre fin aux causes du désastre économique en cours clairement identifiées et pour créer les conditions d'une croissance dans la coopération, seule capable de liquider l'accumulation des dettes constatées depuis 40 ans.

Les causes des désordres financiers et de l'accroissement global sont parfaitement connues : laxisme financier des uns  et mercantilismes divers dans un système de changes flottants de monnaies administratives où personne n'est responsable de ses équilibres extérieurs, alors que les mouvements financiers sont totalement libérés.

Une fois le système mondial stabilisé avec des changes fixes et ajustables, une instance internationale disposant de pouvoirs réels de régulation, une coopération explicite des nations , le sauvetage de la zone Euro devient un jeu d'enfants.  

Les états redeviennent responsables de leurs comptes extérieurs et de la valeur externe de leur monnaie, tout autant que de leurs équilibres intérieurs, le plein emploi étant un des équilibres majeurs dont on parle. Ils sont obligés de coopérer pour la croissance et l'amortissement des dettes monstrueuses accumulées par le système de double pyramide de crédits Rueff-Allais.

L'absence d'idéologies délétères permet de reprendre progressivement le chemin d'une mondialisation plus heureuse sans sombrer dans les expériences mortifères.  

En 1935, les auteurs ne voyaient plus d'avenir. On croyait à la fin du cycle d'expansion appelé révolution industrielle.  Le slogan n'était pas "no future" mis c'était dans les esprits. On sait ce qui est advenu : la plus grande mutation de toute l'histoire de l'humanité !  

Ne tombons pas dans ce travers. Il est parfaitement possible de préparer un avenir intéressant et progressiste pour l'humanité.

Mais il ne faut pas se tromper de chemin.

L'article d'Henri Guaino dans le Monde du 9 septembre 2011

Alors que les bourses rechutent vers leur plus bas, que l'Euro est menacé, que les banques françaises sont fuies par  les investisseurs pour cause  d'excès de prêts à des états fragiles,  que les échanges internationaux se tassent, que les projets sont partout révisés à la baisse, que les acteurs anticipent que la chute boursière va avoir à peu près les mêmes effets que la faillite de Lehman Brothers,  que la Grèce ne parait plus capable du moindre effort sérieux, que la Chine hoquète de plus en plus, que la Suisse prend des mesures extrêmes pour faire chuter le franc suisse,  que les Etats-Unis sont au bord du "double-dip", il est intéressant de prendre connaissance de ce que Monsieur Henri Guaino principal conseiller de la Président de la République Française a à nous dire.

Première remarque le journal ne pose pas la seule vraie question qui vaille actuellement : pourquoi  la sortie de récession n'a-t-elle pas eu lieu ? Nous sommes quatre ans après le blocage du marché interbancaire international et l'effondrement des subprimes. Des plans ont été définis et mis en oeuvre. Ils n'ont pas marché. Pourquoi ?

On se rappelle que M. Guaino avait déclaré dans l'interview qu'il avait donnée au Figaro le 25 janvier 2009 et  que nous avions commenté sur ce blog  (http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2009/1/26/Des-dirigeants-et-des-conseillers-dpasss--Henri-Guaino)   «  L’histoire n’est pas écrite d’avance et la mondialisation prépare peut-être une sortie de crise inédite. »

Pas de chance c'est une "non sortie inédite" qu'elle a préparée et réussie.

Allons les journalistes ne posent décidemment jamais les bonnes questions !  Voyons tout de même si les réponses aux questions posées par le journal montrent une évolution.  

1. Un plan de rigueur  peut-il tenir lieu de projet pour 2012 ?

Réponse : Il faut avoir conscience que la crise est mondiale et frappe plus les pays fragilisés.

Traduction : La France est fragilisée par 46 ans de déficits publics continuels. Nous sommes sous la menace des marchés. Nous n'avons plus d'autonomie  pour établir un projet.

Commentaire : C'est vrai que la France s'est fragilisée par des déficits constants qui avec la récession ont pris des ampleurs effarantes (voir les déficits de la SS annoncés par la Cour des Comptes ce jour même ; notons que l'info est donnée par un organisme de contrôle et non par le gouvernement ou les instituts de statistiques, ce qui est très anormal).   On ne voit pas cependant ce qui empêcherait de donner une perspective aux Français. Cela passe par l'énonciation d'une explication de la crise et de l'échec des politiques menées   et une annonce très ciblée sur ce qu'il faut désormais faire pour qu'on s'en sorte.

Le Président ne s'étant jamais exprimé sur ces sujets cruciaux, la première chose qu'il a à faire est de s'y coller. Peut être que son conseiller va nous dire ....

2. N'est-ce pas d'abord une crise de la dette publique ?

Réponse : C'est une crise de l'endettement privé et public dans tous les pays développés.  La cause : dumpings, distorsions de concurrence, dérèglementation.  le corollaire de cette ouverture sans règles a été la mondialisation financière.  Le système financier a recyclé les excédents des pays émergents  et fabriqué des montagnes de dettes.

Commentaire :  C'est bien dès le départ une crise globale de l'endettement  des pays développés, entreprises, banques, particuliers et états. Nous n'avons cessé de l'écrire.  Ce n'était donc pas une crise des subprimes, comme on l'a répété pendant deux ans.  Ce n'était donc pas une crise "américaine".  

Nous sommes d'accord la dessus : la mondialisation a bien été  conçue depuis 40 ans (et non 30 ans) sur la base de principes d'organisation intenables.

Ce n'est pas tant le dumping et les distorsions de concurrence commerciale qui ont créé des difficultés que le dumping monétaire et les distorsions permises par le système  des changes flottants.  Il serait important que M. Guaino le précise bien.  Dumping et distorsions de concurrence commerciale n'ont pas d'effets globaux sur le niveau général d'endettement des économies si le système des changes est correct.  D'autre part on parle des excédents Chinois, Allemands et Japonais. Laissons les pays sous développés à leurs difficultés propres sans leur imputer la crise, svp !

M. Guaino poursuit : "la crise de 2008 a été la prise de conscience qu'une partie de cette pyramide de dettes n'était pas remboursable. Les états ont pris le relais".  

 Nous dirions : "La crise de 2007 a été le premier symptome de l'effondrement de la pyramide de dettes globales permises par les défauts du système monétaire international . Les Etats ont récupéré les dettes des banques pour sauver le système bancaire . Mais ils n'ont rien fait pour mettre fin aux causes.  Les dettes se sont creusées et faute de réformes ciblées il n'y a aucune perspective ce qui affole tout le monde et explique que la crise traîne en longueur voire s'aggrave".

 M. Guaino , soyez plus précis : démonter le mécanisme de la création de la pyramide de dettes. Là est le noeud du problème.  Et concentrez vous sur le système de monnaies administratives gérées par des banques centrales indépendantes dont la mission est de maintenir la valeur interne de la monnaie alors que la valeur externe est établie sur des marchés libres.  Si vous êtes précis et pertinent sur ce sujet vous aurez même les éléments de politique à mener !

Pour vous aider vous pouvez lire, cher  M. Guaino,  l'article suivant sur ce blog : http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2010/7/12/Comment-des-conomies-mondiales-majeures-peuventelles-sendetter-au-del-de-300-du-PIB-

Je tiens à vous rappeler que nous vous avons envoyé ce texte personellement dès qu'il a été écrit (ainsi qu'aux principales rédactions de la PQN).

Et pour comprendre pourquoi les politiques suivies n'ont pas eu d'effet vous pouvez lire toujours sur ce blog l'article suivant :

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2009/1/7/Le-faux-prcdent-de-1929-ou-comment-gagner-la-guerre-davant-et-perdre-la-guerre-en-cours

3. Faut-il désendetter ?

Réponse : oui mais en évitant d'entrer dans la dépression !

Commentaire : certes !  Mais il faut aussi réformer les systèmes qui ont provoqué la crise et notamment le gonflement de la dette. Et là...

4. L'Europe est en crise sauf l'Allemagne.

Réponse : l'Allemagne se prépare à une crise encore plus grande liée à sa dénatalité. Pas de leçon à recevoir.

Commentaire : l'Allemagne a fait de bonnes réformes de structure que la France devrait imiter (TVA sociale, modération des dépenses publiques, des salaires etc.). Mais elle poursuit une politique mercantiliste qui n'est pas seulement liée aux perspectives de la  démographie et qui est dangereuse à terme et inapplicable par la zone euro dans son ensemble.

Réponse trop hâtive.

5. Le plan de 12 miliards d'économie est-il dangereux.

Réponse : c'est un plan d'ajustement et non de rigueur.

Commentaire : LOL.

6. Ne faut-il pas réduire la dépense publique ?

Réponse : Le problème n'est pas de couper  les dépenses de réparation du tissu social mais de recoudre le tissu social et de retrouver le plein emploi.

Commentaire : la RGPP était une blague.  Et si vous ne vous saisissez pas d'une hache pour couper drastiquement dans certains budgets vous courrez toujours après la dette et les déficits.

Un des points qu'on peut reprocher à N. Sarkozy est justement d'avoir été plus que mou dans la chasse à la dépense publique malgré quelques réalisations intéressantes.

7. Votre projet pour 2012 : le travail. Comment baisser son coût : par la TVA sociale ou la taxe carbone ?


Commentaire : le plein emploi est le premier objectif national. Il passe par une réforme du système monétaire international et la mise en place de niveaux de changes qui permettent d'équilibrer les échanges  et faire en sorte que du travail s'échange contre du travail.   Parler de travail dans le système de change actuel n'a exactement aucun sens.  Et la fiscalité n'est pas le principal levier.

8. Etes vous sensible au débat sur la mondialisation

Réponse : le contrat social ne doit pas être asservi à la liberté du commerce.

Commentaire : ce n'est pas la liberté du commerce qui est en cause mais un système monétaire international qui ne fonctionne pas et qui empêche la sortie de crise après l'avoir provoquée.

9. Pourquoi Nicolas Sarkozy n'a-t-il pas pris le temps d'expliquer la crise aux Français

Réponse :  Il le fera !

Commentaire : quatre ans de retard déjà ! Mais quelle bonne question !

Didier Dufau  pour le Cercle des économistes e-toile



Jacques Julliard et "la fin du système"

Fleurissent un peu partout les analyses sur "la fin d'un système". Jamais le mot système n'aura connu un tel succès que pour prévoir sa fin.  La difficulté : système est un mot valise qui ne veut rien dire.  Son emploi répété marque une impuissance : impuissance à comprendre ; impuissance à envisager la suite.

Nous avons choisi ici d'analyser l'éditorial de Jacques Juilliard  dans le Marianne du 13 Août 2011 : "C'est le système qui est à bout de souffle". Pourquoi lui et pas un autre parmi la dizaine qui ont commis des articles  du même tonneau ?  Sans doute parce qu'il symbolise une certaine idée de la gauche chrétienne socialisante et européenne mais pas gauchisante qui a accompagné si longtemps l'air du temps médiatique en France.  

Première assertion :  les pays riches ne cessent d'emprunter aux pauvres. 

En vérité les Etats-Unis ont émis de la dette pendant des décennies, dette  qui s'est retrouvée dans tous les pays en excédent de balance des paiements.   Ce fut le cas d'abord de l'Allemagne, puis du Japon, puis aujourd'hui de la Chine.  Si la Chine accumule tant de dettes du trésor américain c'est du fait de sa volonté mercantiliste.  Ce n'est donc pas une affaire Nord contre SUD, riches contre pauvres, mais une question de système monétaire international.

Le dollar doit-il rester la monnaie internationale par excellence avec des privilèges extravagants ?  Les pays mercantilistes doivent-ils continuer à mener leur politique dangereuse ?   Evidemment notre auteur évite d'aborder ces deux questions qui sont les seules pertinentes dans l'affaire.

Seconde assertion : l'autonomisation du système financier a rendu impuissant les états.

Où a-t-on vu que la finance était "autonome".  Les états ont mis en place une organisation monétaire internationale basée sur l'idée que des organes spécialisés, créeraient de la monnaie administrative  dont la valeur externe apparaîtrait par le jeu du marché des devises.  Ils l'ont fait selon un plan doctrinal minimal mais assumé.  Les institutions financières se sont coulées dans ce moule. 

Rappelons qu'aucune banque n'a le pouvoir de créer de la monnaie à elle seule, ex nihilo.  Les changes flottants de monnaies administratives  sont ils une bonne solution ? Nous affirmons que non et que là se trouve la source de la suite de crises de plus en plus graves que nous traversons depuis 1971.Nous sommes convaincus qu'il faut renoncer à ce système là pour sortir de la crise actuelle.

L'ennui c'est que J. Julliard ne dit rien de tel. Le plus probable est qu'il n'a pas la moindre lueur sur ces questions.

Il porte une accusation globale qui n'a pas de sens pratique, là où il faudrait entrer dans les détails.

Troisième assertion : le système capitaliste est devenu incapable de fonctionner.

Une fois encore, est-ce le "capitalisme" ou une forme d'organisation particulière, récente, incertaine techniquement et mise en oeuvre par défaut,  qui a cessé de fonctionner ?

De même que nous avons repris l'ami Sorman qui commettait l'erreur inverse en défendant globalement le capitalisme sans reprérer les points d'organisation  défectueux, nous sommes amenés à faire la critique symétrique à J. Julliard : ce n'est pas "le capitalisme" qui est en cause mais un de ses sous-systèmes : le système monétaire international.

Quatrième assertion : Il n'y a pas d'issue "pour le moment".

Quand on ne comprend rien, on ne sait pas trouver de solution. Une critique détaillée du système monétaire international défaillant conduit à un plan d'action.  Une critique globale indifférenciée est la voie de l'impuissance.   Et Julliard  la voix de l'impuissance grincheuse.

Cinquième assertion : Ne comptons pas sur les économistes  oracles qui défilent à la télévision  pour nous proposer des issues.


Evidemment puisqu'il n'y a pas d'issue !


N'ayant rien compris et n'ayant rien voulu apprendre, comme la totalité des responsables des rédactions en France, qui vivent dans un univers purement idéologico-politique,  notre auteur reprend une antienne bien connue : les économistes "ont autant de crédibilité que les météorologues... La prétention de l'économie à devenir une science prédictive  est pour le moment un échec complet".


Haro sur l'économiste. A gauche de toute façon un économiste est un suppôt du capitalisme qui veut donner des leçons au socialisme. Donc un ennemi de classe.   Tous les économistes qui passent dans les médias, majoritairement à gauche,  sont donc des "économistes mais", des garçons qui savent que leur analyse doit d'abord cadrer avec une option idéologique. Voir M. Maris sur France-Inter pour la forme la plus caricaturale du phénomène.

Ils ne sont recrutés ou  consultés que pour leur optique politique pas pour leurs compétences. Ce qu'on appelle un économiste de droite est de toute façon un truc bizarre qui n'est là que pour dire que la bourse c'est bien et qu'il y a trop d'impôt ! 

Caricature contre caricature. On fait de la chaleur et aucune lumière.  Spectacle éminemment grotesque qui marque la descente aux enfers de l'intelligentsia médiatique.

Nous ne saurions mieux conseiller  J. Julliard qu'en lui demandant d'avoir la patience de lire ce blog. Il verra que la crise était annoncée. Que ces mécanismes étaient prfaitement clairs avant même qu'elle ne commence. Que l'absence de réformes adéquates a été dénoncée avec force et précision. Que l'échec était parfaitement prévu. Qu'il y a des solutions. Qu'il suffit de les mettre en oeuvre, même si chaque mois qui passent rend les choses plus graves et plus compliquées.

Nous enverrons ce texte à J. Julliard et nous verrons probablement ce que nous avons vu depuis 15 ans :  les éditorialistes  ne veulent en aucun cas  en France quitter les abris idéologiques où ils ont fait carrière. "Je ne suis pas là pour la vérité mais pour l'énonciation d'une posture. Dis moi d'où tu parles et je te dirais si je peux t'écouter".

Sixième assertion : "Le libéralisme absolu ce vieux machin poussièreux sorti des armoires de l'économie politique classique" a eu une nouvelle chance. 

Là on est dansl'ignorance économique pure et simple. Si J. Julliard croit que F. Bastiat  et J.B.  Say étaient pour une monnaie administrative  et des changes flottants,  qu'il les lise !   Ce genre de phrase est une insulte à la connaissance élémentaire de la pensée économique.

C'est justement parcequ'on est entré depuis 1971 dans un monde inconnu qu'on ne sait pas maîtriser et qui ne fonctionne en aucun cas comme ses promoteurs l'ont décrit  que nous sommes dans les difficultés actuelles.

Que J. Julliard fiche la paix à Say et Bastiat "et oublie un peu Proudhon, son amour de jeunesse.  Les économistes à problème sont Greenspan, Friedman, Summers, des garçons qui ont cru que les Etats unis pouvaient pratiquer le Benign neglect dans un système d'inondation permanente de dollars et de changes flottants, avec des dérégulations bancaires féroces.

Aujourd'hui A. Greenspan dit : "je me suis trompé. Ce système ne marche pas". Il a raison. Tout le sujet est dans son remplacement par autre chose. C'est de cela qu'il faut parler M. Julliard. Mais là cela demande un peu plus que les facilités de l'idéologie recuite : le risque de la connaissance et des idées nouvelles.


Septième assertion : l'avenir est au socialisme.


Bien sûr, bien sûr ! Sauf que le système des monnaies adminsitratives gérées par des banques centrales indépendantes dans le cadre d'un système de change flottant est le crédo de tous les partis socialistes en Europe !

Ce genre de phrase doit rappeler à l'auteur le bon temps de l'Unef d'il y a cinquante ans ! Attention au retour d'âge !

Huitième assertion  : le progrès de l'humanité s'identifie à l'extension du concient, du volontaire, du concerté.

Là nous sommes d'accord.  

Le conscient pour nous est la bonne compréhension de la réalité.  Ce qui implique de l'observer, d'en voir les mécanismes, d'en détecter les défauts, d'en proposer la réforme.  Mais toute la méthode Julliard est inverse. On ne regarde rien. On ne comprend rien. On ne propose rien.

Le volontaire ne peut s'appuyer que sur le conscient. Sans compréhension , sans connaissance, pas d'action.  La volonté doit avoir un but et des leviers.  Sans le levier de la connaissance, point de salut.  Sans but raisonnable donc raisonné, pas de volonté utile.

La concertation est aussi cruciale. L'organisation du système monétaire international demande une concertation forte des états. Le seul avantage de Bretton Woods était qu'il forçait les Etats à tenir compte des règles qu'ils s'étaient imposées les uns vis à vis des autres.

Demander aux Etats de s'accorder sur le fait minimum de garantir la valeur de leur monnaie et d'éviter les déséquilibres majeurs des balances commerciales et des balances des paiements,  est absolument central dans la sortie de crise.  C'est la faillite du G.20 dans ce domaine qui est la cause de l'aggravation der la crise.  Nous l'avons écrit en temps réel sur ce blog.  Il suffit de lire, dans ce site,  ces textes de 2009.  

G.20 : un pari très dangereux.
L’évidence s’impose : le G.20 n’a pas fait les réformes nécessaires.

Malheureusement pris dans son vague idéologique et sans aucun repère technique auquel se rattacher, J. Julliard va au plus près de ses réflexes de jeunesse : " le triomphe de la volonté s'appelle d'ordinaire une révolution".


La vraie révolution serait que des éditorialistes comme J. Julliard abandonne leur fonction idéologique pour essayer de comprendre, d'expliquer, d'alerter, de proposer.  
Il y a vraiment des "coups de pied au culte" de la révolution qui se perdent.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.



Vérités premières et…erreurs secondes

L’avantage des crises violentes est qu’elles décillent en partie les yeux médiatiques et font tomber les inhibitions traditionnelles de la presse !

La crise de panique boursière et financière qui une nouvelle fois parcourt le monde permet ainsi à des idées considérées comme marginales ou contre le consensus de s’exprimer avec force.  L’ennui c’est que, le plus souvent, elles sont insuffisantes.  On passe d’un credo à un autre, d’une éructation à une autre et on ne réfléchit pas vraiment. Le résultat : pas de véritables perspectives.

Prouvons-le avec quelques exemples pris dans la presse rapportant des postures politiques et des propos d’économistes.  

Il est amusant que tout d’un coup les marginaux passent en première ligne. Alors qu’on n’a entendu personne du côté de l’UMP et du PS, la parole est aux Cassandre, ceux qui « l’avaient bien dit».

Dupont Aignan reprend ses antiennes habituelles : c’est la faute à l’Euro et à l’abandon absolu de toute défense vis-à-vis de la Chine.  Délocalisation et désinvestissement  sont provoquées  par la sous-évaluation de la monnaie de la Chine, « de 50% ».  On a compensé les pertes de croissance par l’endettement. Le pari était sans issue. Sans industrie pas de croissance. Sans croissance pas moyen de réduire la dette.   On est dans la nasse. Il faut se défendre contre la Chine et sortir de l’Euro. Le sauvetage de l’Euro, « c'est-à-dire des banques qui ont prêté follement à la Grèce, à l’Italie,  à l’Espagne et au Portugal » conduit à aggraver l’endettement de 45 milliards alors qu’il faudrait le réduire.  Ce n’est pas en réduisant les policiers, les enseignants et les infirmières  qu’on sortira du gouffre.  Les pays du sud de l’Europe doivent dévaluer pour retrouver le moteur de leur croissance.

La plupart de ces assertions sont justes.  Il manque simplement l’avant et l’après. L’avant : pourquoi diable sommes nous dans cette situation ? Un simple manque de vigilance occidentale vis-à-vis de la Chine ?  L’après : d’accord on dévalue partout et on « se défends » contre la Chine. Dévaluation et protectionnisme individuel des nations en cas de crise : on connait. Cela a donné la grande dépression des années trente.  Explosion de l’Euro ? Il faut dire qu’on ne peut le faire sans ruiner les créanciers des pays qui sortiront et dévalueront leurs monnaies massivement, car leur dette sera multipliée nominalement d’autant.  Et si les pays du Club Med dévaluent tous en masse, comment la France exportera-t-elle ?  Où en seront les deux moteurs de croissance : l’investissement et l’exportation ? Quant à la consommation !

Remarquons que la bonne partie de l’analyse met l’accent sur les aspects monétaires. Il n’y a pas de solution sans une gestion nouvelle des changes et de la création monétaire.  C’est là que ce jeune homme s’arrête. C’est là où on l’attend.

Marine Le Pen  tient à peu près le même langage. C’est la faute à la Chine et à l’Euro. Dévaluons et protégeons.  On retombe dans les mêmes analyses et le même travers : quid si les autres font pareils ?  Elle a ajouté hier un élément comique qu’il faut souligner : supprimons les accords de  Bretton-Woods ! Malgré ses efforts pour assoir sa crédibilité économique elle ne sait toujours pas que les accords de Bretton-Woods sont morts et enterrés depuis … 1971 et le refus des Etats-Unis de convertir leur monnaie en or.  Comme pour les analyses de Dupont-Aignan, on voit bien que les siennes se concentrent sur la question monétaire,  et que le sauve qui peut général ne peut rien donner dans cette matière. Il faut un nouvel ordre mondial dans les changes et les monnaies. Il faut donc un … nouveau Bretton-Woods ! CQFD !  L’économiste Marine doit encore grandir un peu.

Avec Mélenchon, on retrouve le même discours sur la vanité des réductions de  dépenses publiques, sur l’impossibilité de sortir de la crise sans la croissance mais s’ajoute deux mesures phares : l’imposition des « riches », massive comme il se doit,  et le financement direct des états par la planche à billets.  Il est vrai que le spectacle de banques qui se financent à presque rien et qui prêtent aux Etats qui les sauvent  à plusieurs fois le taux de la BCE a quelque chose de psychédélique facile à dénoncer.  Il faut à Mélenchon des « vilains »  et des prédations violentes.  La difficulté de ce langage « populiste » est qu’il esquive  les deux difficultés majeures de ce raisonnement. La première est que la BCE finance déjà directement les Etats en difficulté et que son bilan devient aussi beau « qu’un mur de chiottes de lycée de banlieue », comme l’a décrit récemment  et élégamment un économiste peu regardant sur l’euphémisme.  Et que la BCE exige des Etats qu’ils…la refinancent !  La seconde et que nous avons déjà l’imposition la plus forte de l’Euroland et une des plus forte du monde.  L’asphyxie fiscale est une des difficultés françaises.

On aimerait entendre les Verts. Ils sont totalement silencieux. Il est vrai que maintenant que le risque de décroissance est là,  c’est  rien moins que problématique. Applaudir  aujourd’hui serait mal vu.  Et la « Torquemada en jupons » qu’ils se sont choisie a les mêmes  connaissances  économiques que Marine le Pen, ce qui est peu dire.

On aimerait entendre le PS dont le candidat Hollande vient de se faire adouber par le journal le Point au nom de la « responsabilité » et de la « crédibilité économique ».  Mais ici encore c’est le silence.

On aimerait entendre l’UMP, de Copé à qui on voudra, mais là encore c’est le silence sinon une « opération image » du Ministre des Finances « rassurant l’opinion » sur la santé générale de la France, et une autre « opération image » du président Sarkozy  présidant une réunion exceptionnelle de crise avant de rejoindre le porte avion Charles de Gaulle. Il s’agit de montrer qu’on est sur le pont.   

En attendant les épargnants ont perdu 20% de leur avoir en action. On peut ne pas croire à l’effet Pigou mais on ne peut pas croire que cela n’aura pas quelques effets  surtout à un moment où la conjoncture s’avère totalement étale en France et dans le monde.  

Les politiques étant radicalement à côté de la situation, comme ils le sont depuis 40 ans et la crise de 1974, toujours pas surmontée, il est intéressant de se tourner vers les déclarations d’économistes.

Le Point fait parler les morts en l’occurrence Jacques Marseille, « qui l’avait bien dit ».  Avec Jacques Marseille nous avons tenu des discours parallèles pendant près de dix ans sur la folie de la dépense publique  et de l’endettement français.  Nous sommes donc parfaitement heureux que son discours, vilipendé, comme le fut le nôtre sur le site du forum du Monde, soit aujourd’hui reconnu.  Le journal est bien forcé d’admettre aujourd’hui qu’il n’y a pas eu de « rupture » avec Nicolas Sarkozy, question que nous avions posée dès juin 2006 (article : quelle rupture ?)  et que nous avons reprise sur ce site dans plusieurs textes, mais  sous une forme moins interrogative.  Il n’y a pas eu de rupture et le délire de dépense publique a continué presque sans infléchissement, les mesurettes prises étant totalement insuffisantes, qu’il s’agisse de la RGPP (réduite aux fonctions centrales)  ou du non remplacement d’un fonctionnaire d’état sur deux, dont le gain a été redistribué aux fonctionnaires pour 66%, et annulé par les créations d’emplois dans les autres secteurs protégés dans les collectivités locales et autres institutions dépendantes à 100% de l’état.

Le problème c’est qu’on ne réforme pas bien en période de décroissance et que la réduction massive des dépenses de l’état en phase de récession est un désastre annoncé.

Le journal le Point reprend le thème d’un de nos articles de ce blog (« qui a cassé le vase de Soissons ? ») en dressant le tableau de l’endettement français depuis 35 ans.  Mais il exploite mal cette question.  Première erreur, il ne fait pas démarrer la montée de la dette au bon moment : 1971.  Deuxièmement il ne remarque pas que la dette est toujours et d’abord la conséquence des récessions décennales.  

La dette commence avec Giscard et Chirac qui ne maîtrisent pas la crise de 74, s’enfle avec Mitterrand et Mauroy, avec la crise du début des années 80,  puis avec Bérégovoy et Balladur lors de la crise de 92-93, puis avec Chirac et Jospin lors de la crise du début des années 2000. Elle explose maintenant avec la récession de 2008-2009.

Il devrait donc y avoir une réflexion sur ces crises décennales et leur gravité constamment aggravée. Mais là : stop !  C’est la paralysie intellectuelle.  

De même qu’il devrait sauter aux yeux que les grands « criminels » sont les premiers ministres et les présidents qui ont laissé filer la dépense après la crise, lors de la phase de haute conjoncture : Rocard et Jospin sont ici en première ligne. Surtout Rocard. C’est à ce moment là qu’il fallait réduire la voilure et alléger le bateau.   Au contraire on a profité d’impôts alourdis et de recettes fiscales grimpant plus vite que la croissance pour dépenser à mort sans rien réformer, sinon dans le sens de l’aggravation des charges et du malthusianisme.

Résultat : toute cette information, indispensable, est largement perdue pour une bonne compréhension du passé et une politique  utile pour l’avenir. Le « Vous vous rendez compte Mme Michu » fait peut-être vendre des journaux mais n’apporte rien à la nation.  Et une fois de plus on se contente de la dette publique sans tenir compte des autres formes de dettes (particuliers, entreprises et banques) qui chantent également une belle chanson dont il importe de comprendre les paroles.

Le moment est venu de parler de Kenneth Rogoff.  Il annonce que la crise est d’une espèce différente, jamais vue  et conteste le terme de « grande récession » avancé par un de ses confrères (Stiglitz).  C’est  une fois de plus un des thèmes que nous avons traité (il y a trois ans !) dans ce blog.  Comme nous,  il arrive à cette idée qu’il s’agit d’abord et avant tout d’une crise de la dette.  Bravo ! Dommage qu’il n’en donne pas exactement la cause.

L’ami Rogoff s’était commis dans une erreur majestueuse en tant qu’économiste du FMI en déclarant que les crises périodiques étaient terminées et que désormais leur gravité était négligeable. Nous avions critiqué inlassablement cette bévue.  Il passe à l’excès  inverse.  Décidément il ne peut pas se résoudre à l’idée du cycle décennal.   Les crises décennales d’avant n’étaient pas graves et en voie de disparition, la crise décennale encours  est d’un genre nouveau.  Donc il n’a jamais eu tort ! CQFD !

C’est amusant. Est-ce vrai et surtout porteur de solution ?  La réponse est non. Parce que Rogoff ne comprend pas la situation qui exigerait de sa part une révolution copernicienne dont il est actuellement incapable.

Le phénomène des crises décennales (ou quasi décennales) est tellement ancré dans l’histoire économique de ces 200 dernières années (pour le moins) qu’il est parfaitement vain d’essayer de le nier.  Toutes ces crises ont en commun d’être « des crises de la dette ».  Un moment d’euphorie associé à la phase de croissance rapide de fin de cycle pousse les agents à aller trop loin dans les projets et l’endettement.  Jusqu’au moment où ils constatent qu’ils sont « un pont trop loin » et qu’il faut vite replier la voilure pour éviter la grosse mésaventure.

Le cycle décennal et un cycle du crédit et de l’endettement.  Affirmer que la crise actuelle est d’abord une crise de l’endettement n’en fait pas une crise différente. C’est la règle.

En revanche le contexte change.  Entre un moment de système monétaire bi métallique et une production majoritairement agricole,  un autre d’étalon or et de poussée des industries primaires, un autre de n’importe quoi monétaire après une guerre mondiale dévastatrice, avec une poussée de l’économie pétrolière,  un autre de Gold exchange standard et la poussée du tertiaire, une dernière avec comme toile de fond un système de changes flottants et de monnaies administratives, avec l’émergence d’une économie de l’information,  les différences sont nombreuses et sensibles.

L’analyse économique expérimentale doit à la fois observer les forces constantes qui agitent l’activité et les variations de contextes qui  provoquent des conséquences différentes.

Nous vivons depuis 1971 de facto et 1973  de jure dans un système de monnaies administratives  dont la majeure partie s’échange dans le cadre de  changes flottants sans aucune régulation internationale, l’ensemble des transactions financières ayant été libérées.  En même temps un libre échange de principe a été décrété.  Que constatons-nous ?  Les crises décennales n’ont cessé de s’aggraver  et le trend de croissance global de baisser !

La crise de 73-74 a été la « plus grave depuis 1929 ». Puis la crise de 92-93, plus grave que celle de 74,  a été à nouveau « la plus grave depuis 1929 ». La crise actuelle est à nouveau « la plus grave  depuis 1929 ».  Les crises décennales mineures (celle du début 80 et celle du début 2000) ont été également plus sensibles que celles qui les ont précédés (notamment celle de la fin des années 50 et du début des années soixante).

Il n’y a donc pas changement de nature mais aggravation. Pourquoi ? Parce que, dans le cadre monétaire et financier global nouveau,  les moyens des sorties de crise précédentes ont aggravé les conditions de la crise suivante.  La fuite en avant monétaire dans un système propice a permis de crises en crises le gonflement d’une dette mondiale insupportable jusqu’au point où maintenant les recettes de 73 et de 92  ou de 2000 cessent d’être opérantes.  Jacques Rueff avait parfaitement identifié le mécanisme de la double hélice de crédit et Maurice Allais clairement indiqué qu’on arrivait aux limites du système.

On a cru bien à tort à la toute puissance intellectuelle des économistes américains et on constate aujourd’hui qu’ils étaient nuls ou de parti pris pour le système.

Nous sommes dans un processus continu d’aggravation de crises récurrentes, pas dans la quatrième dimension économique.

La question est devenue systémique : le système mis en place en 1973 ne fonctionne plus et ne plus être sauvé en le conservant tel qu’il est.

Pascal Salin a parfaitement raison de signaler (dans un article récent  donné à la PQN) que la vulgate qui veut qu’il suffise de laisser filer les déficits et la création monétaire pour sortir de la crise est inefficace.  L’ennui c’est qu’il ne voit pas la responsabilité du contexte.  Il parle comme nous de « crise intellectuelle »  et de redéfinition d’un cadre global. Mais faute de critiquer le système monétaire des changes flottants (comment le pourrait-il, il est pour !) tout cela reste suspendu dans le  vide.

Autant dire qu’on ne peut compter ni sur les politiques ni sur les économistes de média pour nous sortir du marasme.  Tous ces discours, toutes ces prises de positions sont trop partielles et partiales pour avoir le moindre sens pratique.

On ne pourra pas sortir de la crise sans casser le cadre global dans lequel on fonctionne depuis 1971.  Il faudra nécessairement  conduire la sortie de crise par la coopération entre les états,  la suppression des causes de déséquilibres majeurs et la restauration d’une perspective de croissance.  

Oui il va falloir destituer le dollar de son rôle de réserve mondiale. Oui il va falloir arrêter la Chine dans sa politique mercantiliste de monnaie faible et de sur excédent de ses balances extérieures.   Oui il va falloir en revenir à un étalon monétaire extérieur aux nations. Oui il va falloir que les états qui se sont laissé aller sur le chemin de l’obésité intenable, avec dettes monstrueuses, développements monstrueux des emplois financés par la dépense publique,  impôts monstrueux,   prennent une nouvelle voie. Oui il va falloir dégonfler le système financier mondial et mieux le canaliser, après avoir restructuré les amoncellements de dettes irrécouvrables.

Oui, eh oui, il va falloir mettre fin au système des monnaies administratives laissées à l’appréciation de gnomes  plus ou moins bien inspirés.

Tout cela est politiquement lourd et économiquement sévère   Avoir tant tardé n’est pas à l’honneur des « élites mondialisées » et encore moins à celles des économistes qui se sont laissé prendre notamment à l’Europe à la douceur du commentaire ex post et au suivisme des économistes américains.

Mais qu’au moins aujourd’hui, au pied du mur, on comprenne et qu’on agisse enfin dans la bonne direction.

L’humanité a toujours un avenir économique.  Mais il faudrait peut être qu’elle montre qu’elle a toujours un cerveau !  Surtout maintenant que l’on sait qu’il n’est pas aux Etats-Unis !

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.


Sortie de récession : ce qui n'a pas marché

Cette période de crise devrait être le grand moment des économistes.  L'ennui, c'est que la majorité d'entre eux, et tous ceux qui ont des positions officielles, n'ont pas vu venir la crise, n'en comprennent pas la cause et évidemment ne parviennent pas à en maîtriser l'issue, même si, avec le temps, ils finissent par en découvrir les différents aspects.


Dès lors, on s'en tient à la vulgate. Que disait-elle ? Qu'en cas de crise il fallait maintenir la demande globale et éviter un "crédit crunch".  Si on maintenait la demande globale à un bon niveau, la crise n'aurait qu'un impact momentané et si on éviter de faire sauter les banques par une politique monétaire restrictive, alors on se dispenserait d'aggraver les choses.  On pensait savoir qu'il fallait éviter les dévaluations compétitives et les replis protectionnistes.


Les gouvernements ont appliqué cette méthode presqu'à la lettre. Les budgets ont été sollicités en même temps que les banques centrales créaient de la monnaie à tout va.


Le résultat que personne n'anticipait est qu'on se trouve aujourd'hui, quatre ans exactement après les premiers stigmates de la crise,  avec la perspective d'un nouveau plongeon  


Qu'est-ce qui n'a pas marché ?


L'ennui de toute vulgate est qu'elle est généralement des plus floues. Toutes les crises économiques sont différentes même si il y a des typologie partiellement répétitives et elles frappent des économies dans des situations différentes.

Il était important de connaître exactement la nature de la crise, ses ressorts, et de bien  fixer la nature du terrain.  Une  maladie sur un sujet usé jusqu'à la corde ne se soigne pas exactement comme une maladie sur un sujet jeune et sain.  La grippe n'a pas le même traitement que le cancer.

On a considéré depuis l'été 2008 qu'il n'y avait qu'une politique possible et qu'elle n'avait pas à tenir compte des circonstances spécifiques où elle se produisait.

Le résultat : on va de crise en crise sans voir le bout du tunnel. Cette imprécision et cet aveuglement fera les gorges chaudes de ceux qui analyseront la période dans quelques années.

Quelles sont les circonstances particulières qui expliquent les difficultés d'application de la vulgate ?

* Keynes avait parfaitement vu que le maintien de la demande globale ne pouvait se faire que par une intervention publique portant principalement sur les investissements et accessoirement sur le maintien au moins partiel des revenus de ceux touchés par la crise.  Mais il raisonnait à une période où la dépense publique n'excédait pas 15 à 25% du Pib et où l'orthodoxie voulait des comptes équilibrés.  Quid si les comptes des principaux états sont totalement déséquilibrés et si l'endettement et la dépenses publiques atteignent déjà des sommets préalablement à la crise?

Ne pas tenir compte de la situation de départ avant de lancer une relance keynésienne était-il raisonnable ?  

* Nous vivons dans un système de monnaies administratives gérées comme ils l'entendent par les différents pays ou blocs économiques, avec une part de flottabilité et des ilots de fixité plus ou moins artificielle.  Une politique keynésienne peut -elle fonctionner en système de changes flottants ?  Une politique de "quantitative easing", de planches à billet en folie,  a-t-elle une efficacité quelconque en système de changes flottants ?

Ces deux questions ont été totalement éludées.

On voit à quel point la doctrine était en porte-à-faux. Sans réponse à ces questions il était  impossible d'apprécier la validité des options de relance Keynésienne ni de génération de liquidité à outrance. Mais on a cru qu'on était très intelligent et qu'on savait tout !

Le second aspect critique est qu'il aurait fallu avoir une vision analytique des causes de la crise. En un mot : avoir un diagnostic. Quelle était la maladie exacte de l'économie mondiale ?
Nous avons dénoncé inlassablement depuis trois ans l'imbécilité qui consistait à croire que la crise était due aux subprimes, à la cupidité bancaire, à la mathématique financière, à la comptabilité, aux agences de notation et aux traders. L'invocation de la vertu est courante lors des crises mais elle montre rarement son efficacité.

Nous avons prouvé que le système de double pyramide de crédits permis par "le système monétaire international non coopératif et non régulé  des changes flottants de monnaies administratives artificielles" avait créé une spirale d'endettement insupportable. Partout.  Une fraction considérable des prêts en cours et de la monnaie créée n'avait aucun support.  En un mot : le système financier était mort et son explosion pouvait déclencher une récession très sévère.

Comment pouvait-on faire face à une pareille énormité ?  Il n'y avait, il n'y a encore, qu'une seule solution  : restructurer de façon ordonnée la dette (les dettes)  et créer par la coopération internationale un contexte de croissance fort. Seule la croissance permettra de limiter la casse.

Peut-on gérer les dettes dans un système de monnaie administrative en folie ? Non.

Peut-on gérer la croissance avec un pays comme la Chine qui dispose d'une monnaie dévaluée de plus de 50% par rapport aux parités envisageables et qui truste les investissements et la croissance des emplois ? Non.

La seule solution passe donc et de façon obligatoire et sine qua non par la remise en cause des monnaies administratives, leurs unification autour d'un système central mondial de valeur, la fixation des taux de changes sur une base rationnelle permettant d'assurer les grands équilibres, et le respect de discipline permettant de garantir que chaque pays respecte les règles du jeu.

Nous avions appelé de nos vœux un nouveau Bretton Woods, mais pour appliquer une solution différente de celles de 44. Le dollar aurait perdu son rôle de monnaie de réserve et de pivot d'un Gold exchange standard. Les Etats Unis auraient perdu leur droit de veto au FMI. La Chine, le Japon et l'Allemagne aurait du revoir leur politique mercantiliste.  Une monnaie de compte mondiale, le Mondio, fixée de façon indépendante de chacun des membres du FMI, aurait servi de référent. Les Etats auraient eu la responsabilité d'assurer la valeur de leur monnaie en Mondio, des ajustement restant possibles avec l'autorisation des autres. La spéculation sur les monnaies aurait été interdite.

Dans un tel cadre, nous n'aurions pas vécu la fuite devant les monnaies et le constat qu'avec les taux de monnaie pratiqués aucune solution d'avenir n'était plus envisageable. La forte dévaluation du dollar par rapport aux monnaies abusivement basses comme le Yuan aurait permis une reprise économique aux Etats Unis. On n'en serait pas au "double-dip" actuel. L'Europe dans une moindre mesure aurait également retrouvé des couleurs, ne serait-ce que parce que l'investissement y serait redevenu possible. La Chine aurait été obligée de relancer sa consommation afin de rétablir ses comptes extérieurs trop excédentaires. ET il lui aurait bien fallu se fournir quelque part !

On dira : et la dette ?  Notre solution aurait déjà eu l'avantage de ne pas la multiplier. En transférant la dette privée aventurée aux institutions publiques (budgets et banques  centrales) qui étaient déjà trop exposés on n'a fait que compliquer le problème.  La dette de l'Etat américain est passé de 4 à 14 mille milliards de dollars de 2007 à aujourd'hui ! Le bilan de la FED et de la BCE est à peine regardable.  Les dettes des pays périphériques sont devenus ingérables.  Il aurait été possible en évitant tous les travers des changes flottants et de la finance qui lui est associée, de restructurer en douceur la dette privée quitte à passer provisoirement par une nationalisation des systèmes bancaires.

On n'a rien fait de tout cela. Aucune réforme du système monétaire international  permettant une vraie coopération des Etats n'a été entreprise.

Alors la peur s'est emparée de tous. Le Franc Suisse et le Yen se sont envolés comme l'or. La belle affaire. les banques n'ont plus confiance dans leur bilan et encore moins dans le bilan des autres banques. Résultat : le marché interbancaire est toujours aussi bloqué qu'en 2007.  Les déséquilibres monstrueux demeurent. Que va devenir le dollar ? La zone euro va-t-elle exploser ?  La peur monétaire est partout.

On ne peut pas envisager une croissance mondiale et la sortie de la crise de la dette sur ces bases.

Croire qu'en mélangeant une orthodoxie budgétaire impossible à un laxisme monétaire total on en sortira  tient de la folie furieuse.

Et l'Euro ? N'est-ce pas aujourd'hui le nœud du problème ?

L'Euro n'est un problème que parce que le système monétaire international n'a pas été réformé. Bien sûr il aurait été plus sage de prévoir un système de monnaie européenne pivot et des monnaies nationales rattachées mais un tant soit peu flexibles pendant tout le temps de la convergence des économies, si tnt est qu'elles dussent converger. Mais l'Euro, dans un environnement de changes fixes et ajustables, avec une fixation raisonnable par rapport au Yuan  faciliterait la résolution de tous ses problèmes périphériques, ceux qui restent étant purement institutionnels et politiques.

La situation actuelle n'est grave que parce qu'en l'absence de toute réforme de fond, on laisse les "forces du marché" et les Etats  s'épuiser en vain dans des politiques sans espoir.  

Il faut d'urgence réformer le système monétaire international, abandonner le système des monnaies administratives en folie,  encadrer la restructuration financière globale et remettre les économies dans le sens de la marche avant, d'un même pas, tout en éliminant les peurs parasitaires.

Tant qu'on ne voudra pas comprendre cette nécessité on verra les évènements négatifs se précipiter, les politiques absurdes se durcir, la crise s'approfondir.  Attention à l'impatience des peuples !

Cela fait quatre ans qu'on le répète. Que faut-il faire pour être entendu ?

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile



« L’or des fous » de Gillian Tett.

Nous conseillons de lire le livre en anglais, (Fool’s gold - 2010)  la traduction française étant totalement illisible.  Il n’est pas parfait. L’auteure est journaliste au Financial Times. Le style est facilement familier, perclus de tics et de redites. On sent qu’elle a hésité entre plusieurs sujets. Elle avait suivi pour son journal le développement des outils financiers nouveaux. Elle a voulu en faire l’histoire vue de l’intérieur dans l’intimité des acteurs. Ou alors elle avait commencé un livre sur JP Morgan et les évènements l’ont fait dériver vers la compréhension de la crise bancaire.

Le livre est un peu composite. Il mêle des faits connus et même ressassés sur les CDO et les CDS, en même temps que des descriptions originales du comportement et des propos des acteurs.

La naissance du contrat Bistro au sein de JP Morgan, les hésitations des créateurs devant les dangers de leur œuvre, leur relative prudence à l’égard des outils qu’ils avaient imaginés, tout cette partie  est d’une lecture neuve et utile.  De même la manière dont d’autres acteurs vont se ruer sur les nouvelles techniques sans tenir compte le moins du monde des réserves des concepteurs est parfaitement décrite.

La chronique détaillée de la débandade qui a suivi le blocage du marché interbancaire début Août 2007 jusqu’à la chute de Lehman Brothers est intéressante et parfois nouvelle. On voit bien qui a pensé et fait quoi.  

Du bon travail de journaliste travaillant à chaud.

En revanche on reste sur sa fin dès que l’on gratte un peu.

Comme toute la presse économique anglo-saxonne, Gillian Tett pense que la crise est due à la faillite de pratiques bancaires certes novatrices mais finalement désastreuses. Ce serait un accident du progrès. Comme tous les accidents il doit être médité mais en essayant de ne pas remettre en cause le progrès lui-même. Un accident de voiture ne condamne pas la voiture.  

La myopie d’une telle analyse est confondante. Mais interpelle justement par le fait qu’elle est très révélatrice des attitudes qui dominent dans le monde de la finance anglo-saxonne et par mimétisme dans la presse continentale.  

Ce que Mrs Tett ne comprend pas c’est pourquoi on a eu recours à ces techniques et pourquoi elles se sont développées aussi vite. Les fonds nécessaire à toute cette expérimentation ne sont pas tombés du ciel. Les banques ne peuvent pas créer individuellement de la monnaie. Les banques ne se sont pas détournées du financement de l’économie réelle pour se lancer dans des spéculations hasardeuses avec un très fort levier  sans raison. Tout ce contexte est purement et simplement gommé.

 Si les banques se sont lancées en masse et comme des cinglées dans les CDS et les CDO, décuplant en quelques années les sommes en jeu, ce n’est pas dans un accès de folie.  Les logiques sous- jacentes n’apparaissent que marginalement dans le livre. On laisse croire que  seuls l’esprit techniciste et la cupidité sont les moteurs de cette évolution.

Parfois on touche à la vérité. La structure Bistro a bien été inventée pour tourner les règles de Bâle.  Mais pourquoi a-t-on imaginé qu’il fallait le faire ? Là c’est le silence. De même les effets de levier se mirent à s’amplifier les banques recourant de plus en plus à l’emprunt pour financer des opérations spéculatives sur des produits complexes.  Mais pourquoi l’a–t-on fait, partout et avec une telle ampleur ? Aucune de ces questions ne trouvent de réponse parce qu’elles ne sont même pas posées.  

Le résultat est que Gillian Tett ne voit pas la crise arriver et ne la comprend pas. Tout se met à tomber en capilotade mais on ne sait pas pourquoi. D’une façon générale elle décrit bien le comment mais jamais elle n’aborde les causes.

Du coup la grande question devient celle-ci : la finance complexe, les produits dérivés, les CDS et autres CDO sont-ils des formes condamnées du crédit ? La régulation doit-elle mettre fin aux « excès ». Tout deviendra-t-il meilleur dès que ces excès auront été jugulés ?

Dans la pratique rien n’a été fait pour réduire les causes. Les CDO sont morts au champ d’honneur parce que plus personne n’a confiance dans ces machins-là. Mais les CDS triomphent. La spéculation n’a jamais été aussi forte sur les matières premières, les devises, les dettes d’état, etc. On force les banques à se surcapitaliser mais on les laisse vivre dans le même cadre monétaire international délirant.

Finalement le livre de G. Tett a surtout comme intérêt de nous montrer les mécanismes d’une myopie qui dure et dont il est l’exemple type.

Les économistes, les commentateurs et les hommes politiques anglo saxons n’ont pas compris la crise et s’agrippent à ce qu’ils peuvent pour masquer ce fiasco intellectuel. Les économistes, les commentateurs et les hommes politiques non anglo-saxons ont renoncé depuis longtemps à penser et souffrent des affres du perroquet qui n’a plus rien à répéter.

L’anecdotique finit par l’emporter sur tout le reste. C’est le cas de ce livre. Mais c’est aussi le cas de toutes les institutions chargées de réfléchir à la crise et aux moyens de la prévenir pour le futur.

Quatre ans après le blocage de l’été 2007, et alors que partout les signes d’une aggravation de la situation se multiplient, cette incapacité radicale a quelque chose de fascinant.

De la crise intellectuelle, à la crise économique et à la crise politique

2011 sera l'année de la peur écrivions nous au 31.12.2010. Les secousses actuelles donnent malheureusement de la résonnance à cette prévision.

 

En cette veille de bataille politique pour sauver l'Euro, alors que la Chine est paniquée par les risques qui pèsent sur ses réserves, que les Etats-Unis relancent un plan de "Quantitative easing", le troisième, ( en clair ils font à nouveau fonctionner la planche à billets de façon frénétique, provoquant la hausse de l'or et du Franc suisse),  alors que trois ans après le début de la crise, la stagnation perdure, que faire sinon rappeler ce que nous écrivions il y a six mois ? 

 

 

 

 

"Aujourd'hui nous sommes dans une situation où tous les agents économiques souffrent à raison des conséquences  des politiques structurellement fausses suivies depuis 1973.  Alors que le trend de croissance est toujours là et aussi puissant.  Les pays qui comme la France ont fait le choix de l'étouffement fiscal  stagneront dans la durée.  L'Europe  prisonnière de ces contradictions essaiera de manœuvrer pour essayer de dégager la charrue qui est désormais bien calée sous les pieds des boeufs.  Les Etats-Unis  n'ont pas défini de stratégie alternative : leur horizon est médiocre. La Chine ne pourra pas indéfiniment poursuivre une politique mercantiliste. Le Japon ne peux plus laisser sa monnaie s'apprécier plus avant tout en laissant l'endettement interne atteindre des sommets phénoménaux.  

 
Donc quelque chose cèdera.  A l'impossible nul n'est tenu .


2006 avait été l'année de l'illusion : on était sorti de la crise de 2001-2002. Mais dès juillet aux Etats unis la construction avait baissé ainsi que les prix de l'immobilier. Et le marché des CDS s'emballait.


2007 aura été l'année de l'incompréhension.  Le marché bancaire s'était bloqué. On ne comprenait pas pourquoi.  Les banques tentaient de se passer le mistigri des mauvaises dettes. Mais l'économie était en pleine phase de haute conjoncture. Le petit nuage noir du marché interbancaire surprenait dans le ciel grand bleu de la croissance.


2008 aura été l'année de la stupeur : une crise de type 1929 était finalement possible alors que tout allait si bien.


2009 aura été l'année du choc. L'effondrement économique est énorme. Du jamais vu depuis les années trente. Les banques centrales sont débordées. Les Etats entrent en jeu. Tout le monde fait ce qu'il s'était juré de ne jamais faire.  


2010 aura été l'année de la faillite des illusions. La guerre des monnaies, la déréliction des finances publiques des Etats sont venus à bout des certitudes.  Les banques centrales vertueuses se mettent à faire tourner la planche à billets. Les politiques ne savent plus à quel saint se vouer. Partout dans le monde les Etats tirent à hue et à dia en se moquant des "consensus"  dont on se repaissait naguère.


2011 sera l'année de la peur.  Normalement l'année devrait être une année de consolidation avec un rattrapage faible mais réel .  Comme tout peut arriver, les agents vivront dans la peur. Peur de l'explosion des prix des matières premières et notamment du pétrole ; peur de l'explosion de la zone Euro ; peur de perdre toute son épargne ; peur de perdre son emploi ; peur que sa progéniture n'arrive pas à s'insérer dans les nouveaux  courants économiques ; peur de mouvements sociaux destructeurs ; peur de l'effondrement des banques… et le H1N1 revient !  


Si les Etats se concertaient autour d'une réforme structurelle des changes et du système financier mondial, montrant à la fois qu'ils avaient compris la crise et mis les moyens d'en sortir dans la durée, toutes ces peurs s'évanouiraient en un instant.  
Notre vœux pour 2011 est tout trouvé :

Sortir de la peur !


                           par la réforme du système monétaire international.
"

 

Il suffit de lire des articles comme le suivant dans la presse britannique pour se rendre compte qu'aujourd'hui la foi dans un système de monnaies administratives liées par des changes flottants a disparu y compris au pays qui pensait en bénéficier le plus.

 

 http://www.telegraph.co.uk/finance/comment/ambroseevans_pritchard/8638644/Return-of-the-Gold-Standard-as-world-order-unravels.html


Dommage qu'il faille la pédagogie des catastophes pour faire pénétrer un peu de lueur dans les esprits des dirigeants.

 

La presse nationale française, elle, reste muette ainsi que les difigeants politiques de tous bords.

 

 

Didier Dufau pour le  Cercle des Economistes E-toile.

 

Crise mondiale : trois ans de blog , 277 messages et 81.800 lectures après !

Cela fait exactement trois ans que le Cercle des économistes e-toile a ouvert ce blog pour faire entendre des analyses solides qui ne se retrouvent généralement pas dans le débat public, soit parcequ'elles sont réputées trop techniques, soit parce qu'elles ne correspondent pas à l'esprit du temps ou aux idées des puissances dominantes.

Exposer c'est s'exposer. Nous n'avons refusé aucun débat, aucune prise de position. Notre originalité c'est de l'avoir fait avant que l'histoire ne tranche les questions posées.

En juin 2008 la question était de savoir si nous allions vers "une crise". Nous avons répété que bien sûr nous y allions et qu'elle serait exceptionnellement sévère, tout en refusant de parler de retour à 1929 et à la dépression.  

Nous en avons donné le diagnostic dès avant que la chute de Lehman Brothers ne vienne déclencher la prise de conscience générale que nous n'échapperions décidemment pas à une récession  mondiale.

Nous ne lassons pas de le répéter car il n'est toujours pas compris ni exposé dans les grands médias ni lors des grandes réunions internationales.

La grande récession est à la fois une récession classique du cycle quasi décennal qui existe depuis plus de deux cent ans,  et la conséquence des défauts rédhibitoires  du système monétaire international des changes flottants, aggravés par les politiques détestables suivies d'une part par les Etats unis, dont la FED a pratiqué un "benign neglect" monétaire dramatique  et d'autre part  par des pays mercantilistes comme la Chine, le Japon et l'Allemagne.

Elle comporte donc un aspect cyclique dont l'étude n'est plus faite  depuis des lustres, tant la conviction abusive et illusoire s'est installée  qu'on avait trouvé le secret d'une croissance sans crise, un aspect institutionnel, le désordre monétaire international des changes flottants, et un aspect géopolitique, les pratiques inconsidérées des puissances.

Nous prétendons qu'un régime de monnaies administratives nationales ou régionales, dont les états ne sont pas responsables, et dont la valeur s'établit sur des marchés dérégulés de changes ne fonctionne pas. La théorie proposée par Milton Friedman s'est révélée désavouée par les faits.  Alan Greenspan après avoir beaucop fauté l'a finalement reconnu.  Rien ne marche comme la théorie le laissait entendre et au contraire les effets pervers se sont multipliés et ont manqué emporter l'édifice.

L'Europe qui a cru pouvoir établir une zone monétaire sur la force d'un simple traité et d'une banque centrale indépendante, dont l'objectif est exclusivement le niveau des prix,  s'est retrouvée structurellement  en défaut.  Sans une politique et sans doute des institutions centralisées aptes à prendre des décisions au jour le jour, dont celle d'émettre des emprunts collectifs en Euro, l'Euroland, dans un système de changes flottants est une institution fragile, vouée au sous emploi et aux tensions internes et externes.

On a bati l'Euro sur une théorie fausse et on essaie de colmater les brèches institutionnelles sans discuter la théorie sous-jacente.

On a admis d'échanger des biens et des services, de même que des produits financiers,  dans le cadre des changes flottants sur une  théorie fausse qui montrent tous les jours ses lacunes gravissimes.

Depuis 1971 ce système absurde va de crises en crises. Chaque crise est réglée  en créant les conditions d'une crise plus grave un peu plus tard. Vous aviez aimé 1974, vous avez eu 1993. Vous n'aviez pas encore digéré ni 74 ni 92 et vous avez eu 2009 !  A chaque fois la récession a été "la pire depuis 1929".

Et qu'avez-vous fait ? Rien.

Pas le moindre diagnostic, pas la moindre réforme de structure.  Les gouvernements ont géré l'urgence. Les déficits publics ont explosé. Les dettes qui avaient grossi de façon monstrueuses depuis trente ans  ont atteint un tel niveau du PIB   que partout, on ne sait plus comment s'en débarasser.

Les pays qui comme la France sont en déficit publics depuis 1974 , ont constamment augmenté impôts et dépenses publiques tout en chargeant la barque des emprunts,  et appartiennent à une zone monétaire  déflationniste  se retrouvent sans emplois, suradministrés  et surdendettés.  

Malheureusement la classe politique toute entière en France reste intoxiquée à la dépense publique ; ses medias crient sans arrêt : vive l'impôt. La justice est assimilée à la sanction des riches et des entrepreneurs.  Le désastre est assignés  à tort sur des fantômes vides de sens concret comme "l'étranger", "la compétition internationale" et "la mondialisation libérale".  Et on veut instituer un salaire maximum ! La "loi du maximum" devrait plutôt rappeler de vilains souvenirs en France !  

Faute d'avoir des idées claires et précises sur des défauts cruciaux et des processus délétères bien cernés, intellectuels et politiques se concentrent sur des débats idéologiques absolument fumeux et sans  pertinence.

Ce n'est guère mieux ailleurs.

Le G.20 et ses dépendances ont établi un diagnostic faux. La crise serait  le fait des banques. Donc on doit réformer les banques. On a insisté : c'est le marché des subprimes qui a mis le feu partout.  Mais a-t-on réformé le marché des subprimes aux Etats-Unis ? Pas du tout.  On donne des contraintes de capîtal aggravé aux banques en tentant d'en limiter la croissance.  Sus à la "grande banques systèmique".   Sus aux bonus des traders.

A-t-on remis en cause les monnaies adminsitratives errantes ?  Chut ! N'en parlez surtout pas.

A-t-on acté que les changes flottants sans concertation d'aucune sorte sinon des jeux de puissance délètères étaient désastreux et devaient être supprimés ? Chut ! N'en parlez surtout pas.

Pas un jour sans qu'un responsable n'évoque d'un air pénétré "la stabilité" financière si nécessaire. Mais il accepter sans bargouiner  des mouvements erratiques de change pilotés par des programmes informatiques   qui auto entretiennent l'instatibilité.

Pas un jour sans qu'un homme politique européen ne critique la valeur trop haute de l'Euro (tout en s'inquiétant de la fragilité de l'Euro, dire deux choses absolument contradictoires dans la même phrase ne semble inquiéter personne).  Mais pas un mot sur les changes flottants qui expliquent cette hausse.

Pas un jour sans qu'un homme politique européen n'affirme que le Yuan est sous évalué de façon grotesque, provoquant délocalisation et stagnation de l'emplopi et du revenu en Europe. Pas un seul qui critique réellement le mercantilisme chinois et qui s'étonne qu'on puisse pratiquer le mercantilisme et la monnaie administrée dans un pseudo système monétaire international de changes flottants.

Pas un jour sans qu'on s'étonne de la dette grecque et de son ampleur par rapport au PIB du pays. Mais en valeur relative elle est du même ordre ou inférieure à celle de pratiquement tous les autres pays industrialisés du monde (Japon, Etats Unis, etc.). Et en valeur relative elle est d'un montant ridicule.

On nous explique que par un effet papillon un pays qui représente un pouième de PIB mondial va mettre le sytème par terre, de même que par le même effet papillon le marché des subprimes américains, quelques pouièmes du marché immobilier mondial, avait déclenché la pire crise depuis 1929 !

Tant d'ignorance et de sottise finit par agacer.

La seule méthode pour sortir d'une crise mondiale de surdendettement (environ 2.000 milliards de crédits sont aujourd'hui gagés sur aucun retour suffisant pour payer principal et intérêt),  est la croissance, après avoir jugulé les causes du désastre.  C'est la croissance qui permettra d'amortir les pertes. C'est la croissance qui permettra de rétablir la rentabilité de certains projets.  Et il faudra bien ruiner partiellement les créanciers. L'euthanasie du créancier doit être douce et progressive.  La  croissance sera l'anti douleur.

Il n'y aura pas de décroissance  heureuse. Il n'y aura pas de solution par la déflation.

Il n'y a aura pas de solution durable sans revenir à la garantie par les états de la valeur extérieure de leur monnaie par rapport à un étalon international  et par des engagements fermes d'équilibres de balances commerciales.  

Des changes fixes et concertés, éventuellement modulables par accords conjoints, surveillés par un FMI rénové et retrouvant son rôle de Bretton Woods, mais épuré des anomalies de 1944 (le droit de veto américain, l'hypertrophie du rôle du dollar), la maîtrise des mouvements de capitaux à court terme, ces mesures seules et seulement ces mesures, permettront de faire face à la situation.

Dans la seconde où un tel système sera mis en place la peur cédera au calcul économique.  La reflation concertée des économies par les états, les banques centrales étant associées a mouvement et se voyant attribuées de nouvelles règles de gestion,  entraînera une croissance non pas sectorielle mais générale.

Malgré la contrainte éconologique qui existe mais qui doit être traitée sans malthusianisme, une nouvelle période de "trente glorieuses" s'ouvrira pendant laquelle les dettes des trente minables seront progressivement éliminées, comme le monde avait&éliminé en trente ans les dettes de la guerre de 40.

A un moment où l'Europe se déchire, où la France se défait, où les Etats Unis vascillent, où les pays émergents voudraient bien confirmer leur sortie de chrysalide, où la Chine abuse,  où les institutions internationales sont frappés par le discrédit et l'impuissance,  faute de diagnostic clair et de volonté d'assumer des solutions pertinentes ,   rien ne dit qu'on ne retombe pas sur une période troublée du style de l'entre deux guerre qui avait coûté le même prix à la France que la guerre de 14-18, rappelons le.

Ce n'est pas le scénario le plus probable. Il est même très facile à éviter.

Que l'ont sorte enfin de la sclérose intellectuelle qui fait taire les vraies causes de la crise et interdit de construire les solutions durables dont le monde a besoin !

Depuis trois ans la pédagogie tragique des réalités aurait du faire son oeuvre.  Combien de désastres faudra-t-il encore subir, combien de centaines de millions d'emplois gâchés, de centaines de millions de carrières brisées, de centaines de millions de pauvres  désespérés, pour que la cécité qui frappe nos élites fasse place à une minimum de courage, de compétence, de pertinence et de connaissances ?

Oui nous déclarons que le G.20 est composé de lâches et d'incapables qui ne voient pas plus loin que leurs idéologies, leurs espoirs nationalistes et leurs petits calculs géostratégiques.   Non Monsieur Sarkozy, il ne fallait pas en même temps parler d'un nouveau Bretton Woods et affirmer qu'il fallait garder le rôle du dollar et les changes flottants. Non Monsieur Obama, il ne fallait pas  prétendre que le flottement général des monnaies dont la monnaie chinoise règlerait la question de l'avenir des échanges financiers internationaux.  Non, Monsieur Hu Jintao  il ne fallait pas déclarer  que la Chine avait le droit d'accumuler des milliers de millards de dollards d'excédents monétaires sans les remettre en circulation dans les économies partenaires en les dépensant au lieu de les placer avec la trouille au ventre que ces trésors se dévaluent.  L'Europe pour sa part s'est tue. Elle se tait tout le temps et accepte d'être la 27ième roue du carosse, alors que tous les fédérolâtres expliquent que sans l'Europe notre voix ne serait pas  entendue !  

Oui nous déclarons que cette crise immense, déclarée sottement imprévisible, n'a pas fait l'objet du diagnostic qu'il convient et que de ce fait toutes les poilitiques lancées n'ont pas de pertinence ni même de sens commun .

Le monde s'engage dans le n'importe quoi  comme en 1974, comme en 1993.  Il espère un miracle. Il ne viendra pas.  

On peut craindre que dans trois ans on ne soit amené une nouvelle fois à le constater si ce blog dure jusque là.

En attendant merci à ceux qui ont eu le courage de ces 80.000 lectures qui nous honorent et qui nous obligent.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.



Les eunuques et le Lupanar

La crise économique majeure commencée avec le blocage du marché interbancaire fin juillet 2007, aggravée par la chute de Lehman Brothers en septembre 2008 et approfondie en récession lourde en 2009, peut être désormais considérée avec un recul de quatre ans.

Quelles réformes a-t-on fait ?

Pratiquement aucunes et le peu qui a été décidé ne concerne que le secteur bancaire.

Il est vrai que comme dans toutes les récessions décennales le dérèglement du crédit est une des sources majeures des difficultés.  Mais est-il juste d'affirmer que le comportement spécifique des banques ou de certaines banques est à l'origine de la crise ? Est-il approprié de mettre une camisole de force aux banques après les avoir consiencieusement sauvées ?

Rappelons que malgré toutes les sottises qu'on écrit sur la question, les banques ne peuvent pas individuellement créer de la monnaie et enfler seule leur bilan.  Or la caractèristique propre de cette crise est qu'elle a vu dans le monde entier et en particulier dans le monde développé le gonflement aberrant de l'endettement privé et public.

L'endettement global qui oscillait entre 80 et 150% du PIB a progressivement fait sauter tous les verrous.  Des pays comme l'Islande ou l'Irlande se sont mis à supporter des endettements supérieurs à 1000% du PIB. Les Etats Unis ont dépassé les 400%. L'Europe est à peine en dessous de ces chiffres.

Il va de soi que les banques sont par nature les manipulateurs de cette dette. Mais sont-elles responsables de leur niveau par rapport au PIB ? Evidemment non.  En revanche la carence de remboursement de ces dettes les met en première ligne. L'effondrement des banques signifierait l'effondrement de l'économie.  Nous sommes donc dans cette situation paradoxale où les banques sont désignées comme les responsables de la crise et sauvées énergiquement...par l'endettement public, porté par ces mêmes banques.

La décence intellectuelle aurait été, pour les économistes, de comprendre et d'expliquer pourquoi les taux d'endettement globaux avaient autant augmenté et le caractère insoutenable de cette hausse.  Dans le monde officiel personne ne s'y est risqué et rares sont les voix qui expriment encore aujourd'hui une explication analytique de ce phénomène.  

Nous avons essayé de le faire ici et on connait notre explication. La conjonction d'une politique monétaire  laxiste  aux Etats-unis et du mercantilisme Chinois a conduit à une double pyramide d'endettement d'une hauteur phénoménale. Les changes flottants et les dérégulations financières ont brouillé et aggravé la situation, empêchant les acteurs de voir les réalités.  Ce théâtre d'ombres a fini par s'effondrer sur la tête des acteurs lors d'un épisode traditionnel du cycle décennal.

La seule réforme qui vaille est naturellement celle du système monétaire international, source principale du désastre.  Un système de monnaies administratives, gérées par des banques centrales plus ou moins autonomes, et dont la valeur s'établit au jour le jour sur le marché flottant des changes, ne fonctionne pas. Point stop.

Dans un tel système plus personne n'est responsable de rien et  les papiers financiers qui s'échangent finissent par n'avoir que le sens qu'on veut bien leur prêter.  Les déficits américains, alimentés par une création monétaire absurde par A. Greenspan et désormais Bernanke, ont été à l'origine d'un gonflement permanent des liquidités mondiales d'autant plus violent que la Chine replaçait systèmatiquement ses excédents eux-même absurdes...sur le marché américain.

La stagnation économique provoquée par la perte  d'industrie en Occident a été partiellement masquée par une politique de crédits intenable dans les domaines de la consommation et de l'immobilier, crédits dont les dangers sont connus.  Et par l'acceptation de déficits publics faciles et peu couteux à financer. Le crédit n'a de sens que si une source de richesse future permet de le rembourser.  L'ennui c'est que le déficit public, la consommation et même l'immobilier n'apportent aucune augmentation de richesse solvable permettant de rembourser. Ils doivent au contraire être financés par une création de richesses exogène.

Le flottement général et l'internationalisation de mouvements de capitaux absolument libres de leurs mouvements, aggravés par la cotation continue des valeurs, qui fait la part belle aux ordres artificiels des ordinateurs, commandés par la seule force interne  de l'évolution du marché, interprêtée  par des algoritmes  et non plus par les besoins des agents,  a littéralement asphyxié toutes les réflexions réelles sur la nature du sous-jacent.

Il va de soi que la seule solution durable était de mettre fin aux changes flottants et de rendre aux Etats la responsabilité de veiller à la fois à la valeur externe de leur monnaie, à l'équilibre de leurs comptes extérieurs  et au plein emploi chez eux.  Ce système esquissé  à Bretton-Woods sur une forme biaisée par la surpuissance américaine de 1944 avait donné les "trente glorieuses". Pas si mal !


La seule solution efficace à la crise supposait des changements radicaux d'attitudes. Les Etats-Unis devaient sortir du Benign neglect ; la Chine, le Japon et l'Allemagne d'un mercantislisme forcené.  Les capitaux courts ne pouvaient être laissés totalement libres. Et les sources de création monétaire exogènes devaient être aussi bien contrôlées que les sources internes.  Des changes fixes, des cotations périodiques et non plus continues, une surveillance par les Etats de leurs principaux indicateurs économiques, un meilleur encadrement du crédit,  n'empêcheraient pas totalement les crises décennales. On sait que leur mécanisme est latent.  Mais elles seraient plus courtes, moins profondes et surtout encadrées par des périodes de croissance plus fortes.

Et tous les agents auraient la tête tournée vers l'avenir.

Les seules réformes faites auront eu pour but de châtrer les banques, après les avoir sauvées, sans changer d'un pouce le système institutionnel global dans lequel elles évoluent.  

En un mot, on veut désormais des eunuques pas trop gras  dans un  lupanar inchangé.  

Mieux vaut en rire.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.



Dire non à la déflation

Depuis les décrets Laval nous savons en France que la déflation, "cela ne marche pas".  La phase d'hyper gonflement des dettes qui a marqué le passage aux changes flottants  à partir de 1973 est évidemment arrivée à son terme. Une page se tourne. L'inconscience, dans ce domaine n'est plus de mise.  La récession de 2009 a provoqué un surgonflement des dettes publiques qui a encore aggravé les choses.  Nous sommes devant une montagne de dettes dont il va bien falloir se débarrasser. Toute la question est de  le faire sans faire exploser ce qu'il reste du système. 

Notons d'abord que les dettes non gagées sur un flux de valeurs futures réelles se situent mondialement dans l'ordre de grandeur de 3.000 milliards de dollars, venant fin 2008 de 3.500 Md$.  On en a donc déjà éliminé une partie.  Et qu'on peut assez facilement en éliminer encore une bonne partie en mettant le temps de son côté. Le hanneton pousse sa boule de crottin devant lui mais elle se réduit progressivement.

L'important c'est qu'il y ait de la croissance. Donc qu'on évite à tout prix la déflation. Le prêchi-prêcha moralisateur  sur la vertu de la cigale qui doit se transfromer en fourmi est parfaitement ridicule. Valable pour les individus il est décalé pour les peuples.

Seule la croissance permettra de se débarrasser de la  pyramide de dettes qu'on a laissé gonfler pendant trente ans de désordres du système monétaire international.

La première urgence est de réformer le système monétaire international. La seconde de mettre le monde dans une perspective de croissance non spéculative.

L'affaire Grecque est le comble du ridicule. Tout le monde s'amuse à se faire peur. Mais quelques chiffres donneront la mesure du dérisoire de ce débat. En un an les réserves de changes de la Banque Centrale Suisse ont  grimpé de 150 milliards de FS.  Uniquement par panique. Les besoins de refinancement vraiement chauds de la Grèce sont de l'ordre de 50 milliards. Il suffirait que la BCS prête son excédent de devise à la Grèce pour qu'il n'y ait même plus de soupçon de crise. Et il lui resterait encore 100 milliards dont elle ne sait que faire.  En un an ses réserves ont perdu plus de 30 milliards. C'est à dire plus que la perte qu'elle pourrait envisager au pire sur les prêts à la Grèce !

Si on prend la Chine, c'est maintenant des chiffres 10 fois plus forts qu'on manipule.  Et les pertes de change de la Chine se comptent en centaine de milliards de dollars.

L'Europe elle-même pourrait résoudre l'affaire en trois secondes. Il suffirait d'émettre des bonds européens à bas taux. Evidément établir une zone monétaire sans la gouvernance qui va avec était une absurdité. Mais les solutions existent. 

Un article du FT nie cette réalité. Il évoque le dégoût des européens pour l'Europe. Le rejet serait social et moral.  En vérité les Européens sont lassés qu'on leur mente. Une europe passoire et zone d'ajustement des puissances extérieures dans la confusion totale et  maintenant la crise économiqe suivie d'une déflation organique, les désespèrent. C'est clair et c'est normal.

Mais ce n'est pas une fatalité.  Les désordres monétaires internationaux, l'erreur conceptuelle des changes flottants, la soumission de l'Europe aux Etats-Unis, le grégarisme de ses hommes politiques, la déréliction de sa presse, tombée si bas qu'on se demande comment elle pourra un jour remonter, sont des défaillances graves que les peuples ont raison de critiquer.

Il n'y a pas d'avenir dans la déflation, la surtaxation générale, les restrictions permanentes, la guerre ouverte des monnaies, la fin du libre échange, la destruction de l'Europe.Il n'y a pas de décroissance heureuse.  Chassons les bonimenteurs !

Il faut organiser une croissance mondiale équilibrée et durable. Cela suppose le retour aux changes fixes et la responsabilité des Etats sur la valeur externe de leur monnaie, un étalon international, des échanges équilibrés, la maîtrise des mouvements de capitaux à court terme, la fin du "day trading" et des cotations continues par ordinateur.

Malgré un système  déséquilibré par la surpuissance américaine et la primauté du dollar, les accords de Bretton Woods avaient permis les "trente glorieuses" et surtout l'élimination des dettes énormes de la guerre.

Aujourd'hui c'est le même mécanisme international qu'il faut mettre en place. Bien sûr la Chine, le Japon et la l'Allemagne devront partiellement abandonner leur mercantilisme. Bien sûr les Etats-Unis perdront l'avantage indu du dollar.  Bien sûr l'Europe devra régulariser sa gouvernance.

Mais trente nouvelles glorieuses  seront devant nous. Alors que nous nous dirigeons vers une grande dépression du type de celle qui a frappé la fin du XIXème siècle.

Il n'ya pas d'avenir dans la financiarisation  débridée d'un monde de monnaies administratives laissées à des gnômes ou à des Etats irresponsables.  Il n'y a pas d'avenir dans la déflation. 

Il existe un chemin. Mais aucune personalité politique d'envergure pour le  montrer.

C'est consternant.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Anatomie de la crise décennale, à la lumière des évènements récents.

Comme nous l'avons écrit dès la fin 2006 et répété ensuite, la crise de 2009  serait du type 74, ou 93, mais en plus grave. Il s'agit d'une crise décennale classique aggravée par les défauts du système monétaire international et la dérégulation financière en absence de toute référence fixe de la valeur des monnaies.

L'épisode qui s'est déroulé de septembre 2008 à nos jours  permet de préciser le schéma de la crise décennale, crise périodique dont la mécanique est souvent niée depuis la fin des années soixante et   dont la théorie n'est plus faite aujourd'hui alors qu'elle garde toute sa pertinence.

La physionomie d’une crise décennale est certes chaque fois  un peu différente. Le contexte économique global  finit par changer et le système, consciemment ou non,  tient toujours plus ou moins compte de l’expérience du passé. Mais le schéma sous-jacent est solide et constant.

La confiance disparait d’abord chez les opérateurs financiers et les boursicoteurs. Les bourses s’effondrent. Les banques s’inquiètent. A juste titre : des tensions se font jour partout.   Les refinancements deviennent difficiles. Des crédits jusqu’ici considérés comme sûrs apparaissent  aventurés. Les particuliers paniquent. La traditionnelle distinction entre crise bancaire de liquidité et de solvabilité perd toute signification : les deux se conjuguent.  Les banques restreignent violemment le crédit : le fameux «crédit crunch » a bien lieu.

Les entreprises désinvestissent brutalement, volontairement  ou non. L’embauche s’arrête. La consommation n’est pas atteinte au départ. En début de crise les consommateurs regardent un peu la crise comme un défilé au balcon : la crise, quelle crise ? Retraités et fonctionnaires se sentent peu concernés. La plupart des postes en entreprise sont solides ou considérés comme tels.  Le chômage monte plus par arrêt des embauches que par les licenciements. 

Les épargnants en revanche paniquent. Vont-ils pouvoir conserver leur avoir ? Le taux de possession d’actions baisse  immédiatement et rapidement.   La course à la liquidité s’emballe.

Arrive le moment de vérité : les entreprises fragiles craquent. Les autres prennent des mesures conservatoires souvent exagérées par rapport au nécessaire ou au contraire résistent de façon irréaliste : elles ont eu tant de mal à constituer des équipes solides ! Toutes voient leur trésorerie s’effondrer au moment où le système bancaire cesse de vouloir les aider. On se finance sur le marché obligataire loin des banques, devenues simples courtiers.  Quand on le peut, car toutes les entreprises ne le pourront pas, notamlment les PME.  Le  chômage explose, alimenté désormais à la fois  par le non recrutement et les licenciements.

L’Etat est toujours pris par surprise. La croissance rapide de la fin de cycle l’a gorgé de recettes et les dépenses vont bon train. Partout les administrations centrales ou locales se sont endettées pour profiter des taux bas de la période joyeuse finissante.  Et tout soudain la mécanique s’enraie. Les recettes baissent plus vite que le PIB : un système fiscal progressif accélère les recettes fiscales pendant la phase de croissance mais provoque une dégressivité symétrique quand la récession frappe  On verra le taux de prélèvements baisser. Les gouvernements s’empresseront de prétendre que c’est grâce à leur bonne gestion !  Alors qu’il s’agit d’un effet mécanique.  Les dépenses explosent car il faut indemniser et relancer.  Généralement on indemnise et on rlance trop depuis Keynes. Les déficits deviennent abyssaux.  L’endettement public  grimpe.

Les banques centrales depuis 1929 et Milton Friedmann savent qu’elles doivent faire marcher la machine à imprimer les billets. Elles créent de la liquidité à tout va en reprenant au départ  les meilleurs actifs des banques. Ensuite elles avalent un peu n’importe quoi. Elles y gagnent beaucoup d’argent ce qui surprend toujours. Pourtant, tout le monde sait que les docteurs gagnent toujours plus en temps d’épidémie.  L’inondation monétaire permet de sauver les banques et d’éviter les paniques de déposants. Au nom  de la sauvegarde des déposants on protège les banques et leurs dirigeants, cas classique où une minorité est sauvée abusivement au nom du groupe.

La part du PIB qui a disparu est partiellement compensée par ces mécanismes efficaces. Il est rare que la crise entraîne des baisses de PIB très importante comme au XIXème siècle.  Les prix à la consommation ne bougent pratiquement pas sauf dans des cas très particuliers. La bourse finit par rebondir. L’immobilier tremble sur ses bases mais ne lâche jamais complètement, sauf sur les créneaux les plus aventurés. 

La vie reprend. La crise aura duré deux ans. Il faudra près de 5 ans pour s’en remettre totalement.  Les faillites arrivent en général en fin de crise, à partir de la troisième année.  L’état augmente les impôts sans se rendre compte que la progressivité suffira à rétablir le niveau de recettes voulus. La pression fiscale devient rapidement insupportable ce qui pèse sur la reprise. Le coup de gourdin fiscal « Juppé » de 95 provoquera même une récession sui generis en France en 1996.  Les banques sont désorganisées pour un moment. En fait le système bancaire est en faillite mais personne ne tient à le savoir. Le temps et quelques restructurations permettront de voir venir.

Puis l’oubli fait son œuvre et l’industrieuse humanité, ses désirs et ses besoins, reprend son élan. Jusqu’à la crise suivante. Si la crise précédente a été forte elle sera plutôt douce. Si elle a été faible elle sera violente car les ajustements n’auront été faits qu’à la marge lors de la précédente purge et l’oubli, une des causes majeures du cycle, aura été plus complet.

La crise nouvelle s’annoncera par différents signes qui seront ignorés : l’industrie automobile commencera à proposer des modèles foldingues d’un luxe inouï ;  certains économistes  expliqueront que le cycle est désormais vaincu et qu’on a trouvé le chemin de la croissance perpétuelle ; les banquiers en arriveront à penser  qu’ils font un réel travail pour le bien de l’humanité, certains estimeront même qu’ils font « le travail de Dieu », ce qui expliquerait des bonus ridiculement élevés  ;  les grandes entreprises annonceront des taux de croissance intenables basés sur des plans sur la comète euphoriques. Zeus aveugle ceux qu’il veut perdre.  En vérité en fin de cycle de croissance  le système de crédit est en totale surchauffe et finance beaucoup plus la spéculation que l’investissement durable.  Le court terme emporte tout. Les « bulles » sont partout.

D’amusants coquins prétendront qu’elles ne peuvent qu’exploser. Personne ne les écoutera. Elles ne sont que le signe d’une vitalité économique intense et de l’existence de liquidités abondantes prêtes à se placer.  La crise venue on prétendra de toute façon qu’elle était imprévisible et on cherchera un bouc émissaire facile comme une guerre, une catastrophe naturelle, une fraude massive pour expliquer qu’on se soit à ce point trompé. Les économistes de cour, qui auront inlassablement expliqué que  le cycle n’existe plus,  seront pris une fois de plus à contrepied par le retournement. 
Peut-être la reine d’Angleterre les tancera de n’être que les commentateurs mal inspirés d’évènements qui ne sont pour eux que des pochettes surprises. 

C’est que l’épisode aura été sévère.

D'autres surpris de s'être retrouvés si bêtes au milieu d'évènements si peu anticipés jurent mais un peu tard qu'on ne les reprendra plus.  En général ils se mettent à annoncer pour les prochaines semaines, les prochains mois ou les prochaines années une crise colossale, un peu comme si une "vague scélérate" à caractère magique et en voie de formation secrète  avait enfin illuminée leur sagacité. Ils confondent les conséquences de la crise avec la crise elle-même qui en fait est derrière eux. Mais à leur tour "ils l'auront bien dit" si des erreurs économiques viennent compliquer la sortie de crise.

Depuis la fin des accords de Bretton Woods chaque crise décennale est plus grave et ses conséquences plus difficiles à maîtriser.  Kenneth Rogoff qui prétendait le contraire au FMI s'est trompé dans les proportions les plus délirantes.  Il pensait que les dérégulations financières, les marchés, les changes flottants avaient permis de vaincre le cycle. C'était le crédo de ses maîtres, Rubin, Greenspan et Summers.

La vraie question aujourd'hui n'est pas de nier le cycle. Il y aura toujours des cirses quasi décennales qui correspondent en fait à une donnée psychologique : l'oubli. Maurice Allais avait décrété que le taux d'oubli était équivalent au taux d'intérêt. L'intuition était géniale, même si elle reste aujourd'hui oubliée ou méprisée.

La science économique doit principalement comprendre pourquoi depuis 71 les crises s'aggravent et les sorties de crise sont plus difficiles et  plus aléatoires.  Nous-mêmes, au Cercle des économistes e-toile,  prétendons que la cause majeure est dans le système des monnaies administratives dérégulées que traduit  le système des changes flottants et la guerre des économies sans aucune procédure réelle de concertation efficace.  Ce système ne marche pas et a provoqué une baisse tendancielle de la croissance mondiale, avec des écarts de plus en plus massifs selon les distorsions de concurrence,  en même temps qu'une plus grande cyclicité.

Prisonnier de postures idéologiques  le débat économique public est inexistant sur ces questions cruciales.

Nous dirions bien" indignez vous !". Mais le slogan est pris. 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

Monnaies : quatre personnages en quête d'auteur

On dira ce que l'on veut d'Alan Greenspan, et nous ne nous sommes pas privé de critiquer se gestion de la FED au moment où il était sacré génie  monétaire de l'histoire de l'humanité,  mais il sait reconnaître ses erreurs et en tirer les conséquences jusqu'au bout.  Dans une récente interview à CNBC il n'a pas caché qu'il pourrait tirer argument des quelques succès de sa période, comme l'accès à un niveau de vie décent pour des centaines de millions d'habitants de pays considérés jusque là comme structurellement pauvres.  Mais il et bien décidé à n'en rien faire : le système auquel il a cru ne marche pas. Il le dit et il le répète. Donc il faut imaginer autre chose.

Quel est donc ce système qui ne marche pas ? C'est celui qui veut que les monnaies soient désormais uniquement des monnaies de papier, des monnaies administratives, dont la valeur absolue  est intrinsèquement nulle et dont on attend que "les marchés" donnent la valeur relative, dans le cadre d'un système de changes flottants.

La libéralisation totale des mouvements de capitaux, sous la supervision de banques centrales chargées uniquement de surveiller la valeur interne de leur monnaie (mesurée par un indice des prix à la consommation plus ou moins arbitraire) devait permettre l'allocation optimale des ressources, unifier les taux d'intérêt, limiter les réserves de devises, faciliter les transitions en cas de déséquilibres, permettre une croissance accélérée.  Non seulement on a vu se produire exactement l'inverse mais en plus une crise ravageuse  a mis par terre les finances publiques de tous les grands pays.

A. Greenspan en prend acte et c'est tout à son honneur. Ce faisant il rejoint ceux qui comme nous font cette analyse depuis des lustres non pas par combat idéologique ou théorique, mais par la simple observation des faits.

Si on se place résolument dans cette perspective, la situation actuelle des acteurs principaux qui s'agitent sur le front des monnaies prend un caractère particulièrement psychédélique. La FED, la BCE, le FMI et les autorités monétaires chinoises sont dans des situations fausses caractérisées.

Si on considère qu'un système de monnaie administrative gérée par une banque centrale indépendante  "ne marche pas",  la BCE se retrouve dans un position légèrement étrange.  Elle a le double inconvénient de gérer une monnaie transnationale mais sans que les conditions politiques en soient réunies,  et d'être le prototype même d'une institution indépendante correspondant à un modèle faux.  Personne n'étant en Europe responsable de la valeur externe de l'Euro  la compétitivité globale de la zone est en deshérence. L'Europe se retrouve seule à jouer le jeu d'un système "qui ne marche pas" alors que tous les autres acteurs trichent.

La Chine mène une politique mercantiliste. Le strict alignement sur  le dollar d'une monnaie fortement sous évaluées (50 à 60%) lui permet de voler l'industrie du monde occidental.  Mais là voilà qui accumule des réserves potentiellement sans valeur, la voilà  qui doit faire face à l'inflation chez elle, et à des remarques de plus en plus acerbes à l'extérieur. Le temps de l'impunité pour la Chine est fini. Celui des relations de pouvoirs commence. Une dynamique de conflits s'est mise en place. Il va lui falloir céder sans perdre la face.  

La FED, auxiliaire d'une diplomatie du dollar et d'une gestion en force de l'économie mondiale basée sur "le benign neglect" monétaire, est tout autant en porte à faux. Cette fois ci il n'est plus possible d'accuser les "cronies" des pays tiers pour expliquer les désordres monétaires. En dépit de la force traditionnelle de l'économie américaine, la peur du dollar est partout et le rejet d'une politique irresponsable manifeste. Et il est impossible de faire sombre plus un dollar déjà au plus bas.  

Quant au FMI il n'est pas seulement malade des frasques habituelles  de son directeur irresponsable. En régime de changes flottants, le FMI n'a aucun rôle. C'est pourquoi depuis quatre mandats les directeurs quittent leurs fonctions avant terme et que les discours tenus par ces dirigeants sont aussi nuls, en particulier ceux de DSK, comme nous l'avons plusieurs fois relevés.  Le rôle du FMI était de permettre à un pays souffrant d'une crise de confiance en système de changes fixes, de réajuster son économie avec un moindre "credit crunch".  Pour cela on lui imposait quelques contraintes de bonne gestion tout en lui donnant des facilités de tirage en devise.  Une crise de change ne devait pas tourner à la crise mondiale.

On lui fait jouer abusivement aujourd'hui un rôle de financier des dettes souveraines. L'Europe, sans pouvoir économique central, n'a aucun moyen de contraindre les pays membres à une dure ascèse. On a été chercher le FMI  uniquement pour son rôle de père fouettard.  Le but n'est pas de minimiser une déflation visant à rétablir la compétitivité et le change, mais de financer des dettes exorbitantes générées par le système monétaire malsain des changes flottants  pendant la période Greenspan.  Ce pragmatisme a certainement des vertus, mais où est la cohérence ?

Tous les grands acteurs monétaires sont aujourd'hui en porte-à-faux. L'édifice restera dangereusement branlant tant qu'une construction solide ne sera pas bâtie sur une base théorique solide.  Il faut reconstruire un système de changes fixes en établissant la responsabilité des états dans la défense de la valeur externe de leur monnaie. Il faut que l'ensemble du système soit rattaché à une ancre monétaire solide.  

On n'en prend toujours pas le chemin. Ce qui donne son fumet pirandellien à la situation ( on a le choix entre "ce soir on improvise et six personnages en quête d'auteur) . Et qui rend l'avenir si hasardeux. C'est aujourd'hui qu'il faut écouter A. Greenspan, un grand spécialiste de l'Actor's studio monétaire.

 Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.



Le fantôme de Nankin

Ainsi la réunion de Nankin aura été selon l'expression de la délégation chinoise," une affaire française", juste un séminaire d'experts agréablement organisé dans une ville touristique. Encore un peu et on aurait fini en réunion de club dans une ville d'eau. Française naturellement.  Et cela aurait presque mieux valu compte tenu de la couverture médiatique nulle et du résultat, nul également.
L'intuition du président français, Nicolas Sarkozy, qu'il faut réformer le système des changes est indiscutablement juste et des experts comme Mundell sont indiscutables.  Comment expliquer ce "bide" ?  Echec dangereux justement parce que  la question est juste et qu'il ne faut pas gâcher ses cartouches !

La réponse automatique est : c'est la faute aux grandes nations qui en fait ne sont d'accord sur rien. M. Geithner veut plus de flexibilité, en fait la réévaluation du Yuan. La Chine procrastine en donnant des gages mais avec une lenteur exaspérante.  Le Japon est out pour quelques temps pour raison de tsunami. L'Allemagne ne veut pas d'augmentation de liquidités internationales, considérant que le déluge monétaire et d'endettement vécu depuis des décennies suffit comme cela. La proposition minimale française consistant à élargir le panier de monnaies servant aux réseves du FMI  et à augmenter le niveau des réserves et le rôle du FMI n'a donc exactement aucune chance d'aboutir, malgré son ambition plus que modeste.

DSK, toujours aussi médiocre, en affirmant à Nankin, que l'objectif aurait du être encore plus modeste et en jugeant la demande française trop vaste, se ridiculise. On n'a pas besoin d'une réforme microscopîque.

Donc il ne s'est rien passé à Nankin sinon un constat de plus  par des voyageurs "lost in translation"  que personne n'était d'accord sur rien.  Une initiative originale comme dira Mme lagarde, Ministre des finances sans connaissances économiques  mais parlant l'anglais.  

Etait-il possible de s'y prendre autrement et d'obtenir d'autres résultats compte tenu du contexte effectivement accablant de zizanie générale ?

La réponse est oui.  Le seul levier pour faire bouger les choses était d'établir un diagnostic  ferme et clair des causes de la crise. On sait que cette crise est entièrement due au système des changes flottants et aux différents mécanisms de gonflement des pyramides de crédits qu'il permet, compte tenu du rôle du Dollar.  Ces mécanismes ont conduit  à un gonflement ahurissant des dettes, finissant par dépasser de plusieurs fois le niveau du PIB des principales nations. L'effondrement de cette masse instable et douteuse a été la raison de la crise et compte tenu du transfert d'une partie de cette masse aux Etats, de la situation dépressive de plusieurs d'entre eux.  

Pour faire bouger les choses il fallait imposer ce diagnostic.  D'abord en faisant jouer  les experts et ensuite en faisant endosser ce combat par le FMI. Mais il aurait fallu à cette institution autre chose qu'un guignol politique en transit comme président.  C'est le FMI qui aurait du jouer le rôle du père fouettard dans cette affaire.  En rappellant en permanence le rôle néfaste du système actuel, en stigmatisant des politiques qui n'ont conduit à rien de bon pour personne, en se plaçant au dessus des mêlèes nationales,  en appliquant les statuts qui lui donnent déjà de très larges pôuvoirs, le FMI pouvait jouer un jeu bénéfique d'abord dans la prise de conscience  et ensuite dans la solution.

Est-ce que la Chine se trouve bien d'avoir son tas de dollars de valeur incertaine avec comme contrepartie la colère de ses partenaires commerciaux  pour le vol de leurs industries  ?

Est-ce que les Etats-Unis se trouvent bien d'une crise qui pour la première fois a emmené le chômage autour de 10%, a ruiné ses industries et mis l'Etat dans une situation intenable ?

Est-ce que le Japon se trouve bien de son endettement public à 200% ?

Est-ce que l'Euro et l'Euroland sortent triomphants de la crise ?

Est-ce que le RU est dans un brillant état ?

Tout le monde est perdant.  Absolument tout le monde.

C'est ce message qui aurait du être porté par le FMI appuyé sur des études incontestables.  Tant que ce diagnostic n'est pas devenu la charte incontournable de toutes les réflexions,  on ne trouvera que les intérêts à court terme des états.

L'erreur de Nicolas Sarkozy est d'être parti plume au vent sans aucun diagnostic sérieux et étalonné. Résultat : confronté aux postions étatiques blindées des Etats unis et de la Chine, il a baissé pavillon avant même de combattre.  En chantant avec Geithner "vive les changes flottants" il a tué son discours. En calinant la Chine sans fournir le moindre levier pour qu'elle change de politique, il s'est retrouvé à faire le clown blanc à Nankin.

Tout cela est très regrettable. La pensée doit toujours précéder l'action, comme la stratégie doit précéder la tactique. Jouer les chevaliers blancs avec une tête vide et sans armes est au mieux du registre de la posture politicienne étroitement nationale.

Au mieux, car même sur ce minuscule terrain cela n'a pas marché.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.



Un avis de Mervyn King,Gouverneur de la Banque d'Angleterre

Mervyn King a fait un aveu intéressant. Il a reconnu que sa banque centrale ne pouvait pas seule combattre les effets induits de la récession. Il a reconnu que le prinicpal problème provenait du fait que les bilans des banques sous son contrôle dépassait de 4 à 5 fois le PIB du Royaume Uni.

Cet avis recoupe l'article que nous avons écrit bien avant la chute de Lehman-brothers (voir ;: quatre erreurs à éviter) et la thèse que nous défendons depuis l'origine à savoir que cette crise est entièrement liée au gonflement absurde de l'endettement. C'est parceque partout l'endettement a dépassé les 300% puis les 400% du PIB allant parfois jusqu'à 1000% que la crise était inévitable et qu'elle serait très dure.

Comprendre l'origine de cet endettement ahurissant et intenable est le thème de recherche économique fondamental  que suscite cette crise.  Nous avons essayé de répondre à cette question dans un article fondamental.

On ne peut que regretter que cette question ne soit pas à l'agernda du G.20.

King reste à la surface des choses : il dit vrai mais ne cherche aucune explication. la thèse de la cupidité des banques stimulés par la dérèglementation n'est pas la meilleure. il faut aller plus loin que la question des comportements et des régulations.

Si la Vieille Dame, la Banque d'Angleterre n'a pas pu empêcher les banques sous son contrôle d'enfler leur bilan à ces hauteurs vertigineuses, alors que c'est son rôle, c'est que des mécanismes puissants étaient à l'oeuvre et que la Banque était impuissante à juguler.

Comprendre ces mécanismes puissants est la première priorité. Mais là on touche au tabou : le système monétaire international basé sur la libre circulation des capitaux et les changes flottants.

 

 

 

 

 

 

 

DSK : un nouvel article consternant.

M. Dominique Strauss-Kahn, directeur du FMI, est coutumier des articles à la presse donnés à la fin de l'année.  On se souvient de son article du 24 novembre 2009. Rétrospectivement il apparait pour ce que nous avions écrit qu'il était : du sirop indigne d'un directeur du FMI.  

Il annonçait que la reprise aurait lieu au second semestre 2010 et que la baisse du chômage commencerait alors.

La réalité a été toute autre : une bonne activité entre la mi janvier et la mi mars et une poussée à la fin du printemps.

En revanche le second semestre a mal commencé et n'a pas montré d'accélération.

DSK a donc raconté n'importe quoi.

De même il annonçait que sur le plan financier tout allait bien, que la crise était derrière nous. Et on a vu exploser la crise grecque puis la crise de l'Euro en même temps que démarrait une guerre des monnaies.

DSK a donc raconté  n'importe quoi.

Ce n'était pas la première fois.

Dans un article du 2 avril 2008 il faisait déjà ce qu'il sait le mieux faire : des phrases et de la politique.  Mais l'aveuglement était déjà complet.

Alors que la crise de liquidité était en train de faire exploser le système il trouvait alors tout à fait bien la politique de la BCE qui visait à "lutter contre l'inflation" alors qu'on voyait un début de contraction du crédit tout à fait nouveau et important.   Cette politique aggravera la situation.

DSK n'avait  rien compris, rien prévu.

DSK a raconté n'importe quoi.

Pour ceux qui aiment rire, notons cette phrase : "Le FMI travaille sur ce qui nous paraît aujourd'hui le plus important, c'est-à-dire les canaux de transmission entre la sphère financière et la sphère réelle". Nous étions en 2008. Il y travaille encore. Cette phrase sera le leitmotiv de pratiquement toutes ses interventions.

Pendant qu'il travaillait l'endettement de 200 à 700% par rapport au PIB de bien des pays a fini par exploser.

DSK  n'avait rien vu. Rien compris. Pourtant quand un pays comme l'Islande voit ses banques enfler leur bilan à hauteur de 700% du PIB du pays, le FMI dont c'est le rôle officiel, aurait du intervenir depuis longtemps.

DSK est aveugle mais il travaille et il étudie. "Nom d'un chien les systèmes financiers mondiaux sont interconnectés et ils ont une influence sur l'économie réelle !  Comme c'est étrange !.  Il va falloir qu'on regarde cela de près".

Cela ne faisait que trente cinq ans que la sphère financière avait été libérée de toutes contraintes (notamment par son ami Bérégovoy) et que les mouvements de capitaux internationaux avaient été totalement déréglementés !

DSK n'avait rien vu et on doit comprendre qu' il pensait que les deux sphères économiques et financières vivaient dans des mondes parallèles "qui ne se rencontrent jamais".  

Il est vrai que dans un article de septembre 2009, DSK affirmait avec un sens de l'observation qui fait chaud au cœur : "la crise est mondiale". Et il montrait qu'il était à la hauteur de la situation en soulignant que par la maîtrise des bonus, de nouvelles règles comptables et un renforcement des règles de capital des banques, la solution était enfin trouvée.

Autant dire qu'on attendait peu de l'article qu'il vient de signer dans le Figaro.

On n'a pas été déçu. DSK enfile les perles avec de belles phrases vides de sens et accumule les bourdes.

"Il faut changer de raisonnement économique" indique le titre.  Ce qui est indiscutablement vrai mais mérite quelques précisions.

DSK s'explique : "Certains défauts  majeurs de la pensée conventionnelle sont apparus au grand jour , notamment à quel point nous comprenons mal les liens entre le système financier  et l'économie dans son ensemble". DSK nous ressort ce qui faisait déjà rire …en 2008.

Quelle est donc cette théorie dominante qui aurait expliqué que les banques et la finance n'avait aucun rôle dans l'économie réelle  et que sphère financière et sphère économique étaient deux mondes se côtoyant mais ne se touchant pas ?

Il n'y en a pas. En revanche il y avait une théorie économique dominante qui expliquait qu'en libérant toutes les entraves financières on déchaînerait la croissance, que les changes flottants c'était très bien et que les marchés devaient fixer la valeur respective des monnaies ! Doctrine que DSK, après Bérégovoy  a mise en pratique lorsqu'il était ministre des finances.

Il ajoute que  Bâle III est une formidable avancée.  Alors que Bâle II n'avait rien fait pour empêcher la crise. Et il faut mettre des surveillants partout. Alors que tous les organismes de supervision ont laissé les banques endetter les pays très au-delà de leur PIB !

Tout ce cela est insignifiant.

Plus significative aurait pu être la phrase suivante : "La politique monétaire doit aller au-delà de son objectif central : une inflation faible et stable et donner plus d'attention à la stabilité financière".  L'ennui c'est que le vague couvre le concept de stabilité financière. DSK évoque plus de règlementation bancaire.  S'il avait dit : stabilité des changes on aurait compris. C'est un vrai enjeu. La règlementation bancaire est de tout temps une fonction des banques centrales. En France on a pour cela la Commission bancaire. On a vu qu'elle n'a pas empêché la France de s'endetter au-delà de trois fois son PIB, une proportion intenable.

Faute de comprendre pourquoi les superviseurs n'ont pas supervisés, DSK parle pour ne rien dire.

Le reste est du blablabla insignifiant du genre "mais oui mais non mais bien sûr". Il faut ne pas s'endetter mais s'endetter quand même tout en s'endettant peu. Il faut redresser les comptes sans redresser le chômage tout en se redressant.

Il conclut sur la nécessité de s'intéresser aux effets de la mondialisation sur les mouvements de capitaux "dont nous devons mieux comprendre ce qui les motive". Et sur l'imagination nécessaire et qui a si cruellement manqué. Mais tous ensemble nous y arriverons !

Imaginons et cherchons, mes très chers frères.  

Plus nul on ne peut pas.

Ce qui irrite le plus c'est la constance dans la nullité.

DSK flotte comme un bouchon pour durer en répétant des fadaises.  Les mêmes fadaises qu'il y a trois ans. On croirait un début de gâtisme.

Et la crise perdure.

En attendant l'Europe a perdu de son influence au FMI lors de la réforme des statuts sans aucune contrepartie.  Désormais l'Europe cède et cède seule sur tous les sujets. C'est la variable d'ajustement entre les Etats-Unis et le monde qui émerge.

Qui osera dire dans la presse que DSK est une des pires erreurs de casting de Nicolas Sarkozy

Sylvain Dieudonné pour le Cercle des économistes e-toile.



Quelle réforme du système monétaire international ?

Toute réforme doit être associée à un diagnostic de ce qui ne va pas et à des objectifs clairs. Sinon, il ne s'agit que d'un jeu d'esprit ou d'une aventure.  L'objectif ne peut être que le plein emploi généralisé basé sur la croissance durable la plus rapide possible.

Allons à l'essentiel.

1. La question de la monnaie de réserve internationale

L'utilisation d'une monnaie nationale comme monnaie de réserve internationale a été la source de la plupart des difficultés depuis la fin des années cinquante. Rien ne vient garantir que la nation disposant de ce privilège considérera avoir la moindre responsabilité dans la prospérité générale. Le "benign neglect" dans la gestion du dollar a été de règle depuis le milieu des années 60 et a pris un aspect cynique avec la mandature de Reagan aux Etats unis.  Quelles sont les conséquences ? La nation concernée paie tout dans sa propre monnaie et se moque de ses déficits extérieurs. Ses déficits extérieurs sont structurellement le seul moyen que l'on peut trouver pour créer de la liquidité internationale.

Ce mélange de nécessité et d'arbitraire est par nature explosif.
 
Les pays excédentaires, globalement pour le même montant que les déficits, peuvent replacer leurs réserves dans cette monnaie.  Le déficit extérieur du pays émetteur de la monnaie internationale entraine ipso facto chez lui une création monétaire induite par le ce replacement des réserves.  Les banques centrales des pays excédentaires peuvent à leur choix créer en contrepartie de leur réserve des liquidités banques centrales  provoquant par le mécanisme du multiplicateur de crédit une hausse importante de la création monétaire et de la dette. On se trouve donc dans la situation où une double pyramide de crédits se met en place et le cercle vicieux de la création de dettes s'enclenchent, modéré par des crises périodiques de liquidité et de solvabilité  d'ampleur croissante.

Ces crises sont obligatoires.

Le taux de rendement marginal moyen des placements de la monnaie en excédent baisse et une masse croissante de crédits est aventurée. Une crise de solvabilité se déclenche qui enraîne la méfiance et une crise de liquidité. Ou la monnaie excédentaire part dans une bulle spéculative qui finit par éclater. Ou encore l'inflation galope sans pour autant pousser à la croissance de la production. 1974 et la stagflation, 1993, et l'explosion de la bulle immobilière sur les bureaux, 2000-2001 et l'explosion de la bulle sur les NTIC, 2007 et le blocage des liquidités puis l'explosion du système bancaire : chacun reconnaîtra la force du mécanisme sous jacent à l'oeuvre depuis les années 60. 

Ce mécanisme a d'abord fait sauter les accords de Bretton-Woods (les Allemands n'acceptant plus de créer de la monnaie chez eux du fait de leurs excédents). Ce fut la crise de 74. Finalement il a fait sauté le système mondial  quand la dette accumulée a fini par valoir des multiples du PIB des états. Nous avons le privilège de vivre ce moment intéressant. 


Si on accepte ce diagnostic, la solution devient simple : il faut renoncer à utiliser une monnaie nationale comme monnaie internationale.

Comment faire ? Là les solutions sont extrêmement nombreuses et il serait présomptueux d'en choisir une parmi plein d'autres. Il appartient à la négociation de faire apparaitre le champ des possibles.

L'étape obligée  est le passage par une unité de compte internationale indépendante d'une monnaie particulière. 

Il faut éviter évidemment de l'appeler DTS, chef d'œuvre de terminologie hypocrite. Nous  avons suggéré depuis le milieu des années 90 le nom de  Mondio. Mais nous n'avons pas de vanité d'auteur.  Le Bancor fait une référence obligée à l'or. Le Mondio  laisse plus de portes ouvertes.  

Sur la définition du Mondio plusieurs théories s'affrontent.

Certains pensent que le rôle de l'or doit être central.  Avec lui on est sûr de ne pas être dans la dépendance pour la création monétaire des bonnes idées intéressées des états.   Il est vrai également que le risque mille fois dénoncé d'une pénurie d'or ne s'est pas réellement matérialisé.   Les arguments en sens inverse  sont nombreux, à commencer par l'inégalité de la répartition du stock d'or et de la production d'or, donnant des privilèges  immédiats ou durables à certains,  dont la justification n'est pas évidente.  

En vérité un système de compensation des balances de paiements basé sur l'or est parfaitement possible.  Car l'or en fait ne circulera pas. On n'est nullement obligé de monnayer l'or pour les transactions courantes.  Il s'agit d'unité de compte. L'important c'est que les compensions se fassent dans une unité indépendante des parties et qui les obligent.

On peut  aussi  réserver une place à l'or dans un panier d'actifs comprenant d'autres ressources naturelles comme le pétrole, les métaux rares ou ce qu'on trouvera expédient d'intégrer. Ici encore le but est d'obtenir une référence théorique indépendante de la volonté et du pouvoir d'influence d'un seul acteur.

L'utilisation d'un panier de devises est également envisageable.  L'inconvénient est de fonder une construction administrative sur d'autres constructions administratives. La somme d'arbitraires est nécessairement arbitraire. Le ciment c'est bien. le béton armé, c'est mieux. Mettre quelques poutrelles  dans le mélange ne serait pas du luxe.  Et la discussion sur le panier de monnaies peut être âpre si certains ont des politiques monétaires agressives. Le Yuan sous évalué est mal venu.  Le dollar à l'abandon pose problème.

Notre solution préférée est un mélange entre monnaies et  biens réels dans une alchimie qui laisse la majorité aux biens réels.

L'important est de rendre impossible le replacement des réserves des créanciers vers les débiteurs. Celui qui veut accumuler des réserves ne gagnera rien. Il aura des réserves. Elles ne pourront servir qu'à augmenter la création de monnaie chez lui, stimulant l'activité et les importations , donc pesant en faveur d'un rééquilibrage de la balance commerciale et de paiement.  Le pays déficitaire de son côté ne bénéficiera plus d'un retour automatique de la monnaie internationale  perdue. Obligé de tenir un tant soit peu ses réserves, il sera obligé de freiner ses importations et de rétablir ses grands équilibres.

Ce mécanisme général doit s'accompagner de multiples réformes annexes  comme l'impossibilité pour les banques centrales de conserver dans leur réserve plus qu'un stock outil de devises autre que la monnaie de compte internationale.

Le FMI jouerait le rôle prévu par Keynes : il aide les pays qui se sont laissés prendre dans une glissade monétaire à sortir de la crise de liquidité sans passer automatiquement par une  déflation et une récession.  Rappelons que le but est toujours le plein emploi. Il faut éviter les ajustements durs et traumatisants.

Au total les déficits excessifs comme les excédents excessifs sont bannis. Mais les transitions pour un retour à la normale sont adoucies.

2. La question d es changes flottants.

On peut parfaitement imaginer qu'une fois la monnaie de compte internationale définie, on laisse les monnaies flotter.  Dévaluation  des uns et appréciations des autres auront tendance à s'équilibrer sans remettre en cause la valeur pivot de l'unité de compte.  Les mouvements de capitaux n'auront plus la même capacité à contrarier le retour à l'équilibre des balances  déséquilibrées.

Néanmoins nous sommes favorables  à une système de change fixe et ajustable par consensus.

La raison en est double.

L'engagement des états dans la stabilité de leur monnaie, définie par rapport à l'unité de compte internationale et non pas en comparaison avec un indice des prix  plus ou moins arbitraire, est nécessaire. La monnaie n'est pas uniquement le fait des banques centrales. C'est un bien d'état et sa valeur dépends non seulement des politiques monétaires mais aussi du budget et des politiques économiques suivies.   Le double engagement des banques centrales et des états sous la supervision d'une autorité internationale  est de nature à mieux garantir la pérennité du système. On a vu que les banques centrales, garantes de la solidité de place des banques n'ont pas été capables de juguler l'immense gonflement des bilans des banques  et que les états ont été obligés de sauver le système avec l'argent des contribuables.

Le système qui veut que les banques dépendent exclusivement des banques centrales et de leur surveillance,  et que le seul  objectif des banques centrales soit la valeur interne de leur monnaie par rapport à un indice des prix à la consommation  a montré ses déficiences structurelles.

On ne peut pas le sauver.

L'autre raison est que les changes flottants entraînent l'ensemble des économies dans la spéculation et fondent l'économie-casino.  La double spéculation sur l'objet du contrat et la monnaie dans laquelle il est libellé implique des montages complexes et rapidement indéchiffrables. La plupart des spéculations  faites par des opérateurs suréquipés d'ordinateur et de logiciel ad hoc n'ont aucun intérêt collectif et créent  des mouvements parasites extrêmement dangereux.

On n'a pas le chiffre car il  n'est pas, hélas,  collecté par les instituts de statistiques.  Mais l'impression qui se dégage des discussions avec les opérateurs laissent penser qu'environ 80 à 90% des transactions sur les marchés des changes sont déclenchées non pas par des ordres des acteurs de l'économie réelle mais par des ordinateurs programmés pour jouer sur les écarts permis par la flottaison et la continuité des cotations. La spéculation robotisée n'est pas l'avenir de l'économie mondiale mais une source d'inquiétude. Comme le recommandait Maurice Allais il faut aller  sur tous les marchés vers la cotation unique quotidienne et réduire d'une magnitude la complexité  des contrats.

Le monde a les moyens de casser les reins de la spéculation mondiale sur les monnaies. On peut notamment interdire la spéculation sur le cours des monnaies et les dévaluations. Le "short" sur les monnaies façon Soros avec la Livre sterling naguère doit simplement être interdit. Ce genre de mesures ne doit pas faire peur.   

La question qui demeure est la faisabilité géopolitique  d'un schéma allant dans le sens de nos préconisations.

Les Etats-Unis  ne veulent pas perdre le privilège du dollar qui signerait pour eux une double défaite économique  et politique.  Les Etats Unis jouent largement les gendarmes du monde avec du dollar galvaudé.  Sans dollar ils sont impuissants à continuer dans ce rôle. L'Occident qui a délégué aux Etats Unis leur défense sont-ils prêts à changer de politique ? Les Etats-Unis sont ils décidés à abandonner ce rôle ?  Ces questions ne sont pas minces et pèsent sur l'acceptabilité de nos solutions.  On voit que partant de la monnaie on aboutit à rééquilibrer l'OTAN et ses financements.  La question de la monnaie a  des ramifications surprenantes.

La Chine est-elle prête à abandonner sa politique mercantiliste d'accumulation de réserves  tout en freinant  son expansion intérieure ou en la gérant avec des stop and go perturbateurs ?  Dans un accord général elle serait doublement obligée de changer de politique : elle ne pourrait plus accumuler des excédents imbéciles ; elles ne pourrait plus garder une monnaie dévaluée de façon caricaturale.  Elle doit être mise devant cette réalité incontournable : pas d'accès au monde sans respecter les autres et se plier aux  règles communes  !  Le monde a le pouvoir de faire plier la Chine.  Si le monde établit un droit de douane augmenté de 50% sur les produits exportés par la Chine et interdit les mouvements de capitaux vers la Chine,  après avoir redéfini leur propre système de relation monétaire sur une base très dévaluée, la Chine fait quoi  ?  Elle perd ses réserves et le moteur de sa croissance.  Et la face.

L'Europe  est très mal placée dans la nouvelle donne. Son schéma d'organisation est défaillant. La monnaie est extra nationale, fondée sur un seule objectif de niveau des prix à la consommation,  et il n'y a pas de gouvernance économique européenne.  La réforme que nous proposons met à nu ces carences. Il est vrai qu'elles sont tout aussi à nu dans le système actuel.  Mais s'il faut une conjonction harmonisée des politiques d'état et de banque centrale pour maintenir stable la valeur externe  d'une monnaie , le cadre européen  actuel est totalement antinomique.

La stabilisation générale des monnaies dans le système proposé serait pourtant  très utile à l'Euro, un ilot de fixité dans un océan de fixité vaut mieux pour cette monnaie qu'un ilot de fixité dans un océan de flottement.

La défense extérieure d'une monnaie étant l'affaire conjointe de la banque centrale et de l'état, l'Europe ne saurait échapper, sauf à en finir avec l'Euro, à une forme de gouvernance  économique européenne. La gestion par les normes ne suffit plus. C'est l'ensemble des moyens étatiques qui sont mobilisés dans une politique de défense de la valeur externe d'une monnaie.

En contrepartie l'Europe cesserait d'être" l'homme malade" du monde et victime expiatoire  du combat Chine- Etats-Unis.  Les produits devant finalement s'échanger contre des produits , son industrie cesserait d'être  perdante.

Au total ces réformes donnerait un monde fondé sur la parité des états et non plus sur l'affrontement des grands sauriens.

Elles permettraient de restaurer presqu'aussitôt le commerce international.  

Elles éviteraient le gonflement indéfini des endettements.

Elles mettraient fin à l'économie casino. 

Elle interdirait les grands déséquilibres commerciaux et financiers internationaux.

On notera qu'on ne revient en rien en arrière. Il n'y a pas régression vers un état antérieur mais construction de l'avenir.

Ces débats devraient former le cœur des discussions internationales et être au centre des débats nationaux.

On vérifiera qu'on en est loin. Et il est triste d'avoir à compter sur la loi d'airain de l'échec pour voir ces idées avancer.  Rappelons que nous entrons dans la quatrième année de crise.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.



Le futur discours inugural de Sarkozy au G.20

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes réunis à un moment très particulier de notre histoire récente. Depuis juillet 2007 et le blocage du marché interbancaire, le monde est en crise. Les troubles financiers ont culminé en septembre 2008 entraînant la plus grande récession depuis les évènements tragiques de 1929.  Les conséquences ont été dramatiques : des millions d'hommes ont été confrontés à un changement majeur de leurs conditions de vie. Les Etats sont désormais alourdis par des endettements colossaux  et ont perdu beaucoup de leur marge de manœuvre.  L'activité est basse et incertaine partout dans le monde et inquiétante dans les pays développés.   

Ce G.20 a fait preuve  dès qu'il a été réuni  après l'éclatement financier, du meilleur esprit de coopération. Tous ses membres ont parfaitement compris que sans coordination et sans esprit d'unité, la récession tournerait à la dépression. Nous avons évité à ce jour cette funeste évolution.  Mais rien n'est gagné. L'inquiétude est partout devant une reprise économique réelle qui ne vient pas. Des tensions peuvent être constatées partout et sur tous les fronts.

Notre mission aujourd'hui est d'éviter que la stagnation s'installe dans l'instabilité générale avec des risques évidents de crispation et de mesures à l'emporte pièce destructrices du fragile équilibre actuel.  C'est notre urgence d'aujourd'hui. En même temps, nous devons absolument éviter le retour d'une pareille crise et corriger tout ce qui est à la source du malheur qui nous frappe depuis maintenant trois longues années.

L'explication de la crise doit être au cœur de nos raisonnements.  Sans diagnostic exact pas de thérapeutique efficace, ni à court, ni à long terme.

Ce diagnostic peut-il être formulé avec un certain degré de certitude ? Heureusement oui. 

Le monde a essayé depuis 1971 et la destruction du système de Bretton Woods une formule d'organisation monétaire nouvelle, qui jamais dans l'histoire n'avait été essayée : les changes flottants avec une monnaie de réserve internationale appartenant à une nation particulière.

Dès l'instant où cette formule a été mise en place, les "trente glorieuses" de la croissance presque continue, se sont évaporées.  Les années 70 verront ce qu'on a appelé la stagflation, c'est-à-dire une inflation à deux chiffres avec une stagnation économique de longue durée et de très graves difficultés pour ne nombreux états.  Tout cela se terminera au début des années 80 par une récession provoquée afin de mettre fin à  la dérive des prix.

Les années 80 ne seront guerre meilleures. Certes, on constatera pendant deux trois ans une forte reprise économique mais elle débouchera sur une bulle financière et immobilière de grande ampleur  qui finira par exploser et entraînera la crise de 92-93 qui, déjà, était la plus violente depuis la crise de 1929.

La décennie 90 sera traversée de crises financières et monétaires violentes, dont la crise dite "des pays émergents" fut l'acte le plus représentatif.  Des politiques monétaires laxistes ont permis  alors de surmonter ces crises mais au prix de nouvelles bulles et d'une nouvelle récession internationale au début des années 2000.

A nouveau il a fallu ouvrir toutes les vannes de la création monétaire pour tenter de la  surmonter. Nous avons à peine eu le temps  de revenir à une certaine normalité que cette fois ci le système financier et monétaire mondial explosait.

Le système de monnaies administrative et de changes flottants que nous avons mis en place de façon un peu aventurée à partir 1971 n'a jamais fonctionné. Et après quatre décennies d'échec, on peut légitimement craindre qu'il ne fonctionne jamais.  

Il est vrai que l'abandon  des dispositions de l'accord de Bretton Woods n'a pas été provoqué par des considérations doctrinales. Les changes flottants n'étaient pas un système recommandé par la science économique unanime. La simple consultation des grands manuels d'économie de l'époque montre que l'hypothèse des changes flottants était à peine évoquée, jamais conseillée.  On se contentera donc des affirmations d'un seul auteur qui affirmera que ce système aurait de merveilleuses conséquences : diminution des réserves de changes et moindre stérilisation du capital ; répartition optimale des capitaux mondiaux ; convergence des taux d'intérêt,  absorption plus souple des chocs externes, stabilisation d es taux de changes.
    
Ces  prévisions apparaissent aujourd'hui comme des fariboles. Jamais les réserves de changes n'ont été aussi hautes dans tous les pays ; jamais les écarts de taux d'intérêt n'ont été plus importants ; jamais les capitaux ont été plus dévoyés qu'aujourd'hui dans des opérations purement spéculatives  au détriment de la création de richesses ;  jamais les changes n'ont été plus volatils.

Les changes flottants n'ont jamais produit les effets heureux annoncés. En revanche, que d'effets pervers !

La conjonction des changes flottants et d'une monnaie internationale de facto basée sur une monnaie nationale a entraîné l'apparition de mécanismes délétères qui ont sapé l'équilibre de l'économie mondiale.

Le phénomène le plus grave est celui de la double pyramide de crédit décrit par le grand économiste Jacques Rueff et confirmé par le prix Nobel d'économie Maurice Allais.  La monnaie dominante pour  être utilisée mondialement supposait des déficits extérieurs permanents de balance de paiement , dont le financement ne pouvait se faire que par des souscriptions venant  de pays excédentaires.  Un tourbillon s'est ainsi créé où les pays excédentaires recevaient  des avoirs contre lesquels ils battaient monnaie locale mais ces réserves étaient aussitôt replacées dans le pays émetteur où ils justifiaient une nouvelle création monétaire.  

Cette valse dangereuse a eu des conséquences mortifères :  la première est le gonflement partout de l'endettement. A la veille de la crise de 2007, l'endettement global dans la majorité des pays importants dépassait les 300% et pouvait atteindre de taux encore plus importants chez certains.  Il est évidemment impossible de gérer durablement des taux d'endettement pareils.

Le système financier a, au moins dans un premier temps, fortement bénéficié de ce gonflement gigantesque de l'endettement : c'est lui qui le sert !   On a vu les résultats du secteur s'envoler et avec lui le niveau des rémunérations de ses personnels qui est devenu rapidement  indécent.  En même temps les changes flottants ouvraient la possibilité d'une économie casino  d'une  complexité toujours croissante.  La spéculation et l'importance des aléas nouveaux  ont entraîné une imagination technique non maîtrisée avec la création de  contrats de plus en plus obscurs et dangereux.     

Plus on augmente les prêts, plus ceux-ci sont spéculatifs, moins ils n'ont de sens dans l'économie réelle.  On ne peut pas avoir un système financier qui prend l'ascenseur pendant que l'économie réelle prend l'escalier.

Tous ceux qui avaient observé et compris ces mécanismes, à la vérité tellement massifs qu'on se demande comment ils ont pu être ignoré par le plus grand nombre des observateurs,  ont annoncé que l'explosion arriverait et qu'elle serait terrifiante.

Si le marché interbancaire s'est bloqué c'est bien entendu parce que chaque  banques savait que ses consœurs étaient comme elle-même gorgées de prêts aventurés, complexes, à l'issue incontrôlable.  Du jour où le système bancaire fut miné par la méfiance il était voué à s'écrouler et il le fit en moins d'un an.

Le monde ne peux plus fonctionner sur la base des changes flottants et d'une monnaie internationale qui soit celle d'une seule nation, qui a  théorisé la négligence qu'elle affecte et qu'elle pratique des conséquences internationales.  Quarante ans d'échecs et de crises pour aboutir  finalement à  une explosion dévastatrice  jugulée à grand peine  ont tranché la question. Cela suffit ! Stop !

Bien sûr, "la tyrannie de l'existant" pousse en ce sens, on peut essayer de juguler les conséquences sans travailler sur les causes.

C'est ainsi qu'on peut essayer d'encadrer le système bancaire pour que les prêts ne gonflent pas dans la double spirale décrite par J. Rueff.  C'est essayer de mettre un couvercle sur un volcan en gênant les financements d'investissements utiles sans empêcher les financements spéculatifs inutiles.

C'est ainsi qu'on peut tenter de réduire le caractère spéculatif , complexe et obscur de la finance internationale.  Mais cette complexité est liée à la complexité intrinsèque d'un système où les monnaies valsent en permanence. et où pour chaque transaction il faut s'inquiéter de l'évolution d'un marché particulier et des monnaies impliquées dans la transaction.  La complexité est un produit dérivé des changes flottants.

C'est ainsi qu'on peut tenter de fixer des règles quantitatives pour éviter que les déséquilibres dans un sens où un autre 'ne dépassent pas une certaine proportion du PIB, par exemple 4%. Mais si on conserve une monnaie nationale comme monnaie internationale , la nation concernée sera en déficit de paiement permanent et  de grande ampleur à proportion de la croissance mondiale. On sait que la crise est au bout. 

Toutes ces mesures trouveraient leur pleine efficacité si on supprimait d'abord la cause des difficultés.  Mettre en place un système de change fixe attaché à une monnaie internationale qui ne soit pas en même temps  une monnaie nationale,   avec des disciplines de type du premier accord de Bretton Woods, mais cette fois ci effectivement  supervisées, voilà la vraie solution.

Dès qu'un pareil système sera mis en place nous verrons disparaître l'économie casino, la guerre des monnaies, le gonflement imbécile de l'endettement, la complexité des  produits financiers, les sur rémunérations du secteur financier et l'instabilité générale .

Aussitôt la coopération remplacera les différentes guerres commerciales et monétaires et aussitôt le plein emploi partout pourra être recherché collectivement.

Oui, le G.20 a une fonction essentielle  : permettre la coopération en vue du plein emploi. Partout. Croire qu'on pourra gagner durablement des emplois en les arrachant aux autres est une folie.  Croire qu'on peut installer durablement le monde dans un sous emploi chronique sans conséquences, une faute morale et intellectuelle. Il faut une croissance concertée avec une responsabilité des états  vis à vis des engagements internationaux.   Cela passe aujourd'hui  prioritairement par la réforme du système monétaire international.

En s'attachant dès aujourd'hui à cette tâche exaltante le G.20 enverra quelques signaux forts au monde.  Il prouvera qu'il a compris les causes de la crise actuelle. Il prouvera que la solution est à portée de la main. Il rétablira immédiatement la confiance tout en mettant fin aussitôt à la spéculation effrénée et mortifère que nous connaissons sur les monnaies.  

Notre responsabilité est grande. Exerçons là, pleinement, avec courage et lucidité, ici et maintenant !

pcc  Didier Dufau



Maurice Allais : souvenir d'une conversation aux effets durables

J'ai rencontré Maurice Allais une fois.

J'élaborais  alors une thèse de doctorat sur la "prévision à long terme". Je rencontrais des difficultés croissantes avec mon responsable de thèse, Bertrand de Jouvenel, car plus j'avançais plus je constatais qu'elle était impossible, cette prévision à long terme. Finalement nous nous séparerons lorsque je proposerais le titre "la prévision à long terme : un impossible espoir". Mais avant cela il fallait épuiser toutes les sources disponibles. Un collègue me dit : "Va voir un certain Maurice Allais. C'est un original. Mais au moins il te dira si les mathématiques sont capables de régler la question des prévisions à long terme : c'est un polytechnicien".

Par acquit de conscience je me présentais un matin à l'école des Mines où on m'avait dit qu'il exerçait. Nous étions début 1968, à une époque où le système de Bretton Woods commençait à se défaire mais avant les "évènements" que personne à ce moment là n'imaginait. Maurice Allais n'était pas très connu du grand public.  Je voulais simplement déposer le mot que j'avais préparé pour solliciter un entretien. L'appariteur me dit d'attendre un moment. Quelques instants plus tard Maurice Allais était là.

Il était dans la force de l'âge mais son port était déjà celui d'un académicien.  Il n'avait pas lu mon texte et me demanda ce que je lui voulais. Je l'expliquais en deux mots.

"Alors marchons", dit-il. Nous sortîmes sur le boulevard St Michel et prîmes la petite porte qui ouvre sur le Luxembourg, un peu plus bas.  Nous fîmes en 20 minutes un tour qui nous vit sortir par la porte donnant sur l'Observatoire avant de revenir à l'entrée de l'école des Mines.

Maurice Allais était à la fois impressionnant et extrêmement civil, sévère et accueillant. Tout était paradoxe en lui. Je souhaitais lui poser des questions. C'était lui qui ne cessait de me questionner.  On m'avait parlé de son approche mathématiques, il parlait psychologie et sociologie.  Il était de réputation  un théoricien et il abondait en réflexions pratiques. Son apparence était hiératique mais ses propos étaient emplis de passion.

Quelles sont les leçons que j'ai consignées après cette péripatétique expérience ? Elles me paraissent encore aujourd'hui d'une brulante actualité.  J'en cite quelques unes :

- La prévision à long terme est impossible même avec des outils mathématiques sophistiqués (il m'annonçait cela benoitement après que je lui ai indiqué  mon sujet de thèse : la vérité n'avait pas à s'encombrer de contingences aussi minces que mon désespoir devant le temps perdu !).

- La méthode Delphi est une sottise : concaténer des opinions fausses ou incertaines ne donnent aucune vérité (elle est aujourd'hui utilisée sous la forme du "consensus d'experts" dont on sait ce qu'il vaut notamment pour les prévisions boursières et les prévisions conjoncturelles).

- L'économie est une affaire de sociologie et de psychologie. Mais la sociologie et les comportements peuvent être mis en équation.

- La monnaie est l'affaire économique centrale et ses lois sont liées à la nature humaine profonde qui prise collectivement présente des constantes mesurables.

- La monnaie est une affaire trop importante pour être confiée aux banquiers et aux inspecteurs des finances qui monopolisent le domaine en France. Exception : J. Rueff, lui aussi polytechnicien...

- Le cycle des affaires existe ; il est une fonction de la capacité d'oubli des agents économiques. Son relais principal est la monnaie  via le comportement des offreurs de crédits bancaires et des porteurs d'encaisses.  

- L'économie ne saurait être une science sans quantification et sans abstraction. Elle doit fonctionner  comme toutes les autres sciences. Partir des faits est essentiel. Mais les faits ne sont perçus qu'à travers des concepts. Des concepts faux donnent une statistique inutilisable.  

Ceux de nos lecteurs fidèles reconnaitront sans difficulté  certaines de nos idées force...Elles murissent depuis 40 ans !

On présente parfois Maurice Allais comme un penseur sectaire. C'était tout le contraire. Il voulait que le modèle coïncide avec la réalité. Sans preuve expérimentale une théorie ne vaut rien. Beaucoup se sont mépris du fait du caractère volontiers altier et catégorique  de sa manière d'exposer les certitudes nées de ses travaux. On lui fait procès de théories un peu tirées par les cheveux ,"far fetched" disent les anglo saxons,  voire complètement lunatiques. Il est vrai que lorsque je l'ai entendu expliquer que les structures foncièrement périodiques de la nature conditionnaient notre manière de se souvenir et que les ondes dans lesquelles nos cerveaux baignent étant périodiques, c'est elles qui influencent le caractère cyclique de l'économie, j'ai senti en moi comme une réticence. Mais il admettait qu'il s'agissait d'hypothèses. La science n'est qu'une suite d'hypothèses dont seules celles qui fonctionnent demeurent. Sans hypothèses imaginatives pas de sciences.

C'est la seule rencontre que j'ai eu avec Maurice Allais. J'abandonnais peu après le sujet de thèse que m'avait suggéré  Bertand de Jouvenel : Allais avait raison, la prévision à long terme n'avait aucun sens ! La discipline finira par tomber dans l'oubli. Maurice Allais avait raison.

J'ai acheté tous les ouvrages d'Allais accessibles en librairie au fur et à mesure de leur parution. Son prix Nobel ne m'a pas surpris. Il était amplement mérité par ses travaux sur la théorie quantitative de la monnaie, même si les Nobels se sont décidés sur d'autres travaux, qui, à mon sens n'ont pas la même portée.  

Bien qu'il ait connu tous les honneurs, j'ai été surpris de constater qu'en France il n'était reconnu en rien, pour ainsi dire marginalisé. A un âge où beaucoup s'écartent des soucis de la vie publique, il a accepté d'entrer dans la mêlée.  Il l'a fait de façon tonitruante avec la certitude d'avoir raison et une profond dégoût de voir que, lui, le seul Nobel Français, était tenu pour un hurluberlu.  Sa contestation des changes flottants, de certaines pratiques des banques, de la disparition du tarif extérieur commun a toujours été parfaitement documentée et argumentée. C'est ce que j'aimais en lui : la capacité d'oser anticiper sur le futur, de prendre le risque d'être désavoué par les faits. Nous avons une collection d'économistes français ou taiseux ou champions de la rétrospective sans risque qui ne méritent que le dédain. Allais aura été quasiment le seul à prendre le risque d'annoncer des scénarios avant qu'ils ne produisent leurs effets. Grâce lui soit éternellement rendue pour ce courage.

Il n'a pas été compris. Bientôt des excités  ont exploité la réputation du Nobel pour cautionner leurs petites boutiques. On l'a vu Lepéniste, Larouchien,... En vérité il était Allais, un penseur libre mais qui avait compris que la profonde césure idéologique en France ne rimait à rien.  On se méprend généralement sur sa formule, tardive,  selon laquelle il était un libéral socialiste. Il voulait simplement dire que ce qu'il enseignait était indifférent aux doctrines et aux idéologies dominantes.  Si la monnaie était un bien collectif qui ne devait pas être laissée entièrement aux mains des banques, cela ne voulait pas dire qu'il était collectiviste. Si un certain protectionniste était nécessaire pour éviter des effets contreproductifs d'un commerce entièrement libre entre pays de niveaux de vie totalement différents et de niveaux de règlementations également différents, cela ne voulait pas dire qu'il était pour les monopoles et les mauvais coups portés au commerce par des gouvernements favorisant ses champions et des structures nationalisées obsolètes.      

Maurice Allais voulait le bien commun ; il était insensible aux idéologies ;  il pensait que l'observation était la seule maîtresse acceptable ; il croyait que lorsqu'on était sûr de ses théories il fallait en faire profiter le plus grand nombre.

Bien sûr il pouvait se tromper. Nous avions relevé en 1998 qu'il se trompait une fois de plus  sur la date de la grande crise qu'il prévoyait, comme il s'était trompé sur la nature de la crise boursière de 87. Nous pensions que cette grande crise surviendrait 18-20 ans après la crise de 1991-93, en application de notre théorie du cycle.  Mais qu'elle était en effet inévitable pour les raisons qu'il professait, et d'autres qui l'avaient été par J. Rueff. Curieux que les deux penseurs en économie dont les observations sont critiques pour mener une analyse pertinente de la situation d'aujourd'hui soient deux Français, polytechniciens et académiciens, qui ne furent des économistes qu'autodidactes et par passion personnelle et non de formation. Curieux que l'un comme l'autre attinrent les honneurs les plus élevés mais furent pratiquement rejetés, niés, oubliés par les médias saisis tout à coup par ce réflexe de dominés d'aller chercher leurs auteurs économiques à l'étranger, un des signes les plus sûrs d'une décadence dans l'ambition et la vitalité nationales.   

La crise qu'Allais anticipait parce qu'en effet "ce qui doit arriver arrive", est survenue en 2008. Nous l'avons prévue  et annoncée en détail aussi bien dans son calendrier que dans sa force dès 2006.  Maurice Allais s'était trompé deux fois. Il s'est tu cette fois là, concentrant son combat, à plus de 90 ans, sur le libre échange. Dommage ! Il aura fallu qu'il meurt pour qu'on s'aperçoive tout à coup que tout ce qu'il enseignait était au cœur des problématiques actuelles.

Le traitement infâme et injuste  de la presse quotidienne nationale nous avait conduit à stigmatiser assez durement l'article du Monde de 98  rendant compte du livre d'Allais  annonçant une future crise de type 1929  et qui se concluait sur un "nous voilà averti" bêtement ironique. Les mécanismes décrits par Maurice Allais étaient peu contestables même si nos explications étaient sur certains points divergentes. Ils ne méritaient ni ironie facile ni mépris. Le Figaro lui ne risquait pas d'être attaqué sur ses commentaires  : il avait retiré à Maurice Allais la tribune qu'il lui avait offert un temps et ignorait superbement ce qu'il avait à dire. L'occultation est toujours plus efficace que la critique morveuse.

Allais  a découvert la force terrible des tabous que même un Nobel français couvert d'honneur ne pouvait vaincre. Sa dernière interview à Marianne est terrible : le bal médiatique des économistes ignorants existe bien. Le fait qu'ils n'aient rien vu venir de la crise ne les empêche pas de pérorer toujours et encore. Et parfois ils ne sont pas seulement ignorants : ils trompent le monde sciemment.

C'est un thème qui nous est familier.

Que les médias aient réduit Maurice Allais au silence, notamment la télévision qui forme désormais l'opinion , est une grande faute.

Qu'on nous permette d'affirmer que c'est une des raisons de la création de notre Cercle et de notre blog. Il importe que des questions clés non abordées dans la presse ou travesties soient discutées par des économistes indépendants dans le langage du grand public.

Nous admettons avec plaisir et même honneur que nous nous situons dans le sillage de Maurice Allais, même si nos thèses sont parfois  différentes et à l'occasion opposées.

Quarante ans après, le tour du jardin du Luxembourg avec Allais produit encore sa petite musique.

Les changes flottants sont morts. C'est l'heure d'un nouveau Bretton Woods.

Certes une hirondelle ne fait pas le printemps. Mais l'article d'un certain Anatole Laletski,  notre alter ego, chief economist d'une institution de Hong Kong, sur quatre colonnes de la page Editorial Opinion du New York Times du 28 septembre 2010 marque plus qu'une inflexion vers les thèses que nous ne cessons de défendre ici.

Que dit-il ?

Que désormais les changes ne sont plus fixés par le marché mais par les Etats.

Que la domination intellectuelle de l'idéologie des marchés financiers internationaux libres et sans entraves est terminée.  

Que cette réalité est irréversible.

Qu'il y a un avant et un après Lehman brothers et que plus aucun Etat notamment en Asie ne fait confiance  aux spéculateurs internationaux pour offrir une rationalité économique  quelconque. Si les marchés sont incapables de régler la petite question du marché hypothécaire aux Etats Unis, pourquoi voudrait-on qu'ils soient à même de résoudre les mille difficultés de la croissance mondiale ?

Donc les Etats sont là pour intervenir et ils le font en masse. Et ils continueront à le faire en masse. Ce n'est pas la Chine qui cessera de "manager" la valeur externe de sa monnaie. Mais l'ensemble des autres qui s'y mettront.

La preuve : après la Corée qui a (dès septembre 2008 NDLR ) dévalué massivement sa monnaie, après Singapour qui a une politique monétaire très précise, voici que le Japon n'hésite plus à braver les interdits américains et vient de faire baisser sa monnaie en mettant en ligne des moyens colossaux.

Nous avons écrit nous même il y a déjà quelques temps que les Etats seraient très naturellement au cœur des nouveaux processus économiques extérieurs ( voir http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2010/5/16/Crise-mondiale--pas-de-vraie-solution-sans-les-Etats.).  Nous voyons bien que la valeur de l'Euro est entièrement entre les mains des différents Etats qui mettent des moyens colossaux pour éviter son éclatement avec comme résultat une nouvelle hausse, d'ailleurs totalement contreproductive. Nous constatons que les Etats-Unis laissent à nouveau filer leur monnaie.

En un mot, la monnaie et le change sont des réalités trop importantes pour faire semblant de croire qu'on peut les laisser aux seules forces de la spéculation.

L'ennui c'est que l'auteur, après avoir justement décrit les nouvelles attitudes et les nouvelles pratiques, oublient de dire  que ces actions de pure guerre économique ne peuvent conduire qu'à un renouvellement du drame de 1929.  Oui les monnaies sont et seront managées mais elles doivent l'être de concert.

Les Etats-Unis avaient imposé un non système par voie de fait : je laisse flotter ma monnaie, je suis le plus fort, adaptez vous, moi je m'en fiche.  Finalement la Chine a répliqué en imposant sa politique mercantiliste : "tu fais ce que tu veux mais moi je m'aligne sur toi à un niveau de dumping".  Le "benign neglect" fait boomerang et les Etats Unis se retrouvent sans compétitivité internationale et sans emplois industriels avec des dettes colossales et  un chômage jamais vu depuis la crise de 1929.  La Chine ne sait plus quoi faire de ses réserves et commencent à prendre peur. Elles réagit en puissance et non pas en économie mondiale diversifiée dont les entreprises travailleraient leurs différents marchés. Elle achète des immensités agricoles ; elles verrouillent ses ressources rares ; elles paye la corde du futur pendu.

En même temps l'Europe s'est enfermée toute seule dans une pseudo doctrine qui voudrait que la monnaie est le fait d'une banque centrale indépendante chargée uniquement de veiller sur les prix de consommation, les Etats étant là comme caution bourgeoise et étant priés de pratiquer une politique de sous emploi pour crédibiliser l'affaire.

Nous avions écrit dès janvier 2008 qu'il fallait d'urgence stabiliser le système monétaire international avant que cette effroyable machine à fabriquer des déséquilibres n'entraine le monde vers la panique et la dépression (voir par exemple http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2008/10/1/Panic-will-be-the-rule-and-depression-the-only-result). Nous avons suggéré dès l'explosion du système en septembre 2008 qu'une des première mesure à prendre était de réunir d'urgence une vraie conférence de type "Bretton Woods".

Les Etats n'ont voulu jouer que sur leur propre sphère de pouvoir : manipuler leur monnaie et leurs budgets.  Résultats tous les Etats sont en déficits incontrôlables exigeant des mesures correctrices d'urgence. Le commerce mondial n'a toujours pas repris sur une base saine et dépends des plans de relance des uns et des autres, avec des pénuries et des hausses spéculatives partout, car la spéculation n'a pas été jugulée.  Pratiquement partout on craint pour sa monnaie. La Suisse et le Japon ne veulent plus de leur super monnaie qui tue leur économie.  L'Euro craint sa dislocation et l'Europe se maintient dans un déséquilibre de sous emploi massif pour le sauver.  Les américains fuient à nouveau en masse le dollar qui s'effondre à nouveau.

En un mot le front monétaire international est au centre de la poursuite de la crise mondiale. Nous ne sommes pas des partisans farouches des comparaisons historiques. Mais on notera tout de même que c'est exactement ce qui s'est passé en 1932-33. Le jeu de quilles sur les devises allait faire sombrer l'économie mondiale.

Il faut acter que la théorie bidon des changes flottants ne marche pas. Les changes flottants ne marcheront jamais. Ils ne l'ont jamais fait. Ils sont à la source de la majorité des difficultés que l'on connait. La praxis  ignore désormais ses recettes.  Le système de devises flottantes gérées par les marchés sous la houlette de banques centrales  prétendument indépendantes est mort comme modèle.   

Il faut accorder le droit à la pratique. S'il n'y a plus de marchés libres de devises, c'est qu'il faut créer autre chose. Car la guerre des Etats via leur monnaie n'aboutira à rien de bon. Seule la coopération des Etats autour d'une système de changes fixes mais ajustables remettra l'économie sur les rails.

Dès que les Etats partageront les même objectifs (croissance et emploi d'abord, pas de déséquilibre monstrueux, par de politiques mercantiliste, pas de benign neglect, nulle part)   et des principes sains (pas de déséquilibre des droits dans les institutions, pas de politique bonne pour, les uns et pas pour les autres, sanctions identiques pour tous), alors le commerce mondial reprendra une direction, alors les produits s'échangeront contre des produits et non contre du papier toxique,  alors les politiques seront au service des économies et de l'emploi et non pas de la spéculation.  

Le 13 juillet 2008 nous écrivions sur ce blog :

"Nous répétons aujourd’hui : la conjonction du retournement cyclique et du pourrissement des institutions financières et monétaires internationales  créent une situation explosive.
On ne peut en sortir qu’en RECONSTRUISANT  le système monétaire international. Et en s’accordant sur d’autres schémas de développement que la capture de l’industrie mondiale par la Chine et symétriquement  de la consommation par les Etats-Unis,    en faisant fondre le couple monétaire dollar-Yuan.  Espérons que la leçon sera comprise avant qu’une crise majeure force la réforme au prix de grandes souffrances dans le monde entier.  Il faut mettre fin au système des changes flottants, au dumping chinois et à la folie financière des Etats-Unis. Un nouveau « Bretton-Woods » est nécessaire. Maintenant. Pas dans dix ans."

Oui, vous avez bien lu. Ces recommandations datent du début de l'été 2008. Elles ne faisaient que reprendre avec une intensité plus grande et un sentiment d'urgence plus aigu  des avertissements répétés depuis le début de 2008. Elles n'ont pas été faites après  coup. Les prévisions sont tout de même plus sérieuses quand elles sont faites avant ! Autant pour ceux qui nous expliquent  comme dans Le Monde de ce Lundi via plusieurs articles que la crise était vraiment imprévisible. Quelle ignorance ! Quelle nullité !   

Nous sommes en septembre 2010. Les idées qui justifiaient (pour les peu exigeants) le système ancien sont mortes. Mais la reconstruction n'a toujours pas commencé.  Les réunions du G.20 ne devrait pas avoir d'autre objectif que cette reconstruction. Le FMI ne devrait pas avoir d'autres ambition que d'en être l'architecte.  La France présidente du G.20 ne devrait avoir qu'une seule obsession :  construire une concertation économique mondiale via les changes et le respect des grands équilibres.  Et pour cela il faut éviter d'affirmer en déclaration liminaire  : "Je n'ai pas dit que je voulais des changes fixes " !   

Ces réformes auraient du être faites dès septembre 2007 lorsque le marché interbancaire s'est révélé bloqué. On a raté l'étape cruciale de 2008, provoquant des désastres sociaux évitables. Alors que l'on agisse maintenant : tout est désormais clair ! Les peaux mortes du non système actuel flottent à la surface. Il faut les arracher définitivement et refaire l'habillage de l'économie monétaire mondiale. Le ridicule de la politique qui a simplement consisté à toiletter  les agences de notation, les primes de banquiers, et les règles comptables est achevé.  

Il faut aller à l'essentiel.  Maintenant. Que le G.20 recrée un système de changes fixes et ajustables sur les bases nouvelles requises par la situation ! Il n'y a rien au monde de plus urgent !

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Bilan du gouvernement Fillon (2)

Nous avons examiné la politique suivie à l'aune des promesses initiales. La Grance récession est survenue, remettant tout en cause et offrant un défi  considérable. Peut-on juger la politique qui a été suivie pour le relever ?

Lorsqu'une catastrophe frappe, on demande aux autorités d'une part de faire face à l'urgence et d'autre part de se mettre en position de ne jamais plus subir, si possible, sinon des évènements du même genre mais des conséquences aussi fâcheuses.

Paradoxalement, si le gouvernement a été totalement inconscient de la crise jusqu'au début de l'été 2008, les remontées vers la tête de l'état du drame qui commençait à se jouer dans les banques se sont multipliées à partir de ce moment là.  On a vu les principales banques vendre en masse leur titre dans les comptes qu'elles géraient pour les particuliers dans l'espoir de tenir leur cours qui commençaient à dégringoler.

L'hystérie qui avait frappé les marchés mondiaux de capitaux au premier semestre se retournait à toute vitesse d'autant plus qu'en Europe la BCE avait remonté ses taux (une mesure qui restera dans l'histoire comme l'exemple du plus manifeste contre temps). La BCE avait cru qu'il y avait une simple effervescence spéculative alors qu'il s'agissait d'un épisode de plus du tremblement de l'immense masse de dettes accumulées partout par les mécanismes pervers du système monétaire international actuel et les réponses délirantes d'Alan Greenspan et de Bernanke.  Il n'y avait pas liquidités en trop en Europe qu'il aurait fallu freiner, mais un glissement de terrain. La panique devant la monnaie n'avait jamais été aussi haute depuis les premières faillites bancaires du début 2008. Les banques trouvaient de moins en moins à se refinancer. La BCE a encore compliqué le processus.

Aux Etats-Unis le processus d'effondrement des "subprimes" commencé fin 2006 avaient conduit les banques américaines à se débarrasser d'une partie de leur engagement sur l'étranger. On avait vu ainsi les Landesbank allemandes gorgées de capital par le gouvernement à la suite de leur changement de statut en acheter des paquets colossaux. Mais tous les gestionnaires de fortunes en Europe s'en sont également gavés pour tenir leur rang : les trésoreries "dynamiques" gagnaient en apparence plus sans qu'on sache de quel risque se nourrissait ce plus.  En 2008 la question était de savoir qui avait le mistigri. Le marché interbancaire était à sec, ravagé par la méfiance.

Dès juillet 2008 cela craque de partout. La consternation s'installe dans les conseils d'administration des banques. Puis la peur. La peur du gros krach commence à devenir palpable malgré la moiteur de l'été dès la mi août et gonflera pendant la première semaine de septembre.  

Jusque là le gouvernement français a été totalement inconscient de ce qui se passait. Son "agenda", comme disent les américains,  en début de mandat, n'était pas nourri de ce genre de considérations et d'observations. Le Président Sarkozy était en plein dans sa politique de réconciliation avec les Etats Unis et se préoccupait surtout d'être invité par les Bush ; il passait ses vacances aux Etats Unis. Ou et quand aurait-il pu prendre la stature du commandeur pour dénoncer la catastrophe financière qui arrivait et demander d'urgence des mesures correctrices et préventives ? Il ne savait même pas que la crise décennale usuelle frappait à la porte. Le ciel économique était bleu et le soleil brillait.  

Du côté des éminences conseillant le premier ministre ce n'était pas mieux. Pris dans une floraison de réforme poussées souvent à l'emporte pièce, concentrés sur le budget depuis juin, les conseillers du gouvernement ne regardaient pas spécialement du côté des banques et ne nourrissaient aucune inquiétudes économiques fondamentales. Les banques d'ailleurs leur mentaient en cœur. Alors que la crise des "subprimes" commençaient à mordre très sérieusement dans leurs comptes et que de nombreux prêts paraissaient de plus en plus aventurés, elles prétendaient toutes être totalement indemnes ou si peu touchées que cela ne méritait même pas qu'on en parle.  Les Américains, les Espagnols, les Irlandais et les Islandais, d'accord, ils étaient mal partis avec tout leur immobilier. Les Anglais peut-être un peu. Mais pas nous les banques françaises, voyons !

Personne, strictement personne, ne raisonnait en masse globale de crédits et ne voulaient voir que cette montagne instable était en train de glisser.  On croyait à une crise technique limitée avec "découplage" du reste du monde.  Le FMI se montrait particulièrement grotesque dans cet exercice de fausse explication. Pendant tout l'été la tension monte dans les banques et commence à filtrer vers le gouvernement. Certains hauts responsables bancaires commencent à confier leur inquiétude "sur ce qui se passe aux Etats unis". Pas question de laisser penser qu'en France cela tangue.  Les banques françaises qui se sont engagées dans des opérations excessivement dangereuses pour grossir vite et entrer dans des marchés qu'elles ne connaissaient pas,  sont violemment frappées par ce qui se passe aux Etats unis, à l'instar d'UBS en Suisse qui ne peut plus cacher ses misères : Natixis, Dexia, etc..

Mais rien ne bouge dans le programme du gouvernement. Les souris dansent sur un volcan. Qu'on se le rappelle : toute l'affaire du moment, c'était le Grenelle de l'environnement. La loupe médiatique était sur le réchauffement médiatique, les voyages de M. Borloo au Groenland, les vacances écologiques de M. Hulot. La vertu écologiste suintait de partout. Les plans sur la comète prenaient une ampleur rarement vue.

Gouverner c'est prévoir. Sur ce plan le gouvernement Fillon a entièrement failli.  De même que le candidat Sarkozy n'avait pas compris qu'il subirait une crise en plein milieu de son mandat, de même aucune des instances gouvernementales n'a perçu que le jour J était arrivé. La faillite de  la Northern Rock, un an auparavant, menaçait maintenant tout le monde, partout.

Et Lehman Brothers explosa en plein vol.

En un jour ce fut une panique générale. Tout le système bancaire mondial était menacé et l'ampleur de la menace globale n'était même pas vue  : on croyait toujours a un effet dérivé des subprimes. On ne voyait pas que c'était un glissement global de la mondiale pyramide des dettes qui démarrait.  Cela suffisait malgré tout à laisser prévoir le pire. Dans son discours de Toulon  quelques jours après le Krach,  le président Sarkozy décrivait bien les choses :
"Une crise de confiance sans précédent ébranle l’économie mondiale. De grandes institutionsfinancières sont menacées, des millions de petits épargnants dans le monde qui ont placé leurséconomies à la Bourse voient jour après jour fondre leur patrimoine, des millions de retraités qui ont cotisé à des fonds de pension craignent pour leurs retraites, des millions de foyers modestes sont mis en difficulté par la hausse des prix. Comme partout dans le monde, les Français ont peur pour leurs économies, pour leur emploi, pour leur pouvoir d’achat".

Une partie de la réalité avait fini par percer dans l'esprit des plus hauts dirigeants français. Elle était si grave que l'idée même de la farder n'était plus de mise.  Au moins les réflexes de survie de N. Sarkozy ont évité qu'il ne tergiverse.  Il a vu vite qu'il fallait parler haut et fort et si possible ensemble.

Il faut dire que le tableau international à cette date était pitoyable.

Paulson, le responsable de la politique américaine, était complètement dépassé par les évènements.  Il avait laissé Lehman s'effondrer sans même se rendre compte que dans la seconde il mettait en faillite AIG.  

La faillite d'AIG pour la France signifiait l'effondrement des plus grandes banques françaises qui étaient gorgées de CDS dont AIG était la contrepartie. Le gouvernement français n'avait plus la maîtrise de rien. Tout dépendait désormais de la BCE, de la FED et du gouvernement américain.

Les Européens continentaux étaient totalement pris par surprise. La chancelière allemande a cru un temps que son pays n'était pas touché. La réalité n'a pas tardé à la rattraper.   Quand tout le monde fut bien convaincu qu'il fallait rassurer les particuliers pour éviter des ruées bancaires, une organisation collective fut mise en place.

Tout reposait sur le sauvetage d'AIG. Si AIG tombait le monde entier perdait son architecture bancaire ! Il s'agissait de centaine de milliards de dollars avec des effets induits multiplicateurs.  Quelque soit les reproches faits à Paulson,  le fait d'avoir tenu sur ce point a évité d'ôter une ancre essentielle à l'avenir du système. Personne n'avait dénoncé, sinon la BRI (BIS), le gonflement inouï de ces contrats dans les quatre années précédentes. L'explosion de ce sous système aurait emporté tout.

Sans cet acte crucial aucune des politiques mises en œuvre en Europe n'aurait pu fonctionner.  Avec lui, le cadre de réponse international mis en place, beaucoup sous la stimulation du gouvernement français, s'avéra suffisant pour éviter une panique générale. Quelques ruées eurent lieu dont celle qui emporta Northern Rock mais dans l'ensemble les particuliers cessèrent assez rapidement de vouloir sortir leur encaisse des banques.

Le reste de la politique gouvernementale ne fut pas, après cela, particulièrement original. Gérer un effondrement de conjoncture ne demande pas finalement beaucoup de mesures particulières. On soutient quelques secteurs critiques ; les banques, l'automobile, le bâtiment.  Pour le reste on laisse jouer les amortisseurs sociaux.  Le plus dur est d'arrêter les bêtises en train de se faire. Il y a une inertie d'environ 9 mois avant que tous les acteurs comprennent que le temps des cerises est passé.

Bien décidé à suivre une politique de juste milieu, où on ne casse rien par un comportement paniquard ou aventuré, le gouvernement Fillon fera une relance modérée, et aucune réforme. Aucun discours sérieux ne sera tenu pour éclairer les Français sur les causes de ce drame économique : on affirmera qu'il vient des Etats Unis ; que c'est la faute des banques, des polytechniciens de la finance, des bonus des traders, des agences de notation inconsciente, de la comptabilité. La question du plan de relance sera le seul point un peu discuté : fallait-il le faire ? Si oui à quelle hauteur ? La question de l'endettement futur du pays ne fut pas posé.  Finalement ce plan repris un certain de projets dans les tiroirs et servit surtout de paravent politique.  La France ne pouvait pas s'endetter plus longtemps à marche forcée !

Deux  ans plus tard, on se retrouvait avec un déficit public de près de 8% : du jamais vu même près la crise de 92-93. Et l'inquiétude sur l'Euro provoqua un retour de bâton sévère qui allait pousser le gouvernement à des mesures drastiques d'économie

Aurait-il été possible de faire mieux ?

A partir du moment où on n'avait rien vu venir de la récession décennale et du risque associé au monceau de dettes accumulées dans le monde, représentant plusieurs fois la valeur du PIB global, il n'y avait guère qu'à fermer les écoutilles et à voir venir. C'est ce qui a été fait. Les banques qui depuis le Front populaire puis  Pétain sont une excroissance de l'Etat avec lequel elles vivent en consanguinité ont été sauvées, au nom de la protection du déposant et de l'épargnant.  

Aucune réforme n'a été faite sinon sur des faux semblants commodes comme les rémunérations variables. On a sacrifié deux boucs émissaires, les présidents de la Société générale et du Crédit agricole, qui n'en reviennent toujours pas d'avoir été jeté ainsi hors de leur fromage. Un conseiller bien en cours a pris la tête d'un regroupement bancaire. Bref on est dans la petite manip et non dans la grande politique.

Aucune des réformes indispensables à court terme, notamment la fin de la banque universelle et la mise en place d'une politique de séparation des grandes classes de banque et de responsabilité, n'a été mise en place, ni même esquissée. Le lobby bancaire est trop induré dans l'Etat pour qu'on puisse  espérer quoi que ce soit dans ce domaine. Le gouvernement Fillon fera valoir qu'on ne réforme pas en pleine tempête.  Comme on ne réforme pas non plus un système qui marche, il est clairement jamais le temps en France de réfléchir à des structures bancaires moins oligopolistiques où quelques hauts fonctionnaires se gavent avec le filet de sécurité de l'état derrière eux, tout en grugeant d'importance le déposant et l'épargnant.  Le secteur en est à nous expliquer que le système bancaire français est magnifique et n'a coûté rien et à personne. Alors qu'il vit entièrement en perfusion depuis deux ans et qu'il serait mort sans ces artifices.  

Pour le reste l'Etat s'est appliqué à tenter de faire conserver le maximum d'effectif dans les entreprises par des mécanismes d'aides au maintien dans l'emploi. Cet effort a été totalement contrebalancé par les décisions de licenciements immédiats et massifs pris dès l'automne par de nombreuses entreprises, la reconstitution des stocks se faisant par des heures supplémentaires consenties à des équipes réduites.

Le résultat global est ce qu'on constate :

* un taux de chômage près de 10%, contenu grâce en partie au départ en retraite de nombreux Français ; du coup c'est le système de retraite qui est menacé et il a bien fallu agir.
* une endettement massif et jamais vu depuis la guerre qui va peser pendant des années sur la croissance.
* la confirmation de l'écart de croissance avec l'Allemagne.
* un retour de balancier fiscal qui n'est qu'à ses débuts alors que la France est en tête pour les impôts et la dépenses publiques.
* la part de la France a reculé sur le marché mondial.

En même temps certaines faiblesses européennes ont été mises à nu. A force de mettre la charrue devant les bœufs, les bœufs ont fini par piétiner la charrette !

Une France vieillie s'est calfeutrée dans les déficits et l'absence de réelles réformes de fond, dans un système global désastreux et un système européen en danger. Tout cela sent la charentaise et l'effacement, malgré les gesticulations sur la scène internationale.

Imaginons simplement que la campagne présidentielle se soit construite autour de la nécessité de sortir  la France, l'Europe et le monde des vices qui les empêchent de fonctionner correctement.

Imaginons un président qui aurait tenu un discours d'une extrême fermeté sur les défectuosités gravissimes du système monétaire international et les risques pesant de son fait sur le monde et qui aurait décidé de mettre son économie en défense face à la crise à venir en engageant des réformes réellement fortes : suppression des 35 heures, suppression de l'ISF dans sa forme débilitante actuelle, retraite à 65 ans, blocage des délires régionaux et municipaux, réforme des banques, réduction massive des dépenses dès 2007 et en 2008, transfert d'une partie de la fiscalité des entreprises sur la consommation.  

Imaginons un président remettant en cause une banque centrale européenne fonctionnant sans coordination économique et sans objectif de croissance, plutôt que de refaire un traité constitutionnel européen au rabais.  

Imaginons un président avec déjà deux de réformes lourdes derrière lui  aussi bien sur la dépense publique d'Etat que sur les dépenses régionales et locales !

Imaginons un président avec déjà une réforme des retraites acquise en 2008 et valable pour 50 ans !  

Imaginons un président qui n,'aurait pas fait toutes les erreurs passées en revue dans la première partie de cet article.

Quelle aurait été sa force en septembre 2008 ! Quel serait son poids dans les réunions monétaires internationales ! Quel serait son poids en Europe !  On n'en serait pas à 8%  de déficit public  avec un endettement cumulatif de près de 100% du PIB. On n'en serait pas à 10% de chômage ! On n'aurait pas reculé à ce point dans l'économie mondiale.  

Le chef du gouvernement pourrait se prévaloir d'avoir agi, agi, agi. Il fallait un de Gaulle et un Debré, recréant un cadre français et européen durablement différent et prenant à partie le monde sur certains sujets graves.

Le premier des ministres pourrait alors se prévaloir d'avoir construit l'avenir avec fermeté et précision, à l'ombre d'un grand président.

Au lieu de cela, François Fillon risque de rester comme le second d'un trublion qui n'avait rien vu venir et qui s'est écartelé dans toutes les directions sans creuser profondément un sillon dans un axe précis, à la chasse aux modes et aux opportunités politiciennes. Certes il conservera l'image du calme qui dans la tempête aura gardé un cap sage et prudent  tout en modérant  et canalisant les Cieux.  Mais cette image de sagesse ne risque-t-elle pas de passer avec le temps pour un certain manque de caractère, d'imagination, de combativité  et ne lui reprochera-t-on pas d'avoir été le collaborateur plutôt passif d'une entreprise présidentielle manquant de réalisme et de pertinence ?    

Le quinquennat de J. Chirac avait mal fini, sur une accusation assez largement vraie de passivité générale. J.P. Raffarin n'avait pas démérité mais dans un champ de vision tellement étroit qu'il en paraissait dérisoire, à l'exception du début de réforme des retraites de F. Fillon. D. de Villepin n'avait pas convaincu avec des réformes micro-partielles, à la va comme je te pousse,  plus faites pour montrer qu'on faisait quelque chose que pour réellement changer les choses. Le CPE a été le symbole de cette orientation matamore et superficielle, agitant les principes mais pas la réalité, l'exact contraire de ce qu'il faut faire.   

Le quinquennat de N. Sarkozy est réellement à un tournant.  Il n'aura à présenter à  l'automne 2010 comme bilan d'ensemble qu'une réforme partielle et à courte échéance des retraites par répartition. Il lui faudra quelque chose d'autrement consistant à montrer pour se trouver en position sinon de force au moins de combat en 2012.

Remplacer Fillon par un Juppé façon 1996  est la certitude de l'échec. Ne rien faire, façon Mitterrand sur la fin, englué dans la maladie et le nini,  ou comme Chirac soignant sa sortie comme "brave type", est aussi une garantie d'éviction.

Alors ?

Faut-il spéculer simplement sur l'idée qu'on parera une nouvelle catastrophe socialiste  ? Ou faut-il se mettre en position d'avoir un vrai bilan ?

Même si le temps perdu ne se rattrape jamais, c'est la seconde position qui est la bonne. Reste à lui donner du contenu. Ce n'est pas si difficile que cela.   

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.



Les échanges commerciaux = un vingtième des mvts financiers internationaux. Et alors ?

Nous sommes de ceux, au Cercle des économistes e-toile,  qui ne chargeons jamais trop la barque des journalistes. Ils ont des obligations : faire vivre le journal ; intéresser le lecteur. L’économie, c’est plutôt lourdingue  et la clientèle  est peu à même de comprendre exactement de quoi on parle sur la majorité des sujets économiques, les questions monétaires  surtout internationales représentant le pire dans ce domaine. Non seulement les lecteurs et les journalistes ont du mal à y comprendre quelque chose mais c’est un des trous noirs de l’enseignement de la science économique.   


Les journalistes font rarement avancer le « schmilblick » mais révèlent des attitudes et en ce sens ils sont irremplaçables.


Prenons l’article de JP Robin dans le Figaro de ce lundi.  Il montre de façon amusante que les chiffres économiques ont remplacé les chiffres astronomiques  pour les exa et les tera. On crée autant d’information tous les deux jours que le monde en avait créé  depuis l’origine de la terre.   Pour la monnaie et les déficits c’est encore pire.  
Les devises échangées quotidiennement représentent vingt fois la valeur des échanges commerciaux l


C’est un chiffre qui fait frémir et beaucoup de politiques aiment à le répéter avec des multiplicateurs variables :  5, 10, 15, 20, voire 100 fois plus.  On vous glisse ce chiffre sur l’air du « vous vous rendez compte Madame Michu ».  Mais on se garde bien de l’exploiter réellement. Quelle est donc la signification de ce ratio ?


Pour une monnaie le ratio traditionnel est de rapprocher la masse monétaire et le PIB pour obtenir la vitesse de rotation de la monnaie. C’est un outil qu’aime bien les banques centrales qui croient un peu à la théorie quantitative de la monnaie qui laisse entendre que l’inflation va être générée par un écart entre les vitesse relatives d’évolution de la masse monétaire, du PIB et de la vitesse de rotation.  En vérité ces ratios sont extrêmement difficiles à manier.


D’abord le PIB est connu très tard et on utilise pratiquement en permanence des estimations-projections. Pour celui qui consulte les statistiques la surprise est de voir les chiffres du PIB d’un exercice  bouger encore trois ans plus tard.
La masse monétaire est une notion tout aussi complexe même si elle est beaucoup plus facile et rapide à connaître.  Si on considère que la monnaie est une marchandise comme les autres, ces variations de valeur font donc partie du PIB et l’équation de vient passablement compliquée.


L’inflation pour sa part est définie uniquement avec le prix des biens de consommations et sur des bases ouvertement politiques (compte tenu des effets de bords sociaux des indices).  Certains comme la BCE utilise l’agrégeât M3 dont la statistique a été abandonnée par la FED pour …manque d’intérêt !


Autant dire que la vitesse de circulation de la monnaie est un ratio si difficile à analyser qu’il ne sert à pratiquement rien.

 
Rapprocher les flux de trésorerie et les flux de marchandises  a encore moins de sens. Dans une sphère monétaire donnée on ne se donne même pas la peine d’établir ces chiffres.
Le seul intérêt de comparer ces deux flux est de porter un jugement sur le fonctionnement du marché des changes.


Le taux de change dépendra d’abord des contrats financiers et très accessoirement des transactions commerciales.  Or la majorité des raisonnements sur l’intérêt des dévaluations  porte sur leur rôle comme  incitation à exporter.  Et on oublie royalement l’effet sur les contrats financiers qui sont 20 fois plus importants. Ce qui explique des incohérences de commentaires étonnantes comme lorsque le dollar s’envole en  même temps que les déficits commerciaux  comme à la fin du siècle dernier.


Les changes flottants tiennent un rôle gigantesque dans ces contradictions et paradoxes.  La peur a plus d’importance sur un taux de change que les perspectives commerciales bilatérales. Demander à la Suisse actuellement ou au Japon. Les comportements bancaires prennent la place principale : les CDS se sont mis à pousser comme des champignons 10 puis 20 fois plus vite que le commerce mondial  au début de ce siècle.  


La variabilité des changes compriment les transactions commerciales mais enflent les transactions financières.  On essaie de profiter de tout, tout en se protégeant au mieux d’une erreur de calcul.  L’épargne est mondialisée mais avec des monnaies dont la valeur change à chaque instant. Il faut donc bouger à chaque instant.


Les politiques des banques centrales sont le plus souvent dépassées par ces mouvements browniens.  On en vient à s’en désintéresser et on ne voit pas se créer des bulles phénoménales.


L’empilement des dettes mondiales est assis sur des sables mouvants faits de millions de micro ajustements et de brusques mouvements moutonniers qui en général n’ont rien à voir au moins à court terme avec la situation des  échanges.  On dirait un énorme steak bougeant sur un fond d’asticots.


Les passerelles du commerce mondiale avec les changes flottants ne sont pas seulement en caoutchouc (amplifiant toutes les déstabilisations) mais une multitude de mains les  secouent  de toute  leur force parfois du même côté.  Leur force conjuguée est 20 fois plus forte que celle des moteurs des camions. Comment s’étonner que les lourds transports du commerce mondial finissent périodiquement par tomber dans le gouffre.


Le système est ainsi fait que les mouvements de la passerelle ne sont la responsabilité de personne.  Nul ne viendra jamais au secours des pilotes de camions en danger. Parce que les mouvements  de la passerelle aussi dangereux soient-ils, sont considérés comme normaux !   Y toucher serait même coupable !


JP Robin aurait du conclure aux dangers des changes flottants dans un système de mouvements financiers libres.  Il ne le fait pas. Il ne tire pas les graves leçons dans la perspective du G.20 des chiffres qu’il cite.


Dommage. Une prochaine fois peut-être, si le tabou qui entoure les changes flottants venait à s’effilocher sous le poids des nécessités..

Un éditorial extraordinaire du journal le Monde

Si un jour un économiste veut faire l'histoire des blocages intellectuels de ce début de siècle en matière d'économie, il lui faudra lire l'extraordinaire éditorial du journal le Monde n°20420 datée du 18 septembre 2010 et doté du titre prometteur : 

 

Le G20 et la grande bataille des taux de changes.

 

Enfin on aborde la réforme du système monétaire international. Enfin on va s'attaquer aux causes de la crise sinistre qui nous accable. Enfin les journaux de la PQN française s'empare de cette question fondamentale.

Que ceux qui nous lisent depuis deux ans imaginent notre joie, nous qui brocardons cette presse pour être passé radicalement à côté des apcts monétaires de la crise !

Et  notre déception !

Bien sûr on parle de l'énorme sous évaluation du Yuan mais on se contente de dire que les Etats Unis sont de ce fait désavantagés ce qui fait réagir leurs dirigeants. Et l'Europe ? Elle n'est pas concernée du tout ?

Bien sûr on évoque Fernand Raynaud, un grand économiste, pour signaler qu'il y a comme un défaut dans un système de dette en Occident et de surépargne en Chine.

Bien sûr on donne raison à M. Sarkozy de chercher à rempacer le dollar comme monnaie de réserve mondiale. Et on invite même à le soutenir dans cette bataille, ce qui de la part du Monde est une rareté qu'il faut savoir apprécier.

Mais ! Car il y a un gros, un très gros Mais !

On ne dit pas un mot des changes flottants.

Changer de monnaie de réserve dans un système de changes flottants n'est pas une mesure insignifiante. Elle interdit aux Etats Unis d'utiliser le dollar pour financer indéfiniment les déficits de sa balance des paiements. Mais en quoi interdit-elle les fluctuations aberrantes des monnaies? Le Franc Suisse et le Yen en seraient-ils assagis ? Les déséquilibres chinois en seraient-ils limités ? La dette grecque en serait-elle soulagée ? L'Euro en sortirait-il moins menacé ?

Il faut que tous les états soient rendus responsables de l'équilibre de leurs comptes extérieurs avec des disciplines très fortes. Sinon les échanges réels deviennent secondaires dans les cours des devises et tout devient un casino financier. Il faut que les produits s'échangent contre les produits, et non pas contre des dettes volatiles qui font le tour du monde plusieurs fois par heure. 

Il faut que l'accent soit mis sur la croissance pas exclusivement sur la stabilité des prix à la consommation et donc changer la perspective de la gestion de la monnaie par les banques centrales.

Pour cela il faut revenir aux disciplines d'un système de changes fixes et ajustables et mettre fin aux changes flottants.

Une fois de plus on voit que malgré l'évidence des besoins et des faits qui ne sont plus esquivés, la question des changes est posée, et on voit bien qu' elle est centrale, le tabou des changes flottants est toujours aussi absolu.

Terrible tabou.

Qui osera dans la PQN le faire sauter ?

Ce n'est visiblement pas pour demain.

Les discussions du G.20 risquent  d'être totalement stériles avec une Europe muette et un conflit Etats-Unis Chine qu'ils ne voudront pas régler au G.20. Pourquoi le feraient-ils ? 

Sauf divine surprise. On peut toujours rêver.

 

 

 

Paul Krugman invente le keynésianisme ascensionnel "no limit"

Personne n'a très bien compris ce qui a valu à Paul Krugman son prix Nobel ou ce qui en tient lieu, faute d'une œuvre théorique particulièrement remarquable.

Les mauvaises langues disent que sa longue critique de George Bush dans le NYT est la seule justification de cette distinction qui parait d'autant plus étrange que, malgré son flot de critiques acerbes,  P. Krugman est de ces experts médiatiques qui n'ont pas vu venir la crise et qui ont le plus grand mal à en faire l'analyse.

Le résultat est une course de rattrapage qui conduit à la surenchère dans le keynésianisme débridé,  désormais vis à vis de l'Administration Obama elle-même (horresco referens !). 

Voici donc que notre auteur compare la situation de 2010 à celle de 1938  et propose pour en sortir qu'on ne refasse pas les erreurs du passé et qu'on n'hésite pas à s'endetter aux hauteurs astronomiques qui permirent de financer la guerre de 40. En temps de paix !

Alors que la situation de l'endettement des Etats-Unis, dont plus personne ne sait dire s'il se situe au dessus de 400% ou de 600% du PIB, est littéralement du jamais vu en temps de paix, il faudrait encore surenchérir.  Finançons par la planche à billets la paix comme nous avons financé la guerre et tout ira mieux. "La crise peut être vaincue", dit notre auteur. Au prix d'un aventurisme qu'il faudrait admirer.

Paul Krugman ne comprend pas ce qui est arrivé au monde en général et aux Etats-Unis en particulier. Il raisonne comme si l'économie avait été soumise à un choc externe si violent (dont on se garde bien de proposer un scénario)  qu'il devait conduire à la dépression et qu'il suffit d'éviter les grandes erreurs de 29 pour conjurer le malheur. 

La Doxa depuis les années 60 est que la crise de 29 en elle même, n'était pas dramatique et qu'il eut suffi de prendre les bonnes décisions pour éviter les tourments de la dépression. Milton Friedman avait pointé les erreurs de la FED qui avait contracté l'offre de monnaie, accélérant le "credit crunch" : depuis Greenspan on lâche les vannes monétaires à tout va à chaque ralentissement. Keynes avait souligné que la trappe monétaire rendait cette politique de toute façon inefficace : l'investissement public devait venir en support de la "demande globale".  

On a donc laissé filer les déficits publics et conçu des "plans de relance".

Divers économistes ont souligné les erreurs du New Deal mais aussi que la récession de 1938 avaient été partiellement provoquée par l'arrêt du soutien de la conjoncture. On entend donc des voix soutenant que les plans de relance seront nécessaires tant que la récession ne sera pas vaincue.

Mais personne n'avait proposé d'entrer en temps de paix  dans une économie de guerre avec ses endettements pharamineux.  

Le gros défaut de bien des économistes universitaires est de toujours lire l'actualité avec l'œil dans le rétroviseur (c'est très rassurant). Bien sûr il faut retenir les leçons de l'histoire.

Mais il faut aussi regarder les réalités du moment.

Nous sommes de facto depuis 1971, de jure depuis 1973, dans un système de changes flottants et d'ouverture totale des mouvements de capitaux à court et à long terme qui est totalement différent de ce qu'on a connu précédemment et qui implique d'une part de comprendre les mécanismes propres de ce système et aussi la manière dont il remet en cause les pratiques et les idées précédentes.

Il n'y a aucune base qui permette de justifier l'efficacité du keynésianisme en système de changes flottants. Au contraire depuis 1974 on sait que cela ne marche pas comme avant. Alors un keynésianisme fou sera-t-il la solution ? Il faudrait au moins entrer dans le détail. Citer la guerre de 40 ne suffit pas.

La crise actuelle est la crise d'un endettement colossal et mondial alimenté par le mécanisme de la double pyramide de crédits et permis par les changes flottants et le rôle du dollar comme monnaie de réserve.

Evoquer la relance massive de l'endettement à des niveaux de guerre sans attaquer au fond les difficultés du système monétaire et ses conséquences est indéfendable.  Quand on n'a rien compris on ne lance pas dans des suggestions folles sur la seule foi d'une comparaison historique biaiseuse.

Car elle est biaiseuse. Si Krugman avait la patience d'étudier les cycles économiques décennaux, il s'apercevrait que la crise de 1938 est mondiale et qu'elle a frappé partout, chacun s'attachant à donner une explication "nationale" parfaitement controuvée. Krugman relève des mesures spécifiquement américaines comme Alfred Sauvy avait pointé du doigts quelques mesures irréfléchies du Front Populaire (et notamment les 40 heures). Les deux visions sont trop courtes.

On ne peut pas comparer la situation de 1938, pratiquement dix ans après le déclenchement de la crise, et celle de 2010, deux ans après le début de la récession. Le tout à 80 ans de distance !

Oublions la théorie économique. Visiblement P. Krugman a voulu encourager Obama à prendre  des mesures fortes de relance. Elles sont certainement nécessaires. Mais elles sont loin d'être suffisantes et P. Krugman commet l'erreur, générale chez les économistes qui tiennent le haut du pavé aux Etats Unis, de ne pas regarder avec assez de précision la question du système monétaire international.

Et il n'est pas sûr qu'il soit très pédagogique de proposer des bonnes mesures avec de mauvaises raisons.   

Lewis Holden pour le Cercle des Economistes E-toile

Nicolas Sarkozy et la réforme du système monétaire international

Comme souvent, Nicolas Sarkozy  donne le sentiment qu'il a une  claire conscience de ce qu'il faut faire.  La difficulté est parfois de déterminer s'il se coule dans une ligne de pensée toute prête et politiquement correcte dont il cherche à s'approprier les effets d'image ou si véritablement la pensée sous jacente est enracinée et peut servir de terreau à des réformes réelles.  On l'a ainsi vu balayer tout le champ des diverses démagogies à la mode : le réchauffement climatique ; les RSA  y compris pour les moins de 25 ans, la pénibilité pour les retraites, la baisse de TVA pour la restauration, ...
Evidemment, un politique fait de la politique et il est difficile de le lui reprocher.

S'il est toutefois un domaine où l'opportunisme a peu de chance de donner des résultats, c'est bien celui des questions monétaires internationales.

Nous avons écrit et répété ici que la taxation des transactions financières était une mauvaise idée surtout si on ne lui donnait pas un rôle précis. Pour "faire gauche" on peut  piquer un thème  aux vieilles barbes du communisme cachées sous le masque de l'altermondialiste en reprenant l'idée d'une taxe Tobin.  Mais il fallait choisir. S'agissait-il d'une taxe :
-  pour faire face au sous-développement ?
- pour financer les politiques contre le réchauffement de la planète ?
- pour garantir que les banques se sortiraient toute seules de la prochaine crise financière ?
- pour sortir de la crise de la dette ?

La taxe Tobin n'avait aucun de ces buts. En avoir fait une espèce de couteau suisse permettant d'ouvrir toutes les boites de pandores et avoir développé des raisonnements changeant en fonction des besoins de dépenses les plus criants ou des thèmes les plus médiatiques du moment, on allait droit à l'échec.

Cet échec est désormais patent. L'initiative franco-allemande ne tenait pas la route et est en train de dérailler.
Il ne faut pas jouer avec les mots et les concepts.

Il n'y avait qu'une manière de traiter de la question d e la taxe Tobin : c'était celle de Tobin.  On mettait un gourdin de grosse dimension en place pour bloquer les mouvements spéculatifs à court terme sur les marchés de changes.   Cela impliquait d'avoir des réponses solides sur des tas de questions difficiles :

- fallait-il réellement bloquer les transactions financières d'horizon court sur les marchés des changes ?
- ce blocage aurait-il un effet quantifiable et serait-il favorable ?
- n'y aurait-il pas d'autres moyens de faire pour résoudre des difficultés qu'on aurait bien pris le soin  de préciser ?

Ne présenter aucune réponse publique à ces questions  était la certitude de l'échec.  Les gouvernements, surtout lorsqu'ils se réunissent, ne peuvent se mettre d'accord sans un minimum de rationalité.

On notera que depuis que Mme Lagarde et M. Kouchner ont lancé la campagne sur la taxation des  transactions  financières, dans un article ambigu et vide,  il n'y a eu aucune explication  et aucun débat dans la presse sur aucune des questions clés qui auraient mérité quelques développements.

Croire que l'on peut faire de la politique aussi technique sans le moindre débat public, en s'appuyant sur des intuitions et des experts à toutes mains et à toutes fins, est une illusion. 

Comme nous l'avons toujours expliqué, Tobin était un économiste très fin et un connaisseur hors pair des questions monétaires internationales, ce qui, dans le petit monde des économistes, est une rareté.  Il n'y a aucun doute que sa proposition s'appuyait sur un diagnostic et un pronostic  exact et grave : les changes flottants sans contrepoids quelque part aboutirait à une série de catastrophes. Il fallait refroidir la spéculation pour que les changes respectent d'abord les conditions d'ajustements des balances commerciales.  Des changes entièrement libres dans un système de changes flottants aboutirait rapidement à ce que les transactions purement financières  deviennent  de multiples fois plus importantes que les transactions commerciales ; la migration de capitaux courts moutonniers  de dimension mondiale auraient le pouvoir de tout dévaster périodiquement empêchant toute politique économique et mettant en défaut les moyens d'action des banques centrales.

Ce raisonnement est parfaitement juste. Il n'a cessé d'être confirmé. James Tobin a eu raison contre Milton Friedman qui prétendait que les marchés  s'optimiseraient tout seuls et que bientôt les taux d'intérêt seraient lissés et les capitaux dirigés de façon optimale vers les meilleures opportunités. 

La question technique difficile était double : à quel niveau de taxe le freinage de la spéculation commencerait à être efficace ? A ce niveau là, la solution n'aurait elle pas des effets collatéraux aussi néfastes que le mal à traiter ?

La question politique, elle, était sans réponse : comment espérer mettre en place une solution exigeant un haut degré de coopération entre les Etats au moment où on venait de mettre un système qui mettait fin à toute coopération organisée des états en matière monétaire ? Et si on en revenait à une forme de sagesse internationale et qu'une coopération devenait possible est-ce qu'il n'y avait pas mieux à faire qu'à essayer de gérer les inconvénients d'un système foireux.  Les changes flottants, cela ne marche pas et ne marchera jamais. Pourquoi tenter un cautère sur une jambe de bois ? Il était sans doute bien préférable de changer le système lui même.

En s'écartant de la technique et en n'offrant aucun raisonnement, aucune formulation un minimum technique, sur toutes ces questions, on tombait automatiquement dans la politichiennerie, style Attac : tout dans les apparences rien dans le dur des problèmes.
La  taxe Tobin n'était pas un "must" politique qu'on devait ressortir en changeant la sauce au fur et à mesure que les circonstances imposaient une recherche de ressources fiscales et que la mode suggérait des emplois nouveaux. C'était une manière de corriger un système déplorable. Il fallait donc d'abord faire la critique d'un système déplorable et d'autre part prouver que la solution en serait véritablement une.  Cherchez bien : si vous trouvez dans la presse un début de commencement de cela, vous avez gagné.

On peut craindre  que la recherche d'un thème d'animation de la présidence française du G.20 ne soit l'occasion d'un nouveau malentendu.

Nicolas Sarkozy a parfaitement raison de mettre en avant la nécessité d'une réforme du système monétaire international. Il a parfaitement raison de pointer du doigt les déséquilibres désastreux qu'on y constate. Il a encore raison d'attirer l'attention sur l'obligation où sont les états de constituer des réserves de change stériles pour faire face à des coups de chiens du marché monétaire international et des spéculations organisées. Tout cela est parfaitement exact et bien vu. Mais il gâche tout et d'un coup en affirmant devant les réticences que ces analyses provoquent qu'il n'est pas pour un retour à un système de changes fixes et ajustables.

Du coup on entre à nouveau dans les déclarations opportunistes sans cohérence technique qui n'ont d'autres vocations que d'aller à l'échec, surtout dans le cadre d'un G.20 qui est un trompe couillon chargé de "dresser la façade" comme disent nos amis anglo-saxons.

Si l'objectif n'est pas d'occuper le terrain politique par une agitation médiatico-narcissique et des opérations-image (nous ne jugeons pas de l'opportunité des opérations politiques) mais de résoudre les problèmes de fond, nous suggérons à Nicolas Sarkozy et à ses équipes de changer totalement de méthode.

Pour obtenir un résultat la France seule ne peut rien. L'affaire est claire depuis les tentatives du Général de Gaulle de 67-68. Le couple franco allemand n'est pas lui même suffisant. Il faut avoir le soutien de toute l'Europe et de ses institutions financières. La BCE, la Commission, la présidence permanente de l'Union doivent faire partie du jeu, autant que chaque présidence des pays membres. La grande question ici est le Royaume Uni.  Si au sein de l'Europe on ne parvient pas à convaincre le RU, comment espérer convaincre le monde ?

Ce travail n'a pas été fait.  

Il faut par ailleurs associer à ce projet des pays non européens et des institutions monétaires internationales.

Quelles institutions internationales ? Naturellement en premier le FMI et la BRI, mais aussi l'OCDE. Touts ces organes disposent de nuées d'économistes auprès de qui, moyennant les ordres nécessaires, ont peut obtenir de l'expertise et des conclusions. Et sans doute du consensus.

Ce travail n'a pas été fait.

Quels pays ?  Contrairement à ce qu'on croit de très nombreux pays sont frontalement opposés à une système de changes flottants qui leur a nui durablement. Aucun des pays en voie de développement n'est content d'avoir à gérer des mouvements de capitaux à court terme dont ils ne peuvent maîtriser la direction et qui à l'occasion peuvent devenir dévastateur. Le Japon vit un drame constant du fait de la surévaluation du Yen qui n'a aucune justification économique saine. La Suisse est dans le même cas. Même la Chine est inquiète pour ses réserves.  Les deux seuls pays qui défendent les changes flottants sont le Royaume Uni qui pensait être la plaque tournante des mouvements de capitaux libres et qui vient de recevoir le pire démenti qui soit sur la validité de cette stratégie et les Etats-Unis par passion impérialiste, alors qu'eux même sont désormais à la recherche d'une croissance qui se dérobe.

On voit que jamais les circonstances n'auraient été meilleures pour une offensive efficace contre les changes flottants et les privilèges douteux du dollar roi. Pour aboutir à un résultat il aurait fallu faire présenter par des économistes un travail de fond sur les causes de la crise actuelle.

Il fallait démontrer que la crise était un épisode de plus de la faillite du système des changes flottants. Il fallait démonter très précisément les mécanismes  du gonflement des dettes internationales et leur effet sur le déclenchement de la crise. Il fallait sortir de la bouillie infâme d'une explication de la crise par les surprimes et les comportements voyous des banques. Il fallait démontrer que les relances keynésiennes n'avaient aucun effet durable dans un système de changes flottants. Il fallait démontrer que les Etats Unis s'étaient mis dans le cas d'une stagnation de longue durée. Il fallait démontrer qu'un système du chacun pour soi signifiait la crise pour tous.  Bref il fallait démontrer qu'on ne s'en sortirait pas sans rien réformer sinon des broutilles.        

Si ces démonstrations étaient portées par l'OCDE, le FMI, la BCE, la conférence des ministres des finances de l'Europe, la nouvelle diplomatie commune de l'Europe, le nouveau président européen, le président de la commission européenne, le couple franco-allemand, alors on verrait le bout du tunnel.  Le RU n'est plus aujourd'hui en situation de s'opposer durablement à une réforme du système monétaire international. C'est un pays ruiné par la ruine même du système financier international qu'il prétendait régenter.

Les Etats-Unis seraient restés seuls face à tous. Avec une économie au bord d'une rechute sévère dans la récession et obligés à faire face à des critiques et des objections dont ses experts auraient eu du mal à se défaire.

Rien de ce travail n'a été fait. Ni DSK ni son principal économiste, Blanchard, n'ont fait le moindre effort intellectuel en ce sens. L'Europe n'est pas mobilisée. Les experts officiels français, à leur habitude, n'ont produit aucun travail convaincant (ont-ils produit un travail quelconque ?).

Le président français se satellise dans le froid sans qu'on sache bien quels sont ses objectifs.

Le G.20, sauf miracle, ne produira rien, sinon peut être un début de prise de conscience. La France risque de paraître un fois de plus comme isolée et rétrograde.  Une occasion majeure aura été perdue.  Au mieux,  on aura pris date.

C'est rageant. Il n'ya rien de plus important et urgent  aujourd'hui que d'obtenir une réforme du système monétaire international.

Didier Dufau pour le Cercle des Economsites E-toile



David Ricardo avait raison. Ecoutons le !

En économie comme ailleurs il faut toujours lire les grands auteurs. Même si les conditions économiques du moment sont très différentes de celles qui prévalaient lorsqu'ils les observaient, il est bien rare que certaines de leurs observations majeures n'aient pas une pertinence pour notre temps.


Ainsi David Ricardo,  l'économiste anglais qui est à l'origine de la pensée classique avec Adam Smith et Jean-Baptiste Say. C'est un homme qui s'est colleté avec les questions monétaires (bien qu'en général on considère que les classiques tenaient la monnaie pour un voile sans grande importance). A l'époque le billet était l'innovation principale. C'était ce qu'on appellerait aujourd'hui un "produit dérivé" dont la maîtrise sollicitait déjà la sagacité  des économistes.


Que dit Ricardo ? D'abord que la monnaie papier doit être émis par l'Etat par le moyen d'un organisme spécialisé et non pas par les banques.  Il le démontre d'une façon limpide et irréfutable.  Autant pour ceux qui bataillent encore pour la création d'une monnaie privée.


Il va plus loin en s'interrogeant sur les conditions de la création de cette monnaie.   Et très vite il montre que les dérèglement dans l'émission aurait des conséquences fort désagréables comme  l'inflation (tout le monde connait la thérorie quantitative de la monnaie) mais aussi le grossissement de la dette qui pour lui est annonciateur d'une hausse des impôts.  On est en plein dans l'actualité !


Il ne croit pas du tout à une émission libre, même alignée sur l'inflation.  Il pense qu'il faut équilibrer la création monétaire par de puissants contrebalanciers.  La convertibilité en Or est, à son époque, le contrebalancier naturel.  A partir du moment où cette convertibilité existe les erreurs des émetteurs de monnaie n'ont guère d'importance car des réactions vont avoir lieu pour rééquilibrer le cours des choses.


Ce que nous avons fait en 1971 et systèmatisé en 1973, c'est supprimer le contrebalancier, en laissant les monnaies administratives s'échanger librement sur les marchés.  Ce que Ricardo a démontré c'est qu'un tel système ne peut pas marcher. Et en vérité il ne marche pas.   


Si on ne veut pas une contrainte de convertibilité en or il faut une autre forme de contrainte.  Ce peut être une contrainte de convertibilité en un unité monétaire composite comme le Bancor de Keynes  ou pour nous le Mondio.  Mais il faut cette contrainte.


Avoir cru avec Milton Friedman que les grands classiques comme Ricardo avaient tort est hautement dommageable. Rien de ce qu'a écrit Milton Friedman ne s'est réalisé : au contraire tout s'est passé à l'inverse de ses prévisions. En revanche les défauts étudiés par Ricardo  se sont déployés à leur aise.


La sagesse des économistes est de rappeler au gouvernement qu'ils ont une responsabilité monétaire et qu'ils doivent l'exercer sous contrainte.  Leur avoir fait croire que l'émission de monnaie se règlerait toute seule  grâce à la sagesse de quelques commis les yeux fixés sur l'inflation et incapables de stabiliser la valeur de leur devise sur les marchés mondiaux est la plus monstrueuse des erreurs.


Non il ne faut pas avoir peur des monnaies administratives. En matière monétaire on ne revient jamais en arrière. Mais il faut les gérer avec des contrepoids solides.  Les changes flottants ne fonctionnent pas. Ils ne peuvent pas fonctionner. Ils ne fonctionneront jamais durablement  à la satisfaction générale.  Ce ne sont pas des contrepoids mais au contraire des accélérateurs de déséquilibres.

La question n'est pas si M. Trichet ou M. Bernanke sont des gens bien. Ce sont des gens bien. Mais ils jouent leur rôle dans un système déficient. Le reproche qu'ont doit leur faire est de ne pas le dire.

Des banques d'émission sans contrainte sur la valeur d'échange de la monnaie qu'elles gèrent ne sont que ruine de l'économie, même si elles ont les yeux rivés sur l'inflation.  C'est la leçon de la crise actuelle. Mais il aurait suffit de lire Ricardo pour l'apprendre sans ruiner la planète.

Que la parole des classiques soit écoutée si on n'accorde aucun crédit à la nôtre.

Les mécanismes de la dette à plus de 300% du pib (fin)

Qu'elle serait l'inconvénient de revenir à un système régulé des changes avec une monnaie de réserve mondiale indépendante d'un pays national ? Les Etats Unis se trouvent-ils si flambants  aujourd'hui ?  Et la Chine ? Elle tremble de tous ses membres devant son tas de dollars qui risque de lui claquer dans les doigts.  L'économie casino était elle aussi belle que cela ?  Bien sûr les financiers ont gagné des sommes gigantesques mais au prix de la ruine du secteur bancaire qui sans le secours des Etats serait aussi radicale que définitive.  Bien sûr les Etats unis ont financé leur déficits monstrueux sans avoir à faire le moindre effort pour les réduire. Mais au prix d'une crise dont ils sont loin d'être sortis et dont ils ne sortiront pas seuls.  Le "moteur américain" n'existe plus. Il était entièrement alimenté par la dette. Et la dette aujourd'hui, mon bon Monsieur !

Le seul vrai risque est de croire qu'une fois de plus après un temps de difficultés tout va reprendre comme avant, avec des accords Bâle III, IV ou XIX, des restrictions de bonus  et un petit coup de trique sur les agences de notations. La pyramide de dettes est encore là, même si on la "roll over" avec ténacité . Les mécanismes dangereux aussi. Tout peut encore exploser.  Si l'Euro disparait  nous aurons le fameux effondrement des monnaies européennes non plus voulu mais de facto.  Et bonjour l'effondrement des dettes donc des créances partout où elles sont. Le nouveau "crédit crunch" sera encore pire que celui que nous venons de vivre. 

On ne peut pas aujourd'hui penser la dette sans penser le système monétaire international.   C'est là qu'il fallait agir il y a trois ans, quand le marché interbancaire s'est bloqué. C'est là qu'il fallait agir en septembre 2008, quand le système bancaire a explosé. C'est là qu'il fallait agir quand les états sont arrivés en première ligne avec leurs dettes intolérables.  C'est là qu'il faut agir aujourd'hui.

Pendant que les dirigeants mondiaux, repliés sur eux mêmes et leurs petits calculs,  font perdre son temps au monde entier, les peuples souffrent. Ils ne seront patients qu'un temps. Craignons l'impatience des peuples.  C'est un risque bien plus grand que celui d'une réforme du système monétaire international.

Comment des économies mondiales majeures peuvent-elles s'endetter au delà de 300% du PIB ?

L'épisode de crise  économique sévère que nous vivons depuis le blocage du marché interbancaire en juillet 2007 et surtout l'effondrement bancaire de septembre 2008, présente une caractéristique originale : la dette globale des premières économies mondiales a soudain dépassé les 300% de leur PIB.  

De tels taux sont intenables. On peut faire toutes les hypothèses que l'on veut sur le taux d'intérêt moyen comme sur la maturité moyenne de la dette, on trouve toujours pour l'amortissement du principal et le paiement des intérêts un prélèvement sur le PIB intolérable.  Si on prend un taux d'intérêt moyen de 3% et une maturité moyenne de 9 ans, deux hypothèses très favorables, un endettement de 270% du PIB exigera une prise sur la richesse produit annuellement de 30%  pour l'amortissement et de 7.1% pour l'intérêt. Si on pousse la dette à 360% du PIB avec un taux d'intérêt de 5%, avec une maturité de 5 ans, les chiffres passent respectivement à  72% et 18% soit 90% de la richesse produite !

Les chiffres différent selon les sources. Les chiffres donnés par McKinsey et cités dans l'Economist sont plus bas que ceux du FMI. On voit la dette du Japon à près de 450% du PIB.  Celles de la Grande Bretagne, de la Corée, de la Suisse et de l'Espagne au dessus de 300%. Celles des Etats Unis, de l'Italie et de la France  un peu au dessous de 300%. En fait on sait que le FMI a calculé la dette américaine à près de 360% du PIB des Etats Unis en 2008.

Notons au passage que ce chiffre critique de l'endettement global d'un pays n'est pas une statistique facile à obtenir et ne fait pas partie des indicateurs généralement suivis. Ce qui est une très grave erreur et une lacune que nous invitons Eurostat et l'Insee à corriger d'urgence, en donnant la maturité moyenne et le taux d'intérêt moyen.  Cet index a une importance critique. Faute de l'avoir suivi avec soin au cours des années la plupart des économistes n'ont pas vu venir la crise.

Un simple calcul, nous l'avons vu, permet de conclure que dès qu'on dépasse 150 à 200% on entre dans une situation intenable dans la durée.  On parle de ratios de dettes pour les banques, il faut étendre ce concept aux économies.

Quand s'est donc produit le gonflement (inouï en temps de paix) des dettes globales ? La situation commence à s'aggraver après la rupture des accords de Bretton-Woods. Une accélération majeure se produit après la crise boursière de 1987   et le relâchement général de la création monétaire à l'arrivée de Alan Greenspan à la tête de la FED. La crise de 92-93 donne un coup de fouet à l'endettement  : celle de 2001-2002 l'aggrave. Pendant des mois la FED pratique des taux d'intérêt négatifs. Et tout le système s'emballe en 2006 et 2007 jusqu'aux  premiers accidents de juillet 2007. La phrase que l'on entend dans les milieux spécialisés : "un blocage de ce genre du marché interbancaire cela ne s'était jamais vu". On vient d'entrer en terra incognita.

Pourquoi les marchés interbancaires se bloquent-ils ? Essentiellement parce que le remboursement de la dette n'est plus possible. La seule technique pour faire face à cette dette monstrueuse c'est le "roll-over". On refinance indéfiniment la dette.  Le refinancement devient difficile pour nombre de banques dès que la FED remonte ses taux directeurs. Toute la pyramide de dettes vacille, entraînant les banques dans le développement à toute vitesse des CDS et de la titrisation. On se débarrasse d'une partie de la dette menaçante sur des tiers : épargnant, gestionnaire de trésorerie, assurance...

Mais les marchés de dérivés titrisés se bloquent bientôt. La méfiance s'installe partout. Les banques les plus fragiles, celles qui ont cru devoir essayer de rattraper les "gros" commencent à fléchir puis les banques de l'immobilier. La panique s'installe bientôt. Des ruées ruinent certaines banques sauvées par les Etats.  Jusqu'à l'effondrement final.  Rien ne pouvait empêcher que ce scénario se produise.

Le grossissement indécent de la finance ne se mesure pas seulement par l'en cours de dette. La part du secteur financier  dans les bénéfices globaux s'envolent au détriment des autres secteurs. Le secteur financier recrute en masse et verse des rémunérations chaque années plus faramineuses depuis ... 1975. Ce ne sont ni un accès subit de cupidité, ni des pratiques déloyales des banques, qui expliquent ces largesses. Les gains sont là parce que le secteur financier prélève une part constamment plus grosse du PIB, à proportion du gonflement de ses bilans.  Les agences de notations, les contrats alambiqués, l'emploi des mathématiques et la rémunération sans limite  des directeurs de banques  jouent un rôle secondaire. Le levier de ces gains est dans l'accroissement indéfinie (pensait-on) de la dette. Les servants d'une dette de 300% du PIB sont aux premières loges pour confisquer l'essentiel des gains de PIB. Et le font. Toutes les enquêtes montrent notamment aux Etats-Unis (en France, on a des pudeurs...) que la part prélevée par le secteur financier est devenue excessive  dès la fin des années 70 et hégémoniques dès la fin des années 90.

L'accroissement indéfini de la dette est bien le cancer qui depuis le début des années 70 a attaqué l'ensemble de l'économie mondiale et, de crise en crise, a fini par créer la plus forte récession depuis 1929.  Lorsqu'on dit : un cycle se termine, on veut dire : il est impossible que les quarante années que l'on vient de vivre se perpétuent sur le modèle absurde et voué à l'explosion  qui s'est installé après 71.

Quel est donc le virus qui a provoqué cette cancérisation par la dette ?

On peut résoudre cette énigme comme toujours en l'abordant par ses composantes. L'endettement global est composé de quatre parties qui ne vivent pas selon les mêmes règles.

Prenons les entreprises. A-t-on vu une augmentation massive de l'endettement des entreprises depuis 1971 ? Pas vraiment. En fonction des taux d'intérêt et des modes, les entreprises se financent plutôt par le recours aux actionnaires, ou au marché obligataire ou au crédit bancaire.  On sait parfaitement que l'endettement devient rapidement un problème si son ratio avec le capital devient excessif.  Les trésoriers savent qu'il faut emprunter lors que les taux d'intérêts sont au dessous du rendement interne des capitaux investis. Ou lorsque les épargnants ont été douchés par une crise boursière. Mais que dès que le taux d'endettement s'élèvent au dessus de 50% de l'actif, les banquiers deviennent nerveux. Alors on ne voit les taux d'endettement s'envoler qu'en fin de cycle, dans les deux-trois ans euphoriques qui précédent les récessions décennales. Dans la phase qui suit, la contraction est immédiate et souvent sévère.  On retrouve ce mécanisme d'entraînement entre 1998 et 1991, puis de 2005 à 2008, avec les contractions violentes subséquentes. Ce n'est pas l'endettement des entreprises non financières qui est à la source du gonflement global de l'endettement.

Prenons maintenant les particuliers. L'endettement des particuliers est directement lié au niveau des taux d'intérêt et de la propension à prêter des institutions financières. C'est vrai à l'évidence pour le financement de l'immobilier qui, de plus, à son cycle propre  sur 15- 20 ans.  Déprimé à la suite du renversement du début des années 70, il renait à partir du milieu  des années 80 et s'emballe avec les taux bas qui suivent la crise du débat des années 90. On croit que la crise de 2001 va assécher la rivière. Pas du tout : les taux négatifs de Greenspan  relance la machine. Compte tenu du poids dans un budget du logement, l'enflure de la dette des particuliers dans le total de la dette est progressivement plus visible. En 2008, elle représente pratiquement 100% du PIB avec de fortes disparités (l'Espagne, la Grande Bretagne, comme certains pays de l'Est fraîchement arrivés dans l'économie mondiale  sont plus touchés, de même que les Etats unis via les subprimes).

Suivons maintenant la dette des Etats.  Elle est directement liée au financement des déficits budgétaires. Il va de soi que des taux d'intérêt bas stimule les possibilités d'emprunter à bon compte et donc de soulager le besoin d'augmenter les impôts. Mais le cœur du mécanisme est ailleurs. Comment la France a-t-elle fait pour passer d'une situation assainie de ses finances publiques au sortir du septennat raccourci de Gorges Pompidou, malgré les folies de mai 1968, au désastre actuel ?

La première raison du gonflement de la dette, celle que tout le monde évoque, est naturellement la tendance des dirigeants à dépenser toujours plus pour complaire à leur électorat. En France, le développement de "l'énarchie compassionnelle, sorte de compromis historique entre la haute fonction publique et des formes larvées de socialisme, a été une force permanente derrière le gonflement injustifié des effectifs de fonctionnaires  et la mise en place de systèmes de subventions perpétuellement en besoin de financements complémentaires. La pression sur les recettes a été permanente. Le grignotage insidieux finit, au bout de trente ou quarante ans, par représenter des masses financières colossales.  La dépense publique qui représentait 35% du PIB à la fin des années 60 est ainsi passée à plus de 55%.  

A raisonner ainsi on perd l'essentiel. Après tout, si ces dépenses avaient été financées par l'impôt, il n'y aurait pas dettes. Tout le monde peut constater qu'il y a eu une hausse fabuleuse de la pression fiscale en même temps qu'un gonflement déraisonnable de la dette. Il faut donc creuser un peu plus.

Le mécanisme fondamental qui est à l'œuvre est tout simple : l'impôt est progressif. Le seul fait du trend de croissance provoque automatiquement un accroissement de la pression fiscale. Il va de soi que comme tous les chiffres économiques critiques, la propension marginale des impôts à croitre avec la croissance n'est pas rendue publique. C'est le principal moyen des états pour vider les poches de leurs concitoyens sans qu'ils en aient conscience. Les états voient donc spontanément la part de leurs recettes dans le PIB augmenter s'ils ne contrarient pas le mouvement d'une façon ou d'une autre. En France où l'amour pour l'impôt (des autres) est un fait culturel fort, personne n'a jamais songé, à gauche mais aussi à droite, à faire apparaître le phénomène et à le corriger. La progressivité de l'impôt est peut être un élément de justice fiscale mais n'a jamais été prévue pour accroître indéfiniment la part de l'état dans le PIB.

Le phénomène est aggravé par le cycle économique de 8-10 ans. Pendant la phase de croissance rapide les recettes "prennent l'ascenseur"  pendant que le PIB "monte l'escalier".  La pression fiscale augmente rapidement mais personne ne le voit ni se plaint parce que le revenu général est en hausse.  Lors du retournement de conjoncture, le mécanisme joue dans l'autre sens. L'état perd plus que le PIB ne se réduit. Mais ses dépenses sont devenues "structurelles" et il ne peut augmenter les impôts à proportion des besoins. La dette enfle. Le cliquet à la baisse des dépenses publiques est un phénomène trop connu pour qu'on insiste plus. Il suffit de regarder ce qui se passe avec la préparation du budget 2011 pour se rendre compte de la force de résistance des subventionnés.

L'histoire de la dette récente de la France est entièrement écrite par les récessions successives de 74; 1982, 1993, 2001 et 2009. A chaque fois le gouvernement laisse filer la dette que ce soit Chirac, Mauroy, Béregovoy puis Balladur, Jospin puis Raffarin et aujourd'hui Fillon.  

On dira : vos mécanismes sont permanents. Qu'est ce que la période récente a de particulier ? Pourquoi est-ce que partout la dette publique a dépassé les 100% du PIB ?

Lors qu'on observe les courbes on voit en effet qu'avant 1971, le taux d'endettement des états baissent continûment. La guerre est un facteur d'endettement certain. Il faudra du temps pour amortir le coût de la reconstruction suivant la guerre de 40.  Mais la croissance est forte  et le cycle peu marqué pendant tout le temps du plein fonctionnement du système de Bretton Woods. Les recettes sont donc extrêmement abondantes pendant toute cette période ce qui permet un désendettement massif notamment des économies d'Europe occidentale.

L'ennui c'est que les trente glorieuses s'arrêtent avec l'introduction des changes flottants. La croissance (le trend mondial) est freiné de presque 0.5% et les crises  décennales deviennent de plus en plus sérieuses. Chaque crise cyclique (74,  93  et la crise en cours) est  "la plus violente depuis 1929".  Les gouvernements se retrouvent avec une moindre croissance structurelle de leurs recettes et des effets cliquets beaucoup plus violents. Partout les dettes s'envolent dans la foulée des ralentissements et des récessions.  

Simultanément sous l'influence d'Alan Greenspan, des flots de monnaies sont créés à chaque récession. Les taux d'intérêt sont historiquement bas. Les Etats insouciants comme la France y voient une aubaine. Vive la dépense publique, Vive l'impôt et Vive la dette ! On commence à s'inquiéter uniquement lorsque les taux d'intérêts à verser représentent la totalité de la valeur de l'impôt sur le revenu ! Sinon les malheureux qui du bout des lèvres appellent à un peu de restrictions se voient interpeller : dites-nous où vous trouvez vos économies : sur les enseignants et les infirmières ? Il est interdit non seulement de réduire la dépense publique mais même de l'envisager sans être aussitôt taxer d'être un "salaud" au sens sartrien du terme.

D'autres sont plus raisonnables. Des réformes profondes permettent de casser la spirale de hausse des prélèvements, de la dette et des dépenses publiques, en Australie, au Canada, en Hollande, dans certains pays nordiques. La Grande Bretagne après le coup d'arrêt Thatchérien, commet l'erreur avec Tony Blair de gaspiller progressivement les bénéfices engrangés. Le New Labor après avoir concédé que jamais il ne reviendrait au temps du "brownisme" étouffant de l'ancien labour, réhabilite progressivement la dépense publique notamment dans les hôpitaux et le système scolaire.

L'histoire de la dette publique est-elle dite ?  Non. Une autre force essentielle de l'accroissement de la dette publique est dans les sauvetages à répétition du système financier. Et pour le comprendre il faut maintenant s'intéresser au secteur des banques et autres institutions financières.

Jusqu'à l'explosion du système de Bretton Woods et au passage aux changes flottants, le secteur financier et notamment bancaire compte pour presque rien dans l'endettement global des pays. Compte tenu de l'inflation rampante lors des trente glorieuses, les dépôts sont constamment rognés. Les prêteurs ne sont pas à la fête.  Les banques non plus. Tenues pour responsables de la crise de 1929, elles sont corsetées dans une législation contraignante.  On gagne péniblement sa vie dans les banques de dépôts sur des crédits à l'industrie  et on fait très attention aux crédits aux particuliers. La monnaie est régulée par les banques centrales nationales et la discipline de Bretton-Woods impose de "ne pas faire plus de bêtises que les autres". Les bilans des banques sont sous contrôle.  Les Etats se financent en cas d'urgence par la création monétaire, provoquant de l'inflation mais évitant le gonflement de dettes publiques permanentes.  

Tout change avec la disparition des contraintes de Bretton-Woods. Il n'y a plus de système monétaire international. La contrainte des changes disparait. Que l'imbécile qui s'est fait prendre avec une monnaie qui s'effondre pleure tout seul dans son coin. Simultanément sous la pression idéologique de Milton Friedman on supprime tous les obstacles à la circulation financière et la majorité des barrières douanières : ce sont "les marchés" qui fixeront tout : le taux d'intérêt et la valeur respective des monnaies. Il fait bien prendre conscience de ce qui s'est passé : on a supprimé le cadre de coopération internationale des états et laissé aux seules forces individuelles des marchés le soin de trouver les chemins d'ajustements nécessaires.

Tout est biaisé dans le nouveau "non système" qui s'implante. D'abord, contrairement aux apparences, il n'y a pas de forces intellectuelles directrices derrière les nouvelles règles. Les Etats Unis ont déclaré une forme de chacun pour soi et tous pour l'Amérique tout en laissant les autres faire ce qu'ils veulent. Les pays serfs comme le Japon et l'Allemagne sont priés de faire gonfler la valeur externe de leur monnaie. Les autres ? Qu'ils se débrouillent !   Bien sûr, la nature ayant horreur du vide, on fera semblant de s'appuyer sur une doctrine économique solide. A nous Milton Friedman ! Or rien ne marche comme Friedman l'a écrit. La liberté économique transcontinentale  devait permettre aux financiers d'envoyer les capitaux là où ils sont le plus rentables, attisant la croissance. Pas de chance : le trend mondial baisse ! On devait avoir une convergence des taux d'intérêt : jamais on a vu autant de "spreads". Les devises devaient se stabiliser : elles grandes devises varient entre elles du simple au double !

En même temps on assigne aux banques centrales le soin de gérer des monnaies devenues à 100% administratives tout en leur assignant un seul objectif : pas d'inflation ! Le résultat sera risible : évalué en or le dollar et avec lui les principales monnaies perdra 98% de sa valeur entre 71 et 2010. L'once d'or passe de 35 à 1250 dollars !

Dès le milieu des années 70 le rôle des banques change. La variabilité des monnaies offrent des possibilités de spéculation phénoménales. D'énormes masses financières peuvent se déplacer à travers le monde. Les banques mettent un peu de temps à comprendre les nouvelles possibilités. Mais dès 77-78 on voit les salles de marché grossir à marche forcée. Spéculer sur des différences de taux et  de changes devient une source de profits démesurés. Il suffit pour cela d'accroitre le levier. Les banques commencent à devenir des emprunteuses. On crée de la dette pour pouvoir spéculer à court terme. Lorsque la spéculation ramène du 100% par an pour un intérêt de quelques pour cent, pourquoi se priver ?   

Nous voilà au cœur du système : une banque n'a pas les moyens seule de créer de la dette. Le multiplicateur de crédits ne fonctionne qu'à partir d'un apport initial de liquidité. Où se trouve la source de cette création nette de liquidité ?

Cette question est toujours très mal comprise et donne lieu à toute sorte de fantasmagories. Pourtant les aspects techniques ne sont pas très compliqués. Dans notre système de monnaie totalement administrative l'apport de monnaie est toujours le fait des banques centrales. Les banques centrales créent de la monnaie selon plusieurs schémas :  soit parce que les devises qui remontent dans ses comptes sont abondantes, soit parce qu'elle accepte de gonfler son bilan de dettes bancaires en plus grand nombre. Ou de dette d'état quand cela n'est pas interdit.  

Dans un système non régulé de n'importe quoi  structurel en matière de change chaque pays est soumis aux conséquences des décisions de la banque centrale du voisin. S'il resserre sa politique monétaire rien n'interdit à un agent d'aller chercher des capitaux ailleurs.  Bien sûr il ya le risque de change.  Mais on a des polytechniciens de la finance pour régler ces menus soucis.

La clef du système se trouvera nécessairement dans la gestion du pays qui a l'importance économique la plus grande. Si en plus il a imposé sa monnaie comme monnaie de réserve, l'importance de la politique suivie  par les autorités de ce pays devient cruciale. Si celles-ci se déclarent en faveur d'une doctrine de "benign neglect", tout est en place pour une catastrophe majeure.  

Les Etats-Unis n'ont pas voulu se contraindre pour sauver Bretton Woods. Ils ne vont pas plus se contraindre après que la flottaison du dollar a été décidée.  Le mécanisme de la double pyramide de crédits décrit par J. Rueff et quelques autres prend soudain l'allure d'un tourbillon incessant. Les déficits américains créent inlassablement de la monnaie dans les pays exportateurs qui la replace aux Etats unis. La spirale gonfle et se termine comme toujours en tornade. Où se constate le gonflement? Evidemment au sein des bilans des institutions financières. Dès 1985 l'endettement des banques représentent près de 50% du PIB des Etats Unis, contre  environ 20% en 1971.   Plus il monte, plus le risque global d'une rupture grossit. La première grosse explosion se produit en 92-93. L'ensemble du système bancaire explose et est virtuellement en faillite !  Il est sauvé par une inondation de création de monnaie et un nouveau gonflement de l'endettement des banques.  

C'est là qu'il faut regarder la situation du Japon. Dix ans avant c'était le grand gagnant de la mondialisation. Mais le voilà avec un système bancaire moribond que l'état doit sauver. En système de change flottant, les fonds courent vers les pays à fortes exportations dont la monnaie est solide. Le Yen s'est envolé. Pour faire face à cette hausse, qui asphyxiait le pays, les autorités n'ont pas su quoi faire. Entre carry trade plus ou moins aventuré, investissement des réserves dans des placements étrangers calamiteux, gonflement de bulles diverses notamment immobilières,  la crise de 92-93 allait avoir des effets dévastateurs.  L'état ne trouvera d'autre moyen que de venir au secours des banques pour éviter la spoliation totale des déposants et la ruine des entreprises.  En un mot le Japon a connu avec 20 ans d'avance ce qui est aujourd'hui le lot commun.  Le Japon est aujourd'hui à 450%  d'endettement par rapport à son PIB !  La Grande Bretagne qui a voulu jouer le deus ex machina derrière toute cette folie financière alimentée par les déficits américains et la politique monétaire foldingue de Greenspan se retrouve avec une dette globale de près de 400%. Ne parlons pas de l'Islande !

Les taux d'endettement étatique les plus monstrueux ne proviennent pas  "des enseignants et des infirmières" mais des conséquences d'un système monétaire et financier fondé sur les changes flottants et une monnaie internationale...nationale utilisée sans frein ni complexe.

Lorsque l'on dit : la crise actuelle vient indiscutablement des Etats-Unis, c'est vrai. mais c'était tout aussi vrai de la crise de 74 et de celle de 92-93.

Lorsque nous écrivions il y a deux ans que la crise faisait peur parce que les recettes frelatées de Greenspan ne pouvait plus s'appliquer, nous ne faisions que constater que le système mis en place de facto en 1971 était arrivé à son terme. La création de dettes nouvelles n'étaient tout simplement plus possible. Le système bancaire était au plafond.  Les états aussi.

La malédiction  des changes flottants et d'une monnaie mondiale à l'abandon avait fini par déclencher une des pires crises de la dette de toute l'histoire économique et en temps de paix !

La seule solution pour en sortir n'est pas principalement dans la refonte des banques, bien que la restructuration de la dette l'impose de toute façon. Mais dans le retour à un système organisé des changes et de la responsabilité des Etats dans la valeur externe de leur monnaie. Tout le monde convient que le Yuan est grossièrement sous dévalué et entraine des conséquences désastreuses pour les économies concurrentes.  Mais comment imposer une gestion des devises  sans système international contraignant. Si les Etats-Unis ne veulent pas se contraindre, pourquoi la Chine le ferait-elle ? Les Etats unis ont imposé un jeu de puissance. Comment se plaindre que d'autres s'y essaient aussi ?

L'Europe structurellement impuissante fait semblant de croire que les changes flottants, les banques centrales indépendantes chargées exclusivement de l'inflation, la liberté totale des mouvements de capitaux, est doctrinalement satisfaisante. Pratiquement elle signe son retrait du monde. Sa croissance est infime et menacée. En même temps que son système monétaire et bancaire est à deux doigts de l'implosion.    

La solution, la seule solution, est parfaitement connue.  les Etats ne peuvent commercer dans la liberté presque totale du commerce et des capitaux, que s'ils s'entendent sur un cadre monétaire et de changes où chaque pays a des responsabilités et peut être contraint à les respecter. Jamais les Etats Unis n'auraient du être autorisés à accumuler pendant des décennies des déficits absurdes.  Jamais la Chine n'aurait du être autorisée à pratiquer un mercantilisme aussi caricatural. Jamais le Japon n'aurait du être enfermé dans un système qui a tué" son système bancaire et malgré cela porté le Yen à des sommets injustifiables.  

La folie des endettements monstrueux que l'on constate est le fruit pourri mais inévitable du système des changes flottants et du dollar monnaie de réserve mondiale. Il faut donc renoncer à ce système.

La crise sévère que nous traversons aurait du être le levain de ce changement fondamental. C'est un système où tout le monde est perdant.  La dernière réunion du G.20 est calamiteuse parce qu'elle prouve qu'on en est toujours au chacun pour soi tout en faisant semblant de maintenir des libertés économiques dans un cadre tellement biaiseux qu'elles ne peuvent avoir aucun effet bénéfique de long terme.  

Il appartenait à l'Europe de dire stop. Elle pouvait le faire en laissant filer l'Euro tellement bas que les Etats Unis auraient pris peur. Et en augmentant de 200 à 300% le coût des importations  en provenance de Chine et des pays pratiquant le dumping monétaire en instituant une système non pas de taxes douanières (les traités ne le permettent pas et nous sommes totalement ligotés)  mais de béquilles monétaires visant à rééquilibrer les balances extérieures mutuelles.    

La simple menace aurait suffit pour être entendue. La Chine privée du marché américain et européen serait extrêmement mal. les Etats unis confrontées à une Europe compétitive seraient encore plus mal, à l'agonie.  

Qu'elle serait l'inconvénient de revenir à un système régulé des changes avec une monnaie de réserve mondiale indépendante d'un pays national ? Les Etats Unis se trouvent-ils si flambants  aujourd'hui ?  Et la Chine ? Elle tremble de tous ses membres devant son tas de dollars qui risque

Les deux statistiques qui expliquent tout !

Depuis des lustres nous prétendons que l'empilement continu partout dans le monde et sur une longue période de paquets de dettes de plus en plus aventurées annonce avec certitude des difficultés gravissimes.  Nous l'avons écrit dès que nous avons commencé à intervenir  publiquement sur des forums, c'est à dire dès 1996 ! La courbe qui avait déclenché notre inquiétude était le gonflement historique de l'endettement des institutions financières un peu partout dans le monde et spécialement aux Etats Unis.  Les banques sont normalement les dispensatrices du crédit et non des émetteurs de dettes. Il était curieux de les voir tout à coup devenir les emprunteurs les plus importants.

Il faut se méfier des statistiques paradoxales. Elles prouvent en général un disfonctionnement. C'est à partir de ce moment là que nous avons cherché l'origine de ce gonflement qui n'avait qu'un précédent historique : 1929 ! Il n'a pas fallu cherché très loin : l'empilement des dettes était du au mécanisme bien connu de la double de pyramide de crédits si bien explicité par Jacques Rueff. Il avait été aggravé de façon directe par le passage aux changes flottants.  Il était devenu explosif à partir du moment où Alan Greenspan, pour atténuer la crise boursière de 87,  s'était lancé dans la création monétaire à tout va.  

Nous avons dès 1996 expliqué la dureté de la crise de 92-93 par la conjonction d'un épisode du cycle décennal et de la fragilité financière  liée à l'empilement excessif des dettes  dans un système de changes flexibles où une monnaie nationale, le dollar, jouait le rôle de monnaie de réserve, sans que son émetteur s'imagine la moindre responsabilité collective ("notre monnaie, votre problème"). Il est "amusant" de constater rétrospectivement que cette crise a été niée aux Etats unis et notamment par le FMI (pauvre K. Rogoff que nous avons durement pris à partie à cette époque). Alors qu'elle était parfaitement révélatrice d'un nouvel état du monde.  Lors que la crise de 98 est survenue, dite, faussement, "crise des pays émergents", nous avons affirmé, contrairement à notre prix Nobel Emile Allais qu'il ne s'agissait que d'un soubresaut monétaire lié à l'instabilité générale du système de dettes alors qu'il voyait lui se dessiner la grande crise finale. Bien sûr nous avons vivement réagi contre l'article du Monde qui se moquait ouvertement des conclusions d'Allais. "Nous voilà prévenus" écrivait ironiquement le Monde ! Mais oui, nous étions prévenus. L'erreur d'Allais est d'avoir eu raison trop tôt.  Nous pensions que la crise importante viendrait plus tard. Nous avons écrit à cette époque que la crise cyclique prochaine aurait lieu début 2000 mais qu'elle serait de moyenne importance et que le vrai drame était à prévoir lors de la crise cyclique suivante qui, elle est traditionnellement forte. Compte tenu du rythme de gonflement des bulles monétaires on risquait le pire.

En 1999 nous avons passé un papier que nous jugions à l'époque important qui expliquait que l'inflation inouïe des moyens de paiements ne se retrouvaient pas dans les prix des produits de consommation du fait de la Chine. Mais ces moyens de paiements excessifs se retrouvaient dans les biens réels (bourses, oeuvres d'art, pétroles et ressources naturelles,  et surtout immobilier). C'était la première fois à ma connaissance que cette thèse devenue banale était développée publiquement.  Nous précisions que la crise cyclique frapperait en seconde partie de l'année 2000. Sûrs de notre diagnostic, nous avons vendus notre propre entreprise en juin 2000 ! Nous avons bien fait. La conjoncture sera terrible pendant plusieurs années.

C'était l'époque où certains racontaient qu'on avait trouvé la méthode miraculeuse de la croissance continue sans crise ! Alors que l'empilement de dettes devenait colossal.

Dès juin 2006, il y a quatre ans déjà, nous avancions notre prévision sur le moment du renversement du cycle de 2010 à 2009.  Le dérapage de l'endettement prenait une ampleur jamais vue.  Des trimestres de crédits à taux négatifs (du fait de la politique de Greenspan et de l'inflation)  avaient permis de créer des liquidités phénoménales qui prenaient désormais des chemins nouveaux et imprévus.  On voyait dans les statistiques du BRI se gonfler les CDS au rythme de 40% par an puis 100% !  En décembre 2006 nous constatons que les prix de l'immobilier baissent aux Etats unis pour la première fois depuis la guerre. Tout l'empilage des dettes immobilières américaines menaçait de s'effondrer.  Nous annonçons alors dans notre bulletin de conjoncture que la crise se déclencherait en septembre 2008 et provoquerait une récession sévère en 2009 probablement plus radicale encore que celle de 1993.

Nous avertissons de cesser les gros investissements et de vendre biens immobiliers ou entreprises si nécessaire sans attendre.

Dès le début de 2007 des banques se trouvent en difficulté pour se refinancer. Pourquoi le refinancement est-il indispensable ? A ces niveaux d'endettement, il est impossible que l'économie rembourse l'intérêt et le principal. Il est indispensable de faire rouler les crédits afin de n'en pas demander le remboursement immédiatement. Le risque ayant été dispersé sous des formes nouvelles qui prennent soudain le devant de la scène, comme les CDO, le marché interbancaire se ferme progressivement. En juillet 2007 les adjudications de CDO ne trouvent plus preneurs. des fonds sont bloqués. C'est déjà l'ensemble du marché monétaire mondial qui se crispe. Les banques étant devenues des institutions  emprunteuses de masse, et ayant pris une part tellement disproportionnée dans l'économie, elles sont en première ligne dans la défiance générale. Pas de remboursement possible et pas de refinancement possible ? La faillite est en vue ! . Cette équation est imparable. On voit les  premières banques s'écrouler début 2008.   Au milieu de l'étonnement général : nous sommes en pleine phase finale de croissance du cycle global. Comment une banque peut-elle s'écrouler alors que tout va bien ?  C'est d'autant plus paradoxal que les grandes institutions qui dirigent la spéculation mondiale lance une vaste opération sur les matières premières et les grains.  Alors que le château de cartes s'effondre, l'esprit général et à l'hyperspéculation !  Elle s'arrête au début de l'été 2008. Il est vrai que les banques centrales annoncent un resserrement du crédit et ...bloquent les moyens de refinancement des banques déjà fragilisées.

C'est l'époque où le New York times lance sa question centrale : va-t-on vers la récession ? Nous répondons oui avec quelques arguments. Aux voix qui expliquent qu'il y a une difficulté dans l'immobilier américain qui a commis "des excès"  mais que jamais elle ne s'étendra aux autres secteurs, nous répliquons que la crise est mondiale et va frapper tout le monde. L'idée absurde du "découplage" domine dans les médias mondiaux et séduit jusqu'au FMI qui va être complètement dépassé par les évènements. Nous dénonçons cette fantaisie.

Arrive alors l'inévitable :  le blocage du marché interbancaire associé au resserrement de la politique des banques centrales aboutit à la faillite générale du système bancaire. On connait la suite.

Le fil conducteur de toute cette histoire c'est la hausse  colossale des encours de dettes depuis la fin des accords de Bretton Woods et surtout le changement de politique de la FED avec l'arrivée de Greenspan.  

Nous ne cessons de conseiller aux journaux français de produire une infographie montrant l'évolution des dettes depuis 71. De la totalité des dettes : banques, entreprises, particuliers et états. Car tout devient immédiatement clair dès que ces courbes sont devant les yeux !

La revue l'Economist vient de produire deux courbes de ce genre : l'endettement des Etats  et l'endettement des Etats unis par grandes composantes. Nous les affichons au bas de ce document.

Que voit-on ?

Les Etats qui se sont désendettés pendant toute la période des accords de Bretton Woods se remettent à accroître leur dette à partir de 71-72  et surtout de 74. Le mouvement ne s'arrêtera plus. On passe d'une moyenne de 30% du PIB à plus de 120% ! En moyenne, donc partout !

L'autre tableau montre de façon évidente qu'après la stagflation des années 70 et la stabilisation Volcker, les banques se mettent à accumuler l'endettement. Tout le monde se focalise sur l'immobilier. Mais que l'on contemple un peu plus l'endettement des banques. Il s'envole jusqu'à des sommets jamais vus. Alors que les banques sont normalement ...prêteuses.

La dette globale aux Etats Unis avant la crise atteint 360% du PIB. S'il fallait que l'économie la rembourse, intérêt et principal, et en supposant une maturité moyenne de 5 ans et un taux d'intérêt de 5% (pour simplifier les calculs),  il faudrait continûment 20% de 360% pour l'amortissement et 5% de 360% pour l'intérêt, soit 90% du PIB. C'est évidemment IMPOSSIBLE.

La pyramide ne pouvait que s'effondrer.  Comme les crédits correspondent au financement d'activités, l'effondrement contracte l'activité de façon considérable. La production industrielle baissera de près de 20-25% en moyenne mondiale. Plus joli "crédit crunch" on ne peut pas.

Certains économistes de cour, plus habitués à prendre des postures automatiques liées à des camps idéologiques, ce qui leur vaut les faveurs des medias et des pouvoirs,  qu'à regarder les séries statistiques les plus parlantes, ont prétendu qu'il était impossible de prévoir la récession. S'ils avaient eu la curiosité de regarder l'endettement global et le soin d'analyser les causes de l'envolée des en-cours, ils n'en seraient pas à la jérémiade exonératoire. La crise ne pouvait pas ne pas éclater et elle ne pouvait pas ne pas être d'une extrême sévérité.

La crise mondiale est une crise de la dette. Nous ne cessons de le dire. Il fallait à l'évidence, après en avoir compris le mécanisme, mettre fin au moteur maléfique qui la gonfle. La mesure importante était le retour aux changes fixes et l'instauration d'une monnaie de réserve mondiale gérée en tant que telle et indépendante des foucades d'une nation particulière. Naturellement l'organisme de gestion aurait du être paritaire et non pas comme actuellement dominé par une nation ayant des droits particuliers, comme le véto. La restructuration de la dette était la seconde mesure d'urgence avec la restructuration du secteur financier.

On n'a fait ni l'un ni l'autre. L'opinion a été sollicitée de s'intéresser à des sujets mineurs comme les bonus, les agences de notations, les bourses d'échange de CDS et autres fariboles.  Trois ans exactement après le blocage du marché interbancaire, l'Europe sort sa législation malthusienne contre les bonus. Un cautère sur une jambe de bois en même temps qu'un coup d'épée dans l'eau.  Une mesure prise isolément n'a aucun intérêt en la matière et le G.20 a renoncé à recommander des règles uniques.  Jamais un seul "responsable" n'a pris le temps d'expliquer au monde pourquoi les banques avaient pris une part aussi importante de la richesse. Si les bonus sont "monstrueux" c'est parce que cette part est elle-même monstrueuse. Il fallait dégonfler le secteur financier hypertrophié par l'accumulation de dettes. Donc comprendre où était le gonfleur. On a préféré sauver les banques et conserver le gonfleur tout en limitant les bonus. Politique plus sotte, on ne peut pas.

Comme nous l'avons immédiatement  indiqué à l'automne 2008, le simple transfert de la dette aux Etats ne changerait fondamentalement  rien. Ce sont eux qui se retrouvent désormais en première ligne sur le front du refinancement. C'est tout. Le beau traitement de la crise !

Pour agir, il fallait comprendre comment le monde a pu accumuler partout des dettes supérieures à plusieurs fois le niveau du PIB.  C'est cette question que les économistes et les grandes institutions  devraient s'attacher énergiquement à éclairer. Aucune ne le fait.  Une fois de plus on se concentre sur l'accessoire ou le visible au lieu d'aller à l'essentiel :  

- Comment un secteur financier peut il devenir débiteur net et dans des proportions aussi vertigineuse alors qu'il est censé mettre l'épargne à la disposition des  agents économiques qui en ont l'emploi ?

- Comment un pays peut-il s'endetter au delà de la valeur de son PIB ?

- Comment l'ensemble du monde peut-il créer de la dette au delà de plusieurs fois la valeur du PIB global ?

Un économiste qui ne connait pas les chiffres de l'endettement global et qui n'a pas de réponse à ces trois questions devraient être mis à la porte des institutions privées ou publiques qui le nourrissent. Et expulsé des médias.  

Et on devrait interdire de réunir un G.20 tant que cette question n'a pas fait l'objet d'une réponse collective cohérente et globale.

Et un ministre des finances qui n'aurait pas cela en tête,
Et un premier ministre qui ne connaîtrait pas ce débat,
Et un Président qui oublierait la question centrale qui devrait le préoccuper jour et nuit,
devraient tous  être renvoyés dans l'instant à la vie civile.

La nullité économique générale et continue, cela commence à fâcher !

Messieurs Robin pour le Figaro et Delhommais pour le Monde, pourquoi ne vous saisissez-vous  pas de ce thème fondamental ?. Faites établir une infographie complète de l'évolution de la dette globale dans les grands blocs économiques mondiaux depuis 1945.  Et expliquez à vos lecteurs comment on a pu en arriver là et si de tels niveaux d'endettements globaux sont durables. Ce n'est pas dur. Cela ne demande pas d'efforts intellectuels transcendants.  Et au moins on pourra dire que la PQN aura concentré le débat là où il faut.

Bien sûr cela va vous emmener dans des endroits où vous n'aimez pas aller : les changes flottants ; les mécanismes de double pyramide de crédits ; la malfaisance d'un système financier libre sans mécanismes concertés de régulation des excédents et des déficits des états ; le piège  de banques centrales gérant de façon indépendante la création monétaire avec le seul but de ne pas avoir d'inflation.

Là, d'accord, il va falloir braver des idées fausses mais dominantes. Lutter contre une vulgate nocive mais généralement admise, même quand les faits les plus terribles viennent d'en démontrer l'inanité, demande du courage. Les ricanements ne manqueront pas. Cela doit-il vous arrêter ?

Au moins le débat économique se sera recentré sur l'essentiel au lieu de continuer à se perdre dans la pusillanimité.   

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.



Un impôt supplémentaire sur les banques : pour quoi faire ?

Depuis des mois l'idée de frapper les banques d'un nouvel impôt circule dans les milieux internationaux et dans les officines gouvernementales. Le FMI recommande d'en mettre un en place, uniforme de par le monde. L'Allemagne et la France se sont mis d'accord pour en présenter un projet au G.20. Le Royaume Uni est favorable et l'a déjà institué. Bref l'impôt sur les banques est une idée à la mode qui va entraîner de vastes discussions dans les mois à venir et qui débouchera un peu partout.

D'où la question : un impôt pour les banques, pour quoi faire ?

L'impôt sanction.

Une première conception est d'affirmer que les banques sont responsables de la crise et qu'elles doivent être sanctionnées. Dans nos mentalités modernes, l'impôt est une sanction doublement utile puisqu'elle frappe le méchant tout en fournissant des ressources aux gentils. La méchante banque va donc être frappée et les milliards de prélèvements vont faire du bien à tout le monde. Cette vision morale est politiquement correcte. Le dégoût général vis à vis des banques la favorise. Frappons donc à coups de gourdin fiscal cette vile engeance qu'on a sauvée à coups et à coûts de centaines de milliards. Reprenons de la main gauche ce que la droite a donné.   

Cette conception nous parait, au Cercle des économistes e -toile,  aussi vile que vaine. Le populisme cupide des états n'est pas notre tasse de thé.  Autant les actes individuels délictueux doivent être pénalement poursuivis, autant les punitions collectives nous paraissent déplacées. Surtout si elles ont des effets de bord déplaisants pour la collectivité.  Et l'accroissement de la pression fiscale a toujours des effets de bord déplaisants pour la collectivité.

L'impôt assurance.


Là au moins on part d'une idée fonctionnelle : les banques manipulent du risque. Elles sont devenues trop grandes pour qu'on les laisse tomber, ce qui implique des plans de sauvetage coûteux pour l'Etat.  Donc préparons un fond mutuel de secours financé par le secteur lui même qui permettra de faire face à la prochaine alerte.  De nombreuses professions gèrent des fonds mutuels de secours pour faire face à des risques de place : les avocats, les agences de voyage, les notaires etc.  Pourquoi pas les banques ?

La solution existe déjà dans certains pays. Aux Etats Unis le FDIC, l'agence fédérale qui garantit les dépôts des banques  est alimentée partiellement par les banques. Les bonnes banques paient pour les mauvaises. Et si cela ne suffit pas, l'Etat, c'est à dire le contribuable, est mis à contribution.  Ce fonds est actuellement en détresse aux Etats Unis du fait des centaines de banques qui ont fait faillite (et dont on ne parle jamais).

La question est en effet de déterminer ce qu'on assure et pour faire face à quel risque. Sont-ce les dépôts ? Ou le capital des banques ? Ou les crédits ?

Le capital des banques est normalement l'amortisseur des pertes des banques. Les provisions que les banques font, qui diminuent les bénéfices, sont normalement là pour étaler les risques principaux. Et si la banque est mal gérée et que ses crédits s'avèrent aventurées au delà des provisions, c'est sur le capital que les pertes sont débitées et au delà en cas de faillite, les créanciers de la banque  Si on ponctionne les bénéfices ou ce sont les provisions qui ne pourront être dotées au niveau convenable, ou c'est le rendement du capital qui va diminuer entraînant une sous capitalisation des banques. Si l'impôt a pour but de créer une cagnotte collective, cela veut dire que les provisions sont partiellement transférées sur une instance extérieure ou que l'on crée une super provision collective.

La difficulté est alors l'emploi de cette cagnotte.  Si on la place, la cagnotte devient de la dette  (créances et dettes sont les deux faces d'une même réalité) : en cas de crise financière quelle sera la valeur de la cagnotte ?  Si on ne la place pas, cela veut dire que la recette entre dans le budget général et ne sera pas disponible en cas de crise. On n'en reviendra au problème initial : les grandes poches du contribuables. Sans compter la question pénible : pourquoi un fond souverain gérerait-il mieux la cagnotte que les banques ? Et si elle est gérée par les banques qu'est-ce qui garantit qu'elle sera mieux récupérable que le reste du portefeuille des banques ?

Reste une solution : assurer les crédits ! Mais c'est exactement le système largement pervers que les banques ont mis en place avec les agences de notation et les CDS.  On "objective" le prix du risque en en faisant un marché. Les spéculateurs  agiotent sur les risques via des instruments ad hoc. Tous les flux de trésorerie sont plus ou moins titrisés et ces actifs, notés, font l'objet de spéculation. Les bons spéculateurs font du profit. Les autres perdent leur mise. C'est un jeu apparemment à somme nulle.  Pendant des années les bons apôtres nous ont expliqué que cette nouvelle technicité financière était la marque d'une organisation supérieure enfin rationnelle  et que grâce à la nouvelle finance mathématifiée, sous la surveillance des agences de notation, le risque était minimisé et diffusé intelligemment de façon à stabiliser l'ensemble des flux économiques.  

Le problème, c'est que les CDS ont une responsabilité large dans la crise actuelle. A la fin des fins il y a toujours un risque global de contrepartie. Quand ce risque est intenable le système s'effondre.
L'histoire de la faillite conjointe de Lehman brothers et d'AIG est assez claire. Dès la déclaration de faillite de la banque, l'assureur, AIG, s'est retrouvé avec des engagements se comptant en centaines de milliards de dollars. Les banques françaises ont été sauvées par la décision des Etats Unis de garantir les CDS, CDO et autres véhicules "d'assurance".

Les blocages successifs du marché interbancaire qui sont la marque spécifique de la crise que nous connaissons, sont entièrement expliqués par l'inquiétude sur la localisation du risque, dans un système mondialisé où il est diffusé de façon obscure.  La folie de la construction financière mondiale actuelle est qu'elle cache le risque global de contrepartie qui finit par exploser dans les budgets des états,  et qu'elle rend tous les acteurs financiers suspects. Qui a le mistigri ? L'effondrement du marché interbancaire provoque instantanément des conséquences économiques gravissimes et longues à guérir. Et le mistigri n'est pas constitué des "crédits pourris" mais de TOUS les risques, et dans la banque le risque est partout.   

Si on parle d'assurance des crédits, il faut d'abord  essayer de comprendre comment un impôt nouveau se lierait avec ces mécanismes d'auto assurance du secteur et de diffusion du risque. Si vous avez eu le moindre écho de ce genre de discussion merci de nous le signaler. Nous sommes preneur. On a parlé de faire transiter les CDS et autres contrats de ce type par des bourses ouvertes afin d'éviter le secret des opérations de gré à gré. Et c'est tout. Ajouter un impôt à ce système gigantesque de masquage et de diffusion du risque est-ce réellement la solution ? Surtout lorsqu'on sait que les transactions concernées sont mondiales ?  Ou ne vaudrait-il mieux pas taper dans la fourmilière et  mettre de l'ordre dans ces fausses sécurités, dont le but principal a tout de même été de sortir des règles de Bâle ?    

L'impôt de régulation ?    

Nous retrouvons l'aimable professeur Tobin et sa taxe sur les transactions financières. Rappelons que pour cet économiste d'une grande finesse, le but de la taxe, dans un système de change flottant et de liberté totale des flux de capitaux à court terme, était d'empêcher les opérations à court terme répétitives, les allers et retours sur les marchés de change, fin de stabiliser la valeur des devises et d'éviter les paniques dévastatrices qui ne manqueraient pas de se produire au terme d'épisodes spéculatifs excessifs.

Remarquons que cette solution est totalement contradictoire avec l'organisation mondiale du risque via les CDS. Selon les promoteurs de cette science nouvelle du risque c'est la liquidité des marchés du risque qui permet l'ajustement constant de la valeur individuelle de chaque risque et la bonne orientation du marché. Tout blocage direct ou indirect  entraine ipso facto  un dysfonctionnement du système global. C'est la critique majeure  qu'ont faite  les théoriciens  de la nouvelle finance mondialisée basée sur les changes flottants, la liberté totale des mouvements de capitaux, et les contrats complexes.

Nous même considérons que c'est un palliatif imaginé pour corriger un système qui ne devrait pas exister : les changes flottants. Dans un système de changes fixes garantis par la politique économique des états et surveillés par un superviseur supra national disposant de pouvoirs sérieux, on réduit le risque donc la nécessité de se prémunir. La taxe Tobin est un adjuvant mais pour un mauvais système. Mieux vaut ne pas mettre en place le mauvais système.

La question de la taxe Tobin est compliquée par la récupération qu'en ont faite des ONG cupides sensibles à l'idée que le produit de la taxe pourrait leur être réservé.   La taxe Tobin a été promue moyen simple et efficace successivement pour régler le problème de l'eau dans le monde, puis celui des maladies infectieuses, puis celui de la fracture Nord Sud, puis la question du réchauffement climatique.  La taxe a quitté le monde de la finance pour celui de l'écologie. Son succès de presse et de populisme repose sur un aphorisme débile mais séduisant : une toute petite taxe insignifiante  et insensible permet de résoudre tous les grands problèmes du monde. Pourquoi se priver ? En vérité comme nous l'avons montré plusieurs fois, cette taxe n'a rien d'insignifiant : c'est plutôt la bombe atomique pour les spéculateurs. Le comprendre exige un minimum de technique. Alors vive le populisme !

L'impôt camisole de force.

Certains n'ont pas manqué de remarquer que le secteur financier était légèrement hypertrophié. Il ponctionne une part excessive de la valeur ajoutée. Il permet à quelques satrapes de se constituer des fortunes indécentes. Il est même devenu si gros qu'il peut ruiner tout le monde lors de ses hoquets, comme en Islande.  

Dégonflons donc cette outre immonde. Quoi de mieux qu'un impôt pour empêcher le développement d'un secteur économique ? Si nous le surtaxons, il manquera de bénéfices et de capitaux. Et il sera bien obligé de maigrir, ce maléfique obèse.  Une camisole fiscale permettra de contenir ce cancer financier qui nous ronge.

Ne relevons pas que pendant ce temps là, tous les politiques  crient d'une même bouche, comme un cabri particulièrement bondissant : du crédit, du crédit, du crédit. Du crédit pour les états, du crédit pour les entreprises, du crédit pour les particuliers.   Ce genre de contradictions flagrantes font le charme pervers de la politique.

Mais notons tout de même qu'il serait important de comprendre pourquoi l'endettement global est passé en trente ans de quelques dizaines de pourcent du PIB à plusieurs centaines de pourcent dans de nombreux pays. C'est la source principale de la crise que nous connaissons. Nous avons mille fois expliqué comment le système actuel de changes flottants avec une monnaie nationale servant de monnaie de réserve nourrissait perpétuellement l'accroissement de la dette globale mondiale par le phénomène de la double pyramide de crédits. Au lieu d'aller à la source de l'inondation, on préfère agir sur les symptômes avec des mesures malthusiennes.

On a tout faux.  

On voit bien que cette affaire de sur-fiscalité pour les banques n'a strictement rien à voir avec une mesure technique capable de résoudre les difficultés actuelles, ou de faire face aux sources de désordres qui sont la cause de la récession en cours. Comme on se sent incapables de traiter les racines (lorsqu'on n'a pas simplement refusé de voir et de comprendre où elles se trouvent), on s'attaque aux feuilles, en espérant que le mildiou fiscal régulera la production bancaire tout en satisfaisant l'avidité des Etats en recettes fiscales.

C'est une attitude désespérante de bêtise et d'impuissance.  

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

Crise de type 1929 ou 1993 ?

La crise économique que nous traversons depuis le blocage du marché interbancaire en juillet 2007 n'a pas encore livré tous ses secrets.

En 1929 après le choc de la chute boursière et les désordres qui ont suivi, il a fallu attendre 1932 et 1933 pour voir tout à coup l'ensemble du système financier  s'effondrer, au milieu des réactions désordonnées des états et des banques centrales.

Il y a vingt ans, la crise commence en 91 aux Etats-Unis arrive au RU et dans les pays exportateurs en 92 et frappe de plein fouet la France en 93. La reprise est là dès 95. Le coup de massue fiscal d'Alain Juppé en 1996 provoque une récession  qui ne dure pas. La phase de reprise arrive début 1997 grâce à une forte dévaluation du Franc vis à vis du dollar.

Comme nous l'avons souvent écrit, une crise de type 1929 n'est pas prévisible. Elle dépends trop étroitement des réactions des Etats. La seule chose que l'on peut faire est de signaler les erreurs majeures et espérer qu'on sera compris et entendus, ou que les états ne feront rien de dramatique.

La crise actuelle peut déboucher sur le pire si les mesures ad hoc ne sont pas prises. Nous l'avons écrit dès 2007 et répété en 2008. Faute d'un vrai diagnostic on a vu que le G.20 a pris des options purement d'attente ou cosmétiques et qu'aucune action internationale d'envergure n'a cherché encore à traiter les causes. Nous avons alors expliqué les risques courus et  signalé que le développement du désordre viendrait des monnaies et du crédit. Nous y sommes en plein.

S'il est impossible de dire dès aujourd'hui si on entrera dans une crise de type 1929, on peut déjà signaler les ressemblances avec la crise de  1993.

Rappelons que cette crise avait été la première vraie récession d'après guerre (la première depuis 1929) ; elle avait fait baisser les PIB de façon significative (de 2 à 4%) ; le système bancaire était ruiné par la spéculation immobilière notamment sur les bureaux ;  le commerce international fut fortement ralenti pendant près de deux ans ; l'endettement des états est monté à des sommets ; le chômage est passé  dans beaucoup de pays par des pics au dessus de 10% de la population active ; les banques centrales ont ouvert grand les vannes de la création monétaire ; des plans de soutien aux secteurs industriels les plus importants ont été mis en place (juppette après la balladurette) etc.

Bref, en première analyse la crise actuelle est très semblable à celle de 93 sauf qu'elle est plus forte, frappe des états en bien plus mauvaise situation financière, dans un monde où le nombre des acteurs est plus important avec un déplacement du centre de gravité de l'économie mondiale vers l'Extrême-Orient.

On pourrait dire : la crise de 2007-2010 sera de type 1991-1993, en plus grave,  si les politiques des états ne la transforment pas  en crise de type 1929.

Il est toujours amusant et instructif de relire les livres ayant traité de la grande crise économique  d'avant. Michel Albert et Jean Boissonnat avaient fait paraître au Seuil "Crise Krach Boom"  juste après le krach boursier de 1987 , éclair dans un ciel tranquille qui avait tout à tout interrogé sur la fragilité du nouveau système mondial qui se mettait alors en place, après la correction du début des années 1980 et la fin de la stagflation (surpris par le nouveau système de changes flottants les états avaient persisté pendant les années 70 dans un keynésianisme de façade qui avait eu des résultats désastreux).

Le texte comprend de nombreux passages qui pourraient être repris aujourd'hui sans en changer une ligne.

"Au banc des accusés on voit défiler l'informatique, la dérèglementation, les nouveaux instruments financiers, les "golden boys" et autres "raiders", dans un cortège multicolore où les techniques les plus sophistiquées semblent avoir pactisé avec la perte du sens moral pour se mettre au service d'un nouveau capitalisme sauvage".  

La notion de "raiders" a été remplacée par celle de Hedge Funds. A part cela quelle actualité ! Il ne manque que la dénonciation du "court termisme" pour faire un article de 2010.

Cette crise boursière n'a pas été réellement comprise. A la fois très violente et sans grandes conséquences sur l'activité elle a laissé les analystes  un peu perdus. Personne n'avait alors compris que dans un système de changes flottants, de dérèglementation et d'ouverture forcenée des échanges financiers,   où les banques centrales cherchent à maîtriser les prix et où les salaires sont comprimés, l'épargne et le crédit se déplacent de l'industrie vers la spéculation. Une grosse partie de la création monétaire se retrouve dans les prix des biens durables et non plus dans les produits de consommation. Le double accélérateur de la spéculation sur les monnaies et les actifs provoque alors des montées de prix vertigineuses qui ne peuvent pas durer et entraînent de sévères corrections.

Rappelons qu'en quelques heures le 19 octobre 1987 le Dow Jones avait perdu 22.6% de sa valeur soit près du double du vendredi noir de 1929 ! La correction sur le dollar sera également très forte.

Faute de comprendre ce mécanisme fondamental Greenspan qui vient d'arriver à la tête de la FED va changer radicalement la politique suivie jusqu'ici par Volcker et ouvrir toutes les vannes de la création monétaire. Le résultat : la défiance vis à vis de la bourse reporte les déséquilibres vers l'immobilier. De 88 à 91 se développe une spéculation notamment sur les bureaux comme on n'en avait jamais vu. Les banques y vont à fond parce que , déjà, la rentabilité des prêts classiques à l'industrie est très faible et que la spéculation est la seule source d'argent facile.  En France les crédits à l'immobilier de bureau sont multipliés par 7.

La bulle explosera à partir de 91 et ravagera le monde jusqu'en 93.

Nos auteurs ont bien vu un aspect critique  du phénomène : "La désorganisation du système monétaire international depuis l'abandon des règles instituées à Bretton Woods au lendemain de la dernière guerre a contraints les marchés à se garantir contre certains risques. A la plus forte fluctuation des titres qui a résulté de l'intervention des investisseurs institutionnels, s'ajoute la fluctuation des changes et des taux".

Sous l'influence de Milton Friedman, malgré l'échec de ses recommandations monétaristes au début des années 80, l'idée s'est installée que les mouvements de capitaux pouvaient être entièrement libérées sous réserve de laisser fonctionner les changes flottants.  La limitation de l'inflation a permis de reconstituer un peu partout une forte épargne qui auparavant était érodée par l'inflation.  Des masses énormes de capitaux pouvaient désormais courir le monde mais le monde était devenu plus dangereux.  Ces énormes masses, gérées dans peu de mains, et désormais sans contrôle national, se déplacent par spasmes.   Henry Kaufman, une des grandes écritures de l'époque résume les causes  de la crise de 87 dans un article dans le Herald Tribune le 8 février 1988  : "la dérèglementation, l'innovation financière, la mondialisation des marchés de capitaux, l'institutionnalisation de l'épargne qui concentre les décisions entre quelques mains, la mobilité des actifs financiers que l'on a tendance à transformer en titres négociables comme on le voit aussi bien avec la dette du tiers monde. Un prêt bancaire devient ainsi un titre négociable comme une simple obligation".

On ne parlait pas encore de "subprimes" et peu de titrisation, mais la technique était déjà là. Dans le marché mondial on achète de tout sous des formes de plus en plus techniques et on a peur de tout ce qui implique le développement de protection plus ou moins illusoires et surtout de paniques auto entretenues lorsqu'une classe d'actifs (ou de dettes, c'est la même chose dans le monde bancaire) vient à être suspectée.

Le mouvement, qui était en route depuis la fin des années 80 (c'est à ce moment que se développe les salles de marchés dans les banques) va alors constamment se perfectionner. On allait voir la constitution des hedge funds,  externalisation de la fonction de spéculation hors des banques, puis le développement de la titrisation, jusqu'au CDO, et de l'assurance crédit sous forme de CDS.   Ajoutons que la notation de tous ces produits est indispensable et que les agences spécialisées vont désormais prospérer.

Le seul ennui c'est que cette maison est en papier. Elle va bruler à plusieurs reprises et devra être constamment sauver par les Etats, comme le rappelle très justement Joseph Stiglitz. La crise de 91-93 puis la chute de LTCM, puis la panique devant le risque oriental, puis la crise de 2001-2002,  voient les énormes masses flottantes canalisées dans des "véhicules" de plus en plus complexes et obscurs dévaster le monde. A chaque fois Greenspan ouvrira les gros robinets monétaires. Comme le disent nos deux auteurs "quand l'économie flambe on l'éteint avec de la monnaie. Personne ne se préoccupe de savoir si cela ne ressemble pas finalement à tenter d'éteindre le feu avec de l'essence".

La panique devant la dette grecque ou hongroise , après la panique sur les crédits immobiliers, répondent exactement aux même mécanismes, aggravés et amplifiés.

On retrouve même l'explication que nous donnons nous même de cette série de crises : les auteurs comprennent que le système monétaire international basé sur le principe des changes flottants et d'une monnaie de réserve nationale (le dollar) dont les autorités ont décidé de ne pas se préoccuper (le Benign neglect) est à l'origine des déséquilibres. De même qu'aujourd'hui on pointe le couple Chine excédentaire et Etats Unis en déficits, les deux balances jouant en même temps et en sens inverse pour déverser des liquidités gigantesques sur le monde, les auteurs suspectent la relation Japon-Etats-unis qui entraînent le Japon vers une surépargne qui sera périodiquement ruinée (provoquant l'installation d'une dette d'état colossale pour sauver les banques) en même temps que l'économie des Etats-Unis n'épargnent plus et comptent sur le crédit pour sa consommation. Il note bien que la croissance, quand elle est là, puisque le trend est ralenti par rapport aux trente glorieuses,  est partout correcte,  sauf en Europe, dindon de la farce et surtout en France, entravée par le "programme commun de la gauche", les 39 heures, la retraite à 60 ans et autres démagogies.   

Il faut être aveugle pour ne pas voir les ressemblances avec la situation d'aujourd'hui. On lira le reste : le chapitre sur la "montagne de dettes", l'autisme des Etats, la désinformation dans les médias appelée le "krach de la communication", "le Rubicon monétaire".  Les auteurs en appellent finalement  à une refonte institutionnelle : la création d'un état minimum mondial.

La mondialisation par les changes flottants, la dérèglementation, la concentration des intermédiaires financiers, cela ne peut pas marcher.

C'était déjà parfaitement clair en 1988.

On voit que rien n'a été fait pour que les changes flottants soient abandonnés, que le dollar cesse d'être la monnaie de réserve internationale, que les mouvements de capitaux  soient mis sous un strict contrôle, et que la convergence des politiques nationales s'institutionnalise au moins a minima.   

L'Europe a unifié sa monnaie mais sans comprendre les nécessités institutionnelles d'une zone de monnaie unique ni les dangers d'un oasis de fixité dans un océan de flottement monétaire.

La Chine a relayé le Japon et l'Allemagne comme créancier des Etats Unis.

La double pyramide de crédits a atteint des sommets monstrueux.

Nous en sommes là. Avec des économistes de cour à côté de la plaque, des journalistes qui regardent du mauvais côté, un krach de l'information toujours aussi profond, un silence total des états sur le tabou des changes flottants., une accumulation de dettes dont plus personne ne sait comment se débarrasser.

Et pourtant tout est clair. Depuis des décennies !

Des décennies !

Quelle honte !

Banques : moutons et pirates

Lorsque j'ai commencé ma carrière dans la banque, mon patron m'a dit : "dans ce métier, tu verras, il n'y a que deux profils : les pirates et les pétochards. Où veux-tu aller : dans le suivisme ou dans l'offensive ? ". Que répondre d'autre que : dans l'offensive. On est jeune et audacieux quand on commence ! Résultat,  il m'a collé un an au recouvrement des créances douteuses...

Avec le recul je crois qu'il avait parfaitement raison. Il y a bien d'un côté les moutons, propres sur eux, rassurants, portant particule (moins depuis qu'on privilégie le féminin et le télégénique), qui parlent sécurité, investissement responsable, politiquement correct, image, bonne intégration dans le tissu social et autres amusantes fadaises.  Et de l'autre les prédateurs, l'oeil rivé sur les lois de finances, les trous dans la législation, l'analyse des failles diverses, l'observation psychologique et  qui ne pensent qu'à faire des coups.  La fusion assez générale de la banque de dépôt et de prêt avec la banque d'affaire et les anciennes sociétés de bourse a posé quelques problèmes de culture à la direction des nouveaux groupes, sommés de fabriquer quelques chimères de carpe et de lapin.

Le résultat a été assez curieux.

Tout d'abord les banques ont externalisé leurs cow-boys. Ce sera le développement des Hedge funds.  Des gestionnaires qui travaillaient précédemment au sein des banques se sont retrouvés à gérer des fonds pour les banques et de gros investisseurs. Les pétochards sont toujours cupides, mais ils veulent que la cupidité soit assumée par les autres. A partir du moment où  les moutons pouvaient s'assurer que leur choix était partagé par d'autres moutons et qu'ils pouvaient  mutualiser la piraterie, le commerce avec les pirates pouvait se développer. On soutint en coeur du côté des banques mammouths vivant en consanguinité avec les  Etats que la meilleure gestion ne pourrait se faire que dans des paradis fiscaux, l'absolue obscurité et l'impunité pénale, avec les instruments les plus controuvés. Quand les moutons cherchent à fabriquer des loups, ils sont capables de leur donner un enclos d'importance. La législation suivit.

Mais un pétochard reste un pétochard. Alors les moutons ont développé le recours aux agences de notation. Ils étaient prêts à payer pour ce genre d'organismes qui leur permet d'exercer leur fonction de mouton avec une plus grande tranquillité. Ils se sont donnés comme seule priorité de "coller à l'indice". On est mouton, donc faire mieux que l'indice n'est pas un objectif. Mais faire moins bien serait inconvenant. On a sa dignité tout de même. Les grandes banques polyvalente ont réduit leurs analyses dans la partie placement à la sélection des fonds communs de placement et dans la partie prêt à la sélection des dossiers en fonction de risques notés.

L'ennui de cette stratégie de mouton c'est qu'elle ne rapporte rien. Les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, certains en ont conclu qu'une banque polyvalente devait avoir "la taille critique", une notion assez dangereuse. Une course à la taille s'est développée, surtout chez les petits ou moyens. Plusieurs moutons-grenouilles(UBS, DEXIA, SocGen) se sont vus en moutons-boeufs.

Mais comment croitre quand on est grenouille ?  Evidemment en cherchant l'argent où il est c'est à dire dans le risque. Le risque capable de fournir du cash étant dans les opérations de marchés du fait des conséquences des changes flottants qui ont transformé toute l'économie mondiale en vaste casino. On a vu soudain les moutons devenir enragés de salles de marché, d'installation au plus près des marchés sauvages. Les voilà à Wall Street et à Londres. Les voilà spéculant sur les denrées et les matériaux, les devises et l'or et les matières premières. Pour leur compte propre. Un agneau déguisé en loup est encore plus dangereux qu'un loup déguisé en agneau.

Une autre solution était de développer une grosse activité de prêt et de s'en débarrasser à bon compte pour consommer le moins de capital possible (il fallait grossir que diable mais sans les moyens ad hoc).  Voilà nos banquiers transformés en courtiers en prêts et transférant leurs risques à d'autres pour continuer leur fuite en avant.  Formidable ces CDS !  En plus les courtiers ne gagnent pas sur le rendement net de leur prêts mais sur leurs commissions. Nos banquiers de dépôt deviennent des milords au même titre que les banquiers d'affaires qui marchent à la commission et aux honoraires. Sur des sommes pharamineuses. Où est parti le risque ? "On s'en fout" dit le mouton cupide. Le risque de contrepartie des CDS ? Pas notre problème. Nous sommes dans la microéconomie brownienne pas dans le pilotage macroéconomique. Il n'ya personne pour ce pilotage là ? Ah bon ! Comme c'est bizarre.

Les moutons se trouvaient bien. Tous les risques étaient pour les autres et les gros bonus pour les maîtres du troupeau.

Mais les autres, c'était eux.  Les pirates ne se sont pas faits prier de fournir aux moutons tous les produits frelatés qu'on peut imaginer. Les moutons ont donc ratissé toutes les subprimes foireuses, tous les madofferies.  Et ils ont découverts que les notes sur lesquelles ils s'appuyaient étaient en vérité des paris stupides, l'évaluation étant de fait rendue impossible par la masse et la complexité des opérations. Le propre des paris stupides est évidemment de foirer en dû temps.

Les portefeuilles se trouvèrent soudains surévalués et parfois dans des proportions considérables. Il fallait passer tellement de provisions que la faillite générale était inévitable. Nos moutons ont alors considérés les autres moutons comme enragés. Le marché interbancaire s'est bloqué. L'assurance a failli ne plus jouer : les assureurs étaient ruinés. L'économie est entrée en récession remettant en cause les portefeuilles les plus sains.

Les états sont venus au secours des moutons pour les sauver de l'abattoir en accusant les pirates.

Mais il n'y a pas pire pirate qu'un mouton cupide et inconscient qui a organisé une fausse cabane en paille en croyant se protéger.

Alors bien sûr il faut lutter contre les pirates.  Mais il faut surtout s'occuper des moutons. C'est eux qui font les immenses mouvements qui fichent tout par terre. Prenez l'affaire de l'assèchement des crédits à la Grèce. On accuse les pirates. Il y en a et ils se sont mis en chasse. Mais lorsque les moutons tous ensembles se sont d'un seul pas retirés de tous les marchés de la Grèce, ce sont eux qui ont asséché le marigot. Pas les pirates. Rien de pire qu'un mouvement de foule de moutons. Panurge l'a déjà dit depuis longtemps.

Le rôle du G20 est bien de démolir le château fort en carton-pâte que les moutons ont édifié autour d'eux pour s'installer dans une fausse tranquillité. Certains parlent de supprimer purement et simplement les CDS et les agences de notation. Au fond pourquoi pas ? Ce sont en fait des leurres si on leur fait jouer le rôle d'avertisseur et de garantie des risques. Mieux vaudrait garder les risques au sein de banques plus petites. En cas de grave manquement la solidarité de place jouerait et en cas de sinistre irrattrapable  la faillite serait prononcée, tout en sauvegardant les dépôts.  Laisser des mastodontes se constituer qui ont le droit de tout faire dans l'obscurité plus ou moins totale avec la fausse assurance que quelqu'un fera la contrepartie des erreurs, a été une sottise majeure. Croire qu'avec des régulateurs (dont on a vu qu'ils ne régulent rien) et un impôt spécial sur les banques (qui devient drôle s'il est replacé et détourné de son but s'il est donné à l'Etat) , les mêmes intervenants vont changer de comportement est une illusion.

Il faut retailler les bergeries et réduire l'aire des loups. 

 

Sylvain Dieudonné pour le Cercle des économistes e-toile.

 

 

Obama : un plan de réforme bancaire correct mais (très) insuffisant.

- Interdiction de la spéculation pour compte propre directe ou via des produits dérivés.

On ne voit pas pourquoi les banques de dépôts, qui reçoivent des prêts forcés de la part de tous ceux qui doivent utiliser la banque pour conserver leur épargne liquide et effectuer certaines formes de paiements, pourraient utiliser cet argent pour effectuer des spéculations pour compte propre qui, quand les banques gagnent, alimentent les bonus des hauts dirigeants et ,quand elles perdent, imposent un refinancement par le contribuable. C'est une idée de bon sens que nous défendons ici depuis toujours. Alors bravo ! Pourquoi ne fait-on pas de même en Europe et en particulier en France ?

- Transparence accrue des fonds spéculatifs :  l'idée qu'il n'y aurait de bonnes finances qu'à partir du moment où des fonds spéculatifs cachés dans des paradis fiscaux  pourraient loin de toute fiscalité et dans le secret total lancer des raids dévastateurs sur les marchés financiers mondiaux est aussi folle que celle qui considèrerait que le summum du capitalisme est le brigandage maritime en Somalie. Si les opérations sont propres et saines elles peuvent être faites en pleine lumière et dans la clarté fiscale. Il faudrait peut être tenir compte maintenant de la faillite de LTCM, 15 ans après !

- Création d'une autorité de protection des emprunteurs. Il est certain que plus aucun épargnant de comprends quoi que ce soit aux placements qu'il fait ou surtout qu'on lui fait faire. Créer une "autorité" est la vision bureaucratique de la solution. Il faut surtout renforcer la règlementation sur ce qui est autorisé ou non. Les boites noires doivent être démontées et les ventes de chimères pénalement poursuivies. On ne peut qu'espérer que cette autorité aura la capacité d'orienter la législation en faisant un inventaire détaillée des pratiques.

- Limite à la croissance des bilans bancaires. Là on confond macro économie et micro économie. Les bilans bancaires ne grossissent pas tout seul.

- Plus de pouvoirs pour la FED et plus grande transparence. Là encore les modifications institutionnelles  n'ont d'intérêt que si elles servent un projet. Quel est le projet ? La FED a des responsabilités majeures dans la crise actuelle.

Le plan Obama est finalement modeste, certainement pas à la hauteur des évènements, mais au moins il va dans la bonne direction.

Que manque-t-il ?

D'abord une vision des causes de la crise et une idée majeure de ce que serait le cadre de fonctionnement financier et monétaire de la mondialisation. A partir du moment où on se contente de croire que la crise est due à un simple dérèglement du comportement des acteurs financiers, sans se préoccuper du contexte, on bâtit sur du sable. Le plan Obama peut faire un peu de bien mais il ne règle rien. Rappelons le une fois de plus : la crise n'est pas due principalement aux subprimes. Elle a certes frappé particulièrement le marché immobilier. Mais la victime n'est pas l'assassin, même si elle a mis du sien.

Ne comprenant pas pourquoi les bilans des banques se sont mis à gonfler démesurément sur une longue période, on essaie de leur mettre une camisole. On ferait mieux d'agir sur les causes plutôt que sur les symptômes.

Il n'y a aucune mesure proprement monétaire, notamment dans le domaine de l'organisation monétaire internationale. C'est une erreur colossale d'analyse et la condition de l'impuissance.

La réforme Obama est donc bien orientée. Aucune mesure n'est absurde. Mais elle est si partielle qu'elle n'a au fond pas grand intérêt et n'est pas en mesure d'atteindre son but affiché : empêcher qu'une crise du même genre ne se reproduise.

De toute façon une crise du système financier international ne peut pas avoir de solution nationale. C'est vrai pour le plan Obama, encore plus vrai pour les gesticulations d'Angela Merkel, ou l'immobilisme de N. Sarkozy qui n'a toujours pas proposé trois ans après le début de la crise (qui commence avec le blocage du marché interbancaire de juillet 2007)la moindre proposition de réforme financière (les banques en France SONT l'état et ne permettront rien).

Quant à M. Barnier, c'est à dire l'Europe, on attend toujours. La question du passeport européen pour les hedge funds, cela reste tout de même de l'anecdotique.   
Cercle des économistes e-toile

Crise mondiale : Pas de solutions en dehors des états ( suite)


On ne sortira pas plus des monnaies administratives que le monde ne s'est débarrassé des billets après la faillite de Law. 

L'horloge monétaire ne revient pas en arrière. Jamais.  Le nouvel ordre monétaire mondial doit être fondé sur des changes fixes mais ordonnés sur une référence mondiale non nationale (ce que nous appelons le Mondio), avec l'engagement des Etats non pas "de ne pas faire plus de bêtises que les autres",  mais de respecter des règles précises sous risques de sanctions sévères librement consenties ou exclusion de la mondialisation.

L'Europe pourrait dans un tel cadre remettre les boeufs devant la charrue et repartir du pas lent mais sûr des bons laboureurs, en mettant fin aux excès gouvernementaux actuels.


La France devra renoncer à son "toujours plus" étatique et social, à sa folie fiscale et à ses dépenses publiques démesurées. Mais au moins elle bénéficiera d'un retour à une croissance durable et d'un assainissement progressif de son passif. 


Les Etats Unis, tenus de garantir la valeur externe de leur monnaie ne pourront plus faire n'importe quoi en même temps que la fixité des changes et le durcissement des règles de la spéculation et de la régulation bancaire éviteront un retour aux extrémités que l'on connait encore en ce moment. En contrepartie le dynamisme de sa création économique trouvera un meilleur emploi.


La Chine devra mieux équilibrer et plus durablement sa croissance extérieure et intérieure. Elle y gagnera plus que ne le croit les partisans d'un mercantilisme sauvage.


Les guerres monétaires du type de celle que vient de gagner la Corée du sud ne seront plus permises. Ici encore, l'accès au marché mondial impose des disciplines.


La Grèce aura une perspective qui soit autre que la catastrophe, même si elle n'échappe pas à quelques ajustements nominaux des prix et des salaires. Une déflation conduite de façon raisonnable dans un cadre global pacifié à toutes les chances de réussir.


On dira : si on ne l'a pas fait c'est que c'était impossible !


Peut-être ! Mais au moins que la pédagogie de la crise serve. Une fois pour toute !

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

Crise mondiale : pas de vraie solution sans les Etats.

Les difficultés de l'Euro permettent à deux camps d'exulter.


Le premier est celui des adeptes de Milton Friedman et de la libre flottaison des monnaies. Le maître avait dit que l'Euro ne se ferait pas et si par impossible il se faisait il éclaterait rapidement. Pendant dix ans il a eu tort et voilà que sa capacité d'analyse et de prédiction est magnifiée. "On vous l'avait bien dit que cette construction était impossible. Et maintenant sa défense vous entraîne dans des complications bancaires et sociales insurmontables. Revenez à la raison et sortez de l'Euro ! Les monnaies s'échangeront alors à leur vraie valeur respective et tout sera bien. Les marchés resteront la loi du genre humain comme il se doit. Les gouvernements seront hors jeu et obligés d'être sérieux."


Le second, radicalement opposé en apparence, postule que les monnaies administratives créées à la fin de la première guerre et qui sont devenues totalement erratiques depuis 1971 sont ingérables, que le système des changes flottants est intrinsèquement pervers car il offre trop de possibilités à la spéculation tout en créant des risques immenses, que les banques centrales sont des organismes creux qui ne savent rien contrôler et qui créent plus de problèmes qu'ils n'en résolvent, et que seul l'étalon-or est de nature à faire revenir tout le monde, états, banques et agents économiques, à la raison. S'il y a étalon or, la notion même d'Euro n'a plus de sens.


Ces deux philosophies, en apparence totalement antagonistes, se rejoignent pour fêter la mort annoncée de l'Euro.


En vérité ces deux doctrines ont un autre point commun : la haine de l'état qu'il s'agit de contraindre le plus possible, soit par les disciplines de l'étalon or, soit par la sanction des marchés. L'état est l'ennemi, celui par qui tous les malheurs arrivent. Il ne doit pas avoir de responsabilités dans la gestion de la monnaie qui doit être le plus possible une monnaie privée indépendante de la gourmandise étatique. Aux entreprises le soin de découvrir des nouvelles opportunités de croissance ; aux banques de les financer si elles croient aux projets qu'on leur propose. Si elles se trompent qu'elles meurent !  Et l'excès de monnaie sera automatiquement purgé. L'Etat ne sait faire rien d'autre que de générer de l'inflation ou de la crise économique.
L'ennui, c'est que l'histoire a condamné chacune de ces deux options.


L'étalon-or n'a duré que quelques années, de 1873 à 1914. Et qu'a-t-on vu ? Ce qu'on appelait "la grande dépression" qui a duré la majeure partie de la fin du XIXème siècle, ponctuée de grands scandales comme Panama,  et une période faste au début du XXème  qui s'est brutalement terminée par la crise boursière de 1907. L'étalon or n'a pas été un chemin de roses.
Quant aux changes flottants on a vu que de crises en crises ils viennent de nous faire basculer dans une situation plus que périlleuse qui peut bien déboucher sur une nouvelle grande dépression.


Par conséquent ceux qui exultent n'ont rien à proposer de solide pour l'avenir.


Pour une raison simple : ni l'un ni l'autre n'ont compris pourquoi leur système respectif a explosé. Ni l'un ni l'autre n'a compris le caractère indispensable des états pour assurer croissance et plein emploi.  Non pas que l'état, par nature, soit capable de déterminer les bonnes politiques, tout démontre le contraire. De mauvaises politiques économiques, on en a connu de multiples. Mais parce que toute bonne politique passe nécessairement par une intervention de l'état et toute mondialisation heureuse par une collaboration inter étatique solide et consensuelle.


Mettre hors jeu les états qui emploient directement 20 à 25% de la population active et dépensent entre 35 et 55% du PIB est totalement irréaliste. Croire que le chacun pour soi  et l'or ou les marchés pour tous donneront des résultats merveilleux est une farce.


La question n'est pas de mettre les états hors jeu, mais de faire qu'ils jouent bien. L'orchestre jouera-t-il mieux sans chef, en espérant que la sélection individuelle des meilleurs solistes  suffira à créer la qualité ?  C'est l'idée des changes flottants Chaque banque centrale maintient la valeur intrinsèque sur son marché de la monnaie dont elle a la charge et le bonheur suivra. Ou faut-il lui laisser un chef mais sous la tutelle  d'un ordinateur qui dira si la qualité est bonne ? C'est un peu l'idée de l'étalon or.
Nous nous pensons qu'il faut un bon chef d'orchestre travaillant sur de bons principes avec d'excellents solistes.


Quelle aura été la force de l'Euro ? D'abord de permettre à l'ensemble économique européen de s'unifier mieux. Le fait de passer d'un pays à l'autre sans changement de monnaies a permis une fluidité des échanges des capitaux, de marchandises et de services propices à une meilleure intégration et un rattrapage des économies pauvres.  Quelle aura été la faiblesse de l'Euro ?  Le fait d'avoir laisser les état maîtres de leurs politiques économiques, mais sans possibilités de politiques monétaires et sans autres contraintes que celles d'un traité.  Si le monde n'avait pas baigné dans le flottement généralisé et la liberté totale des mouvements de capitaux , cette politique avait sa chance. Mais on n'a pas voulu comprendre qu'un îlot de fixité dans un océan de flottabilité serait durement battu par les flots.  L'Hubris politique l'a emporté sur la sagesse économique. On a mis la charrue avant les bœufs et une fois de plus en Europe on voit les boeufs piétiner la charrue.


L'Euro n'est pas possible sans une coordination des politiques économiques et budgétaires (ce que tout le monde a désormais compris), et sans une certaine fixité des changes dans le monde (ce dont personne n'a conscience). C'est ce que nous avions écrit au moment de Maastricht.


On était un peu dans la situation qui a prévalu lorsque la France a adopté le système de Law sur la généralisation du rôle du billet de banque. Le billet de banque est un formidable progrès mais son succès suppose que différentes conditions soient remplies. On a voulu passer outre : on a eu la faillite.  L'Euro a voulu passer outre. Et on risque la faillite de l'ensemble. Mais cela n'empêche pas que l'Euro soit globalement une excellente solution pleine d'avenir. Mais pas organisée comme cela et pas dans un monde de changes flottants. Tous ceux qui ont prétendu que l'intendance suivrait ont sauté "un pont trop loin", pour reprendre une image célèbre.


Imagine-t-on une seconde que la Grèce serait sauvée par le retour immédiat à l'étalon or ? Elle n'a pas d'or. Et un record de dettes. Voudrait-elle saisir le trésor de la banque centrale comme en Argentine il y a quelques semaines, elle n'y trouverait rien.
Imagine-t-on que la Grèce soit sauvée immédiatement par le flottement de sa monnaie ?  Cela supposerait un défaut quasi total sur sa dette et un effondrement des changes tel qu'aussitôt le monde entier se vautrerait sur ses plages et dans ses criques. Elles ne sont disponibles que quelques mois par an et ne génèreront jamais de quoi faire vivre le pays et rembourser ses dettes. La Grèce serait un pays sans capitaux, sans monnaie et probablement sans client car l'explosion de la zone euro aurait la conséquence de ruiner beaucoup d'épargnants sans parler des Etats.   


Même à titre de transition la flottaison ou l'étalon or ne sont pas des solutions.


Quelle est donc la solution ?


La solution est la même que celle que nous proposions dès le blocage des marchés interbancaires en juillet 2007, la même que celle que nous proposions au moment de la chute de Lehman-Brothers.


Nous sommes dans une crise mondiale de la dette que seule la croissance mondiale permettra de surmonter.


La seule solution est dans la coopération totale interétatique pour une croissance mondiale générant suffisamment de ressources pour rétablir les équilibres essentiels. Aucune autre solution n'existe qui évite de grandes souffrances. Qu'on se rappelle les âneries qui étaient répétées par les perroquets sur la crise des subprimes qui n'était qu'un problème américain ! La crise était déjà globale et ne pouvait que recevoir un traitement global. On n'a rien fait.  Quand en septembre 2008 c'est l'ensemble du système financier mondial qui s'est effondré, on a bien compris que la crise était globale mais on a considéré qu'il suffisait de transférer les actifs pourris des banques aux Etats, en laissant les banques centrales lâcher les rênes monétaires,  sans autre réforme que de microbiques remises en cause sur des sujets annexes comme la comptabilité, les primes  et l'organisation des marchés de CDS.


Nous avons crié au fou pendant toute cette période devant cette indécence intellectuelle.  


Pendant ce temps là la récession s'est installée, la crise de la dette s'est amplifiée, les banques sauvées et gorgées de liquidités dans un marché totalement libre s'en sont donné à coeur joie dans la spéculation imbécile, chaque pays a poursuivi sa petite cuisine sur son petit réchaud. Aucun diagnostic réel de la crise n'a été fourni. Le commerce international ne s'est jamais remis totalement en place, répondant plus à des politiques étatiques égoïstes ou à des pulsions de la spéculation qu'aux nécessités d'une reprise générale de relations économiques saines entre les états.


La solution était évidemment ailleurs. Il fallait d'abord acter la faillite des changes flottants, de la "dissymétrie" des institutions internationales, de l'égoïsme globalement destructeur  des politiques nationales américaine et chinoise  et reconnaître que cet ensemble était la cause principale de la crise. Puis faire le constat que seule un ressaut de la croissance pourrait sortir  le monde de l'embarras ainsi créé.


Si les nations s'étaient réunies pour d'une part annoncer que désormais le système des changes serait stabilisé sur des valeurs de change correspondant aux parités de pouvoir d'achat, que la spéculation internationale sur les changes serait immédiatement interdite et sanctionnée pénalement, que les banques en faillite seraient immédiatement nationalisées et restructurées en attente d'une solution plus durable,  que le FMI, rendu égalitaire dans la composition de sa gouvernance assurerait la discipline de l'ensemble avec l'aide de fonds monétaires régionaux, que les excès de dettes seraient restructurées, que les déficits publics ne pourraient pas dépasser certaines limites en dépit des plans de relance, et seraient plutôt financé par la création monétaire directe que par l'intermédiaire de banques en faillite alimentées par des avantages indus, le coût de la crise aurait été bien moindre et aucun des ferments qui l'avaient créées ne seraient demeurés.


Cela supposait un changement d'attitude politique de la part des Etats unis, sommés de renoncer au privilège douteux du dollar, de la Chine, sommée de mettre fin à son mercantilisme, de l'Europe, sommée de mettre fin à l'incohérence entre des états généralement laxistes et une BCE astringente.


On n'aurait pas fait l'économie d'une récession mais on en serait sorti aujourd'hui car les courants commerciaux auraient repris et l'angoisse sur l'avenir aurait cessé. Les citoyens américains n'auraient plus de panique sur la future dévaluation de leur monnaie. L'Euro ne craindrait plus le feu des marchés et pourrait sortir en douceur de la double contrainte d'une monnaie trop fortement défendue et d'un dérèglement général des finances publiques de ses membres . La Chine n'aurait pas à prendre des mesures déraisonnables sur la confiscation prudentielle de certaines ressources mondiales et des relances du crédit interne totalement aventurées.


Décidemment non, cette exultation générale devant la crise de l'Euro n'est pas porteuse d'avenir. On ne sortira pas de la crise en l'aggravant. La seule solution est dans l'engagement des états vis à vis de la valeur respective de leurs monnaies et leur retour à la sagesse budgétaire.


On ne sortira pas plus des monnaies administratives que le monde ne s'est débarrassé des billets après la faillite de Law.  L'horloge monétaire ne revient pas en arrière. Jamais. 



C'est l'heure de sonner le tocsin

La panique qui a gagné les Grecs disposant de comptes bancaires pourrait paraître paradoxale. Pourquoi transférer ses comptes libellés  en euros en Grèce pour les retrouver en euros ailleurs dans l'Euroland ? Il est vrai que beaucoup ne les ont pas simplement transférés hors de Grèce et les ont converti, principalement en Franc Suisse. On a donc vu le Franc Suisse s'apprécier notablement. Par spéculation pure ? Peut-être mais plus surement par peur de la sortie de la Grèce de l'Euroland. 

Que se passerait-il si la Grèce sortait de l'Euro ? Aussitôt les autorités devraient prendre une décision sur la transformation des actifs libellés en Euros. Il faut bien voir que les comptes en euros sont de simples lignes d'écritures et pour obtenir de la liquidité en euros il faut que les autorités y consentent. C'est la banque centrale qui les fournit sur demande aux banques.

Elles auraient deux possibilités :

* Faire comme l'Argentine et créer un "corralito" : les Grecs pourraient obtenir de la liquidité en euros mais à concurrence d'un maximum.

* Imposer une conversion forcée des comptes avec contrôle absolue des changes, les euros restant à la banque centrale comme réserves.  Un blocage temporaire des prix éviterait une hausse corrélative immédiate des valorisations en Drachmes.

Dans tous les cas les Grecs ont intérêt à utiliser les facilités actuelles de convertibilité totale pour aller se protéger en Suisse ou ailleurs. Ce qui est intéressant c'est de voir comment réagira un pays où ce mécanisme se généraliserait. Les banques se retrouvent aussitôt sur le sol grec en crise de liquidité.  Il n'y a pas de différence avec une panique bancaire classique où on craint pour sa banque. Cela force donc la BCE à alimenter en liquidité toutes les banques grecques.  Il n'y a plus de marché interbancaire pour les dites banques qui ne peuvent trouver aucun secours des marchés européens ou mondiaux .  On se retrouve avec la situation nées des subprimes. Le "crédit crunch" est inévitable. Crédit est mort en Grèce.

Si on regarde maintenant les acteurs du jeu économique, ils sont dans la même situation qu'en cas d'hyperinflation. Tout argent qui entre est menacé de façon plus ou moins imminente si on le dépose en compte en Grèce. Dans l'industrie et le grand commerce la solution est facile : l'argent est viré directement de compte étranger en compte étranger sans repasser par les banques locales, même si les prestations sont locales. On a dissociation du circuit physique et du circuit financier.  Dans le petit commerce la situation est plus compliquée. Il faut bien encaisser de la liquidité. On ne la dépose simplement plus en banque pour qu'elle reste insaisissable. On pense qu'on pourra toujours recycler ses billets dans le reste de la zone euro si la Grèce sort de l'Euroland.

Dans tous les cas la monnaie ne retourne plus aux banques et les difficultés se cumulent.A quand une belle faillite de banque en Grèce ?

Ceux qui pensent que le seul problème grec est de nature budgétaire se trompent radicalement. Il est budgétaire et bancaire et la source des tourments conjoncturels est directement liée au système monétaire international, même si la gabegie budgétaire grecque est évidente (elle est à peine supérieure à la gabegie  française...).  

Si on généralise à l'Espagne et au Portugal, le tournis arrive très vite. Ce n'est plus 120 milliards qu'il faut mobiliser mais dix fois plus. Si les Portuguais et les Espagnols vident leur compte pour les mettre en Suisse, l'Euro s'effondre et le Franc Suisse gagne les sommets.

La BCE ne pourra plus suivre et des faillites bancaires sont inévitables. On verra alors que la prétention des banques françaises à avoir été  des modèles de sagesse volera en éclat avec l'accumulation des prêts non recouvrables. D'où nouveau crédit crunch, nouvel arrêt du marché interbancaire . Le Mistigri est revenu. 

Au passage la situation commencer à ressembler étrangement à celle qui prévalait au début des années trente.  La relance de la récession vers la dépression s'est faite par des crises monétaires pas par des phénomènes commerciaux.

Juste pour mémoire rappelons que la France fut de tous les pays industrialisés celui qui perdit le plus à la crise de 29. Pourquoi ? Parce qu'elle a simplement manqué de sang froid. Enchaîner déflation, sans la patience du résultat, agitation politique extrêmiste, dévaluation sans aucune politique d'accompagnement, dérives budgétaires, réduction du temps de travail, luttes sociales, a littéralement sabordé la France. La crise y coûtera l'équivalent de la guerre de 14 !

On voit aussi l'énorme erreur qui a été commise entre 2007 et 2008 de ne pas changer radicalement le système monétaire international avec une mise au pas tout aussi radical des mouvements de capitaux. Ce qui n'a pas été fait de façon concertée et rapide à l'époque se fait au fil de l'eau et par des crises à répétition.

On s'est contenté de lâcher les vannes de la monnaie banque centrale et de dévergonder les déficits bugétaires. Et le monde se retrouve grosjean comme devant avec des financiers molochs en pleine forme destructrice, qui sont capables de mobiliser des centaines de milliards en quelques semaines,  et qui depuis longtemps ne s'intéressent plus au commerce et à l'industrie  mais aux gros coups spéculatifs potentiels.

L'Euro peut-il exploser ? A l'évidence oui. Si la réaction en chaîne de la méfiance se met en marche cela peut même aller très vite.  Il ne faut pas croire que seul l'Euro serait touché. La réaction en chaîne toucherait le monde. Et à coup sûr on entrerait en dépression généralisée pour de nombreuses années.

Cela est d'autant plus dommage que sur le front de l'activité économique  avril a été même en Europe un mois de reprise forte.  On commençait partout à sortir du marasme.  La casse monétaire entraînerait aussitôt un casse écoomique et sociale renouvellée.

Que faut-il faire ?

Certainement pas essayer de convaincre "les marchés" par des mobilisations factices et des jolis mouvements de mentons. La potion qui aurait été douce en 2007 sera plus dure en 2010.  Mais c'est la même.

L'Europe doit laisser filer l'Euro par rapport à toutes les monnaies afin d'atteindre  .80 pour un dollar. Un contrôle des changes concerté doit être mis en place entre tous les pays de l'Euroland en même temps qu'un tarif extérieur commun doit être dressé  pour faire face aux importations des pays qui ajoutent dumping social et monétaire. Vis à vis de la Chine il faut arriver à quasiment un doublement du coût des importations. 

L'Euroland étant la plus grosse économie mondiale aura montré sa force et acquis une position de négociation internationale. Elle est assez robuste et diversifiée pour soutenir le choc.  La spéculation  internationale sera totalement désarmée.  Les mouvements de capitaux à court terme seront provisoirement réduits aux opérations associées au commerce.  L'Europe n'a pas besoin des capitaux américains ou chinois et encore moins de leur offrir les joies faciles des gains spéculatifs extrêmes.  En même temps doivent être créées deux structures européennes :

* La haute autorité européenne de gouvernance éconoimique et budgétaire avec comme pouvoir de déterminer les éléments globaux des budgets nationaux des pays de l'euroland (masses et impasse),  de faire tous les contrôles nécessaires en liaison avec Eurostats et de définir les politiques globales à suivre pour l'ensemble de la zone.  Les assembléees nationale peuvent débattre du contenu des budgets pas de leur volume ni de leurs déficits.

* La délégation à la réforme du système monétaire international avec comme mission d'obtenir une réorganisation globale du système sur la base d'un système paritaire sans monnaie nationale servant de pivot ni droit de veto d'un des membres, étant entendu que seuls des blocs monétaires seraient représentés à chaque pour chaque sphère économique de s'auto organiser. 

La BCE se verrait pour sa part doter de la supervision d'un Fonds monétaire européen avec pouvoir discrétionnaire sur l'ensemble des banques et des institutions financières. C'est ce fonds qui représenterait l'Europe au sein d'un FMI restructuré chargé simplement de faire respecter les grands équilibres entre blocs  et d'assurer la liquidité mondiale en monnaie de comptes de type Mondio en gérant la compensation entre les grands  blocs. 

Les grands pays pétroliers ou gaziers seraient contraints à négocier des contrats d'approvisionnements à long terme avec l'Europe, étant entendu que le Mondio aurait une composante pétrolière. 

L'autre solution est de continuer comme actuellement avec les simagrées et les rodomontades habituelles, du genre "l'euro vaincra car il est le plus fort". On aboutira à la dislocation de la zone Euro et au blocage de la reprise en cours. On achèvera de mettre en l'air le commerce international mondial, et on ouvrira une période de  dix ans de chaos monétaires financiers et sociaux avec une perte de confiance totale dans les perspectives à long terme. 

Il est l'heure de sonner le tocsin !

 

Sylvain

 

Jacques Rueff et la double pyramide de crédits

Jacques Rueff ne figure dans pratiquement aucun livre actuel  d’économie. Il est vrai qu’il n’était pas véritablement un économiste. Polytechnicien et inspecteur des Finances, il a le profil d’un notable le de la République comme la France sait en produire et un financier au sens le moins technique du terme. Le rapport Rueff-Armand reste dans les mémoires comme l’exemple même de la justification technocratique d’un retournement politique  en vue de redresser un pays et de le mettre sur la voie de la modernité.   Cette démarche, voulue par le général de Gaulle, sera souvent imitée par les politiques désireux de montrer qu’ils parcourent à nouveau le champ du progrès, en se dégageant des miasmes et rigidités d’un passé sclérosant.  Nicolas Sarkozy essaiera la formule avec le rapport Attali en début de quinquennat.

Bref, J. Rueff est considéré comme exemplaire des élites administratives  à la Française, mais pas du « Nobel » de l’économie.  

C’est bien dommage. J. Rueff était un observateur extrêmement fin des réalités monétaires et  financières.  Son témoignage est d’autant plus précieux qu’il a couvert de ses observations toute la période de 1929 à 1973. Il a donc vu se créer la bulle qui allait faire exploser l’économie américaine et à sa suite l’économie mondiale. Il a connu tous les aléas monétaires de l’entre deux guerres.  Il a vu la lente dégradation du système de Bretton Woods puis sa crise brutale à partir de 1967 menant à l’instauration des changes flottants et à un système monétaire dont les devises n’étaient fondées sur rien (monnaie entièrement administrative)  et établissaient leurs valeurs respective sur les seules forces de l’offre et de la demande.

Que découvre-t-il dès ses premières fonctions comme attaché économique à l’ambassade d’’Angleterre.  Que le système monétaire de Gold exchange standard   mis en place au début des années 20 a un comportement curieux très différent du système des points d’or que l’orthodoxie avait mis en œuvre en 1873.   La monnaie pivot d’un système de GES devient automatiquement  une monnaie de réserve.  Cette monnaie n’est pas conservée mais placée dans le pays de la monnaie pivot où elle produit des intérêts. Ce replacement crée de la monnaie qui par le mécanisme du multiplicateur  gonfle les en-cours de crédits. La balance des paiements du pays émetteur de réserves  tend à devenir déficitaire et un cycle auto- aggravé se met en place.  Du côté du pays dont les réserves en monnaie pivot se gonflent la banque centrale émet à proportion de la monnaie banque centrale et pousse donc au développement du crédit. Mais comme les réserves sont replacées dans le pays d’origine, elles servent à nouveau à justifier un nouveau round de création monétaire et de dettes.

Le mécanisme de la double pyramide de crédits était décrit.

Il observe alors le gonflement vertical de l’encours de dettes aux Etats unis et la poussée corrélative de la bourse, dont les transactions sont entièrement soutenues par le crédit et non par l’épargne.  Le crédit va de moins en moins à l’économie mais de plus en plus à la spéculation.  La dette appelle la dette de plus en plus loin des réalités.  Tous les circuits d’épargne mondiaux entrent dans la danse.  Lors que la bulle éclate ce ne sont pas seulement les Etats-Unis qui sont  frappés mais l’ensemble des circuits financiers mondiaux. Un terrible « credit crunch » se produit qui assèche les échanges. La récession violente  se produit et gagne le monde entier. Les banques font faillite partout.  Les finances publiques des Etats sont ravagées. Les troubles sociaux commencent.   

Ce mécanisme fondamental est ignoré de la quasi-totalité des ouvrages  consacrés à la crise de 1929 qui  généralement ne voient pas que la cause principale de la crise de 1929 tient aux défauts du système monétaire international.  Milton Friedman aura raison d’affirmer que la réaction de la FED face au « credit crunch » sera l’inverse de ce qu’il aurait fallu faire. Mais lui-même n’a pas d’explication de la crise elle-même. On affirmera donc aux Etats Unis : la crise de 1929 était une crise comme une autre transformée en désastre dépressionnaire par de mauvaises politiques.  Exit le système monétaire international et les conséquences drastiques de ses défauts.

On recrée un système de gold exchange standard à Bretton Woods.  Va-t-on revoir le même scénario se produire ? Pendant 10 ans il y a une telle famine de dollars qu’elle masque tout. Mais  à partir de l’arrivée de Kennedy et surtout son remplacement par Lyndon Johnson  on voit se multiplier les Eurodollars. La double pyramide de crédits est en train de se reconstituer.  Dès 1967 les observateurs commencent à se rendre compte que le système ne pourra pas durer.  A nouveau J. Rueff explique ce qui se passe. Mais on lui demande au nom de  la solidarité occidentale de ne pas attaquer la monnaie américaine, alors que le général de Gaulle ne se prive pas de demander le retour à l’étalon or au milieu des lazzis des commentateurs anglo-saxons et de leurs suiveurs en France.

On aboutit alors aux changes flottants. Le Dollar reste la monnaie de réserve dominante.  La double pyramide de crédits  n’est pas liée au Gold exchange standard mais au fait qu’une monnaie nationale devient la monnaie de réserve du monde.   Trente ans de dollar pivot ont créé un « fait accompli ».  Les désordres monétaires qui s’enchaînent jusqu’en 1985 masquent les mécanismes de fond. Mais après la stabilisation Volcker,  et la prise de conscience générale qu’on obtenait directement inflation et  dégringolade de la monnaie  en menant une politique nationale keynésienne,  on entre dans un système de monnaies stabilisées par les banques centrales (elles ne conservent qu’un objectif  de  stabilité des prix).  Circonstances particulières : l’ensemble des économies ex-communistes entrent progressivement dans le jeu économique mondial.  Les prix des objets fabriqués ne peuvent plus augmenter.

Jaques Rueff n’est plus là pour signaler le fonctionnement pervers de la double pyramide de crédits.  Mais la réalité demeure. Les déficits américains nourrissent des excédents majeurs notamment en Allemagne et au Japon.  L’argent replacé aux Etats unis alimente le cycle infernal.  Les purges périodiques  sont de plus en plus brutales.  91-93 est la plus grave crise depuis 1929.  Les Etats unis en sortent par une fuite en avant  après avoir ruiné son créancier principal le Japon, qui ne s’en remettra jamais tout à fait.  Alimentée par les libéralités de la FED  la dette mondiale commence à enfler de façon incontrôlable, l’inflation ne liquidant plus une partie de l’excédent de monnaie qui gonfle en revanche tous les actifs immobiliers.   Le couple Chine-Etats unis se met en place avec des déficits géants d’un côté et des excédents géants de l’autre.  
 
On retrouve le schéma de 1929 mais dans un contexte très différent avec des montants supérieurs de plusieurs magnitudes.  Et on retrouve le même « credit crunch » à compter de juillet 2007 puis surtout de septembre 2008.
Ne pas comprendre que J. Rueff a mis le doigt sur un moteur essentiel des dérèglements qui ont gâché les cent dernières années est une des lacunes les plus graves de l’économie moderne telle qu’elle est décrite et enseignée.

La leçon de Rueff a une conséquence immédiate : il faut supprimer tout système qui fait d’une monnaie nationale la monnaie du monde.  Il ne reste alors qu’une alternative : ou le retour pur et simple à l’étalon or ou un système de monnaie de réserve multilatérale  du type du Bancor de Keynes ou de ce que nous appelons le Mondio.
Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.



Qui a tué Keynes ?

Qui a tué Keynes ?

Keynes est justement honoré pour avoir changé la manière de considérer l'économie. Jusqu'à Keynes les économistes étaient "une secte" comme on disait à la fin du 18ème siècle. Une secte intéressante mais une secte tout de même dont les membres étaient aussi distingués que loin des affaires et du gouvernement. Les crises se succédaient et personne ne contestait leur caractère naturel ni le fait qu'il faille laisser faire la nature. L'important était de ne pas en fausser les mécanismes. La politique était l'ennemi de l'économie. Il fallait apprendre à l'Etat à être sage et absent, afin de laisser se développer les forces créatives de richesses.

Tout allait changer sous la double pression de la montée des socialismes, dont certains décidés à la violence révolutionnaire totale, et de la guerre de 14-18. Les Etats occidentaux se trouvent conduits à essayer d'apaiser la violence sociale et son débouché politique par la dépense publique et des lois plus ou moins contraignantes pour les affaires. Ce mouvement commence dès la fin du 19ème siècle  avec les premiers appels à un impôt progressif sur le revenu, à une organisation de prévoyance, à la constitution de filets de sécurité contre le chômage, la maladie, la vieillesse.  Arrive alors la catastrophe effroyable que fut la guerre de 14 qui littéralement change tout. Le monde découvre la mort industrielle, l'importance des médias et du contrôle de l'opinion, ainsi que la force des capitaux lorsqu'ils sont concentrés, en particulier dans la main de l'Etat, mais aussi dans les trusts.

Le domaine du plus grand changement est celui de la monnaie. Depuis deux siècles toute l'évolution bancaire évolue vers un moindre rôle de la monnaie métallique (or et argent). Le billet et le compte de dépôt supplantent progressivement la circulation de l'or, resté seul en piste depuis 1873 avec la démonétisation assez générale de l'argent. La guerre achève le mouvement : pendant des années, la monnaie sera purement administrative. Ce n'est plus rien d'autre que du papier avec un nombre imprimé dessus par le gouvernement.  Bien sûr, on essaiera de revenir à l'étalon or. Mais personne ne veut renoncer aux facilités de la planche à billets. La révolution russe multiplie le papier qui finalement ne vaut plus rien. L'Autriche et l'Allemagne connaissent au début des années 20 une hyper inflation désastreuse qui fixera longtemps les mentalités.

L'après guerre n'est qu'une suite de déséquilibres et de crises. La crise de 1929 et la dure dépression qui suit marque définitivement la fin d'une époque.

Keynes sera celui qui fera la nécessaire synthèse entre capitalisme orthodoxe, aspiration sociale et ordre monétaire éloigné de l'étalon-or.

Etayée par les faits vécus par des millions de personnes et la sorte de scandale que fut l'appauvrissement général des années 30, sa pensée balaie l'orthodoxie classique. L'important, c'est la demande globale et si pour une raison quelconque elle vient à être insuffisante il appartient à l'Etat de fournir la demande manquante par ses investissements. La monnaie est un instrument au service de la croissance. Elle doit être fournie avec un certaine abondance et les pays en rupture de balance de paiements doivent être assistés par la collectivité, au prix de mesures de redressement, pour que leurs difficultés n'entraînent pas  l'ensemble des autres dans la déflation.

En un mot Keynes supprime la déflation des radars politiques. Le débat après la guerre de 40 portera sur la manière de réguler inflation et emploi.  Ce qu'on appellera les trente glorieuses sera une période de plein emploi, alimentée par une abondance monétaire constante, provoquant une inflation permanente. Le seul frein, ténu, était le rattachement du dollar à l'or et la définition des autres devises par rapport au dollar. Les Etats-Unis ne dévaluaient jamais mais les autres pays à l'occasion rectifiait la valeur de leur devise par rapport au dollar et donc indirectement à l'or.  En vérité le Gold Exchange standard était trompeur. Le dollar était déjà une monnaie administrative entièrement gérée par une puissance nationale ayant assuré son leadership sur le monde libre après la victoire sur les puissances de l'axe. Dès que des Etats décidèrent de rompre le pacte non écrit qu'on ne convertirait jamais ses dollars en or, le caractère artificiel du système s'imposa.

On entra dans le système des changes flottants, avec monnaie de réserve américaine, sans doctrine mais par voie de faits. Désormais l'ensemble des monnaies étaient purement administratives. Après l'argent, l'or était démonétisé. Les devises auraient comme valeur ce que le marché voudrait bien dire.  Les Etats ne comprirent pas les effets de la nouvelle situation. Ils continuèrent leur politique "keynésienne"  et, oh surprise, plus rien ne fonctionna comme avant. Le monde connu la stagflation. On mit évidemment toute l'affaire sur le compte du cartel du pétrole : il ne s'agissait que des conséquences des chocs pétroliers successifs. On ne se rendit pas compte que la valeur des choses s'ajustaient à nouveau à un nouvel étalon "réel". Jacques Rueff avait justement calculé qu'il fallait dévaluer le dollar dans un rapport de dix par rapport à l'or pour tenter de conserver un juste rapport entre la valeur des monnaies, dans un régime de changes fixes mais ajustables. On n'en fit rien. Ce sont les prix des matières premières internationales qui s'ajustèrent, peu ou prou dans la même proportion.

Une chose était sûre : dans le nouvel ordre économique, le keynésianisme ne fonctionnait plus. C'est l'époque où on en appelait à "un nouveau Keynes". Dans un système de change flottant les politiques nationales de dépenses publiques entraînent aussitôt des effets non pas sur l'emploi et l'inflation mais sur la valeur de la devise. Si on ajoute un régime général de libre concurrence mondiale, la compétitivité n'est possible qu'avec une certaine rigueur salariale.  Libre échange absolu et monnaie administrative dans un système général de changes flottants conduisent à la nécessité d'une politique presque constamment déflationniste. M. Trichet fut un de ceux qui le comprirent le plus vite.  

L'inconvénient des changes flottants avec un situation asymétrique pour le dollar, monnaie de réserve, est le déversement indéfini de dollars sur le monde avec une instabilité générale permettant mille spéculations. La double pyramide de crédits démontrée par J. Rueff, présente sous le régime du gold exchange standard, devient encore plus grosse en mode change flottant. Les Etats sont obligés d'emprunter massivement. Le sous emploi devient structurel un peu partout qu'il faut financer par l'Etat. Partout on voit les dépenses publiques grimper à des niveaux intenables. Une première rectification se fait à partir de 90. Des Etats dégonflent leurs dépenses publiques en comprenant qu'ils ne pourront pas aller plus loin. D'autres, comme la France ou la Grèce, ne le font pas.  Le taux de croissance mondial de longue période baisse (d'environ 1/2 point), le phénomène étant partiellement masqué par le rattrapage des économies libérées du joug communiste.

Le grossissement de la dette globale aboutit à des crises de plus en plus fréquentes et violentes. Le phénomène est d'abord nié : voir les observations absurdes du FMI à la fin des années 90. Les explosions successives en 2000-2002 et 2007-2010 ont fait litière de ces illusions.

Aujourd'hui le monde est gros Jean comme devant. Le recours à l'esprit de Keynes ne fonctionne toujours pas, puisqu'on a gardé les changes flottants et  les monnaies administratives non corrélées. Les taux de dépenses publiques et de prélèvements sont si hauts dans certains pays qu'il n'y a aucune chance qu'on puisse aller plus loin. C'est pour cela que l'appel à un retour durable de l'Etat est un voeu pieux. Quand vous dépensez 55% du PIB, dont 10% en permanence en empruntant, vous ne pouvez pas aller plus loin et vous êtes même obligés de rétropédaler.

L'effondrement financier du système des monnaies administratives en régime de change flottant est irrémédiable.  Le dollar et les principales monnaies ont perdu 98% de la valeur en or depuis l'instauration du système. Les banques centrales sont gorgées de "collatéraux non conventionnels" c'est à dire de cochonnerie. Les Etats sont en faillite.

Croire une seule seconde que tout va se remettre en place sans rien faire d'autre que de "réguler" la finance par des règles prudentielles est une incroyable bévue. Croire une seule seconde que l'état va pourvoir de façon keynésienne à une insuffisance de demande globale est ne rien comprendre aux quarante ans d'histoires économiques qui viennent de se dérouler.

On peut donc facilement répondre à la question : qui a tué Keynes ? Les changes flottants, l'hégémonie du dollar  et  l'appétit sans frein de certains états pour la dépenses publique.

L'unique question est de déterminer s'il faut ou non revenir à des changes unifiés et défendus de façon concertée par les Etats, l'émission de monnaie globale étant rattachée à quelque chose de plus ou moins fixe,  à l'abri desquels les Etats peuvent maintenir le plein emploi.  Nous avons expliqué mille fois ici pourquoi nous étions pour cette solution. Dans un système d'échanges mondialisés, celui qui reçoit de la monnaie doit savoir ce qu'il reçoit. Pour que la boucle des échanges réels puissent se fermer. Au final les produits s'échangent contre des produits, du travail contre du travail.

On notera que cette question fondamentale n'est traitée nulle part. Les changes flottants sont un sujet totalement tabou. Il est vrai que les Etats Unis ne veulent pas perdre le bénéfice à court terme ou apparent d'une monnaie de réserve, malgré la preuve actuelle de ses inconvénients. Les Chinois se moquent de leur population et peuvent bien troquer du travail serf contre de la monnaie dévaluée si cela leur permet d'imposer certains de leurs objectifs nationaux socialistes. L'Europe a créé une monnaie unique mais sans gouvernement unique pour la gérer. On ne gère pas une monnaie par un traité. La situation est donc totalement bloquée. Les boeufs piétinent allégrement la charrue qu'on leur a mis sous le nez.

Nous sommes donc dans un contexte de trouble idéologique proche de celui où était le monde en 1932. Une conjonction bloque les mesures qui s'imposeraient. Résultats : les solutions proposées sont dérisoires ; la crise dure ; les querelles s'aiguisent.

Keynes est mort. Il faut sans doute ressusciter une partie fondamentale de son message : le plein emploi seul compte et la défense déflationniste par chaque état livré à lui même  et aux caprices de sa monnaie flottante, alors qu'il dépense une part  démesurément grande des ressources de son pays est une voie sans issue. Mais ne voir dans le message de Keynes que la gestion d'un surcroît de dépense publique est aujourd'hui absurde et à côté de la plaque. C'est sur la partie organisation générale du système monétaire international qu'il faut se pencher. La proposition keynésienne du Bancor est toujours une excellente base de discussion, même si elle doit aujourd'hui être améliorée en fonction des leçons récentes de l'histoire économique.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.



Le retour des politiques de déflation

Il est tout de même troublant de voir revenir la déflation comme moyen de gestion normale des récessions.

Au XIXème siècle, la monnaie était principalement métallique. L'argent et l'or étaient les références monétaires. A partir de 1873, l'étalon-or fut le système de référence. Dans ces conditions il était impossible de manipuler les changes. Les « points d'or » qui se déclenchaient en cas de déséquilibre lourd des balances de paiements entraînaient des sorties d'or et une restriction de crédit qui freinait l'activité.

Les crises financières qui étaient déjà régulières (tous les huit à dix ans) étaient vécues comme des moments de purge nécessaires. Le PIB (qui n'était pas calculé à cette époque) reculait fortement, souvent entre 20 et 30% (d'après les estimations les plus vraisemblables). Les docteurs Purgon s'en donnaient à cœur joie. Les plus faibles tombaient dans la misère et les révoltes éclataient, voire les révolutions. Dans des économies principalement agricoles, on parlait de crise de surproduction dont la résorption passait par des baisses de prix, de salaires et des restrictions malthusiennes. Jusqu'à ce que les prix remontent et entraînent à nouveau une phase d'expansion et d'investissements.

Ce système a volé en éclat en 1929 avec l'orthodoxie mentale qui l'accompagnait. L'or ne jouait plus de rôle majeur (il s'était concentré aux Etats-Unis et les autres états en manquaient). Partout le billet de banque et les dépôts bancaires l'avaient emporté sur la monnaie métallique. La crise de 1929 s'est produite dans un système tout à fait nouveau et mal maitrisé de gold exchange standard qui permettait déjà des doubles pyramides de crédits.

Ce système avait donné une ampleur toute nouvelle à la crise périodique de crédit. Les structures industrielles et agricoles s'étaient concentrées, ne permettant plus des ajustements faciles par les prix. Les mentalités étaient en retard sur les faits.

La gestion de la crise par la déflation fut partout un terrible échec entraînant des conséquences sociales et politiques qui à leur tour eurent leurs effets délétères.

Influencée par Keynes une nouvelle orthodoxie se mit en place qui renonçait aux déflations et tentait de mettre en place une organisation internationale ordonnée avec des changes fixes mais ajustables et une institution, le FMI, qui avait pour but d'éviter que des guerres de changes se mettent en place au détriment de la communauté. Chaque pays « ne devait pas faire plus de bêtises que les autres » et en cas de dérapages, le soutien du FMI devait éviter une chute verticale mais au prix d'un retour dans les rails de la politique économique du pays concerné.

Ce système a explosé en 1971 avec la promotion des changes variables et la création de monnaies purement administratives dont la responsabilité était confiée à des banques centrales « indépendantes ».

Premier résultat : les monnaies ont perdu en moyenne 98% de leur valeur en or bien que l'or fut démonétisé.

Second résultat : les déséquilibres sont devenus gigantesques (voir les déficits cumulés des Etats unis et les excédents cumulés de la Chine et du japon).

Troisième résultat : les crises décennales sont devenues de plus en plus dures en même temps que le taux de croissance de longue période était ralenti : adieu les trente glorieuses !

Quatrième résultat : la variabilité généralisée a entraîné le développement d'une économie casino et l'apparition de produits complexes de moins en moins maîtrisés.

Cinquième résultat : le mécanisme de la double pyramide de crédits s'est amplifié entraînant la hausse de la dette partout jusqu'à un niveau intolérable qui ne pouvait se régler que par une crise d'envergure, comme en 1929. Et qui a éclaté en 2008.

Les états ne pouvaient avoir recours qu'à deux politiques :

- Continuer dans le keynésianisme. On eut la stagflation. Exit Keynes.

- Laisser filer la monnaie avec des crises de changes successives et des risques d'exclusion du système d'échange mondial.

Cette politique ne pouvait être menée que par les Etats-Unis.

- Fixer sa monnaie sur le dollar à un taux favorable et se laisser porter.

La Chine avec ses réserves d'hommes pauvres et disponibles pour un bol de riz a pu s'en sortir.

L'Argentine et son « currency board » explosera début 2000.

L'Europe a tenté une unification monétaire évitant les risques de spéculation sur le cours des monnaies de ses membres. Mais sans « peg » sur le dollar. Il lui a fallu mener une politique de compétitivité salariale sur un fond de très faible croissance. Sous le parapluie de l'Euro les pays du Sud (France, Grèce, Portugal), ont conduit des politiques laxistes, en même temps que les capitaux à court terme s'investissaient en masse dans les pays émergents (Irlande, pays baltes, Espagne) sur une base purement spéculative. Le RU faisait lui le pari du « tout finance » et du « tout spéculation ».

L'explosion financière a eu les conséquences qu'on pouvait envisager.

Les capitaux à court terme ont fui l'Europe de l'est , l'Irlande , l'Espagne ; les pays à bulles immobilières ont été ruinés. Et on a vu que malgré l'unification monétaire, la spéculation s'attaquait aux pays par le biais des taux d'intérêt et des « spreads » faute de pouvoir le faire sur les taux de devises.

En dehors des Etats unis et de la Chine le système monétaire international ne laisse plus aux autres comme alternative soit une politique de déflation lente de compétitivité par les salaires et la technologie soit une politique de déflation violente lorsqu'on s'est laissé glisser trop longtemps.

La déflation est redevenue le mode de gestion de crise. Ce qu'avaient montré la crise de 29, c'est qu'elle était socialement inacceptable et finissait dans des extrémités encore pires que le mal. L'affaire Argentine a confirmé le fait. On peut craindre que cette impatience sociale se manifeste à nouveau avec des conséquences destructrices.

La déflation peut marcher. Mais c'est si douloureux que l'on peut considérer que ce remède de cheval est d'un maniement extrêmement dangereux.

Il vaudrait mieux réformer le système global et enfin constituer le système qui aurait du être mis en place à Bretton-Woods si les Etats unis n'avaient pas été un géant au milieu de "nains" ruinés.

Un Bretton- Woods paritaire, avec une monnaie mondiale de réserve de type Mondio, est  la bonne solution. Espérons qu'il ne faudra pas dix ans de soubresauts pour qu'on s'en aperçoive.

Depuis 2007 et le blocage du système monétaire et du marché interbancaire, on a déjà perdu trois ans. Et on n'en sort pas.

Les monnaies et les changes, ce serait important après tout !

Alors que 30 mois se sont écoulés depuis le blocage du marché interbancaire, en juillet 2007, et 18 mois depuis la chute de Lehman-Brothers, nous sommes dans cette période trouble où des éléments de reprise existent mais où l'image globale est celle de la stagnation et l'inquiétude. On voit bien que les Etats sont au bout des solutions faciles, celles qui consistent à lâcher les déficits publics et la création de monnaie par les banques centrales. Le chômage continue à croitre. Les faillites s'annoncent, masquées seulement par les créations d'entreprises individuelles plus ou moins artificielles.  

L'absence de vraie reprise du coup stimule les réflexions. Et on commence à poser les vraies questions qui auraient du l'être dès le départ et auxquelles on s'était bien décidé de ne rien dire.  

Un bon point : on ne parle plus des subprimes. Comme nous l'avons toujours dit la faillite des prêts subprimes est un élément du décor, pas une cause. On voit bien aujourd'hui que la sortie de la crise mondiale ne passe en aucun cas par la résolution des problèmes associés aux subprimes. Les subprimes étaient un symptôme pas la cause de la maladie. Curer le marché des prêts hypothécaires américains n'a pas fait avancer d'un pas la solution de la crise mondiale.

Si on ose le dire de cette façon : l'hypothèque que faisait peser les subprimes sur la compréhension de la crise est levée !  Ce n'est pas trop tôt. On peut  aborder maintenant les vraies questions et les vraies solutions.

Un premier constat est l'évanouissement de la crédibilité du modèle implicite sur lequel l'économie mondiale est bâtie.  Après le détachement du dollar de l'or, et une phase d'une dizaine d'années de chaos, l'idée s'est répandue, basée, pour simplifier, sur les bribes d'analyses de Milton Friedman, selon laquelle l'économie mondiale bénéficierait d'un abaissement concerté important des barrières douanières (libre échange intégral), de la convertibilité générale des monnaies, de la liberté totale des mouvements de capitaux, à court comme à long terme, du développement des instruments financiers spéculatifs permettant d'assurer "la liquidité" des marchés, et d'une création de monnaie de base totalement administrative assurée par des banques centrales le mieux possible isolées des gouvernements et dont l'objectif serait de limiter l'inflation.

Ce système devait apporter la conciliation nécessaire entre impéritie des états (dressés par les marchés financiers en cas de dérapage) et nécessité d'une bonne gestion durable, égalisation des taux d'intérêt à travers le monde, diminution du besoin de réserves de changes, stabilisation des cours des devises, si chaque pays faisait un minimum attention, optimisation de l'allocation des ressources, croissance maximum et plein emploi.
 
Ce modèle d'organisation n'était en rien fondé sur une modélisation généralement admise par la théorie économique. Il s'est imposé de facto après que les Etats Unis ait cessé de rattacher sa monnaie à l'or. La justification psychologique (plus que technique) est venue après : on a fait semblant de croire que cela avait du sens. D'autant plus que beaucoup de gens y trouvaient leur intérêt, notamment un secteur financier totalement libéré qui considérait, à juste titre, que ce désordre consensuel lui offrait des gains illimités, pourvu qu'on libère la finance de toute contrainte.

Ce système n'a jamais marché. Jamais ! L'évidence en était acquise dès la crise de 93.  Elle a été confirmée par la crise de 98 puis la récession de 2001. La crise actuelle n'en est que l'aboutissement logique. Les changes flottants, comme le socialisme, cela ne marche pas. Pas du tout. Ils ont fait passer le monde des trente glorieuses à une croissance mondiale lente et déséquilibrée. Ils ont aggravés le cycle. Ils ont désarmés les Etats, chargés de jouer les nounous auprès des victimes et de renflouer périodiquement les joueurs du grand casino financier. Jusqu'au jour où ils ne pourraient plus y parvenir. On y est.

Alors çà y est ? Les changes flottants sont en ligne de mire et avec eux  toute l'idéologie de pacotille et les institutions branlantes  qui les accompagnent ?

Vous n'y êtes pas. Vous ne trouverez pas la moindre critique des changes flottants nulle part dans la presse ou dans la littérature économique spécialisée. Le tabou est trop grand. Remettre en cause l'ensemble du pseudo système qui veut que les changes n'ont pas d'importance pourvu que les prix soient stables dans chaque zone monétaire surveillée par une banque centrale autonome et qu'on laisse libre cours à tous les mouvements financiers est aujourd'hui encore IMPOSSIBLE.

Mais l'eau passe partout par les digues effondrées et il faut bien réagir. Le déni de réalité ne peut pas être total. Alors les problèmes de changes passent de plus en plus au premier plan.

L'économiste américain Krugman, le moins mérité et le plus récent des "Nobel" d'économie, signe dans le NYT un article ahurissant qui demande une taxe de compensation de dumping monétaire de 25% contre la Chine. Soucieux de complaire à son maître américain, DSK, le patron évanescent du FMI surenchérit.

La France met en cause l'Allemagne pour ses excédents commerciaux et sa politique de dumping salarial.

L'Allemagne remet en cause la gestion des pays du sud de l'Europe et envisage rien de moins que l'éviction de la zone monétaire des pays à déficit (la Grèce, le Portugal, l'Espagne...).

Le RU malgré une très grosse dévaluation ne s'en sort pas mais se voit contestée d'avoir engrangé un avantage de change indu.

La dévaluation du Won coréen lui a permis de sortir de la crise plus vite que les autres. Le Japon qui a subi à son corps défendant une hausse abusive du Yen n'est pas d'accord pour avaliser cette "agression".  

Bref, les changes, finalement, cela compte. L'idiotie qui considère qu'un droit de douane de 5% est un problème et une dévaluation monétaire de 20% un fait indifférent commence à être relevée partout.

L'occident ne veut plus voir son industrie disparaître du fait du mercantilisme de la Chine.  Partout l'idée fait son chemin que le commerce international qui a reculé pour la première fois depuis la guerre doit repartir sur des bases moins biaisées par les politiques de change des uns et des autres. Partout les Etats regimbent devant l'impuissance qui les tient si la banque centrale est entre les mains d'une administration indépendante  et les changes laissés à la libre circulation de capitaux à court terme.

Les pays qui ne peuvent pas dévaluer sont contraints à une déflation mortelle. Les pays qui ont profité du système pour accumuler des réserves de change sans les remettre dans le circuit économique se sentent menacer de perdre une grosse partie de la valeur de ces réserves. La peur est partout ; la suspicion est au plus haut. Les tensions inter-étatiques prennent de l'ampleur. Rappelons que c'est exactement le schéma de 1929 : les tensions sur les changes sont arrivées deux à trois ans après la crise boursière, et l'absence de toute idée de cohérence internationale a abouti à la grande dépression.

On voit bien la limite des prises de conscience actuelles :  faute d'avoir une vision globale, les critiques ne mènent nulle part sinon à des guerres ou des guéguerres économiques. Cette vision globale existe. Nous la développons depuis 20 ans avec une grande constance et sans jamais être désavoué par la réalité des évènements.

Article 1 : la cause des crises à répétition que nous connaissons est principalement monétaire et son moteur est le système de double pyramides de dettes décrit par J. Rueff permis par le rôle central du dollar dans un système de change flottant inepte.

Article 2 : les défauts du système permettent la création de bulles financières qui explosent régulièrement avec un coût démesuré sur les taux de croissance globaux.

Article 3 : la flottaison des changes n'a apporté aucun des avantages que ses promoteurs ont envisagés : les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi éclatés ; les réserves de change ont augmenté ; les changes ne se sont pas stabilisés. Au contraire les effets de yoyos monétaires ont accentués la dimension "casino" de l'économie.

Article 4 : l'idée que des monnaies administratives non reliées entre elles par la volonté des gouvernements de contenir excédents et déficits puissent être la source d'une croissance équilibrée est fausse.

Article 5 :  la seule solution est la constitution d'un système de changes fixes et ajustables, façon Bretton Woods mais corrigeant les défauts majeurs du système de 1944.
    - La monnaie mondiale n'est plus le dollar mais le Mondio, fondé sur un panier de références comprenant l'or, le pétrole etc.
    - Les Etats Unis perdent leur statut extraordinaire et deviennent un pays comme les autres. Plus de droit de veto ; plus de passe droits.
    - Le FMI a réellement pour but d'éviter les excédents et les déficits extrêmes, même quand ils concernent des grands pays comme les Etats Unis ou la Chine ou le Japon ou l'Allemagne.
    - L'objectif central de l'économie dans chaque état et zone monétaire est le plein emploi.
    - La finance mondiale n'est pas libre. Les opérations à court terme peuvent être légitimement contrôlées. Le "short" sur les monnaies est interdit. Les fortunes faites sur la spéculation sur les monnaies sont confisquées et leurs bénéficiaires pénalement poursuivis.
    - Les mammouths financiers sont cassés. Le but de la finance est de financer l'économie pas d'obtenir des rémunérations spéculatives avec renflouement périodique par le contribuables.
    - Si un pays veut jouer avec sa monnaie pour obtenir des avantages industriels indus, des taxes de compensation monétaire automatiques joueront contre eux.
    - Les pays qui voudront gagner de l'argent en permettant d'échapper aux règles communes sont purement et simplement exclu des marchés internationaux de capitaux.

En un mot, tous les pays doivent jouer le jeu de la concurrence et du plein emploi. Mais dans un environnement stable et régulé où chaque intervenant partage la même philosophie. S'il s'en écarte, il est exclu en tout ou en partie du jeu international.

La difficulté de ce plan est sa faisabilité politique, non sa cohérence économique. Il faut profiter du désastre actuel pour faire constater que les idées contraires sont totalement inefficaces et ne mènent qu'à des guerres commerciales ou monétaires désastreuses.

Non le dollar ne peut plus être la monnaie du monde. Et alors ? Le privilège du dollar a-t-il été aussi bénéfique que cela aux Etats Unis qui atteint pour la première fois depuis 1929 un taux de chômage supérieur à 10%, qui a perdu l'essentiel de sa production industrielle, qui voit sa classe moyenne se paupériser ?  Non la Chine ne doit pas pouvoir mener une politique mercantiliste. Et alors ? Les paysans pauvres ne mangeront pas en Chine les réserves de papier accumulées. Le Japon a-t-il réellement bénéficié de ses réserves accumulées et de son Yen surévalué ?  L'Allemagne est-elle si fière de sa consomption démographique qui va la voir disparaître des écrans radar dès 2050 ?

Il faut supprimer les changes flottants, revenir à un système organisé qui permet de pousser les feux de la croissance réelle (non financière) et de viser partout le plein emploi, supprimer les facteurs de déséquilibres, qu'ils soient techniques ou politiques. Les monnaies doivent être rattachées à un point fixe extérieur commun.

Il n'y a pas d'échappatoire.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

L'inquiétude s'installe

Observer en temps réel l'état de l'opinion est important. Les commentateurs qui feront plus tard l'histoire de la période n'auront pas l'aide (et éventuellement l'inconvénient) qu'offre la perception des attitudes et des sentiments.

En France, pratiquement jusqu'à maintenant, les Français n'ont pas ressenti la crise. L'importance du nombre des fonctionnaires et des retraités, indifférents aux questions d'emplois, ajoutés aux filets de sécurité, qui permettent même à certains licenciés de se faire un pécule inespéré, l'usage massif cette fois-ci du chômage partiel, qui a retardé nombre de licenciements, se sont conjugués pour anesthésier l'opinion.

Pendant des mois, la crise fut sans victime au moins en apparence. Donc sans indignation.

Bien sûr il y eût un début de psychose en septembre 2008 : les Français ont eu une peur bleue pour leur épargne et leurs comptes en banque. Mais elle n'a pas duré.

Traditionnellement l'inquiétude s'installe après un exercice de crise plein. A ce moment là les résultats publiés des entreprises sont désastreux. Les impayés s'accumulent.  Les faillites commencent à enfler. Les jeunes qui apparaissent sur le marché du travail ne trouvent pas d'emploi ou dans des conditions très dégradées (stages, salaires en baisse, petits jobs). Après l'inquiétude un peu résignée vient l'impatience.

Nous entrons dans cette phrase en France et dans la plupart des pays à travers le monde. C'est celle de tous les dangers. La crise est installée. Elle est perçue comme devant durer. La crainte de l'avenir s'accentue en même temps que la tentation de rechercher des boucs émissaires se gonfle.

Voici venu le moment des dissensions internationales :
- La Grèce a du mal à financer sa dette : c'est de leur faute. Qu'ils se débrouillent.  Qu'ils se serrent la ceinture bien étroite. Nous ne paierons pas pour les "pays du Club Med".
- L'Islande ne veut pas payer pour les clients lésés de banques situées sur son territoire.
- La Chine et les Etats-Unis commencent leur ballet d'accusations réciproques.
- Et voici que la France met en cause l'Allemagne pour se désinflation compétitive et ses excédents.

L'enfer, c'est toujours les autres.
Voici venu aussi le temps des dissensions nationales.

Partout les gouvernements en place sont contestés. Mais les oppositions ne sont pas pour autant considérées comme crédibles. Plus personne ne croit plus dans la capacité des politiques de faire face à la situation.  L'abstention aux élections régionales françaises restera comme un des témoins phare de ce phénomène : 53% de non votants, une première !
 
En 1974 la crise avait frappé en même temps qu'un nouveau président se mettait en place. VGE et J. Chirac paraissaient des hommes neufs aptes à faire face à la situation nouvelle. Ils ne l'étaient pas. La sanction viendra en 81. En 1981 le changement de majorité a là aussi masqué la traduction politique de l'inquiétude du pays : le tourbillon du "passage de l'obscurité à la lumière" a occupé les esprits dans un sens ou dans un autre pour quelques temps. Jusqu'au tournant de l'austérité de 2003 jamais déclaré mais bien réel.  En 93, la crise frappe en pleine période de transition électorale avec une cohabitation qui pousse à tout repousser à plus tard. Cela finira avec le coup d'assommoir fiscal d'Alain Juppé. En 2000, la transition politique correspond également à l'éclatement de la crise.

Cette fois ci, la crise se produit en plein milieu d'un quinquennat laissant le pays sans exutoire autre qu'une abstention massive. C'est une situation dangereuse. D'une certaine façon le roi est nu et seul devant l'impatience du pays. Ses positions électorales, qui avaient fait son succès, sont désormais totalement dépassées. N. Sarkozy a été pris à revers sur pratiquement tout son programme affiché.  Ses actions passent pour de l'agitation. Son impuissance face à des problèmes qui le dépassent totalement devient apparente. Le verbe parait décalé des résultats.

L'Europe entre en crise. On voit les grosses ficelles de son assemblage et l'absence totale de réalisme de ses politiques vis à vis de la crise. Bruxelles n'a rien à dire. Les dissensions sont partout et sur tous les sujets. La politique d'ouverture généralisée des frontières sans considération pour les réalités vécues par les acteurs, la destruction de la PAC, l'impuissance généralisée faute de pouvoir bâtir de vraies politiques ajustables, a découragé les européens. L'abstention aux européennes  était déjà massive.
 
Toutes les institutions flottent en apesanteur.
 
Plus personne n'est en charge des  seules choses qui comptent : l'emploi ; les perspectives de croissance.

En revanche tout le monde voit bien que pour les impôts et les mesures draconiennes, on trouve toujours des volontaires, à droite comme à gauche.
 
Aujourd'hui les Européens en général  et les Français en particulier ont désormais compris que la crise était installée pour longtemps et que l'austérité était pour demain. Que faire contre la concurrence "déloyale" des pays à bas salaire et sans protection sociale ? Que faire contre les manifestations de puissance de la Chine et des Etats Unis ?  Où est la source de notre prospérité future ?
 
En plus voici l'écologie et son message malthusien. Sauver la planète, rien de moins, en entrant dans l'abstinence et en portant le cilice, est-ce une perspective ?
 
L'horizon est totalement bouché dans l'esprit de la majorité des Français. Les retraités savent qu'ils sont en première ligne et qu'ils vont être durement frappés (ils ne manifestent pas et vivent de l'argent de la solidarité). Le blocage des retraites en Grèce les fait réfléchir. Les parents voient leurs enfants en danger de mauvaise insertion dans la vie professionnelle. Les mauvais départs sont souvent de mauvaises arrivées !  Les jeunes ne pensent qu'à partir. Partir là où au moins luit une petite lueur d'espoir.
 
La seule courbe que regardent désormais les citoyens est celle du chômage. Il faut généralement trois à quatre ans pour qu'elle s'inverse (si la récession ne tourne pas à la dépression) après le pic de crise. Ce sera bien si elle le fait avant 2012 !  Tout le monde s'attend en 2010 à une Saint Barthélémy des PME françaises. Sous capitalisées la plupart d'entre elles sont incapables de vivre deux exercices successifs comme 2009. Le premier trimestre n'a vu aucune reprise. Tout stagne aux niveaux de 2009. Encore deux trimestres comme cela et la vérité s'imposera : la crise sera pire que 74 et 93. Il n'y a plus de réserves. Nulle part.

Alors oui l'inquiétude gagne. Et s'approfondit. L'insouciance s'est envolée. On s'attend à pire. On anticipe le pire.

Cela peut créer le pire.

Peut-on sortir de cette spirale ?

La réponse est oui. A une condition : le retour d'une politique du plein emploi crédible animée par des responsables disposant des moyens de la mener. Cela suppose d'abandonner le modèle d'une économie mondiale laissée aux seules forces du marchés et de la finance, avec des Etats aux abonnés absents, en attendant une miraculeuse reprise spontanée, une fois les banques sauvées et les déficits creusés.

Si les Etats ne reprennent pas la main de façon concertée pour changer le cours des choses et remettre l'emploi et la croissance au cœur de la politique mondiale, on va droit vers la dépression.

Quel est le levier à leur disposition ? Il n'y en a qu'un seul. Pas trois, pas deux. Un seul.

En annonçant que désormais on en revient aux changes fixes avec élimination des déficits et des excédents aberrants, chaque état étant responsable du plein emploi chez lui en agissant sur tous les leviers possibles mais agissant collectivement dans le sens d'une montée vers plus de croissance, la finance étant désormais strictement contrôlée (avec notamment interdiction du "short" sur les devises, on met fin à la spirale déflationniste qui s'amorce.

Bien sûr la Chine sera obligée de revoir sa politique mercantiliste de captation de l'emploi mondial et de se préoccuper de créer un vrai marché intérieur.

Bien sûr les Etats Unis perdront leur leadership monétaire et devront dévaluer assez fortement.

Bien sûr il faudra découpler d'une façon ou une autre les pays de la zone euro qui ne peuvent s'en sortir qu'avec une dévaluation.  

Bien sûr les banques perdront une grosse partie de leurs gains spéculatifs.

Bien sûr il faudra organiser le commerce mondial des produits agricoles en ne considérant plus le marché mondial comme une poubelle.

Mais un horizon aura été recréé qui permettra aux entreprises de reprendre les investissements.

Cette politique nous l'avons proposée dès les premiers jours après l'explosion du système bancaire mondial. Nous n'avons pas à en changer une virgule, 18 mois plus tard.

La seule différence vient du changement de psychologie des populations : désormais elles s'inquiètent ; demain elles peuvent déprimer ou s'emballer. La crise de 29 s'est emballée en 1932-33 devant l'impatience des populations relayées par les politiques. Tout s'est alors crispé. Et il faudra attendre la guerre pour mettre fin à la spirale des grosses bêtises.

Il est encore temps de prendre la situation à bras le corps. Espérer comme la BCE dans l'application des seuls traités sans politique économique concertée est une absurdité. On ne pilote pas l'économie d'une zone monétaire par les seuls traités.  Aucune relance individuelle dans un système de changes flottants n'est efficace, l'expérience le 2009 le prouve. La finance mondiale ne jouera pas la croissance et l'investissement. Mais les gains spéculatifs. Il n'y a strictement rien à attendre d'elle.

Rien ne se dénouera tout seul. Il n'y aura pas de reprise spontanée.

Mais il n'y a pas de pilote dans l'avion, ni même de logiciel pour guider l'avion. L'essentiel de l'inquiétude qui s'exprime désormais vient de là.

Elle est légitime.



Stiglitz et l'organisation bancaire

Pour notre auteur la question est vite vue : la cause du mal est toute entière dans la consanguinité entre Wall Street, les institutions de contrôle et les gouvernements. Les mêmes hommes ont eu les mêmes intérêts et la même vision qui a détruit toutes les règles prudentielles qui existaient. Ils savaient que les gains seraint pour eux, les pertes pour les contribuables, car leurs banques sont "too big to fail". "On n'a pas tant sauvé les banques que la fortune des hauts banquiers et porteurs d'obligations bancaires au moment où le système malhonnête a explosé".

L'originalité de Stiglitz  est dans l'extension de la critique à Obama qui n'a pas su remettre en question ni les hommes ni leurs pratiques.

J. Stiglitz entend enfoncer le clou et rien n'est laissé sous silence de l'histoire de la dérèglementation, et des méthodes de sauvetage biaisées qui ont été employées. Nous laissons le lecteur découvrir ces développements qui sont très éclairants.  

L'alternative ?

Il aurait fallu nationaliser temporairement et prendre la main sur la gestion des différents molochs malades après avoir chassé les dirigeants faillis.

Il aurait fallu casser le secteur bancaire en plusieurs morceaux spécialisés.
Il aurait fallu réduire la taille des grands acteurs dans chaque morceau.

Il aurait fallu ridiculiser l'idée fausse que la finance internationale libérée de toutes contraintes optimisent l'allocation des ressources ; au contraire, elle l'a perturbe.

Il aurait fallu corriger la pratique qui veut que les banques ne stockent plus les risques mais les transportent, généralement en les camouflant, vers les épargnants qui ne savent pas ce qu'on met dans leurs comptes.

Il aurait fallu empêcher "des conflits d'intérêts géants".

Il aurait fallu remettre en cause toute une série d'innovations financières qui ne servent en rien l'économie et la prospérité générale mais seulement les intérêts de leurs concepteurs.

"Si faire le lien entre les nouveaux produits et les échecs économiques est d'une extrême facilité, on a du mal à repérer le moindre rapport entre les "innovations financières" et une hausse de productivité".

"Les grandes banques ont joué un rôle marginal dans la vraie création d'emplois. Elles excellaient à détruire des emplois."

Le diagnostic est implacable et presqu'évident. Mais rien n'a été fait. Ce que regrette vivement J. Stiglitz.

Ceux de nos lecteurs fidèles retrouveront intégralement ce que nous ne cessons d'affirmer depuis 18 mois. Il n'y a pas une feuille de cigarettes entre les conceptions de Stiglitz et les nôtres, publiées à chaud et sans délai.

La situation de consanguinité et de conflits d'intérêts  est encore pire en France où une demi douzaine d'oligarques règnent sur la quasi totalité des dépôts des Français. Les effets de la crise y ont été moins forts qu'ailleurs pour des raisons qui ne tiennent en rien aux banques elles mêmes.

La législation des prêts immobiliers est en France beaucoup plus contraignante qu'aux Etats Unis.

Les Hedge-funds y sont interdits.  

Cela n'a pas empêché les banques de noyer le pays sous les dettes et de prendre des risques excessifs. Les groupes trop petits ont cherché à tout prix d'obtenir une taille suffisante pour pouvoir résister.  Comme en Suisse où UBS a surenchéri dans la croissance risquée pour contrer les grands établissements américains on a vu par exemple en France Natixis et les Banques populaires associées aux Caisses d'épargne se lancer dans une course désastreuse à la croissance oiseuses du bilan.

Même si quelques gros poissons ont l'air aujourd'hui de se porter à merveille, et ont même forci, le système bancaire français en octobre 2008 était globalement en faillite. Elles ont été sauvées par les moyens suivants :

- La Trésor américain, donc le contribuable américain, a accepté de renflouer à coup de centaines de milliards de dollars  AIG  et différents établissement porteurs de CDS  : du coup les banques françaises ont pu exercer des contrats qui sinon étaient sans effet. Personne n'avait imaginé en France qu'il y avait un risque de contrepartie. Les sommes versées par le contribuable  américain excède le cumul des bénéfices annoncées par les 6 plus grands groupes bancaires français pour 2009 !

- La BCE en fournissant de l'argent quasi gratuit aux seules banques, les taux d'intérêt payés par les clients restant pratiquement inchangés, a offert des gains aussi faciles que mirifiques aux banques et permis d'enfler sans mérite  les bonus des banquiers. L'ennui c'est que cette gratuité du crédit n'est qu'apparente. Au final comme tout a un coût, il faudra bien que quelqu'un paie d'une façon ou d'une autre.  

- Les grandes banques ont pu continuer à spéculer pour compte propre avec des gains d'autant plus facile que l'argent ne coûtait rien.

- Le portage des prêts aventurés a vu son coût baisser fortement, et la possibilité des revenir à une comptabilité historique (et non plus à la valeur du jour) a permis de planquer les pertes et de les renvoyer à plus tard.  

- Les banques ont supprimés en un clin d'oeil toutes les facilités de crédits et tous les découverts. Il est totalement hypocrite de la part des banques d'affirmer qu'elles n'ont que "très peu" diminué leurs encours de crédits. Elles ont totalement empêché  les entreprises d'utiliser les facilités de crédits sur lesquelles elles comptaient en cas de conjoncture difficile ! C'est exactement comme si tout le secteur des assurances avait aussitôt et comme un seul homme résilié toutes les polices d'assurances à un moment où on sentait des risques venir !  

- Les opérations bancaires ont été taxées en même temps que la majorité des opérations ont été renvoyées sur le client. les clients ont donc du payer pour faire les opérations eux mêmes !  

- Les produits toxiques ont été impitoyablement renvoyés sur l'épargnant captif et berné, après que les banques se soient octroyées de juteuses commissions.

Il n'y a pas un jour sans qu'une nouvelle affaire montre combien les conflits d'intérêts ont été importants.

Un jour c'est une banque qui a financé d'une part une bateau pour un affrêteur, avec les gains afférents et qui peu après place les quirats correspondant à la valeur du bateau y compris les coûts bancaires, dans leur réseau d'épargnants, avec les commissions afférentes. Le bateau en fait ne vaut rien car il n'a pas d'utilisation rationnelle. Tant pis. L'armateur et la banque se sont partagés le bon argent des épargnants qui n'ont que leurs yeux pour pleurer.

Un autre jour c'est un promoteur immobilier qui a vu la même banque financer son projet de local défiscalisé dans les Dom Tom et prêter de l'argent à ses épargnants pour commercialiser le programme. Le placement se révèle désastreux. La banque a gagné deux fois. Et elle vire les grincheux qui n'ont qu'à aller ouvrir un compte ailleurs maintenant qu'ils ont été grugés.

Toute la défiscalisation a marché sur des bases douteuses de ce type et a été l'occasion de milliers de combines et de conflits d'intérêts.

Les gains frauduleux se sont ajoutés aux libéralités de l'Etat (des Etats devraient-on dire) et de la BCE.

Le tout sera payé par le contribuable, les entreprises, l'emploi, le déposant et l'épargnant. Au prix fort ! Alors que les oligarques ont sauvegardé presque tous leurs situations et leurs prébendes.

La situation en France est exactement celle que décrit J. Stiglitz. Mais n'espérez rien lire dans les medias français : financièrement à l'agonie, ils ont besoin des banques...  

Joseph Stiglitz valide la totalité des idées que nous avons émises sur ce sujet depuis 18 mois.  Certains de nos lecteurs ont cru que nous étions peut être un peu marginaux, radicaux et même excessifs.  Et bien non. Alors nous persistons et signons :

- Nous avons payé un prix excessif le sauvetage des grands banquiers

- L'oligarchie aurait du être  brisée et le secteur bancaire totalement réorganisé.  

- Une occasion unique a été perdue. Elle ne se reproduira pas de sitôt.

- Le citoyen et l'acteur économique  paieront les coûts de cette erreur pendant que la valse des bonus reprendra.

N'avoir fait AUCUNE REFORME est une faute impardonnable.

Didier Dufau pour le cercle des économistes E-toile.

J. Stiglitz et les causes de la Grande Récession

Nous poursuivons ici l'analyse des thèses du livre que le "prix Nobel" de l'économie vient de faire paraître (Le triomphe de la cupidité).

L'auteur n'oublie pas l'inévitable passage sur les subprimes, traitées en profondeur, mais aussi avec le souci de marquer des points dans son long combat idéologique  avec les purs libéraux. Ces derniers ayant beaucoup insisté sur le fait qu'il s'agit d'une politique d'état qui a dérapé, il tente d'annuler cet argument en montrant que tous les marchés hypothécaires ne sont pas aussi morbides que celui des Etats Unis et que ce sont les lobbies bancaires qui ont fait échouer toutes les législations qui auraient permis de mettre en œuvre des solutions plus profitables aux consommateurs qu'aux distributeurs de crédits. Il cite le système hypothécaire norvégien comme exemple à suivre. 

Cela aurait pu être le système des Etats unis. Interdire les taux variables, les solutions de prêts pochette surprise, les prêts à plus de 100%, la titrisation abusive, le transport de produits financiers incompréhensibles vers l'épargnant qui ne sait pas ce que les banquiers ont collé dans ses produits d'épargne, sont du ressort du politique et des institutions de contrôle.

Elles ont toutes failli parce que les intérêts de Wall Street et la consanguinité entre ses hauts dirigeants et ceux des institutions de contrôle, plus son lobbying massif, ont interdit toute réflexion indépendante et toute législation défensive du consommateur. Tout le monde a validé l'idée qu'il fallait laisser faire et que les "innovations" proposées étaient utiles et sans danger.  

Contrairement à la plupart des autres auteurs récents de livres sur la crise, il ne se contente pas d'une explication de la crise par l'abus des crédits dits "subprimes". Comme c'est notre thèse depuis le début, nous buvons du petit lait lorsqu'on rencontre les mêmes idées dans la prose d'un prix Nobel, même si c'est dix-huit mois plus tard,.  "L'universalité du problème indique qu'il y a des vices fondamentaux dans le système" écrit-il. Le style n'est pas terrible, il faut en convenir. "Y a un blème dans l'système" c'est au mieux un thème de rappeur déchaîné. Cela manque un peu de précision.

Et justement, le style révélant l'homme, on touche une limite du livre. L'auteur sent bien que l'organisation générale de l'économie est fautive quelque part, mais il a le plus grand mal à cerner l'endroit où cela pêche et à identifier le Deus ex machina. "Il ne s'agit ni d'une question d'individus corrompus ni d'erreurs spécifiques, ni de petits problèmes à résoudre ou de petits ajustements à opérer".  Evidemment cela met en pièce le titre du livre. Mettons qu'il s'agisse d'une accroche marketing dont les éditeurs sont seuls responsables !  J. Stiglitz ajoute : "Pour quelques observateurs c'était un cas d'école parfaitement prévisible et d'ailleurs prédit".  La raison : un niveau d'endettement intenable !  "Les prétendues innovations financières ont permis à la bulle de grossir d'avantage". Il met alors les CDS en première ligne des innovations fâcheuses et explique parfaitement comment ils ont permis de tromper les règles prudentielles, et autorisé un gonflement presque sans limite des bilans, tout en accélérant la contagion de la crise de la dette dès qu'elle a démarré. Le contribuable a été le payeur de dernier ressort pour éviter que tout explose.  

On reconnaîtra ici toutes les thèses que nous défendons depuis dix huit mois.


* Les subprimes ont joué leur rôle mais ne sont qu'un détail de la crise globale

* L'endettement intenable est la source principale de la crise : il avait atteint des niveaux totalement intenables et l'effondrement était prévisible.

* Nous l'avons d'ailleurs prévu : après avoir alerter sur le caractère intenable de la dette mondiale rapportée au PIB mondial, nous avons annoncé dès 2006 un récession sévère pour 2009-2010. Dès le blocage du marché interbancaire en juillet 2007 nous avons révisé cette annonce en prévoyant l'effondrement en septembre 2008 et le gros de la crise en 2009.

* Le 22 septembre 2008 nous publions deux articles :

- l'indispensable  explication technique de détail 
- Un tableau statistique qui dit tout

qui résument tout ce que Stiglitz démonte sur 200 pages en janvier 2010.

La grande faiblesse de J. Stiglitz est , qu'après avoir, avec raison, détaillé les mécanismes de la crise, il ne parvient pas à comprendre la source même de ce surendettement. C'est comme si au billard un physicien analysait parfaitement les trajectoires des boules et leur incapacité d'aller à l'endroit espéré sans voir la queue de billard qui a imprimé l'impulsion initiale.

Souvent il frôle la bonne explication, mais jamais il ne parvient à la saisir.

C'est particulièrement clair sur la question du cycle de 8-10 ans.  On sait que nous sommes des tenants de la théorie du cycle et que nous mettons l'accent avec insistance sur cette question fondamentale qui a été sortie à tort des préoccupations des économistes à partir des années 60. Elle donne des éléments critiques de prévision. Ses ressorts étant toujours principalement financiers, elle aide à observer ce qui se passe dans ce secteur critique de l'économie qui est malheureusement l'un des enfants quasiment abandonnés de la science économique moderne, les rares auteurs qui s'y consacrent cautionnant généralement les innovations financières  ou se contentant d'analyses purement rétrospectives et sans danger.   

J. Stiglitz voit bien qu'il se passe quelque chose dans ce domaine du cycle : il évoque les travaux de Kindelberger sur le cycle  et ses explications purement financières. Cela vient tard dans le livre (P. 384) et il n'en tire pas vraiment parti.

Au contraire il commet des erreurs étonnantes. Il affirme par exemple que c'est la première fois qu'une crise américaine  secoue le monde entier. Et la crise de 73-74, alors, due exclusivement à l'abandon de la référence à l'or pour valoriser le dollar et aux méfaits jusqu'ici inconnus  des changes flottants voulus par les Etats-Unis  ?  Et la crise du début des années 80, qui touche le monde après que Volker ait décidé de casser l'inflation  née des déficits américains ? Et la crise de 91-93 qui part des Etats Unis puis touche le RU et la Hollande en 92 puis la France en 93 ?  Et la crise de 2001-2003 qui provient d'une hausse massive du dollar et des bourses américaines qui provoquent une bulle énorme qui s'effondre en entraînant toute l'économie mondiale ?  

Cette myopie se révèle aussi par le fait qu'il date le début des dérèglements au mandat de R. Reagan (le diable en personne avec la diablesse Thatcher en prime !), alors que tout se met en place à partir de 1971. (Lire notre article : sortir de la crise la crise de 1973-2010).

N'ayant aucune explication technique de la surgescence de la dette, il en revient à des explications comportementales et politiques. Il ne connait pas le mécanisme de la "double pyramide de crédits" détaillée par Jacques Rueff et reprise par Maurice Allais.

Comme c'est un bon observateur, il frôle souvent la vérité mais à chaque fois il s'en tient à l'analyse des effets sans trouver la cause. 

Il voit bien que les déficits et excédents jumeaux sino américains sont une anomalie intenable et que désormais il va falloir trouver un nouveau modèle des échanges internationaux.

Il voit bien que contrairement aux affirmations de Milton Friedman les changes flottants n'ont provoqué nulle part une diminution des réserves de change, mais exactement l'inverse. Il indique à juste raison que cela réduit la demande globale mondiale.

Il voit bien que les CDS et autres artifices financiers ont une dimension internationale et que ce risque empaqueté a joué un rôle fondamental dans la propagation de la crise.

J. Stiglitz nous rejoint pour affirmer que la première victime de la crise a été le commerce international , le principal moteur de la croissance depuis 1944 !Mais il ne voit pas  que ces évolutions sont l'enfant naturel des changes flottants :

* les variations incessantes des valeurs relatives des devises  imposent des réserves de change surdimensionnées 

* les mécanismes de couverture vis à vis des risques de changes viennent compliquer tous les contrats primaires sur les taux d'intérêts, les placements boursiers, les prêts internationaux, le financement du commerce mondial.  

Résultat : il ne parle jamais d'une réforme des changes flottants. Mettre en place une monnaie de réserve internationale en conservant les changes flottants, des banques centrales uniquement centrées sur l'inflation, des nations désarmées dans leur politique de plein emploi, ne sert strictement à rien. J. Stiglitz dit bien que " la question n'est pas de savoir si le monde va se retirer complètement du système de réserve fondé sur le dollar mais s'il va le faire de façon prudente et réfléchie". Mais lui même ne fournit pas d'explication sur  cette "façon prudente et réfléchie".

Il faut en effet revenir à la responsabilité des Etats sous la tutelle d'une organisation internationale fondée sur la parité des devoirs et des droits (fin des privilèges des Etats Unis et du Dollar). Il appartient aux Etats de défendre la parité de leur monnaie et les grands équilibres extérieurs de leur pays. Le FMI est là pour éviter les dérapages et rendre les corrections les moins lourdes possibles en cas de dérapage (alors qu'il fait exactement l'inverse en système de changes flottants).

Ce dont nous avons besoin  aujourd'hui ce sont des architectes pour bâtir ce nouvel ordre économique mondial basé sur le plein emploi et la croissance.

J. Stiglitz est parfait en dynamiteur de l'ordre ancien mais un peu faible sur la construction du monde nouveau.

Nous pensons qu'au Cercle des économistes nous déjà au stade de la reconstruction avec un diagnostic plus précis et des suggestions plus concrètes que ce que nous dit Stiglitz dans son analyse qui est une étape intéressante de la prise de conscience mondiale de ce qu'il faut faire mais qui malheureusement s'arrête brutalement au bord du  chemin.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

Joseph E. Stiglitz et "Le triomphe de la cupidité"


Avec ce livre, "Le triomphe de la cupidité" (LLL -  les Liens qui libèrent - éditeurs - Février 2010) , nous avons l'analyse d'un des ténors actuels de l'économie.

Disons le tout de suite, ce n'est pas la "Théorie générale" de Keynes. Les politiques n'y trouveront pas ce changement de cadre intellectuel qui avait entraîné une refonte complète de la manière de voir le rôle de l'Etat dans la lutte contre les crises et pour la prospérité générale.  En revanche, l'esprit acéré de l'auteur et sa culture économique lui permettent de balayer des pans entiers de l'histoire économique récente et de trancher quelques débats.

Pour le Cercle des Economistes E-toile, c'est aussi l'occasion de confronter ses propres analyses publiques avec les réflexions d'un des rares prix Nobel  dont les honneurs ne sont pas totalement usurpés.

Ce premier article donnera un avis général sur le livre. Les deux suivant examineront ce qu'il faut penser de son explication de la crise et  des réformes à apporter au système bancaire, les deux questions qui font l'objet des développements les plus importants.


J. Stiglitz ne s'est pas totalement élevé au niveau des enjeux. Son livre souffre de quatre défauts chez lui traditionnels :

* Une certaine tendance au narcissisme.  L'auteur a une haute idée de lui-même, en même temps qu'il considère ses pairs comme des nains englués dans le "consensus de Washington". Il se met en scène parfois abusivement. Il prétend avoir prévu la crise. Ce n'est pas vrai. Il a critiqué inlassablement le système et il a été conforté par les évènements. Ce n'est pas exactement une prévision. N. Roubini qui manque certes d'une vision économique globale avait, lui, fait une prévision très précise  qui s'est révélée opérationnelle. J. Stiglitz s'est contenté de répéter ses philippiques permanentes depuis 20 ans contre Wall Street, la  FED et le FMI, sans donner une véritable analyse prévisionnelle : nature de la situation ; déroulement de la séquence ; intensité de la crise ; date de l'explosion etc. Sa petite déviation narcissique entrave son discours en le tordant vers le pamphlet répétitif. Admettons cependant que le conformisme ambiant et la force médiatique de certains acteurs imposent qu'on tape longtemps sur les mêmes sottises. Dans cet exercice J. Stiglitz est inlassable...

* L'américano centrisme.  Nous avons quelques scrupules à insister sur ce point car l'auteur est sans doute l'économiste américain qui a le plus de connaissance du monde extérieur. Son livre reste centré sur l'opinion américaine à travers ce qui s'est passé aux Etats unis. L'avantage est une excellente description de l'histoire économique récente  des Etats Unis. L'inconvénient est une certaine fragilité  dans ses analyses de la situation globale.  Ce défaut se conjugue avec le précédent : J. Stiglitz s'est manifestement convaincu que puisque la crise était américaine, sa pensée, très critique des politiques suivies et donc assez marginalisée, allait pouvoir y devenir dominante. Cette ambition n'a pas d'intérêt pour l'observateur non américain. En revanche il est utile d'étudier si les critiques faites au système américain s'appliquent en Europe et particulièrement en France. C'est ce que nous ferons dans les deux articles suivants.

* L'insuffisance théorique en matière de système monétaire international.  Cette lacune est traditionnelle en économie où le champs des relations monétaires internationales est une jolie friche soigneusement non entretenue. Il faut attendre la page 365 pour voir enfin surgir du néant les questions monétaires internationales. Leur rôle crucial dans l'explication de la crise n'est pas compris. J. Stiglitz se contente d'une analyse très superficielle de la question des réserves monétaires internationales, en lançant des idées générales appuyées sur peu de véritables analyses.

* Le militantisme politique. J. Stiglitz se "pose en s'opposant" depuis bien des années. Il symbolise aux Etats-Unis une certaine forme de posture "de gauche" opposée à la politique de G. Bush, à celle de Milton Friedman et favorable à un tiers-mondisme certes très différent de sa variante marxiste française, mais plutôt rare aux Etats Unis.

Le titre de l'ouvrage révèle le moteur pamphlétaire qui anime l'auteur. La cupidité, c'est tout de même un peu faible comme explication de la crise. A bien des moments on sent une certaine outrance et la volonté de faire coller les faits à la posture à laquelle il se tient depuis longtemps et qui constitue son image dans les medias.

Ces défauts ne sont pas tels qu'ils fassent perdre tout intérêt aux démonstrations de J. Stiglitz.

Comme toujours avec lui, on sort à demi convaincu.

La bonne moitié vaut la peine.

Didier Dufau pour le cercle des économistes E-toile.

Quel nom donner à la crise économique en cours ?

Pour qu'un événement important prenne sa place dans l'histoire, il lui faut un nom. Quel nom donner à la crise qui s'est déclenchée avec le blocage du marché interbancaire en juillet 2007, s'est approfondie avec la faillite de Lehman Brothers à la mi septembre 2008 et a entraîné une vaste récession mondiale dans le monde entier en 2009 ?  On dira : attendons un peu : seul le recul historique permettra de vraiment fixer la nature de la crise et donc son nom.

Le besoin d'identification n'attend généralement pas. Les médias ont besoin d'un nom. Les économistes ont également besoin de comparer des périodes historiques de crise économique. Ne pas avoir de nom rend les choses pénibles. Le besoin est si pressant qu'en général un nom s'impose sans savoir qui l'a vraiment choisi. Et il est souvent mauvais. La tentation médiatique est d'associer une crise économique et un évènement extérieur que tout le monde se rappelle.

La crise de 1973-74 fut appeler "la crise du pétrole" puis "la première crise du pétrole", parce que la guerre israélo-arabe avait entraîné une réaction de pays producteurs de pétrole particulièrement virulente. En fait la crise avait commencé bien avant cette hausse et ne peut s'analyser de bonne foi aujourd'hui que comme la première crise du dollar flottant, la baisse extrême du dollar ayant, associée au prétexte de la guerre, justifié la hausse des prix du pétrole à des niveaux antiéconomiques qui ont profondément aggravé la situation.

 La crise de 1992-1993 fut associée à la guerre en Irak, comme d'habitude à tort, mais finalement ne reçut aucun nom qui soit resté dans les mémoires. Pourtant c'était la plus grosse récession depuis la guerre. Elle resta incomprise et innommée !  La crise de 98 fut appelée, totalement à tort, "la crise des pays émergents".  Le nom vint des Etats-Unis qui considérèrent de façon inique et malsaine  qu'elle était due à des régimes pourris de "cronies". En fait tout le monde voit aujourd'hui que c'était une crise des changes flottants et de la spéculation associée qui a vu, après une poussée spéculative excessive sur des marchés extérieurs, les capitaux flottants se rapatrier à toute vitesse vers les Etats Unis, entraînant la catastrophe  dans toutes les économies neuves qui avaient été dopées par un endettement excessif crée artificiellement par la spéculation financière internationale dans un environnement de changes flottants.  Certains l'avaient appeler un temps "la crise de Kobé", le tremblement de terre de Kobé ayant entraîné  la première crise de confiance (qui mit par terre les spéculations du trader fou de la Baring) qui se généralisera par la suite : toujours cette bonne vieille tendance à expliquer tout par un "fait de Dieu" :  accident, guerre, tremblement de terre, épidémie...

La crise démarrée par l'effondrement des valeurs boursières liées au NTIC, et qui se développa en une récession de moyenne importance fut  appelée "crise des NTIC" ou "crise des nouvelles technologies".  Ce ne sont évidemment pas les nouvelles technologies qui sont la cause de cette récession et  la récession ne fut pas que boursière.  Ce fut une vraie récession mondiale. On ne retînt que le plus spectaculaire, comme d'habitude.

Si on remonte un peu plus haut dans le temps on voit des conflits de dénomination assez gênants. La "crise de 1929" est maintenant généralement appelée "la grande dépression" alors que ce nom avait été donné à une période particulièrement difficile de la fin du 19ième siècle, à partir de 1975 jusqu'à pratiquement l'an 1900.

A l'idéal, les grandes crises devraient être nommées en fonction de leur cause principale, ne serait-ce que pour rappeler que les mêmes causes ont souvent les mêmes effets.  Quand ce sont les vraies causes. La terminologie de "seconde crise du pétrole" est tout aussi fausse que la première : il y eût bien une hausse massive des prix du pétrole, mais aucune crise mondiale d'importance en 1978 !   

Dans cet esprit, il faudrait dissocier les crises liées au cycle de 8-10 ans et les accidents qui ont leur logique propre et n'entraînent pas de récession mondiale généralisée. Pour s'en tenir au demi siècle passé, on trouve :

1974 : crise mondiale cyclique forte
1982-84 : crise mondiale cyclique faible
1993 : crise mondiale cyclique forte
2001-2002 : crise mondiale cyclique faible
2008-2009 : crise mondiale cyclique forte.


Et, dans ce schéma fort, se loge des crises particulières, généralement financières mais pas toujours :


- 1989 : crise boursière dite "des ordinateurs"
- 1996 (en France seulement) : crise liée au coup de massue fiscale d'Alain Juppé.  
- 1998 : crise du dollar et de la spéculation financière.

Les aspects structurels sont également importants. Depuis 1971 nous vivons dans un système de changes flottants et de monnaies totalement administratives.  Pratiquement toutes les crises citées ont une composante monétaire et financière forte.  La crise de 74 aurait du être appelée : "la première crise des changes flottants". Au moins on saurait qu'on est entré dans une nouvelle génération de crises pouvant se superposer au cycle.

Pour donner un nom à la crise actuelle, il faut également tenir un raisonnement économique.  Y-a-t-il eu une seule crise ou plusieurs crises emboîtées ? On voit bien le problème si on regarde les transes que traversent Wikipédia. La volonté de coller à l'actualité a entraîné la description de plusieurs crises : crise des subprimes, etc.
 
En fait, il n'y a qu'une seule crise. Nous avons déjà abordé, à chaud, cette question dans notre article "Une ou plusieurs crises".  

Alors comment l'appeler ? Joseph Stiglitz a proposé dans son dernier livre  (Le triomphe de la cupidité - LL Les liens qui libèrent, éditeurs- janvier 2010) de la nommer "La grande récession". Ce nom aura du succès dans la presse. Peut-être restera-t-il.

L'avantage de ce terme est qu'il règle justement la question de l'unicité ou de la multiplicité des crises. Il n'y a qu'une crise et Stiglitz le démontre très bien.

En fait, dans le détail,  il se trompe un peu. Comme d'habitude il ne convainc qu'à moitié. C'est son Karma !  Par exemple la première phrase de sa préface commence par : "Dans la Grande récession qui a commencé en 2008". En fait, s'il est vrai que la récession mondiale va s'établir en été 2008, la crise a commencé un an avant, en juillet 2007 avec le blocage du marché interbancaire qui va provoquer une vague de faillites bancaires pendant les douze mois suivants, le tout culminant avec le lâchage de Lehman brothers. Il l'admet un peu plus loin :  "J'ai regardé le monde glisser vers la crise en 2007".  Péché avoué est à demi pardonné.

Un autre point qui nous réjouit est qu'il signale avec raison que "l'universalité du problème indique qu'il y a des vices fondamentaux dans le système".  Il s'agit bien d'une crise du système global. Quel système ?  L'ennui des mots système et problème est qu'ils cachent la misère des raisonnements et la faiblesse du diagnostic. Ce sont des "mots valise". La phrase est sympa parce qu'elle marque bien qu'il ne s'agit pas d'un incident localisé. Elle est trop vague pour être utile.  Heureusement, la suite est plus précise : " La croissance reposait sur une montagne de dettes". Là nous sommes totalement d'accord ! C'est le fond de notre thèse.

L'inconvénient du livre, c'est que JAMAIS Stiglitz n'aborde  avec pertinence la question obligatoire du "comment". Comment cette dette a-t-elle été rendue possible ?  Là,  il dérive, comme d'habitude dans la poursuite de ses ennemis fantasmatiques personnels et on retombe dans le combat idéologique et le positionnement politique.

Stiglitz a un autre défaut : il n'a aucune vision du cycle de 8-10 ans, thèse commune avant guerre et que les économistes de sa génération a repoussé avec un pied négligent sous l'influence des keynésiens, très influents avec Samuelson et Hansen aux Etats Unis. Il mélange un peu tout : En citant l'étude de Luc Laeven et Fabian Valencis pour le FMI "systemic banking crisis : a new database" 2008, il dénombre 124 "crises" depuis 1970 ! Ce qui revient à ne plus rien distinguer du tout et à noyer le poisson.  Toutes les crises financières n'ont pas la même gravité et leur association avec une récession mondiale doit être pris en considération. Ne pas le faire revient à tout mélanger et à ne rien discerner, même si cela permet de faire un procès global à Wall Steet.  

En revanche nous buvons du petit lait quand il écrit : "La seule surprise de la crise économique, c'est qu'elle ait tant surpris. Pour quelques observateurs c'était un cas d'école tout à fait prévisible et d'ailleurs prévus".  Merci de le reconnaître !  Ce qu'il oublie de préciser c'est pourquoi elle était prévisible. Son idée est que la finance mondialisée et dérèglementée était un fruit pourri qui ne pouvait que tomber de l'arbre et faire chuter l'arbre avec lui. On est dans l'idéologie et la grande querelle, pas dans  la technique économique. Roubini était plus précis : certains prêts étaient tellement aventurés et atteignaient grâce à des techniques de dissémination du risque de tels volumes  que l'explosion serait aussi sévère qu'inévitable.  Au moins il savait ce qui se passait au sein des banques. Quelques économistes vexés de n'avoir rien vu venir se sont plaints d'avoir été laissés dans l'ignorance de ce qui se passait dans les fourneaux de la finance internationale et ont immédiatement exigés des fonds pour la création d'observatoires plus fins. On ne se refait pas ! La limite de l'analyse de Roubini est qu'elle est justement bien trop partielle. Il voit la paille mais pas la poutre.


La crise est d'abord celle d'une accumulation mondiale d'un niveau de dettes privées et publiques intenables. Cette accumulation disproportionnée a une cause : la double pyramide de crédits de type Rueff-Allais.  Les techniques bancaires de diffusion du risque n'ont fait qu'amplifier un phénomène fondamental.  Les niveaux atteints étaient tels que tout devait éclater. Quand ? Lorsque le retournement du cycle se ferait. Il fallait donc guetter les signes du retournement conjoncturel global en même temps que l'évolution les bulles spécifiques.


Nous mêmes avons fixé le début de l'alerte au moment où les prix de l'immobilier ont baissé aux Etats Unis, à la fin 2006.  Compte tenu qu'on en était à la phase haute du cycle, le mouvement des affaires ne romprait pas immédiatement.  Nous avons simplement conclu que la rupture  aurait lieu plus tôt que ce que nous le pensions (notre prévision début 2006 était une récession en 2010).  Dès l'été 2007 nous avons annoncé une crise très sévère avec un basculement en septembre 2008 avec une année 2009 sinistre.  Notre bulletin de conjoncture du début de l'année 2007 conseillait de dénouer toutes les opérations immobilières au plus tôt et de ne plus investir en masse dans quelques projets que ce soit pour éviter d'être pris financièrement à la gorge lors de la crise.


Quand Stiglitz écrit : "la bulle de l'immobilier qui devait nécessairement éclater était le symptôme le plus évident de la "maladie de l'économie". Mais derrière ce symptôme il y avait des problèmes plus fondamentaux", il a raison. L'ennui c'est qu'il se réfugie encore dans le mot valise "problème".  Et quand il s'emploie de le préciser, il joue petit bras : la titrisation, symbole de la "dérèglementation"  n'est pas la cause fondamentale de la crise économique mondiale. Ce n'en est qu'un détail.  

Il redevient pertinent lorsqu'il met en cause la mise en réserve excessive de ressources monétaires par certains pays échaudés par la crise de 1998.  Mais là encore, il ne pèle pas l'oignon (c'est son expression !) suffisamment. Cette mise en réserve a quatre causes très différentes :

* les changes flottants
* le mercantilisme chinois
* le suivisme américain du Japon
* la rente pétrolière des pays producteurs.

La première est de loin la plus permanente et la plus importante. Contrairement aux affirmations de Milton Friedman les changes flottants n'ont pas entraîné la limitation des réserves, la stabilisation des devises et l'unification des taux d'intérêt. Cela a été tout le contraire.

Le constat, exact bien que peu original, de Stiglitz sur la montée des réserves aurait du le conduire à aller un pas plus loin dans la déconstruction du système des changes flottants. Il serait alors remonté à la crise de 74 etc. Il ne le fait pas.  Les considérations idéologiques, qui forment son identité, l'obligent à ne revenir qu'aux aspects politiques de la dérèglementation des années Reagan-Thatcher. Grave erreur  dans le réglage du microscope, ou du macroscope, comme on voudra.

La dérive idéologique de Stiglitz est particulièrement visible lorsqu'il en vient à parler des déséquilibres mondiaux : "Ce système où les pays pauvres prêtent aux riches  est très spécial".   L'accumulation de dollars est un effet direct des changes flottants avec une monnaie mondiale de facto, le dollar. Il faut des déficits américains mais aussi des créances de la part de tous les autres.  La monnaie est à la fois un actif et une dette, comme tous les crédits (actifs pour les uns, passifs pour les autres).  Le Japon vient de redevenir premier détenteur de la dette du trésor américain. Ce n'est pas spécialement un pays pauvre.  Et le recul de la Chine est principalement politique, pas économique.

On revient toujours à la même question lancinante : quel système économique mondial avons-nous créé en 1971 lorsque les monnaies sont devenues des monnaies administratives sans rapport avec une valeur intangible extérieure et qu'on a laissé flotter la principale monnaie du monde en lui  accordant des privilèges exceptionnels. Mais là Stiglitz est aux abonnés absents.

Revenons à notre propos initial : quel nom donner à la crise ?  La proposition de Stiglitz s'imposera sans doute, bien qu'elle ne soit pas analytique et préjuge que la crise actuelle ne va pas dégénérer  en dépression, ce qui n'est pas absolument certain bien que probable. Elle aurait le mérite d'éviter le mauvais vocable de "crise des subprimes" qui reviendrait à qualifier le tout par la partie.  

Le vrai nom devrait être : La grande crise d'endettement mondial de 2007-201x".  On voit bien aujourd'hui que la crise des banques est devenue la crise des états endettés. Le simple transfert de la dette du privé au public n'a pas réglé la crise globale.  La terminologie proposée ne préjuge pas de la suite.  Et elle aurait l'avantage de fixer l'attention sur les mécanismes de cet immense gonflement de dettes, sur les moyens d'y faire face et sur ce qu'il faut faire pour que cela ne recommence pas. .  

On peut toujours rêver.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.

Le glas sonne pour le pari inepte de sauver la finance mondiale sans rien réformer .

On voit depuis quelques semaines une focalisation sur l'endettement des Etats. La spéculation en cours sur l'éclatement de l'Euro y contribue largement. Les contribuables sont également légèrement soucieux de connaître la manière dont les gouvernements vont se débarasser de déficits historiques.

Pour l'économiste l'endettement public n'est qu'une composante de l'endettement global et c'est l'endettement global qui a une influence déterminante.

Tout le monde sait qu'en matière d'inondation il faut d'abord regarder l'état des sols : sont-ils secs ou gorgés d'eau  ? Ensuite on regarde les précipitations nouvelles et la fonte des neiges.  L'eau retenue dans les barrages publics est importante mais n'est pas tout.

La crise actuelle est une crise de l'endettement global provoqué par la double pyramide de crédits générée par le système de change flottant.  Cet endettement global a fini par s'effondrer sur la tête des marchés financiers. Les banques ont été les premières victimes, le marché interbancaire se bloquant quasiment totalement puis les marchés financiers liés à l'immobilier puis tout le système financier.

Les Etats ont repris une bonne part des dettes pour sauver les banques et le système financier dans son ensemble ; les banques centrales ont fait de même et créé de la monnaie ex nihilo  comme jamais pour compenser les effets du credit crunch.

Et ils se sont dit : avec nos plans de relance, la crise est finie. Nous sommes formidables ! Cela marche !  Et ils se sont  pressés de de rien réformer sauf des broutilles qui leur permettaient de faire semblant d'agir ou de renforcer leur puissance d'état. 

Comme nous l'avons écrit il y a maintenant près de 17 mois, le transfert de dettes des particuliers à l'état ne change rien à l'état de l'endettement global. Comme il n'y  eu aucune restructuration fondamentale de la dette et que le système financier reste totalement incontrôlé, dans un système où l'épargne flottante, dirigée par quelques centres de spéculation, peut balayer le monde sans que rien ne résiste, au lieu de voir les ressources se concentrer sur la création de richesses, on a vu un regain de spéculation sur les monnaies et les taux d'intérêts, visant carrément  cette fois-ci  des Etats.

La bouée de sauvetage étatique menacée,  laissant le monde sans défense  devant le risque de dépression si l'attaque "réussit".

Nous pouvons relire sans hésitation ce que nous disions en septembre 2008.

Il fallait, disions-nous,  restructurer immédiatement  la dette et la cantonner tout en réorganisant totalement le système bancaire et financier mondial pour redonner aux Etats la responsabilité de l'action en faveur de la croissance et de l'emploi.

Croire que les marchés financiers consolidés par la dette des Etats allaient faire le travail était inepte.

Il fallait, immédiatement rétablir un système cohérent de changes fixes dont les Etats auraient la responsabilité pour permettre de redonner un horizon aux vrais investisseurs : ceux qui créent de la richesse et non des plus values temporaires sur des marchés flottants. Il fallait redonner un horizon, très différent, au commerce international, en réévaluant très fortement le Yuan, et en dévaluant du pourcentage nécessaire le Dollar. Il fallait fournir une perspective de réduction des déficits américains et des excédents chinois et japonais.

Seul ce combat pour la reprise des marchés de biens réels pouvait fournir les ressources nécessaires au désendettement global.  Que ceux que cette question intéresse relise notre article :

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2009/4/3/G20--un-pari-trs-dangereux

"Le pari très  dangereux" a tourné court, comme il était évident qu'il le ferait. 

Alors on va faire le gros dos. On va essayer de "calmer les marchés financiers".  La politique de la patience pleine de sang froid pour ne rien casser en laissant tout filer et en ne réformant rien  n'a mené qu'à différer les difficultés.

On a perdu un an et de demi et le temps ne se rattrape jamais.

 

Didier Dufau pour le cercle des économistes e-toile.

 

 

 



Taxe Tobin : la position du Cercle des économistes e-toile

Cela fait dix ans que nous nous exprimons publiquement sur la taxe Tobin et nous n'avons en rien varié sur le sujet.  Notre position se définit ainsi :

1. Nous avons la plus grande estime pour Tobin qui était un économiste très fin, toujours articulé dans ses raisonnements, et  avec qui nous avons correspondu lors de la rédaction de notre thèse de doctorat à la fin des années soixante. Mais sa pensée a été détournée, d'abord par les ONG soucieuses de se voir doter de fonds indépendants des Etats, puis par les réseaux communistes métamorphosés en "altermondialistes", puis aujourd'hui par les Etats  en quête de nouvelles ressources fiscales dont le prélèvement serait indolore.  Nous n'avons cessé de montrer l'imposture de ces détournements. Il est lamentable de voir une question technique difficile transformée en n'importe quoi politique par des gens qui ne comprennent même pas ce dont ils parlent. Pas eux ! Pas ça !

Le succès de la taxe Tobin n'a rien à voir aujourd'hui avec la préoccupation de Tobin. Il s'agit simplement de taxer pour taxer. La "finance" étant chargée de la responsabilité de la crise sur une base comportementale, elle offre le prétexte à une "sanction" fiscale. Tout est faux dans le décor dans lequel on se meut dans les media lorsqu'on parle de la taxe Tobin. L'ignorance crasse et l'hypocrisie y règnent en maîtresses exigeantes.

Sous prétexte que le sujet est "technique" on se croit justifié de ne rien expliquer. Et du coup on écrit n'importe quoi sans aucune pudeur. Cela sombre souvent dans le burlesque : il suffit de lire les variations du simple au centuple sur le taux de la taxe ou sur celui des sommes qu'elle permettrait de récolter pour constater qu'on n'est pas dans la réflexion mais dans le délire de sots intéressés spéculant sur l'ignorance des masses.

2. La principale erreur est de considérer que Tobin avait en vue le financement des ONG et qu'il avait trouvé le moyen de fournir beaucoup d'argent avec un impôt minuscule.  Tobin voulait mettre en place un marteau pilon pour écraser tout espoir de gains spéculatifs sur des marchés de capitaux devenus totalement libres. La taxe Tobin n'est pas une "plume" duveteuse que l'on peut arracher du dos de la finance mondiale sans conséquence. C'est un système extrêmement contraignant qui interdit dans la pratique toute spéculation à court terme.

3. Le problème qui pousse Tobin à proposer son système, au début des années 70, est l'instabilité probable liée aux changes flottants. Ce débat fondamental est toujours esquivé par ceux qui parlent de la taxe Tobin. S'il fallait en plus s'embarquer dans une discussion technique sur les changes flottants, où irait-on ? La vraie question pour Tobin est : que faut-il faire pour éviter que les changes flottants ne deviennent une catastrophe ?  Cette question n'a jamais été posée dans la presse et les milieux politico administratifs. Et généralement esquivée dans les instances économiques et financières internationales. C'est comme cela qu'on a quitté "les trente glorieuses" pour entrer dans un cycle de crises financières à répétition, d'économie casino, avec ses neuvaines catastrophiques.

4. Discuter de la taxe Tobin revient donc à traiter la question du système monétaire international. Faut-il laisser les changes flottants entraîner leurs conséquences maléfiques sans rien faire ? C'est ce qui a été fait depuis 1971 sans aucune discussion nulle part. Les changes flottants sont un tabou et il est de ceux qu'il est pratiquement impossible de lever.

Ou faut-il supprimer les changes flottants  et revenir à un système de changes fixes et ajustables ?

Ou faut-il conserver les changes flottants mais avec des béquilles comme la taxe Tobin qui interdit de fait les mouvements spéculatifs à court terme ?

Juger la taxe Tobin c'est d'abord répondre à ces trois questions fondamentales, ce que personne ne fait.

Encore faudrait-il que la question soit posée. Elle ne l'est jamais. Au contraire les difficultés sont niées là même où elles devraient être traitées avec le plus grand soin. N'oublions pas que le FMI par la voix de son économiste en chef considérait à la fin des années 90 que les crises économiques étaient de plus en plus rares et de moins en moins graves et que les banquiers centraux comme Greenspan et son adjoint Bernanke professaient que les instruments complexes mis en place pour faire face à la volatilité des changes et de l'ensemble du monde financier étaient formidables. 

5. Le Cercle des économiste e-toile est pratiquement le seul lieu où la nocivité constitutionnelle des changes flottants est régulièrement dénoncée. Naturellement nous avons notre solution de préférence : le retour à un système de changes fixes et ajustables dans le cadre d'une institution mondiale égalitaire qui fait disparaître les privilèges des Etats-Unis et du Dollar et de la promotion d'un cadre règlementaire qui interdit les déséquilibres durables de balances de paiement.

Nous pensons que la doctrine qui veut que des zones monétaires gérées par des banquiers centraux avec comme seul objectif la stabilité des prix et  dont le cours des devises respectives s'ajusterait par le seul jeu des forces du marché, est fausse et a produit depuis 40 ans les pires ennuis.

Dans ces conditions nous ne sommes pas des supporters de la taxe Tobin qui est un expédient pour tenter de rendre tolérable l'intolérable. 

Nous pensons que les Etats doivent être responsables à la fois de leur niveau de prix, de leur niveau de chômage et des équilibres extérieurs. Les trois vont ensemble. Cette responsabilité globale doit s'exercer dans le cadre d'une coopération internationale étroite.

Croire que les prix sont de la responsabilité de la banque centrale, le chômage de l'Etat et les changes des marchés financiers internationaux, c'est à dire croire à notre organisation actuelle, est pour nous un article de foi, genre charbonnier, sans aucune justification rationnelle. Les conséquences sont désastreuses depuis le début et n'ont jamais cessé de l'être.

L'irresponsabilité des Etats est si confortable qu'il ne faut espérer aucun changement. Les Etats unis ont cru que le "benign neglect" serait sans conséquence. Ils se sont trompés. Mais ils croient encore que le maintien du système vaut mieux que son abandon. La Chine pratique un dumping monétaire effrayant mais tout le monde fait semblant de croire que ce sont les marchés qui imposent le cours du Yuan. L'Europe... Quelle Europe ?

5. On peut considérer que la vraie solution est impossible à mettre en œuvre en l'état des mentalités et des rapports de force. Le pragmatisme ne conduit-il pas à chercher des solutions de fortune, sachant que celles que la rigueur de la réflexion suggère sont impossibles à imposer ?  C'était bien la position de Tobin. Laissons les changes flotter, laissons les déséquilibres enfler, mais au moins bloquons les crises artificielles de change liées à des mouvements de capitaux à court terme. On stabilisera les changes et du coup on "refroidira" les mouvements browniens de la finance avec leurs effets perturbants. Les banques centrales verront leur tâche simplifiée. Les chocs endogènes seront réduits. Le système sera moins mauvais.

La taxe Tobin est donc par nature un renoncement, un pis aller. En un mot un expédient. Au nom du réalisme et du pragmatisme. "Après tout", disait Tobin, "voyons ce que cela donne avec ma taxe. Si on a la stabilité des changes avec la liberté totale des mouvements financiers, sachant que les banques centrales contrôlent les prix, ce ne sera déjà pas si mal" .

6. Faut-il donc, faute de mieux, soutenir par pragmatisme l'expédient Tobin ? Les principaux opposants étaient les banques : elles gagnent des fortunes en spéculant sur les monnaies et les taux d'intérêt à travers le monde ; elles ont tout à gagner à fournir des services visant à se prémunir contre les risques de change ou les variations de taux. La taxe Tobin, sous réserve des modalités, peut en effet assécher ces sources de gains faciles. Les banques étant dans un rapport de force défavorable par rapport aux Etats, il est en effet possible que la faisabilité d'une taxe Tobin n'ait jamais été plus grande. Encore faudrait-il que la question monétaire soit mise en première place et qu'on mette bien les Etats en face de leur responsabilité dans l'organisation financière du monde.

C'est loin d'être le cas. La taxe Tobin est envisagée pour financer l'écologie, la santé publique, le tiers monde, pas comme moyen de réorganisation du système financier mondial. Les Etats qui la proposent ne sont intéressés que par les possibilités fiscales nouvelles ; les ONG que pour les ressources internationalisées nouvelles. La question fiscale a cancérisée la question économique.


7. En l'état, la meilleure chose que peut faire un cercle de réflexion économique est :

- De dénoncer le système monétaire international actuel dont la perversité est avérée de façon DEFINITIVE.

- D'orienter la réflexion internationale vers des solutions de fond et non des expédients.

- De ridiculiser le détournement de la taxe Tobin par les ONG cupides et les Etats rapaces.

C'est ce que nous continuerons à faire.

Didier Dufau pour le Cercle des économiste E-toile

JF Copé et la crise financière

Il est toujours instructif d'observer des attitudes politiques en période de crise. Jean François Copé est un des grands "espoirs de la droite" en France.  Chassé du gouvernement par Nicolas Sarkozy alors qu'il se considérait inamovible, il s'est retrouvé président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale.

Il y mène un combat politique alambiqué entre pilote parlementaire aimant frôlé les rochers et critique constructif.  Il a créé un groupe de soutien, Génération France, qui est à la fois un centre de réflexion, un réservoir de groupies, une menace politique (il faut bien avoir un certain pouvoir de nuisance quand on n'est pas dans les petits papiers du chef) et un lieu de préparation de son éventuelle candidature à la présidentielle de 2012.

Comprendre ses positions face à la crise, alors qu'il a une certaine liberté de parole, et des possibilités de distanciation vis à vis des positions de l'Elysées pouvait paraître intéressant.

Nous avons donc fouillé son site internet et y avons trouvé un texte d'un certain Lebeau, animateur d'un atelier nommé "confiance", traitant des leçons à tirer de la crise économique majeure dans laquelle nous nous trouvons. Texte disponible à l'adresse :  http://www.generationfrance.fr/editos/lebeau_crise_financiere.php

Hélas ! Hélas ! Hélas !

Le texte commence par faire un rapprochement absolument sans pertinence entre le 11 septembre et la crise actuelle, comme si terrorisme et krach financier était de même nature.

"Car la crise économique qui nous touche est avant tout une crise d'intelligence de l'Economie. Elle est révélatrice de notre incapacité à déceler des signaux faibles. Or ces signaux étaient perceptibles depuis des mois, épars et confus. Faute de capteurs organisés et d'outils de traitement de l'information, nous n'avons pas su les interpréter, les analyser et surtout les partager." L'auteur utilise le mot intelligence au sens d'Intelligence Service.
"Pour relever le défi de la mondialisation, il appartient aujourd'hui à l'Europe et en particulier à la France de se doter d'une réelle capacité publique à déceler les nouvelles menaces et à agir sur elles".
..."la crise actuelle plaide pour, entre autres choses, la création d'un centre d'évaluation intégrée et de décèlement précoce appliqué à la sécurité de l'Economie"...

En un mot l'énarque Copé, via son club, tire la leçon de la crise : il faut créer un observatoire voire d'une haute autorité.  De plus.

Il y a près de 400 observatoires de toutes natures rattachés au Premier Ministre et quelques centaines d'autres rattachés de ci de là. Le voudrait-il que la Premier Ministre n'aurait même pas physiquement le temps de les rencontrer tous une fois par an, sauf à cesser toute autre activité !  L'Ifrap avait fait campagne contre la prolifération de ces "machins" qui ponctionnent sérieusement les finances publiques pour un résultat pratiquement jamais évalué et font vivre une belle brochette de copains et d'affidés divers, heureux d'être quelque chose et de toucher à bon compte des honoraires parfois coquets, quand il ne s'agit pas purement et simplement de financer des structures politiques personnelles.

On dira : l'énarchie est indécrottable. Elle ne propose jamais que ce qu'elle maîtrise : des impôts et des dépenses superfétatoires justifiées par des lobbies. Cet exemple supplémentaire ne fait que confirmer une tendance lourde. Il n'y a rien d 'autre à faire d'utile que de refuser d'élire un énarque.

Sans doute.

Mais ce qui nous choque c'est l'affirmation que les causes de la crise furent à ce point sournoises et cachées qu'il faut de nouveaux instruments pour les apercevoir. A-t-on besoin d'un microscope pour voir l'énorme poutre que l'on a dans l'oeil ?

Coïncidence amusante, Robin dans le Figaro du jour raconte les difficultés de Trichet et de quelques autres à faire face à d'énormes bulles qui percent la surface à répétition un peu partout dans le monde à la suite des injections gargantuesques de monnaie effectuées depuis septembre 2008.

Les déséquilibres qui ont fini par faire exploser le monde de la finance n'étaient pas microscopiques : ils étaient énormes, colossaux, hymalayesques.

Leur énormité même explique que la crise était assez facile à prévoir.

Il suffisait de regarder et de se poser quelques questions simples. Pas besoin d'un bureau de renseignement économique organisé de façon militaire pour traquer de minuscules arroyos.  

Monsieur Copé est membre de droit du Bureau du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. Nous suggérons une première décision : ne pas créer un machin qui se révèlera ensuite impossible à évaluer. Comment évaluer les évaluateurs et observer les observateurs ? On crée deux autres "machins" ?

On n'attend pas des espoirs politiques qu'ils formulent des suggestions aussi inutiles et aussi caricaturales.

Vous avez mieux à faire, M. Copé, comme par exemple réfléchir à la réforme du système monétaire international et à la restructuration sévère du système bancaire et financier français.

C'est sur ces sujets là qu'on attend les conclusions de vos comités de réflexion.  Selon plusieurs estimations le montant de l'excès de dettes restant encore à purger se situe pas loin de deux mille milliards de dollars. Laissez donc le microscope dans son placard. Faites atterrir vos avions renifleurs. Et posez-vous la question : comment a-t-on pu en arriver là ? Vous verrez : ce n'est pas si difficile de trouver la solution à ce mystère qui n'en est pas un.

Supprimer la langue de bois, c'est bien.  Mettre au rencart la pensée de plomb, c'est mieux.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile

DSK : entre posture et imposture.

Nous sommes de ceux qui n'ont jamais compris l'auréole dont  les médias coiffent Dominique Strauss-Kahn. 

En dehors des aspects de personnalité  souvent cités (cupidité,  gourmandise, esprit de domination allant du péremptoire au méprisant sans beaucoup d'étapes) , le jugement qui s'applique aux mesures qu'il a prises ou aux propos qu'il a tenus doit presque toujours  être extrêmement négatif.  Et ce ne sont pas les éloges récents du Financial Times qui nous pousseront à  changer cette appréciation.

Promoteur de l'énorme erreur des 35 heures , il aggrave son cas en 1997 en ne voyant pas la reprise et aggrave les impôts déjà violement augmentés par  Alain Juppé, envoyant le taux des prélèvements obligatoires  dans la stratosphère et générant l'affaire de la cagnotte. Il prononce à cette occasion une contrevérité flagrante : la croissance diluera l'impôt et le taux de prélèvement  baissera. On sait, et on l'a encore vérifié dernièrement, que la loi d'airain de notre économie est que l'impôt est progressif en France et donc croit plus vite que le PIB en phase de croissance.  Lorsqu'un Ministre des Finances dit une pareille bêtise et fait de pareilles erreurs, où est son mérite ?

Pendant le premier quinquennat Chirac,  il ne fait rien pour rénover le PS  et, faute de présenter le moindre programme, se fait battre à plates coutures par  Ségolène Royal, dont les limites sont pourtant  bien établies.  A force de jouer une partition d'extrême gauche au sein du parti, tout en laissant entendre par ses goûts et fréquentations qu'il est du côté de l'argent,  il n'a jamais pu  convaincre les militants du PS, réduits à une analyse  schizophrénique de son image.

Tout cela pour choisir la collaboration avec Nicolas Sarkozy afin de toucher les énormes rémunérations défiscalisées  du poste de directeur du FMI. Là il se distingue par un comportement sexuel débridé qui passe mal.  Mais en fin politicien il sait ménager les pouvoirs réels qui dominent l'institution  et la crise économique qui remet les questions monétaires internationales au centre des réflexions du G.20  le remet en selle sans grands mérites.

En interne, il réorganise le FMI de la façon la plus facile : il vend l'or de l'institution pour financer les licenciements ! Pas trop difficile, comme gestion.

En externe il accompagne les pensées dominantes en cherchant à pousser le rôle du FMI.  Aucun diagnostic réel : de la complaisance aux puissants tout en caressant les pays émergents dans le sens du poil.

Sa récente interview dans un grand quotidien français est truffée d'erreurs. Il se présente comme ayant été parmi les premiers à alerter sur la crise. C'est totalement faux.  Nous l'avons écrit sur ce blog en temps réel à l'époque. Le FMI a eu un an de retard dans la compréhension de la crise et a produit des prévisions fausses pendant plusieurs trimestres.  On retrouve la propension à la contre vérité déjà montrée lors de sa gestion du Ministère des Finances du gouvernement  Jospin.

Jamais le FMI n'a fait la moindre analyse des causes de la crise, se contentant de la bouillie pour les chats qu'est  l'histoire de la crise immobilière qui se  transforme en crise  bancaire locale  puis en crise financière mondiale  puis en crise boursière puis en crise économique et désormais en crise sociale.

DSK se contente d'enchaîner les banalités :  il faut que les banques puissent re-prêter pour sortir de la crise ; il ne faut pas relâcher  les plans de relance tant que la crise n'est pas finie.
Bref l'eau mouille, le feu brûle,  etc. Ouvrez le rouge  parapluie, il pleut des vérités premières.

Tout son discours est désormais égotiste :
" - j'annonce le risque du pire pour être paré si la situation s'aggrave
"-  Je fais preuve d'optimisme en laissant entendre que les plans marchent et que la reprise est là, grâce à mon auguste vigilance.

Je suis donc bordé de tous côtés et n'ait qu'à attendre en laissant filer et en laissant courir. Pourquoi prendre le moindre risque intellectuel  ou politique ? ".

On croyait que les prêts douteux, c'était les subprimes : et voilà que Dubaï tombe en faillite menaçant à nouveau toute la planète bancaire.  Il avait prévenu, M. DSK ? Rien du tout !  N'ayant jamais voulu comprendre que la crise est due à un gonflement global inouï et insupportable des encours de prêts  et pas seulement du développement des crédits subprimes, comment voulez-vous qu'il imagine que la crise puisse affecter tous les gros emprunteurs  ?  Nous l'avons déjà écrit ici : la notion de" prêts toxiques" est vide de sens.  Ce qui est toxique ce n'est pas la nature des prêts mais leur ampleur et l'impossibilité globale de tout  rembourser.

Que vaut l'idée consensuelle mais totalement creuse qu'il suffirait d'une assurance pour que le secteur financier soit considéré comme sain ?  Rien naturellement.  Que sont donc les CDS sinon des assurances sur le crédit ?  On en a émis des millions de milliards. Et quand il a fallu payer les pots cassés l'assureur en est mort. Il a fallu d'urgence aller chercher les Etats et plonger les mains dans les poches profondes des contribuables.  La seule assurance contre la prise de risque excessive par une banque  c'est la certitude  qu'elle fera faillite si elle se trompe.  le meilleur gendarme de la banque c'est le risque de la faillite (avec mise en cause pénale de ses dirigeants : la capitaine doit sombrer avec son navire, chacun sait cela !).

Mais pour cela il faut que les banques ne soient pas trop grosses pour éviter les risques "systémiques" et les effets de dominos incontrôlables.

Monsieur DSK est donc en faveur de la diminution des tailles de banques et leur spécialisation ?  Pas du tout. Vive les mastodontes et la confusion des activités.  Mélangeons allégrement assurance et crédit, placement et prêt, dépôts et spéculation pour le compte propre de la banque.

Il suffit que chaque activité soit saine car bien régulée pour que le global soit sain et sans danger affirme DSK.   Est-ce sérieux quand on sait les conflits d'intérêts et les possibilités d'interférences qu'offrent ces conglomérats incontrôlables ?
Mais les changes flottants n'entraînent-ils pas l'ensemble des banques dans une économie casino par nature instable et totalement orientée vers les gains spéculatifs à court terme et à la complexité des contrats ?  Pas du tout.  Il suffirait que la Chine laisse flotter le Yuan pour que tout aille le mieux possible dans le meilleur des mondes.  Vive le flottement généralisé !

"DSK" est un marchand d'illusions. Mais surtout un Narcisse qui ne voit guère au delà de son intérêt propre et ne souhaite pas prendre à sa charge les lourdes querelles  qui seules permettraient d'envisager les vraies solutions :  la restructuration complète des secteurs financiers en distinguant bien les activités, la responsabilisation des Etats dans un système de changes fixes et ajustables, sans monnaie nationale dominante et de nation disposant  de droit de veto ;  la prohibition de certains types de spéculation. .

Tommaso Padoa-Schioppa, ancien Ministre des finances du Gouvernement Prodi, le DSK italien, est autrement plus convaincant.  Dans son livre "Contre la courte vue,  entretiens sur le grand Krach , il écrit  à propos de l'introduction des changes flottants en 1971 : Ce virage " a privatisé les changes et a nationalisé les monnaies".   Il faut revenir sur ce choix malsain. On ne saurait mieux dire.  Ce nouveau système ne marche pas.  Il n'a jamais marché. Il ne marchera jamais.

A-t-on jamais vu M. Strauss- Kahn  prendre ainsi le risque d'une idée forte et dérangeante afin de viser un résultat bénéfique pour l'ensemble de la collectivité ?  Faites vous-même le test  en demandant autour de vous de citer une idée forte, une initiative personnelle, une décision courageuse et utile prises par DSK au cours de sa carrière !  Vous serez sidéré : personne n'est capable d'en citer une seule.

DSK ne pèse sur rien. C'est un bouchon qui essaie de flotter le plus haut possible en s'appuyant sur n'importe quelle vague,  en enveloppant dans le baratin distancié  et la morgue pateline des positions exclusivement tactiques visant à des objectifs rigoureusement personnels. Aucun intérêt.

On dira : oui d'accord, mais pourquoi s'attaquer particulièrement à DSK alors que les médias ont  tressé une couronne de "meilleur ministre des finances du Monde" à Mme Lagarde qui a constamment été dépassée par les évènements . Et on se souvient que les sondages avaient fait de M. Mitterrand le meilleur économiste de France !

Mieux vaut rire de la comédie humaine et médiatique, dira-t-on avec le cynisme enjoué de ceux à qui on ne l'a fait pas.
 Mais c'est comme cela que le programme commun de la gauche a assommé la France et l'a fait entrer dans la sous croissance, le sous investissement, le sous emploi permanent, la dette à jamais, les dépenses publiques incontrôlables.  La France ne s'en ait jamais remise.

Mais c'est comme cela que la reprise mondiale de 1997-2000 a été perdue pour la France, aucun des problèmes de fond n'ayant été pris à bras le corps et  les 35 heures ont bloqué l'économie.
Mais c'est comme cela que les institutions qui devraient être en pointe pour l'avertissement, le diagnostic, l'élaboration des vraies  solutions,  sont  silencieuses et en fait quasiment inutiles.

Il aurait mieux valu mettre à la tête du FMI une personnalité ayant développé une pensée, sachant discerner les vraies solutions et capable de les imposer aux Etats.

On a préféré, pour la troisième fois de rang,  choisir une politicien en transit et surtout  soucieux de durer sans faire de vagues.  
C'est à cela qu'on voit qu'une institution est malade.  Le FMI est gravement malade.

Deux chiffres clé

chart gold

- L'once d'or a atteint 1180 dollars  lors des cotations d'hier (24 novembre 2009). Depuis que le dollar flotte (1971), il a perdu 97% de sa valeur exprimée en or.  On parle de "changes flottants" ; on devrait parler de changes fondants !

Question : est-ce qu'un système monétaire international qui suppose la dévaluation continue et massive de sa monnaie pivot est un bon système ?

Question subsidiaire : avez-vous entendu qui que ce soit demander un abandon du sysème des changes flottants qui depuis le début ne marche pas ?

- Le Baltic dry index s'est violemment redressé après des mois de stagnation. L'écart impossible entre le SP500  et le BDI ne pouvait perdurer. L'intéressant est que le SP500 a simplement stagné et que le BDI lui a grimpé pour le rejoindre.

Cela signifie qu'il y a une reprise du commerce international. Mais ce n'est plus le commerce international qui tire la croissance globale mais les politiques d'hyper relance de chaque état et la spéculation sur les ressources essentielles.  Les liquidités délivrées en abandance ont commencé par s'investir en bourse puis désormais sur les matières premières.  Mais il y a dans ces mouvements à nouveau comme début 2008 une fuite devant les monnaies et particulièrement le dollar.

Dans cette reprise les aspects monétaires sont déterminants. 

C'est une reprise fragile et menacée par l'instabilité générale du système.

L'économie mondiale tourne toujours à une fraction de ses capacités, ce qui imposera de nouvelles faillites et de nouveaux licenciemments.

L'impatience des peuples peut générer à tout moment des désordres qui aggraveront les choses. Et un accident sur le front de la finance ou des monnaies peut toujours survenir.

La sortie de crise ressemble plutôt à celle de 2003, mais sans réserve de manoeuvre.  Une collection de bulles au milieu de la crainte générale ne fait pas une reprise solide.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.

 

 

 



Les belles histoires de George Pauget (président de la FBF) sur Europe 1

L'interview de George Pauget sur Europe 1, haut dirigeant du Crédit agricole et président de la Fédération bancaire française,  ce jour, 6 novembre 2009, est l'exemple frappant des conséquences d'un mauvais diagnostic de la crise sur le dialogue entre journalistes et banquiers. Et sur la désinformation du grand public qui en résulte.

On sait que la banque est en France complètement cartellisée depuis Pétain.  L'Association professionnelle des banques était l'organisme chargé de piloter le faisceau de l'organisation oligopolistique bancaire française sous la tutelle bienveillante de l'Etat Français. Il manquait les mutuelles : on a donc créé la Fédération bancaire française qui regroupe tout le monde. Ces organisations, en totale consanguinité de ses  dirigeants avec l'Etat (on l'a encore vu avec les dernières nominations à la tête du groupe Caisse d'épargne-banque populaire), tiennent l'Etat et le législateur dans une main de fer obtenant après tout ce qu'elles veulent.

Lors de la crise récente, elles n'eurent aucune difficulté à se faire cautionner et subventionner à des hauteurs vertigineuses (plusieurs centaines de milliards d'euros), alors que l'ensemble du secteur bancaire était de facto en faillite.

Les réponses de George Pauget illustrent parfaitement comment un tel mastodonte est capable de traverser les pires crises sans se considérer le moins du monde responsable et en renforçant ses prérogatives.

La crise ? Les banques américaines ! Les banques françaises furent d'une sagesse exemplaire et d'ailleurs si elles sont revenues si vite à de bons résultats c'est qu'elles étaient très sainement gérées...

Qu'ont fait les banques américaines ? Elles ont pris des risques sur les marchés très rentables. Les banques françaises ne sont pas comme celà. Les activités de marché  ne représentent que 8% de l'activité du Crédit Agricole et entre 10 et 20% des autres.  Car les banques sont désormais d'énormes mécannos avec des divisions multiples et différenciées. La gangrène ne pouvait toucher qu'une part minime de l'activité bancaire.

Avons-nous des responsabilités dans les prêts à risque aux collectivités locales ? Pas du tout. Les directeurs financiers des collectivités locales étaient des spécialistes. Nous n'étions que des intermédiaires vers les solutions qu'ils ont choisies et qu'ils pensaient les meilleures pour leurs mandants.  Le casino ne force personne à jouer et à perdre !

Si la question lui avait été posée de la gestion de fortune catastrophique pour la clientèle (à qui on a fourgué du Madoff et du subprimes sans aucun scrupule, et à qui on a fait avaler dans les comptes sous mandat des masses d'actions du secteur bancaire juste avant leur effondrement) il aurait sans doute rétorqué que les clients étaient rois et que c'est eux qui voulaient de la performance !  Même pour les comptes sous mandat !

En revanche sur le changement de rémunérations des traders, M .Pauget se lâche : bien sûr il fallait  faire  une réforme; d'ailleurs nous l'avons fait les premiers ;  cela ne changera pas tout, mais comme c'est bien !  On se rappelle que l'autre grand acteur du changement de statut des rémunérations des traders était Baudoin Prot, président de l'AFB. AFB et FBF, main dans la main, crient au charron sur les traders et chantent leur merveilleux courage de mettre fin à des situations qu'ils considéraient avant la crise comme "de chantage" vis à vis d'eux.

On voit tout l'inconvénient d'avoir donné une explication "comportementale" à la crise d'une extrême gravité que nous subissons.  Si la crise est comportementale il suffit de dénoncer les moutons noirs (les banques américaines)  et de mettre des muselières  aux boucs émissaires (les traders).  Et Hop ! Passez muscade !

Ce que M. Pauget ne dit pas, c'est l'énorme gonflement des crédits y compris en France, qui fait que le secteur bancaire gère désormais des encours de crédits qui représentent près de trois fois le PIB !  Ce M. Pauget ne dit pas, ce sont les énormes profits de monopole permis par la constitution d'institutions monumentales de banque-assurance incrustées dans l'Etat,  ce qui permet au prix de conflits d'intérêts majestueux, d'extraire de la clientèle des gains astronomiques. Ce que M. Pauget ne dit pas, c'est quasiment la refrancisation presque complète du secteur financier, les organismes étrangers étant ramenés à des activités marginales.

En un mot le secteur oligopolistique franco-français des banques a réussi à se constituer en énorme cancer dans la société française, bloquant l'activité des banques étrangères et donc la concurrence, utilisant toutes les facettes de métiers accolés dans d'immense cartels horizontaux et verticaux,  et servant exclusivement les intérêts de ses directions générales, qui concentrent des parts extravagantes de la création de richesses en France.

Dès qu'il y a un problème : vite l'Etat ! Jamais on n'a vu de façon plus cynique la privatisation des profits et la collectivisation des pertes.  Jamais une crise n'a été autant exploitée pour renforcer les défauts pourtant patents du système.  En se jetant sur l'os misérable qu'est la réforme de la rémunération des traders, qui redonne du poids aux directions des banques contre leurs professionnels de haut rang, les banques font coup double : elles évitent toute réforme de fond ; elles se donnent le beau rôle.


L'ennui, c'est que la crise n'est pas comportementale. Elle est structurelle. Le gonflement de la masse des dettes à des niveaux insoutenables par rapport au PIB  explique à la fois :

* la perte de rentabilité marginale des nouveaux crédits puis l'effondrement des valeurs de portefeuilles de dettes

* la violence de la perte de liquidité du marché interbancaire

* l'importance disproportionnée des gains bancaires et donc  des rémunérations du secteur (contrairement à ce qu'affirme George Pauget, ces gains ne sont pas liés à la prise de risque mais au gonglement exorbitant des activités bancaires avec le financement d'une dette d'Etat qui croit de façon exagérée au seul profit des banquiers, et à l'excès de crédit dans des domaines comme l'immobilier et le crédit à la consommation qui peuvent faire prélever aux banques une part excessive du PIB au détriment des autres activités).  

Rappelons tout de même que malgré les progrès de la productivité dans la banque de paiement grâce à une informatisation forcenée et au renvoi sur le client de la majorité des actes,  le secteur bancaire français a augmenté ses effectifs de 11% en 2007  et de 8% en  2008.

La vérité est qu'il faut dégonfler massivement la taille du secteur bancaire, le spécialiser et le décartelliser. Il y a eu trop d'émission de dettes en France, comme dans le reste du monde.  La singularité de la situation française est que ce gonflement excessif  a provoqué la faillite du système bancaire mais que le transfert des actifs excédentaires  vers l'Etat et la BCE lui a permis non seulement de ne  sentir que le vent du boulet mais  aussi de ressortir plus monopolitistique et protégé que jamais.

L'interview de M. Pauget montre seulement l'impudence d'un secteur monopolistique privé entièrement cautionné par l'Etat et tenant l'Etat à sa pogne, l'absence de grille de lecture chez les interviewers, et les conséquences d'un faux diagnostic  sur les débats en France.

L'anomalie, c'est que les journalistes ne veulent absolument pas faire droit à des analyses précises et extrêmement rigoureuses dès lors qu'elles sortent du champ d'une explication officielle aussi controuvée qu'elle soit.


Platitude et serviture vont toujours de paire.


Sylvain Dieudponné pour le Cercle des économistes E-toile.

L’évidence s’impose : le G.20 n’a pas fait les réformes nécessaires

En économie les faits sont têtus et ceux qui les ignorent sont systématiquement rattrapés par leurs erreurs d’interprétation et de politique.

Le Cercle des Economistes E-toile, après avoir parfaitement prévu et la date de la crise et son intensité,  a développé dès la faillite de Lehman-Brothers  une explication détaillée de la crise et en a tiré un plan d’action précis.  Le G.20 ne l’a pas fait et s’est perdu dans la pusillanimité. Cela commence à se voir.

Résumons notre diagnostic et notre thérapeutique pour ceux qui découvriraient ce site maintenant et qui ne souhaiteraient pas parcourir les dizaines d’articles que nous avons publiés sur ces deux thèmes.

La crise est due au développement de deux institutions désastreuses :

1-    Le système de changes flottants mis en place lors de la rupture du lien entre or et dollar, système de fait qui n’est cautionné par aucune analyse économique généralement admise,  est la source de tous les maux. Par le mécanisme fondamental de « la double pyramide de crédits », il a provoqué une hausse continue du taux d’endettement global des économies,  en même temps qu’il a offert l’occasion de gains spéculatifs gigantesques et sans intérêt collectif.  Le système a conduit à un empilage de dettes aboutissant à des niveaux d’endettement rendant impossible le remboursement et le versement des intérêts, et   dont une grande partie ne finançait que des anticipations à la hausse sur les divers marchés et rendait l’édifice d’une grande fragilité.

2-    La concentration du système bancaire et la fusion avec le monde de l’assurance  aggravent encore les choses. Les ensembles monstrueux  de la banque-assurance ne peuvent plus être mis en faillite. Les opérations croisées rendent les marchés illisibles. Les conflits d’intérêt deviennent systématiques.  La captation de richesses par les états-majors des banques a abouti à des résultats socialement inacceptables.  La course à la taille mondiale des nouveaux monstres a mis  en danger les systèmes nationaux de contrôle de la stabilité financière et les liens avec l’assurance ont  court-circuité les schémas prudentiels classiques permettant de tourner toutes les lois de renforcement de la sécurité des banques.

Ce système diabolique  après avoir provoqué la crise de 1974, puis celle du début des années 80, puis celles de 92-93, puis celles dites à tort « des pays émergents » puis celles dite à tort des « NTIC », chaque fois aggravées par des inondations monétaires plus importantes, un accroissement de la dette globale mondiale, des déséquilibres de balances de paiement,  a fini par explosé en septembre 2008, comme nous l’avions précisément annoncé.

Dans cette optique  le cas particulier des subprimes, la complexité  des produits dérivés,  le délire des agences de notation, les règles  comptables n’ont eu qu’un caractère anecdotique.  Nous avions prévenu que les autorités se concentreraient sur ces aspects mineurs et laisseraient l’essentiel dans l’ombre.  C’est exactement ce qui s’est passé.

Nous proposions des mesures  radicales pour faire face à la crise :

* Restructuration immédiate de la finance.

- Actant la faillite des banques et du système bancaire dans son ensemble,  il fallait nationaliser le secteur afin de le restructurer.
- Les secteurs assurance et banque auraient été structurellement disjoints
- Un système de banques de paiement aurait été mis en place et mis sur le marché par enchères publiques.
- Les mondes du placement, du crédit, de la gestion de fortunes, de l’intermédiation financière, auraient été isolés les uns des autres et régulés par des instances ad hoc.  Les morceaux auraient été mis sur le marché après nettoyage.
- Le produit des ventes auraient servi à payer éventuellement les actionnaires  des institutions financières nationalisées.

* Réorganisation immédiate du système monétaire international

- Restauration d’un système de changes fixes mais ajustables dont les Etats seraient responsables sous l’œil d’un FMI totalement rénové, sur la base de l’égalité absolue des droits et des devoirs des membres (fin du veto des Etats unis, fin du rôle du dollar, fin de l’acceptation de déficits  ou d’excédents massifs perpétuels).
- Mise en place d’un système de réserves internationales gérées par le FMI basé sur le « Mondio » et non pas le dollar.
- Dévaluation du dollar et réévaluation du Yuan par rapport à l’Euro.
- Interdiction des techniques de « short » sur les monnaies.
- Suppression de la cotation en continu.
- Réorganisation des bourses de matières premières (pétrole etc.) pour un système de cote en Mondio.

* Lancement immédiat d’un grand emprunt dans chaque grand pays
- Pour essorer toutes les liquidités tentées par la thésaurisation
- Pour financer  immédiatement des plans de relance

* Interdiction des stocks options sauf pour les start-up.
* Baisse concertée des taux d’intérêt pour refinancer la dette et faciliter l’investissement.
* Restructuration des crédits manifestement irrécouvrables

Au lieu de cela, le G.20 s’est réuni essentiellement pour tenter de démontrer qu’il y avait un consensus international. La seule mesure concrète a été la lutte contre les « paradis fiscaux » et l’autorisation pour le FMI de multiplier les DTS.  Tout le reste est resté du domaine du verbal.

Les autorités monétaires des Etats Unis et de l’Europe ont ouvert en grand les vannes de la création monétaire et fait fumer la planche à billets.
Les autorités budgétaires ont creusé les déficits.

Le bilan des banques centrales est désormais farci à des niveaux jamais vus d’actifs de qualité plus que douteuse, le cantonnement des dettes pourries ayant largement eu lieu en leur sein, ce qui est extrêmement discutable.

Les Etats sont désormais endettés à des niveaux jamais vu. On est entré dans un monde inconnu. L’histoire ne fournit pas de précédent sur lequel s’appuyer.

15 mois plus tard, il y a eu une seconde  bouffée de reprise qui vient relayer celle du printemps.   Des chiffres de hausse  significative du PIB ont été publiés en Chine, aux Etats Unis,  au Brésil.  Divers pays de la zone Euro ont vu également la décroissance s’arrêter et  une timide reprise s’installer.  Les plans de relance massifs ont bien eu  un effet là où ils ont été mis en œuvre.

Point noir, le commerce international est toujours à l’arrêt, les principales industries travaillent à un niveau situé entre 20 et 30% plus bas qu’à leur pointe d’activité de 2008, le chômage explose, les faillites se multiplient.  Des marchés entiers sont en grave souffrance.

Le monde de la finance allégé de ses  dettes les plus scabreuses, favorisé par des taux d’intérêt quasi nuls,  cautionné de toutes parts, a repris ses entrechats sur le même rythme qu’avant. Comment s’en étonner ? Aucune réforme n’ayant été faite, que voudrait-on qui se soit produit de différent ?

Paradoxalement l’activité de crédit aux entreprises est fortement pénalisée par les taux bas et la récession.  Les banques ont besoin d’un bon différentiel entre le coût de leurs ressources et leurs recettes. Même si le taux de refinancement est bas, l’activité de crédit n’est pas très rentable et impose de forcer sur la taxation abusive des opérations liées à la gestion de compte. Les emprunteurs étant déstabilisés par la crise, ils deviennent suspects.   On prête donc moins. 


En revanche la spéculation pour compte propre devient très rentable puisque le joueur dispose d’argent quasiment gratuit.  Et l’intermédiation financière offre des gains d'autant plus faciles que les énormes banques sont incontournables. Les grandes banques se sont donc branchées sans vergogne sur la bulle des émissions obligataires des entreprises,  sur le placement des emprunts d’état,  sur les augmentations de capital  à prix bradé des actions et sur les courtages de la reprise boursière.  La spéculation a alimenté la spéculation.


Jamais les banques n’ont été moins utiles à l’économie des entreprises  et ont bénéficié autant des facilités de la spéculation.  La concentration bancaire s’est accentuée.  Les mastodontes sont encore plus gros et leur taille interdit qu’on les laisse tomber en  faillite. 

La masse globale de la dette s’est à peine réduite pesant de façon excessive sur les acteurs.

Quant aux monnaies, tout le monde s’inquiète. Le dollar est au plus bas et menace comme toujours depuis quelques années de s’effondrer.  La Chine ne cesse d’accumuler des excédents  liés à la sous évaluation du Yuan. L'or flambe.


En un mot l’économie mondiale est stabilisée à un niveau très inférieur à celui qu’elle  avait atteint. Le crédit utile aux entreprises est congelé. Le moteur du commerce international est grippé.  Tous les facteurs des déséquilibres préexistants sont là et persistent à produire leurs effets délétères à la grande interrogation de ceux qui ne les ont jamais dénoncés et qui maintenant nagent dans les contradictions lorsqu'il faut interpréter les faits.

La France bancaire, cartellisée soigneusement depuis Pétain et vivant en consanguinité totale avec la haute administration,  chante les louanges du modèle  oligopolistique de la banque-assurance omnipotente. 

Le Crédit agricole ne pense plus qu’à une chose : sécuriser son accès aux dépôts en croquant la Société générale et créer des liens fusionnels avec  le petit monde de l’assurance mutualisée.

Bientôt les cinq grands réseaux  se partageront la quasi totalité des dépôts, des placements, des crédits et des opérations d’intermédiation. Le Crédit Agricole (sans la Société Générale) se vante de gérer les comptes de 20 millions de personnes, le tiers de la population française en comptant les bébés ! Et de s'extasier au lieu de s'inquiéter !

Nous sommes déjà parmi les pays d’Europe où les frais bancaires sont les plus élevés.  Cela ne va pas s’arranger.  Comme au temps des grands financiers du passé, les Fugger, les Médicis, les Law,  on n’est pas loin d’avoir affermé l’impôt à  quelques grandes banques.  Les intérêts de la dette d’Etat consomment désormais plus que le rendement de l’impôt sur le revenu. 

Certes les banques françaises ne sont pas les seuls prêteurs du trésor.  Mais leur part est prépondérante.  Une poignée de ce qu’il faut bien appeler des larrons  voient leurs rémunérations gargantuesques  directement branchées sur la collecte fiscale.  Pour des mérites d’apparatchiks, pas pour ceux de grands capitaines d’industrie.
Et on n’a pas encore lancé le Grand Emprunt Juppé-Rocard !


Pendant ce temps là l’Europe démantèle ING qui se voit obligé de vendre ses assurances. Comprenne qui pourra !

Avec retard et dans la foulée des journaux anglo-saxons, le Monde du vendredi 30 octobre s’interroge : spéculation financière, comment contrôler les banques ?   Le bandeau barre sur quatre colonnes la première page.  En page 13 sur cinq colonnes cette fois ci la question est posée autrement : faut-il interdire aux banques de spéculer ? 

Quinze mois après  la faillite de Lehman-Brothers on en vient enfin à poser les questions que nous posons depuis cette date.  Lire enfin  dans la presse quotidienne nationale que  « les institutions attrape-tout sont souvent l’objet de conflits d’intérêt » est des plus réconfortants même si le style laisse à désirer.  Les banques polyvalentes  sont TOUJOURS  en tentation de profiter d’une situation qui les fait juge et partie tout au long de la chaîne financière.  Plus le Moloch est gros plus les conflits d’intérêts deviennent choquants et plus le risque global pour la nation s’accroit.  Et plus les sur-rémunérations des dirigeants sont scandaleuses et contiennent d’argent finalement capté et non pas gagné.  Nous aussi  nous avons nos oligarques !

Le même exemplaire du Journal intervient pour signaler via une tribune de Nouriel Roubini  qu’il faut réduire les déséquilibres macroéconomiques.  Eh oui ! Mais pourquoi ne pas avoir lancé l’affaire dès juin 2008 ?  Le seul problème est que l’auteur ne remet pas en cause le moteur essentiel des déséquilibres : les changes flottants.  Il faut supprimer les effets mais ne pas s’attaquer aux causes !  Du coup l’article perd de sa force. 

Un peu plus loin Nicolas Baverez évoque l’impasse des politiques de sorties de crise.  Il pointe très justement les défauts que nous cessons de commenter depuis des lustres.

*Les politiques économiques ne sont pas coordonnées. C’est vrai ! Mais le seul moyen de les coordonner c’est de leur imposer la défense d’un taux de change internationalement agréé.  Il faut donc nécessairement et préalablement réformer le système monétaire international. 

*Le modèle économique des banques n’a pas été modifié. Encore vrai. Mais il faut avoir un schéma de restructuration. Il manque. Nous, nous  l’avons inlassablement exploré. 

*Le refus du G.20 de se saisir du système monétaire ? C’est notre dada depuis que le G.20 existe.  Mais Baverez, s’il constate les anomalies,  ne propose rien.

On peut se satisfaire de voir que les analyses que nous avons faites à chaud  deviennent les banalités du jour.  Il était absurde de ne pas réformer immédiatement  le système des changes et le secteur de la finance. Les faits sont là et la réalité s’impose.  Mais quel désarroi dès qu’on veut passer à la recherche de solutions.  On en reste aux vœux pieux sur les résultats attendus et les méfaits à éliminer.

Les mots-clé arrachent la bouche et ne sont pas prononcés.

Oui il faut démanteler les molochs de la banque assurance, sans avoir peur d’affaiblir le secteur financier. Mieux vaut des roseaux  nombreux  que des chênes rares et énormes,  en matière de finance.    Oui il faut revenir aux changes fixes dans un système régulé par un FMI où il n’y aurait que des égaux et  pas de veto.


Ces mots ne sont pas prononcés. On tourne autour dans le non dit.  Quinze mois après le déclenchement de la grande faillite bancaire universelle,   l’évidence qu’on a tourné le dos aux vraies solutions commence à s’imposer. Mais on ne fera rien  pour aller vers des solutions concrètes.

Que de temps perdu ! Que d’argent perdu ! Que d’emplois perdus ! Que de souffrances évitables !

Nous sommes toujours à la merci d’un rebondissement  catastrophique qui nous laisserait sans solution.  Et personne ne sait comment sortir de l’impasse du surdendettement d’Etat ni comment dégonfler les bilans  des banques centrales de leurs actifs dits non conventionnels (en fait : anormaux).

Peut-être que dans quinze mois…

Didier Dufau pour le Cercle des économistes  E-toile

Un débat stérile ce matin sur France Inter

Débat révélateur mais stérile sur France Inter, ce matin,  avec deux économistes, Christian  de Boissieu et Charles Wyplosz qui n’avaient ni l’un ni l’autre prévu la crise et qui naturellement  sont restés les « experts »  sollicités par les médias au moment de l’expliquer.

Il est difficile de critiquer M. de Boissieu : il ne dit jamais rien d’autre que les banalités consensuelles du moment et ne porte jamais  les raisonnements à leur conclusion logique.  Aujourd’hui il nous indique que la finance est moins « bordée »  par la réglementation prudentielle qu’elle ne devrait l’être,  ce qui l’a surpris. Mais qu’il ne croit pas à la spécialisation des banques et au découpage de l’activité financière en tranches car les frontières sont selon lui artificielles.  Conclusion : rien, sinon le ronron  habituel sur l’encadrement des bonus , la suppression du secret bancaire et le contrôle des produits toxiques (non définis).

M.  Wyplosz a déjà fait sur ce site l’objet d’une analyse critique (Réfutation de l’article de M. Charles Wyplosz http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2008/10/12/Rfutation-de-larticle--de-M-Charles-Wyplosz). Il reprend son thème favori :  les banques ont trop de pouvoir , jouent totalement anormalement avec les dépôts des déposants et doivent être mises au pas politiquement , alors que c’est l’inverse qui se produit partout. Les profits bancaires naissent d’opérations rentables pour les banques et sans intérêt social.  Mais le système des changes flottants est parfait et les déficits de balances de paiements n’ont pas d’importance.   On se demande alors comment les banques peuvent avoir les comportements anti sociaux et générer les gains immenses qui suscitent les bonus  gigantesques qui sont distribués.

L’un et l’autre se retrouvent sur des explications comportementales  de la crise.  Aucun des deux ne veut voir les aspects systémiques qui expliquent à la fois la prévisibilité des grandes récessions et  leur répétition.  Résultat : aucun réel diagnostic et aucune solution pratique.

Nous disons depuis le départ que la crise est une conséquence du système des changes flottants, qui ne marche pas et que les monnaies sont au cœur du problème.  L’avantage avec la réalité c’est qu’elle finit toujours par s’imposer. Paradoxe,  ces deux économistes ont été sollicités par France Inter parce que le tourbillon des monnaies s’accélère avec le risque d’un effondrement du dollar et d’une relance de la crise (risque  qui est latent depuis au moins deux ans et que nous dénonçons continument)  alors que ni l’un ni l’autre ne croient à une origine monétaire de la crise  ni  ne remettent en cause les changes flottants de façon explicite…

Rappelons que les comportements s’exercent dans un système global.  Une crise économique nait  rarement exclusivement  de facteurs comportementaux déviants.  Les actions des uns et des autres se comprennent dans le système qui les conditionne.   
Jacques Rueff le premier a démonté le mécanisme de double pyramide des crédits que le système de gold exchange standard puis de changes flottants a permis.  Les déficits gigantesques du pays dont l’économie (et la position politique) est dirigeante alimentent une pyramide de crédits et de création monétaire  internationale qui finit par faire écrouler l’édifice.   Il a démontré l’application du mécanisme en 1929, puis en 1971 lorsque le dollar est détaché de l’or.  Il est très facile de voir le réarmement successif de  l’empilage de dettes  qui va expliquer la crise de 1993 puis celle de 2001 puis la crise actuelle.  

D’autres économistes comme Maurice Allais ont confirmé le raisonnement et l’application aux faits.  C’est le gonflement d’une énorme dette globale qui explique les revenus bancaires excessifs et les  bonus extravagants (ils en sont les servants) ;  ce sont les changes flottants qui donnent l’occasion de gains spéculatifs  constants dans une économie-casino pilotée par les salles de marché ; ce sont les aléas de l’économie casino qui expliquent  le développement de produits complexes.

On n’a rien fait pour remettre en cause ces mécanismes. Ils s’exercent à nouveau depuis que les Etats ont pris à leur charge les pertes bancaires  tout en s’agitant  leurs petits poings nerveux sur des questions secondaires.

Il faut bien le dire : interroger  C. de Boissieu et C. Wyplosz, et d’une façon générale tous les économistes qui n’ont rien vu venir,  n’a strictement aucun intérêt.  Ils ne peuvent que déblatérer des propos contradictoires qui ne mènent à rien.  D’accord les medias ne sont pas aidés par les économistes officiels. Mais ils ne sont tout de même pas obligés de toujours se contenter  du son des mêmes cloches, venant des mêmes clochers.


Sylvain Dieudonné pour le cercle des économistes E-toile

Martin Wolf, John Kay et le concept de « banques étroites »

Nous, au cercle des économistes e-toile, on aime bien Martin Wolf depuis sa conversion. Il permet désormais de faire entendre au monde anglo-saxon des idées qui pendant longtemps ont été estampillées « continentales »  et régressives dans les milieux financiers alignés sur Wall Street.


« Qui peut croire que le système financier qui émerge de la crise soit plus sûr que celui qui s'y est précipité ? Peu de gens, assurément. Dès lors, comment peut-on remédier à cette situation désastreuse ? Ce qui a entraîné le monde dans la crise, c'est, nous le savons maintenant, un secteur financier mal géré, irresponsable, fortement concentré et sous-capitalisé, miné par les conflits d'intérêts et bénéficiant de garanties publiques implicites. Ce qui en émerge est un secteur financier un peu mieux capitalisé, mais encore plus concentré et bénéficiant de garanties publiques explicites. Ce n'est pas un progrès : cela signifie que nous connaîtrons dans les années à venir de nouvelles crises, plus nombreuses et plus graves. »

Rien à dire sur ce développement impeccable. Nous l’avons traité dans au moins dix articles.


Il va alors chercher un rapport de John Kay, économiste et professeur à la London School of Economics,  qui propose dans un texte publié le 15 septembre par le Centre for the Study of Financial Innovation (CSFI), un centre de recherche privé basé à Londres, la création de  banques plus petites, les « narrow banks » (qui n’auraient donc plus d’importance systémique et ne seraient plus too big to fail)) disjointes des banques de dépôts  rendues, elles,  absolument sûres non pas par la garantie publique mais par la solidité de leurs actifs.

« M. Kay pense qu'il faut scinder le système bancaire en deux parties : un "service public" et un "casino". La grande idée est que les dépôts garantis devraient être adossés à des "actifs liquides absolument sûrs" - ce qu'on appelle le coefficient de réserve à 100 %, d'ailleurs envisagé par les économistes de l'école autrichienne. »


Il faut savoir que les économistes de l’école autrichienne avaient été traumatisés par l’hyperinflation du début des années 20 et avaient réfléchi à la faillite du kredit Anstalt, le Lehman-brothers de leur époque.  Depuis la création monétaire débridée n’avait plus la cote avec eux.  Le keynésianisme a ensuite emporté tout et enfoui leur contribution.

Nous avons développé dans notre article  sur « la notion de banque de paiement » une vue proche mais un peu plus radicale que celle de Kay. Dans la pratique le résultat est (presque) le même.  Les dépôts restent des prêts aux banques dans le système Kay mais ils ne peuvent être employés qu’à des ressources 100% sûres. Il n’y a plus de risque sur les dépôts et donc de possibilité de paniques.  Nous préférons notre solution car la notion d’actif 100% sûr est une vue de l’esprit.  

Comme pour notre solution celle de Kay se heurte à une difficulté de mise en œuvre : on s’écarte tellement des schémas existants que la radicalité de la solution fait peur. « La première objection que l'on pourrait lui opposer est que sa suggestion provoquerait un profond bouleversement du monde de la finance » écrit martin Wolf, tout en ajoutant avec courage que cet argument ne doit pas arrêter les autorités.


Et comme pour notre solution la principale difficulté est de déterminer si on ne repousse pas le problème un peu plus loin. Un ensemble de petits casinos est-il moins risqué qu’un petit nombre de très grands casinos ? La réponse étant évidemment non, on aboutit à la même règle inévitable : les ressources des banques doivent être de même longueurs que leurs prêts.  On retrouve toutes les propositions de Maurice Allais qui malheureusement n’est pas cité (une vieille habitude des économistes de sa Gracieuse Majesté). 

Comme nous Kay aboutit à la conclusion que : « des entités de trading existeraient, mais elles devraient se financer en ressources propres ». L’anomalie monstrueuse actuelle qui permet à des banques « universelles » de spéculer à court terme avec l’argent des déposants serait supprimée.  Ces spéculations doivent se faire sur fond propre, qui peut le nier ?  L’affaire Kerviel et les spéculations ratées des caisses d’Epargne ont tout de même été assez démonstratives !

Et comme nous Kay aboutit au constat qu’il faut interdire certaines pratiques ou l’encadrer fortement. Le « shadow banking » a développé des méthodes dont il faut évidemment faire l’évaluation et pour certaines d’entre elles l’interdiction est à envisager. 

« Laurence Kotlikoff, de l'université de Boston, et Edward Leamer, de l'université de Californie à Los Angeles, comptent parmi ceux qui ont proposé de telles idées radicales ».  On est bien content. Cela prouve que même aux Etats unis ces idées cheminent.

Nous ne pouvons qu’être d’accord avec la conclusion de Martin Wolf :
« Le point primordial est que le stade où nous en sommes aujourd'hui est intolérable. Les concentrations actuelles de richesse et de pouvoir garantis par l'Etat doivent absolument disparaître. A présent, la thèse officielle est qu'une régulation plus stricte, notamment le relèvement des exigences en matière de capitaux propres, peut contenir ces dangers. Il est pourtant probable que cela échouera… On ne peut pas rejeter toute idée de réforme radicale. Celle-ci demeure latente. »

Evidemment cet article laisse dans l’ombre nombre de questions clé.  La plus importante est de savoir pourquoi le système permet l’existence d’activités bancaires de casino. Ceux de nos lecteurs fidèles savent la réponse que nous apportons : les changes flottants ont à la fois permis et rendu attractifs la spéculation à court terme de masse.  Cette activité commence dès 1975 et prend de l’ampleur avec les mesures de désectorisation du monde bancaire. Les dépôts sont alors mis à la disposition de la spéculation sur les monnaies et les taux d’intérêt. Les mouvements financiers prennent le pas sur les mouvements commerciaux.

On voit que les risques actuels d’effondrement du dollar remettent au premier plan la question monétaire qui est « latente » comme dirait M. Wolf depuis le début de la crise.

Nos thèses que certains auraient pu croire aventurées, bizarres, hors sujet, prennent leur vrai sens au fur et à mesure que la crise s’approfondit et qu’on s’aperçoit qu’en fait, à ce jour, on n’a pris aucune mesure sérieuse pour éviter que cela ne recommence sans trop savoir comment on va sortir des conséquences des mesures d’urgence pleines de facilité que l’on a prise. 

Le G.20 a constamment évacué la question monétaire et les politiques ont constamment évacué la question de la restructuration en profondeur  du secteur bancaire et financier.  Tout ce qui a été entrepris sur les normes comptables, les bonus, les agences de notations est cosmétique et sans grande importance.
Admettre que l’on s’est fourvoyé en groupe pendant près de quarante ans, c'est-à-dire depuis l’instauration des changes flottants et  du décloisonnement des banques, est une potion dure à avaler. 

Elle était belle l’idée de Milton Friedman d’un monde de liberté où des banques livrées à elles mêmes orientaient de façon optimale les ressources vers les endroits où on en avait le plus besoin, où les taux d’intérêt et les changes convergeaient harmonieusement, où la liberté du commerce s’accompagnait de la liberté totale des mouvements de capitaux.  Comme le socialisme, une autre belle idée,  « cela ne marche pas ».  En tout cas pas comme prévu.

Félicitons la presse anglaise qui n'hésite pas à publier des textes économiques en apparence hétérodoxes et la liberté de certains "columnists" qui n'hésitent pas à bruler ce qu'ils avaient adorés et stigmatisons la presse française qui les publie sans jamais faire eux même le même travail avec leurs ressources nationales. L'effacement économique français dans la sphère médiatique est grotesque et même infamant quand on pense à la qualité de la tradition française.

Didier Dufau pour le cercle des économistes E-toile.

Taxons ! Taxons encore ! Taxons toujours !

Nous voici donc avec la perspective d’une taxe nouvelle : la taxe sur les transactions financières. 

A voir Nicolas Sarkozy hier soir, il était content.  Il était content parce que la taxe carbone  s’était imposée en France  et que peut être on pourrait l’imposer aux frontières. Il était content parce que la taxe  sur les transactions financières  était désormais acquise à l’échelon international.  Il était content parce que les deux taxes  permettront de réduire l’endettement des Etats (voici donc la fameuse voie de sortie de l’endettement).   Il était aussi content parce que les indemnités des accidents du travail allaient être  supprimées.  Une mesure de simple justice a-t-il affirmé.  M. Nicolas Sarkozy nage dans le bonheur quand il nage dans les taxes.


Devons-nous partager ce bonheur ?


L’Etat français dépense plus que la valeur ajoutée des entreprises qui sont sous sa coupe. Prendrait-il toute la valeur ajoutée qu’il ne financerait toujours pas ses dépenses ! La crise financière et les moyens beaucoup trop couteux qui ont été mi en place pour y faire face ont aggravé  la situation dans des proportions  qui désormais semblent échapper à tout contrôle.


On nage dans les paradoxes.


On signale qu’il faut réduire le « mille feuilles » administratif qu’est la France avec ses étages multiples et redondants.  Et on ne cesse de multiplier les étages à l’extérieur de la France. Déjà par la voix de Lamy, entre autres, on réclame une hausse rapide et massive des ressources propres de l’Union européenne.  Avec Chirac on avait eu la taxe sur les voyages en avion. Maintenant voici la taxe  sur les mouvements financiers vers l’étranger.


Remarquons que cette taxe n’aurait eu exactement aucun effet sur les subprimes et leur commerce.  Ces opérations de titrisation n’ont donné lieu à aucuns allers et retours spéculatifs.  Les titres ont simplement été diffusés et  ils l’auraient été même avec une taxe sur les transactions financières de 0.05%.  


La taxe Tobin est une technique radicale pour pallier aux inconvénients d’un système monétaire de change flottant. Et comme le dit Nicolas Sarkozy lui-même le G.20 de Pittsburg ne s’est pas occupé de monnaie !  En même temps qu’on s’agitait contre les « boni », on a détourné une technique monétaire pour régler des problèmes de « morale » financière.  Ou alors on a rien compris.


Bientôt on nous expliquera qu’il faut une taxe sur les opérations financières intérieures.  Si la spéculation est mauvaise entre pays elle l’est sûrement tout autant au sein d’un même bloc monétaire !


Faute de réfléchir à une organisation correcte du monde monétaire international, on développe en toute bonne conscience des politiques entièrement malthusiennes  et qui portent atteinte aux libertés.


L’impôt sur les transactions financières pose un principe fiscal nouveau : vous n’êtes pas taxé sur votre revenu, ni sur votre capital, mais sur le déplacement de votre capital.


Les migrants qui renvoient de l’argent chez eux : taxé. Motif : a déplacé une partie de son patrimoine.  Les résidents français qui travaillent en Suisse et reçoivent leur salaire en France : taxés.  Rien que cela est une source d’inégalité devant l’impôt car ils paieront plus d’impôts sans que cette augmentation ait une cause réelle et sérieuse.  Le retraité qui a choisi de s’installer loin de sa zone monétaire va être taxé pour récupérer sa rente. Retaxé quand il va faire son chèque aux impôts ou s’il paie une pension à son ex, s’il est divorcé.  Retaxé s’il replace cet argent hors de son pays d’adoption. Retaxé quand, mort, son avoir sera rapatrié dans le pays de résidence de ses ayant- droits.  A quel titre ?  Selon quelle justification morale ? Pourquoi une telle différence avec quelqu’un qui serait resté peinard dans son pays de naissance ?  L’arbitraire est total. L’iniquité évidente.


Le tourisme va être taxé. L’ensemble du commerce international va être taxé.  Vous avez acheté à l’étranger : taxe. Vous êtes remboursés à la suite d’une erreur de livraison : retaxe.


On dira : c’est une toute petite taxe.  Ce qu’on cherche à pénaliser c’est la spéculation.  Oui, mais faute d’un vrai ciblage on taxe tout le monde, y compris les échanges de biens  et de services réels.


Et comment cibler la spéculation ? Comme nous l’avons déjà écrit ici, un entrepreneur qui anticipe l’évolution d’un marché  spécule.  Il va peut-être rechercher de l’argent sur un marché X pour investir dans un marché Y.  Deux taxes sur les transactions financières. Et s’il rapatrie son profit, encore une taxe.  Et s’il rembourse ses emprunts encore une taxe.  Et s’il place l’épargne qu’il a réussi à conserver dans un pays étranger encore une taxe. Et le rendement de son placement sera encore taxé quand il le rapatriera. Et si finalement, il dépense son épargne en achetant des produits qui ont transité  internationalement, encore une taxe.  Toutes ces taxes sont cumulatives.


Que veut-on ? Qu’il se contente de faire des transactions réelles et financières dans sa zone monétaire ?  C’est aller complètement à l’envers de l’histoire et des nécessités.


L’arbitrage entre places financières est certainement une tâche dont l’intérêt peut se discuter.  Mais pourquoi devrait-on interdire  qu’une différence de cours entre marchés soit gommée par une opération financière ?  L’or en dollar à New York est moins cher que l’or en Euro à Paris compte tenu du change en cours.  Pourquoi vous interdire d’acheter  là où c’est peu cher pour vendre là où c’est cher ? L’opération est-elle malsaine ? Assurer l’homogénéité des marchés est-il un crime ? C’est une spéculation mais elle est relativement sans danger.   Sauf peut être si le cours des devises est très fluctuant.  Mais qui a voulu un système de changes flottants ?


Ne serait-il pas plus sage de d’abord s’assurer que les devises ne flottent pas ? Car alors l’arbitrage devient pratiquement routinier et sans danger.  Et s’il est sans danger, pourquoi le taxer spécifiquement plus que toute autre transaction commerciale ?


Une fois que la taxe sera instituée, elle sera pérennisée. Plus question de revenir en arrière. Surtout si elle finance des bureaucraties internationales  et si on a fait des réformes qui rendent sans objet la taxe elle sera toujours maintenue.  C’est une règle qui ne souffre d’aucune exception.


Une fois qu’elle sera instituée, elle sera aggravée, car on n’a jamais vu une taxe qui ne soit pas régulièrement augmentée pour faire face à la rapacité des prédateurs publics.


Résumons-nous : partout on nous affirme que les subprimes sont la cause de la crise. Et en permanence on prend des mesures qui n’ont strictement rien à voir avec les subprimes !   Les hedge funds ? Pas dans le coup. Le bonus des traders des salles de marché ? Pas dans le coup des subprimes.   L’arbitrage international ? Rien à voir avec les subprimes.  Le secret bancaire ? Rien à voir avec les subprimes.  


Une taxe sur les transactions financières aurait elle eu un impact sur les subprimes ? Pas le moins du monde.


Nous voici donc dans une rafale de décisions qui n’ont exactement aucun rapport avec  ce qu’on nous dit être la cause de la crise.  Comprendra qui voudra !


Mais toutes ces mesures mettent en cause les libertés.  Et le principe d’une taxe sur le simple déplacement de son épargne est en lui-même totalement absurde.  Et le principe d’une taxation financière sur le déplacement de l’image financière d’une transaction réelle, qui est déjà taxée, est totalement abusif.


De Juncker avait expliqué il y a un an qu’il ne fallait pas que la crise serve uniquement à régler par la bande des réclamations qui n’ont strictement aucun rapport avec elle.  C’est exactement ce que l’on a fait !


Erreur de diagnostic, si celui qui est affiché est bien celui auquel on croit, car sinon ce serait simplement mensonge.  Mesures sans rapport avec le diagnostic.  Freinage et malthusianisme.  Dépenses  étatiques gargantuesques là où des mesures ad hoc auraient pu être infiniment moins couteuses.  Création monétaire quasiment illimitée dont on ne sait plus comment se débarrasser et qui menace à nouveau tout l’édifice.


Irresponsabilité générale : car les vraies causes, celles qui expliquent les déficits astronomiques américains et les excédents correspondant en Chine ou au Japon,  ne sont pas traitées.


Avec la taxe carbone aux frontières, si elle est admise, on entrera dans une phase nouvelle de restriction aux échanges et de protectionnisme.   Sans avoir touché le moins du monde au dumping monétaire du principal pollueur industriel, la Chine.


Tout le cela est simplement grotesque.  Surtout quand on sait que la réforme en temps voulu du tragique système monétaire international basé sur des changes flottants aurait suffi à prévenir la crise qui nous ruine et à éviter pratiquement toutes les mesures coercitives et anti économiques qui sont en train de se mettre en place.


L’étude de la crise de 1929 montre une espèce de folie générale où les erreurs se cumulent aux erreurs : pas de diagnostic, alors on tape au hasard  et on finit par aggraver tout.  Nous sommes exactement dans la même géhenne intellectuelle et politique.


On taxe ; on empêche ; on déstabilise ; on freine ; on appuie en même temps sur le frein et l’accélérateur ;  les décisions prises n’ont pas de cohérence ; le non dit l’emporte sur le discours public ; l’agitation l’emporte sur l’action ;  la communication l’emporte sur l’information.  On taxe.


Il n’y a pas besoin d’être intelligent pour taxer.  Il suffit d’un prétexte.

Et on reste à la merci d’un accident monétaire qui mettrait à bas tout l’édifice cette fois ci sans aucun moyen de relance !

 

 

Sylvain Dieudonné pour le Cercle des économistes E-toile

La crise financière de 33 avant JC

Nous ne résistons pas à l'envie de donner le texte de tacite racontant la crise financière de 33 avant JC.

Toute ressemblance avec la situation actuelle ne saurait être que fortuite. Mais tout de même.

 

"Cependant, un grand nombre d'accusateurs se déchaînèrent sur les gens qui accroissaient leur fortune par le prêt à intérêt, contrairement à une loi du dictateur César fixant les limites des créances et des propriétés en Italie, une loi qui, depuis longtemps, n'était plus respectée parce que l'on fait passer l'intérêt privé avant le bien public. L'usure fut de tout temps le fléau de cette ville, et une cause sans cesse renaissante de discordes et de séditions. Aussi, même dans des siècles où les mœurs étaient moins corrompues, on s'occupa de la combattre. D'abord, en effet, les Douze Tables avaient interdit d'exiger un intérêt supérieur à un douzième*, qui, auparavant, n'avait de bornes que la cupidité des riches ; puis, sur une proposition de loi déposée par les tribuns, on le réduisit à un demi-douzième ; finalement, les emprunts à intérêt furent interdits. De nombreux plébiscites tentèrent d'empêcher les infractions qui, tant de fois réprimées, se reproduisaient avec une merveilleuse adresse. Le préteur Gracchus, devant qui se faisaient les poursuites dont nous parlons ici, fut effrayé du grand nombre des accusés et consulta le sénat. Les sénateurs alarmés (car pas un ne se sentait irréprochable) demandèrent grâce au prince. Leur prière fut entendue, et dix-huit mois furent donnés à chacun pour régler ses affaires domestiques comme la loi l'exigeait.

"D'où pénurie de numéraire, du fait que toutes les créances furent mobilisées à la fois et parce que, en raison du grand nombre de condamnés et de la vente de leurs biens, l'argent monnayé était accumulé par le fisc ou le trésor public**. En outre, le sénat avait prescrit que chacun investît les deux tiers de l'argent, jusque-là placé à intérêt, en terres situées en Italie. Mais les créanciers réclamaient la totalité de ce qui leur était dû et il n'eût pas été honorable, de la part des débiteurs, de ne pas tenir leurs engagements. En vain ils courent, ils sollicitent ; le tribunal du préteur retentit bientôt de demandes. Les ventes et les achats, où l'on avait cru trouver un remède, augmentèrent le mal parce que les créanciers avaient employé tout leur argent à acheter des terres. L'abondance des biens à vendre ayant entraîné une baisse des prix, plus on était endetté plus on avait de mal à trouver acheteur et bien des gens voyaient leur fortune s'effondrer ; la ruine du patrimoine entraînait l'écroulement de la situation sociale et de la réputation, jusqu'au jour où Tibère mit à la disposition des banques une somme de cent millions de sesterces, avec la faculté de prêter sans intérêt pendant trois ans, si le débiteur fournissait à l'État en bien-fonds une caution du double. Ainsi le crédit se trouva rétabli et peu à peu il y eut même des particuliers pour prêter."
 
* Un douzième par mois, soit 100 % par an !
** Le produit de la vente des biens confisqués aux condamnés pour crime de lèse-majesté, principalement, était versé, après déduction de la récompense légale pour l'accusateur, soit au trésor particulier de l'empereur (fiscus), soit au trésor géré par le sénat (aerarium).
Tacite, Annales. Chapitre VI. XVI - XVII. Coll. Folio

Les vraies causes de la récession

 

L’économie doit être une science nourrie par l’observation. Elle doit dégager des mécanismes répétitifs et en expliquer les ressorts. Elle ne peut se contenter de commentaires à la va-comme-je-te-pousse nourris par des postures idéologiques ou la défense de positions médiatiques acquises. La réalité est en permanente transformation. Les institutions changent. La première tentation est de se contenter de regarder une période de temps trop courte : c’est la dictature du proche présent. La seconde est de considérer que ce qui existe est « naturel » et non modifiable. La myopie et la sacralisation de l’existant sont les deux mamelles de l’erreur économique.

Sur ces bases, un an après la chute de Lehman Brothers est-on en mesure de tirer des leçons économiques solides sur lesquelles baser les politiques structurelles et conjoncturelles à venir ?

Nous pensons que oui.

Le premier effort est de garder à l’esprit quelques lois fondamentales.

1. Première loi : le cycle des affaires de 8-10 ans existe. Il est observable depuis plus de 200 ans avec une régularité fascinante. Pour s’en tenir au demi siècle passé les récessions s’enchaînent en  73-74, 1981-1983, 1992-93, 2001-2002, 2008-2009.  Elles commencent toutes aux Etats-Unis et se diffusent dans le monde entier. Une crise sévère suit une crise molle et réciproquement.

2. Seconde loi : toutes les crises quasi décennales ont une source monétaire. Le cycle est toujours un cycle du crédit. Le système monétaire se dérègle progressivement et des accidents monétaires et financiers surviennent.  Les aspects internationaux sont toujours présents. Aucune crise de ce type n’est à proprement parler nationale.  Surendettement et dérèglement des circuits financiers internationaux sont toujours présents dans les récessions.

3. Troisième loi : aucune récession n’est strictement identique à la précédente. Elle surgit presque toujours là où on ne l’attend pas, car la mémoire de la crise précédente perdure. Le craquement initial est très souvent différent, même si les mécanismes sous-jacents sont identiques.

4. Quatrième loi : les mentalités et les institutions jouent un rôle central dans chaque crise. Elles viennent ou aggraver ou limiter l’impact de la crise. Détecter les mentalités dangereuses et  les déviations institutionnelles est un des devoir de l’économiste. L’idée que désormais, depuis Keynes on sait éviter les récessions et maîtriser les crises est un exemple de mentalité dangereuse. Elle abaisse la vigilance et conduit à des erreurs de politique. Le système de facto de changes flottants, jamais validé par la théorie économique, et jamais remis en cause, est le prototype d’institution malsaine à fort impact d’aggravation des crises.

5. Cinquième loi : la récession est toujours le produit du choc d’une erreur institutionnelle majeure (qui gonfle comme un ballon une situation malsaine) et du retournement naturel du cycle. Comme un dard ce dernier se télescope avec la bulle douteuse et la fait crever. La gravité de l’explosion est toujours la conséquence de la taille de la bulle malsaine.

6. Sixième loi : l’erreur institutionnelle est soit le fruit d’une innovation encore mal maitrisée, soit de mesures clairement anti économiques.

7. Septième loi : l’opinion impute toujours la crise à des grands événements politiques, ou à des aspects économiques faciles à comprendre. On parlera du choc pétrolier de 1974 consécutif à la guerre israélo arabe, on associera la crise de 92-93 à la guerre en Irak,  celle du début des années 80  en France à l’arrivée de la coalition socialo communiste, celle de 2000 à une « bulle internet » et celle de 2008 à la crise des « subprimes ».  Il ne faut pas confondre ces titres arbitraires et le fond des choses.

8. Huitième loi : la crise économique stimule la critique politique et la recherche de boucs émissaires faciles.  On parle d’excès qui doivent être condamnés. Chaque crise révèle d’ailleurs des faillites plus ou moins frauduleuses. La dénonciation de la fraude et les aspects moraux remplacent la réflexion économique. La récession stimule en vain les crispations idéologiques. Le brouillard ainsi créé interdit d’y voir clair.

Avec en tête ce vade-mecum de l’économiste observateur, il est relativement facile de comprendre ce qui s’est passé et il était également facile de l’anticiper.

1. Première observation : depuis l’instauration des changes flottants deux changements radicaux se sont installés.

Le premier est l’aggravation du mécanisme de la « double pyramide de crédit » institutionnel dans le gold exchange standard mis en place à Bretton Woods et amplifié avec les changes flottants. D’un côté on assiste au gonflement indéfini de la dette cumulée des Etats-unis dont la balance des paiements est constamment déficitaire. De l’autre et symétriquement on voit se gonfler des balances excédentaires considérables qui ne sont pas remises en jeu dans le pays créancier mais replacées aux Etats unis provoquant des effets cumulatifs.  Mesurer en or, le dollar va perdre à ce jeu depuis l’instauration du système 97% de sa valeur.  Les pays qui accumulent des dollars comme les pays pétroliers et les pays exportateurs (Japon, Allemagne, puis à partir de 90, Chine)  sont frappés régulièrement par la purge des dollars excédentaires.

Le second est l’ampleur prise par la spéculation. A partir du moment où toutes les monnaies flottent, tout flotte. Tous les échanges internationaux sont conditionnés par un aléa sur les monnaies. Toutes les valeurs d’actifs sont conditionnées par la valeur fluctuante des monnaies. La libéralisation des mouvements de capitaux en environnement incertain impose des protections (hedging) et offre des possibilités de gains sur des variations de valeur même minimes pourvu qu’on applique un gros effet de levier. L’arbitrage devient la base de l’économie financière.
Le cumul de  déséquilibres massifs des balances de paiement et de la spéculation généralisée crée des situations explosives. Dans certains cas, comme en 1988-89 (accidents boursiers aux Etats unis) ou en 1998 (crise dite à tort « des pays émergents »), la faiblesse structurelle de ce système financier provoque des accidents spontanés qui peuvent avoir des effets locaux dévastateurs. Mais le grand risque tient à la rencontre du retournement naturel du cycle avec une situation financière totalement hors de contrôle.

2. Les trois dernières grandes récessions (92-93, 2001-2002, 2008-2009) sont toutes les trois l’effet du choc du retournement conjoncturel et d’une bulle financière démesurée. C’est ce qui les a rendues si facile à prévoir. Il suffisait de mesurer le poids des déséquilibres et leur caractère de plus en plus artificiel, et de contrôler l’évolution du cycle.  Pour notre part nous avons prévu et annoncée de façon presque parfaite la crise de 93 en France, celle de 2001 et celle de 2008. En fonction de l’intensité des déséquilibres et du continuum des mesures prises depuis la crise précédente, il était relativement aisé de prévoir l’intensité de la crise. Dès 2006, il était clair que la récession à venir serait extrêmement sévère.  Début 2007 nous annonçons le déclenchement de la crise aigue pour septembre 2008 et indiquons à qui veut l’entendre qu’elle sera particulièrement sévère. Il est donc anormal et déplorable que des économistes professionnels puissent à longueur de colonnes des journaux écrits, parlés et télévisés expliquer que la crise était « imprévisible ». Elle l’était parfaitement et l’a été facilement.

Mais pour cela il fallait avoir à l’esprit deux analyses : le cycle existe ; le système des changes flottants crée des bulles financières à répétition. Sans réflexion sur le cycle ni sur le système monétaire international, pas de prévision possible.

Or il se trouve que le système monétaire international des changes flottants est un tabou ; un vrai tabou ; un sujet qui terrorise ; un sujet qu’évitent en cœur tous les économistes un peu conscients de leur carrière. Le silence sur le sujet est assourdissant. Nous ne cessons de citer Maurice Allais parce que, seul, il  a osé ex cathedra et en remettant en cause son statut de prix Nobel, s’attaquer au grand tabou. Du coup on l’a traité de tous les noms et pris pour une sorte de fou. Il faut voir avec quel mépris son livre de 1999 a été accueilli, notamment dans le Monde : « nous sommes prévenu » ironise le valet de presse chargé de la critique du livre !  Et oui, vous étiez prévenu. Vous criez à tout vent que vous ne pouviez pas prévoir, mais vous étiez prévenu !

Quant au cycle, son étude a progressivement disparu au fur et à mesure  que les économistes se sont découverts keynésiens : nous savons prévenir et guérir les crises. Inutiles de s’acharner à en décrypter les mécanismes. Toutes les crises sont exogènes et nous avons la boîte à outils qui convient.  Cette sottise, car il s’agit bien de sottise, arrangeait tout le monde. On fit des modèles économétriques keynésiens à base de demande globale. Et on cessa de réfléchir et d’observer.

Dix années de forum économique m’ont montré que non seulement le cycle est sorti des esprits mais prie encore qu’il est nié et que quiconque en défends l’idée est vilipendé. En général par ceux même qui déclarent que les économistes sont des fumistes. Depuis Staline et l’assassinat de Kondratieff la gauche socialiste réfute l’idée même qu’il puisse y avoir un cycle des affaires (la crise du capitalisme est structurelle et il doit nécessairement scientifiquement s’effondrer). Voilà l’opinion dominante calée dans la prévention idéologique absolue : ôter ce cycle que je ne saurais voir. Les économistes pro capitalistes eux n’aiment pas l’idée que le système puissent tomber régulièrement malade ; toute crise est due aux erreurs des politiques qui trahissent les règles naturelles et bienfaisante du laisser faire et de la sagesse des marchés.

En un mot : pour dénoncer le système des changes flottants et observer le cycle, il faut du courage. Ou de l’inconscience.  Alors chut !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

3. La crise actuelle est le fruit du gonflement à des niveaux intenables de l’endettement global. C’est évident aux Etats Unis qui a cessé d’épargner pour emprunter à tout va. Mais c’est tout aussi net en France et dans l’ensemble des économies capitalistes mondiales. La source de cet endettement est la double pyramide de crédits auto entretenue permise par le rôle central du dollar dans un système dissymétrique de changes flottants. Pour la France nous avons affiché dans un de nos articles précédents l’évolution calculée par la Banque de France et publiée dans le dernier « l’économie française » par l’Insee de l’endettement des ménages, des entreprises et des collectivités publiques. Ce tableau devrait être affiché en première page dans tous les journaux et commenté par les beaux esprits de l’économie médiatique. Que nenni ! PAS UN MOT !

De la même façon il suffisait de lire les bulletins de la BRI (BIS en anglais) pour comprendre qu’il se passait un phénomène énorme et hors de tout contrôle sur les CDS depuis 2003. On sortait de la crise de 2001-2002 en créant les conditions d’une bulle gigantesque dans les relations financières internationales.

Nous écrivons en 2005 : « la bulle des CDS laisse penser que la prochaine crise sera absolument globale et touchera via l’effondrement des relations financières internationales tout le commerce mondial qui tire la croissance générale. La crise risque donc d’être générale et extrêmement sévère».  Autant pour ceux qui affirment que la crise était totalement imprévisible et que sa force « surprend » !

4. Ce n’est pas l’endroit où cela casse en premier qui est important.

A la fin des années 80, ce sont les pays émergents bourrés de crédits basés sur le recyclage des excédents de dollars en possession des pays producteurs de pétrole qui ont lâché en premier. En 92-93 c’est l’immobilier d’entreprise qui sera la première victime. En 2001-2002, c’est la bulle spéculative sur les titres du Nasdaq qui craque en premier. En 2008 c’est le recyclage des subprimes qui met le feu aux poudres.

La foudre ne tombe jamais deux fois successivement  à la même place.  C’est l’élément fragile qui cède mais il cède parce qu’on ne le voit pas fragile. En 1992 les crédits à l’immobilier d’entreprise en France est 7 fois plus important que la moyenne des 10 années précédentes. La bulle est énorme. Personne n’écoute quand on dit qu’elle va exploser. La réponse : « il y d’énormes liquidités en mal de placement, les prix n’ont jamais réellement baissé. Il n’y a pas de risque ».  En 2000 l’espoir porté par les NTIC est démesuré. Les gonflements boursiers sont ahurissants. Des « économistes » expliquent qu’avec l’arrivée de l’économie internet et la sagesse de la FED avec son génie, Greenspan, il n’y a plus à craindre de récession. L’économie a trouvé le chemin de la croissance continue. Et boom ! Jusqu’à 2007, les prêts « subprimes » ne sont pas considérés comme un danger. Au contraire : les pauvres peuvent acheter leur maison c’est formidable.  Fanny Mae  et Freddy Mac cautionnent avec de l’argent public ; Les CDS et les CDO permettent de diffuser le risque. Greenspan, patron révéré de la FED,  dit que cette innovation est formidable. Il n’y a donc aucun risque.

L’accident initial se produit toujours là, où on croit qu’il ne se produira pas. Comme il y a une mémoire de la crise précédente, ce n’est jamais à l’endroit précédent que le craquement se fait initialement jour. Les subprimes ne sont pas la cause de la récession, même si l’explosion de tout ce marché boursouflé joue un rôle crucial dans le déroulement des évènements.

Il est beaucoup plus important de regarder la « big picture » : le commerce mondial s’est arrêté. Tout le système financier international a explosé d’un seul coup. Tous les contrats ont été affectés. Tous les engagements financiers se sont trouvés pris à revers. S’il l’a fait, ce n’est pas parce qu’un effet « papillon » partant des subprimes a tout d’un coup par un effet de bord magique casser tout le système. Mais parce que le système commercial et financier international était totalement artificiel  et structurellement intenable.  Les Etats unis importent à tout va des produits que les américains achètent à crédit, crédits financés par le replacement des excédents des pays exportateurs. La spirale doit s’arrêter à un moment où un autre. L’immensité de l’inondation de crédits transforme tous les marchés en zone de spéculation intensive. Il est plus intéressant pour une banque de spéculer en salle de marchés que de prêter à l’économie.

Surtout dans les pays dont l’industrie est ratiboisée par la Chine, dont la monnaie est artificiellement  basse (ce qui lui permet de récolter des excédents record). Le système des changes flottants dissymétrique permet de laisser ce système foireux perdurer un temps. D’énormes spéculations ont lieu en Chine aussi bien sur le marché immobilier que sur les différentes places boursières. Tout le commerce international devient un manège fou où les spéculations et les déséquilibres font la loi.

Cela ne pouvait qu’exploser, subprimes ou pas subprimes, et cela a explosé. La première victime de la crise sera, conformément à cette analyse, le commerce international qui s’arrête brutalement et qui n’a toujours pas repris, un an après la chute de Lehman Brothers.

5. Tous nos articles publiés sur ce site dès juin 2008 racontent l’histoire que nous venons de passer en revue. Nous n’avons jamais dévié. Nous insistons immédiatement  sur l’évolution du Baltic dry index qui mesure d’une certaine façon l’appétence au commerce international. Nous reprenons les tableaux du BRI qui montrent bien l’origine de la crise.  Et surtout, nous mettons l’accent sur les causes profondes de la récession et sur les mesures à prendre d’urgence. La première est évidemment de mettre fin immédiatement au système des changes flottants. Ensuite il faut dégonfler le système bancaire qui est une outre gonflée de vent et en faillite. Pour cela il faut faire des restructurations drastiques allant jusqu’à la nationalisation temporaire, afin de réserver immédiatement les crédits aux besoins des entreprises. Ces mesures auraient permises, prises immédiatement de limiter le coût de la crise pour les Etats et de permettre une reprise plus sûre et plus rapide.

6. Les politiques suivies jusqu’ici ne sont fondées sur aucune analyse de la crise et de ses causes. Elles sont purement symptomatiques. On a transféré la dette aux instituts d’émission et aux Etats. Sans aucune réelle restructuration. Les banques principales ont été non seulement sauvées mais sortent agrandies de la crise. Rien dans le décor économique n’ayant changé, elles reprennent leurs activités de salles de marché sans entraves. Ce n’est pas dans le crédit aux entreprises malmenées par la récession qu’elles vont gagner de l’argent. Les risques monétaires sont toujours là et pèsent sur les comportements et notamment la reprise du commerce international.  Les plans de relance, dans un système de changes flottants, ne peuvent avoir que des effets imprévisibles. Personne ne sait ce qu’on va faire des dettes monstrueuses accumulées un peu partout.

7. L’absence de diagnostic, puis l’absence de réformes, puis une politique de simple ouverture des vannes monétaires et budgétaires expliquent la situation où l’on est. L’économie a talonné mais se meut à un niveau très bas. Le commerce international reste à l’arrêt. Il y a des menaces partout, notamment sur le front monétaire et bancaire. Le chômage et les faillites vont encore grossir pendant deux ou trois ans. Personne ne sait comment on va se sortir du piège du surendettement des banques centrales et des Etats.

8. La prévision pour les quelques années qui viennent est impossible.
Comme nous le disons souvent : la dépression type 1929 est imprévisible. La prévision de sortie de crise est beaucoup plus difficile que celle de l’entrée de crise. Les tenants de la « demande globale » parient que la reprise se fera mécaniquement par l’effet des plans de relance après la purge initiale. Aucune réforme n’est nécessaire. Plus tard tout redémarrera et  les dettes publiques seront apurées. Ce sera la position du G.20 qui ne suggérera que des réformes cosmétiques et à vocation politique. 
Il est probable qu’on s’inquiétera de plus en plus du coût de la solution trouvée qui est exorbitant et qui aurait pu par des gestes simples être radicalement réduit. Le cadre global (changes flottants, système monétaire international asymétrique et dévoyé, trop grosse importance de la spéculation, rapt de la richesse du monde par un secteur financier hypertrophié)  n’ayant pas été changé, le moteur à explosion reste en place. Bonjour le renouvellement des bulles et la possibilité de nouvelles crises financières  « pochettes surprise ».

Il avait fallu attendre 1997 pour sortir de la crise démarrée en 91 aux Etats Unis, déployée au RU et dans les pays exportateurs en 92 et arrivée en France en 1993. Quatre ans de galère ! On est ressorti de la crise du début des années 2000 en France en 2006  pour trois ans de croissance retrouvée mais très faible. Quatre ans de galère. Il est peu probable que l’on ne retrouve pas ce scénario : quatre à cinq ans extrêmement difficiles et une reprise à partir de 2012-2013 si le commerce international se rétablit.   Avec à tout moment la possibilité que le système monétaire absurde qui nous contraint ait provoqué une nouvelle tragédie bancaire monétaire ou financière.  Avec à tout moment le risque que l’impatience des peuples ne provoque quelques troubles exogènes.

Et au bout, lorsque le cycle après être redevenu haussier se retournera, des Etats incapables de trouver les ressources pour mener à nouveau la politique laxiste que nous venons de connaître. Comme nous l’avons écrit dans une de nos notes de  2006, la vraie toute grande crise mondiale pourrait bien être celle de 2015-2016 !
Il vaudrait mieux mettre en œuvre les réformes indispensables dès maintenant.

Didier Dufau  pour le Cercle des économistes E-toile.

Joseph Stiglitz ne convainc qu'à moitié !

Comme toujours Joseph Stiglitz ne convainc qu’à moitié

Intéressante cette initiative d’un économiste reconnu de diffuser via la presse un CD ROM donnant en détail l’explication de la crise vue  par  un « Nobel » de l’économie particulièrement  médiatique, notamment à gauche après ses positions très critiques vis-à-vis du FMI.

Il est TRES rare que les économistes prennent le risque de l’explication publique à chaud. Une telle  initiative est bonne à prendre et à commenter.

L’avantage d’une personnalité qui a une assez haute idée d’elle-même c’est qu’elle croit avoir raison, et pouvoir le prouver.  Joseph Stiglitz raisonne et avance moult arguments. Il a beaucoup réfléchi et son raisonnement est articulé.  Ce ne sont pas quelques intuitions jetées à la va vite sur le tapis médiatique.

Il y a quelque chose de mécanique dans l’enchaînement des faits et leur interprétation par Joseph Stiglitz.  Si on n’y prend garde, il vous emporte dans son flot dialectique et vous prive de toute possibilité de doute ou de critique.

Et pourtant. Il y a de nombreuses failles dans son analyse des causes de la crise.

Que dit-il ? En fait rien de bien original.

La dérégulation bancaire a été « achetée » par le lobby bancaire aux Etats Unis alors que rien ne prouve son efficacité économique bien au contraire ;  « J’ai moi-même prouvé que cela ne marchait pas », dit-il ; « on a eu l’impression que cela marchait parce qu’en fait les Etats ont sauvé constamment les banques ». « L’idéologie du « marché qui a toujours raison » n’a fonctionné que parce qu’il y a eu le correctif : « l’Etat nous sauvera toujours » ».

Comme les banques gagnaient beaucoup et ne perdaient jamais, le système a cru et embelli …jusqu’à l’explosion finale.

On retrouve ici l’explication « comportementale » de la crise. La cupidité bancaire a conduit les grandes banques a faire évoluer le système dans le sens qui les arrangeait tout en faisant payer les pots cassés par l’Etat complice du fait de vilains politiciens sensibles aux groupes de pression et de la consanguinité entre Goldman Sachs et le gouvernement.   

L’aspect international est aussi évoqué, bien que l’intervention soit très centrée sur les Etats-Unis, en fait comme souvent avec les américains, beaucoup trop centrée sur les Etats unis.

Une nouvelle explication « comportementale » est avancée pour expliquer que les pays en développement au lieu de dépenser leurs réserves les ont accumulés. Là le raisonnement est franchement faible.  J. Stiglitz évoque « les leçons apprises en 1979 » où la perte de liquidités internationales  aurait eu des conséquences fâcheuses pour ces pays et aurait traumatisé les esprits.   Toujours est-il que cette erreur intellectuelle des dirigeants  des pays sous développés expliquerait que les Etats-unis se soient mis à consommer pour toute la planète pendant que les pays pauvres épargnaient et replacaient leur argent aux Etats unis.  Ce passage est tout sauf convaincant et disons le totalement indigne d’un prix « Nobel » de l’économie !

Mais il faut bien tenter d’expliquer ce fait majeur que la Chine et le Japon (pas particulièrement un pays en voie de développement) aient accumulés des réserves en dollars gigantesques. Et que de l’autre côté les Etats unis aient accumulés des déficits colossaux et permanents qui ont permis aux résidents américains d’emprunter à tout va et aux banques de les servir à plein régime.

De même il note bien que les banques désormais se mettent à spéculer et à ne plus servir les besoins fondamentaux de l’économie mais on ne trouvera pas d’explication, sinon qu’elles sont décidemment très vilaines.

A ce stade J.  Stiglitz a raté les explications fondamentales : le système monétaire international des changes flottants est à la source des déséquilibres permanents et massifs des balances extérieures ; c’est le flottement des monnaies qui a transformé à partir de 1975 l’économie mondiale en casino  géant ;  ce sont les gains astronomiques facilement gagnés dans ce casino qui ont détourné les banques de prêter sainement à l’économie.  Il n’a pas vu la continuité de l’histoire économique après la fin des accords de Bretton Woods. Sans flottement des monnaies toute la suite était impossible.  Cela, J. Stiglitz ne le voit pas. Il  critique Milton Friedman, père des changes flottants  mais seulement pour son intervention auprès de Pinochet, image de gauche oblige.

C’est ce qui rend toute son explication si peu convaincante. Il lie les faits de façon tonitruante mais en vérité  totalement arbittraire   dans une sauce obscure et filandreuse  qui ne peut pas emporter l’adhésion d’un économiste sérieux, même si  la personnalité très affirmée du gâte sauce peut en imposer à un non spécialiste.

On voit bien la différence d’approche avec le Cercle des Economistes E-toile : pour nous la crise est systémique et trouve sa racine dans les défauts du système monétaire international matrice des débordements ultérieurs; pour J.  Stiglitz comme pour la majorité des économistes qui n’ont pas vu venir la crise, elle est simplement comportementale.

Les développements suivants sur la nature du sauvetage « inconditionnel » des banques est classique et n’appelle aucune contradiction.  Nous avions, à chaud,  proposé de constater la faillite des banques  et d’imposer une restructuration forte allant jusqu’à la nationalisation temporaire.   J. Stiglitz montre bien que non seulement on a considéré que les banques étaient « too big to fail » mais aussi « too big to be restructurated ».  Alors on est entré dans un « ersatz de capitalisme » où la faillite n’existait plus pour les banques, y compris, grande nouveauté, les banques d’affaires.  Ce n’est pas l’intérêt général qui a guidé les politiques mais l’exclusif intérêt des dirigeants des banques.

A propos de Lehman brothers  J. Stiglitz fait une remarque très intéressante : on aurait du mettre en faillite toute l’activité risquée de cette banque  mais sauvegarder la partie de la banque qui concerne le système des paiements.  C’est là un des points que nous développons  nous-mêmes avec force : il faut isoler le système des paiements  du reste de l’activité bancaire et financière.  Dans le traitement de la crise aux Etats unis, on a paradoxalement sauvé presque tout le système bancaire et financier et laissé choir une partie du système des paiements ce qui a aggravé la crise.

J. Stiglitz a donc parfaitement raison d’affirmer qu’aussi bien l’administration Bush que celle d’Obama n’ont rien fait pour réorganiser et apurer le système financier.  Et que tous les problèmes de fond demeurent. Il exige le démantèlement des banques universelles « trop grosses pour être abandonnées à la faillite » et exige un re-régulation pour limiter les prises de risques excessives.  C’est exactement la position de notre cercle. Nous regretterons simplement que sur les modalités de cette restructuration et de  ce démantèlement il ne donne aucune indication.  Nous avons un plan très détaillé. On ne connait rien du sien.

Au total, on aurait bien aimé que Jospeh Stiglitz fasse cette émission avant la crise.  Un an après le pic de la crise, c’est tout de même un peu tard.  Sur les causes de la crise il n’est pas totalement convaincant.  En revanche en rappelant que la crise n’est pas finie, qu’il aurait fallu restructurer beaucoup plus profondément le secteur bancaire  et que le monde doit réinventer un modèle de croissance différent de celui qui a prévalu,  il fait œuvre utile, même s’il ne dit pas comment.


Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile

Maurice Allais avait (encore) raison

Grand écart

Le graphique ci dessous raconte une drôle d'histoire. On voit que la Baltic Dry index qui donne le prix du transport international chute depuis plus d'un mois après avoir repris des couleurs et qu'il se situe dans des zones extrêmement basses. Alors que les bourses explosent dans une hausse totalement décalée.

En général c'est la bourse qui suit le BDI, pas l'inverse. Ce qui annonce une forte correction boursière quelque part cet été.

Aucune réforme n'ayant été faite de rien, il est normal qu'un système financier pervers reprenne les affaires là où il les avait laissés et que la spéculation effrénée reprenne en amplifiant les quelques bonnes nouvelles du début de l'été.

Le chômage talonne aux Etats-unis ; les exportations allemandes repartent assez vigoureusement. La consommation ne fléchit pas dans la majeure partie du monde.

Cela ressemble vraiment à ce qui s'est passé lors de la crise de 2001-2003. Au lieu de voir repartir une croissance mondiale équilibrée la conjoncture n'a été que l'agglomération des bulles diverses qui ont fini par exploser.

On est reparti sur cette route cahotique. Le mieux qu'on puisse imaginer c'est une courbe en W. Une reprise brève à laquelle succédera presqu'aussitôt une rechute assez grave avant peut être de repartir pour de bon.

LH pour le Cercle des economistes E-toile.

 

 



Un emprunt mal né

Faut-il aujourd’hui lancer un grand emprunt national ? La réponse à cette question est indissolublement liée au diagnostic que l’on fait de la crise et à son pronostic.  Malheureusement aucun des promoteurs de l’emprunt ne croit devoir proposer un diagnostic et encore moins un pronostic. Du coup la discussion médiatique autour de ce projet d’emprunt prend un tour un peu psychédélique où se révèlent des attitudes  plus que ne se développent des arguments. Une fois de plus la chaleur l’emporte sur la lumière.

Ce que nous vivons est une crise monétaire due au développement d’une bulle de crédit gigantesque et intenable. L’ivresse des déficits américains et des excédents chinois replacés aux Etats-Unis a permis un développement pyramidal de crédits de plus en plus artificiels et de plus en plus artificieux. Lorsque l’endettement représente près de 400% du PIB des grands pays, il n’y a AUCUN  moyen d’en espérer un remboursement.  La sortie de crise passe par la ruine partielle du créancier. Toutes les activités directement liées au crédit s’effondrent. Les flux  de consommation, de production et d’échanges fondés sur les dérèglements financiers se contractent violemment.

Nous prétendons depuis le départ que la crise actuelle n’est pas une crise des subprimes, qui ne sont qu’un détail du dérèglement financier global, mais un effet dérivé du système monétaire international fondé sur la domination du dollar dans un système global de changes flottants. La réforme clef est donc celle du système monétaire international.  Ce diagnostic n’ayant pas été fait, l’action des uns et des autres flotte dans l’approximation  et n’a pas d’autre boussole  que l’urgence dans la panique.

Dans l’urgence et dans la panique, on a sauvé les banques menacées de faillite généralisée. Dans l’urgence et la panique on a laissé les déficits publics gonfler démesurément. Dans l’urgence et la panique on a tenté de sauver la confiance par des réunions surmédiatisées du G.20 qui n’ont débouché sur rien.

La récession atteint en France son quinzième mois. Les six derniers mois n’ont vu aucun redressement. Au contraire tous les records de gravité sont battus avec une grande constance, en même temps que les médias et les politiques ne cessent de mettre en exergue des signes de reprise qui s’évanouissent au fur et à mesure. Aucune des mesures prises n’a pu inverser le cours des évènements. Seul le discours politique a changé, passant du libéralisme débridé au dirigisme socialisant,  le thème de la rupture restant la seule constante.  Il faut dire qu’il était uniquement verbal et que son ambigüité permet de le maintenir sans douleur.

Sur cette toile de fond d’impuissance, on est passé du plan de relance, qui n’a rien relancé, au plan de préparation de la sortie de récession, qui n’est pas en vue.

Alors que nous voyons qu’à fin 2009 le déficit public  sera supérieur à 150 milliards d’Euros (avec 200 milliards en vue pour 2010), alors que tous les systèmes sociaux n’auront pas encore été à cette date sollicités à plein régime (le chômage va exploser en 2010 et monter au dessus de 10% de la population active et 25% du salariat du secteur marchand) et que rien ne montre un redressement quelconque de l’activité ni l’apparition d’un nouveau système stable d’échanges internationaux, l’Etat français se voit privé de ressources.

Dans la panique et l’urgence, la seule idée qui s’impose est celle d’un emprunt. La voie fiscale étant fermée, la ressource ne peut venir que du bas de laine ou de la Banque Centrale. La Banque Centrale en est aux mesures « non conventionnelles », c'est-à-dire à faire fumer la vieille planche à billets, et ne peut guère être sollicitée au-delà.  Reste l’emprunt.

Nous avons écrit, en septembre 2008, que la solution du grand emprunt était à considérer. Lorsque le crédit s’effondre et avec lui les bourses, des sommes gigantesques sont à la recherche de sécurité et  le trou d’activité ne peut être compensé que par des mesures de dépenses publiques. Un grand emprunt national lancé en octobre 2008 aurait eu un impact certain, associé à une réforme immédiate du système monétaire international.

En stabilisant les relations économiques internationales, et en compensant au moins partiellement les effets du « credit-crunch », on pouvait atténuer de façon peu coûteuse la crise naissante. Nous avons ajouté qu’il fallait en profiter pour mettre fin à l’ISF basé sur la valeur des biens, pour un ISF basé sur les grands revenus, et faire revenir les capitaux cachés à l’étranger. On aurait pu associer grand emprunt et retour des capitaux en imposant une option entre taxation et souscription : par exemple taxation à 25% pour les sommes rapatriées sans placement et 10% pour celles qui iraient au grand emprunt national. L’Etat français aurait récupéré à bon compte des milliards d’euros et le taux de l’emprunt aurait pu être très bas : 1.5% défiscalisé sur l’IR (mais pas la CSG) et indexé sur l’inflation aurait suffit.   Il est probable qu’on aurait pu collecter près de 25 milliards d’euros qui auraient garanti une action forte de l’Etat dès 2009 sur les dossiers d’investissement stratégiques.

L’emprunt envisagé est prévu pour le début 2010, date où la ruine des finances publiques sera manifeste, et après 15 mois de politique du chien crevé au fil de l’eau. Aucune réforme du système monétaire international n’est prévue. Les déficits se sont accumulés. Le nombre des faillites et des licenciements va exploser à partir de l’automne 2009.  La peur s’est accumulée. Elle a changé de nature. Les épargnants craignent désormais une inflation incontrôlée. Un taux très bas sans sucette fiscale et de garantie vis-à-vis de l’inflation ne séduira pas. Les épargnants préféreront les obligations un peu risquée à 5 ou 7%  sur une période relativement courte (4 à 7 ans) plutôt que de la rente faiblement rémunérée et menacée par l’inflation. Les détenteurs de patrimoines lourdement touchés par la crise et l’ISF ne souscriront pas facilement. Ceux qui gardent une partie de leur argent à l’étranger n’y participeront pas.  Tout cela ne signale pas un climat particulièrement favorable à un grand emprunt national, sauf accompagnement ad hoc, tendance radicale.

On parle toujours de confiance lorsqu’il s’agit d’emprunt. Mais l’humeur générale est plutôt hostile à ce qui rend l’épargnant confiant.

Au milieu des années 1970, George Marchais, le secrétaire général du Parti Communiste Français, alors que l’on parlait de l’actualisation du Programme Commun de Gouvernement, s’était exclamé : « il faut un impôt radical qui au dessus d’une certaine somme, prenne tout ».  En un mot il fallait un revenu maximal. Personne n’aurait pu gagner plus.  La droite s’était aussitôt insurgée devant des mesures aussi bolcheviques et les socialistes avaient du monter au créneau pour expliquer que jamais, au grand jamais, une telle provocation n’était dans leurs intentions.  Que constatons-nous aujourd’hui ? Que ce sont des députés de droite qui le suggèrent et qui reprennent l’idée d’un salaire maximal.  En même temps, M. Woerth avertit que le secret bancaire étant en voie de disparition, il importe que les « délinquants » rapatrient spontanément leurs avoirs et vite, tout en sachant qu’au mieux, sans pénalité, l’heureux retour se fera avec un prélèvement de près de 60%. Et qu’après il y aura à nouveau toute les joies de l’ISF et des prélèvements fiscaux et sociaux. En un mot, un fois de retour, les capitaux perdront régulièrement de leur valeur et devront être vendus pour payer l’impôt. Rappelons qu’avec un taux marginal de 1.8 alors que les placements actuels sûr rapportent 1.5%, sur lesquels on prélève environ 60%, soit un rendement net de moins de 0.6%, l’ISF est une machine à faire vendre le capital (et là, gare à la plus value !). Surtout si on fait intervenir l’inflation.

Mieux encore, voilà que les mêmes voix de droite suggèrent de rendre OBLIGATOIRE la souscription au nouvel emprunt. Il est vrai que si on enlève tout argument de nature à séduire l’épargnant, l’espoir d’une collecte suffisante ne peut reposer que sur l’emploi de la force. Mais l’emprunt forcé rappelle fâcheusement les violences d’état du moyen âge. Pourquoi ne pas rétablir les corvées pendant qu’on y est ?  

Le climat général est à la violence contre « l’argent ». Alors qu’il se terre après avoir pris une bonne raclée.

Pour l’observateur des médias, qui sont en France aussi moutonniers qu’un banquier, ce qui n’est pas peu dire, et où on constate que quatre ou cinq personnes fixent le bien penser et son tempo, il est intéressant de constater que simultanément et unanimement les commentaires des radios, des télévisions et des journaux à l’annonce de l’emprunt se sont fixés sur la norme : attention danger !

 C’est à qui rappellera avec le plus de force que les emprunts précédents ont été des catastrophes nationales. L’emprunt Pinay indexé sur l’or en période de haute inflation s’est révélé il est vrai fort coûteux. Le cas Pinay est l’exemple même d’un mythe politico-économique  entièrement fabriqué. Le plus bel exemple de « com’ » de la Quatrième République. L’homme au chapeau rond, au physique ingrat d’une province qui ne s’attache pas aux frous-frous de l’esthétique, à la moustache aussi ringarde que délicieusement vieille France, se devait, muni d’une auréole d’or, de devenir l’archétype de la confiance incarnée. A tel point que la visite au sage (ou ermite)  de Saint Chamond deviendra un rite (assez grotesque il faut bien le dire)  lorsqu’il s’agira de lancer un nouvel emprunt. Ce que Giscard, qui imaginera le pire emprunt de toute l’histoire de France, au moins du point de vue des finances publiques, ne manquera pas de faire avec toute la pompe et l’hypocrisie requises.  A ce point qu’à Science-pô, le sujet « Pinay » donne droit au corrigé type : « Pinay emprunteur – Pinay emprunté » !

Cet emprunt Pinay est intéressant pour une de ses caractéristiques. Afin d’éviter les critiques socialistes comme quoi il faisait payer aux pauvres l’intérêt aux riches souscripteurs, un argument que l’on retrouve aussi partout actuellement, dans des bouches de droite comme de gauche, les promoteurs de l’emprunt avait assorti les avantages consentis au « capital » d’un avantage social très important : le 1% du Chiffre d’affaire accordé au CE d’EDF en toute défiscalisation ! Un énorme cadeau fait à la CGT qui régnait en maître sur l’institution. Cet avantage devait cesser avec l’ultime remboursement de l’emprunt Pinay. Devinez ce qu’il en est advenu !

Plus intéressant, on voit que les grands emprunts nationaux suivent en gros le rythme des récessions décennales. Les trois derniers (Giscard, Mitterrand et Balladur) correspondent aux trois crises de 74, 82, 93.  En 2002, la mondialisation de la finance  avait rendu inutile cette opération : il suffisait de se fournir sur le marché international des capitaux sans agrémenter l’emprunt de douceurs particulières. Et la crise n’avait pas été trop sévère.

Les conditions d’emprunt aujourd’hui restent bonne sur le marché international qui considère désormais qu’un plancher a été atteint pour les baisses de capital  et qu’un rendement et un capital garantis par un Etat crédible est toujours bon à prendre, en attendant mieux. Caisses de retraites et assureurs ont une grande faim de ce genre de papier. En France et dans le monde.

Alors pourquoi un grand emprunt qui vient trop tard pour enrayer la crise, qui s’ajoute aux emprunts permanents effectués par le Trésor sur les marchés, et dont on voit qu’un climat a été créé pour qu’il ne soit pas attractif ?  Le tout dans une ambiance de violence contre la richesse…

La réponse est simple : pour pouvoir continuer à dépenser sans contrainte. L’emprunt est un expédient qui permettra de boucher les trous immenses que la crise va continuer à creuser au moins jusqu’à fin 2010 dans tous les comptes publics.  Son lancement occupera les esprits au moment où les chiffres de 2009, sinistres, commenceront à sortir. Le tapage fait autour des projets de dépenses permettra de conserver le leadership de l’opinion jusqu’aux élections régionales.

Et après ? Après on prie pour que les « prévisions » qui indiquent une légère croissance en 2010 soient au rendez-vous et qu’aucun accident majeur qui relancerait la crise ne se produise dans le monde sur le front économique.

Une fois de plus le calendrier est plus politique qu’économique.

Rappelons que sans réforme du système monétaire international, sans réforme forte du système bancaire (et plus largement financier)   et sans rupture réelle en France avec le « tout Etat » à base d’impôts délirants et de dettes  indéfinies, nous ne ferons qu’aggraver les choses à moyen terme.

Et peut-être bien  à court terme.

Les fous ont-ils pris le contrôle de l'asile ?

Pour un site de commentaire de l’actualité économique, qui est notre vocation,  la richesse actuelle nous sollicite de partout : faut-il lancer un grand emprunt national ? Faut-il donner des coups de pouces au SMIC ? Faut-il réformer drastiquement la fiscalité en faveur de l’écologie ? Peut-on échapper à la retraite à 65 voire à 67 ans ?

Nous avons retenu aujourd’hui une réaction qui entre dans la catégorie « attitude » et qui, derrière ses côtés paradoxaux, ouvre des fenêtres sur des aspects historiques et prospectifs assez profonds.

Yves de Kerdrel du Figaro et du Journal des Finances publie en Opinions dans le numéro du 23 juin 2009 un brulot contre une réforme récente lancée par le Président Obama : Les banquiers centraux voient leurs pouvoirs élargis à la supervision des risques systémiques aux Etats-Unis comme en Europe. Pour notre auteur « les fous ont pris le contrôle de l’asile ». « Les apprentis sorciers de la banque et de la finance ont réussi à se faire désigner comme les gardiens de la vertu financière ».

Une telle éruption contre l’establishment financier à qui il ne manque que les hauts de forme pour être le parangon de la plus haute distinction et de la plus exemplaire moralité,  dans un journal généralement moins révolutionnaire, est intéressante.

La question de la banque centrale est posée depuis les tout débuts de la banque moderne. Les Etats ont de tout temps eu besoin de financements importants. La création monétaire et la mobilisation de l’épargne concentrée pas trop loin de son pouvoir l’intéressent.  Dès le 17ième siècle l’idée s’impose d’une banque particulière qui aurait des privilèges spéciaux  et des relations particulières avec l’Etat. Le développement du billet de banque donne à cette idée une impulsion irrésistible. En France cela se passe mal avec le système de Law qui capote assez vite et finit dans le discrédit. L’Angleterre s’en sort mieux  avec une banque centrale qui se veut le parangon absolu de la vertu et porte l’idée de la respectabilité là où elle n’était pas spontanément. Il faudra Napoléon désireux  de financer son empire et de doter le pays d’une monnaie stable et digne pour qu’une banque centrale renaisse, confiée comme il se doit aux pires profiteurs des biens nationaux que la révolution française ait connu. Les Etats Unis refusent absolument toute banque centrale. Il faudra attendre la veille de la guerre de 1914 pour qu’une banque de ce type naisse et encore, on lui donnera un nom bizarre pour calmer les inquiétudes de ceux qui n’en veulent surtout pas : un système fédéral de réserve, ce ne peut pas être une banque centrale !

 La crise de 1929 viendra mettre un terme à tous les systèmes autonomes de création monétaire décentralisée fondée sur des critères prudentiels et non pas sur la régulation d’une banque centrale d’émission (le Canada cédant en dernier en 35-36).  A partir de 1971 l’idéologie des changes flottants s’impose : les métaux précieux n’ont plus de rôle monétaire. Les monnaies sont purement administratives (Fiat money pour les anglo saxons). Elles n’ont aucune valeur réelle mais seulement une valeur relative vis-à-vis d’elle-même : le contrôle de l’inflation devient la mission essentielle des banques centrales. Pour éviter les tentations, la majorité des banques centrales deviennent plus ou moins indépendantes des Etats qui, en situation normale, ne peuvent plus avoir recours à la planche à billets.  Si la monnaie ne perd pas trop vite sa valeur tout va bien.

Chaque poussée de centralisation a été justifiée par des scandales ou des difficultés financières. La « main invisible » qui permet à des instincts individuels même douteux de servir les besoins collectifs n’a jamais marché dans le domaine de la finance. Le cycle décennal est clairement lié au cycle du crédit, une purge régulière étant nécessaire pour éliminer les excès des périodes d’euphorie. A chaque crise un peu forte, accompagnée pour les épargnants par la perte de leur dépôt, la régulation a été centralisée et renforcée.  Faut-il y voir une montée progressive vers une meilleure maîtrise de la finance    ? Il est facile de montrer que non.

La FED est crée en 1913 après la crise bancaire  de 1909. Dès la guerre de 14 finie, on connaît la crise de 1921, puis celle de 1929. La FED se révèle incapable de contrarier l’épidémie de faillites bancaires. Il fallut créer une autre institution le FDIC, qui a donné une garantie d’Etat aux dépôts des banques pour que les faillites cessent en 1934-35.   Exemple historique qu’une banque centrale est d’abord incapable d’éviter une crise et ensuite de l’arrêter.  En France ce fut exactement pareil à tel point que c’est la contradiction entre la politique de déflation menée par le gouvernement Laval et celle, soudain laxiste de la banque centrale, qui fera que la France sera le pays qui souffrira le plus de la crise de 1929 !  Les banques centrales firent profil bas pendant les vingt ans qui suivirent. Il est donc relativement facile de prouver par l’histoire passée que les banques centrales furent toujours de mauvais pompiers et parfois d’excellents pyromanes.

Depuis l’instauration des changes flottants, les choses sont devenues à la fois plus complexes et plus voyantes. Le rôle des banques centrales est clairement de réguler l’émission de monnaie de crédit (par les banques, principales sources de création de monnaie) afin de limiter la hausse des prix.

Pas de chance, le cycle des crises décennales demeure.

L’ennui c’est qu’elles sont généralement aggravées par les banques centrales.

Après le chaos initial qui a suivi l’introduction du système et la stagflation qui en fut la conséquence, le FED provoque avec Volcker un « refroidissement » très sévère qui ramène l’inflation à un niveau plus raisonnable.  Vient alors Greenspan qui se moque des déficits extérieurs et lâche la bride à la création monétaire à chaque fois qu’une récession montre le bout de son nez. Le résultat : des bulles financières à répétition et des crises violentes dont on ne sort qu’en préparant la prochaine. Les politiques et les banquiers centraux se prêtent la main aux Etats Unis pour créer les conditions d’une crise aggravée.  On supprime les garde-fous mis en place dans les années trente ; on laisse se créer des mastodontes « too big to fail » en espérant qu’ils conquerront le monde ; on développe le crédit dans son volume et dans ses formes sans aucune limite ; on encourage les formes d’assurances crédits et de véhicules de placement les plus dangereux.  Après l’explosion du système Greenspan le gourou devient le pestiféré en même temps que son principal bras droit continue sa politique  exactement de la même façon : en noyant sous la création de monnaie tout problème de conjoncture.

Il est donc facile de prouver aussi par l’histoire récente  que les banques centrales furent toujours de mauvais pompiers et parfois d’excellents pyromanes.

Dans notre article de septembre 2007  ces vérités incontournables nous avaient conduit à écrire : « Quatrième erreur : croire que les banques centrales peuvent enrayer seules le retournement de la conjoncture ». Ce que la suite a amplement prouvé et prouve tous les jours. Si les dépôts en banque des particuliers ont été jusqu’ici sauvés, ce n’est pas par l’action des banques centrales mais grâce à la garantie renouvelée des Etats.  Quant à la récession elle se déploie en s’aggravant  depuis 2007 sans que l’action des banques centrales ne l’ait en rien ralentie.

Alors oui nous pouvons soutenir Yves de Kerdrel dans son observation : les pouvoirs nouveaux de régulation sont bien accordés sinon à des malfaiteurs du moins à des impuissants. On espère sans preuve que ces nouveaux eunuques issus du sérail financier seront castrateurs pour le plus haut bien public tout en laissant des organes lourdement lestées en testostérone galoper dans le Harem.

On   On aurait pu imaginer une approche autrement efficace : Mettre fin aux émissions monétaires dévoyées liées au système des changes flottants,      Réduire la puissance des institutions financières en spécialisant les champs d’activités et en évitant les trop grosses concentrations. Interdire certaines pratiques dangereuses  comme le transfert vers l’assurance des risques bancaires, le short sur monnaie, les opérations à trop fort levier etc.

En réduisant la pression dans la cocotte minute financière, on réduisait d’autant le besoin de gendarme. Là, on a vraiment l’impression d’une fuite en avant dans l’erreur. On ne fait rigoureusement rien sur les sources fondamentales de la crise (les changes flottants notamment) et on fait grandir la taille du képi sur la tête de régulateurs qui ont montré que la régulation n‘était pas possible après avoir pensé qu’elle n’était pas souhaitable.

Un réel problème.  

L'impossible retour aux accords de Bretton Woods (suite)

Suite de l'article précédent

En vérité le système était vicié à la base. Aucun mécanisme n’était prévu pour garantir que la politique monétaire américaine maintiendrait la valeur de la monnaie en or. Au contraire, le système instituait une « dissymétrie »  (en clair : une inégalité structurelle en faveur des Etats-Unis) et le potentiel pour le renouvellement des doubles pyramides de crédits néfastes constatées en 1939.

L’arrivée de Kennedy et le lancement d’une politique dispendieuse aussi bien de course aux étoiles que d’interventions militaires tous azimuts, signifiaient une politique monétaire hyper inflationniste d’autant plus facile à financer qu’elle l’était dans la monnaie mondiale. 

Jacques Rueff reprit sa plume pour signifier que le système était le même que celui de 29 et risquait de déboucher sur une crise du même type. Le professeur Triffin expliqua doctement toute la contradiction qu’il y avait  à faire dépendre la croissance mondiale d’une monnaie nationale dont les comptes extérieurs devaient être obligatoirement déficitaires pour alimenter le commerce international en monnaie.

Les faits furent au rendez-vous. Le Gold exchange standard se mit à hoqueter dès le milieu des années 60. De Gaulle exigea au milieu des ricanements la fin du système et le retour aux disciplines de l’étalon-or.  La guerre du Vietnam fit le reste.  Lassée d’engranger des dollars qui alimentaient chez elle une inflation de moins en moins maîtrisable, la RFA mit fin au système de Bretton Woods et Nixon décréta l’inconvertibilité du dollar en or.

La crise majeure de 1974 suivit qui chamboula complètement l’économie monde. La France ne s’en est jamais remise.  Un système par défaut, les changes flottants se mit en place, qui provoqua des crises de plus en plus importantes jusqu’à l’éclatement actuel.

On dira : d’accord, le système de Bretton Woods était inégalitaire et contenait ses contradictions internes, mais il a été tout de même responsable des trente glorieuses. Après tout nous acceptons ses inconvénients si on revit à nouveau trente années de croissance glorieuse.

Les circonstances ont joué  dans les trente glorieuses : un changement de mentalité vis-à-vis de la dépense publique, une énergie renouvelée, le dynamisme de la reconstruction, le plan Marshall marquent l’immédiat après guerre. Ce fut une période d’inflation mais de plein emploi, de famine de dollars chaque pays en recherchant pour reprendre pied sur les marchés extérieurs.  Pendant dix ans-quinze ans les défauts intrinsèques du système furent des avantages.

Ce n’est qu’à partir de 1963 que les tensions se manifestèrenent et s’aggravent constamment, au point qu’on finit par inventer les droits de tirages spéciaux,  jusqu’à l’explosion finale et la crise de 74.

Le retour au Gold exchange standard en Dollar nous remettrait immédiatement dans la situation de la fin des années soixante.

En revanche la stabilité des changes et la responsabilisation des Etats vis-à-vis du taux de change de leur monnaie, malgré mille accrocs, avaient montré son avantage. Le plein emploi avait été assuré sachant que tous les pays tentaient d’aller au maximum de leurs capacités en se tenant à la limite du déraisonnable.  Tous sauf les Etats Unis.

En l’absence de possibilité de revenir à un étalon-or ou au GES dollar, que peut-on faire ?

Créer un système de changes fixes sans monnaie prédominante. Chaque Etat redevient responsable du taux de change de sa monnaie vis-à-vis des autres, sauf à être écarté du commerce international. Les déficits et les excédents excessifs sont prohibés. Une unité monétaire internationale est créée basée   sur un panier de valeurs à définir pouvant inclure l’or, le pétrole et ce qu’on voudra. Il est interdit d’inclure dans les réserves des banques centrales quelques devises que ce soit.

Le stock outil des devises pour chaque pays est géré par une instance différente de la banque d’émission. L’accumulation des devises étrangères n’a pour but que de faciliter les transactions  et ne peut pas servir à créer de la monnaie locale. La compensation des soldes des balances de paiement se fait en monnaie internationale, le FMI retrouvant son rôle de  régulateur. Les Etats unis sont à égalité de traitement que les autres et perdent leur droit de veto.

Le système global retrouve des responsables : les Etats et un gendarme le FMI. L’encadrement de la finance reprend son sens. Les opérations de « short » sur les monnaies sont interdites. Les mouvements de capitaux à court terme sont contrôlés autant que de besoin. Les entreprises retrouvent une boussole et une sécurité. Des plans d’action peuvent être définis qui ne sont pas à la merci de changements irresponsables de la valeur respective des monnaies ou de brusques coups de folies sur les marchés.

Dans cette affaire l’important est l’égalité des devoirs, la responsabilité des Etats, avec une régulation supranationale et la stabilité de changes fixes,  ajustables uniquement avec l’accord général.  L’idée centrale est celle d’un développement coordonné et général, sans déséquilibres majeurs, avec une pression vers le plein emploi.

Les changes flottants avec une monnaie nationale de fait devenue la monnaie internationale et une finance débridée ne peuvent pas permettre d’atteindre ces résultats. Cette triplette tragique doit être éliminée d’un coup.

Il faut utiliser la pédagogie de la récession avant qu’elle ne tourne à la dépression pour obtenir le changement nécessaire. On en est loin.  La majorité des responsables n’osent pas aborder la question des changes flottants, seuls quelques pays attaquent le rôle du dollar et pas nécessairement les plus recommandables, et la régulation de la finance se résume à la lutte contre les paradis fiscaux et à des mesures locales presque sans intérêt.

Jusqu’ici les autruches ont toujours cru que le débondement de la production de dollars suffirait à faire sortir de la crise (1974, 1982, 1987-1992, 1998-2003, 2008-2009), avec un abandon des disciplines budgétaires. Il se peut que cela suffise encore une fois, même si on peut douter d’une sortie de récession spontanée et de la qualité de la situation mondiale avec un système bancal et des acteurs totalement étouffés par des déséquilibres monstrueux et des dettes publiques ingérables.

Mais ce qui est sûr c’est que cette reprise ne pourra JAMAIS devenir la base d’une croissance équilibrée et durable et que le pire surviendra peu après avec une violence cette fois-ci si dévastatrice qu’il vaut mieux ne pas y songer.

Il faut réformer le système monétaire international et mettre fin aux changes flottants.

En urgence. 

Didier Dufau pour le cercle des Economistes E-toile

  

 

L’impossible retour aux accords de Bretton Woods

La réforme du système monétaire international est la grande absente de toutes les réflexions menées depuis le krach de septembre 2008. Le système des changes flottants  est un sujet quasiment tabou bien qu’il n’y ait aucun corpus économique important et convaincant justifiant son hégémonie. La contestation vient par un biais : la critique du rôle du dollar notamment par les pays dits du « bric », Brésil, Russie, Inde et Chine. Plusieurs d’entre eux ont accumulés des réserves en dollars immenses dont ils craignent que la valeur ne s’évapore.   Contrairement au Japon qui a accepté de se voir ruiné à plusieurs reprises par des baisses importantes du cours du dollar, ces pays ne sont pas alignés sur les Etats unis et peuvent exprimer leur inquiétude.

La création monétaire débridée de dollars par la FED leur fait craindre un effondrement de cette monnaie à plus ou moins court terme. Dans un système de change flottant si une opération de spéculation en ce sens était déclenchée, elle serait impossible à arrêter.  Si les Etats ne considèrent pas comme de leur responsabilité d’assurer une valeur externe de leur monnaie, et se concentrent sur sa stabilité  interne, mesurée par les prix à la consommation, rien n’empêche en effet un effondrement. Le yoyo du dollar est une réalité qui a fait passer sa valeur en euros par exemple du simple au double. Rien n’interdit de penser que le dollar ne puisse encore baisser fortement, bien qu’il soit déjà au plus bas. Les accords occultes entre la FED et la BCE réduisent actuellement les fluctuations entre Dollar et Euro. Rien n’indique qu’en cas de tourmente monétaire ce gentleman’s agreement pourra être maintenu.

L’effondrement du Dollar aurait des conséquences immédiatement cataclysmiques et entraînerait dans la foulée la fin du libre échange tel que nous le connaissons. En fait on se retrouverait ipso facto dans la situation qui avait prévalu au début des années trente lorsque le Dollar, après la Livre, avait été fortement dévalué. Le marché international des devises-papiers (fiat money pour les anglicisants) est incapable de trouver un équilibre rationnel quelconque en temps normal. Il l’est encore moins en cas de crise générale, et ne le serait plus du tout en cas de panique générale alors que les planches à billets fonctionnent à plein régime.

Chacun sent que le régime des changes flottants est une croute monétaire hyper fragile sur laquelle on ne peut avancer qu’en marchant sur les œufs et que si elle craque ce sera panique à bord et sauve qui peut.

C’est une des raisons pour laquelle nous affirmons depuis septembre 2008 que la première mesure qu’il fallait prendre était de stabiliser le système de changes avec responsabilisation des Etats vis-à-vis de la valeur extérieure de leur monnaie.

L’ennui c’est que le débat sur une réforme du système des changes n’est pas ouvert et que les solutions sont peu explorées et encore moins débattues. On parle d’un retour à l’étalon or sans véritablement en comprendre les contraintes qui sont sévères. Ou d’une restauration du système mis en place à Bretton Woods qui est peu souhaitable.  Il faut donc se projeter dans un autre univers que ceux que nous avons connus ce qui n’est jamais simples. On n’entre pas dans l’inconnu sans précaution. Comme aucun débat suffisamment général n’a eu lieu, les autorités ont l’impression que ce serait de l’aventurisme pur.  En cas de crise le premier réflexe est le repliement sur les certitudes et le confort des habitudes. Politiquement c’est ce qui explique le virage à droite initial de l’opinion dans les élections politiques. Economiquement, on fait bloc sur ses certitudes. En fait on se raccroche à ce qui est à portée de la main, même quand il s’agit de brindilles.

L’étalon-or n’a pas connu une période de généralisation très longue et cette période n’a pas été particulièrement heureuse. Jusqu’en 1873, c’est le bimétallisme or et argent qui régnait, non sans crises majeures. Il a été rendu impossible par la découverte de nouveaux filons et surtout de nouvelles techniques d’extraction d’or qui a provoqué des désordres monétaires continuels jusqu’à ce que l’argent soit démonétisé. Il s’en est suivi une première « grande dépression » à la fin du dix neuvième siècle particulièrement regrettable.

Peu de gens savent encore que le mode d’ajustement des balances extérieures en système d’étalon or est la déflation. Plus personne n’accepte la déflation. Les salaires sont quasiment fixés. L’Etat considère que ses recettes doivent être protégées à la baisse. Les grands groupes tiennent leurs prix. En un mot : le mode d’ajustement de l’étalon or est inopérant et ne serait plus toléré.  Imaginons que nous soyons en régime d’étalon or : la Chine aurait accumulé un tas d’or mais en provoquant une déflation proportionnelle aux Etats Unis.   Un rééquilibrage dur des échanges se serait alors produit avec baisse des salaires et des prix aux Etats-Unis.   Dans notre société basée sur les grands groupes, les syndicats, l’Etat omnipotent, il n’y aurait aucune chance pour que la potion soit avalée.  Les autres raisons souvent avancées pour refuser l’étalon or ne sont pas convaincantes.

Certes l’or est actuellement fort mal réparti et le seigneuriage donnerait des boni importants à certains. Mais une fois le système en place les stocks bougent et se retrouvent là où ils doivent être. La crainte d’un manque de liquidité du fait d’une insuffisance d’or est également infondée. La production d’or augmente à un rythme de 2 à 4% par an ce qui est le rythme hors inflation de la croissance. Quant aux hymnes à l’irrationalité d’un système qui consiste à faire des « trous dans la montagne », ils sont exclusivement polémiques et n’ont pas d’intérêt en soi. S’il fallait faire des trous dans la montagne pour avoir une croissance heureuse et durable, pourquoi pas ?

La vraie raison de l’impossibilité de l’étalon or est que ses mécanismes d’ajustement ne sont pas politiquement acceptables et ne correspondent pas aux nouvelles structures économiques. Elles ne fonctionneraient pas.

Le retour au système mis en place à Bretton Woods, le Gold-dollar exchange standard, ne convient pas plus. Rappelons que ce système consiste à ne définir qu’une seule monnaie convertible en or, le dollar, toutes les autres étant définies par un taux de change vis-à-vis du dollar.  Ce système de Gold exchange standard (GES), étalon de change-or en bon français, avait déjà été essayé après la guerre de 14-18 devant l’impossibilité pratique de revenir à l’étalon or : pratiquement tout l’or était centralisé aux Etats-Unis. Toute la période est marquée par des tourments monétaires continus. Jacques Rueff, un observateur particulièrement affuté, remarqua très vite que le GES avait été finalement le responsable principal de la crise de 1929.  C’est lui le père de la dénonciation de la « double pyramide de crédits »  que permet le système. Le pays qui a dispose d’une monnaie pivot finance ses déficits extérieurs par la création monétaire (facile : c’est sa propre monnaie qui sert de monnaie mondiale) en même temps que les excédents accumulés à l’extérieur finance également une même inflation de crédit. Le système est auto entretenu et au bout d’un moment on aboutit à des situations d’endettement global ingérable.  D’une part les crédits ne servent plus principalement à financer l’expansion mais la spéculation (la création monétaire va plus vite que le potentiel de croissance) ou l’inflation, d’autre part leur niveau par rapport au PIB devient tel qu’il est impossible de rembourser. On aura atteint en 1929  aux Etats-Unis un taux d’endettement de près de 400% du PIB en 1929. Il est facile de calculer le niveau démentiel de croissance qu’il aurait fallu pour payer les intérêts et rembourser le capital d’une pareille dette sans vendre le capital national. Ce sont les créanciers  qui ont payé.  Et l’activité.

A Bretton-Woods cette leçon n’a pas été tirée.  Les Etats Unis était devenue une hyper puissance. Elle détenait toujours l’essentiel de l’or du monde. Elle était la créancière de toutes les démocraties occidentales. L’économie européenne était par terre. La Livre britannique avait été totalement supplantée par le Dollar. Le retour à l’étalon or n’était pas plus concevable qu’en 1918. Les beaux esprits expliquèrent que si le premier étalon de change n’avait pas fonctionné c’était parce qu’il y avait trop de monnaies de référence. En fait toute monnaie convertible en or pouvait servir de réserves de changes susceptibles de justifier la création de monnaie dans les pays créditeurs dans ces monnaies.  Une banque centrale pouvait créer de la monnaie nationale à due concurrence de ses entrées de devises convertibles. La concurrence entre les émetteurs de monnaies « bonnes comme de l’or » déstabilisait le système. Ces défauts n’existeraient plus avec une seule monnaie triomphante et base de tout le commerce mondial, le dollar. Le monde ne risquerait plus la pénurie de monnaie internationale, comme c’était le risque supposé avec l’or. La puissance de l’économie américaine et son rôle directeur dans l’économie mondiale garantissait en fait tout autant que la référence à l’or la valeur de la monnaie de référence, et indirectement la valeur des monnaies des pays qui « ne feraient pas plus de bêtises que les autres ».  Les pays autres que les Etats-Unis  étaient tenus de faire  les efforts nécessaires pour maintenir la valeur de leur monnaie en dollar. Les Etats unis étaient tenus de garantir la valeur du Dollar en or.  En avant pour les « trente glorieuses ».

En vérité le système était vicié à la base.

 

A suivre ...

L’INSEE avoue (enfin) « une erreur de prévision »

On sait l’intérêt que nous portons sur ce site aux questions de statistiques économiques et de prévisions. Nous y avons déjà consacré de nombreux articles :

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2009/4/23/FMI--un-an-de-retard

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2009/4/12/Lettre-ouverte--lINSEE

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2008/12/8/Les-certitudes-dans-la-crise-mondiale--1--Labsence-de-prvisions-srieuses

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2008/8/22/Le-PIB-le-Pauvre-Indicateur--Biais--de-la-conjoncture

C’est évidemment une question centrale pour ceux qui comme nous essayons de raisonner sur les chiffres pour essayer de découvrir des tendances  et annoncer à temps certaines ruptures et qui nous retrouvons souvent en contradiction majeure avec les prévisions officielles et en crise de crédibilité avec nos interlocuteurs qui refusent par exemple de passer nos avertissements en excipant que les instances officielles ne pensent pas comme nous et que leur rôle n’est pas  de favoriser les élucubrations.

Nous nous sommes heurtés au moins quatre fois à ce genre de réactions :

          En 1997 lorsque nous affirmions que l’emploi était en pleine expansion alors que tout le monde annonçait « la fin du travail »  et que le gouvernement Jospin se lançait dans l’erreur majeure des trente cinq heures

          En 1999 lorsque nous annoncions le début de la crise décennale pour la mi 2000 aux Etats unis et 18 mois plus tard en France et accessoirement lorsque nous critiquions l’idée de la croissance perpétuelle sans crise grâce à internet et l’économie de l’information sans stock

          En 2003 lorsque nous écrivions que Greenspan se trompait et qu’on sortait pour la seconde fois d’une crise en créant les conditions d’une crise subséquente plus grave

          Depuis début 2006 date à laquelle nous n’avons cessé d’avertir qu’une crise sévère était en préparation  et dont nous avons constamment précisé la date du retournement et sa gravité.

On voit qu’il ne s’agit pas d’un plaisir de Cassandre : l’annonce d’une reprise forte de l’emploi était plutôt sympathique !

L’Insee reconnait une erreur de prévision  dans son dernier Bulletin de Conjoncture (http://www.insee.fr/fr/indicateurs/analys_conj/archives/mars2009_ve.pdf ) :

« Au quatrième trimestre 2008, le PIB s’est contracté de 1,2 % (cf. graphique 1), ce qui représente un écart de -0,4 point par rapport à notre dernière prévision (-0,8 % dans la Note de conjoncture de décembre).Cette erreur de prévision est imputable principalement à la très forte contraction de la production manufacturière au quatrième trimestre qui a été sous-estimée (-7,6 % contre -4,0 % anticipé) ».

 

Cette reconnaissance est bienvenue. D’autant que le même bulletin avertit que les modèles de prévisions utilisés sont peu adaptés aux circonstances exceptionnelles que nous traversons. Ce qui annonce d’autres prévisions très incertaines.

Cette prudence ne doit pas nous empêcher de remarquer que l’erreur n’a pas seulement concerné le dernier trimestre.  Avec les dernières révisions, l’Insee admet que la France est en récession depuis pratiquement un an, comme nous n’avons cessé de la dire.  Et pendant un an on a vu le gouvernement nier ou minimiser la crise en s’appuyant sur ces prévisions fausses.  On se souvient du débat ridicule de septembre 2008 où Mme Lagarde expliquait qu’il n’y avait pas de récession en France qui faisait mieux que tout le monde (comme le nuage de Tchernobyl, la crise épousait nos frontières sans les pénétrer)  et le débat budgétaire psychédélique mené par M. Woerth sur des bases sottes au point d’être irresponsables.

La question de base est que le modèle utilisé pour la prévision est entièrement basé sur des estimations elles mêmes fruit d’une estimation économétrique de tendance. En gros on estime que ce qui est  va perdurer sauf évidence d’un élément contraire chiffrable.  Résultat : les chiffres de l’Insee, comme ceux d’Eurostat ou du FMI ont constamment couru derrière la réalité parfois avec un retard effrayant.  

Il n’y a pas de véritable RAISONNEMENT sur la conjoncture. Donc on ne prévoit pas les ruptures. Les conjoncturistes de l’INSEE (et c’est encore pire pour ceux de la Banque de France) n’ont pas d’outils intellectuels pour anticiper les ruptures. Dans tous les textes que nous avons envoyés aux uns et aux autres  nous avons toujours annoncé la crise en essayant de rester le moins technique possible sachant que cette technique aurait été aussitôt ou incomprise ou rejetée comme non pertinente compte tenu des manières de penser en cour (cad de l’absence de toute pensée remplacée par des modèles).   Notre alerte était toujours basée sur deux thèmes faciles et n’entraînant pas trop de réserves a priori : attention le cycle existe  et on va nécessairement vers un retournement ; attention les déséquilibres financiers sont tels qu’ils ne peuvent conduire qu’à la catastrophe.  Avec cela en tête il était facile de collecter les signes précurseurs du retournement (par exemple fin 2006 le retournement du marché de la construction immobilière aux Etats unis) ou de la crise financière (par exemple le blocage de l’été 2007 sur les subprimes et les différentes faillites bancaires successives).  Il était relativement aisé de prévoir que la crise serait très forte, au moins aussi forte que celle de 93 ou 74.  Pendant toute le premier semestre 2008 les journaux n’ont cessé de bruisser des avertissements d’une crise sévère. De nombreux journaux ont posé la question : va-t-on vers une récession rapide voire une crise de 1929 ?  Nous avons répondu à certains de ces questionnements. Toujours en annonçant une crise sévère.

Le FMI comme l’INSEE ont été totalement imperméables à ces avertissements et ont perduré dans l’application bestiale d’estimations irréalistes nourrissant des théories aussi absurdes que celles du découplage.  Faute de théorie et avec juste en main des outils statistiques de répétition du passé, les conjoncturistes officiels ont été totalement incapables de donner des indications sur ce qui se passait et encore moins sur ce qui allait se passer.

La statistique économique sans pensée économique n’est que ruine de l’âme.

Du coup il n’y a pas eu de politique économique. Pendant la campagne présidentielle nous n’avons cessé d’alerter le camp Sarkozy sur le fait qu’il devait anticiper un récession pendant le futur mandat présidentiel et le camp Ségolène de l’irréalisme et même la bêtise qu’il y avait à faire financer des dépenses somptuaires par une croissance qui ne serait pas là !  Compte tenu des prévisions officielles  qui ne disaient rien de tel, nos affirmations sont passées (au mieux) pour des calculs politiques  de mauvais aloi.

Ce n’est qu’aujourd’hui, soit avec un an de retard, que les autorités sont en face d’un bilan réaliste de ce qu’a été l’économie depuis le début 2007. Et il est clair que le gouvernement a été totalement dépassé par les évènements et que sa politique a été totalement déphasée, tout comme celle de la BCE qui rappelons le imaginait un scénario de reprise de l’inflation pour le second semestre 2008 et avait augmenté ses taux d’intervention en pleine crise de liquidité des banques (qui durait depuis un an).

 Les erreurs de statistiques sont l’amère  progéniture de l’absence de théories économiques. Il n’est pas difficile de prévoir qu’un endettement qui va atteindre 400% du PIB va s’effondrer. Il faut simplement regarder cette réalité en face,  la considérer comme pertinente et fouiller la réalité bancaire pour voir où les fissures se font jour. Quand la crise de liquidité sur le marché interbancaire s’est produite, il est à peu près certain qu’aucun des statisticiens ou « économistes » de l’INSEE n’avait la moindre idée du marché des subprimes et de son développement, pas plus que celui des CDO et des CDS. Il y a eu depuis un rattrapage à marche forcée qui fait qu’une analyse du phénomène est proposée dans le même bulletin de conjoncture près de deux ans après les faits !  Bonjour la capacité d’anticipation…

Il est vrai que l’économie bancaire est le secteur le plus mal traité de l’économie et celui des finances internationales le plus mal traité de l’économie bancaire.  Comme l’information diffusée par les banques est en général totalement fabriquée, le cumul d’un traitement hésitant de statistiques fausses par des statisticiens privé

Des idées qui font leur chemin ?

Voici cinq  idées qui ont fait leur chemin depuis 7 mois.

       1. La nationalisation temporaire des banques

On ne compte plus les organismes ou spécialistes qui pensent désormais que ce serait la meilleure solution et parmi elle le FMI et une partie de l’Administration américaine ce qui ne manque pas de sel.   Lorsque nous avons fait cette suggestion, immédiatement  après le krach, elle avait paru bizarre, sous la plume d’économistes pas particulièrement tentés par les idées socialistes.

       2.  La contestation de la banque  mammouth et universelle

De très nombreuses voix aussi bien du côté des économistes que des banquiers centraux que des politiques remettent en cause ces géants « too big to fail », trop grands pour être bien gérés, trop polyvalents pour ne pas accumuler les conflits d’intérêts, trop coûteux pour les ressources des nations censées venir à leur secours et trop puissants pour garantir l’indépendance des Etats.

      3.  L’incapacité de la finance à trouver son chemin toute seule

Les théories basées sur l’idée qu’une finance libre, informée et sans contraintes  affecterait magiquement  les ressources disponibles au mieux des nécessités  est morte et enterrée.  C’est évidemment la question de l’information  qui est au centre du fléchissement de la doctrine.  On est plus dans la psychologie comportementale de foldingues gloutons et  moutonniers  que dans l’analyse rationnelle de faits bien analysés par des agents bien informés.  Lorsque l’horizon utile  de la finance descend en dessous de 8 minutes,  on peut douter que la croissance durable et équilibrée à long terme soit au menu.  Et que reste-t-il de la prétention de certains à noter la qualité du papier financier échangé ?

       4. Le caractère trop spéculatif et « courtermiste »  des comportements

Hedge funds mobilisant des sommes colossales suffisantes pour peser sur les marchés  et manipuler les cours, et utilisant des techniques  comme la vente à découvert pour provoquer des mouvements  auto réalisateurs ;  importance excessive des salles des marchés ;  pression excessive des fonds de pension  pour une rentabilité immédiate, la durée moyenne d’un placement n’excédant pas un an ;  recherche d’un gain fiscalement avantageux sur des plus values de stocks options  par des dirigeants de grandes entreprises qui ne regardent plus au-delà du prochain jackpot ; abus de chirurgie financière  dépeçant des entreprises ou les portant à court terme à des fins de plus values  immédiates après restructuration brutale.   Recherche de la plus value de préférence au chiffre d’affaire et orientation « haut de bilan », voire hors bilan  et non plus « compte d’exploitation ».

      5.  La nécessité d’une plus grande « stabilité financière »

Il ne manque pas une voix pour chanter les vertus de la stabilité financière « indispensable ».  Du G.20 aux discours des banquiers centraux en passant par tout ce que les classes politiques  comptent d’importants, partout le maître mot est « stabilité ».

 

Il va sans dire tous ces constats  vont ensemble.  Si la finance n’était pas devenue quasi exclusivement spéculative,  si elle était rationnelle et bien informée,   si la course à la taille  n’avait pas conduit aux pires dérives,  si l’instabilité n’avait nourri des stratégies ultra dangereuses mais aussi ultra lucratives, il ne serait pas nécessaire de  nationaliser les banques pour restructurer le secteur.   

L’ennui c’est que ce constat devenu banal ne débouche sur aucune réelle décision. Les bonnes idées font leur chemin, mais elles cheminent dans une impasse.  Aucune décision n’est  prise parce qu’en fait tout le monde est paralysé par la dictature de l’existant, l’inertie des habitudes, les réseaux d’intérêt et l’incapacité de se projeter dans l’avenir avec un minimum d’idée sensée.  L’obligation de décisions identiques à l’échelon international ne conduit pas  à fluidifier les choses.

Si le bon diagnostic est celui d’une montagne de dettes grossie indéfiniment  par les déficits fabuleux des balances de paiement internationaux  et provoquant une création monétaire déraisonnable qui vient juste de s’écrouler,  il soulève deux questions cruciales :

-          Comment minimiser les conséquences et permettre une sortie de crise rapide et pas trop coûteuse ?

 -         Comment éviter que cela ne recommence ?

On l’a répété mille fois (et peut être plus) sur ce blog. Si la cause des déséquilibres est dans le système de change, il ne peut y avoir de solution sans remettre en cause le système de change.  Faute de l’avoir fait et même de l’avoir simplement imaginé,  on a laissé le moteur de la crise  tourner à plein régime.  Il fallait dans l’instant abandonner le système des changes flottants et rendre les Etats responsables de leur solde de balances de paiements devant la communauté internationale.   Si on chemine dans une impasse, c’est d’abord parce qu’on s’est mis un sac sur la tête et qu’on a refusé ne serait-ce que de regarder au-delà du bout de son nez .  Ce n’est plus de l’aveuglement. C’est de la cécité volontaire et entretenue.

D’autre part si on assiste à l’effondrement mondial d’une montagne de dettes, on devrait concevoir que ce n’est pas l’endroit où se trouve la dette en défaut qui compte d’un point de vue macroéconomique,   mais qui doit payer les pertes.   En toute logique ce sont les émetteurs de ces dettes  et ceux qui les ont fabriquées et diffusées qui doivent trinquer en premier,  alors que l’idée qui prévaut est de ruiner le créancier  et de répartir le reste de la charge sur les contribuables d’aujourd’hui et de demain. La meilleure recette pour avoir une crise dure  et interminable.

On prétend sauver les dépôts en sauvant les banques coupables. Mais pourquoi diable les dépôts doivent-ils  être en danger quand les banques de crédit font des sottises ?  La réforme mille fois envisagée dans l’histoire  du système des dépôts  qui voudrait que les dépôts en soient vraiment et qu’ils ne puissent être utilisés dans la trésorerie des banques pour leurs besoins de crédit  provoquerait certes un changement radical des habitudes. Les banques de crédit seraient obligées de trouver leurs ressources sur le marché monétaire, l’épargne des particuliers et des entreprises étant sollicités EXPLICITEMENT en ce sens et non pas IMPLICITEMENT ET AUTOMATIQUEMENT comme actuellement. 

La gestion des dépôts et des systèmes de paiements est une activité de service à peu près sans risque.  Elle ne demande pas des qualités de banquiers mais de prestataires de services : bonne organisation,  excellente informatique, politique marketing adaptée.  Si les dépôts en sont vraiement et non des prêts masqués, Il ne peut plus y avoir de ruée sur les dépôts et  les  agents économiques sont à peut près sûr que leur épargne liquide n’est pas menacée. Cela éviterait de nombreux comportements paniquards désastreux et  serait de nature à ne pas miner la confiance générale.  La question structurelle deviendrait simplement  d’éviter les concentrations de réseaux excessives   et les atteintes à la concurrence. Le développement  international de ces sociétés de service pourrait être envisagé sans difficultés. Après tout,  qu’un bon gestionnaire parvienne à obtenir des parts de marché partout où il est excellent n’a pas d’inconvénient.   Cela permettrait de faire sauter les obstacles structurels à la concurrence  comme la complicité en France des hauts fonctionnaires et des banquiers  (ils baignent dans le même vivier) et les syndicats professionnels  abusifs qui au nom de la « sécurité » des dépôts multiplient les entraves à la concurrence et les opérations conjointes à tarifs excessifs.  

Quand le débat existe sur ce projet, c'est-à-dire pratiquement jamais, et dans des lieux non publics, l’argument employé par les tenants du statu quo est « le risque d’assèchement des liquidités » et  sa variante : « la montée de la thésaurisation ».  En gros l’argument c’est qu’en trompant les déposants qui en général ne savent pas qu’en réalité ils ont fait un prêt gratuit à leur banque quand ils y déposent des sommes,  on assure le financement de l’économie.   C’est une hypothèse intéressée et très aventurée. D’ores et déjà les agents économiques gèrent le mieux possible leur trésorerie. Les moins négligents parviennent à maintenir un solde non placé le plus faible possible.   Ce qui serait théoriquement perdu serait ce simple solde « de négligence ».  Mais en fait, les agents seraient encouragés à prendre des décisions de placement liquide  pour leur propre compte et en faisant jouer la concurrence. Les banques de crédit seraient obligées de faire quelques efforts pour leur proposer des produits attractifs.  Au total un client autonome et prenant des décisions en fonction d’une offre plus attrayante serait certainement plus motivé et globalement économiquement plus utile qu’un client enchaîné et privé de choix.  Les banques de crédit s’alimenteraient sur les marchés monétaires et  financiers : c’est à la banque centrale de régler la liquidité générale.  Et s’il manquait de monnaie il ne serait pas très difficile de faire face.

La nationalisation temporaire des banques aurait un sens  dans cette perspective. Les activités de banque succursaliste de gestion des dépots et des paiements pourraient être immédiatement détachées : elles sont saines par nature. Et ont une valeur propre importante.  Mettre aux enchères les réseaux  permettrait immédiatement de lever les fonds nécessaire à l’amortissement des pertes  sur dettes.  Personne n’a cherché à valoriser ce que représentent en valeur patrimoniale les réseaux de succursales des grandes banques anciennement de dépôts.  C’est une lacune gigantesque. A notre sens elle montrerait que cette valeur est supérieure à la valeur boursière actuelle des banques considérées !   On imagine le levier pour renflouer ce qui peut l’être !

Cet acte fondateur étant fait, la question  devient beaucoup plus simple : on interdit les liens dangereux  entre banques et assurances (une banque de crédit  ne peut faire assurer les risques, sa rémunération ayant pour seule justification  les dits risques !).  On sépare les activités de crédit des opérations de spéculation pour compte propre.  Le scandale d’une Société Générale qui met les dépôts à risque en faisant fonctionner à plein ses salles de marché (c’est un exemple : c’est presque partout le cas) serait définitivement réglé. La séparation radicale entre les émetteurs de produits financiers et les gestionnaires de fortune, associée à la transparence des rémunérations de ceux qui exécutent des mandats,  l’interdiction de certaines pratiques dangereuses comme les ventes à découverts en certaines circonstances et sur certains marchés financiers,  l’obligation pour les banques d’affaires de fonctionner dans le cadre d’une commandite,  l’impossibilité d’intervenir sur les marchés à partir de centres non régulés, formerait alors un cadre complémentaire logique de nature à éviter les principales défectuosités du système financier mondial sans remettre en cause la création de sociétés transversales et concurrentielles  à travers le monde.  Il n’est pas nécessaire dans un tel cadre de localiser les banques sur un territoire fermé. 

On voit que ces restructurations ne sont pas  si difficiles que cela. Et qu’on peut aboutir vite à une organisation nouvelle parfaitement opérationnelle.  En vendant les parties utiles  des banques  nationalisées temporairement, on diminuerait  de façon drastique l’encours de fonds à faire garantir par les Etats  ou  à faire payer au contribuable.

Il va de soi que les changes n’étant plus flottants et les Etats responsables de leur balance des paiements, les occasions de  spéculation diminueront de plusieurs magnitudes comme on dit dans les congrès pédants.  Touts les crédits pochettes surprise pourraient  être restructurés  pour limiter les causes de nouvelles pertes.  Le calcul économique des entreprises redeviendrait possible sachant que désormais les flux de marchandises reprendront le pas sur les flux monétaires.

On s’extasie à penser que ces mesures auraient pu être  prises dès le printemps 2007, quand il est devenu évident que le système allait sauter.   Ou  même encore comme nous l’avons immédiatement conseillé,  dès septembre 2008 ou au moins lors du G.20 de Washington.  Au lieu de cela on n’a pensé qu’à déverser des milliers de milliards d’Euros ou de dollars pour éviter une crise systémique du système des dépôts qui pouvait être sauver à bien moindre frais !  En ne faisant aucune réforme de structure.  

Et en se réjouissant lorsqu’un mammouth national comme la BNP  a réussi à piquer les dépôts d’un diplodocus  plus en difficulté comme Fortis, sans se rendre compte qu’on a ainsi créé les conditions de nouveaux pouvoirs excessifs, de nouvelles rémunérations aberrantes, et de nouveaux risques majeurs, car les dépôts récurrents du réseau Fortis n’ont qu’une seule  destination : éviter la crise de liquidité à la BNP pour sauver la peau des dirigeants  de cette banque et leurs divers plans de constitution de fortune personnelle.   C’est la même chose aux Etats-Unis ou au RU où on a pensé trouver des solutions en concentrant les réseaux de banques : l’inverse exact de ce qu’il fallait faire.  Les rêves de puissance ont continué à l’emporter sur l’intérêt général bien compris.  

Nous sommes dans l’impasse.  On y pense parfois juste. Mais on n’agit pas. La dichotomie entre la pensée et l’action est absolument totale.  Le cerveau n’est plus connecté aux membres. On est dans le songe.  Tout le monde rêve que cela s’arrangera avec un peu de patience sans rien faire d’autre qu’aligner l’argent des contribuables d’aujourd’hui et de demain. L’histoire sera dure avec l’aveuglement des  dirigeants de cette tragique époque.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

 



Deux histoires très révélatrices

Nous autres, « anglo-saxons », comme on dit en Europe continentale, il faudrait sans doute utiliser les supplices de haut degré du moyen âge pour nous faire avouer que les changes flottants posent quelques problèmes que ce soit et qu’ils ont permis des dérives financières désastreuses . 

La variabilité des cours de change est vue à l’image des fluctuations de la météorologie.  On peut penser que certaines forces sous jacentes agissent et qu’elles soient sous la responsabilité de quelques dérèglements de la conduite humaine.   Mais nous sommes bien convaincus que nous n’y pouvons rien  sauf à invoquer la bienveillance des Dieux  comme nos ancêtres le faisaient lorsqu’un nuage de sauterelles se révélait particulièrement désastreux.

Mais nos journalistes aiment les cas concrets et livrent des exemples qui peuvent faire réfléchir même un « anglo-saxon ».


Le New York Times nous livrait il y a quelques jours  la navrante histoire de ce milliardaire chinois  créé de toute pièce par la finance « internationale », en fait un groupe de hedge funds et de banques  d’investissements,  selon le scénario suivant.   Le but ultime : engranger une formidable plus value sur la bourse de Shanghai représentant sans doute 100 ou 200% du capital investi.  Ce que nous appelons du « big business ».  On trouve un jeune chinois capable d’incarner les triomphes du capitalisme. On lui prête des sommes astronomiques. On lui fait acheter des milliers d’hectares de terrains et on soutient son entreprise de promotion dans la construction de villes entières.  On multiplie les reportages sur le jeune « tycoon » si représentatif d’une Chine triomphante.  On attend que les premières barres d’immeubles soient commercialisées pour mettre en bourse  l’immense société entièrement montée à crédit et on fait une gentille culbute. On rembourse les prêts et on a gagné quelques milliards de dollars bien venus.

Cette histoire nous change des idées habituelles sur l’industrieux chinois dont la sagacité commerciale et les bas salaires permettent de damner le pion aux industries occidentales.   Depuis 2003 la bourse de Shanghai a connu une telle envolée  qu’elle ne pouvait que durer éternellement.  La finance mondiale se devait d’être là et de ratisser vite et bien les plus values qui s’offraient.  Les milliards de dollars se retrouvaient dans la poche du gouvernement chinois qui ne savait guère qu’en faire.   Alors il le plaçait en bons du trésor américain. Où ils étaient immédiatement remis dans le circuit et servaient à d’autres opérations miraculeuses en Chine du même tabac que celle qui vient d’être racontée.

Naturellement la bulle explosa en septembre 2008.  Les énormes constructions  construites sont vides et les autres sont arrêtées là où elles en étaient. Les ouvriers sont rentrés par millions  dans leurs campagnes.  Les énormes containers qui apportaient de quoi fabriquer  ces villes nouvelles  restent vides. Les bateaux qui les transportaient s’accumulent à l’entrée des ports. 

Les plans de relance chinois sont totalement incapables de faire face à ce genre de situation.  Les hedge-funds lèchent leurs plaies et tentent de rembourser avec ce qu’ils peuvent encore rassembler   les investisseurs traumatisés qui leur avaient fait confiance. Les banques américaines tentent d’expliquer à la FED que leurs actifs  chinois sont de merveilleux actifs qui pourraient faire l’objet de refinancement « non conventionnels ».  Les banques européennes qui se sont syndiquées avec ces belles opérations font de même auprès de la BCE. Bonne chance !  Le contribuable américain commence à devenir nerveux, comme le contribuable européen. Le gouvernement chinois aussi avec ces milliards de dollars créés sur du vide dont il craint qu’ils ne lui glissent entre les doigts. Le G.20 met l’Uruguay sur liste noire avant de tenter le gris, soulevant l’enthousiasme absolu de tous les media.

Bref nous sommes sauvés.

Pourquoi raconter cette historiette ? Peut-être pour faire comprendre que la crise n’est pas seulement et peut être même pas principalement celle des crédits hypothécaires bonifiés et « subprimes ».   Absolument tous les circuits économiques étaient pervertis.  Le dérèglement du système monétaire international avait   généré des bulles prêtes à exploser absolument partout et dans tous les compartiments de la finance.

Quand les premiers craquements  se produisirent, ce sont des explosions en série qui se succédèrent  ruinant et paralysant tous les circuits internationaux de financement et tout le commerce international. Par milliers les opérations du même type en Chine et ailleurs s’effondrèrent faisant disparaître le capital des banques mêlées à ces « juteuses » spéculations.  

Elles le firent en une seconde, car en une seconde les promesses de la bourse de Shanghai s’envolèrent à jamais. Elles s’envolèrent partout. Tous les salariés qui un peu partout dans le monde fournissaient la matière réelle de ces constructions psychédéliques sont au chômage, sans aucun espoir de revoir leur poste de travail avant quelques décennies.   On comprend mieux pourquoi en moins de trois mois toute l’économie monde s’est recroquevillée.

Pendant ce temps dans le même exemplaire du NYT le journaliste économique récemment nobélisé, Krugman, se moque du gouvernement chinois qui n’a pas su quoi faire de ces dollars prêtés à pertes par la banque occidentale à des entrepreneurs faillis.    Cela ne sort pas de la crise mais cela détend.

L’autre histoire est racontée avec malice par The Economist  qui se moque gentiment des difficultés du gouvernement japonais.  Il suffit de traduire :

« Les exportations du Japon ont connu un boom  lorsque le Yen était  sous évalué (« super cheap »), et la dépense américaine en plein délire (« consumer binge »). Le Japon n’a connu ni bulle immobilière, ni bulle de crédit. Mais le Yen faible  a permis aux exportateurs japonais  d’étendre leurs capacités de production  dans l’espoir que ces conditions perdureraient.  Il en a résulté un défaut majeur d’allocation des ressources.  Quand le Yen s’est envolé l’année dernière et la demande étrangère s’est arrêtée, la bulle de fabrication japonaise a explosé. En 2008 les exportations ont été divisées par deux. »

N’importe qui en conclurait que les changes flottants sont décidemment une catastrophe qui entraînent  des erreurs de vision et qu’il faut rapidement faire quelque chose sur cette question.

Mais non.  C’est le fruit particulier de l’idéologie que les faits peuvent être éclairés avec la lumière la plus intense sans déclencher la moindre réflexion.   Ces deux historiettes  montrent bien que les déséquilibres financiers colossaux et les fluctuations aberrantes de changes  sont à la source des difficultés gravissimes actuelles.    Mais il est inutile de chercher la moindre ligne en ce sens.  Les flots tumultueux de la finance libre dans un monde sans digue donnent  à écrire mais pas à penser encore moins à panser.

Les esprits audacieux pourront essayer de jauger l’efficacité des mesures prises par le G.20  en les appliquant à nos deux histoires.

Lewis Holden pour le Cercle des Economistes E-toile

Une notion controuvée : le prêt « toxique" !

Une grande partie des discussions qui ont lieu depuis le début de la crise ouverte, à  la mi-septembre 2008, porte sur l’élimination des actifs «toxiques » des banques qui les empêcheraient de faire normalement leur travail.

Cantonner ces actifs dans des structures ad hoc serait la clef de toute solution rapide.  Le plan Paulson avait cette ambition.  On a vu qu’il n’a pas marché, l’argent étant redéployé vers le renforcement du capital des banques.  On voit renaître cette préoccupation avec le plan Geithner, le successeur de Paulson , qui est extrêmement complexe et connaît  les mêmes difficultés. Pourquoi ?

La crise est due à un surendettement global massif. Les dettes ont fini par atteindre aux Etats-Unis près de 400% du PIB et on est très au dessus de 300% en Europe. Ne parlons pas de l’Islande !

C’est cette montagne de dettes qui s’est effondrée dans un grand coup de tonnerre. 

Il faut bien comprendre ce que cela représente, 400% d’encours d’endettement ! Imaginons que la durée moyenne globale des prêts soit de 4 ans : cela veut dire qu’il faut rembourser un principal de 100% du PIB chaque année, auquel il faut ajouter les intérêts. C’est clairement impossible !  Un pays ou le monde entier ne peut pas consacrer tout son revenu à rembourser des emprunts.    Si la durée moyenne est de 16 ans,  on voit qu’il faut tout de même consacrer le quart du PIB  aux remboursements et  le cumul des intérêts devient terrifiant.
On notera que la nature de la dette est sans importance dans l’affaire : qu’elle soit publique ou privée, qu’elle porte sur telle ou telle catégorie d’actifs n’a strictement aucune importance.

En un mot, à ces niveaux d’endettement tous les prêts sont toxiques pour la simple raison qu’ils ne peuvent plus espérer être tous  remboursés !

Nous étions  arrivés à cette situation où pour chaque transaction commerciale intérieure on constatait dix transactions  financières et pour chaque mouvement de marchandises international  cent mouvements de capitaux.  Croire que tout cela était durable était évidemment une fantasmagorie.

Il fallait que quelque chose craque. L’amorce de la crise est passée par le blocage des crédits hypothécaires. C’est assez normal : ce sont les prêts les plus longs et ils ont fini par être financés par des soldes de trésorerie de SICAV monétaire !    Mais en fait tous les prêts, qui sont des espoirs de remboursements sur des produits futurs,  étaient en danger et l’ensemble des circuits économique menacés de congestion immédiate et intense, une fois que l’évidence de l’impossibilité du surendettement aurait gagné l’opinion publique.

C’est une des raisons de l’affaissement immédiat et radical de tous les circuits économiques et pas seulement de la filière des subprimes (qui est arrêtée  de jure  depuis juillet 2007 mais l’était de facto dès la fin 2006).

Démondialisation, déleveraging, dégonflement des bilans des banques, tout cela va ensemble.

L’épargne s’est repliée en urgence vers la liquidité, ruinant  les  bourses  et ajoutant une crise d’illiquidité à une crise de solvabilité des banques.

La réponse des Etats a été de sauver les banques pour ne pas en plus ruiner les déposants.  Les banques centrales et les Etats ont repris une partie de la dette à cet effet. Mais globalement on ne voit pas que cela change l’image générale de la crise. 

La spéculation dont le jeu faisait ou défaisait les cours des matières premières s’est largement arrêtée, la crainte de pertes immenses faisant fondre les ressources des hedge-funds à grande vitesse.  L’achat à crédit s’est effondré touchant les produits les plus chers, avec un quasi arrêt de la vente de voitures, d’immeubles, d’équipements divers.  La peur de manquer a fermé les portefeuilles pour les dépenses non indispensables. 

La bougie économique s’est consumée  par les deux bouts.

Tous les encours de prêts « sains » correspondant à une activité économique régulière sont désormais  devenus « toxiques ».

On voit que la notion de cantonnement d’actifs toxiques à ces échelles  n’a pas grand sens, que la reprise des encours de prêts de banques par la banque centrale ou l’Etat a des limites et que la dynamique de la «crise » est encore là pour un moment.

Il n’y a pas de solution simple. 

Il faudra bien en passer par des pertes massives sur les prêts aventurés.  Elles ont d’ailleurs largement eu lieu. La restructuration de la dette en supprimant les prêts à clauses « pochette surprise », en allongeant les termes et en réduisant les intérêts à presque rien aurait apporté son bénéfice.  Elle est rendue extrêmement difficile par l’existence d’un système de changes flottants et le caractère international des engagements financiers.  Faute d’intelligence de la situation et de levier politique, la question est traitée par prétérition.

Mais surtout il faut redonner un horizon économique aux producteurs et aux consommateurs.  Ils sont aujourd’hui congelés. Tous les circuits financiers et économiques internationaux sont à l’arrêt. Les déformations de trafics commerciaux  imposées par le gonflement des mouvements de capitaux à des sommets intenables et aggravées par des changes en folie,  sont caduques.

Plus personne ne sait qui est qui et où l’on va. Les plans de relance nationaux ne fonctionnent pas  parce que personne ne sait à quelle nouvelle structuration des échanges internationaux ils vont conduire ni s’ils ne vont pas créer à nouveau des déséquilibres intolérables de balances des paiements.

On est bien loin des subprimes, des normes comptables, des agences de notation, des bonus et des stocks options.  On est bien loin du G.20 et des mesures qu’il s’apprête à prendre.

Le plut tôt les gouvernants auront abandonné l’idée que nous vivons une crise des subprimes aggravée par la dérive des contrats mathématiques complexes mal jugés par les agences de notations, alimentés par la cupidité  et trahis par la comptabilité, le plus tôt on sortira de l’aveuglement.  Et le plus vite on pourra mettre de côté des fausses mesures qui sont autant de coups d’épée dans l’eau.

Si le monde avait pu être sauvé en mettant en réserve les 7% de prêts du marché immobilier international qui était aventurés, ce qui est la mesure de toxicité offerte par les experts du secteur,  il le serait déjà !   Il n’y a plus de subprimes ; les agences de notation  font désormais plus qu’attention ; les 200.000 salariés des banques qui travaillaient dans le secteur des prêts adossés sont sur le carreau et les gouvernements ont tous autorisé des changements de méthodes comptables pour certains prêts.  Les hedge funds ont pris une raclée mémorable qui va les calmer un certain temps.

Pourquoi diable  dans ces conditions le G.20 se réunit-il ?

Tout cela est un théâtre d’ombres.  Il est plus que temps de revenir aux réalités.  

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile

Une question bien mystérieuse

La banque Lehman Brothers a fait faillite en septembre 2008. Elle était actionnaire de la Federal Bank of New York, la principale des douze banques régionales américaines.

Qui a récupéré ses actions ?

 

Lewis Holden pour le Cercle des économistes E-toile.

La crise s’approfondit : pourquoi ?

La crise s’approfondit : pourquoi ?

Six mois après le début de la crise non seulement il n’y a aucun vrai signe de reprise mais tout le monde voit qu’elle s’approfondit et s’amplifie.  Pourquoi ?

Trois événements récents dont la presse a donné ces derniers jours une large couverture donnent quelques clés d’interprétation.

1.    Le Japon disposait d’un aimable excédent commercial de 900 milliards de Yen chaque mois. La voici en janvier avec un déficit de même ampleur. Un basculement radical.  S’agit- il d’un effet  retard des diaboliques « subprimes » ?  Pas du tout.  Simplement le Yen a vu sa valeur multipliée sur le marché des changes. Plus aucune entreprise nippone ne peut exporter sur un marché international par ailleurs bloqué.  

Voici un exemple presque caricatural du mécanisme qui fait des changes flottants un facteur d’aggravation de la crise.

2.    AIG, le principal assureur mondial, vient à nouveau à la gamelle auprès de l’Etat américain. C’est la troisième fois. La société ne parvient même pas à rémunérer les apports en capital de l’Etat. Les sommes en cause sont prodigieuses : plusieurs centaines de milliards de dollars.  Est-ce encore un coup  de pied de l’âne des « subprimes ».  Pas du tout : la banque assurance est la cause principale. Les prêts des banques ont été garantis par AIG. La faillite de Lehman Brothers  a entraîné illico celle d’AIG qui dès le LENDEMAIN s’est présentée aux autorités avec sa sébile. 

La cause immédiate de la nouvelle faillite est l’évolution malsaine des CDS, les Crédit default Swap. AIG en a souscrit pour des milliers de milliards. La plupart concernait des opérations de prêts avec clauses sur taux d’intérêt ou sur cours de change, avec des points d’intervention dépendants d’écarts considérés comme peu probables  sur des indices ou des devises. La crise ayant provoqué le chaos sur les marchés des changes et les marchés de taux, les contrats se sont déclenchés les uns après les autres. AIG  ne peut plus faire face.

Rappel : le marché des CDS est passé de 6,396 milliards de dollars américains à fin 2004 à 57,894 milliards à fin 2007. Si vous avez entendu le FMi s'inquiéter pendant cette période vous avez gagné !

Voici un exemple presque caricatural du mécanisme qui fait des changes flottants un facteur d’aggravation de la crise.

3.    Le chaos sur les marchés des changes des Pays de l’Est récemment tournés vers l’Europe occidentale provoque des graves difficultés pour les banques qui ont soutenu de leurs prêts ces pays en plein rattrapage. On découvre ainsi que les banques  d’Autriche ont  des en cours équivalents au PIB du pays (l’Islande doit se sentir moins seule) ! La hausse des taux d’intérêt dans ces pays bloque l’activité. La dévaluation rend les remboursements en monnaie étrangère et notamment en Euros impossibles.  Les deux mécanismes se cumulant, les banques voient exploser leurs crédits « non performants ».  L’ampleur des pertes est telle que même l’Euro en est déstabilisé et que les rumeurs enflent sur la possibilité de l’éclatement de la zone Euro !

Voici un exemple presque caricatural du mécanisme qui fait des changes flottants un facteur d’aggravation de la crise.

Nous disons depuis la mi-septembre 2008 que la  première mesure à prendre d’urgence est l’abandon des changes flottants, la seconde étant la restructuration globale et immédiate de tous les contrats de prêts  et d’assurance  à clauses de déclenchement   sur élément variable.

On se demande bien pourquoi !

En tout cas nous sommes les seuls.  Les changes flottants c’est la forme la plus achevée du tabou, celle qui met un bœuf sur la langue et congèle au zéro absolu les petites cellules grises.

L’Europe va au G20 en réclamant des moyens supplémentaires pour le FMI où les Etats-Unis ont tout le pouvoir, étant les seuls à disposer du droit de véto, et ils n’ont aucune envie de débloquer des centaines de milliards de dollars pour l’étranger alors qu’ils sont engagés pour des centaines de milliards de dollars sur le front intérieur.  Alors on parlera paradis fiscaux  et régulation. Cela ne mange pas de pain.  Mais n’aura aucun effet sur la crise.

Quant à l’Union Européenne presque constitutionnalisée, c’est l’Europe des petits oiseaux  et de la législation sur le camembert.  Pour l’essentiel,  c’est chacun pour soi.

Au fond cela vaut mieux : l’union des têtes de linotte n’est pas meilleure que l’absence d’union des autruches.



La vérité de la crise commence à s'étaler

Partout les prévisions économiques ont été remises en ordre.

Le Japon, annonce une récession grave pour 2009.

La Corée voit apparaître un taux de chomage jamais vu.

La Chine reconnait que le commerce international et les exportations marquent le pas et que les étudiants ne trouvent plus d'embauche en sortie d'école, que les ouvriers retournent par millions dans leur campagne, que les stocks s'accumulent, que les quais sont désespérement vides, que les exportations de décembre ont été en récession de plus de 30% etc.

L'Asie est à l'arrêt.

L'Europe l'est aussi.

La Commission annonce une récession de près de 2% pour 2009 pour l'ensemble de l'Europe.

Nous maintenons que ce sera le cas pour la France comme nous le disons déjà depuis longtemps.

Les banques entrent dans la fin de la phase 1 : les pertes du dernier trimestre apparaissent et elles sont gigantesques  en dépit de l'arrêt de toutes opérations à risques depuis trois mois.

Et glisse vers le début de la phase 2 : les pertes sur les crédits classiques du fait du retournement de la récession.

On est encore loin de la sortie de crise et on peut se mordre les doigts de n'avoir pas purement et simplement nationalisé les banques. Elles seraient maitnenant beaucoup plus faciles à restructurer et à remettre au service de l'économie.

Donner à une banque privée du capital (payable à 9%) tout en cantonnant les crédits non performants est totalement contradictoire. La Suède rappelle dans le NYT du jour  la méthode qui lui a permis de sortir d'un épisaode de faillite bancaire généralisée à la suite du boom immobilier de 93. Ils ont employés lexactement celle que nous préconisons.

Nous avions dit qu'il fallait immédiatement agir sur les changes en septembre 2008. Au lieu de cela nous avons vu une politique de  chacun pour soi en matière de change. La Livre a été dévaluée de près de 30%. Le Yen monte de façon excessive. Beaucoup de pays n'ont plus q'un moignon de monnaie maintenu par des taux d'intérêt intenables.

Et les menaces commencent : les Etats unis, Obama à peine installé, s'empare de la question du dumping monétaire chinois avec pour la première fois une déclaration publique qui entraîne obligatoirement une enquête sénatoriale donc des conséquecnes diplomatiques. 

Avoir considéré que le terrain des changes n'était pas important est une faute impardonnable qui sera citée dans le futur comme une des grandes causes d'une part du déclenchement de la crise et d'autre part de sa durée.

Les circuits commerciaux sont effondrés et pervertis par les dévaluations subies ou volontaires.Ils ne peuvent pas repartir sainement.

Rien ne dit que la patience des peuples sera grande. En 1929 il avait fallu trois ans pour que les mesures les plus extrêmes soient prises par des peuples lassés de ne voir aucune amélioration poindre. 

La SEULE solution raisonnable c'est de stabiliser les changes et de réinflater les économies de concert dans ce cadre ferme, en s'appuyant sur des banques elles mêmes hors risques du fait de leur nationalisation effective. Alors des horizons réapparaitront qui permettront la relance des activités et notamment du commerce international. 

Le risque de la situation actuelle est que le système des banques saute (c'est en 1932, trois ans après la crise que les Etats Unis ont perdu près de 4000 banques) et que des guerres économiques monétaires éclatent de façon ouverte. 

Si cela arrive, la crise durera dix ans !

 

"Nouveau monde, nouveau capitalisme" : un colloque pour rien ?


Le colloque nouveau monde nouveau capitalisme est le genre d’exercice que les gouvernants croient opportuns de faire pour faire l’important.  La tribune est plus importante que le discours.
Néanmoins, au fil des discours, on trouve matière à commentaires :


Commençons par le moins attendu, celui de M. François Fillon, Premier Ministre français.


1.    « Mesdames et messieurs, le G20 ne doit pas rester une lettre morte ».

Comment dire de la façon la plus nette qu’il menace de rester lettre morte ?  La conférence de Washington n’a servi à rien, n’a rien proposé et simplement ouvert sur de nouvelles réunions dont la préparation patine.  Cette conférence avait-elle un autre but que de dire aux Etats-Unis : cessez de bouder dans votre coin de façon méprisante ?

2.    « Ces efforts doivent déboucher, lors du sommet de Londres, sur des mesures concrètes : c’est-à-dire sur la soumission des activités de crédit aux réglementations définies à Bâle, c’est-à-dire sur la régulation des hedge funds systémiques, c’est-à-dire sur l’harmonisation des fonds propres des banques, sur l’encadrement de la titrisation, sur la lutte contre la procyclicité des normes comptables, sur la régulation des agences de notation et des pratiques de rémunération ».

On retrouve là le flot de banalités habituelles. La règlementation de Bâle n’a rien à faire avec la crise : tous les produits toxiques étaient hors bilan et hors bourse donc  hors régulation. Ce ne sont pas les Hedge Funds qui ont principalement créé les subprimes  et les ont diffusés au monde.  Les normes comptables peuvent tout sauf créer ou amplifier le cycle. Elles n’ont strictement rien à voir avec le marché hypothécaire américain, Freddy Mac et Fanny mae. 

En rester là et ne rien faire c’est pareil.

3.     « Enfin, il faut que cette réunion soit l’occasion d’engager un combat sans merci contre les paradis fiscaux qui accentuent l’enfer de tous les autres ».

Le pépin ici est de ne pas faire la distinction entre les pays à régime fiscal avantageux (c’est leur droit souverain) et les pays acceptant d’apporter de l’obscurité pour des manœuvres financières  dangereuses et hors règles.  L’important ici c’est de réguler financièrement ces centres pour éviter des pratiques dangereuses plutôt que de leur imposer une hausse des impôts.

4.    « Le prix du baril de pétrole ne peut plus seulement être indexé sur le simple jeu de l’offre et de la demande ! Il est de l’intérêt de tous de disposer d’une plus grande visibilité sur les prix pour échapper aux fluctuations erratiques que nous avons connues. »

Une de fois  de plus un gouvernant aspire à la STABILITE : stabilité des approvisionnements en quantité ; stabilité des prix, mais se refuse à regarder la source principale de variation : les changes flottants !   Si le dollar baisse de moitié  le coût du pétrole baisse,  s’il double il augmente. La spéculation se charge d’amplifier le tout.  Pas de stabilité les cours des matières internationales sans stabilité des changes !  Mais là, le bœuf pèse sur la langue d’une façon   invincible : ne pas passer pour un ringard !  


Passons à Tony Blair. Il n’avait rien de concret à dire. Il l’a fait très bien. 

Car c’est évidemment ne rien dire que d’affirmer que le capitalisme doit être au service de l’intérêt général  et qu’il faut corriger ses « excès » sans dire lesquels ni comment.  On insiste et c’est déjà bien sur l’importance du multilatéralisme, le refus du protectionnisme et la nécessité de changer.  Il faudrait s’inquiéter si ce n’était pas le cas. Mais cela ne donne ni une explication e la crise, ni une politique d’urgence, ni une voie de sortie, ni une architecture de fonctionnement ultérieure. 

Plusieurs fois le mot « EQUILIBRE » revient ainsi que la condamnation de la spéculation « stérile ». Répétons : qu’est-ce qui dans notre système actuel entraîne structurellement des déséquilibres et imposent une spéculation quotidienne ?   Vous avez pensé : les changes flottants ? Vous avez gagné.

L’intervention de Phelps n’a commencé à être intéressante que dans la conclusion, juste au moment où on lui a dit qu’il fallait faire vite. Dommage.  Qu’a dit le prix Nobel d’économie ?  Qu’il fallait séparer les différentes activités bancaires et durcir le système en empêchant certaines des dérives actuelles : les banques de dépôt ne peuvent pas faire la banque d’investissement ; le crédit long aux entreprises doit être  d’abord le fait de l’actionnaire ; les dépôts ne doivent pas être à la merci d’opérations spéculatives sur les changes ou les taux d’intérêt etc.

On en revient à la position de Maurice Allais  notre Nobel national considéré ici  comme  un  gourou sectaire et non comme un économiste.   A chaque longueur de crédit sa longueur de ressources et ses institutions propres. A chaque ampleur de risques ses ressources propres et ses institutions.  « Le capital risque devrait être multiplié par 5 ou 10 ».  Et pas assumé par des procédés bancaires classiques ou des maquillages dans des constructions financières incompréhensibles. 

A l’idée de Greenspan qui faisait des CDS un moyen de diffuser le risque donc de le réduire pour la globalité du système, Phelps oppose celle d’un système où chaque risque et connu et assumé comme tel.

Au passage il cautionne totalement ce que nous avons écrit à la fois sur la réforme du système bancaire et  l’obligation que nous voyons  de casser l’escroquerie dangereuse qu’est la « banque universelle ». 

Mme Johnson Sirleaf pour l’Afrique a été beaucoup plus intéressante que bien d’autres en rappelant que la régulation en Afrique cela veut dire accaparation par les mafias politiques et constitutions de monopoles publics  et que régulation dans le monde cela ne doit pas devenir «blocage des capitaux, car l’Afrique a un énorme besoin de capitaux.  

Elle ne veut de marchés fermés ni en matière agricole ni en matière financière.   Naturellement comme elle le reconnaît franchement : « Je ne sais pas ce qu’il faut faire ». Mais au moins elle sait ce qu’il ne faut pas faire et cela tranche avec certains discours franco-franchouillards.

Au total, on reste évidemment sur sa faim. Tout le monde a le sentiment de la fin d’une époque, d’une cassure du système, d’un désastre en cours, d’un risque pour l’avenir énorme. Chacun espère que les recettes définies après la crise de 29 marcheront  un jour : flots de monnaie gratuite  issue des banques centrales, plans de relances massifs.   

Une reprise spontanée avec quelques ravaudages de législation sur les agences de notation, la rémunération des banquiers, les Hedge funds et les paradis fiscaux  serait pour tous  le schéma idéal.

Il n’y a exactement aucune chance. La crise va s’approfondir et dériver vers des zones inconnues et probablement extrêmement malsaines.  Sans diagnostic réaliste  et sans thérapeutique adaptée, on continuera la glissade actuelle.

Rappelons notre proposition :

-    Mettre fin immédiatement au régime des changes flottants avec stabilisation immédiate sous la responsabilité des Etats et des mécanismes collectifs des balances des paiements. Cet élément de stabilisation permettra le retour au CALCUL ECONOMIQUE. Une économie qui a un horizon peut se diriger.  En avion lorsqu’on est en vrille et en train de tourbillonner en feuille morte la seule chose qui compte c’est de  retrouver de la stabilité et de la manœuvrabilité.  

-    Stabiliser les marchés de matières premières dans des contrats multilatéraux avec des agences internationales ad hoc.  Second élément de stabilité et d’évitement des politiques de pure spéculation.

-    Bloquer momentanément toutes les spéculations des HF en interdisant le short sur les monnaies les marché de bien : vient à l’appui des deux mesures précédentes

-    Restructurer les banques sur le modèle  par  longueur de crédit, par nature de risques et par objet.  Les gestionnaires de comptes de dépôts ne doivent être les banquiers de crédit qui  ne doivent pas être les placiers qui ne doivent pas être les financiers ou les capital risqueurs. Il faut INTERDIRE  la banque universelle.

Dans l’instant chacun recommencera à jouer son rôle et les politiques monétaires et keynésiennes retrouveront de l’allant.

Didier Dufau pour le Cercle des Economiste E-toile.
   

 
 
 





Le faux précédent de 1929 ou comment gagner la guerre d’avant et perdre la guerre en cours.

L’économie a cela de commun avec la chose militaire qu’on gagne toujours la guerre d’avant. Il faut se colleter avec les réalités nouvelles pour comprendre tout à coup que les rationalisations a posteriori qui vous font gagner à tout coup les anciennes  batailles ne sont que d’un intérêt modeste  dans les affrontements du jour.

Nous sommes en train de gagner  la bataille contre la dépression de 1929 ! On est bien content. Mais la situation actuelle a-t-elle un quelconque rapport avec celle de l’époque ?

Sans entrer dans un cours d’histoire trop approfondie, il apparaît vite que notre situation de moment n’a que très peu de rapport avec la situation de l’époque.

En 1929 on sortait à peine d’une guerre mondiale « industrielle » comme on n’en avait jamais vu et qui avait provoqué des pertes immenses en Europe tout en déstabilisant le monde entier.   Nous sortons d’une phase de croissance presqu’ininterrompue de 65 ans sans aucune guerre mondiale !

En 1929 le système monétaire était en reconstruction après l’abandon obligé de l’étalon or du fait de la guerre. C’était un Gold Exchange standard à deux têtes : seuls la Livre britannique et le dollar étaient convertibles en or, malgré les tentatives de revenir au statu quo ante bellum avec notamment la grande erreur de Churchill tentant de ramener la Livre à une valeur de change impossible et provoquant une récession dans le RU. La France en 28 avait remis en place le Franc Poincaré, lui aussi légèrement surévalué.  C'est-à-dire que le système monétaire était bancal et en reconstruction.   Nous vivons aujourd’hui sous un système de changes flottants établi il y a plus de 35 ans qui fonctionne selon des règles totalement différentes.

En 1929 le niveau de vie et l’organisation sociale n’avaient rien à voir avec ce qu’on connaît aujourd’hui.  L’Europe était ruinée et se relevait tout doucement. Les filets de sauvegarde sociale n’existaient pas ou peu.  On mourait avant l’âge légal de la retraite quand un système de retraite était en place. La sécurité sociale était balbutiante.  Aujourd’hui le niveau de vie est sans comparaison et l’organisation sociale plus que développée partout même si les systèmes sont très différents d’un pays à l’autre.

En 1929 l’essentiel de l’activité était agricole.  En France près de 60% de la population active était occupée aux champs.  C’était moins aux Etats-Unis et beaucoup moins au RU mais le cœur de l’économie était là et pas ailleurs même si l’industrie était en plein développement.  Aujourd’hui l’agriculture ne représente qu’une part mineure de l’activité et nous sommes dans un âge d’économie de services et d’information qui n’a plus aucun rapport.

En 1929 le commerce international était fort limité.  Les empires coloniaux étaient fermés sur eux-mêmes et les barrières douanières, monétaires, règlementaires très élevées et considérées comme indispensables à une bonne gestion nationale.  Aujourd’hui tout est ouvert avec des zones  comme l’Euroland  où toutes les frontières économiques ont pratiquement été arasées.

En 1929 la richesse mondiale était concentrée en occident.  L’orient et l’extrême orient, comme l’Afrique étaient presque totalement sous développés. Certains pays d’Amérique du sud étaient riches de leurs exportations de matières premières  mais sinon vivaient mal.  Aujourd’hui le Japon et les dragons extrême-orientaux sont au même niveau de développement que les pays occidentaux. L’Inde et la Chine   sont en plein rattrapage économique.  Le développement est partout même si les guerres et révolutions ont créé des disparités importantes.

En 1929 l’argent ne quittait pas les espaces nationaux.  Les mouvements de capitaux étaient extrêmement limités. Les changes étaient presque partout étroitement contrôlés. Aujourd’hui les mouvements de capitaux sont quasiment libres à travers le monde.

En 1929 les Etats n’avaient qu’une influence faible sur la plupart des économies capitalistes.  Les prélèvements ne dépassaient pas  15 à 20% du PIB chez les plus administrés.  Aujourd’hui la dépense publique en France dépasse la valeur ajoutée du secteur marchand !  Même si cette situation est extrême, les prélèvements sont partout supérieurs à 35% et le plus souvent entre 40 et 45% du PIB.

En 1929, les salaires étaient versés en liquide et n’allaient pas majoritairement dans les banques. L’énorme extension des banques de dépôts et de l’emploi du chèque se fera dans les années soixante ; celle de la carte de crédit dans les années quatre vingt.  Les banques étaient petites et n’avaient pas de très grosses parts de marché.    Le crédit à la consommation était faible. Celui à la construction encore plus faible.  Le développement massif des succursales et  la concentration bancaire se feront à la fin du XXième siècle.

Restons en là : il est parfaitement clair que le contexte des années 20 et 30 n’a strictement RIEN à voir  avec la situation actuelle.

Si l’environnement est différent peut être les mécanismes et les attitudes  présentent-ils des parentés  qui pourraient être exploitées utilement.

En matière boursière  la période d’emballement qui précède le krach de 1929 est très significative. Les banques prêtaient en masse aux agioteurs et les banques spéculaient à tout va. Les Etats-Unis ont connu une période d’euphorie après avoir été les principaux bénéficiaires de la guerre en Europe  et connu une des phases d’innovation industrielle les plus actives qu’on ait jamais vu. 

Rien de tel en 2007-2008.  Depuis 1974 le monde n’est plus dans la phase « glorieuse » de la croissance. Il ya des cycles bien sûr avec des hausses et des baisses boursières, mais depuis l’éclatement de la bulle boursière et monétaire de 1999-2000,  il n’y avait plus d’euphorie. L’épargne au contraire cherchait à rester liquide et le coup de torchon de 2001-2002 avait rendu l’épargnant plus que frileux.  En 2007 la bourse n’avait même pas retrouvée ses niveaux de 2000. L’euphorie était en orient. Mais la crise de 1998 avait porté en partie sa leçon. Le boom touchait la Chine de régime communiste et encore très pauvre, pas la première économie de monde.  L’économie chinoise ne représente en 2008 qu’une part infime de l’économie monde.


En matière de pensée et de politique économiques, l’écart est tout aussi important. Bien que comme l’a écrit Didier Dufau la crise de 1929 n’a en fait jamais été totalement expliquée,  elle a provoqué des changements d’attitudes très importants. Le livre de Keynes a été publié trop tard pour être utile à la résolution de la crise de 1929  mais l’état d’esprit général n’est plus à l’abstention  face à une crise et plus personne ne pense qu’elle se résoudra toute seule et qu’il suffit de l’attendre comme on attendait Godot.  Pousser la demande globale par tout moyen est l’état d’esprit qui prévaut depuis la guerre de 40. 

De même si un Milton Friedman a parfaitement décrit comment la FED, toute jeune en 1929 (elle date de 1913),   avait aggravé la crise par des initiatives scabreuses,  elle a compris depuis longtemps la leçon et les trois  relances monétaires d’Alan Greenspan sont là pour en témoigner. Cela fait 40 ans que l’on cherche à appliquer les leçons de la crise de 29 avec des succès divers.

Nous nous retrouvons à nouveau avec des différences telles que tout rapport entre la situation de 1929 et la nôtre  est introuvable.
Cet examen nous montre que la crise actuelle est sui generis et que les recettes anti dépression imaginées après 1929, appliquées déjà à plusieurs reprises avec pour seuls effets de provoquer une crise encore plus importante lors de la récession suivante, sont pour le moins émoussées.

Le seul point  de convergence est l’immense création monétaire qui a précédé la crise de 1929 et celle de 2008 et la transformation des banques en usines à spéculer phénoménales.   La crise de 1929 était bancaire et centrée sur les Etats-Unis où 10.000 banques disparaitront entre 1929 et 1935 !  La crise actuelle est bancaire et si son épicentre est bien aux Etats-Unis, l’habileté de Wall Street a été de la répandre à travers le monde.

L’ennui des crises bancaires c’est qu’elles arrêtent pile l’économie.  L’arrêt actuel est du au  blocage bancaire et à l’énormité des pertes subies par ce secteur du fait de l’explosion du système spéculatif qui s’était mis en place.   Les chutes verticales des ventes dans l’immobilier, la vente de voiture, l’équipement de maison,  les exportations, les investissements ne s’expliquent que par l’arrêt cardiaque des banques et les AVC qui se sont produits dans les marchés de changes.

Il est donc parfaitement inutile de s’écarter de ce sujet là : les relations monétaires nationales et internationales sont bloquées, à des niveaux historiquement jamais vu et après des débordements techniques eux-mêmes parfaitement nouveaux.  C’est là et seulement là qu’il faut agir en s’attachant aux réalités du moment.  Les recettes de 1929 sont inopérantes et on voit bien que depuis 2006, date réelle du renversement, elles le sont et elles le restent.

Menons la guerre d’aujourd’hui avec les armes de demain. Au lieu d’essayer de gagner la guerre économique de 1929 avec les armes dont on pense (sans preuve et avec de graves complaisances)  qu’elles auraient été efficaces d’hier.  
Premier champ de bataille : les changes flottants.  Première constatation : Grouchy est ailleurs !

Lewis Holden pour le cercle des économistes e-toile



La nouvelle ESB : Encéphalite Spongiforme Bancaire !

Nous avions adoré l’encéphalite spongiforme bovine. Nous goutons à sa juste valeur l’encéphalite spongiforme bancaire.
On avait nourris les vaches avec de la viande, les rendant carnivores et rendant les mangeurs de viande fous.

On a nourri les SICAV de trésorerie, qui gèrent normalement des flux, et à court terme, donc sans grands risques,  de granulés solides : CDO, titres bidons de M. Fou Dehors (Mad off) et encore plus fou dedans, etc.

Résultats : les prudents qui avaient fui la bourse pour des placements sûrs voient leur avoir doublement atteints par des pertes en capital directe et par l’inflation.

L’épargne mondiale avait fui le long terme après la crise de 2001-2002.  Tout le monde avait recherché la sécurité. Donc le court terme et les emprunts d’état.  Jamais depuis le début du siècle passé elle n’avait voulu reprendre des risques.  Le placement sûr était le nouveau crédo.

Les banques ont cru malin de transformer cette épargne « liquide » en prêts à long terme par des moyens pour le moins aventurés. 

Après tout un prêt à long terme c’est une succession de prêts à court terme. Le savant Cosinus vous aurait expliqué cela très bien.  On gagnait sur tous les tableaux : le risque était transféré au client final, le souscripteur de papier de trésorerie ; on empochait les gras courtages sur les instruments en question et en plus on prélevait des honoraires de gestion  auprès de la victime, tout en lui faisant croire qu’il était un type tellement bien qu’on lui faisait bénéficier des dernières techniques à la mode.

Et puis on avait une bonne conscience en béton : si l’épargne fuyait le risque, au détriment de la croissance et de la bonne santé du monde,  il était heureux que de bons docteurs rétablissent la situation.

Evidemment il fallait capter le maximum d’épargne cherchant le placement court en trésorerie. On a inventé le concept de trésorerie « dynamique ».  Les institutions les moins importantes commencèrent : elles risquaient de voir pomper toute l’épargne liquide  par les grosses banques, placées près des dépôts. Les plus grosses banques s’y lancèrent peu après pour conserver leurs parts de marché.

Le client croyait toujours être dans le placement absolument sûr. La petite cerise sur le gâteau il la prenait au passage mais parce qu’on lui disait : il n’y a aucun risque, nos experts sont là et c’est parce qu’ils sont meilleurs que les autres qu’on peut vous servir ce petit supplément.  

L’ennui c’est qu’ils n’ont pas perdu la cerise mais une part sensible du gâteau.  

Lorsqu’on parle aux responsables de ces Berezina, ils vous disent :

-    Les subprimes : mais elles avaient d’excellents notes et puis tout le monde le faisait.

-    Les fonds Madoff ?  C’était un must de la banque juive. Sa réputation était excellente. Les Hedge nous avaient habitués à des performances ébouriffantes.  Un peu de gestion alternative à 10% c’était pain béni pour doper nos résultats et attirer de nouveaux gogos, pardon clients. 

Tout était bidon ? Et alors ? Puisque tout le monde était d’accord pour y aller. En plus nos directions étaient très heureuses des courtages fantastiques  qu’offrait ce délicieux philanthrope.    

« Les bonus « subprimes » et « madoff »   sont dans nos poches.  Vous pouvez toujours essayer d’aller nous les reprendre », affirment en cœur ces grandes âmes bancaires.
Au client mécontent on répond : « c’est la crise mon bon Monsieur.  C’est pour tout le monde pareil ».  
« Mais vos conseils ? » dit le benêt. « Ils n’engagent que les imbéciles qui y croient » réponds l’écho.

Nos barons belges après avoir  laissé faire Fortis et touché les plus gras jetons de présence, ont tout liquidé à la va vite et essayé de conservé le petit croupion qui restait.  Barons ou larrons ?  Ils viennent de se voir botter le derrière d’importance par la justice et les porteurs floués.

Mais qui s’occupera du postérieur d’un Prot à la BNP qui a la bonne idée de cumuler tous les bénéfices à la fois en tondant sa clientèle par la tarification de tous les actes  bancaires classiques (que le client est en plus obligé de faire lui-même : « do it yourself  and pay me »), tout en multipliant les conflits d’intérêt  entre la gestion privée et ses différentes branches d’investissement ?

On a envie de dire « off » à tous les « mads » qui ont orchestré ce désastre.  Après avoir tué l’épargne longue, le système bancaire a tué l’épargne courte.  C’est bien ce qui s’était passé en 1929. Il fallait bien que la fausse monnaie émise par l’intermédiaire des déficits perpétuels de la balance des paiements américaine  disparaisse. 

Les banques, honnêtes courtiers de la liquidation, sont maintenant hors jeu. L’inflation va devoir prendre le relais un jour ou l’autre.

Ce n’est pas 1929 qu’il faut regarder : mais la situation de l’Autriche en 1921 !

Van Mises est de mise !

Sylvain Dieudonné (vert de rage)

Aux fous !

Après le trader fou de la Société générale, le banquier fou du Crazy Lyonnais voilà le placier fou de la BNP.

On parle de banque universelle.  Universellement folle.

Quand on sait qu'on a été jusqu'à donner l'autorisation aux banques de mouvementer sans l'autorisation expresse des clients  leurs comptes chèques !

Mélanger les genres n'a jamais été bon. Permettre à un banquier de toucher sur tous les bouts de la chandelle tout en étant renfloué par le contribuable et en faisant digérer les pertes par les clients est au dela de l'absurde.

Les courtages sur les subprimes étaient gigantesques : on en a fourré partout où on a pu.  Le courtage sur les fonds Madoff étaient extrêmement gras.  Allons-y gaiment. Tout en touchant des honoraires de gestion sur les victimes de ces placements abjects.

Mais en même temps on taxe toutes les opérations du compte chèque.  Mais en même temps on joue sur compte propre quitte à mettre en péril les dépôts.

Que l'on sépare au moins la banque de dépôt et la tenue des comptes chèques du reste de l'act(ivité bancaire.

Le concept de banque universelle qu'on essaie évidemment de nous "vendre" à tour de bras comme plus "résistant" à la crise est pourri jusqu'à la racine. 

Les banques universelles ont trop de pouvoirs et trop d'opportunités de conflits d'intérêts avec une concentration excessive des possibilités d'enrichissement facile, les risques étant laissés aux contribuables et aux clients, victimes passives et impuissantes.

On aurait du nationaliser BNP PARIBAS, liquider l'ensemble de ses équipes de direction, fragmenter le molosse entre entités raisonnables et fonctionnellement sans possibilités de truander à ce point le vulgum pecus.

Il faut réformer de fond en comble le système financier et mettre fin à des anomalies qui désormais prennent une ampleur délirante.

Et il ne faut plus qu'on sauve ce qu'il faut bien appeler des truands au nom du salut supérieur de l'épargne.

La gestion privée doit être séparée des banques généralistes et soumises à une législation extrêmement stricte interdisant tout risque de conflits d'intérêt.  La rémunération des gérants de fortune doit être exclusivement basée sur la notion d'honoraires et non pas sur les courtages, les ristournes, les participations aux bénéfices, et milles autres moyens de se servir sur la bête.

Le mandat de gestion ne peut exonérer de toute responsabilité le gérant. Il faut en particulier que les risques pris sur des opérations dangereuses  soient officialisés actes par acte et non pas dans un cadre global qui ne veut rien dire. 

Quant aux honoraires, sachant qu'en moyenne de longue période le rendement moyen d'un portefeuille de 3 à 4% il ne doit pas dépasser .75%, avec une prime éventuelle en cas de bon résultat. 

Voir des équipes de 4 à 5 personnes gérer près de 10 à 50 milliards d'euros de fonds générant 2% de frais de gestion et autant de courtages et commissions diverses,  a quelque chose de délirant.  Surtout lorsqu'on sait qu'ils sont totalement épargnés en cas de désastre.

Les fortes rémunérations doivent aller aux risques personnels pris. Que les gestionnaires de fortune se mettent tous  en commandite et soient responsables sur leur fortune propre.

Finissons en avec le Bouton, le Prot et tous les énarques pantouflards qui tiennent l'Etat et savent y faire pour détourner les moyens de la loi à leur avantage exclusif.

Ces dirigeants de banque universelle qui s'en mettent plein les poches sans prendre aucun risque et en gagnant sur tous les tableaux, décidément ce n'est plus possible.

Et félicitons encore les patrons de Fortis et Natixis, pour l'ensemble de leurs décisions. A chaque fois qu'il fallait aller dans un piège ils ont foncé tête baissée.  Dans les deux cas ce sont des banques de dépôts qui ont voulu se faire banque universelle avec des capacités tous azimuts (banque d'investissement, gestion de fortune, etc.).  Les grenouilles ont voulu se faire plus grosse que les boeufs. 

Mais les boeufs sont tout aussi coupables.

L'année 2009 va être une longue litanie de désastres bancaires successifs. Avec à chaque fois une grosse surprise ? on croyait que c'était fini et qu'ils avaient tout dit. 

En 1929 les banques ont commencé à s'effondrer en 32-33-34. Dix mille banques cesseront leurs paiements. Nous en sommes aujourd'hui à l'équivalent de la situation de 1930 ! Bonjour le futur radieux. 

Il faut restructurer et réorganiser maintenant. Avec la plus extrême dureté et des idées claires : spécialisation et responsabilité.  Au lieu de cette recette pour la folie générale : universalité et irresponsabilité.

 

Sylvain Dieudonné pour le Cercle des économistes E-toile



Les certitudes dans la crise mondiale (4) : il faut en finir avec les changes flottants.

Anatomie d'un désastre

Il n’est pas sûr qu’une doctrine scientifiquement étayée, nourrie par les réflexions nombreuses des meilleurs savants donne naissance aux meilleures institutions.

Mais que penser d’un système qui n’a fait l’objet d’aucune confirmation théorique, dont personne en vérité n’ose même parler et qui s’est imposé in abstentia faute de pouvoir résoudre une difficulté politique ?  

Il n’y a pas de doctrine des changes flottants.  Un seul auteur, et c’était en 1969, a écrit que c’était éventuellement une bonne chose : Milton Friedman. Personne depuis n’a réellement traité de la question sinon pour faire remarquer tel ou tel défaut majeur. 

L’étalon or a eu ses défenseurs. Il en d’ailleurs eu trop et cela a donné une orthodoxie particulièrement pesante.  Le système de Bretton Woods a fait l’objet de réflexions nombreuses.  C’est après une longue réflexion de deux années complètes que les alliés ont bâti le système : aucune improvisation dans l’affaire.

Le système des changes flottants, lui, s’est imposé faute d’accord international.  Les Allemands ne voulaient plus importer l’inflation excessive générée par les Etats-Unis. Les Etats-Unis ne voulaient pas perdre leur stock d’or.  Alors on a laissé flotter les rubans, et les monnaies.

C’était en 1971. Après presque quarante ans de ce merveilleux non système quels ont été les résultats ?  

Dès 73-74 s’ouvre la crise la plus sévère de l’après guerre puis une phase nouvelle qui montre l’incapacité des dirigeants à penser la nouvelle situation : 6 années de « stagflation » !  Les trente glorieuses étaient finies.  

La suite ? Une série de crises financières à répétition :

-    Crise des dettes souveraines : on avait recyclé les pétro dollars sous forme de prêts à des gouvernements qui ne pouvaient plus rembourser, culminant avec la crise « téquila » au Mexique en 85.

-    Récession aux Etats-Unis en 80-81 à la suite d’un coup de frein brutal et prolongé de M. Volcker, Président de la FED (celui qu’Obama vient de nommer à 81 ans président de son groupe de conseillers économique !).

-    Crise gravissime des « Savings and loans » aux Etats-Unis : le système bancaire est à deux doigts de flancher. Il n’est sauvé que par une injection de plus de 500 milliards de dollars de fonds publics !

-    Récession majeure de 91-93, après une frénésie spéculative sur le marché immobilier d’entreprise. La banque européenne est pratiquement exsangue et on passe de près à côté d’une catastrophe bancaire.  Pour la première fois depuis la guerre le monde entier subit une récession sévère.

-    Crise dite des pays émergents en 98 : en fait le dollar s’est mis à grimper brutalement, doublant en quelques mois. Tous les pays emprunteurs en dollar ne peuvent plus rembourser. Le chaos sur le marché des changes  fait sauter l’économie de quelques pays comme la Thaïlande ou l’Argentine. 

A cette occasion on s’aperçoit que de nouvelles institutions, les Hedge Funds, sont capables par les spéculations à effet de levier qu’ils pratiquent de faire sauter l’ensemble de la finance mondiale. L’affaire LTCM est étouffée à grands frais (il y avait plus de 1.000 milliards de dollars d’en cours !).

-    Récession de 2001-2002 après une chute boursière digne des années 29. Le scandale Enron démontre que l’on a changé de système. Les entreprises sont désormais des soufflés gonflés par la spéculation folle.

-    2006 : explosion d’une nouvelle bulle aux Etats-Unis, celle des prêts immobiliers. En juillet 2007 le marché interbancaire se bloque. En septembre 2008 le système bancaire mondial  explose en commençant par Wall Street.

Il n’y a pas besoin d’être grand économiste pour remarquer que le système des changes flottants n’a amené qu’une suite quasi ininterrompue de crises monétaires, financières et économiques.  Par rapport à la période précédente le taux de croissance a été à peu près divisé par deux !

Si on relit les textes (très courts) de Milton Friedman sur la bonté des changes flottants, on trouve des assertions qui, pour le moins, n’ont pas été confirmées par la réalité.  Les changes flottants devaient amener la STABILITE  des changes  et l’unification des taux d’intérêt.  Les flux de trésorerie mondiaux iraient toujours vers les places où les intérêts seraient momentanément hauts, provoquant leur baisse.  Ils quitteraient inversement les zones à bas taux d’intérêt, qui du coup monteraient à ces endroits là.  Ce serait comme avec l’étalon or mais en mieux.  Les capitaux iraient toujours vers l’optimum du moment.  On aurait peu d’inflation et le plein emploi.  Si un Etat s’avisait de créer trop de monnaie les taux d’intérêt baisseraient et tout filerait ailleurs réduisant à néant cet effort inopportun.  Le paradis !

La réalité a montré exactement l’inverse.  Les grandes monnaies n’ont cessé de faire le yoyo dans des proportions gigantesques.  Le dollar descend d’abord à 3.75 Francs pour remonter à 10 un peu plus tard et redescendre à 4.00.  L’Euro est un moment à 80 cents puis passe à 1.50 dollar.  En fait de stabilité nous avons des coups d’accordéon gigantesques qui traumatisent le commerce international et l’économie de nombreux pays qui résistent plus ou moins bien à de telles variations.

En vérité les changes flottants transforment toute l’économie en immense casino avec des aléas à variables multiples.  Le marché des changes devient comme celui des bourses : un marché non pas de flux, comme il le devrait, mais un marché de stock où ce sont les anticipations sur les variations de cours qui dominent.  Il se met à ressembler à la bourse avec des variations immenses ne correspondant à rien d’autres qu’aux espoirs et paniques des spéculateurs.

On arrive à cette situation absurde où de ridicules conférences internationales méditent des baissent de droits que quelques %  alors qu’une économie peut bénéficier du jour au lendemain d’une  dévaluation de 50% !

Si encore le marché des changes était libre !  Pas du tout ! 

Le désordre monétaire pousse les agents à monnaie faible à utiliser le dollar pour tous leurs contrats et échanges. Le dollar trop capricieux cesse d’être une monnaie de réserve quand il devient encore plus qu’avant une monnaie de paiement international.  L’émetteur de cette monnaie se considère-t-il une responsabilité sur cette émission ? Non. Il décrète que sa politique sera le « benign neglect ». 

La Chine déjà très favorisée par les très bas coûts de sa main d’œuvre suit une stricte politique de dumping monétaire.  Après 2002 elle bénéficie à la fois de ses coûts et d’une dévaluation de 50% par rapport à la monnaie européenne. A votre avis, est-ce que l’économie européenne a été en grande forme après cela ?  Pour aggraver les choses les autorités de l’union Européenne supprime leur tarif extérieur commun.  On croit rêver !

Le tourbillon finit par s’emballer et tout s’est effondré.

Penser ne serait-ce qu’une seconde que le système de facto de changes flottants n’est pour rien dans l’affaire   serait un exemple nouveau de ce genre de folie qui saisit parfois l’humanité.  Encore faudrait-il penser. Mais là c’est le silence.

PAS UN MOT JAMAIS SUR LES CHANGES FLOTTANTS.  On ne comprend rien ; on ne peut rien.  Alors on se tait.

Que faire quand la terrible réalité d’un système né de la  rencontre fortuite de lâchetés diverses  gâche la vie de l’humanité et que ceux qui doivent réfléchir et agir regardent ostensiblement  ailleurs ?  Ce n’est même pas un exemple de plus de la « tyrannie du statu quo ».

C’est une gravissime défaillance de l’intelligence et du courage.

Les certitudes dans la crise mondiale (3) : la réforme nécessaire du système bancaire

Banque universel = drame universel

Cette crise est à nouveau une crise bancaire.

La confusion des genres a été portée aux plus hauts sommets.  Les banques ont une fois de plus tout aggravé sans bénéfices pour personnes sauf quelques lascars qui se sont enrichis sans vergogne.  Le blocage des banques a arrêté pile l’économie mondiale.

Il a fallu une fois de plus l’intervention des Etats pour éviter le pire,  la disparition complète du système bancaire.  Si une panique à l’échelle du monde s’était produite, c’est en effet la banque mondiale dans son ensemble qui aurait disparu. Nous disons bien DISPARU !

Nous assistons aujourd’hui au renflouement bancaire  le plus massif de toute l’histoire de l’humanité avec des banques qui n’ont plus qu’une seule obsession : reconstituer leur capital en renchérissant de façon ahurissante le coût de l’argent et de toutes leurs opérations.  

Les banques n’ont pas seulement été la cause de la crise mais pire encore elles l’entretiennent.  En plus avec l’argent de leurs victimes !
La leçon immédiate qu’il faut tirer de cette crise, c’est l’obligation et l’urgence de réorganiser totalement le système bancaire.


La première règle est qu’il faut désormais séparer totalement la gestion des dépôts et des crédits.  Les dépôts sont des droits. Ils ne peuvent être mis en danger par ceux  à qui on en confie la garde et dont le seul rôle est de faciliter l’emploi des dépôts  pour les paiements.   

Les banques dans cette affaire ne doivent pas avoir un rôle autre que celui de notaire et de prestataires de service.  Bien sûr ce service et ceux qui lui sont associés comme l’utilisation des chèques et des virements serait facturé.  Les dépôts sont contre assurés à la banque centrale et la position de chaque banque tenue au jour le jour.  La concurrence entre les réseaux bancaires maintiendra les tarifs dans les limites raisonnables. 

Dans un tel système il ne peut y avoir de ruée sur les dépôts : au pire les particuliers se retrouveraient avec des masses de billets de banques fournis par la Banque centrale. On aurait juste un changement de structure de M0 ce qui pour un économiste n’a réellement aucune importance.

La seconde règle est que l’organisme bancaire qui croit pouvoir mieux que quiconque déterminer les placements rentables pourra le faire dans la limite de certaines règles prudentielles relative à son capital.  Les dépôts créés par ces crédits iront se loger hors de chez elles dans le système précédent. Les remboursements intérêt et principal venus à terme on vérifie s’il y a gain ou perte : les pertes s’affecteront au capital des banques.   La perte sur un portefeuille de crédits est l’affaire de la banque pas de la collectivité. 

La troisième règle est que les organismes financiers de gestion de fortune ne doivent pas être les banques.  Ces organismes ne font que gérer des propriétés qui ne sont pas les leurs. Ils reçoivent à cette occasion des honoraires  et ils ne peuvent en aucun cas être rémunérés autrement que par ces honoraires.  Comme les syndics ils n’ont pas droit de toucher des rémunérations  de leurs fournisseurs : courtages, primes etc. doivent être strictement interdits.  Leur rôle est de déterminer les possibilités d’investissements qui se présentent et en fonction des risques que veulent prendre leurs clients diversifier le portefeuille de façon convenable.  Le capital de ces sociétés doit permettre de couvrir une part notable de la valeur des portefeuilles gérés.

Il faut interdire ABSOLUMENT aux banques de toucher sur tous les tableaux tout en faisant prendre l’exclusivité des risques aux épargnants.   

Prenons un exemple : un gestionnaire de fonds reçoit la proposition d’acheter un bloc de subprimes moyennant une énorme commission ; actuellement il peut le faire et fourrer tout cela dans les comptes de son client en empochant à titre personnel le courtage.  Si c’est une banque qui en plus a été chargée de faire la commercialisation de masse, elle s’enrichit non pas du mandat de gestion et de sa sagesse de placement mais de la facilité qu’elle a de bourrer les comptes de ses clients en touchant  et la commission du grossiste et celle du détaillant. 

Il s’agit du meilleur cas. Le pire, c’est lorsqu’une banque a spéculé sans limite sur compte propre et qu’elle se débarrasse dans les comptes de sa clientèle privée de ses positions les plus risquées (du genre : larguer les subprimes juste au moment où ils commencent à sentir mauvais, comme cela a été fait à une très large échelle un peu partout).

La quatrième règle est la plus simple :   à chaque horizon de placement doit se trouver une ressource de même horizon.   Les ressources à long terme doivent financer les prêts à long terme.  « Transformer » des ressources à court terme pour financer du long terme est le genre de passe passe qui se retourne TOUJOURS contre la collectivité.

Il est facile de vérifier que la plupart des ennuis que nous connaissons depuis juillet 2007 auraient été IMPOSSIBLES dans un système de ce genre. Qui en aurait été gêné ? Personne. Les banques n’ont pas besoin des dépôts pour avoir une politique de prêt : il leur suffit soit de disposer des capitaux nécessaires soit d’emprunter les capitaux sur le marché monétaire et gagner sur la différence des taux.

Ajoutons que la typologie des prêts et leur marché de destination doivent être fournis aux autorités de surveillance de crédit et que ces dernières doivent avoir le pouvoir de faire cesser une expansion déraisonnable des en cours.  La crise de l’immobilier de bureaux qui avait quasi mis en faillite le système bancaire en 93-94  suivait une hausse de 700% des encours ! Celle des CDO a suivi une hausse du même ordre des encours (ils grimpaient de 100% par an à partir de 2002 !).  Ce n’est tout de même pas difficile de faire clignoter un feu rouge.

Une telle réforme doit d’abord être prise en Europe puis étendu au monde par une politique simple : toute opération avec des banques qui ne respectent pas ces règles seront interdites !

On aurait du profiter de la crise comme nous l’avons écrit pour nationaliser toutes les banques et faire les restructurations en conséquence.  En temps utile toutes les banques auraient été remises sur le marché.

Le coût global de cette sinistre affaire aurait été beaucoup plus faible pour la collectivité et au moins on serait reparti sur des bases saines alors que nous allons patauger dans la glue encore pendant longtemps. 


Didier Dufau    pour le Cercle des économistes  E-toile



Le jour où le commerce international s’est arrêté !

Personne ne regarde jamais un indicateur aussi exotique que le Baltic Dry Goods index, qui mesure les cours du shipping des « commodities ».  Il a baissé de 90% !   Cet indice économique est le plus intéressant pour connaître l’état économique du monde. Mais il est inconnu des universités et de la presse en France.  Une confirmation de plus de ce que nous cessons de répéter : en matière d’analyse économique la France  universitaire et médiatique est  proche du zéro absolu !

Pour comprendre ce pourcentage de baisse incroyable, il faut savoir comment marche le commerce international.  Compte tenu des sommes en jeu, les deux commerçants partis à l’échange international  veulent des garanties,  l’un avant de charger la cargaison, l’autre avant de la payer.    L’acheteur va demander à sa banque de délivrer un document par lequel elle déclare qu’elle a bien en sa possession l’argent  requis par la transaction  et qu’elle le transférera dès que la vérification aura été faite que la marchandise est livrée et conforme à la commande.  Le vendeur va demander à sa banque de vérifier que la banque choisie par son vendeur est sérieuse et digne de confiance et qu’elle acceptera  de virer la somme reçue à son compte.   La banque ne le fera que si elle est sûre que le virement qu’elle recevra sera compensable.

La situation actuelle est que pour la première fois à une échelle pareille les banques ne font plus confiance aux autres banques et pensent que la compensation risque de ne pas se faire. Les sommes sont telles  que le risque est trop grand pour être pris. Les transactions internationales s’arrêtent.  Dans un système bancaire fractionné à cheval sur plusieurs états et plusieurs monnaies,  la circulation monétaire est toujours fragile.  Elle vient de se bloquer soudainement.

Le résultat est que tous les marchés de « commodities » et des biens durables sont en panne et en baisse tournoyante.  Les voitures ne s’exportent plus pas plus que le blé, le cacao, l’or ou que quoi que ce soit d’autre.  Ce gel interdit toute efficacité aux mesures monétaires globales sur les taux d’intérêt ou autres leviers  économiques significatifs.  Tant que les banques ne se font plus confiance le commerce international est arrêté.  D’où l’effondrement de 90% de l’index Baltic Dry Goods.     

Comment sort-on d’une pareille difficulté ?  A l’échelon local (c'est-à-dire national) les banques peuvent être confortées  de plusieurs façons (nationalisation, renforcement de fond propres, garanties d’états, …).  Mais que faire à l’échelon international ?  Choisir la même banque aux deux bouts de l’opération en espérant  qu’elle se fera confiance à elle-même ?  Mais à un des deux bouts la filiale devra  accepter un versement dans la monnaie voulue d’une autre banque.  Ce qui suppose que le système bancaire local soit redevenu sain.   Les vendeurs de homards Canadiens ne fournissent plus car leurs banques étaient en Islande et ne financent plus les campagnes !  

 Travailler avec une monnaie indiscutable comme l’or monétaire ?  L’or a été démonétisé en 1973 !  L’échange de « monnaies de confiance » à l’échelon international ne va pas de soi.   Cette crise est la première glaciation du système mondial de monnaies  nationales de valeur décrétée basée sur rien sinon leurs valeurs relatives flottantes.

Quand la confiance n’est plus là les monnaies de confiance n’ont plus de rôle.   Compte tenu de la mondialisation des échanges et de la spécialisation des productions qui ont eu lieu ses dernières décennies,  la désarticulation monétaire du commerce international est la première cause du blocage de la conjoncture.  

L’effondrement surprenant des prix des commodities en est le signe primaire alors que tous pensaient que la fuite devant le dollar les pousserait à la hausse, ce qui s’est passé un temps.    C’est pour cela que le « campo » argentin ne vend plus rien que le Brésil est à l’arrêt, que Mittal ferme ses hauts fourneaux, que la Chine voit ses nouveaux terminaux  à containers à l’arrêt  et que même le pétrole ne coule plus à flot.

La conférence de Washington n’a évidemment pas évoqué cette question monétaire internationale. On en est encore au stade de la posture et après tout montrer qu’on est tous unis pour faire quelque chose est un premier pas.  Mais tôt ou tard il faudra bien arriver aux actes notamment sur le front des monnaies.  Le plus tôt sera le mieux.   Car parler de relance mondiale si personne ne veut payer les échanges, c’est  parler pour ne rien dire.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

 



La toussaint économique du 15 novembre

Comme prévu la grande conférence du 15 novembre est un magnifique emballage de vent par des gouvernements en mal de montrer leur  dynamisme solidaire  mais elle n’aura exactement aucun intérêt  pour la solution de la crise actuelle qui s’approfondit ni même pour la prévention  d’une crise similaire dans le futur.

Les urgences retenues par la conférence  européenne de préparation sont stupéfiantes de vacuité : 
« Agence de notation » : elles devront se soumettre à enregistrement.  Cela change quoi ? Rien.
« Normes comptables » : elles devront être harmonisées. On ne savait pas que la crise s’était engouffrée  dans des différences de règles comptables. Effet : nul.
« Codes de conduite et des rémunérations » : pourquoi pas un prix de vertu ? Les codes de conduites seront élaborés  par qui ? Ceux qui donnaient des prix à Lehman Brothers  peu avant sa chute ?
« Aucune institution financière ne devra échapper à une régulation proportionnée et adéquates ».  Cela ne veut rien dire. On attendra le 15 novembre pour décoder les paroles du sphinx.
« Le FMI aura un rôle central dans la refonte de l’architecture financière ». La phrase n’a strictement aucun sens actuellement. Qu’est ce qu’une architecture financière ?

Les gouvernements n’ont présenté aucune analyse commune de la crise, aucun diagnostic commun.

Certains observateurs parlent de créer une « clearing house » pour les Credit Default Swap.  Pourquoi pas ?   Cela ne peut pas faire de mal. Mais quelle importance face aux enjeux ?
Les chefs d’état européens semblent raisonner  comme Alain Madelin  qui s’est fait à nouveau le chantre dans une intervention télévisée de la thèse qui veut  que la crise soit un dysfonctionnement localisé aux subprimes  qui a eu une contagion fâcheuse à cause des CDO mal contrôlés par les agences de notation  et dont le marché s’est bloqué,  les règles comptables précipitant  la décote. 

Mais  les propositions ne s’attaquent qu’au dernier bout de la chaîne et en fait pas le plus important. On n’avait pas besoin du FMI pour savoir l’ampleur qu’avait pris le marché hypothécaire américain.  Si le monde a acheté des CDO c’est qu’il croyait avoir de bonnes raisons.  Et ce n’est pas le FMI et les codes de conduite qui vont changer quoi que soit.  Rappelons-nous des produits structurés d’Enron unanimement condamnés et dont la technique n’a jamais cessée d’être employée après l’immense faillite de cette entreprise encensée partout pour son joyeux modernisme.

Si, les gouvernements avaient eu le discernement de comprendre qu’on vit une catastrophe financière et monétaire globale  qui est la suite d’autres incidents graves  survenus à répétition depuis trente ans (dont la solution momentanée  est la cause de la crise suivante),  on comprend qu’ils auraient du aller un peu plus loin que des réformes cosmétiques des agences de notations et des règles comptables.   Mais là : silence dans les rangs.

Pendant ce temps là le FMI rectifie à vue ses anticipations.  Au départ seuls les Etats-Unis allaient souffrir un tout petit peu. Mais pas l’Europe ni le reste du monde.  Puis on a vu une rectification pour quelques pays européen un peu trop engagés dans la bulle immobilière, l’Irlande et l’Espagne.  Mais les pays de l’est tireraient la croissance européenne.

Patatras, toute l’Europe est malade et les anciens pays de l’est sont KO debout.  Alors on indique que la Chine et l’Inde seront les ressorts  toujours tendus de la croissance. Et eux aussi commencent à s’essouffler et même à entrer dans la crise.  On rectifie encore  les perspectives. Mais il reste l’Afrique : formidable ilot de résistances qui est le môle sur lequel les autres économies vont s’arrimer ! Qui veut-on amuser avec ces sottises ?    On vous laisse deviner les  prochaines annonces.

Aujourd’hui même  General  Motors, la plus grande entreprise mondiale qu’on nous apprenait à admirer dans les années 60 est au bord de la faillite, et les autres constructeurs commencent partout à  s’effondrer  entraînant des secteurs entiers de l’industrie à sa suite.  Les aciéries se ferment. Les sous traitants sont égorgés.   Des centaines de milliers d’employés sont mis au chômage partout dans le monde. Allez leur expliquer que c’est à cause des agences de notation, des règles comptables et des systèmes de rémunération des banques.   

Et surtout que les beaux esprits aillent leur dire en quoi les mesures prises auront un effet quelconque sur leur sort immédiat ou futur.

Jean Marie Messier par exemple que le Figaro est allé chercher en pensant qu’un  symbole des années de débauche financière et spéculative basée sur rien   qui a explosé en vol aurait des recettes à faires partager. Que dit-il : rien !  Si, il parle de lui comme d’habitude : « quand on a connu le succès et l’échec  et qu’on s’en est sorti on a une expérience qu’il est utile de mettre au service des autres ». 

Où que l’on se tourne on ne voit aucune vraie analyse, aucune vraie compréhension de ce qui se passe, aucune anticipation sérieuse. La presse fait du people ; le FMI retarde d’une guerre ; les conférences politiques brassent du vent.  

Quant aux économistes, ils se contentent, comme en 1929, de leur tonitruant silence.  Ce que peu de gens savent c’est qu’il n’y a JAMAIS eu une analyse réelle et convaincante des causes de la crise de 1929. Pour avoir lu toute la littérature sur le sujet je persiste et signe.  Et il y a fort à parier que cela sera la même chose pour cette nouvelle crise.  Les subprimes pourvoiront à tout !

Et la récession commence réellement à prendre une allure de dépression, avec pour la première fois depuis la guerre une régression prévue  sur une année entière et peut être plus.  Si à la fin 2009, on en est encore aux fumisteries qui vont se débattre à Washington le 15 novembre 2008, nous serons arrivés exactement au point où les Etats étaient en 1932. Lassés de voir le désastre s’étendre et les fausses recettes n’avoir aucun effet,  pressés par leurs opinions publiques,  les gouvernements chercheront des solutions « à portée de la main » qui ne feront qu’aggraver les choses.

 

Sylvain Dieudonné pour le cercle des économistes e-toile



Michel Rocard a (presque) raison !

A raison qui pense comme vous !

Depuis des lustres non rappelons qu’une économie de changes flottants est obligatoirement instable et dangereuse,  et que faire passer les lourds camions de la croissance mondiale sur des passerelles en caoutchouc ne peut rien provoquer d’autre que la chute des camions pris dans les soubresauts incoercible de la passerelle.   Cela fait des lustres que nous décrivons  les dangers que cette instabilité crée pour non seulement la croissance mais surtout pour le fonctionnement régulier des économies qui sont confrontées à deux phénomènes désastreux : la montée de la complexité et l’aggravation perpétuelle des déséquilibres, les solutions d’une crise étant la source de la suivante.

Quand les « trente glorieuses » se sont elles brutalement arrêtées ?  Comme par hasard avec la crise de 73-74 qui était fondamentalement une crise due à la baisse excessive du dollar avec une inondation redoutable de création monétaire par le Trésor américain et la FED. On a fait semblant de prendre la conséquence (la hausse brutale des prix pétroliers) pour la cause ;  et, l’inexpérience de la nouvelle situation aidant, le monde a connu la stagflation, puis une première crise de change des pays émergents, puis le krach de 1991-93, puis l’explosion de la bulle de 2000 et ses conséquences puis le krach actuel qui marque la fin du cycle démarré en 71.

La puissance géopolitique des Etats-Unis, le rôle de monnaie mondiale du dollar,  l’influence presque dictatoriale d’économistes comme Milton Friedmann,  ont permis à un système intenable sur la longue durée de prospérer, les Etats-Unis ayant été capable de faire supporter aux autres les crises successives, au prix d’une fragilisation constamment aggravée.  Nous avions dénoncé comme superficiel l’article de Rogoff, économiste du FMI, lorsqu’il avait prétendu que les crises étaient constamment plus limitées. Ce n’était vrai qu’aux Etats-Unis et au prix de déséquilibres de plus en plus inquiétants.  Dès 2006 nous avons indiqué que la crise à venir serait très grave parce que justement les Etats-Unis n’avaient plus le moyen d’en réchapper.

Les produits financiers compliqués ne sont qu’une  conséquence des changes flottants, puisque toute opération internationale suppose une double spéculation : sur le bien lui-même et sur la monnaie. Un univers de ressources faciles s’est ouvert aux banques intermédiaires obligées qui ont profité de l’inondation monétaire générale et l’ont aggravé tout en croyant faire face aux défis de prévisions par la technique mathématique.  C’est ce système là qui vient de s’écrouler.  Mais rien ne sert de condamner les moyens de lutter contre la complexité si on n’agit pas sur la complexité elle-même.

Alors, oui, nous condamnons inlassablement les changes flottants, cause première de la fin des trente glorieuses et de l’effondrement systémique actuel.  Et nous pensons qu’un Bretton Woods 2 n’a de sens que si le système des changes est réformé.

Qu’écrit Michel Rocard dans le JDD du 2 novembre : « La montée des produits dérivés résulte de la désorganisation de l’économie réelle qui elle-même découle de la décision de décrocher le dollar de l’or. Le commerce qui jusque là travaillait à change fixe, a été menacé par les changes flottants. Tout est devenu volatile, imprévisible. Il a fallu se couvrir, inventer les combines  les plus tordues pour tenter de réguler la valeur des titres sur lesquels on travaille. A partir de là l’économie a été plus abstraite et plus fragile. La finance mondiale a fait supporter à l’ensemble de la société un taux de risque anormal ».

Tout cela est un peu approximatif : on confond les flux marchands et les flux de placement ; on ignore que les produits dérivés datent sous leur forme mathématique du début des années 90.  Bref, on connait l’air mais pas trop les paroles.

Mais au moins l’intuition est bonne. La crise de 2008-20 ?? est bien le dernier soubresaut d’une désorganisation commencée en 71 et qui a vu des inondations monétaires successives se résorber par des crises successives dont la dernière est systémique et marque la fin de cette étape particulière de l’histoire économique.

La suite des propos de Michel Rocard est sans intérêt car il ne sait pas ce qu’il faut faire et ne peut que se livrer au petit jeu de la distribution des bons et des mauvais points politiques. Mais au moins il a compris que le système de change actuel était intenable et que la reconstruction d’un effort collectif pour harmoniser les monnaies et les politiques économiques était nécessaire.  C’est bon à prendre.

L’absence d’un consensus sur les causes et donc sur les remèdes aggravera la crise actuelle. On ne se souvient pas qu’il y a eu des conférences au début des années 30 pour faire face aux désastres montants de la déflation.  Et qu’elles n’ont pas permis de trouver une solution commune.  Chaque pays a joué sa partition au détriment de l’ensemble, provoquant la dépression généralisée. On est loin d’avoir évité ce danger.

On le verra rapidement lors de la prochaine conférence. Si personne n’évoque la nécessaire stabilisation des changes avec coordination des politiques économiques, afin d’éviter la poursuite des déficits astronomiques des balances extérieures américaines et l’accumulation de ressources virtuelles et stériles dans des pays à trop forts excédents,  il n’y aura pas d’espoir de sortir de la crise autrement que par la dépression.

Depuis plus d’un mois maintenant des monnaies nationales sombrent provoquant des dévaluations phénoménales et des hausses délirantes des taux d’intérêt. Le Brésil dévalue massivement entraînant l’Argentine dans un nouvel « hiver économique ». L’Islande, la Hongrie, la Serbie n’ont plus de monnaie ni de crédit.   Le Japon ne sait plus à quel niveau de Yen se vouer. Les Chinois redoutent la perte de la valeur de leurs dollars accumulés dont ils n’ont pour le moment rien fait.   Croire qu’il ne s’agit que d’une affaire de crédits immobiliers américains douteux vicieusement transférés au monde entier  par Wall Street est réellement pitoyable.

La sortie de crise de ne sera pas un « new deal  2 » américain, ou une poussée majeure du socialisme rétablissement un meilleur équilibre entre  revenus du capital et du travail.  Ce ne sera pas non plus l’émergence d’une politique de « décroissance positive », un oxymoron qui n’a que la valeur des oxymorons. Une fois les pertes digérées, ce qui prendra plus que  quelques mois, ce sera la patiente reconstruction d’un monde global stable où les déficits ne pourront se poursuivre indéfiniment sans action correctrice rapide et concertée. 

Le monde qui émergera alors ne sera pas celui rêvé par Milton Friedman mort le 15 novembre 2005, juste avant la révélation de son erreur d'analyse en matière de change.  On notera le silence abyssal de l’école de Chicago, censé propager sa pensée,  depuis que la crise mondiale a commencé.


Didier Dufau pour le Cercle des Economistes  E-toile.

Réfutation du film : l'argent-dette qui fait fureur sur le net

Le film l’argent-dette marque le grand retour des sophistes et des sectaires

Les grandes crises sont toujours l’occasion pour des esprits faux de faire les malins avec des bouts de raisonnements séduisants et des éclats de miroirs offrant des visions biaisées de la réalité.  L’économie s’y prête particulièrement du fait du grand silence des économistes officiels, de l’ignorance économique profonde  (et parfois abyssale) du monde  médiatique,  et du désarroi que produit chez tous les malheurs d’une grande crise.

La méthode est toujours la même :

-    On fait semblant de parler de la réalité avec technicité : l’illusion scientifique.
-    On mélange de la morale à tout bout de champ.
-    On exploite le fantasme éternel de la tromperie du bon peuple   : « on vous gruge, on vous pille ; vous vous rendez compte Mme Michu ! ».
-    On  postule  qu’il y a des diables dont l’action souterraine est naturellement maléfique.
-    On accrédite l’idée que les pouvoirs politiques sont inféodés à ces démons généralement par corruption
-    On annonce la fin du monde : pensée apocalyptique.
-    Sauf si on suit gentiment le nouveau gourou.
-    Qui comme par hasard à quelques besoins d’argent
-    … et aucune solution.

L’aliénation sectaire de masse est pratiquée depuis longtemps par des mouvements de type ATTAC, qui se présentent comme « d’éducation populaire »  et qui sont en fait des officines de recyclage pour les réseaux d’influence communistes  qui ne veulent pas perdre les positions qui furent les leurs jusqu’à la chute du mur.

Mais  les mêmes vaticinations peuvent être aussi le fait d’allumés en tout genre et d’associations écologiques  prônant la décroissance et l’économie durable.
Le plus bel exemple en est donné par le succès de « buzz » d’une vidéo « explicative » de la crise mondiale, « l’argent-dette » que l’on trouve à l’adresse suivante :
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=1274

On y voit l’histoire de la banque des origines à nos jours en des termes apparemment pleins de bon sens et qui sont autant de sophismes.

Le banquier y est présenté en salaud  éternel. A chaque étape du développement bancaire, le banquier fait une saloperie et est obligé de rendre gorge.  Mais, mystère à chaque fois le système survit ! Pourquoi ? Nul ne le sait. C’est évidemment là la grosse ficelle du système.

Alors oui les différents stades de l’organisation du crédit et de la monnaie sont passés en revue, avec pas mal de finesse.  Mais chaque fois le diable est rattrapé par ses créations  qui se perfectionnent  pour durer.  Jusqu’évidemment l’explosion finale qui engloutit le monde.

La thèse :

La monnaie est crée par les banques ex nihilo. La monnaie ce ne sont que des promesses de remboursements.   L’Etat et la planche à billets  n’est pas le principal émetteur de monnaie.

Jusque là tout va bien.  Il est clair que le travail du banquier est d’échanger un flux de trésorerie  à venir contre une création monétaire immédiate qui va servir à payer des biens réels ici et maintenant.

L’erreur :  

 On note que la monnaie créée  correspond au principal et qu’il faudra rembourser le capital et un intérêt qui lui ne correspond à rien et sera in fine payé par l’emprunt de nouvelles sommes.  Le système est obligé à une fuite en avant perpétuelle jusqu’à l’explosion finale.  On déverse à ce moment là tous les interdits religieux sur l’usure, cela fait de la chaleur à défaut de lumière.

La réfutation :

L’affaire du taux d’intérêt est extrêmement simple : l’argent investi doit permettre un retour sur investissement. En un mot il se financera par l’accroissement de la richesse que l’investissement permet.  Le flux de remboursement comprend le gain de productivité espéré.  Le système est parfaitement stable si le taux de productivité de longue durée est égal au taux d’intérêt.
                    
Si ce sont les banques qui prêtent c’est parce qu’on les voit mieux armées pour détecter les projets productifs que l’Etat qui lui s’intéresse surtout à colmater les brèches permanentes de son budget.  Le tâtonnement de milliers de banques vaut mieux que les gros sabots de l’Etat.

On dira : mais les prêts aux particuliers notamment pour l’immobilier ? Où est la contrepartie des intérêts ? Un immeuble n’a pas de productivité croissante.  Oui : mais l’emprunteur a des ressources qui elles dépendent de la croissance de la productivité.

L’intérêt sera prélevé sur la croissance. Corollaire : il ne faut prêter c'est-à-dire créer des flux de remboursement que si ceux-ci sont possibles principal et intérêts compris. Le prêt à ceux qui sont exclus des mécanismes de la croissance est à proscrire absolument !  Pour eux il faut des dons !  Nous revoilà revenus aux subprimes mis en place par Clinton et que Sarkozy voulait étendre à la France et que les banques américaines n’ont mis en place que parce qu’on leur a accordé une garantie d’Etat supplémentaire

La monnaie créée par l’Etat n’est pas d’une essence différente de la monnaie créée par les banques comme l’affirme le document cité.   L’état aussi crée du papier monnaie  en contrepartie d’une dette.  Il suffit de regarder le mode de comptabilisation de l’émission des banques centrales pour s’en rendre compte : la monnaie va à l’actif et sa contrepartie au passif sous forme de dette. 

Mais la monnaie ainsi créée n’est pas directement corrélée à des projets de productivité.  Elle peut servir à financer des déficits de balances de paiements quand la monnaie de l’Etat est la monnaie du monde (cas des Etats unis) ou des déficits budgétaires.  Et là on crée bien une bulle sans contrepartie réelle.

Le délire

Cet aspect ayant été totalement ignoré, toute la suite n’est que pure sottise qu’on laissera découvrir au lecteur.

Une approche plus réaliste. 

Il est parfaitement juste que le prêt à intérêt n’est possible  que s’il y a croissance. Il ne peut pas y avoir de croissance sans investissement.  Il ne peut pas y avoir d’investissement sans prêt.  Les banquiers ne sont pas des voleurs. Ils sont là pour détecter les investissements rentables et les financer. Ils se trompent largement. On a donc des pertes sur investissement qui doivent également être financées sur la croissance des autres.

On dira : d’accord mais alors il faut réserver les prêts aux entreprises et aux riches. Les premières sont les seules à garantir un espoir de gain de productivité ; et les riches sont les seuls à pouvoir encaisser les pertes.  C’est exact.  Le dicton « On ne prête qu’au riche » est une règle prudentielle bancaire.  

Mais  comme Marx l’a écrit ce sont les entrepreneurs et les riches qui s’accapareront les richesses futures ! C’est clair que les profits d’un investissement sont partagés par la banque et l’entrepreneur. Ils ne percoleront dans la société que par la consommation, les salaires et l’impôt.

Il est donc légitime (et obligatoire en démocratie) qu’il y ait une redistribution, une pression syndicalisée sur les salaires  et une certaine dose d’encouragement à la consommation.  L’investissement ne trouvera son marché que s’il y a des clients !  Ford avait compris cela mieux que quiconque.

Sous réserve de la faisabilité écologique d’une croissance perpétuelle n’épuisant pas les ressources non renouvelables, une vraie question à la quelle on donne aujourd’hui de mauvaises réponses et qui méritera un débat plus approfondie dans ce blog, une société fondée sur la productivité avec un taux d’intérêt à long terme ajusté au taux de croissance peut être stable (Au passage c’est ce qui nous sépare de Maurice Allais qui a une vision un  trop malthusienne du crédit).  

A condition qu’on ne crée pas artificiellement des obstacles à la stabilité : changes flottants, déficits perpétuels, monnaie d’un Etat dépensier devenant la monnaie du monde,  détournement des crédits vers la spéculation de masse, perte de signification des flux de recettes anticipées dans des véhicules incompréhensibles, surinvestissement dans le même domaine jusqu’à l’explosion, garantie d’Etat donné à des crédits de masse au remboursement trop clairement impossible  etc.

La  question du jour est de supprimer toutes ces causes de disfonctionnement.  Pas de se lancer dans des élucubrations et des expériences sectaires.

Crise mondiale : ce que l’on sait ; ce qu’il faudrait faire.


En accidentologie, on sait qu’un drame est rarement le fruit d’une seule cause et que plusieurs facteurs se conjuguent pour faire céder les précautions qui entourent la plupart de nos comportements.  On trouve le plus souvent : un terrain favorable, une innovation qui trouble la routine de la normalité et une ou plusieurs imprudences simultanées  qui lient l’ensemble et provoquent la catastrophe.

La crise mondiale qui nous frappe relève du même type d’analyse.  La conjoncture est le fruit de conjonctions.  On peut dès maintenant en établir le tableau.

Le terrain était favorable à une crise économique. Pourquoi ? D’abord parce qu’on sait qu’une crise  à caractère de ralentissement ou de récession frappe l’économie mondiale tous les 8 à 10 ans.   On sait aussi que le dernier épisode de ce type a été particulièrement aigu au moins sur le plan boursier. En France le Cac a atteint près de 7000 points avant de redescendre à 2500, imitant la bourse américaine.  Les Etats-Unis ont été obligés après des lustres de déficits ahurissants d’aggraver encore la fuite en avant en inondant le monde de liquidités, en faisant descendre les taux d’intérêt extrêmement bas tout  en laissant plonger le dollar.  Des taux d’intérêt inférieurs à l’inflation, donc négatifs, ne peuvent guère être considérés comme normaux.  Un dollar dévalué de 97% par rapport à l’or en 30 ans, ne peut pas être vu comme une monnaie sans problème.

Une première question, macro économique est de savoir pourquoi  on a pu en arriver là.  Les théories genre « exubérance des marchés » sont évidemment un peu courtes.  C’est toute la question des changes flottants et des possibilités offertes aux Etats-Unis de laisser filer leurs déficits pendant des années.   L’observateur ne peut manquer de remarquer que cela fait trente ans que cela dure avec des crises financières de plus en plus graves. La question se pose de réformer cet environnement macro économique qui s’avère inégalitaire, instable et dangereux.

Y-a-t-il une innovation particulièrement importante dont la nouveauté aurait pu troubler les équilibres  et le jeu des précautions habituelles ? 

Oui : la banque assurance et les produits techniques sophistiqués. 

Une grande partie de la montée des hedge funds dans les années 1990 est liée à la mise en place de nouveaux liens entre organismes d’assurances et banquiers.   Ce sont les détenteurs des gros stocks d’actions qui peuvent les prêter et permettre de jouer sur les « futures », en un mot toutes les formes d’options et d’opérations à fort levier.  Les assureurs ont des actuaires, rompus aux mathématiques.  Dans le fourneau de la « banque assurance » des experts vont voir se dessiner des possibilités nouvelles d’abord expérimentées par les hedge funds puis repris dans la banque d’affaire.    Les experts de l’assurance sont passés maître dans l’art de modéliser à long terme les flux de trésorerie.   L’ingénierie financière prend son essor avec des produits largement incompréhensibles pour le commun des banquiers.  Mais ils sont tentants, car ils sont hors bilan, hors bourse et  hors de portée des régulateurs. Or justement les banquiers peuvent faire du chiffre car les taux d’intérêt sont bas ce qui stimulent opportunément les demandeurs.  Et les assureurs sont prêts à assurer les crédits  et les opérations un peu compliquées, qui leur font gagner beaucoup d’argent sans peser sur leur trésorerie.  Les agences de notation sont totalement dépassées par les technologies mises en œuvre et raisonnent à  la papa comme s’il s’agissait de crédits classiques.

Quelles auront été les imprudences ?  

Le marché immobilier des particuliers  stagnant depuis la crise de 1974, malgré un net rebond  à la fin des années 80, est reparti à la hausse selon son rythme propre. C’est vrai partout dans le monde.  Aux Etats-Unis l’administration Clinton commet une première imprudence : elle fait passer une législation « politiquement correcte » imposant les crédits aux minorités tout en donnant une garantie aux deux instances de régulation du marché des hypothèques, Fanny Mae et Freddy Mac.  La baisse des taux d’intérêt aidant  un énorme marché des prêts immobiliers à primes de risque se met en place.  Une seconde imprudence provient des acteurs de la « banque-assurance » qui plongent dans la fabrication de produits dérivés de ces crédits avec la garantie apparente de la technicité et de l’énormité des réserves des assurances, plus celle de l’Etat américain.

A partir de 2002 le marché s’emballe.  Les produits complexes font le tour de la terre, générant de gras courtages et finissant dans le bas de laine d’épargnants incapables de savoir ce  que les gérants de portefeuille peuvent bien mettre dans leur compte.   Au lieu de s’inquiéter sur la montée des encours en produits complexes,  la complaisance domine et on s'extasie. Lehman Brothers, en pointe sur la confection et la distribution de ces produits est primée pour son audace, sa technicité et ses résultats brillants.  Les ambitieux se lancent un peu partout dans la danse, y compris des européens comme le suisse UBS ou le français Crédit Agricole.  L’inconscience est générale, l’imprudence devient universelle. La valeur  de l’en cours global  des CDS et des CDO  croît à partir de 2002 de plus de 100% par an, grégarisme bancaire oblige !

Jusqu’à ce que le cycle reprenne ses droits et que le retournement global de la conjoncture s’annonce.  On commence à s’aviser que certaines positions sont très aventurées. Le marché immobilier américain tousse puis se retourne. Pour la première fois les prix baissent.  Les flux de trésorerie à la base de toutes  les titrisations s’inversent. Les marchés interbancaires de gré à gré sur ces produits se bloquent en juillet 2007. La comptabilisation devient impossible.  Des pertes apparaissent dans des bilans qu’on croyait vierge de tout problème. Les attaques de banques commencent, et les assureurs sont pris d’assaut. Ils ont donné leur garantie.  Le château de cartes s’effondre et avec lui les bourses mondiales.  La crise de confiance finit par bloquer partout le système bancaire  et  comprime l’économie dite « réelle ».


Nous en sommes là.

Il y a bien eu conjonction d’un terrain dangereux, d’innovations incontrôlées et d’imprudences caractérisées. 

La sagesse serait d’agir pour l’avenir sur ces trois aspects.

Il faut évidemment revoir un système qui permet aux Etats-Unis d’alimenter par ses déficits des crises financières de plus en plus graves. C’est la question des changes flottants et de la régulation des politiques des Etats par un système égalitaire sans superpuissance à privilèges et avec une organisation globale différente de celle qui existe.  C’est la question la moins débattue car à la fois la plus technique et la plus politique.  Les économistes sont taiseux et les Etats-Unis  ne lâcheront pas facilement leur statut d’hyper puissance. 

Il faut maîtriser l’innovation financière, c’est à dire contrôler mondialement la création et la diffusion des produits dérivés et structurés.  Vers ce monde compliqué il faut voguer avec  des idées simples : rentrer les « futures » partiellement dans le bilan et faire en sorte qu’un créateur de produits dangereux en conserve une bonne partie comme gage de sa validité.  Mais la magnitude de complexité doit être aussi réduite. On retrouve nos changes flottants qui imposent, pour que la diffusion mondiale de ces produits soit possible, des hedgings sophistiqués et eux même complexes, rendant le tout parfaitement  non maîtrisable.  Et la combinaison de produits complexes dans des produits complexes ad infinitum doit certainement faire l’objet d’un traitement prudentiel un peu plus sévère. A l’échelon mondial.

Quant à l’imprudence, on touche à la condition humaine.  On pourra toujours  règlementer la rémunération des « traders »,   on ne changera rien durablement. Les politiques feront toujours du « politiquement correct » et prendront des mesures démagogiques et potentiellement dangereuses,  les banquiers seront toujours des moutons,  les ambitieux enfourcheront toujours le dernier dada à la mode, les épargnants chercheront toujours à « battre la moyenne du marché ».  Il  faudrait surtout mettre en place des procédures d’alerte quand un marché dérape de façon trop « exubérante ». Mais il faut que cela soit une fois encore une organisation mondiale qui parle et qu'elle puisse le faire sans la pression d'un bailleur principal  !  

Le FMI, seule institution de surveillance existante a totalement failli à sa mission.  Impuissante vis-à-vis des Etats-Unis son  principal  bailleur qui dispose en outre, seul,  d’un droit de veto, elle n’a rien compris à ce qui se passait  dans la sphère des innovations de la banque assurance, contrairement à la Banque des Règlements internationaux qui, elle, a bien vu la bulle des produits dérivés et structurés. Elle est de plus présidée par un président sans crédit et sans réelles compétences : erreur d'un choix politique pour une institution déboussolée depuis longtemps, sans importance pratique et dont la présidence est vue comme une sinécure pour satrape en attente de poste encore plus honorifique. 

Les Etats-Unis sont évidemment au cœur de la tourmente.  Ils sont actuellement sans pilote et avant que le nouvel élu soit réellement en place  il se passera encore quelques mois. Rien dans les propos actuels des candidats ne laissent penser qu’ils veulent le moins du monde revenir sur leurs privilèges et leur rôle de leader de l’occident et de maîtres du monde.  L’ennui c’est que les changes flottants, c’est eux ; les déséquilibres pesant sur le monde entier, c’est encore eux ; les innovations financières dangereuses, c’est toujours  eux ;  le blocage de toute régulation financière et comptable universelle, c’est aussi eux ; les banquiers qui ont créé le marasme général, ce sont les leurs ; les plus lents à réagir, c’est encore, toujours, aussi,  eux.  Autant dire qu’ils ne céderont rien facilement et que les autres iront à la discussion en marchant sur des œufs.

On ne s’accordera que sur les points les plus faciles : les normes comptables, les agences de notations,  la régulation internationale  de la banque assurance, peut être le système de rémunérations des banquiers et un petit peu les « hedge-funds ».  Mais on peut craindre qu’on n’aille pas plus loin. 

Si on aime les analogies routières : on mettra des air-bags, quelques gendarmes  et on fera souffler les conducteurs dans le ballon. Mais on ne touchera pas à la route défoncée et dangereuse.

C'est trop peu et trop tard.

On est déjà passé du ralentissement à la récession. Tout est  en place pour qu’on passe à la récession sévère  puis à la dépression.

 Sauf miracle...
…politique !  

Didier Dufau, pour le Cercle des économistes e-toile.

Nationaliser ou étayer le capital des banques ?

Un de nos lecteurs nous pose cette question : pourquoi préférez-vous une nationalisation  totale plutôt qu’une entrée dans le capital des banques fragilisées par la crise ?  C’est une bonne question.
Rappelons que nous proposons une nationalisation totale bien que temporaire  des banques qui seraient en difficulté, sans indemnisation immédiate des actionnaires de la banque. La régularisation se ferait après liquidation des actifs pourris,  un ou deux ans plus tard. 
Première raison : la valeur résiduelle des banques en difficulté est impossible à calculer. Ajouter de l’argent d’Etat sur du sable mouvant n’est pas de bonne politique.
Seconde raison : les stocks options sur les actions de la banque tombent d’elles-mêmes.
Troisième raison : le client croit plus à la garantie d’une banque d’Etat que d’une banque avec des capitaux d’Etat. C’est l’affaire du peso argentin qui valait le dollar mais on s’est vite aperçu qu’il n’était pas le dollar. Le « canada dry » c’est bien pour la boisson mais pas pour la banque malade.
Quatrième raison : il n’est plus nécessaire de garantir les opérations interbancaires du groupe des banques nationalisées. Elles le sont d’office.
Cinquième raison : l’état actionnaire peut pooler les actifs à risque et en faire la compensation interne au sous ensemble des ses banques et présenter une seule tête dans les négociations avec les tiers et les pays étrangers.
Sixième raison : ce sont d’abord les actionnaires des banques qui trinquent ce qui des plus moral.
Septième raison : s’il faut cantonner des actifs pourris c’est plus facile à faire avec un groupe de banques nationalisées qu’avec des banques privées indépendantes.
Huitième raison : l’Etat aura une bien meilleure vision des comportements à risque passés et des remèdes ou changements de cap à apporter.  Les dirigeants actuels des banques ont la bouche scellée sur pratiquement tout.
Neuvième raison : le capital des banques concernées cesse d’être sous la pression de la spéculation.
Dixième raison : s’il doit y avoir un jeu de Monopoly pour restructurer le secteur bancaire, c’est beaucoup plus facile  quand on le possède en entier.
D’accord la solution est rude mais elle  doit être transitoire. Les demi-mesures sont rarement durablement bénéfiques.

Il n'y a pas de miracle !

Le plan européen a obtenu le meilleur accueil de tout le monde et c'est tant mieux. Mais ceux qui remarquent que ce plan est  magique en ce sens qu'il ne fait mal à personne en faisant du bien à tous, et qu'il n'était  pas trop difficile à assumer politiquement, ceux là ont raison.

La douleur viendra après  lorsqu'on s'apercevra qu'il faut bien ques les pertes soient subies par quelqu'un ou lorsqu'on verra que les causes inititiales de la crise sont toujours là et continuent à mordre sur la confiance. 

Nous persistons au Cercle des économistes e-toile à penser qu'il fallait refroidir la spéculation en verrouillant les cours des principales monnaies entre elles, évitant au passage que tous les produits dérivés et structurés ne dégringolent, et acter les pertes des banques en nationalisant les principales banques sans paiement immédiat, l'indemnité ultérieure de nationalisation étant déterminée plus tard lorsque le dénouement des différentes opérations complexes ou purement spéculatives auront craché leur venin (on en a jusqu'à l'été 2009 !).

On aurait à la fois stoppé les dérives immédiatement et fait assumer aussitôt par les banquiers les pertes dont ils sont responsables. 

Gordon Brown a choisi la voie de la nationalisation plutôt que du complément de capital. Il a eu raison car c'est la solution la plus solide et qui implique toutes les autres (garanties des opérations interbancaires, garantie des dépôts etc.). 

Personne n'a pensé à toucher au système de change, l'idée dominante est que des swaps entre banques centrales permettront d'assurer la liquidité en devise.  Ce n'est jamais très facile d'être seul sur son rochet à s'égosiller à dénoncer les méfaits permanents et systèmatiques des changes flottants et leur responsabilité écrasante dans les bulles successives qui ne sont soignées qu'en en provoquant un peu plus tard de plus grosses.

Bulle infernale de 1974, crise des prêts aux Etats faibles, crise des junks bonds, monumentale crise générale de 91-93, explosion de 1998, déséquilibres ahurissants de 2000, blocage bancaire de 2008, est-ce que la leçon de chose est si difficile à comprendre ? Depuis le passage aux changes flottants après les accords de la Jamaïque chaque crise est plus importante et les solutions apportées générent la crise d'après en pire.

Les inondations monétaires actuelles couplées aux changes flottants ne peuvent que provoquer à nouveau les pires ennuis.Cette fois-ci ce sont des Etats entiers qui sont en première ligne car leur monnaie menace de ne plus rien valoir du tout.Et le libre échange.

Notons au passage que la suppression des règles comptables  de valorisation  des actifs au cours du jour ne fera que cacher la misère sous le tapis en reportant à plus tard le constat des pertes. Cela favorisera la méfiance des banques malgré toutes les garanties données par les Etats et toutes les bonnes idées sur l'amélioration des méthodes des agences de notation. Quand à la moralisation des rémunérations ce type de mesures politiciennes n'aura évidemment aucune importance. 

Rappelons que tous les produits dérivés ou structurés ont à peu près le même profil : ils sont ancrés sur des hypothèses de variation de valeur d'indices finalement assez étroite. Dès qu'on sort des limites c'est le krach et les pertes systèmiques avec explosions en chaîne, surtout avec des produits structurés contenant d'autres produits structurés ou dérivés. 

L'unification, même à titre provisoire, des taux de change et des taux d'intérêt  principaux aspects surlesquels des "hedging" sont faits, éviterait que l'on sorte de l'épure théorique des contrats et permettrait une sortie progressive des engagements sans trop de drames annexes. Seules les erreurs sur les risques des sous jacents auront un impact sur le dénouement. Il y aura des pertes mais pas de pertes "dérivées".

Actuellement les hedge funds sont soumis à des demandes considérables de sortie des investisseurs. Ils sont protégés par le terme des dépots.  Tout va se dénouer dans les deux mois. Certains ont déjà des pertes magistrales. Mais si le chaos revient dans les deux mois la majorité d'entre eux feront faillite entraînant une nouvelle crise systèmique qui cette fois là ne sera pas jugulable par des garanties politiques.

On prend trop de risques en ne nationalisant pas les banques  et ne stabilisant pas les changes.

Espérons que nous nous trompons !

Didier Dufau pour le Cercle des économistes

Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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