Une folie : la non garantie des comptes bancaires
L'Europe a décidé, dans la panique, d'essayer d'isoler les Etats des risques pris par les banques. Nous avons, sur le champ, protester contre une série de mesures visant à rendre les déposants et les souscripteurs d'obligations bancaires (la différence est ténue) responsables des pertes encourues par les banques.
Aujourd'hui quatre banques italiennes viennent de faire faillite. Les porteurs d'obligation de ces banques sont déjà ruinés. Mais à partir du premier janvier 2015 s'appliquent les règles nouvelles européennes qui risquent de ruiner les déposants eux-mêmes. La malfaisance des règles européennes commence à éclater et les premiers signes de paniques à s'épanouir.
Les mesures folles finissent toujours par montrer leur folie.
Lors de la crise de 29 aux Etats-Unis, les banques ont commencé à faire faillite à partir de 1931-1932, plusieurs années avant le déclenchement de la panique boursière. Des milliers de banques se sont retrouvées au tapis, ruinant à chaque fois les déposants et relançant à chaque fois la crise. On sépare souvent, pour les banques, les crises de rentabilité et les crises de liquidité. Elles vont rarement l'une sans l'autre. La crise de rentabilité provoque une panique qui crée une crise de liquidité. Éviter ce double mouvement est crucial. Les Américains l'ont compris à l'époque. Ils ont créé le FDIC, une assurance fédérale des dépôts, qui reprend les dépôts en cas de faillite de banque et les transfèrent à un organisme plus fort. La réaction en chaîne est stoppée. À l’époque le résultat a été époustouflant : pratiquement aucune faillite de banque après le passage de la loi. La panique a été stoppée, donc plus de risque de liquidité. Partout, depuis, les Etats ont admis leurs responsabilités dans la solidité du système bancaire et en premier lieu dans les banques de dépôts. Banque centrale, solidarité de place, spécialisation bancaire, nationalisation éventuelle, contrôle de l'Etat sur les masses de crédit, maîtrise des flux de capitaux internationaux, ont permis de prévenir tout risque systémique jusqu'en 71. Le système bancaire était national. Sous contrôle des élus de la nation. Sous la responsabilité fiscale du politique national.
Après avoir fait sauter le verrou monétaire international, en abandonnant les accords de Bretton-Woods et en violant tous les jours les statuts du FMI (qui n'ont même pas été changés, preuve qu'on avait un peu honte tout de même), on a fait sauter le verrou sur les placements des banques, qui pouvait s'effectuer partout, et déspécialisé les banques, permettant de tout faire avec les "dépôts", dans un environnement de plus en plus obscur.
Curieusement la même idéologie a été développée dans le monde et dans la zone Euro : seule la liberté totale des mouvements d'hommes, de marchandises et de capitaux permettrait aussi bien à un système de monnaie unique qu'à celui de monnaies flottantes, de fonctionner. Les marchés du travail, de la production et des capitaux permettraient de réguler les écarts éventuels de productivité et d'inflation au sein de la zone Euro. Les marchés libres d'entraves permettraient que les capitaux trouvent leur emploi optimal à travers le monde. Les économistes à la mode aux Etats-Unis, donc en Europe, du fait du panurgisme total qui a saisi la communauté des économistes européens non marxistes, ont tous expliqué doctement qu'il ne savait pas qu'elle était la valeur d'une monnaie, d'un intérêt, d'un investissement. Les marchés savent mieux que tout le monde.
S'est donc développé un système dual où les reliques du système précédent étaient encore en place, mais où la responsabilité résiduelle des Etats était privée de tout contrôle. Personne n'a jamais souhaité ouvrir ce débat de fond.
Le drame des marchés purement financiers est que le souscripteur ne sait strictement rien. Il est appâté par un taux de rendement et un effet fiscal éventuel. Et freiné seulement par l'absence de crédit, au sens large, des banques. Les molochs bancaires ont donc concentré les dépôts et utilisé à leur guise les sommes énormes collectées. De plus en plus en privilégiant les "actifs" internationaux, dont la valeur était de moins en moins gagée sur la production, et de plus en plus sur l'émission des banques centrales qu'elles ont amplifiée. Le déposant dans cette affaire n'avait strictement aucune information réelle sur la nature des placements faits. Malgré tous les textes visant à lui donner cette information, qui se sont transformé, dans les banques, en questionnaire ridicule sur les compétences financières des clients et en classification non moins ridicule des risques qu'ils sont prêts à prendre. La banque se protège des procès, mais ne protège pas le client !
Les marchés ayant toujours raison, même le FMI a cessé de s'intéresser aux interactions entre Etats. On a réputé que la comptabilité devait traduire la valeur de marché de tous les "actifs". La liquidité est devenue cruciale pour permettre à cette évaluation forcenée à court terme de fonctionner. La crise a commencé lorsqu’un des marchés s'est bloqué en juillet 2007 et que la BNP n'a pas pu "liquider" les parts de saucisson financier de trois de ses fonds.
L'effondrement du château de carte financier a forcé les Etats à intervenir, retrouvant leur rôle initial.
La question qui se posait était simple :
- les dépôts doivent-ils cautionner toutes les spéculations internationales des banques au risque de les voir disparaître et de créer un hiver nucléaire économique comme en 1939 ? Et l'Etat doit-il réassurer les dépôts ?
Notre position était qu'il fallait répondre non à la première question et oui à la seconde, les deux réponses étant parfaitement cohérentes.
Il fallait revenir à un système bancaire de proximité basé sur une vision étroite de leur capacité de crédit. L'activité de crédit des banques de dépôt devait se limiter à l'escompte d'effets de commerce nationaux avec la surveillance de l'Etat et sa garantie. Sinon, il fallait créer des banques de paiements où le déposant reste propriétaire de son dépôt et ne le place que s'il le veut.
On a choisi une solution différente. Les banques ont été tenues de garantir leurs prêts par des capitaux en volume adapté au risque pris. En période de taux d'intérêt nuls ou négatifs, cela revenait à étouffer toute l'activité des banques. Pour trouver ces capitaux les banques ont décidé de taxer leur activité de paiement et de dégonfler massivement leurs en-cours, empêchant la sortie de crise. Les petites banques ont été prises dans un casse-noisettes.
L'activité bancaire s'est renationalisée et concentrée juste au moment où l'Etat a choisi, du moins en Europe, de se désengager de ses responsabilités sur les dépôts.
Cette politique est folle.
La faillite des quatre petites banques italiennes en témoigne. On concentre le système bancaire tout en le ligotant, sans garantir quelque risque que ce soit pour les déposants. On va immédiatement voir revenir les comportements de paniques.
Comme l'Etat dirige fiscalement l'épargne vers ses propres besoins (via en France les systèmes d'épargne partiellement défiscalisés) et impose la bancarisation forcée, tout en désengageant des conséquences, le déposant est devenu une proie inquiète, prêt à toutes les paniques.
Les contradictions sont partout et l'inefficacité nulle part. Les dangers rodent. L'incohérence a ses limites.
On ne peut pas à la fois interdire la thésaurisation et ne pas garantir les "dépôts" forcés.
On ne peut pas à la fois vouloir maintenir les mouvements de capitaux internationaux en forçant les banques à revenir sur leur pré carré national par des réglementations malthusiennes.
On ne peut pas centraliser sur des organes européens le contrôle des banques sans donner une garantie européenne aux dépôts.
Lorsque les déposants auront assimilé que la loi qui se met en place le 1er janvier 2015 les laisse complètement entre les mains de banques dont ils n'ont aucun contrôle et qui recommencent à faire faillite, tout peut arriver.
Il est des sottises qu'on ne peut pas laisser faire.
Rappelons que la seule solution est :
- de revenir à la responsabilité des Etats sur la valeur de leur monnaie, donc sur la valeur des créances internationales. Une nouvelle forme d'accords de Bretton Woods dégagés des erreurs du premier système est absolument vitale.
- de revenir à la spécialisation bancaire avec une restriction de l'activité des banques de dépôts au crédit de proximité, avec la création d'un système de banque de paiement déconnecté du crédit.
- de maintenir la surveillance nationale des activités de crédits (en volume et en nature) avec garantie de l'Etat sur les dépôts.
L'ensemble forme un tout cohérent et parfaitement compatible avec une croissance réelle sérieuse.
Incohérence entre état nation et Europe, incohérence entre doctrine des libres marchés financiers et monétaires et réalités, banques centrales en pleine folie pour éviter que le tout s'effondre, tout cela est totalement irresponsable.
Il n'y a pas de banque sans responsabilité. Considérer le déposant comme le seul garant d'un système qu'il ne contrôle pas est la porte ouverte à une aggravation permanente de la crise.
Il faut changer d'urgence le système monétaire national, européen et international. Et à très court terme, suspendre la loi irresponsable qui se met en place le 1er janvier prochain.
L'urgence est là. La sottise et l'irresponsabilité ont leurs limites.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
On a tout de même aujourd'hui quatre faillites bancaires en Italie. Et la non garantie des dépôts effective à partir du premier janvier 2016 est un facteur d'incertitude très important. La recherche d'un havre paisible et sans risque est la préoccupation centrale des épargnants. Ils craignent moins les guerres que les décisions brutales prises pour épargner "les contribuables", donc pour saccager leur épargne.
La non-garantie des dépôts est un effacement nominal de la politique et de la responsabilité politique. Dans la réalité, la responsabilité politique va consister à décréter l'état d'urgence ou l'état de guerre et à sacrifier des têtes pour apaiser les opinions publiques. Le retour au féodalisme va entrainer celui des jacqueries et l'impunité du brigandage international.
Plus que 8 jours pour faire faillite avec les anciennes règles.
Au moins, après leur troisième recapitalisation, les banques grecques auront l'air à peu près présentables au 31/12/2015