Succès et chute du « néolibéralisme » ? Le type même d’une histoire falsifiée.

On pourrait sans doute évacuer la question du néolibéralisme en considérant qu’il s’agit d’un vocable de mépris inventé par la gauche socialiste ecclésiastique qui sait y faire pour dévaluer les idées qui la contrarient en créant des mots repoussoir. Libéralisme, c’était punissable de tous les péchés, mais le mot liberté y affleurait, et il fallait faire attention. Bien sûr, la liberté aussi pouvait être déplorée : « la liberté du renard dans le poulailler » a beaucoup servi. La puissance médiatique de la gauche est telle depuis 1945, que même les plus libéraux sont obligés à des contours, des prudences, des « je suis bien d’accord avec vous, c’est mal, mais tout de même ». Lorsqu’on a demandé à un membre de Renaissance si la politique du gouvernement était libérale, sa réponse a été très clairement obscurcie par le politiquement correct de gauche : « je n’aime pas ce mot qui est trop connoté ». Marion maréchal a dit à peu près la même chose il y a peu lors d’une longue interview. Libéralisme ? Attention, champ de mines ! Un peu comme « grand remplacement » est devenu une expression symbole d’un dérèglement de l’attitude tournant au fascisme invétéré, nourri par la xénophobie fanatique, le racisme induré et la glorification des années immondes qu’on croyait disparues.

Néolibéralisme est bien le type de vocable super connoté par la gauche vomitive et utilisable uniquement dans une phrase de dénonciation. Un peu comme un technocrate est un fonctionnaire vu par un poujadiste, un néolibéral est un prosélyte des libertés vu par ATTAC.

Il serait dommage d’en rester là. Les pensées dominantes sont en train de changer et il est important de mesurer la réalité et l’ampleur des glissements. Les historiens et les sociologues adorent prendre des bouts épars et en faire une parfaite construction, presque une volonté, appuyée sur un complot s’il s’agit d’un mouvement jusqu’ici marginal qui s’impose dans des circonstances mal comprises.

Alors aujourd’hui la mode est de s’interroger sur l’étonnante percée des idées libérales dans les cinquante dernières années et leur reflux soudain. Comme c’est aujourd’hui la règle, c’est dans le monde anglo-saxon qu’il faut chercher les initiateurs de cette réflexion. En France on ne pense qu’après et en réaction. Il eût été préférable qu’on s’y colle avant. Mais bon, on n’a plus d’universitaires de qualité. Ils se réservent pour les combats du Wokisme tels qu’ils étaient menés aux États-Unis il y a trente ans. Au moins cela les change de la glorification de la Commune.

Depuis « Rise and fall of the roman empire », la mode est aux « rise and fall » de tout et n’importe quoi. Gary Gerstle est un peu devenu le spécialiste du genre en histoire économique américaine. Après « Rise and Fall of the New Deal Order » il a écrit « Rise and Fall of Neoliberal Order ».

Il fallait s’attendre à un livre du même genre en France. David Cayla, présenté généralement comme « économiste hétérodoxe » (comme s’il y avait une économie alternative…), a sorti fin 2022 « Déclin et chute du Néolibéralisme » chez De Boeck Supérieur.

Impossible de savoir ce qui différencie vraiment un hétérodoxe d’un non orthodoxe, et un non orthodoxe anti libéral d’un socialiste bon teint. Il est vrai que les économistes étant désormais considérés comme des pestiférés, il faut prendre quelques précautions pour continuer à être entendu.

Notons au passage la difficulté d’être et de dire !

Serge Audier, un brillant normalien naturellement anti productiviste (du moment que son traitement public à la Sorbonne tombe régulièrement) avait ouvert la voie avec une série d’ouvrages sur le néolibéralisme. Une vraie obsession :

· Le Colloque Lippmann : aux origines du néo-libéralisme, Lormont,

- Néo-libéralisme(s) : une archéologie intellectuelle, Paris, Grasset,

- Penser le néolibéralisme : le moment néolibéral, Foucault et la crise du socialisme, Lormont, Le Bord de l'eau,

La difficulté est évidemment, dans le foisonnement des idées qui ont contesté le triomphe du New deal puis du Keynésianisme, avec des mouvements de pensée très hétérogènes, de trouver une unité puissante capable de créer la matrice d’une nouvelle domination intellectuelle embrassant et embrasant le monde y compris les socialistes de la New left aux États-Unis, ceux de la Deuxième gauche en France et ceux du blairisme au Royaume Uni.

Pour la gauche marxiste caricaturale, le sort du néolibéralisme est vite scellé : un complotisme financé par le grand capital et qui a réussi à pénétrer les arcanes du pouvoir élitiste, par dol, en imposant une doctrine de pouvoir obligatoire et généralisée via le lobbyisme et l’entrisme dans les lieux de pouvoirs. En gros, le néolibéralisme est un sale virus, échappé d’un laboratoire sordide, inoculé par ruse par des complotistes et dont il est difficile de se débarrasser mais heureusement, il est en train de mourir de sa propre vilenie. Si on n'obtient pas un prix de civisme après un tel travail de « démystification », voire de « démythification » et de nettoyage d’une poussée de pourriture, c’est évidemment à désespérer de tout et marquerait la force résiduelle du virus !

La droite n’en parle pas. Comme d’habitude. Prendre le risque d’une idée ! Vous n’y pensez pas !

Du coup, le domaine est plein de faux débats et d’erreurs terrifiantes.

La « généalogie » ou « l’archéologie » de n’importe quel système de pensée est devenue un exercice à la mode. À gauche, on mêle allègrement tout et n’importe quoi pour prouver des racines qui expliqueront l’arbre. Au prix de contorsions subtiles :

-        Sur le tronc du libéralisme, le néolibéralisme est-il un surgeon ou une totale mutation conduisant, par glissements successifs, du bien possible au mal exemplaire ?

-        Le néolibéralisme a-t-il réussi du fait de l’effondrement communiste, entraînant la chute de l’URSS et au capitalisme d’état en Chine ? Vu de gauche, le mal ne peut provenir de la chute de la bien-aimée URSS. Donc la généralisation de solutions moins collectivistes ne peut être que le fruit d’une intrigue complotiste. C.Q.F.D. !

Pour avoir participé pendant cinquante-cinq ans aux débats récurrents sur la science économique, il va de soi que cet esprit de système visant un complot machiavélique mondialisé ne correspond à rien de ce que j’ai pu connaître en France, en Europe et aux États-Unis. Il suffit de dépasser l’âge de 70 ans pour se rendre compte qu’on parle, dans les médias, des périodes que vous avez vécues dans votre jeunesse et que vous avez cru vivre passionnément, selon un « narratif » qui n’a que peu de rapport avec votre expérience. Aussi bien dans les généralisations que dans les épisodes montés en neige, vous ne reconnaissez pas cette histoire alléguée et reconstruite. Les mentalités collectives ont du mal à se transmettre et à être conservées. Le schématique l’emporte sur le réel.

Quiconque a lu avec attention « la théorie générale » de Keynes, sait que cela branle un peu partout dans le manche et qu’il était parfaitement normal que des auteurs le remarquent et en fassent la critique. Moi-même dès la première année de fac, je mettais en difficulté sans le vouloir le chargé de TD qui croyait expliquer les crises périodiques selon la doctrine keynésienne par la course-poursuite de l’épargne et de l’investissement, en faisant remarquer qu’épargne et investissement étaient égaux par construction, il était difficile de concevoir qu’ils puissent se courir après. Une bêtise assez populaire à cette époque-là et qui n'a plus cours aujourd’hui.

De même affirmer que les changes flottants étaient une doctrine à la mode au moment où elle a été mise en œuvre, est une énorme contrevérité. À part Milton Friedmann qui en avait fait une vague apologie dans un livre lointain, personne ne défendait vraiment les changes flottants. C’était une bizarrerie qui pouvait s’expliquer momentanément par des circonstances particulières, mais sinon, ce ne pouvait être qu’une erreur funeste. Pour s’en convaincre, prendre aux États-Unis le bréviaire des élèves d’économie qu’était le Samuelson ou en France le cours de Raymond Barre, et voir que les changes flottants y sont traités par prétérition ou en un quart de page… sur mille et quelques.

Ce n’est pas parce que « de vilains complotistes néolibéraux, intoxiqués par l’effroyable ami de Pinochet, le sinistre Milton Friedmann» que les changes flottants ont été instaurés mais parce que les États-Unis ne voulaient plus des contraintes de Bretton Woods et entendaient n’en faire qu’à leur tête. Qui se rappelle que ce sont les Allemands qui ont promu le flottement et que pendant longtemps la solution n’a été présentée que comme transitoire ? Friedmann a alors servi de caution intellectuelle et les banques centrales ont même cru devoir tenir compte de ses suggestions. Elles sont vite revenues en arrière. Aucun des avantages avancés par Milton ne s’est réalisé. Au contraire. Les changes flottants sont un abus de pouvoir des États-Unis et une erreur économique internationale. Pas un complot.

Alors on pourrait singer nos sociologues de pacotille et affirmer : « le néolibéralisme n’est pas le libéralisme habituel mais une doctrine prescriptive qui cherche à détruire toutes les institutions collectives visant le bien commun par l’application de l’idéologie des marchés libres et sans entraves. La destruction des changes par les complotistes américains vendus au néolibéralisme a permis les folies bancaires et rendu impuissant les états dont les élites n’avaient plus le choix que de s’adapter aux règles du néolibéralisme, la nouvelle gauche plongeant avec délices dans les méandres de la finance internationale garantie par les banques centrales au mépris des peuples ». Une belle carrière d’économiste à Libération et dans les chaînes publiques de télévision serait ouverte ! Mais quel rapport avec la réalité historique ?

Si l’Union soviétique s’est effondrée ce n’est pas à cause d’un complot néolibéral, mais sous le poids de ses tares intrinsèques. Et elle a bien fait ! Il suffit de regarder l’agriculture ! 75 ans de pénuries puis, après l’effondrement, la Russie et l’Ukraine en moins de 30 ans, sont devenus le grenier du monde ! Satanés complotistes néolibéraux !

Si l’Union Européenne a choisi, en créant un marché intérieur libre, de s’appuyer sur la liberté de circulation sans entraves des mouvements d’hommes, de capitaux et de produits ou services, c’est parce que telle est la règle à l’intérieur de chaque état et on a souhaité la généraliser dans la communauté. On ne peut pas intellectuellement concevoir un marché unique couvert de barricades.

Si Margaret Thatcher a voulu sortir le Royaume-Uni du socialisme, c’est d’abord parce que le pays ne pouvait pas supporter d’une part le poids de la hausse massive des coûts du pétrole et aussi le poids d’une économie administrée végétative et en pleine anarchie syndicale. Si Tony Blair a continué dans la même direction, c’est tout simplement parce que le RU rattrapait son retard.

Si la Chine s’est organisée autour d’un capitalisme débridé et sans entraves dans le cadre d’une dictature politique, c’est, ici encore, à cause du décrochage dramatique qui a suivi l’époque maoïste et la hausse des coûts du pétrole. Pas besoin de la main invisible du complotisme néolibéral. Quand le géant Chinois s’est aperçu qu’il était dépassé par la seule Corée du Sud, et bientôt par tous les tigres de la région, il a compris que son destin était scellé si un changement radical n’était pas opéré.

Si les Américains ont décidé de laisser la Chine entrer dans l’OMC, c’est par cupidité : ils pensaient que les entreprises qui tiendraient le haut de pavé dans le monde seraient celles qui domineraient le gigantesque marché chinois soudain ouvert. L’erreur, que nous avons dénoncée sur ce blog sans relâche, c’est que, sans correctif monétaire, des déficits et des excédents gigantesques en résulteraient qui ruineraient les classes moyennes des pays développés. Maurice Allais a écrit, à cent ans, un livre pour avertir le monde. On l’a traité de tous les noms ! Et c’était le Monde qui s’y collait avec tout le soutien de la « dream team » de Jospin. Pas de fantasmatiques néolibéraux !

Si après avoir nationalisé à 100 % tout et n’importe quoi, Mitterrand et ses socialistes ont commencé à tout dénationaliser y compris les vielles entreprises nationalisées depuis ou l’avant-guerre ou l’immédiat après-guerre, c’est simplement parce que sinon le traité de Maastricht n’aurait eu aucun sens. L’européisme imposait qu’on ne retrouve pas des molochs nationaux face à face, armés par des États. Pour le meilleur et pour le pire !

En France le néolibéralisme n’a jamais eu le moindre pouvoir. On voit que Sciences Po est un conservatoire du bureaucratisme et du keynésianisme, son surgeon économique, l’OFCE étant le défenseur permanent et absolu des impôts, de la dette et de la dépense publique. Ce sont les associations pro Wokistes qui y ont gagné, pas de dangereux complotistes néolibéraux.

La liberté d’immigration en Europe des Africains est dans tous les programmes de gauche alors que l’Europe se devait de défendre ses frontières contre l’immigration illégale. L’individualisme « marchandisé » est plutôt à rechercher du côté du Wokisme que de la réflexion économique libérale.

Il serait sage de se concentrer sur l’économie avec des yeux libres de préjugés, plutôt que se gargariser de mots autour du faux concept de néolibéralisme, qui n’est bien qu’une arme verbale de propagande d’inspiration un tantinet stalinienne dans son usage courant actuel.

Pour des raisons d’argent et de puissance, certains grands pays ont choisi des cartes biseautées qui les avantageaient, pensaient-ils. Au bout du jeu les résultats ne sont pas là. La panique conduit à des tentatives de retour en arrière. Ce n’est pas la fin d’une doctrine, ni d’une pratique, mais le constat d’un échec qu’il va bien falloir surmonter. L’illusion d’un financement de déficits perpétuels par la dette monétisée auprès des banques centrales est désormais intégrée par les élites, même si les grandes masses ne l’ont pas encore tout à fait admis. L’illusion qu’en prélevant dans le revenu d’autrui, on pourra indéfiniment financer son train de vie, n’existe pas réellement. « Les riches paieront » est le genre de simplismes qu’on aime bien répéter dans les manifs pour se défouler. Mais tout le monde sait que cela n’a jamais marché nulle part. En revanche c’est une adresse à ceux qui ont réussi à faire face : « ne nous laissez pas tomber, on a le pouvoir de vous nuire ! »

Faut-il leur répondre ?

Oui !

Mais, malheureusement, il n’y a plus de partis de gouvernement pour tenter de créer les évolutions nécessaires. On sait ce qu’il faut faire, mais les leviers manquent pour faire bouger les choses. Macron donne le sentiment de mépriser la base et de ne servir que lui-même et ceux qu’on imagine être ses amis financiers. Le PS et mort. La deuxième gauche est enterrée. LR préfère la lutte entre énarques pour la présidentielle et surtout se taire sur tout pour ne rien compromettre. Le néant d’abord, la réflexion plus tard ! Succès garanti…

Il ne reste que l’exécration en bas et des demi-sel de la sociologie caricaturale dans les allées du pouvoir et des médias, de l’écologie pervertie et de l’étatisme keynésien. La pensée  socialiste, qui est restée dominante en France tout en gagnant les États-Unis, mais qui a perdu beaucoup de sa séduction, cherche nerveusement à retrouver un peu de légitimité. Que cette gauche puisse croire qu’en terrassant par les mots un diable artificiel monté en marionnette, le néolibéralisme, construit à la va-comme-je-te-pousse comme l’auteur de tous les maux, indique assez l’ampleur de la déroute morale et intellectuelle dans laquelle elle se complaît.

Sa domination résiduelle dans tous les lieux où se construit l’opinion laisse peu d’espoir que la France cesse sa dégringolade dans le sous-développement et la soumission. Son succès aux États-Unis et par ricochet dans les institutions européennes sous forme d’un écolo-wokisme destructeur et outrancier couplé à une volonté de puissance, laisse le monde occidental dans un état étrange qui remet en cause la stabilité et la prospérité du monde.

Là est le vrai risque à dénoncer.

Et de vrais risques de marginalisation pour ceux qui le feront.

Un peu de courage intellectuel et de vérité, s’il vous plaît !

Un article formidablement révélateur du Financial Times

L’actualité est sympathique pour ce blog. Elle nous permet d’aborder des thèmes fondamentaux qui ont été à l’origine de la formation du Cercle des économistes e-toile. Après le drame de la démographie française et les méfaits de l’énarchie compassionnelle, il est temps de commenter une réalité jamais traitée : la quasi-identité de destin économique déplorable de la France et du Royaume Uni qui souligne l’évidence d’une cause commune. Malgré les différences apparentes très fortes entre un pilier du néolibéralisme fortement anti syndical et rétif à l’assistanat et un pilier de la bureaucratie socialisante, entre un pays qui a choisi le Brexit et un pays aplati devant Bruxelles, entre un pays aligné sur Washington et un pays qui fait semblant de goûter les effluves résiduels du gaullisme diplomatique, l’évolution globale depuis 1971 est globalement la même. Les mouvements profonds l’emportent sur les apparences idéologiques ou les traditions nationales.

Vérifions que l’évolution économique et sociale a bien été la même. Le Financial Times nous apporte tous les éléments de réponse grâce à l’excellent article de Tim Harford, dans d’édition du 22 janvier 2023. Son titre dit déjà beaucoup : « Est-ce que la vie au Royaume-Uni est réellement aussi mauvaise que les chiffres le suggèrent ! Oui, absolument ! ».

Tim Harford a écrit trois livres absolument formidables, « The Undercover Economist » en 2007, « Freakonomics « en 2009, et « Why Nations fails », son chef-d’œuvre de connaissances et de réflexion en 2013.

Son approche est exactement celle qui nous a motivés à créer le Cercle des économistes e-toile : couvrir des domaines abandonnés, en montrant qu’on y trouve beaucoup de faits majeurs dont l’explication est indispensable et que les clés de l’avenir y sont présentes dans l’indifférence générale. La différence est qu’il le fait dans la presse et plus encore dans une presse anglo-saxonne où beaucoup de ses réflexions défient la pensée dominante.

Il a un peu dérivé vers le « spectacle » ces derniers temps avec :

Fifty Things That Made the Modern Economy (2 017). Little, Brown. ISBN 978-1408709115

The Next Fifty Things that Made the Modern Economy (2 020). The Bridge Street Press. ISBN 978-1408712665

How to Make the World Add Up : Ten Rules for Thinking Differently About Numbers (2 020). Little, Brown. ISBN 978-1408712245

Ces livres sont en fait des compilations de « podcasts » télévisés de 9 minutes sur une variété d’objets qui ont révolutionné notre vie courante et dont on n’imagine pas la puissance. C’est amusant et curieux, et correspond à l’humour anglais, un peu dans le style du patron qui candidate dans sa propre entreprise.

Le côté « Entertainment » n’est pas à négliger mais manque un peu de fond, ce qui n’est pas le cas de l’article dont nous parlons.

Après avoir cité une étude qui donne des prévisions peu amènes (la perte récente de 7 % du revenu moyen ne sera pas corrigée avant cinq ans), il démontre que ce qui devrait réellement nous épouvanter est moins le désordre circonstanciel actuel mais la longue descente aux enfers des dernières quinze années qui n’ont pas vu de croissance mais une longue stagnation qui contraste avec le quasi-doublement de 1978 à 2008 suivant le triplement entre 1948 et 1978. Au lieu de voir son revenu augmenter le travailleur britannique constate que depuis 15 ans il ne bouge plus, alors qu’il croissait de 40 % en moyenne tous les trente ans depuis l’après-guerre. En un mot : "Amis britanniques vous êtes entrés dans une phase longue de stagnation structurelle dont vous ne parlez pas alors que vous vous inquiétez pour des difficultés certes agaçantes mais momentanées".

Il souligne avec gourmandise qu’un bon gouvernement est celui qui propose d’excellents services publics, une pression fiscale basse et un endettement faible. Comme en France,  il est bien obligé de constater que c’est exactement l’inverse qui se passe depuis de longues années et qu’il est strictement impossible même de l’espérer. L’hôpital est par terre en France, comme l'est le NHS, le service national de santé. Le reste est à l’avenant. Là où on connaît une vraie différente, elle n’est pas de nature mais de proportion. Notre auteur signale que la dépense publique est plus haute de 4 points de PIB par rapport à la moyenne des périodes précédentes, mais le taux n’est que de 37 %. En France il est de 47 % ! On se souvient que le Général de Gaulle voulait dans les années soixante qu’il reste autour de 32 % et que ni Pompidou ni Giscard (surtout ce dernier), n’ont voulu respecter ce vœu. Et la situation est la même au Royaume Uni et en France pour l’école et les services sociaux.

Ne parlons pas de la dette. La situation est catastrophique dans les deux pays avec une dette qui monte inexorablement, des intérêts dont le service n’a jamais été aussi haut dans l’histoire et des déficits majeurs partout et jamais comblés.

Le résultat est le développement de la pauvreté à la base avec une partie croissante de la population qui a du mal à finir le mois. Une étude a montré qu’un quart de la population ne parvenait plus à mettre 10 livres de côté chaque mois, alors que la proportion était de 3 à 8 % il y a quelques années. Près de 10 % de la population déclare avoir eu faim à un moment ou un autre dans les trente jours précédant l’étude.

L’auteur remarque que des pays comme la Suisse, la Norvège et les États-Unis ont désormais un revenu très supérieur à celui des Britanniques qui a chuté de façon relative sinon en valeur absolue. Comme en France où la situation aux frontières est devenue caricaturale, comme nous l’avons prouvé ici dans de nombreux articles. Pour marquer l’opinion il montre que le revenu des dix pour cent les moins riches est plus bas qu’en... Slovénie !

Le paradoxe affirme Tim Harford est que nous ne sommes pas en récession que l’emploi est au plus haut et qu’il ne faut rien attendre d’un retournement conjoncturel formidable. L’affaire est bien structurelle et non conjoncturelle. Et le devoir des politiques est de l’acter et de la comprendre pour commencer à prendre les mesures structurelles qui s’imposent.

Tout le monde voit bien que c’est exactement la même situation en France alors que les dosages idéologiques médiatiques sont extrêmement différents dans les deux pays.

L’auteur n’ose pas aller jusqu’au diagnostic et aux suggestions de redressement. Mais un autre article dans le même journal quelques pages plus loin, fournit une clé d’interprétation.

Un premier graphique montrer la baisse tendancielle du PIB depuis la crise de 2008, par rapport à la tendance 1990-2007 qui était déjà en baisse. Le Japon et l’Allemagne ont bien résisté avec une baisse inférieure à 15 %, la France est à 20 % de baisse et le Royaume Uni à 30 % comme l’Italie. La baisse de la productivité a été très forte en France dans les dix premières années du siècle, mais dans les dix suivantes, l’effondrement a surtout eu lieu aux États Unis, en Italie et au Royaume-Uni.

Regardons les choses avec un peu plus de hauteur :

La crise commence au tournant des années 1970 avec une forte baisse de la croissance qui s’accélère à partir des années quatre-vingt-dix qui s’effondre depuis 2008. La productivité devient structurellement problématique à partir du début du siècle. En fait cette réalité est vraie pour tout le monde avec des différences de situation mais autour d’un même mouvement général dans les pays développés.

La raison principale est l’introduction des changes flottants qui permet les énormes déficits et les excédents de même ampleur. Il s’est ensuivi une suite de récessions périodiques de plus en plus graves (73-74, 92-93, 2 008 2 009) avec des crises intercalaires moins sérieuses mais qui ont eu leurs conséquences. La crise de 2008 a particulièrement ravagé les pays les plus engagés dans la folie financière, les États-Unis et le Royaume-Uni, alors que l’introduction de l’Euro provoquait des crises structurelles dans les « pays du Club Med ». L’ouverture totale du commerce mondial à la concurrence de pays à très bas de revenu, sans obligation d’équilibre des balances extérieures, a détruit les classes moyennes dans les pays développés. Les pays sages et compétitifs ou jouant le rôle de havre fiscal, comme le Luxembourg, ont mieux résisté. Ceux qui ont joué à fond la carte démagogique de l'état providence, sont les plus atteints.

Nous retrouvons là le triptyque que nous dénonçons depuis 25 ans et dont l’évocation était strictement interdite dans les pays anglo-saxons. Il est bon que le Financial Times grâce à un de ses meilleurs journalistes fasse déjà le constat du désastre. Il ne reste qu’à donner les explications de fond. Quand le fait est acté il n’a pas rare que l’explication suive. Et on parvient généralement à écarter les explications creuses (Covid, riches qui ont fait sécession et autres tue l’esprit).

Rappelons que tout cela a été déjà été écrit dans notre livre l’Étrange Désastre, il y a maintenant huit ans !

Tout le système de « welfare » mis en place après-guerre n’est possible qu’à deux conditions : une bonne natalité et une croissance continue. Les forces qui à l’heure actuelle tuent à la fois la natalité et jusqu’à l’espoir d’une croissance militent en fait pour la destruction de l’État Providence. Ce qui se vérifie dans l’actualité française avec la question des retraites, dont le système de répartition est directement indexé sur la croissance et sur la pyramide des âges. Sans croissance et sans enfants, il saute et gare aux tâches !

Octobre 2022 : le pic extatique des maîtres chanteurs

Ou comment on ruine l'économie

On voit avec le sieur Poutine, assassin sans vergogne, balançant des bombes tous les jours contre les populations civiles, rasant des villes, massacrant des villages, l’extase du maître chanteur formé au KGB qui ne pense qu’en termes de crimes, de volonté d’écrasement, de terreur, menaçant le monde de famine, l’Europe d’attaques multiples contre des infrastructures, agitant la bombe atomique comme s’il s’agissait d’un pistolet à eau, et créant dans tout le monde un choc énergétique et inflationniste totalement artificiel. Le geste habituel de ce malade mental est de serrer le poing en mimant l’écrasement d’une noix. Écraser, voilà toute la philosophie de ce taré. « Si vous ne me laissez pas écraser à ma guise, gare aux dégâts que je peux vous infliger ». On approche doucement des 100 000 morts et 200 000 à 300 000 blessés. Victime collatérale : l’ONU, la mondialisation heureuse, l’esprit de renonciation à la violence et de résolution des conflits par la négociation.

En France la CGT en profite pour essayer de mettre à genoux le pays. Ce syndicat inféodé au parti communiste et à l’URSS pendant 75 ans a gardé ses bons réflexes. Bloquer illégalement à quelques-uns (il suffit d’une centaine de fanatiques) un pays ravagé par ailleurs par les pénuries, c’est-à-dire créer de la pénurie supplémentaire et gêner des centaines de milliers d’activités et de vies. Et comme d’habitude les hauts fonctionnaires laissent faire pendant des semaines et attendent que le drame soit bien visible pour prendre des mesures qu’un gouvernement normal aurait empêchées en faisant passer les lois nécessaires (nulle corporation ne peut créer des dommages aux pays qui dépassent le gain qu’ils peuvent attendre de la grève) et en appliquant celles qui existent (le blocage des accès à une raffinerie est illégal). Aux États-Unis (comme dans presque tous les pays libres) celui qui s’y risquerait se retrouverait illico en prison avec en plus des dommages et intérêts gigantesques. Le propre de l’énarchie compassionnelle est de céder d’abord et de tenter de rattraper les conséquences après. Alors les syndicats des musées les ferment au moment des pointes de tourisme, les syndicats de l’aéronautique et des trains verrouillent au moment des départs en vacances, les employés des piscines débraient lorsque la canicule s’installe etc.

Les islamistes qui tiennent les trafics de drogue dans les territoires qu’ils ont colonisés en France, font du chantage à l’émeute urbaine dès qu’on cherche à freiner leurs ventes. La peur d’une guerre civile que les forces de l’ordre françaises perdraient bloque toute velléité d’agir. Il ne manquerait plus que quelques attentats terroristes pour bien corser la situation. Et la gauche s’est ralliée pour des raisons purement électoraliste à un mouvement islamo-gauchisme.

Tous les mouvements de minorité agissante se cachent désormais derrière les lois liberticides que des gouvernements de lâches leur ont concédées pour poursuivre en justice toutes paroles qui gênent leur propagande ou pour faire virer de leur poste ceux ou celles qui résistent à leur emprise. Au nom d’une « haine » fantasmé, on crée une situation de chantage permanent.

La Commission européenne et en premier Mme Van Leyen font du chantage à la chasse au post-fascisme après les résultats des élections libres en Italie tout en lançant une campagne assimilant liberté inclusive pour les minorités et voile islamique, le Parlement refusant de mettre fin à ce scandale au moment même où les femmes iraniennes se font tuer en réclamant la fin des obligations moyenâgeuses dictatoriales imposées par les Mollah.

Puisqu’on est dans le monde musulman si démocratiquement rafraîchissant, voici le tueur qui dirige l’Arabie saoudite qui décide de jouer le jeu de Poutine en faisant grimper le prix cartellisé du pétrole.

Nous vivons une période d’apothéose des maîtres chanteurs.

Pas un jour sans qu’ils ne bloquent un site informatique en demandant une rançon, qu’il s’agisse d’un hôpital, d’une entreprise ou d’une administration. Et on tolère le Bitcoin qui permet le versement de rançons sans danger.

Les Français ont élu le tragique Macron en croyant qu’il les protégeait alors qu’il n’a de considération et de préoccupation que pour lui-même et se moque radicalement du reste, que cela plaise ou non.

Son intervention après des mois de silence expliquant que, lui, avait tout bon, que jamais il ne faisait jamais d’erreurs, et que ce n’était pas à lui de régler les problèmes sociaux même quand ils ruinaient le pays sauf que, quand même, si le pays était à genoux, peut-être… Fa Tutto !

Cet indécent personnage, façon péronnelle irresponsable, a ruiné la filière atomique civile pour rien, mettant le pays dans une situation dramatique et facilement évitable, caqueté sur tous les sujets en faisant exactement l’inverse, multiplier des échecs humiliants dans le régalien de sa compétence, en se consacrant au seul sujet qui l’intéresse, lui-même, sans même prendre en considération les intérêts majeurs du pays.

Son ambition active est de devenir le premier président élu de l’Union européenne, après avoir tué les dernières capacités régaliennes autonomes de la France, devenue une collection de territoires, dont beaucoup colonisés par des vagues d’immigration incontrôlée, et de se rassurer ainsi sur ce qu’il croit être. Pour durer il n’hésite pas créer des risques phénoménaux pour le pays en poussant notamment les extrêmes pour paraître le sauveur, l’homme qui protège alors qu’il sait qu’il nuit au pays. Avoir pris le pays en otage de cette ambition malsaine est le summum du genre.

Nous vivons l’automne de la prise d’otage, des ambitions basses, des incapacités brutales, des dirigeants ineptes. Le pic extatique des maîtres chanteurs.

Quand le journal le Point divague avec des économistes socialistes

Le Point vient de faire paraître une intervention d’Olivier Blanchard et de Jean Tirole, « pour en finir avec les bobards ». Il est utile de faire quelques remarques pour en finir avec les jobards, qui dans la presse, croient qu’ils sont des économistes de référence.

Olivier Blanchard le dit clairement : il est plus à gauche que Macron qui suit une stricte politique à la Hollande gaucharde mais pas trop qui explique les 3 000 000 milliards de dettes, l’effondrement des services publics, des déficits extérieurs jamais vus, 85 milliards d’achats de votes pour la réélection etc. Jean Tirole n’ose pas l’avouer aussi directement  mais il est tout aussi socialiste, comme en témoigne ses suggestions.

En fait ces deux-là n’ont eu de carrière que par leur révérence aux idées dominantes. Ils ont dit oui à toutes les erreurs qui ont été faites et justifient qu’on en commette d’autres.

Écoutons ces augures :

-        Il ne faut pas mettre fin à la mondialisation, sinon on va perdre un facteur de croissance. Toutes les voies de réapprovisionnement sont en difficulté et la vulnérabilité vis-à-vis de partenaires dictatoriaux est devenue patente. Les classes moyennes occidentales sont au bout du rouleau. Mais chut ! On ne change pas un système qui perd.

-        Le dollar va être menacé dans son hégémonie. OK mais on aimerait des précisions sur les conséquences.

-        « Il est important de souligner que l’Europe importe une grosse partie de son énergie » ; Il fallait au moins un O. Blanchard pour nous prévenir. Et en effet, il faut savoir qui va payer. Les truismes les plus énormes sont les plus beaux. Il va falloir réduire notre consommation assez vite. De combien et pour quel résultat ? Pas un mot. Yaquafaukon.

-        Il faut augmenter les impôts des plus riches. Ben voyons !

-        Il faut laisser les prix jouer leur rôle de répulsifs de la consommation. OK. C’est le choix de la Suisse.

-        Il faut créer une taxe carbone pour accroître le répulsif mais pas à la frontière parce que cela va être compliqué ! Les entreprises françaises seraient donc seules à la payer en concurrence avec le monde

-        Il ne faut pas indexer les salaires sur les prix. OK on sait où cela mène. Mais attention aux retraites.

-        Il ne faut pas bloquer les prix. OK. Tout le monde le sait sauf les démagogues.

-        Pas de taxe additionnelle sur les profits sauf pour Total-énergies. Pourquoi elle seulement ?

-        Le problème n’est pas qu’on dépense trop mais mal (rappel : nous sommes les champions du monde de la fiscalité et des charges et tous nos services publics sont effondrés).

-        La cote d’alerte pour notre dette n’est pas atteinte. On peut investir avec de nouvelles dettes. Et allons-y ! Jusqu’où ?

-        La dette italienne ne posait pas de problème avec Draghi et en posera avec tout autre. Vade retro Meloni l

-        Les banques centrales devront se poser la question : réduire l’inflation ou non. Belle analyse originale…

-        La réforme de l’ISF a été une erreur. Pardi ! Les riches doivent payer.

-        Mais vaut mieux taxer les multinationales ! Au boulot ! Elles peuvent partir, elles.

-        Il faut inciter les Français à travailler plus longtemps en réduisant les maladies chroniques et en augmentant la formation. Les fonctionnaires tremblent déjà ! Les éboueurs et les employés de piscine de la mairie de Paris aussi.

-        Il faut mettre en œuvre la réforme des retraites par point. Après cinq ans d’atermoiements et de crispations, qui ont montré la quasi-impossibilité politique de mettre en œuvre une réforme aussi globale, ils en sont encore là !

-        Il faut des incitations financières pour travailler plus longtemps. Ah oui ! Mais lesquelles ? Mais surtout pas de pression pour retourner plus vite au boulot.

-        Où sont passés les travailleurs de l’hôtellerie-restauration ? Une fois qu’on saura,  on pourra trouver des réformes. En attendant ne touchons pas à l’indemnisation du chômage. Le fait de conserver 5 millions de chômeurs alors que les entreprises ne trouvent personne quand elles recrutent ne pousse ces gens à aucune réflexion. Un petit budget de recherche est toujours bon à prendre. Vive la dépense efficace…

-        Il faut faire correspondre les formations aux besoins de l’entreprise. Super ! Quels experts !

-        Vive la taxe carbone réservée aux Français. Bis repetita.

-        Il faut des interdictions pour lutter contre le réchauffement. Voici qui est clair. On peut avoir la liste ?

-        Croire que la transition n’affectera pas la croissance est espérer le beurre et l’argent du beurre. D’accord. Mais quelle perte de croissance et de prospérité ? Chut ! Et pour quels résultats sur la température ?

-        La « carte carbone » signée Piketty est impraticable. La taxe carbone donnera à l’état de l’argent à redistribuer. Taxer, taxer, taxer… mais plus simplement.

-        Taxons les riches mais avec des moyens simples. Ben voyons, il n’y a pas d’impôts en France.

-        Il faut augmenter l’impôt sur l’héritage et la transmission. Il faut redistribuer le capital financier pour répartir le capital culturel. Encore et toujours. Salauds de riches. Importons des millions d’immigrés et le capital des riches permettra de les mettre à niveau. Chouette !

-        Le programme de la Nupes conduit à la sortie de l’Europe. Donc c’est mal. Socialiste d’accord mais pas contre l’Union Européenne. Ce serait le seul problème ?

 

Les résultats économiques de la France sont désastreux. L’indigence de nos économistes officiels socialistes n’y est pas pour rien. Nous présenter ce tissu de banalités et de pétitions de principe en faveur de la mondialisation, de l’Union européenne, des taxes, et des impôts sur les riches comme un livre de référence écrit par des économistes de classe mondiale est le plus grand bobard du Point.

Les dix sujets nationaux critiques

"Quels sont selon vous les dix grands sujets nationaux critiques ?"

Cette redoutable question exige quelques clarifications préalables.

Pour les tenants convaincus d’une idéologie forte, la mise en œuvre de ses commandements est toujours prioritaire, mais ne parle qu’aux tenants de cette idéologie.

Pour les tenants d’une forte nostalgie, le retour aux moments bénis même fantasmés est prioritaire, mais ne parle qu’aux nostalgiques. Si on en appelle d’un grand déclassement, ou d’un grand effondrement, la bonne situation antérieure devient automatiquement un objectif en soi et appelle des tactiques réactionnaires ou de restauration.

Dans les urgences nationales, certaines sont circonstancielles et n’ont pas vocation à perdurer, même si elles concernent des faits gravissimes. La pandémie, ou la guerre de réannexion des pays libérés de l’emprise soviétique menée par la Russie sont des phénomènes graves dont il importe évidemment de peser les conséquences et les stratégies d’évitement.

Quiconque a participé au débat politique sait que la première question est toujours : d’où parles-tu et dans quelle intention ? L’analyse d’une erreur, l’observation critique d’un phénomène et de ses conséquences ou l’explication raisonnée d’un échec ne sont pas considérées, et généralement, au mieux, ramenées à l’expression de remarques techniques de spécialistes.

L’évacuation des grandes questions nationales du débat présidentiel est très significative. Les grands partis ne veulent traiter que de ce qui leur amène des votes et ne veulent froisser que leurs concurrents les plus dangereux. Alors ils ne parlent de rien et se contentent d’une compétition de personnalités autour de quelques lieux communs bien connotés.

Nous-mêmes sur ce blog avons considéré que nous devions observer les réalités, les comprendre et en tirer des conclusions, à charge pour chacun, en fonction de ses propres convictions d’en faire ce qu’il croit bon.

Par conséquent, pour nous, la question s’entend ainsi : quelles sont les grandes évolutions qui ont, pour le pays et pour les Français, un pouvoir de nuisance par rapport à des objectifs généralement acceptés. Quand ces évolutions sont, ou ignorées ou mises sous le tapis, ou incomprises, il nous paraît utile, dans la limite de nos propres capacités d’analyse, d’en faire l’exposé.

Voici donc dix grandes évolutions ou absences de d’évolution que nous trouvons fâcheuses et qui, selon nous, devraient commander, de la part des politiques, un constat, une réflexion, une politique.

-          L’effondrement démographique national

La dénatalité et le vieillissement de la population sont des poisons terribles. Après la défaite de 1 870 et celles de 1914, les autorités de droite comme de gauche, ont mené des politiques proactives pour redonner un dynamisme démographique au pays. Cette ambition a progressivement été abandonnée au profit d’approche individualiste et de préoccupation de genre. Les femmes proprement françaises (disons dont la lignée était là en 1 890) ne font guère plus de 1.4 enfants en moyenne et la population, non seulement, vieillit mais disparaît progressivement. Toutes les actions de promotion de la natalité, considérée par les féministes comme des actions sexistes qui ravalent les femmes à leur statut indigne de poule pondeuse, qu’elles récusent, ont été progressivement réduites au profit de la promotion de l’avortement et du planning familial. Peu de Français savent que par rapport à 1970 nous perdons environ 500 000 naissances potentielles par an. Elles sont compensées par l’immigration et la surnatalité des populations en provenance des pays à forte natalité. Mais cette solution, indolore et même bénéfique au départ, finit par poser de nombreux problèmes. Compter sur des étrangers qui parfois ont une culture incompatible avec la nôtre ou difficilement miscible, pour résoudre une difficulté nationale, est tout de même une lâcheté. Le vieillissement est extrêmement coûteux et crée des situations dommageables : on l’a vu avec le Covid qui a frappé fort en France principalement du fait du nombre de personnes de plus de 60 ans. Il s’accélère, laissant entrevoir de très graves difficultés dans beaucoup de domaines.

-          Les crises financières à répétition.

Depuis 1971, la France a subi des récessions sévères à répétition -73-74, 81-83, 92-93, début des années 2000, 2008-2009 avec un complément en 2011, toutes provoquées par des explosions financières. La manière dont a été gérée la crise du Covid a provoqué une récession provoquée, d’une autre nature. Ces crises ont eu un coût démentiel pour le pays et l’ont profondément atteint. Comprendre le mécanisme de ces crises et empêcher le retour des récessions devrait être une sorte d’urgence nationale provoquant des réflexions nombreuses et approfondies. Après tout le chômage et la pauvreté ne sont pas considérés, par personne, comme des avantages. On voit que tout cela est laissé hors du débat politique et que l’action gouvernementale ne s’attaque pas aux causes. On réduit les symptômes. Pour nous, c’est une honte. Nous avons bien ici deux difficultés majeures : les méfaits du système monétaire international et ceux du système de monnaie unique non régulé.

-          La crise démocratique et ses composantes.

Les deux campagnes dernières campagnes présidentielles ont été tellement minables et leurs résultats ont été si lamentables que plus personne ne nie la crise démocratique. Elle a plusieurs composantes principales :

- L’énarchie compassionnelle : la confiscation, désormais en famille, de la politique par une caste de hauts fonctionnaires ne permet plus de s’écarter des idées dominantes au sein de cette caste : étatisme, surfiscalité, normes contraignantes, bureaucratie, déficits, dépenses publiques outrées

- L’évacuation du débat français des questions désormais transférées à l’Europe.

- Le gouvernement des juges

- Le poids excessif des ONG et des institutions internationales qui développent leur propre idéologie sans frein.

- L’appauvrissement du débat, le vide de la presse sur certains sujets, les outrances judiciaires, le fanatisme, la méfiance contre les élites, le constat de l’impuissance des représentants du peuple et des gouvernements, la sur représentation des altérités et des préoccupations étrangères, en sont la résultante. La colère, le dégoût ou l’indifférence deviennent des éléments dominants et permanents du jeu politique et interdisent le jeu sain et normal de la démocratie. On finit avec plus de votes extrémistes que de votes raisonnables et les votants centristes sont animés par la peur. Lamentable !

-          La crise climatique

Nous ne sommes pas de ceux qui nient qu’il y ait une évolution climatique préoccupante, même si le caractère religieux qu’a pris la question est particulièrement perturbant. Nous avons donc à produire une action qui concilie à la fois, la nécessité d’une réduction décisive des différentes pollutions, défensive contre les différents risques de pénuries, et respectueuse des nécessités de la croissance.

Concilier économie et écologie est le grand défi du temps. On n’en prend pas le chemin.

La question pose des difficultés techniques, des problèmes de gouvernance, et une exigence de rythme. On ne discute de rien. On risque de terribles mécomptes.

-          La crise de la mondialisation

On a voulu ignorer les alertes tonitruantes de Maurice Allais sur les conséquences d’une ouverture totale des industries occidentales, européennes et naturellement françaises, à une compétition sans frein avec les pays émergents à très bas salaires. Conformément aux avertissements, la France a perdu son industrie et le revenu des classes populaires a stagné. La réaction populiste a été trop ample et trop générale pour que le moindre doute puisse subsister. Nous-mêmes sur ce site avons inlassablement alerté sur les dangers d’ouvrir l’OMC à la Chine et de laisser les frontières économiques totalement ouvertes. Nous avons totalement négligé le risque du retour de la Russie aux méthodes de l’URSS. Commercer et devenir dépendant de dictatures infâmes n’est pas sans inconvénients

-          L’effondrement des politiques publiques

Cet effondrement est désormais parfaitement reconnu alors que pendant longtemps il a été caché, nié et minimisé. Il est la résultante des autres crises et de la tentative imbécile de créer le socialisme en France, avec le programme commun puis les inepties de Jospin puis la catastrophe du quinquennat Hollande. Il touche aussi bien les fonctions régaliennes de sécurité intérieure et extérieure et de justice, que la santé, comme on l’a vu, l’enseignement public et les universités. Pour juguler cet effondrement, il faut agir sur tous les autres problèmes évoqués, qui ont tous une résultante sur les politiques publiques, et sortir du socialisme et de la démagogie de « droits-à ».

Telle est la vision que nous avons développée au sein de notre Cercle des sujets nationaux critiques

Il va de soi que les dernières évolutions radicales comme le Covid ou la guerre en Ukraine, sur un terreau aussi problématique, distendent un peu plus les parties qui brinquebalent depuis longtemps, l’inflation et la récession risquant à très court terme d’avoir des conséquences très graves, qu’on imputera naturellement à ces deux accidents mais qui sont surtout graves en France du fait des erreurs que nous accumulons sans réaction depuis des lustres. Les cinquante ans qui viennent de s’écouler n’ont pas été la période la plus glorieuse de la politique française.

Banques centrales, vertu et inflation !

Dans un système d’information aussi « construit » que le nôtre, le flux de la communication a pour but principal de protéger l’échafaudage politique et social dominant, ce qui est parfaitement normal. Les sociétés peuvent être convulsives mais pas suicidaires. Le bureau des légendes est bien en place sans qu’on sache très bien séparer ce qui est de la propagande pure, de l’erreur ou de la simple facilité. Une difficulté plus récente provient de la multiplicité des bureaux des légendes : entre ce qui provient de l’ONU et des ONG rattachées, financées par une multitude de sources, ce qui est émis par les institutions européennes en général en proximité avec les précédents, et la chanson proprement nationale qui elle-même a tendance à rejoindre les précédentes.

Nous avons déjà traité mille fois sur ce site de la question de la surcharge du rôle des banques centrales dans la gestion de l’économie d’abord puis de la société. Depuis l’abandon des disciplines de Bretton Woods, à l’initiative des États-Unis qui souhaitaient pouvoir profiter à fond du privilège du dollar roi, ancre du système monétaire mondial, les états ont cessé d’être les régulateurs des flux financiers et commerciaux au profit des banques centrales indépendantes. Précédemment les échanges devaient être équilibrés et les grands déficits et excédents étaient bannis. C’était le rôle des États nationaux avec un censeur et un assistant, le FMI. Nous avons montré notamment dans notre premier livre l’étrange désastre que les énormes déficits et excédents qui en ont résulté ont provoqué des crises à répétition (1973, 1992, 2 008 pour les plus graves). À chaque récession les banques centrales ont lâché la création monétaire pour maintenir la valeur des actifs, provoquant les conditions d’une crise plus grave un peu plus tard. La mondialisation de la production permettant de baisser les prix de fabrication, l’effet sur l’inflation était jugulé au prix d’une stagnation du revenu salarial des classes moyennes dans les pays riches, partiellement compensée par les prix bas des produits désormais importés, et d’un écart de plus en plus grand avec les possesseurs d’actifs dont la valeur était gonflée artificiellement par la création monétaire des instituts d’émission.

On notera que tout le monde s’acharne sur les effets : écarts entre riches possédants et pauvres travailleurs, stagnation du pouvoir d’achat et chômage important dans les pays développés, montée des populismes, mais refuse obstinément de voir la cause principale : les changes flottants et la disparition des contraintes internationales en faveur de l’équilibre des balances commerciales et de paiements.

Le point d’orgue de cette organisation tragique a été évidemment la crise de 2008 doublée par la crise Trichet de la zone Euro de 2011. On a noyé la faillite du système financier par des créations monétaires fabuleuses qui n’ont pas eu d’effet sur l’inflation d’abord à cause de la crise économique provoquée par la panique financière et aussi du fait de la relance du commerce extérieur par des accords de libre-échange nombreux. Mais l’absence d’inflation est principalement dû à ce fait tout simple que la banque centrale a simplement sauvé les banques par un jeu d’écritures tout en demandant aux gouvernements de cadenasser l’activité des banques pour éviter de nouvelles dérives. Les banques sont devenues des institutions contrôlées à vocation vertueuse. Les banques centrales devenaient des mères la vertu.

Du coup on a cru que les banques centrales pouvaient noyer de monnaies nouvelles toutes les grandes questions sociales et sociétales et pas seulement les crises boursières et financières à répétition.

En provenance des États-Unis et des grandes Organisations Non Gouvernementales, s’est créé un mouvement très fort présentant la nécessité de lutter farouchement contre le réchauffement climatique, de donner le pouvoir aux femmes, d’exalter les minorités et d’abaisser les puissants historiques, en fait le mal blanc hétérosexuel. Comme tous les mouvements idéologiques jusqu’à la religiosité, on a vu apparaître d’insupportables Savonarole éructant des outrances diverses, mais surtout la création par les instances internationales et cascadant sur les nations, d’un courant d’injonctions qu’il était interdit de discuter et qui imposait à tous le devoir de chanter la bonne chanson et d’agir en conséquence.

On a donc nommé des femmes à la FED et à la BCE, les deux banques centrales les plus puissantes. Mme Lagarde a parfaitement compris le message : la voilà qui déblatère sur sa mission « principale » pour laquelle « elle se mobilisera totalement » qui est l’émancipation de la femme partout et notamment en Afrique et au Moyen Orient ! « Marraine de FinanciElles, qui regroupe treize réseaux de femmes de la finance, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE) a réaffirmé ses convictions lors la journée de débats organisée le 16 novembre pour les 10 ans de l’association ». C’est que la banque centrale peut conditionner ses prêts aux banques en fonction du sexe de leur président, de l’inclusivité inscrite dans leur politique de prêt et dans leur pratique managériale, de la qualité écologique de ce qu’elles financent. Une véritable dictature de la vertu sans autre loi que la pression sociale et sa soumission aux courants dominants venant des ONG.

Pour faire bonne mesure elle invite Greta Thunberg et s’engage dans le mouvement qui veut contraindre la finance à être verte pour être vertueuse. « Pire, du point de vue de l'orthodoxie allemande, la nouvelle présidente de la BCE a aussi proposé début septembre devant le Parlement européen, ce qui serait une disruption majeure : que la BCE intègre le changement climatique dans les objectifs de sa politique monétaire. Elle s'est évidemment attirée en réponse une volée de bois, vert évidemment, de la part du président de la Bundesbank pour qui une telle orientation, qui permettrait pourtant de doper le marché naissant des « obligations vertes », serait "contraire aux traités européens ».

On pourrait dire : voilà une femme politique consciente des nécessités à plus long terme de sa carrière politique pas une vraie banquière centrale ! Ou mieux encore : voilà une femme conscientisée qui a compris que tout devait être mis en œuvre pour mettre fin à la domination du mâle blanc hétérosexuel et sauver la terre du réchauffement. Ou plus vicieusement : c’est la condition pour devenir premier ministre de Macron. Le ralliement à Macron de Muselier, dont le couple fréquente avec celui de Lagarde l’île Maurice avec délectation, d’où le bronzage permanent des deux, laisse penser qu’elle aura besoin d’un ministre sympa.

Malheureusement, l’évolution vers la vertu en toc dépasse le cas des individus qui gèrent ces institutions. On va le voir avec la crise exogène provoquée par le virus Sars Cov 2. Pris à revers par une crise sanitaire totalement non anticipée malgré les épisodes à répétition des décennies précédentes, sida, vache folle, H1N1, Ebola…, avec une gestion initiale menée en dépit du bon sens après avoir été trop influencée par la manière dont la Chine avait traité l’infestation, les gouvernements occidentaux ont arrêté la production en confinant les activités économiques de façon exagérée. Ils ont demandé à nouveau aux banques centrales de financer la perte de revenu correspondant. L’hélicoptère à monnaie a décollé. L’ennui, c’est qu’il ne s’agissait plus d’un jeu d’écritures entre banques centrales et banques d’affaires, sous la houlette de l’Etat bienfaiteur, mais d’une vraie perte de richesse produite. Créer des signes monétaires en masse, sans produire en contrepartie, a une conséquence automatique : l’inflation. Elle ne s’est pas vue tout de suite dans les prix du quotidien du fait de la récession des marchés alors que la valeur des biens immobiliers et des actifs financiers s’envolait. Mais dès le retour à une situation plus normale, l’inflation s’est installée comme nous l’avions anticipé. Oh Surprise !

Le graphique que nous joignons à ce billet est tout à fait explicite. L’inflation démarre fort à partir de juin-juillet 2021, pas avril 2022, neuf mois avant tout de même ! Les propos lénifiants sur une inflation frictionnelle temporaire dans l’attente du retour à la normale en quelques mois se sont heurtés à la réalité irréfragable. Les prix s’envolaient du fait de l’écart entre production et distribution de monnaie à gogo ! Une loi économique que tous les économistes apprennent en première année d’université.

Là-dessus, voici le nouveau président Biden qui demande au Congrès de lancer un plan de reprise démentiel sur fond d’inondation monétaire préalable ! Et l’inénarrable président Macron déchaîne l’achat de votes et suscite une épidémie de mesures de distribution de prébendes pour être réélu, à des niveaux jamais vus, tout en essayant d’éteindre le feu inflationniste par des mesures de blocage des prix artificiels et des expédients. Un feu roulant d’artifices et de faux-semblants. Tout en expliquant qu’il avait créé une croissance jamais vue et réduit le chômage comme un fortiche. Ce village Potemkine économique ne pouvait que voler en éclat. En ajoutant qu’il allait mettre son prochain quinquennat sous le signe de la planification de la transition énergétique dont le coût est prodigieux et l’impact sur la production récessive, il se livrait à la monstration exemplaire des clous du cercueil économique qu’il allait construire, tout en faisant suinter son féminisme essentiel et son goût pour la promotion des minorités. Mme Lagarde et la BCE avec nous !

Pour une France endettée quasi à trois mille milliards d’euros et non compétitive, avec des comptes publics effondrés dans les déficits, entrant en inflation intense, la question était déjà en septembre 2021 : qui va financer toute cette débauche de destruction de richesses et de dépenses improductives ?

La conséquence de l’opération russe en Ukraine a été l’explosion des prix de l’énergie, la création de pénuries massives, la désorganisation de presque tout. Puis l’arrêt brutal de la croissance. Un premier trimestre à zéro de croissance alors qu’on chantait le miracle d’une croissance à un taux de 8 % jamais vue depuis la guerre grâce à la politique subtile d’Emmanuel Macron !

Voici les banques centrales sollicitées de financer le réarmement de l’Occident, le financement de la crise énergétique et la conversion de l’économie pour sauver la terre, la promotion de la femme et des minorités, la couverture sociale et la sauvegarde de l’Etat providence, alors que l’inflation explose. Contradictions ? Non : Impasse totale. La seule mission statutaire de la BCE est de conserver l’inflation dans les limites de 2 % !

La crise en Ukraine donne la mesure des conséquences des politiques de réduction de l’offre énergétique. Coût démesuré, financement impossible, inflation aggravée, pertes de revenus, pénuries massives, etc.

Certains délires récents dans la presse font désormais franchement rire. On se rappelle cet article du Monde où un penseur cosmo planétaire suggérait que la BCE fournisse des milliards (sans jamais espérer un remboursement) à Airbus pour que l’entreprise cesse toute activité aérienne et se recentre sur des productions écologiques ! Alors que les seules forces économiques françaises sont le luxe, le tourisme, l’aviation et plus généralement les transports.

Cette France qui a voulu jouer en 1981, seule dans le monde occidental, la grande tragédie du socialisme réalisé au même moment où le monde entier abandonnait cette sottise, est désormais, en politique intérieure, encerclée par les extrêmes, et à l’extérieur dans une situation humiliante avec une menace sur sa survie même comme grande puissance.

Qui fait confiance à la petite camarilla qui détient le pouvoir pour sortir le pays de l’ornière où il est enlisé ? Prêt à rien et capable de tout, prêt à tout et capable de rien, Macron réélu triomphalement sans vrai combat, est pris au dépourvu.

Même si la guerre en Ukraine ne dérape pas et s’arrête assez vite, ce qui n'est pas la projection commune, on ne voit pas trop comment la sortie de crise peut être indolore, sauf à revenir aux quarante heures, à réduire les congés payés, à instituer la retraite à 67 ans pour tous, tout en étalant dans le temps la conversion énergétique et en réduisant drastiquement l’emprise bureaucratique des administrations et l’ampleur des redistributions. Peut-on remettre vraiment la France au travail et espérer qu’elle fasse des réformes critiques qu’elle refuse obstinément depuis 50 ans, avant qu’une récession sévère ne se produise, alors qu'aucune des questions critiques n’a été traitée pendant la campagne électorale et qu’on a laissé croire que le faire pousser le pouvoir d’achat était le rôle central du Président de la République ?

The Economist constate soudain que les banques centrales sont saturées de missions politiques et sociétales qui ne sont pas de leur rôle statutaire et exige qu’on en revienne à l’économie et seulement à l’économie. C’est le bon sens. Mais il lui reste à faire le pas décisif : on ne peut pas confier la régulation de la mondialisation à des banques centrales. Ce sont les États qui doivent être à la manœuvre et dans des cadres mutualisés contraignants.

La plus grande vertu est de ne pas faire des banques centrales une forme nouvelle de sacristie. La plus grande sagesse est de laisser à la loi et au débat le soin de fixer le champ des libertés, et non de détourner les fonctions des institutions techniques pour qu’elles conditionnent la vie des gens selon les canons du politiquement correct selon le bon vouloir de leur gouvernance, choisie sur les mêmes critères du politiquement correct.

La banque centrale « woke », face à Poutine, au désordre mondial, et surtout à l’accélération de l’inflation, c’est fini.



Invasion de l’Ukraine : la fin de la récréation en France.

La Russie a désormais montré son vrai visage : une infecte dictature qui se moque de tous les efforts faits pour bannir la guerre comme moyen de régler des litiges internationaux. La Chine est une dictature tout aussi infecte qui montre tous les jours ce qu’elle est à Hong Kong et bientôt à Taïwan. Ces deux pays impériaux et impérieux sont sortis du communisme économique pour tenter d’exploiter les démocraties développées. Ils ne sont décidés qu’à des rapports de force.

Par cupidité, l’Occident s’est précipité pour faire de la Chine l’usine du monde, tout en prenant la posture du bien pour limiter ses propres productions non écologiques. La croissance délirante de la Chine correspond exactement au renforcement de la dérive climatique, car elle est fondée d’abord sur le charbon.

Par bêtise de gauche, les Occidentaux et particulièrement la France, ont refusé de juger les génocides commis par l’URSS, et en fait principalement par la Russie. Lorsque les Ukrainiens ont demandé que l’on reconnaisse le génocide à répétition commis par Moscou, on les a envoyés balader. Et pourtant : trois famines provoquées, en 1917, entre 1932 et 1934 et en 1947. Un bilan qui comme toujours est difficile à établir mais dont les chiffres les plus faibles sont 2 500 000 morts pour les deux premières et 700 000 pour la troisième. Il faut ajouter les 700 000 exécutions qui ont eu lieu entre 1935 et 40 et qui ont peuplé les charniers, avant l’élimination des juifs d’Ukraine par Hitler et ses séides. On aboutit à près de 6 millions de morts sur une population de 25 millions de paysans. Les chiffrages les plus élevés parlent de 10 millions de pertes démographiques. Pour que les méthodes employées soient claires, rappelons qu’entre 32 et 34, des villages entiers ont été vidés de leurs réserves alimentaires puis encerclés et toute la population, hommes femmes et enfants y est morte de faim dans des conditions atroces. Des centaines de villages ! Il était du devoir de l’Occident de reconnaître Holodomor comme un des plus grands génocides du siècle. Mais voilà : Sarkozy avait nommé Kouchner quand la question s’est posée. Il ne l’a pas fait parce que les socialistes et les communistes ne veulent pas de la tâche génocidaire sur leur doctrine. Mais il s'agit bien d’un génocide. Ne pas l’avoir qualifié ainsi laisse à Poutine le loisir d’accuser l’Ukraine martyre de commettre un génocide contre les Russes ! Dégoût !

Par bêtise écologique les Allemands ont choisi de liquider leur énergie nucléaire et de créer des éoliennes intermittentes qui les font dépendre à quasiment 100 % du gaz russe et mettent toute l’Europe dans une situation de faiblesse face à la Russie.

Par bêtise socialiste, les Français ont choisi une option étatique-socialiste depuis 1980 qui l’a tellement affaibli qu’elle n’a plus aucune indépendance dans aucun domaine et qu’elle ne peut plus agir faute d’argent à l’intérieur comme à l’extérieur. Quand on veut être la reine de la dette et des impôts, on se retrouve dans la position des clochards de Bunuel qui souillent des robes de mariés avec des grognements obscènes : on déchire ce qu’il reste de tenue dans le pays et on laisse tout le champ à la démagogie et à l’abjection.

Par bêtise nationaliste, les Américains ont imposé un système mondial de changes flottants qui revient à faire du dollar la monnaie du monde au prix de déséquilibres incontrôlables créant des crises à répétition et finissant, avec l’entrée de la Chine dans l’OMC, par affaiblir les Etats-Unis.

Par bêtise démographique, l’Europe et en particulier la France en Europe, a laissé faire un effondrement radical des naissances natives tout en acceptant une véritable invasion en provenance d’Afrique, notamment des pays musulmans et tous se retrouvent partout confrontés à des dissidences internes et à une guerre larvée.

Par bêtise diplomatique les Américains et derrière eux tous les pays occidentaux ont laissé faire Poutine au Moyen Orient et en Afrique. Ils ont laissé Poutine dézinguer Daesh et encouragé la Russie à envoyer des Wagner qui sont là pour chasser notamment les contingents français. La nullité lâche de Macron au Mali qui se laisse virer par des putschistes aidés par 500 Wagner est calamiteuse et miteuse, alors qu’il a la supériorité militaire.

Par bêtise européiste, on a organisé une Europe dépressionnaire qui fait pire que le reste du monde en termes de croissance depuis les années quatre-vingt, préparatoires à l’Euro, tout en supprimant toutes les frontières, et en se désarmant massivement. Il faut noter que l’explosion des nations en régions voulue par les européistes anti nationaux interdit tout effort militaire et force à se cacher derrière les Etats-Unis.

Par bêtise pure, les Français ont élu un président qui n’a aucune autre vision que lui-même et a gâché les chances de la France par indécision et virevoltes pendant 5 ans. Il n’a dirigé que son « narratif » électoraliste, et jonglé avec des « en même temps » dérisoires et démobilisateurs sauf pour les groupes de pression islamique et LGBT. Par atavisme énarchique, il a multiplié l’hystérie bureaucratique.

L’histoire se venge toujours. Les voyous s’emparent toujours de la faiblesse des Etats, qu’il s’agisse de la direction d’états voyous comme la Turquie, la Chine et la Russie, ou des délinquants en interne.

La France de Macron se découvre soudain d’une faiblesse et d’une impuissance déshonorante, si on tient compte d’où nous venons, avec des préoccupations internes dérisoires, et externes entravées. Elle crie au respect de la frontière ukrainienne en ayant abandonné ses propres frontières. Elle veut être un leader en matière de lutte contre le réchauffement climatique, alors qu’on voit bien que les chars, les hélicoptères et les fusées russes ne marchent pas à l’électricité. Macron a relancé l’énergie éolienne qui dépend à 100 % de la Chine et du gaz russe, tout en revenant cinq ans trop tard sur sa politique antinucléaire folle qui lui a fait fermer Fessenheim et nous fait brûler du charbon en masse et subir une hausse démente des prix de l’énergie.

Depuis mai 1968, les Français sont dans le rêve. Et ils se retrouvent un demi-siècle plus tard dans un cauchemar. Qu’au moins le nouveau martyre des Ukrainiens les fasse sortir de leur narcolepsie, de leur myopie et de leur paresse. Et, s’il vous plaît, plus jamais de Macron, de Mélenchon, de Le Pen ni de féministes en goguette. Un grand redressement est nécessaire qui ne passe pas par la mollesse et la démagogie. L’Union Européenne de Madame Ursula von der Leyen sait éditer des affiches de promotion de la femme voilée mais n'a pas vocation par les traités d'agir fermement  devant Poutine, la Chine ni même la Turquie.

La sinistre réalité est que l’Europe occidentale doit avoir 150 000 hommes à ses frontières à l’est avec les meilleurs chars et des défenses aériennes solides, avec une couverture atomique, et des plans opérationnels d’attaque si nécessaire avec drones et éléments de guerre électronique. La priorité des nations européennes est de créer cette masse militaire en association avec les Etats-Unis, mais avec une part majeure de souveraineté, toutes les décisions n'étnt pas laissées à Washington. Le parapluie américain n’existe pas. Ce n’est pas en donnant à l’Allemagne tous nos brevets dans le domaine de l’aviation et des armements que la France aura la meilleure contribution à l’effort général, ni en acceptant que l’appartenance à l’Otan signifie d’être entièrement dépendante de l’industrie d’armement américaine.

La part exigible de la France dans cet effort massif suppose l’arrêt des politiques d’effondrement économique et le retour immédiat aux quarante heures et à la retraite à 65 ans. Tout le monde il n’est pas beau et il n’est pas gentil. Quand on apprend que la même nuit, une attaque a eu lieu en banlieue française contre un tournage de film avec tirs d’engins d’artifice et mobilisation de masse de voyous avec 300 000 euros de matériels volés, et que les hélicoptères et les chars russes attaquent le centre-ville de Kiev, on voit que ce n’est pas M. Dupont-Moretti, applaudi à son arrivée au ministère par les truands incarcérés, ni Madame Parly, ministre par la grâce du népotisme énarchien, sous la direction d’un président qui n’a même pas fait de service militaire et qui les a nommés par clanisme et calculs, et qui ne raisonnent que par rapport aux pulsions de sa petite personne et à ses objectifs électoraux,  que la France pourra être à la hauteur des défis du temps.

C’est sans doute très apprécié d’annoncer la gratuité des serviettes hygiéniques pour les étudiantes, et la prise en charge des pensions alimentaires des femmes immigrées esseulées parce que Monsieur est reparti au bled, parmi 121 autres cadeaux au peuple électoraux du même genre, mais il aurait été mieux d’agir contre les Wagner en Afrique et d’éviter de se retrouver avec 3 000 milliards de dettes aux mains essentiellement de l’étranger, tout en nous privant d’une énergie abordable.

Nous n’avons pas besoin d’un président à narratif, hésitant entre le capricieux et l’inepte, francophobe à l’occasion, multipliant les gaffes diplomatiques déplorables, avec son ego comme seule boussole. Nous n’avons pas besoin de Wokisme. Nous n’avons pas besoin de socialisme et encore moins de « bolivarisme ».

Poutine, Xi Jin Pin et jusqu’à Erdogan ont sifflé la fin de la récréation.

Un anniversaire bâclé : la destruction des Accords de Bretton Woods.

Dans un mois exactement, le 15 août, le monde fêtera l’anniversaire de la décision économique la plus néfaste de la seconde partie du XIXe siècle : l’abandon de facto des accords de Bretton Woods qui avaient été conclus 27 ans auparavant. À part Jacques Rueff, personne n’avait perçu la gravité d’une manœuvre qui allait signifier rien de moins que la fin des Trente Glorieuses et pour la France un basculement qui finira par le grand déclassement que la crise sanitaire en cours a rendu évident au plus grand nombre.

Pour ceux que cela intéresse, nous avons traité de cette tragédie dans deux livres, d’abord l’Étrange Désastre* qui retrace la déchéance économique provoquée par l’abandon des disciplines de Bretton Woods, puis dans La Monnaie du Diable* qui fait l’histoire géopolitique de la monnaie de 1919 à 2019. Il nous était apparu lors de conférences que personne ne comprenait la question monétaire et ne se souvenait plus de Bretton Woods. Il faut dire que le seul livre paru en Français sur cette question, écrit par un des participants français, datait des années cinquante. Il ne restait plus dans l’esprit général que quelques simplismes. Au mieux.

Rappelons ici quelques éléments marquants.

Au moment où l’issue d’une guerre mondiale terrifiante paraissait désormais inéluctable, l’effondrement des forces de l’Axe étant manifeste partout, une négociation s’est conclue qui avait commencé… en juin 1940 entre Britanniques et Américains. Tout le monde a oublié qu'après l’effondrement militaire de mai quarante, l’Allemagne a proposé ses conditions de paix et d’organisation monétaire de l’Europe, Hitler cherchant à terminer la guerre à l’ouest par un accord honorable avec le Royaume-Uni. Le plan Funk, avec ses variantes dues à Goering et quelques autres pouvoirs dissidents (le régime nazi était loin d’être monolithique et les factions en guerre intestine presque tout le temps), mettait en place deux organisations parallèles : l’Europe, selon des schémas qui ressemblent beaucoup à ce qui sera mis en place plus tard, et un système monétaire européen basé sur une monnaie pivot, évidemment le Reichsmark et un système de compensation très proche du système actuel.

J.-M. Keynes, sollicité de trouver des arguments pour contrer la propagande autour du plan Funk, surprendra ses commanditaires en expliquant que les principes du plan allemand (la compensation) étaient formidables, même si les modalités étaient malhonnêtes (les nazis ayant la volonté de ne jamais solder ses positions déficitaires) et qu’il fallait qu’il soit pris en compte par les bientôt alliés ! Churchill impose, de peu, la poursuite d’une guerre totale « jusqu’à la victoire », même en cas d’envahissement du territoire anglais, mais doit rapidement obtenir des fonds car il n’a pas les ressources pour poursuivre la guerre seule. Pendant quatre ans, les questions financières cruciales immédiates mais aussi l’organisation future du système monétaire feront l’objet de débats et de discussions plus ou moins houleuses. Les pays alliés et la France combattante y seront associés. Après le débarquement réussi en Normandie à l'ouest, l’effondrement allemand face à l’opération Bagration à l’est, les reculs définitifs du Japon en Extrême-Orient, Roosevelt, qui lance sa dernière campagne électorale, sent le besoin d’un grand succès diplomatique et organise la conférence dit de Bretton Woods, un grand hôtel dans la fraîcheur des montagnes proches de New York. L’endroit a été choisi pour permettre à J. M. Keynes de participer (il souffre de problèmes péri cardiaques aujourd’hui bénins grâce aux antibiotiques mais insolubles à l’époque).

La conférence cherche à résoudre deux difficultés : ne pas recommencer les erreurs commises à la fin de la guerre de 14-18 qui conduiront d’un côté aux troubles allemands (la grande inflation, l’arrivée des nazis) et Japonais (l’étranglement pétrolier) et aux deux guerres de revanche, et de l’autre à la crise de 1929 et ses suites. Première idée, développée par Keynes dans les années vingt, est qu’il ne fallait pas ruiner et maltraiter les pays vaincus, en dépit des immenses pertes qu’ils avaient infligés aux pays vaincus, mais au contraire leur permettre de revenir le plus vite possible dans l’effort productif global. C’était une idée neuve et qui aura les conséquences les plus heureuses pour les deux pays vaincus qui deviendront des mastodontes économiques en contrepartie d’être longtemps des nains diplomatiques.

La seconde idée, toujours fournie par Keynes était la nécessité d’une organisation multilatérale permettant de gérer la coordination des politiques monétaires afin qu’une crise dans un pays ne soit pas amplifiée au point de déboucher sur une crise globale. Des changes fixes mais ajustables raisonnablement, par négociation, l’aide aux pays en difficulté de balance de paiement par des prêts mutualisés, la création de liquidité internationale en cas de crise grave, un organisme de contrôle et d’animation, le Fonds monétaire International, tel était l’idée de manœuvre.

La troisième idée était celle du financement de la reconstruction et des aides financières, avec la création de la banque Mondiale et l’élaboration d’une stratégie d’aides mutualisées pour accélérer le développement.

Tout cela était extrêmement nouveau et a passionné tous les participants qui ont joué le jeu de bonne foi.

La conférence a dérivé assez loin des idées de Keynes lorsqu’il s’est agi de fixer la référence de la base monétaire commune. Le retour à l’étalon or pur était impossible pour une raison élémentaire : tout l’or était aux États-Unis qui n'entendaient pas le voir quitter Fort Knox et qui produisaient à peu près la moitié de la richesse mondiale. On a donc établi un étalon de change-or, où le dollar était l’étalon et l’or l’ancre de l’étalon. Cela voulait dire que les États-Unis assumaient une responsabilité particulière : garantir par sa politique économique globale (interne et externe) le respect de la parité dollar-or. C’était une gageure, car le système donnait aux États-Unis le pouvoir de régler tous ses déficits éventuels de façon indolore dans sa monnaie, et la fourniture de dollars au monde supposait de créer un déficit structurel de la balance des paiements.

Les États-Unis développaient également une autre politique purement personnelle : la disparition des colonies et leur régime protégé, pour obtenir de nouveaux débouchés. Il faudra la décision de Churchill de refuser d'aller à Bretton Woods dans un tel cadre pour que le président des États-Unis renonce à imposer immédiatement la disparition de la préférence impériale britannique.

Les Accords étaient imparfaits. L’aide à la reconstruction s’avérera totalement insuffisante, les monnaies françaises et anglaises s’effondrant radicalement. Du coup, il faudra inventer en urgence le plan Marshall et la Bird se concentrera sur les ex-colonies des pays européens sommés de décoloniser, l’assistance au développement passant des pays colonisateurs aux institutions mondiales. Ce qu’ils feront tous dans les 20 ans suivants la conférence. Surtout, après dix années de redémarrage brillant, le besoin de dollars était moins net, le Japon et l’Allemagne ayant tendance à accumuler les dollars émis généreusement puis de façon irresponsable par les États-Unis. Irresponsable du point de vue de la structure des accords de Bretton Woods qui imposaient de respecter la valeur or du dollar.

Les plans grandioses de réformes intérieures américaines et d’actions extérieures (espace, guerres du Vietnam, « containment » de l’URSS) ont induit une telle cavalerie monétaire que rapidement l’avenir de l'étalon de change-or s’est révélé précaire. On se souvient de la conférence du général de Gaulle, restée célèbre, exigeant le retour à l’étalon or. En fait J. Rueff ne voulait pas le retour aux mécanismes de ce système qui implique que des récessions permettent le retour aux équilibres perdus. Le slogan de Bretton Woods : « non aux récessionnistes » était un mantra généralement partagé, même chez les tenants de l’orthodoxie monétaire passée. Ce qui était demandé, c’est que la référence du système ne soit plus le dollar mais l’or, les États-Unis étant remis sur un pied d’égalité avec les autres nations. Tous les autres principes de Bretton Woods notamment l’existence de règles et l’obligation de les respecter, et, surtout, les mécanismes de compensation et d’aides mutualisées pour éviter les récessions à répétition.

Les Américains ont alors élaboré une réponse nationaliste absurde qui ne pouvait aboutir qu’à des mécomptes : « mes déficits sont de VOTRE responsabilité ». « Moi je fais ce que je veux et c’est à vous de faire les efforts nécessaires pour réduire mes déficits », ce qui est strictement impossible, si la première puissance du monde, détentrice de la monnaie de transaction du monde, lâche les dépenses sans limite. La première page de Time magazine, donnée ci-dessous, traduit assez bien les éléments de langage américain : « vous êtres des vicieux qui cherchaient à me ruiner et à me dépecer comme des rats à casque nazi ». Les Européens tenteront de manipuler le marché de l’or pour que la dévaluation du dollar n’apparaisse pas trop. Mais toutes les béquilles finiront par casser et ce sont les Allemands, las d’importer de l’inflation américaine, qui mettront fin à la mascarade en proposant les changes flottants et en refusant d’appliquer les règles de compensation prévues dans les Accords. La réponse le Nixon sera le refus d’appliquer les engagements que les États Unis avaient pris de repayer en or les dollars accumulés par les autres pays. Tous les créanciers ont été floués. Ils croyaient détenir une créance or, ils se sont retrouvés avec du papier.

Lorsque le Wall Street Journal évoque, dans son numéro du 5 juillet, la fête des « 50 ans de la révolution du système monétaire », il précise qu’elle a été rendue nécessaire « par la concurrence féroce des produits manufacturés du Japon et de l’Allemagne ». Féroce veut dire déloyal naturellement. On ne doute pas que la « révolution » a été bénéfique même si on admet que la flottaison rend les choses un peu instables, complexes et imprévisibles tout en provoquant l’apparition d’une économie baudruche basée sur des gains de casino et les crises bancaires fréquentes, alors qu’elles avaient disparu. C’est que les changes flottants ont permis « de s’adapter rapidement » par exemple aux variations des prix du pétrole ! Prix qui ont explosé après l’introduction des changes flottants et la chute vertigineuse du dollar ! De qui se moque-t-on ? Ils auraient permis de créer de « l’interdépendance » alors qu’on a brisé l’interdépendance structurelle du système de changes précédent, et éviter des guerres (lesquelles ?). Donc Nixon a pris des décisions judicieuses… mais qui montreraient tout de même leurs limites cinquante ans après, parce que tout le monde en a marre du terrorisme monétaire, financier et légal américain. La solution judicieuse serait désormais périmée.

Ce qu’il fallait faire entre 1973 et 1976, c’est une réforme des accords de Bretton Woods qui sauve l’essentiel : les règles de non-déficits et de non-excédents majeurs, la coopération interétatique pour éviter les récessions, la surveillance. Une occasion majeure formidable de créer un système sain et durable a été perdue à cause de l’attitude américaine. L’inconvertibilité temporaire s’est muée en Accords de la Jamaïque, à Kingston, au bord d’une piscine, où le fat Giscard s’est rengorgé en faisant des effets de maillots de bain, un non-système basé sur le chacun pour soi et les changes flottants sous pression américaine, dont les conséquences vont être tout simplement dramatiques.

Dès 1973, le monde connaît une première récession mondiale, « la pire depuis 1929 », et une chute du dollar qui conduit les pays producteurs de pétrole aux actions de cartel que l’on connaît. Mais la crise de 1973 n’a pas été une crise pétrolière. Celle-ci a été une conséquence aggravante. Les énormes déficits et excédents entraînent la création d’une économie financière déconnectée de l’économie générale. La spéculation s’impose partout. Les prêts aventurés massifs finissent toujours par s’effondrer. Les crises financières ne vont plus cesser, avec un épisode sanglant en 1992-1993 une nouvelle fois « la pire depuis 1929 », jusqu’à la grande crise de 2008, qui flanque par terre l’économie occidentale et dont les conséquences se font encore sentir.

Les États-Unis mettre en œuvre quatre politiques :

-        Le TFTEA : C’est une loi Obama qui sera appliquée sans faiblesse par Trump et qui est toujours de bras armé de Biden. Son principe : mes déficits sont nécessairement la faute des pays en excédents et pas de la mienne. Ce sont des ennemis déloyaux qui s’en prennent à la substantifique moelle des États-Unis et qui doivent être châtiés. On en revient à la caricature de Time magazine sur les cloportes qui se nourrissent abusivement sur le dos des Américains.

-        L’encadrement dingue des activités de banques, la suppression d’une partie des paradis fiscaux, les sanctions démesurées imposées par l’extériorisation des lois américaines. L’activité des banques de dépôts et la liberté des déposants se retrouvent totalement ligotées. Mais pas celle des fonds de pension et autres « funds » américains !

-        La remise en cause des principes multilatéraux sur lesquels le monde fonctionnait depuis 1945.

-        L’obligation pour les banques centrales de créer des milliers de milliards de dollars pour compenser les pertes accumulées par le système des changes flottant, avec des taux d’intérêt qui finiront par être négatifs.

C’est dans ce contexte totalement artificiel, injuste, déséquilibré jusqu’à l’absurde et précarisé, que va se produire la crise sanitaire, avec une perte de production surcompensée par la création monétaire des banques centrales, le gonflement dément de l’encours de dettes globales et des conflits latents entre tous les pays et tous les blocs.

Pour aggraver le tout, les Fédéralistes européens, au lieu de créer un pôle de stabilité monétaire basé sur une unité de compte commune et un système de type Bretton Woods, imposent la monnaie unique qui ne permet aucun ajustement sauf à pratiquer des récessions plus ou moins contrôlées, et en dépouillant les nations de toute souveraineté.

Le monde vit donc avec deux systèmes monétaires dysfonctionnels qui imposent des récessions périodiques, tout ce que voulaient éviter les membres de la conférence de Bretton Woods. Les « récessionnistes » sont à la manœuvre, assistés par des explosions de création monétaire des banques centrales. Et le monde n’est plus qu’un champ de combats douteux sur fond de ruine générale du monde occidental.

Ne parlons pas de la France devenue un territoire pour dirigeants lamentables et antinationaux, qui se font filmer avec l’air triomphant parce que Mme Van der Leyen a dit oui à un de leur plan et font semblant de diriger un pays éventré et en pleine déliquescence.

Après la crise financière et la crise sanitaire se présente le délire d’une politique écologique aussi ruineuse que sans effet sur le climat, qui peut achever de mettre le pays à genoux et a le potentiel de créer dans un horizon assez proche une situation à la libanaise.

Face à ces perspectives sinistres, les seules personnes habilitées à parler économie sont Picketty, l’obsédé fiscal maladif, Blanchard, le soumis qui n’a jamais été capable au FMI de faire valoir les méfaits des changes flottants, et Tirole, un prix « Nobel » d’économie qui pense que l’impôt aggravé sur les successions est la solution pour un pays déjà leader mondial des impositions.

Rencontré fortuitement lors de l’enterrement de Gabriel Milesi, Jean Hervé Lorenzi était très content : tout allait bien ! Ce qui sera la tonalité des journées d’Aix en Provence. La BCE crache au bassinet ; l’argent coule à flots pour la haute finance ; l’État peut se goberger dans des dépenses extravagantes ; M. Macron peut faire face à toute contestation en arrosant les clientèles à gros bouillon. La reprise va être majestueuse ! Tout va bien Madame la Marquise. Les propositions faites au terme de ce Davos du pauvre sont d’une indigence rare. Aucune discussion sur les structures dysfonctionnelles de la monnaie et du commerce international. Il faut former la petite enfance, généraliser la garantie jeune (permettant de boucler la gratuité de la vie de la naissance à la mort), alléger les contraintes européennes, coopérer pour la cybersécurité, baisser les impôts sur la production, garantir les placements privés dans l’industrie, augmenter les annuités de cotisation à la retraite mais en étant généreux avec des catégories sensibles, et augmenter les bas salaires. C’est gentil, totalement insignifiant, ruineux pour l’État (pas grave, il y a la BCE, on peut y aller). Et surtout aller franchement vers la neutralité carbone en 2050, sans avoir chiffré le moins du monde ni les coûts de la décarbonation (ce qui devrait être son rôle prioritaire), ni l’efficacité sur la moyenne des températures mondiales. Du politiquement correct total et du politiquement économique insignifiant comme d’habitude. L’important c’est qu’il ait du monde à Aix et que tout le monde reste béat d’optimisme.

Vive la crise en chantant. Avec la destruction de Bretton Woods c’est aussi à la destruction des grands économistes à la française (Jacques Rueff, Maurice Allais, Alfred Sauvy) qu’on a procédé. Tout le monde s’amuse dans les médias à souligner l’extraordinaire baisse du niveau intellectuel des dirigeants français. Pour les économistes officiels français, ce n’est plus une baisse mais un anéantissement.

À moment où la campagne présidentielle s’ouvre, on peut craindre qu’elle soit totalement détournée de sa fonction naturelle : permettre aux électeurs de bien apprécier la situation et d'arbitrer entre les solutions.

C’est dommage. L’anniversaire de la destruction des accords de Bretton Woods offrait pourtant une excellente occasion de faire comprendre au pays pourquoi le PIB par tête se traîne en France fin 2020 au même niveau qu’en 1980 et de lui présenter les axes d’une politique de grand redressement. .

Didier Dufau

 

*Ces deux livres sont disponibles à la librairie en ligne du Cercle « e-toile « à l’adresse https://editions-e-toile.fr/



Retour de l’inflation et assèchement administratif des liquidités

L’avantage de la pandémie de Sars-Cov-2 est qu’elle nous force à pénétrer dans des territoires inconnus qui mettent nos réflexes mentaux et nos habitudes de pensée à l’épreuve. Avec les océans de monnaie créés par les banques centrales occidentales, qui se comptent en milliards de milliards de dollars ou d’euros ou de tout ce qu’on veut, nous sommes techniquement en inflation et même en inflation délirante.

Lors de la crise des changes flottants de 2008 et lors de la crise sanitaire, les États ont réagi à une perte de valeur en 2008 et 2009, et à une perte de production et de revenu en 2020 et 2021 par la création de monnaie. La première inflation monétaire n’a pas eu d’effets sur les prix à la consommation, du fait de la profondeur de la récession et de l’ampleur de la mondialisation mais a fait jaillir les prix de la bourse et de l’immobilier. Régler des questions de valeurs monétaires des actifs par des émissions de monnaie, on peut dire qu’on restait dans la logique financière.

Compenser des pertes de production et de revenu avec de la monnaie, là, le pari était plus osé. Plus de monnaie et moins de production, il n’y a pas de théories économiques qui n’expliquent  qu’on aboutit tôt ou tard à une hausse du prix des produits et une baisse de pouvoir d’achat de l’unité monétaire. Certes, l’absence de marché, du fait des confinements et autres couvre-feux, expliquait que l’argent créé reste sur les comptes en banque. Mais la réouverture des marchés et le redémarrage des affaires se devaient de lancer la hausse des prix.

Un point qui n’a pas été vu est la dislocation des « chaînes de valeur » et l'explosion du maillage logistique mondial. On n’en a pas bien mesuré la survenue faute d’expérience, même si certains événements avaient alerté sur les conséquences graves de pénuries imprévues parce que liées à des accidents, genre Fukushima. L’extension et le fractionnement de la chaîne de production, avec une politique de « just in time », fragilisent l’économie en cas de difficulté même ponctuelle et bien plus en cas d’explosion générale, et encore plus quand ces disruptions ne touchent pas tout le monde en même temps.

Ce qu’on voit aujourd'hui, ce sont d’immenses ruptures de stocks et des pénuries graves d’objets et de force de travail. À chaque redémarrage dans un pays ou dans un métier, l’entreprise se trouve confrontée à la difficulté de recruter et de trouver les intrants nécessaires à son activité. Les caisses sont pleines de liquidité, par exemple en France, et le crédit ne manque pas, mais on ne dispose plus de ce qu’il faut pour travailler.

L’affaire du muguet du 1er mai est très intéressante. En France, l’affolement avait conduit à ne pas accepter la vente de muguet en 2020. La production s’est effondrée et en 2021, on n’a pas eu assez de muguet pour faire face à la demande et les prix ont fini par flamber (jusqu’à 40 % de hausse en certains endroits), dès que la pénurie a été patente, et il n’a fallu que quelques heures pour la constater. Tous les fleuristes qui ont rouvert sont bien décidés à rattraper le temps perdu en augmentant les prix, mais tous ont eu la fâcheuse surprise de conter que les prix en Hollande, plaque tournante du marché, avaient augmenté massivement. Il sera instructif de suivre le cours des fleurs et le comparer à 2019.

Dans le bâtiment, c’est bien pire. Les artisans sont couverts de boulot, car l’argent est là et les propriétaires anciens ou nouveaux de maisons secondaires profitent des circonstances pour leur donner un coup de jeune, et les rendre plus confortables s’ils doivent y séjourner plus souvent du fait des rebonds de la pandémie. Et là, catastrophe. Les produits manquent. Tous. Du sable au bois, en passant par le cuivre, l’acier et le zinc. Les hausses sont dans la fourchette de 40 à 50 % ! Et les artisans ne trouvent plus de compagnons du fait que beaucoup ont quitté le métier ou préfèrent encore rester dans le cocon de l’assistanat. Du coup les contrats anciens ont perdu leur équilibre, les prix fixés n’ayant plus de sème, les délais s’accroissent, certains chiffres d’affaires sont arrêtés par les pénuries et poussent les trésoreries vers le bas. Dès qu’un projet a réussi à rassembler tous les facteurs de production, la facture pour le client est très élevée. On manque encore de chiffres, mais un rapide examen de quelques dossiers montre une hausse de près de 20 % sur les dossiers nouveaux.

Dans de nombreux domaines de l’industrie, les entreprises doivent faire face à des pénuries, notamment de matières premières et de puces. Là, la répercussion sur les prix est plus difficile compte tenu de la compétition mondiale. Mais dans un secteur en pénurie parce que la Chine, par exemple est le principal fournisseur de matières premières, comme les métaux rares, et réserve ces produits à ses propres industries, les fournisseurs américains et européens ne peuvent pas vendre et les produits chinois sont beaucoup plus chers car seuls disponibles.

Dans l’hôtellerie-restauration, trouver du personnel est devenu difficile et les chaînes d'approvisionnement, durement et longuement atteintes par la fermeture du secteur, ne peuvent pas fournir. Les hausses de prix en terrasse sont inévitables dès le mois de mai même si l’hôtellerie est, elle, obligée de rétablir sa clientèle et ne peut pas le faire en haussant ses prix. En Europe le prix de revient d’une canette de Coca Zéro, sortie d’usine, était entre 20 et 30 Cts d’euro, avec des prix de ventes entre 80 cts et 120 cts. En 2021, ces valeurs ont augmenté de près 50 % !

La disponibilité d’immenses réserves financières du fait de l’inflation des moyens de paiement permet à toutes les hausses de prix de trouver leur contrepartie. Donc, oui, il y a bien une inflation des prix et pas seulement des actifs de placement.

On dira : il s’agit d’une inflation frictionnelle liée à la crise et elle se résorbera avec un retour à la normale des chemins logistiques. De toute façon la mondialisation maintient l’obligation, notamment en France de ne pas augmenter les salaires, sauf à perdre encore des parts sur le marché mondial. Pas d’inflation des salaires, pas d’inflation des prix à la consommation durable.

Sans doute. Pas plus qu’il n’y a de doute qu’une partie des ressources créées ex nihilo par les banques centrales vont être utilisées à payer plus cher des prestations et des produits. Cela devrait conduire les autorités à être prudentes dans leur politique de reprise des revenus qu’elles ont lâchées au cœur de la crise. On ne saurait trop les inviter à ne rien faire de tel pendant les deux prochaines années. Un certain ajustement inflationniste est nécessaire pour sortir des conséquences de-là pandémie et d’une certaine façon est déjà acquis même s’il n’est pas encore manifeste. Donner un coup de faux administratif sur les liquidités alors que l’inflation latente se révèle peut conduire à une situation économique et sociale inacceptable.

Le livre de Michel Hau et Félix Torrès, « Le Virage Manqué », entre décapages et dérapages

La société des Belles Lettres a eu la bonne idée d’éditer l’ouvrage de deux membres éminents de notre université qui ont l’avantage d’être d’une génération proche de celle des membres de notre petit groupe et qui ont donc tout connu de l’époque qu’ils décrivent : 1974- 1984 (ce qui laisse la place pour une suite). Ils cherchent dans cette histoire une clef qui permette de comprendre nos difficultés actuelles.  Pour avoir commis une livre, « l’Etrange désastre » qui traitait en partie de cette période, je trouve excellent que l’on revienne inlassablement sur les causes du naufrage économique français et il est vrai que les années soixante-dix ont été un moment critique.

Les auteurs ont connu tous les événements dont ils parlent. En plus de leurs études, ils ont nécessairement une impression existentielle du sujet. Les auteurs de notre génération tiennent pour acquis des connaissances et des faits qui se sont totalement en fait évaporés dans les limbes de l’oubli collectif et qui demandent aux jeunes générations un effort de connaissance alors que beaucoup laisse aller leur imagination et pensent selon les préjugés de l’époque actuelle.  Les aider à une connaissance fondée est essentiel surtout quand on le fait honnêtement et à des fins explicatives.

Le livre est construit de manière simple et efficace : Il développe une thèse centrale, véritable fil rouge sur lequel va s’accrocher un inventaire d’une particulière exhaustivité de toutes les attitudes et de toutes les politiques qui en justifient la justesse et l’importance.

La thèse est connue et déjà généralement acceptée. Beaucoup trouvent opportun de la laisser sous le tapis ou de ne pas trop insister, « pour ne pas décourager ce qu’il reste de Billancourt » ? C’est-à-dire rien. Qu’affirme le livre : en voulant faire concourir les entreprises françaises dans une compétition mondiale totale avec des boulets aux pieds, les dirigeants français ont ruiné l’industrie du pays. L’avantage de ne servir qu’une seule idée dans un livre est que le clou finit par être bien enfoncé dans la tête du lecteur. Le risque est évidemment de vouloir trop prouver et d’ignorer des facteurs tout aussi importants pour la compréhension de la période couverte.

Pour les auteurs, le décrochage s’explique par l’accumulation de charges sur l’entreprise, qui l’ont empêché d’être compétitive à l’extérieur. Le keynésianisme des élites politiques françaises plus la démagogie socialiste sont les causes de cette évolution mortifère. Seul Raymond Barre, dont les auteurs sont visiblement énamourés, aurait pu remettre les choses en place avant qu’il ne soit trop tard. Mais l’élection de Mitterrand a tué la seule chance de changer de cap. Le grand virage se place dans les années 1974 -1975, où Giscard et Chirac se lancent dans une relance keynésienne folle sans se rendre compte qu’un monde nouveau était en train de s’installer et qu’il fallait se mettre en situation de s’adapter intelligemment, ce que beaucoup de pays ont fait mais pas la France qui au contraire, a pris le chemin contraire et l’a payé de sa prospérité.

L’ouvrage vaut pour la compilation qu’il propose des propos et des mesures qui ont conduit certains à ne pas prendre le bon virage et d’autres à le faire. C’est une bibliothèque de référence à lui tout seul. Pour celui qui s’intéresse à l’histoire des idées et des pratiques économiques dominantes en France depuis 1974, c’est un travail monumental et formidable. Bravo !

Sur le fond, il n’y a strictement aucun doute que la France a voulu un système de concurrence mondiale tout en empêchant ses entreprises d’y gagner. Ce qui est une politique schizophrène manifeste, de longue durée, partagée par tous les grands dirigeants successifs et impardonnable, nul doute là-dessus. La compétitivité d’une économie est largement liée à la manière dont elle est gouvernée. Tout a été fait pour que l’entreprise française lutte avec des handicaps insurmontables.

Ce diagnostic est en fait partagé par presque tout le monde et depuis longtemps. Il faut dire que les résultats sont particulièrement navrants depuis également très longtemps. Nous sommes le pays en tête de classement mondial pour les dépenses de redistribution et la fiscalité, mais notre revenu moyen a stagné en valeur absolue et s’est étiolée par rapport à presque tous les autres pays. Nous avons un moloch étatique phénoménal et plus aucune fonction régalienne ne fonctionne. La Justice, la police, l’enseignement national, la santé, tout est à plat. L’armée fonctionne avec des bouts de ficelle et dans la dépendance.  L’entreprise doit vivre avec les charges les plus lourdes du monde, des salariés qui travaillent souvent peu, qui sont souvent absents et qui partent tôt à la retraite. Les soldes extérieurs sont catastrophiques. Nous n’investissons quasiment plus. Le chômage devenu structurel est à des hauteurs extrêmes. Les Français méprisent désormais leurs élites politiques. Oui la France a décroché et elle est même tombée. La crise sanitaire n’a rien arrangé. A-t-elle point que l’avenir est désormais très incertain avec des risques de collapsus importants.  

L’originalité du livre est d’avoir très justement réparti la responsabilité aussi bien sur la droite que sur la gauche. L’effondrement des deux partis de gouvernement dominants jusqu’en 2017 a assez prouvé que les électeurs français s’étaient approprié le constat.

Le livre vient donc au secours d’un constat désormais largement partagé dans l’opinion publique, en donnant au citoyen qui le voudra, le moyen de mieux comprendre « comment on en est arrivé là ». On sait malheureusement qu’il y aura toujours en France une fraction de la population pour penser qu’étatisme et socialisme sont les mamelles nécessaires de la politique française et que la démagogie empêchant de s’attaquer trop directement à l’électeur, c’est toujours sur le créateur de richesses que l’on s’abat. L’expérience de l’action des gouvernements depuis 2001, période non couverte par le livre, montre que tous ont été conscients qu’il fallait décharger l’entreprise, tous, mais qu’ils n’ont jamais pu aller très loin dans cette direction, tant le pays est peu disposé à en accepter les conséquences. La France est dans une impasse. Et ce n’est pas la crise sanitaire qui a entraîné une poussée invraisemblable des aides publiques tout en prouvant la nécessité de réinvestir dans la santé et les politiques régaliennes, qui offrira de sitôt un terreau favorable à des réformes fondamentales.

Le risque est donc grand que le livre passe aux oubliettes, écarté avec une belle unanimité par des factions politiques qui toutes considèrent que la conquête du pouvoir passer par des cadeaux sociaux au peuple.

Comme nous l’avons dit d’entrée de jeu, le livre, centré sur une explication unique, occulte certains faits ou néglige certaines situations, ce qui poussent les auteurs à des commentaires un peu trop à l’emporte-pièce ou à ne pas comprendre certaines dynamiques fondamentales.

Les auteurs expliquent que les Trente Glorieuses ne le sont pas tant que cela et que beaucoup d’erreurs y trouvent naissance. La dynamique politique de l’Etat providence, dite keynésienne, qui a poussé à des dépenses sociales publiques excessives, ne s’explique que par la crise de 1929 et les effets de la guerre. On a soldé l’avant-guerre dans l’immédiate après-guerre. La pression soviétique qui menaçait les démocraties européennes de l’intérieur et de l’extérieur imposait également une action sociale qui évite le succès du communisme. Comme la guerre avait liquidé les fortunes, l’argent ne pouvait être trouvé que sur la valeur ajoutée là où elle apparaissait : dans l’entreprise.

Il aurait été intéressant que les auteurs analysent un peu plus pourquoi cela n’a pas empêché une croissance d’une rapidité historique. Une réponse est timidement tentée : les Trente Glorieuses seraient le fruit d’une circonstance particulière : l’exode rural qui a donné des bras par millions aux forces nouvelles de l’économie. Cela nous change des affirmations surjouées qui font soit de la reconstruction, soit de la quasi-gratuité du pétrole, soit du développement de la « bagnole, soit du Plan Marshall, la raison également fortuite et de court terme de la croissance rapide d’après-guerre. Cela reste un simplisme. 

Les auteurs ont choisi de laisser totalement de côté, comme on le faisait chez les économistes dominants des années 1960, la notion de cycle et le rôle de l’organisation monétaire. Tout à leur démonstration que ce sont les contraintes réelles, au sein de marchés réels, qui ont provoqué la bascule de 74-75, ils ne voient pas l’extraordinaire importance d’une part des accords de Bretton Woods dans la croissance internationale d’après-guerre, ni réciproquement le rôle de leur destruction dans la crise du début des années 70. Si la relance de Giscard Chirac a échoué, c’est parce qu’en régime de changes flottants, toute relance finit par un chaos monétaire et doit être arrêtée d’urgence. De même, tout à sa mono explication par les charges publiques sur les entreprises, des malheurs du temps, les auteurs minimisent le poids sur la croissance de la hausse drastique du prix du pétrole. Du coup toute leur analyse des années 75-76 manquent de poids, car si ce qui est montré n’est pas faux, la démonstration est largement décalée des vrais mécanismes à l’œuvre.

De même il est impossible de comprendre la période sans tenir compte de mai 68 et de la poussée d’une influence socialiste qui menace de tout emporter. Les vents contraires politiques ont joué un rôle et il était évident que tout gouvernement se devait d’en tenir compte.  Les poussées ultérieures de dépenses publiques seront d’abord conditionnées par les crises mondiales décennales à répétition, alors que les auteurs décrient les analyses relatives aux crises périodiques. Ces crises touchent gravement, plus que la France, l’Allemagne, début 80, le Japon, début 90, les économies émergentes début 2000 et tout le monde en 2008.  Mais la France en subi à chaque fois les conséquences politiques après les affres économiques.

Ces lacunes affaiblissent partiellement le propos du livre. L’option prise de monter en épingle un seul phénomène considéré comme central a cet inconvénient.

On aurait aimé que soit analysée plus profondément la terrible difficulté de revenir en arrière. Décharger l’entreprise c’est d’abord charger les particuliers sauf à réduire drastiquement les dépenses publiques. On a vu avec les APL ce que provoquait le transfert de quatre euros ! Tous les gouvernements, quelle que soit leur orientation politique, savent très bien depuis Maastricht qu’ils doivent restreindre les déficits publics. Ils ne le font pas parce que la caste qui a pris le pouvoir, l’Enarchie Compassionnelle, ne veut pas le faire au détriment des fonctionnaires et de leur propre pouvoir.  Ils respectent les GOPE, les ordres budgétaires de la Commission Européenne, mais sans jamais toucher aux effectifs proprement administratifs. On l’a vu dans le domaine de la santé où on a réduit l’offre de soins mais jamais l’effectif pléthorique de 16.000 femmes fonctionnaires de catégorie A du ministère de la santé, qui, elles, ne soignent pas. Les différentes crises périodiques ont été supportées uniquement par le secteur privé, jamais par le secteur public. De même les hauts fonctionnaires qui nous dirigent ont laisser supporter à la SNCF un sureffectif de plus de 350.000 personnes pendant des décennies et ont baissé les bras à la première longue grève, lorsqu’ils ont souhaité recadrer, un peu,  cette machine à faire des pertes et à trahir les usagers.

Le livre de Hau et Torrès est indispensable par sa belle compilation des mentalités qui rendent aveugles et des erreurs politiques qui ont été commises.  Envoyer  au casse-pipes nos entreprises dans la compétition mondiale en les chargeant à mort est bien une dimension de la folie française qui a conduit la France là où elle est.  La démonstration reste trop partielle pour bien cerner les mécanismes qui conduiront à la forme de chaos économique actuel.

Aujourd’hui il faut aller plus loin. Hollande avec le CICE et la loi El Khomry, Macron avec ses propres lois et ses promesses électorales, ont tout deux essayé, bien que socialistes, de faire baisser les charges sur les entreprises et de leur rendre la compétition moins déloyale. Le premier a vu la dissidence d’une partie de ses troupes. Le second a connu les Gilets Jaunes et les black blocks. La France est depuis gouvernée par les GOPE européens qui fixent ce qu’on attend d’elle comme réformes. Les Français ont le sentiment qu’une politique de rigueur permanente imposée par l’Union Européenne brise leur système de santé et de protection sociale. Les électeurs donnent la prime aux extrêmes ou à l’abstention.  Ils méprisent désormais des élites qui ne les protègent plus. L’opposition se voit sommée par quelques jeunes loups d’entrer dans le grand jeu de la démagogie et des promesses inconsidérées, façon hausses imassives du Smic et « restauration du pouvoir d’achat ». Pourquoi ne pas proposer « l’abaissement de l’âge de la retraite des travailleurs manuels, la recréation de l’autorisation administrative de licenciement, le retour de la garantie à 90% pour deux ans des allocations chômage, l’élargissement du champ de la Sécurité sociale à n’importe qui, le relèvement du minimum vieillesse. Face à la crise qui s’installe, au chômage qui progresse, l’Etat Providence ne doit-il pas renforcer sa protection ? »  C’était le programme travailliste à la française de Chirac en 1975 ! Il reste des nostalgiques. Quant à Macron il a repris à son compte le plan vanté par Giscard : "la planification, qui doit rester l'outil essentiel de notre développement économique à moyen terme, doit connaître une profonde adaptation dans ses méthodes et ses objectifs… Le Plan devra assurer à la fois la modernisation de notre appareil productif, le développement des équipements collectifs, une meilleure utilisation des ressources publiques et une accentuation de nos efforts en vue d'une meilleure répartition des richesses… La finalité profonde du Plan devra être de rendre les Français plus heureux." Il suffirait d’ajouter la réduction du réchauffement climatique pour que le propos soit totalement actuel.

Les mentalités qui ont provoqué les défaillances de 74-75 sont encore bien vivaces. Ne parlons ni de Mélenchon ni de Le Pen ! 

Trouver la martingale politique qui permettra de sortir de cette impasse, au-delà du diagnostic, est la vraie énigme du moment.

Giscard et les aléas de la "modernité"

L’actualité des présidents de la 5ème République est plutôt chargée, ces derniers temps. Le livre de Michel Onfray comparant De Gaulle et Mitterrand, est venu s’ajouter aux mémoires de Sarkozy qui elles-mêmes suivaient un texte de Hollande. La gouvernance ridicule de Macron ne pouvait pas ne pas être commentée et voilà que Giscard décède, quarante ans après l’échec de sa tentative de réélection.  

Pour ceux qui ont connu la période de son septennat, ce qui est raconté dans les médias ne recoupe pas vraiment leur expérience. Il faut dire que les commentateurs n’étaient généralement pas nés ou à peine nés à cette époque. Ils expriment l’espèce de fond de sauce des on-dit et des images qui flottent à la surface de la mémoire collective, en général en rapport avec les préoccupations du moment, pas toujours avec les réalités d’hier.

L’enterrement est le seul moment où on ne s’appartient pas ! Comme dit la sagesse populaire, « il ne faut pas assister à ses obsèques, on a l’impression qu’on enterre quelqu’un d’autre ».

Un président disposant d’autant de pouvoirs que le Président français dans un pays encore souverain doit être jugé sur son impact sur le destin national. Bien sûr il est parfois très difficile de distinguer ce que l’époque a imposé et ce que l’action menée avait d’original, de même qu’on ne sait dire si Giscard est mort avec le covid ou du covid. La presse multipliant les commentaires sur les problèmes sociétaux, nous nous concentrerons sur les questions nationales graves.

1-     La démographie :

 

Après la pilule, mise en place dans les derniers moments de l’action du Général de Gaulle, la réclamation féministe portait sur l’avortement. Giscard cède et accepte qu’on finance à 100% une destruction d’embryons censée être réservée à quelques cas et qui devient rapidement, planning familial aidant, un moyen de contraception comme les autres. La politique nataliste est abandonnée. L’institution du mariage devient facile à défaire. La famille ne fait plus l’objet d’un discours politique. La femme au foyer est brocardée. Giscard, dans la foulée de Mai 68, lâche tout. L’individu est tout. L’homme peut tromper sa femme sans conséquences. La femme est libre de son corps. On fera les comptes à l’heure du laitier. Michel Debré éructe. Les démographes sous son septennat se mettent à mentir. Ils ne cesseront plus. La natalité de la population native s’effondre. Les résultats sont interdits à la collecte comme à la diffusion. Mais, les estimations qui restent possibles permettent de penser que le nombre des morts dépasse aujourd’hui celui des naissances dans ce segment. La population, disons issue des familles qui étaient en France en 1890, diminue désormais chaque année et la bascule a dû se produire au début de ce siècle. Rappelons à ceux qui en doutent que près de 800.000 enfants naissaient à l’époque où la population était de 44.000.000. Avec 66.000.000 nous devrions voir en voir naître 1.300.000. On compte moins de 450.000 naissances blanches. 230.000 avortements sont exécutés chaque année et 75% des mariages finissent dissous dans les grandes villes. La famille est largement détruite et le trou démographique autochtone désormais sans fond.

Là-dessus Giscard décide de créer le regroupement familial pour les étrangers travaillant en France ou venant à s’y trouver. Il transforme une immigration de travail, largement masculine et alternante, en immigration massive de peuplement, des centaines de milliers de familles africaines et nord-africaines s’installant en France et provoquant aussitôt de grosses difficultés. Le PS exploite la situation avec « touche pas à mon pote », la marche des beurs, le soutien aux réclamations islamistes,  dès la fin des années 70 ! Le mouvement a été si brutal que Barre tente de l’arrêter. Le Conseil d’Etat s’en mêle et interdit qu’on mette fin au regroupement familial. Il faut dire que c’est Giscard qui a institutionnalisé la glorification de l’individu par rapport à la collectivité.

Du coup nous vivons actuellement de facto le « grand remplacement » des populations indigènes par des populations venant d’Afrique, avec des zones de plus en plus nombreuses et de plus en plus larges où les populations d’origine indo-européenne ne représentent plus que 5 à 10% des effectifs d’écoliers. Giscard avait pour l’Afrique et ses différents gibiers une dilection qui ne s’est jamais démentie…

 

2-     La fiscalité.

 

La plupart des Français, y compris des commentateurs chevronnés, ne le savent pas, mais le Général de Gaulle a mené inlassablement une lutte contre le ministre des finances Giscard pour éviter le dérapage de la pression fiscale. De Gaulle voulait que la pression fiscale reste inférieure à 32% du PIB, alors qu’il la voyait dériver au-dessus de 35%. Il n’a reçu de la part de Pompidou qu’un soutien modeste. Les recettes montaient plus vite que la croissance qui était forte, compte tenu du caractère progressif global du système fiscal. Il aurait fallu rendre la plus-value artificielle. La facilité commandait de l’utiliser à toutes fins notamment électoralistes. C’était la théorie de Giscard qui considérait de plus que la « modernisation fiscale » devrait s’accompagner d’une aggravation fiscale.  Toute son action comme ministre des finances sera de créer ou d’aggraver des impôts. Son septennat sera un d’abord un septennat fiscal, avec la généralisation de la TVA, l’impôt sur les plus-values, mille mesures de détail aggravant la situation de nombreuses professions, notamment les grandes professions libérales comme les chirurgiens et les architectes. Il supprime les cadeaux d’entreprise qui était un des bonheurs des métiers du bâtiments. Comme disait Edgar Faure, « Giscard n’aime pas l’argent des autres ». Il était d’ailleurs connu pour envoyer les contrôleurs du fisc à ses ennemis et… à ses hôtes quand ils avaient stimulé son envie. On oublie de relever qu’en 1978, il travaillait sur un impôt sur la grande fortune…  

 

Aujourd’hui, nous sommes quasiment le premier pays au monde pour la dette, les dépenses publiques et la fiscalité. Sur ce sujet comme sur celui de la dénatalité, et de l’immigration submersive, nous sommes les enfants de Giscard.

 

3-      Le système monétaire international

 

Les abus américains dans les années soixante mettent en porte à faux le système monétaire international créé à leur demande à Bretton Woods en juillet 1944. L’arrivée de Kennedy et de son goût pour les dépenses intérieures et extérieures font vaciller le dollar qui est la base du système de changes fixes mais ajustables par consentement mutuel qui a accompagné les trente glorieuses et qui n’est pas pour rien dans ce succès historique. En 1971 les Etats-Unis imposent le cours forcé du dollar et un système de changes flottants. Il n’est censé être que temporaire. Dès 73, avec l’accord de Giscard, il commence à être pérennisé. C’est l’époque où on considère que les changes flottants ne sont pas graves s’il n’y a pas d’inflation et que pour cela, il suffit de rendre autonome les banques centrales et leur interdire de prêter directement aux Etats. L’Etat français au lieu d’être financé à taux zéro, commence à s’endetter et à voir la charge de la dette prendre une part notable dans la dépense publique. Tout à sa « modernité » affiché, Giscard croit être dans le coup du nouveau cours des choses. La crise de 73-74 le prend par surprise. Il n’a pas compris que les relances en régime de changes flottants ne fonctionnent pas. Celle qu’il impose en 75 s’effondre. Il faut d’urgence appeler Raymond Barre. On entre dans la politique de compression et d’étouffement budgétaire.  Il va, en 1976, à Kingston, signer les désastreux Accords de la Jamaïque qui instituent définitivement les changes flottants qui entraîneront une suite ininterrompue de récessions mondiales avec l’apothéoses de 2008. On le voit faire des effets de maillot de bains avantageux au bord de la piscine. Quelle modernité, en ligne avec le café aux éboueurs, les diners au peuple, le ski à Courch’, le fouteuballe à Chamalières et l’accordéon avec ou sans Yvette Horner ! On voit naître le mélange si typique de notre époque de décisions dramatiques pour le destin national et d’habillage par une com’ infantilisante et narcissique.

Nous en sommes encore là.

 

4-     La fin de la souveraineté française

 

Lorsque les historiens se pencheront sur les cinquante ans qui vont de 1974 à 2022, ils seront sans doute sidérés de constater que les présidents qui se sont succédé avec des pouvoirs immenses et un pays fort d’une histoire riche et parfois glorieuse, ont tous chercher à réduire structurellement la souveraineté du pays que la nation leur a confiée. Giscard croyait vraiment que la France, comme la nation, comme l’or, comme le Franc, comme de Gaulle, comme le natalisme, comme le mariage à vie, c’était « ringard ». La « modernité » devait faire fi de ces vieilleries et extirper ces oripeaux.  Ces écrits postérieurs puis son action en faveur d’un « constitution » européenne prouveront assez qu’il considérait que l’Europe devait purement et simplement se substituer aux Etats Nations, que le Franc devait disparaître, que la zone devait être dirigée par le « couple franco-allemand », que les institutions devaient être sur le modèle américain avec le même rôle pour les institutions juridiques, le même politiquement correct vis-à-vis des minorités, etc.

 

Il a fait élire les députés européens au suffrage universel, donnant au Parlement Européen supranational la primauté sur le parlement national, chargé de « transcrire les ordonnances européennes dans le droit national », une tâche exaltante. Ces élections n’ont strictement aucun sens. Personne ne sait pour quoi il vote et se contente de choisir des étiquettes. Demandez autour de vous : vous venez de voter pour le PE ; qu’est-ce qu’a fait votre merveilleux élu ? Heu, heu !  Ne répondez pas tous à la fois ! Il a tout fait pour préparer une monnaie européenne. Ne jamais oublier que Barre est celui qui a été chargé de définir la méthode pour aboutir à l’Union Monétaire Européenne. Mitterrand ne fera que reprendre le bâton européen là où il gisait au départ de Giscard.

 

5-     L’Enarchie compassionnelle

 

Avec le couple Giscard-Chirac s’installe « l’énarchie compassionnelle », c’est-à-dire une organisation politique où des hauts fonctionnaires d’idéologie très similaire prennent le pouvoir, tout le pouvoir. Giscard symbolise à lui tout seul l’usurpation de la démocratie par une certaine partie de « l’élite » qui cumule mariage d’argent, recherche plus ou moins pitoyable de noblesse et caution donnée par les grands corps. Il est le seul à être entré à Polytechnique et à l’Ena sans passer par les examens difficiles classiques mais par des petites portes très spéciales liées aux circonstances et connues d’un très petit nombre d’initiés.

 

Avec Giscard, l’Enarchie s’empare de presque tous les leviers de commande. L’administration et la bureaucratie explosent. C’est le début de l’effondrement du système médical français avec la destruction du pouvoir médical et la prolétarisation des « mandarins » qui ne cessera plus. Si nous en sommes à 16.000 fonctionnaires femmes de catégorie A au ministère de la santé et dans les ARS, c’est d’abord au mouvement créé par Giscard qu’on le doit.  Il ne s’arrêtera plus. Il importe de rappeler que le Premier ministre que Giscard aurait appelé s’il avait été réélu était … Rocard et la deuxième gauche et que la première mesure qui aurait été prise aurait été de créer un impôt sur les grandes fortunes. On assiste avec Macron et ses premiers ministres énarques de seconde zone au triomphe final de ces conceptions délétères. Macron c’est un Giscard en plus caricatural et en plus limité, sans souveraineté et asphyxié par le politiquement correct américain. Avec les mêmes résultats désastreux.

 

6-     La destruction de l’école

Giscard nomme René Haby à l’éducation nationale où il restera sept ans façonnant le ministère à sa volonté. Il a été responsable de la pédagogie au début des années soixante. C’est un homme du sérail qui lui a fait allégeance, ce qui est rare à « l’Edunat ». Il compte sur lui pour moderniser les structures très élitistes du système scolaire français et lui obtenir la neutralité politique des syndicats « d’enseignants », ce magma de plus en plus féminisé qui a pris le relais du monde des professeurs. A l’époque les Français se regroupent en deux classes très marquées : ceux qui ont au mieux le certif et les autres ; 85% d’une classe d’âge d’un côté et 15 de l’autre.  Ceux qui ont le certif savent compter lire et écrire. L’orthographe est là.  Impossible de faire carrière au lycée sans orthographe.  Mais le sursaut démographique a provoqué une démocratisation qui n’a pas été vue. Au moment où l’examen de sixième, terreur des parents bourgeois, est supprimé, déjà 55% d’une classe d’âge entre en sixième, le mouvement étant souvent freiné par l’inexistence de collèges et de lycées à proximité. La Cinquième République va investir à mort dans l’équipement scolaire et accompagner le mouvement. Mai 1968 et la révolte des étudiants seront très mal vécus, en fait comme une injustice, par tous ceux qui ont mis tellement d’effort national sur l’enseignement.  Le drame c’est qu’à partir de 1968, l’action quantitative, mais qui garde une certaine rigueur qualitative, sombre dans le laxisme et les idées fausses. La loi Haby met fin à la rigueur et au nom de la démocratisation, qui avait lieu en silence, on va engorger le système de gens qui n’avaient rien à y faire et finalement détruire le système. L’orthographe (fasciste et censé reproduire la domination bourgeoise) sombre à une vitesse incroyable. Dès 1978 la direction de Sciences-po demande aux Maîtres de conférences de ne plus tenir compte de l’orthographe dans la notation ! On sait où l’on est aujourd’hui. Plus personne ne nie l’effondrement.

Le but de cet article n’est pas de faire un bilan détaillé de l’action politique de Giscard. Dans sa volonté de « modernisation » il a pris de nombreuses mesures heureuses : la suppression de l’Ortf, la fin de la radiale Vercingétorix à Päris, les lois Scrivener de défense du consommateur, diverses libéralisations, la fin du contrôle des prix (inflationniste) etc. En sept ans on ne fait pas que des sottises.  Giscard n’avait pas de mauvaises intentions et se sentait idéologiquement libre, le « libéralisme avancé » ne prescrivant rien de précis. Ses successeurs ont largement mis leurs sabots dans la trace de ses escarpins.

Mais, au moment où l’hagiographie s’exalte, il n’est pas mauvais de rappeler que six des grandes tares qui ont mis la France par terre se sont développées sous Giscard et par la volonté de Giscard. Il a ouvert la porte à des mouvements funestes pour la nation  et au nihilisme où se vautre complaisamment quarante ans plus tard son arrière-petit-fils spirituel, Emmanuel Macron.  En 1974, on pouvait avoir des illusions sur ce qui se situait derrière la porte qui portait le panneau « modernité ». Aujourd’hui cet aveuglement est sans excuses.

Pour beaucoup la messe est dite. Il sera extrêmement difficile d’en sortir et les nœuds gordiens sont serrés à bloc. Il n’est pas du tout sûr que le pays trouve encore l’énergie de les trancher.  Ce d’autant plus que le quinquennat a beaucoup affaibli le rôle présidentiel, devenu celui d’un sous-secrétariat à la population. Chirac l’a accepté, Jospin l’a mis en place, mais c’est Giscard qui l’a voulu. Encore lui !

Et encore une erreur !

 

Paris : la Capitale déclassée dans l'indifférence générale

Qu’est donc devenue la rive droite « chic » de la Madeleine à la place Vendôme en passant par la rue de Rivoli et la rue du Faubourg Saint Honoré sous la double attaque des saccages de Mme Hidalgo et sa fine équipe et des effets de la crise sanitaire ?

Six des hôtels de luxe de l’endroit sont soit fermés soit en voie de l’être du fait d’une fréquentation qui se situe au mieux à 10 %. Le Saint James et Albany tourne avec moins de 3 % de chambres occupées à cause de l’étranglement de la rue de Rivoli par les aménagements de la mairie de Paris ! L’annonce du couvre-feu et de la flambée d’infection nouvelle a stoppé net le peu de tourisme qui restait.

La place Vendôme est totalement saccagée par les travaux mis en œuvre par la mairie qui semble avoir eu comme idée de porter son effort de destruction sur toutes les places de Paris. Elles sont toutes en travaux, non pas pour les embellir mais pour y ruiner la circulation générale. Une cabine de toilette mobile traîne au pied de la colonne Vendôme, porte ouverte. Après le plug anal, les chiottes… On sait le nombre d’homosexuels qui peuplent l’équipe municipale (les lesbiennes de la majorité municipales parlent de « pedoland », ce qui aurait amené un mâle blanc en correctionnelle mais a permis de la promotion de l’Eructatrice). Ce qui explique peut-être cette obsession anale caractérisée qui persiste dans la durée. On est heureux finalement qu’il n’y ait pas de touristes. Partout sur la place on a installé des blocs de béton colorés en blanc ou rouge qui canalisent on ne sait quoi. L’accès au parking se fait en concurrence avec le passage des piétons dont le passage est bloqué par les travaux. Pratiquement toutes les boutiques de luxe sont fermées et celles qui restent ouvertes sont vides de clients. Personne dans la rue de la Paix également ravagée par les travaux. Les rares cafés ouverts sont aux trois quarts vides à l’heure du déjeuner. Le bas de la perspective vers la rue de Rivoli est vide, les voitures ne pouvant plus y circuler. De l’avenue de l’Opéra aux Tuileries, c’est un total désastre urbain et une ambiance sinistre. Total ? Non ! Il y a pire. La rue des Pyramides n’existe plus comme ensemble urbain. Sous les arcades Est tout est fermé et des clochards dorment ou discutent en buvant. Il reste une ou deux boutiques ouvertes sans client sur la face ouest. Ce sont les seules âmes vivantes. Pas un piéton. Autour de la statue de Jeanne d’arc un café est resté ouvert avec une cliente qui pianote sur un portable (il est maintenant près d’une heure de l’après-midi et il fait un temps magnifique), à moins que ce ne soit la patronne qui en profite pour faire un tour sur internet.

La rue du Faubourg Saint Honoré est en travaux. Beaucoup de boutiques sont fermées. Celles d’Yves Saint Laurent et de Vuitton sont vides. Le personnel de quatre à cinq personnes dans chacun d’entre elles attend en vain un visiteur. L’ambiance est mortuaire.

Et la rue de Rivoli ? Là, c’est la fin du monde. Les boutiques sont presque toutes fermées comme les hôtels. Les changeurs ont déménagé. Les boutiques de souvenir sont un souvenir. Le reste périclite quand il n’a pas déjà fermé. Pas un passant. Pourquoi passerait-on par-là ?

La destruction de la rue de Rivoli se veut une grandiose réalisation des tordus qui règnent à l’Hôtel de Ville. La sottise et la méchanceté satisfaites, la hargne et la bassesse idéologiques, tous ces beaux sentiments qui animent cette équipe de malfaisants sont présents dans les décisions qui ont été prises. On n’a pas décidé de faire plus de place au vélo. On a supprimé tout stationnement et stérilisé une voie large au milieu de la chaussée. Le but de l’aménagement n’est pas de favoriser le cyclisme mais de supprimer la voiture le plus possible. Alors, sur le principal axe Est Ouest de la capitale, on n’a laissé qu’une voie pour la circulation et on y a interdit les voitures particulières et elles seules, sauf celles des riverains !

Le comptage des véhicules est intéressant.

Sur cette voie unique de circulation générale on compte 85 % de camionnettes, 8 % de taxis et Bus (les VTC sont interdits) et 7 % de voitures particulières qui violent l’interdiction volontairement ou se retrouvent là en errant dans le labyrinthe créé au nord de la rue de Rivoli.

Sur 100 cyclistes il y a 70 % de femmes, dont la majorité en groupe, qui visitent les lieux pour s’amuser, 10 % de livreurs et 20 % d’hommes plus ou moins pressés.

Le trafic en milieu de journée est très faible. L’essentiel est constitué par des deux-roues motorisés et des camionnettes (95 % des véhicules comptés, vélos inclus). La pollution est donc là et bien là. Mais tout le monde s’en fout, de la pollution. Ce n’est pas le problème. Il faut des actes symboliques contre la bagnole, c’est tout. Une obsession !

On constate beaucoup d’indiscipline. La voie stérilisée au milieu de la rue est utilisée par les gendarmes, la police, des vélos et des motos.

Inutile d’essayer de traverser, si vous êtes piéton. Vous êtes à peu près sûr d’être renversé.

Pas de stationnement possible. Quelle importance ? Tous les commerces sont pratiquement fermés.

On a achevé par la destruction de la circulation ce que le Covid avait commencé. La Ville peut être fière de sa politique.

Pour s’échapper de cette trappe à automobilistes, il n’y a qu’une solution, aller vers le nord et traverser à nouveau des places ravagées par les travaux de voiries et des rues parsemées de chantiers divers, avec des stationnements en double file partout de camions et de camionnettes.

La malveillance municipale est partout. Les pauvres gens qui essaient de s’en sortir font grise mine dans ce chaos. Ne parlons pas de l’Avenue de l’Opéra et des grands Boulevards, ni des Grands Magasins. Partout la grisaille de la crise économique, les affres de la crise sanitaire et les déjections de la politique municipale.

Jamais une municipalité n’a été aussi nocive pour la ville qu’elle gère. Jamais une capitale n’a été traitée ainsi par ce qu’il faut bien appeler une bande de voyous et d’iconoclastes. Jamais Paris n’avait été aussi abîmé volontairement depuis le Commune.

Honte et tristesse !

Comment les Parisiens ont-ils pu revoter pour cette bande de minables, odieux et incultes ? Il est vrai que l’élection a été biaisée et que l’équipe retenue n’a même pas convaincu 20 % des inscrits. Paris est violé mais aussi les règles élémentaires de la démocratie.

On peut déjà deviner le mépris de fer de ceux qui auront plus tard à écrire l’histoire de cette période affreuse, de ce saccage organisé, de ce véritable assassinat urbain mené de sang-froid et sans support populaire et démocratique vrai, par des minorités coalisées guidées par une Espagnole arrivée par l’alcôve et promue par quelques sommités reconnaissantes du Parti socialiste.

Au moins on sait que l’épidémie de Covid s’arrêtera dans les deux ans mais pas le saccage de Mme Hidalgo qui va encore continuer six longues années. Que restera-t-il alors du Paris que le monde entier aimait ?

On veille en ce jour de deuil national une victime de la violence horrible et conquérante des musulmans récemment immigrés massivement en France aux applaudissements des Islamogauchistes, des amateurs de « créolisation », et des tenants d’un politiquement correct à l’américaine.

On assassine aussi la Capitale. Et cette décapitation-là, celle de la capitale de la France, n’est même pas citée dans les médias et encore moins condamnée.

Retour de l’inflation ? Une possibilité sérieuse, si…

 Après l’inflation générale à deux chiffres qui a suivi les hausses massives du prix du pétrole imposées par le cartel des pays producteurs, fin 1973, et la sévère récession aux Etats-Unis du début des années 80 provoquée par la volonté des Etats-Unis d’y mettre fin, il est généralement admis qu’il n’y a plus de risque d’inflation. La bourse, l’immobilier et les matières premières rares, ont vu leur prix s‘envoler mais ces biens n’entrent pas dans l’indice des prix à la consommation. En France, l’inflation ne dépasse pas les 2% depuis près de 30 ans.

La résolution de la crise bancaire, financière et monétaire de 2008 a imposé mondialement une inondation de monnaie banque centrale (près de 15 mille milliards de dollars dans le monde) à laquelle se sont ajoutées près de 50 mille milliards de dettes privées supplémentaires, sans inflation des prix à la consommation. Rappelons que la valeur ajoutée des entreprises du secteur marchand en France était avant l’épidémie de Covid d’un peu plus de mille deux cents milliards d’euros et que la dette avait grimpé jusqu’à près de 2.000 milliards d’euros.  En créant de la monnaie globalement à hauteur de plus de quarante fois la valeur de la production marchande française, le monde n’a pas connu d’inflation ! Un peu fort de café tout de même, surtout quand on relit toute la littérature économique sur l’inflation qui sert de base à l’enseignement de l’économie dans nos écoles et universités. Une pareille inflation de moyens de paiement aurait dû se retrouver dans les prix ! Cette bizarrerie ne fait pratiquement l’objet d’aucune étude sérieuse. Un nouveau credo s’est installé : la nouvelle économie ne connait pas l’inflation et le Covid ne changera rien à l’affaire, même si on essaie de compenser des pertes abyssales de production par des distributions de monnaies artificiellement créées.

Ce nouveau credo se doit d’être interrogé. Les sommes mises en jeu pour faire face à la crise sanitaire et sa durée sont tellement incertaines que nous risquons de graves surprises.

Un des premiers aspects qui saisit le regard est évidemment la survenue finalement assez fréquente ces dernières années de crises d’hyperinflation.  Le Liban en connait une en ce moment même. Mais l’Amérique du Sud et l’Afrique en ont porté un témoignage important. Maduro au Venezuela et Mugabe au Zimbabwe ont provoqué deux effondrements monétaires suivi d’une hyperinflation et de la réduction drastique de la production, avec ruine de la population et exode massif. L’Argentine n’est pas passé loin. Plus de 50 états ont une inflation fortement augmentée comparée à la situation d’il y a 6 ans. La hausse des prix n’est pas « à venir ». Elle est déjà parmi nous avec parfois des hausses considérables. Très peu de pays connaissent une baisse de l’inflation. En général ce sont des pays qui ont mis en place une politique stricte de désinflation comme l’Iran, dont l’inflation avait atteint plus de 40%.  Une vingtaine de pays vivent une inflation de plus de 10%.

Dès maintenant, l’inflation dans le monde est souvent forte et parfois désastreuse. Il est vrai qu’elle touche des pays habitués à une mauvaise gestion ou des pays accidentés par des tensions politiques ou militaires. Peut-on alors prétendre que l’inflation a été éradiquée pour les pays développés sérieux et ne demeure que dans les pays à problèmes de gouvernance récurrents ?

En France, l’inflation moyenne sur les 12 mois de l'année 2018 a été de 1.85%, en nette augmentation par rapport à 2017 (1%) et 2016 (0.2%). L’inflation est basse mais en hausse importante et continue jusqu’à la crise sanitaire. En Chine l’inflation en juillet 2020 est supérieure à 2.4% en dépit de la crise de Covid qui a asséché l’activité, alors que le taux de toute l’année 2017 était inférieur à 1.50%. 

Avant la crise sanitaire la pression sur les prix était réelle mais avec des résultats très faibles, la BCE ne parvenant même pas à obtenir l’objectif de 2% d’inflation pour l’ensemble de la zone Euro !

Il importe de comprendre pourquoi, si on veut apprécier, par contraste, la situation créée par la crise sanitaire.

La source de l’inflation monétaire depuis 1971 et l’abandon des changes fixes est bien connue : le système de changes flottants permet aux Etats-Unis d’accumuler des déficits phénoménaux, qu’équilibrent des excédents tout aussi importants au Japon et en Allemagne, puis en Chine et dans les autres Dragons asiatiques. Ces excédents sont recyclés dans les pays déficitaires et une double hélice de dettes se crée qui ne cesse de s’accélérer. A un moment elles deviennent problématiques et on a une crise financière et une récession associée. Ce mécanisme a été vérifié en 1973-74, 1981-1982, 1992-1993, 2002-2003, 2008-2009. La cause étant occultée ou niée, personne ne réforme quoi que ce soit et cela recommence.  A chaque fois des milliers de milliards de monnaies banque centrale sont émises que l’on retrouve dans la valeur des actifs mais pas dans les prix. Pourquoi ? Parce qu’on a ouvert l’économie mondiale aux exportations des pays à très bas salaires à partir des années 80, avec une formidable accélération à partir de la crise de 90. La différence de niveau de vie était telle et la main d’œuvre disponible tellement nombreuse que la Chine et les ex-pays socialistes ont pu capter une part majeure de la production mondiale dans la mesure où les énormes déficits extérieurs ne gênaient plus personne. Du coup les salaires ont été bridés dans les pays développés obligés de faire face à cette nouvelle compétition. Or l’inflation rampante s’accélère toujours par la hausse incontrôlée des salaires. Les récessions décennales provoquées par le système des changes flottants ont aussi pesé lourdement sur les salaires, le cumul d’un chômage de masse structurel et conjoncturel n’était pas vraiment propice à des accélérations salariales. 

Pour l’Europe la construction de l’Euro a imposé une politique financière rigoureuse (notamment depuis 1983 en France) et la stabilité de l’euro impose un contrôle des budgets par la Commission de Bruxelles. L’euro ne permet plus à la France de compenser sa sous-compétitivité accrue vis-à-vis de l’Allemagne par la dévaluation. Le rééquilibrage de la compétitivité passe obligatoirement par une dévaluation relative des salaires. En France les folies socialistes sur la durée de travail, l’âge de la retraite, la pénalisation des relations du travail et le délire de la dépense publique et donc de l’impôt, pèsent également très lourd sur les entreprises et le pouvoir d’achat.

Dans ces conditions les créations de monnaies se sont retrouvées dans les marchés financiers et dans l’immobilier. Les prix immobiliers ne sont pas pris en compte dans l’indice des prix. Donc pas d’inflation !

La crise de 2008 était pour l’essentiel une crise de surinvestissement boursier, bancaire et immobilier. La bulle a explosé créant un trou béant dans les comptes des banques. Les banques centrales ont créé 15 mille milliards de dollar de monnaie pour sauver le système bancaire. Un trou financier se trouvait ainsi compensé par une création financière. Il s’est agi en quelque sorte de jeux d’écritures assez virtuels. Evidemment la récession post éclatement de la bulle, elle, a créé du chômage et une pression à la baisse sur les salaires empêchant tout emballement inflationniste.

Les mécanismes décrits n’ayant pas été corrigés, la pression à la hausse sur les prix à la consommation est restée très faible. La petite hausse constatée dans les pays occidentaux a été provoquée par la reprise économique mondiale ou des circonstances de marché ou des tensions politiques. Jusqu’à l’arrivée de l’épidémie de Sars-Cov-2, le risque d’inflation était nul en France.

Les pays qui ont connu une hyperinflation sont pour l’essentiel passé par trois phases :

-        L’effondrement de la monnaie sur le marché des changes

-        L’effondrement conjoint de la production

-        La création de monnaie administrative en quantité astronomique.

Ce n’est jamais une inflation rampante qui s’est tout d’un coup emballée. Le Liban donne une parfaite image de ce mécanisme. L’effondrement monétaire à précédé l’hyperinflation.

Il faut garder en tête ce mécanisme. La mauvaise gouvernance et des taux de dettes astronomiques peuvent casser les changes dans un système de changes flottants non régulés et provoquer un effondrement économique. C’est un risque qui n’est pas négligeable pour la France.

Comment la crise sanitaire vient-elle s’insérer dans ce système inchangé ?

L’énorme différence tient à la nature de la crise. On a supprimé l’essentiel de la production pendant deux mois et des secteurs vont tourner avec un chiffre d’affaire fortement réduit pendant des mois. Les calculs les plus savants parlent d’une perte annuelle de production autour de 10%. En fait il ne faut pas oublier que le secteur public entre dans le calcul du PIB. S’il a réduit sa « production » (on parle de 17%, ce qui est énorme) il n’a en rien réduit ses rémunérations qui seules sont prises en compte par les statistiques de PIB.  La baisse globale de 10% sur le PIB global d’environ 2.500 milliards est à imputer sur la seule économie marchande dont la valeur ajoutée est de 1.250 milliards.  Les 250 milliards de pertes de production s’appliquent donc à ces 1.250 milliards. La perte est de 20%, pas de 10%.

Ces pertes ne sont pas toutes définitives, une partie des décisions d’achat ont été simplement différés et on fait l’objet d’un rattrapage pendant l’été. Mais une grande partie de la production perdue l’est définitivement. Le revenu correspondant à cette production n’est pas apparu. Il a été largement compensé par des versements d’état. Mais il est facile de comprendre que le circuit économique ne se boucle pas.  Une partie de l’argent versée va chercher ses produits à l’étranger, aggravant les déficits commerciaux français qui ont flambé depuis le confinement. D’autres achats se sont concentrés sur des secteurs en déficits de production et de stocks où ils ont déclenché une hausse des prix. Les autres secteurs, qui captaient une part importante du revenu, comme les voyages, l’hôtellerie, les sorties culturelles, ont été boudés par la clientèle par crainte du virus. La perte de recettes est massive. Les stratégies de prix ont été très variés : certains ont fait des offres attractives en baissant leur prix. D’autres ont eu une stratégie de réduction de leur offre en montant leur prix.  100 milliards d’épargne à court terme se sont immobilisés dans les comptes en banques et les bas de laine, à hauteur de la perte de confiance dans l’avenir. Si ces sommes venaient à se déverser sur les marchés, les tensions sur les prix seraient immédiates faute de production et de stock.   

Cette situation est susceptible de durer jusqu’à la fin 2020 et sans doute aussi en 2021. On commence à voir les prix déraper dans certains secteurs. Il n’est pas impossible qu’en continuant longtemps de compenser le revenu de production en l’absence de production, une certaine inflation se déclenche.  La hausse du chômage est censée jouer en sens inverse en pesant sur les salaires, ainsi que les importations. Si ce schéma est exact, les hausses seront donc plutôt ponctuelles et dépendant de la situation mondiale des marchés.  

Le consensus est qu’il y aura une certaine hausse de l’inflation mais relativement contenue et de nature à faire diminuer le coût des dettes  et à grignoter le surplus de pouvoir d’achat distribué sans production correspondante.  

Sauf en cas d’accident systémique ! L’énormité des dettes supportées par les Etats peuvent à tout moment provoquer une crise de confiance mondiale et des mouvements incontrôlables. La rupture des changes dans un pays parti à la dérive y apporterait dans la minute une énorme inflation. On dira qu’en France et en Europe l’Euro nous protège ! Mais si l’Italie et la France connaissent le même krach que la Grèce, l’Eurozone sautera.

A contrario il n’y a pas pour la France de relocalisation massive possible de production compte-tenu de la non-compétitivité du pays dans le cadre de l’Eurozone. Il faudrait pour cela une dévaluation et un contrôle des échanges, des instruments dont nous nous sommes volontairement privés. L’Euro s’apprécie vis-à-vis du dollar, ce qui est totalement incompatibles avec la relocalisation. On ne pourra relocaliser qu’à base de subvention en creusant les dettes et en créant des distorsions dans la compétition. Ou en prenant l’argent sur les pensions des retraités et en resurtaxant les « riches ». Tout cela n’a rien de durable. Les Enarques croient pouvoir jouer à ce jeu de bonneteau qu’ils pratiquent depuis 1983 avec les résultats que l’on sait. L’Europe fédérale, à ce jeu, ne protège plus que les pays excédentaires, et accable les pays qui se sont laissé aller à casser leur compétitivité comme la France.

Lorsqu’on voit la masse des difficultés anciennes et l’énormité des complications nouvelles, la persistance de systèmes inefficaces, dysfonctionnels et  chaotiques, l’inadaptation des politiques qui sont menées sur la base de réflexes d’un autre temps (comme la relance keynésienne en système changes flottants dont on sait qu’elle ne marche plus depuis celle de Chirac en 1975), l’irrationalité des contraintes que l’on accepte aux noms des petits oiseaux et du réchauffement climatique, le fait que partout on ne respecte plus aucun des principes avec lesquels on a justifié l’édification des nos institutions économiques, on ne peut qu’être troublé.

La prévision devient un exercice impossible. On en est réduit à constater des « surprises ». Aux Etats-Unis une de celles qui fait parler aujourd’hui c’est une hausse des prix soutenue et imprévue, largement liée à la hausse des produits importés du fait d’une dévaluation assez forte du dollar.   Même si le raisonnement permet de juger qu’en Europe une inflation sérieuse est difficile à imaginer, la complexité de la situation, l’inadéquation des politiques, la persistance des erreurs d’organisation, l’impossibilité de certaines réformes indispensables, tout laisse penser que quelque chose peu lâcher. Et cela pourrait bien être le niveau des prix avec une inflation beaucoup plus forte qu’anticipée.

Pensées et attitudes françaises à mi chemin du confinement

On entre dans les crises avec des idées bien fixées et on en sort avec les mêmes, à la grande surprise de ceux qui croient que tout a été tellement bouleversé et que l’on va découvrir un monde enchanté, jamais vu jusqu’ici, où toutes les vertus oubliées vont soudain s’exprimer allègrement.

M. Piketty était entré dans la crise sanitaire avec l’idée d’un énorme prélèvement fiscal sur les riches. Il la traverse avec l’idée d’un super énorme prélèvement fiscal sur les riches. Il en sortira avec l’idée d’un hystérique super prélèvement fiscal sur les riches.

Les collapsologues étaient entrés dans la crise avec l’idée que la nature était tellement malmenée par l’homme qu’elle ne pourrait bientôt plus fournir. Les voilà qui pensent que « la nature tellement malmenée » se venge cruellement sur l’homme des mauvais traitements qu’il lui a fait subir et qu’il faut désormais, et vite, se prosterner bien bas,  la figure repentante et méditer sur nos fautes, devant la déesse nature.

M. Jacques Julliard, dans la tradition socialo-chrétienne, mitterando-papale et très Ouest-France, pense que le capitalisme, « son productivisme et son économisme », est une infection « qui fait des vieux des rebuts avec comme seul horizon le cimetière ». En pleine crise sanitaire le voilà qui cite les bonnes appréciations d’un guide que le Parti Communiste de Chine avait mis à la disposition de son groupe de visiteurs,  expliquant que le Communisme était supérieur au capitalisme parce qu’il traitait merveilleusement ses vieux. Il sortira de la crise sanitaire, sans vouloir malgré tout passer ses derniers jours à Wuhan, ses urnes, ses fours crématoires derrière les hôpitaux, mais en crachant sur cette société infâme d’individus qui ne pensent qu’à consommer.

La nature a voulu que la vieillesse soit un naufrage. Nos efforts humains ont retardé d’une vingtaine d’années le moment de cette affreuse réalité. La collectivité finance près de 700.000 personnes en France pour s’occuper de nos dix millions de très vieux. Et il faudrait faire pénitence ? Ils seraient abandonnés par leurs enfants. Quels enfants ?  Des milliers de femmes très âgées n’ont pas de descendants. Leur mari est souvent mort depuis longtemps et elles n’ont eu qu’un enfant, qui a pu décéder avant soixante-dix ans, ou pas du tout d’enfant. Avec des parents qui décèdent maintenant routinièrement à plus de 92 ans, les héritages disparaissent. De toute façon, hériter à 70 ans, cela rime à quoi ? Doit-on vraiment culpabiliser les jeunes pour un prétendu « individualisme » forcené ?

Mme Natacha Polony est entrée dans la crise sanitaire en pensant que le système social et économique de ces dernières années était à bout de souffle. Au milieu du confinement elle explique que l’acte de décès a été signé par le Sars-Cov-2. « Il ne faut plus faire de nous des rouages de la machine économique mais nous réinstituer comme citoyen ».  Cela tombe bien la machine économique est grippée. Mais elle est délicate, Natacha :  il va falloir de l’exigence aux Français, pour ne pas tomber dans l’arnaque, « dans l’entourloupe des avant-hier qui déchantent ». Marianne, ce journal fondé sur le « vous vous rendez compte Madame Michu », fait bien de nous avertir. Il va sérieusement déchanter le citoyen, quand il n’aura plus d’économie(s) !

Le Conseil de la résistance, CNR, est à la mode. Quand il ne faut pas faire un « Grenelle du Covid 19 », ou un « Plan Marshall », il faut reprendre le merveilleux programme fondateur du Conseil National de La Résistance. Là encore, il faut ne pas regarder l’histoire de trop près pour s’enthousiasmer : pratiquement tout ce qui a été mis en place du plan du CNR sont les mesures qui avaient été décidées dès le début des années 40 sous le gouvernement de Vichy, autour d’Yves Bouthillier, Ministre des Finances, par une poignée de hauts fonctionnaires décidés à moderniser le pays. La Sécu, les Ordres professionnels, l’étatisme forcené, tout était là. La fonction publique et les boîtes nationalisées se sont accordé de formidables statuts protecteurs et pour les autres on a créé le sécurité sociale, régime général (traduire : sauf les fonctionnaires), sur les bases que Laroque avait défini sous Pétain. Décidemment on entre dans la crise comme on en sort.

Autant dire que les chances de voir les pouvoirs dominants, médiatiques ou politiques, en France sortir de leurs préconceptions et de leurs idées fixes sont nulles.

Les Islamistes expliquent que Dieu a envoyé le virus parce que les bons musulmans n’avaient pas tué assez de Chrétiens. Les Européistes considèrent que la crise aurait été tellement mieux gérées si l’Europe avait le monopole de la politique de santé publique. Bref, c’est partout pareil.

On a préféré, dans la plupart des pays, la faillite à la mort de quelques dizaines de milliers de personnes en général âgées.  C’est nouveau et généreux peut-être jusqu’au déraisonnable. Mais cela devrait tout de même nous éviter les dénonciations continuelles de « l’économisme » et l’indifférence aux vieillards. Leur mort n’aurait eu aucun impact économique grave, au contraire. La réalité est cruelle, mais pas la politique suivie. Elle n’est pas le fruit d’un calcul économétrique, mais du refus de tout calcul économique.  

Ceux qui demandent plus à l’impôt et moins au contribuable, et exigent plus de consommation pour une population en croissance exponentielle, tout en suggérant moins de production, donc de prédation sur les ressources naturelles (destruction, déchets, pollution), considèrent le Sars-Cov-2 comme un allié et une preuve de leur sagesse. « La ruine des hommes est un sursis pour la terre. Ouf ! C’est un bon début. On va pouvoir légitimer la frugalité nécessaire, la fin du tourisme de masse, la suppression des bagnoles, les rues de Paris converties en pistes cyclables, l’urgence de passer aux 32 et peut être aux 28 heures (payées 40 naturellement), la permaculture sur les toits, la dénatilité française, la fin de l’industrie, sauf pour les masques et les respirateurs), la disparition des inégalités grâce à une fiscalité ravageuse réservée aux riches. A chacun selon son absence de besoins ! »  

L’imbécillité crasse a donc quelques beaux jours devant elle et nous devons nous attendre à un cortège de grands prêtres du bien supérieur de l’homme, de la société, du monde et de la terre. Nous devons nous endurcir face  aux discours d’exaltés pleins de hargne et de repentance (pour les autres).  

Pourtant, ce n’est pas « l’économisme » qui a croisé les virus de pangolin et de chauve-souris ! Dame Nature est une marâtre comme chacun sait, qui vous envoie des virus tueurs assez régulièrement et nous accorde ses bienfaits avec parcimonie.

Ce qui force et forcera longtemps l’humanité à l’économie, à l’artisanat et à l’industrie.  Et donnera à notre jeunesse le champ nécessaire à son épanouissement. Rien de changé !

La crise sanitaire nous a surtout montré qu’il valait mieux avoir quelques réserves et une industrie puissante. Cette France post mitterrandienne incapable de fabriquer masques, respirateurs, médicaments et de maintenir un nombre de lits suffisants à l’hôpital, ces Français leaders mondiaux du non-travail, des impôts et de la dépense publique et cette Administration que tout le monde nous envie, reine absolue de la bureaucratisation stérile, n’ont exalté personne.  Surprise, surprise !

La France est entrée dans la crise avec ses problèmes et en sortira avec les mêmes en pire. C’est-à-dire avec l’urgence aggravée de revenir sur tout ce qui l’a mise par terre, avant et pendant. Au lieu de cela, les machines automatiques à se tirer des balles dans le pied sont toutes en train de se mettre en place avec des artilleurs qui salivent en chargeant les magasins.

Les rigolos s’amusent à compter les Français dans la dépendance directe de subventions d’état : les retraités et assimilés, près de 19 millions, les fonctionnaires et assimilés, près de 5 millions (certains disent sept), les personnels des entreprises publiques à statut protégé (Poste, SNCF, RATP, Dockers, Intermittents du spectacle , etc.) 1.5 millions, les chômeurs indemnisés de base (autour de 5 millions), les nouveaux travailleurs en « partiel », autour de 10 millions, les malades, invalides et assistés permanents ( 2 millions), soit environ 48 millions de personnes sur 66, moins les enfants de moins de 18 ans (11 millions) et les femmes au foyer qui ne travaillent pas (2 millions), mais reçoivent des allocations familiales, la gratuité de l’école et des soins, plus la cantine presque gratuite, etc.   Restent un peu moins d’une demi-douzaine de millions de braves personnes décidées à travailler et à vivre sur leur travail et non sur les versements publics, alimentés par les impôts et taxes les plus lourds du monde et un arrosage d’emprunts dont le montant va atteindre deux fois et demie la production marchande de 2020 dès la fin 2021 !

Déjà certains s’extasient : on peut le faire ! Pérennisons ! Vive le revenu universel ! Vive l’hélicoptère à monnaie ! Les syndicats montrent les dents. Les entreprises tendent la gamelle. L’émotion est partout avec des gens qui pensent que le « malheur » qu’ils viennent de vivre justifie moins de travail, des vacances, et des compensations directes. Et des gratifications supplémentaires pour ceux qui ont travaillé un peu. Que les autres paient ! Une calinothérapie avec défoulement fiscal sur les Riches, voilà la solution. Mais voilà : combien des entreprises qui ont mis les 10 millions de travailleurs-travailleuses au biberon étatique de secours survivront-elles ? Combien de projets auront avortés ? Combien d’investissements auront été perdus ?

La situation de la France n’est pas seulement ridicule et honteuse. Elle est catastrophique, avec des risques sérieux d’effondrement radical. A force d’essayer de courir avec des poignards dans le dos, et des hémorragies torrentielles, on finit par tomber !  

Tous les médias bruissent des mêmes interrogations : qu’est-ce qu’il faudrait changer ? Mais pratiquement tous indiquent le résultat espéré sans jamais regarder le moyen d’y arriver. Il faut retrouver nos industries stratégiques et reconstituer nos stocks de même nature. On fait comment lorsqu’on a grevé notre production de mille charges et qu’on l’a mise en compétition sans limite avec le monde entier ? On met fin aux 35 heures et à la retraite à 62 ans ? On réduit le pouvoir des syndicats ? On casse l’énarchie compassionnelle qui ligote tout et a mis la France sous tutelle ?

Il faut mettre fin à la disette et à l’inefficacité de nos services publics. Effectivement, ils sont tous à demi effondrés.  Mais on fait comment pour briser la bureaucratie infernale qui en grippe tous les rouages ? On casse les ARS et on restaure le pouvoir des « mandarins » ?  Préfère-t-on des grands « pontes » dans leur discipline à la tête de services en pointe dans le monde, ou des énarques directeur d’ARS qui comme celui du Grand Est, débordé par l’épidémie, gère son poste en édictant des règles absurdes et loin des patients, en télétravail de son appartement parisien ? On construit des prisons et on rétablit une chaîne pénale digne de ce nom ? On s’attaque aux phénomènes exogènes qui finissent par saturer tous nos systèmes pénaux, hospitaliers et sociaux ou on laisse faire?

On en revient sempiternellement aux tares qui précédaient la crise. Ce n’est pas par idéologie ou force de l’habitude, ou envie d’avoir toujours raison. On sait pourquoi les Français ont cessé définitivement de rattraper le niveau de vie américain, une fois mis en place le programme Commun de la Gauche. On sait comment les Britanniques ont mis fin à l’effondrement travailliste de la fin des années soixante-dix et ramené leur économie dans le peloton de tête. On sait pourquoi les Allemands ont vu leur revenu augmenter de 15% de plus que celui des Français depuis l’instauration de l’Euro. On sait parfaitement que le système monétaire international basé sur les changes flottants et un étalon dollar problématique ne fonctionne pas. Et même les Américains se rendent compte qu’il commence à leur causer du tort.

Les dirigeants français et leurs électeurs sont nés malin. Cela fait maintenant 40 ans que les élites socialistes et étatiques françaises s’essaient à la paupérisation relative de leur peuple, avec le soutien occasionnel et hagard d’un peuple désarticulé et déboussolé. Le ludion qui dirige actuellement le pays s’essaie à différentes formes de séduction sans jamais embrayer sur aucune réalité. Il s’est aperçu qu’il buvait la tasse quand il voulait noyer le poisson.  Alors il chante ce que les gens veulent entendre avec des paroles insincères tendues exclusivement vers son obsession : être réélu.  Lui « pense l’impensable » et sur le terrain, le gouvernement « dépense de façon impensable », et fait face comme sait le faire la bureaucratie, entre oukases, arrosages et impuissance.

Le paradoxe est qu’un pays où les politiques masquent avec ténacité toutes les tares accumulées depuis mai 68 et où la réalité présentée par les médias est totalement trafiquée et masquée, manque désespérément de masques.   

Emmanuel Macron : le vide et le Covid !

Le retour de supercandidat.

Le discours d’E. Macron a plus donné d’indication sur ce qu’il est, sa méthode et son ambition que sur la crise et les moyens de la surmonter. Ses discours sont comme ses lois : trop longs, trop vagues et trop confus. Ce qui est voilé est aussi important que ce qui est dit. Le clair-obscur, et les effets de lumière, façon studio Harcourt, sont là pour l’effet, jugé artistique. L’art est absent mais pas le flou.

Sur le fond, quand on le trouve, quelques mesures secondaires surnagent ; on concède et on cède à quelques revendications qui ont pris un peu d’ampleur. On tente de se protéger par quelques mots lâchés comme on débondait naguère au château, en gants blancs.

Cette préoccupation permanente de la protection personnelle et de la sauvegarde d’image, où chaque mot devient un petit paratonnerre, pour évacuer un risque ou une tension, cet excessive préoccupation de soi, empreinte de fausse compassion et d’outrancières visions idylliques pour le futur, est la marque d’une habileté, mais non d’une compétence, encore moins d’une sincérité.

Le jeune Emmanuel joue un jeu de rôle, pour épater encore et toujours sa prof admirative. Il ne dirige rien. Il chante « Marchons ! Marchons !» comme on le fait dans Don Carlo à l’Opéra-comique : on piétine sur la scène sans jamais avancer. Le but n’est pas de gagner la « guerre ». A la guère comme à la guère, on quémande assez d’applaudissements pour que la pièce continue.

Gamin dans un costume trop grand pour lui, Macron compte que son culot et ses beaux yeux bleus lui permettront de tenir une part suffisante de l’opinion pour lui permettre de jouer les boucliers face aux méchants de rigueur. L droite ? Elle a peur. Elle se couchera en demandant qu’on la sauve. Reste la gauche et les Verts !  C’est à ce camp là que l’Enarque compassionnel veut montrer la richesse de ses bons sentiments et sa souplesse idéologique.

Alors il a multiplié les révérences, appuyées et accompagnées de lourds clin-d ’œil. L’écornifleur échoue s’il ne renchérit pas indéfiniment sur ses courbettes et ses flatteries. Alors, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ! Surtout si tout le monde est confiné. Pour le reste, en période de guerre, ce que l’on nie est ce qu’on avoue et ce qu’on avoue, ce que l’on veut minimiser.

« J’avais laissé mon premier ministre vous annoncer la fin temporaire de vos libertés de circuler. Mais c’est moi qui vous annonce votre libération ». Voix off :« tout en doublant votre temps de confinement et en avouant que je n’ai pas la moindre idée de la manière d’en sortir vraiment. J’ai doublé la durée de confinement pour que vous voyez le nombre quotidien de morts baisser. Ce sera ma victoire : j’ai sauvé des vies.  Ils vont me dire merci.  Mais pour beaucoup, ce ne sera qu’un sursis, car il n’y a pas de traitement réel, pas plus aujourd’hui qu’hier, et que je n’ai toujours pas les moyens de lutter qu’il faudrait. Ah, ma trouvaille des masques « grand public », c’est-à-dire des masques sans aucune efficacité autre que psychologique !  Dans un mois la France sera globalement dans la situation où sont déjà la moitié des départements. Alors pourquoi ne pas leur rendre la liberté de travailler ? C’est cela ma réponse ; je n’ai pas de masque grand public… »

« Je vous annonce la fin des festivals et du Tour de France ». Voix off : « Mais pas le report des élections municipales, toujours censé avoir lieu en juin ! Ah ! Ah ! Ah ! ça sera pour le Premier Ministre si personne n’a encore compris ».  

« J’ai fait fort en annonçant le retour de la liberté de circuler après le 1er mai et après les ponts ». Voix off : « Comme je suis malin ! Ce n’est pas maintenant que les gilets jaunes vont inventer le masque jaune petit public ! »

« Je vous annonce le retour des mômes dans les classes, parce que les garder à la maison est vraiment insupportable ». Voix off : «  Mais pourquoi ai-je fermé les classes dans les régions non contaminées, sachant que les enfants ne risquent rien, et leurs jeunes parents presque rien et qu’il faut qu’on atteigne un jour ou l’autre les 60% de contaminés ? Chut ! »  

« Je vous annonce des flots d’argent, des océans d’or pour tous, sans restriction ». Voix off : « et jamais je ne vous demanderai le moindre effort ni ne lutterai contre les feignasses et les abusifs tout heureux de ne rien faire à 85% de salaires ou à 100% pour les personnes à statut, comme à la poste où ils ont tous déserté saint Service Public sauf quelques honnêtes gens. Et j’ai obtenu du MEDEF qu’il la ferme sur une augmentation du temps de travail. Bien sûr qu’un trou de richesses ne peut être comblé qu’en travaillant d’arrache-pied pour compenser la perte. Vous me voyez annoncer des larmes et du sang ? Et du travail ! »

« Je vous annonce un monde radieux à la sortie et vous vous trouverez beaux comme jamais. » Voix off : « Je veux dire : vous me trouverez beau comme jamais ! Alors que franchement quelle incroyable incurie est apparue dans toute sa splendeur, là où la presse politiquement correcte ne cessait de parler des « merveilleux ceci ou cela que le monde nous envie » ».

Voix off : « Je me suis mis à la hauteur de notre ridicule national.  En ce jour anniversaire de la mort de Jean de la Fontaine, personne n’osera relire la fable Le Corbeau et le Renard. Heureusement.  Isatis, c’est moi ! Vous n’avez pas vu mes yeux ?  Dans le jardin de l’Elysée, je suis la seule Narcisse qui reste. J’en bronze de plaisir et je n’ai pas résisté à l’envie de montrer ce bronzage sous tous les angles favorables, même si la maquilleuse a un peu forcé sur le fond de teint.  Sinon à quoi a pu bien servir ce discours ridicule ? 

Un communiqué de quatre lignes du Premier Ministre aurait suffi :

« En accord avec le Président de la république, nous allons sortir du confinement progressivement à partir du 11 mai 2020, si la situation sanitaire le permet. Le Ministre de l’Education Nationale étudie les modalités du retour des élèves dans les écoles. Tous les ministères sont penchés sur les difficultés à surmonter pour réussir cette opération. Les modalités seront précisées dans les trois semaines à venir ».  

Il fallait lire l’interview au Financial Times pour comprendre. Le prurit pseudo-littéraire de notre Eliacin national, n’avait pas trouvé auditoire à sa mesure.  Il lui fallait le monde.  « Il est temps de penser l’impensable ». L’impensable, c’est le capitalisme qui doit être « transformé ». Avec le jeune Emmanuel, il n’y a plus de réforme seulement des transformations et ce transformisme est le guide vers l’impensable.  Être à la hauteur est d’abord de monter en Montgolfière à gaz chaud à des altitudes qui vous font toucher le sommet de la caverne de Platon !

Evidemment le journal s’amuse à lister les grands projets d’un Président qui n’a jamais cessé depuis son arrivée au sommet et aux sommets de solliciter les grands de ce monde pour des actions aussi nébuleuses qu’ambitieuses ? Le soufflé est toujours retombé, et il a bien fallu subir autant de soufflets. Contrairement aux autres dirigeants ricane FT, Macron ne cherche pas à rétablir la situation d’avant mais voit dans une crise sanitaire, qu’il n’a pas su gérer tant les pénuries de moyens sanitaires accablent la France et sa population, un évènement propice à changer la nature de la globalisation et la structure du capitalisme international. Rien que cela. Et avec « humility » bien sûr, puisqu’on ne sait pas où nous emmène le virus.

Toujours avec l’humilité qui le caractérise, il veut utiliser le cataclysme pour donner la priorité à l’homme, plutôt qu’à la croissance, à l’action contre les désastres écologiques, plutôt qu’à l’extension de la consommation, mais naturellement avec un œil acéré sur les inégalités. Comment réduire les inégalités en réduisant la richesse ? En tapant dans le stock et en réduisant les flux ? Les stocks ont été anéantis. On prend quoi et à qui ?

A l’Allemagne et à la Hollande, ces égoïstes qui ne veulent pas venir au secours de l’Italie et des pays du sud, et qui laissent donc tomber…la France. Tiens voilà la cigale française qui veut accaparer l’argent des fourmis voisines.  Et son humble président de taper sur la table à poings redoublés.

La France, pays leader en matière d’absence de travail, d’impôts, de dépenses publiques, qui a cessé depuis longtemps de faire croître son industrie, qui est à la remorque dans tous les domaines, qui a géré sa crise sanitaire dans des conditions dantesques faute de toute préparation et prévoyance, qui a effondré toutes ses fonctions régaliennes, qui a replié depuis longtemps tout son appareil diplomatique extérieur, qui finance bien moins que les autres les organisations multilatérales comme l’OMS, a-t-elle tant de leçons à donner au monde ?

Mais oui ! « Si nous avons su prendre des mesures impensables, comme interdire le droit de circuler pendant des mois, nous saurons sauver la planète ».

Rien que cela. Hallucinant !

A quoi rime tout ce cinéma se demande le journal, qui donne la solution : le Président français fait des clins d’œil à la gauche et aux Verts en vue des prochaines élections présidentielles. Alors les réformes sont au panier. Reste les postures, nécessaires pour faire oublier le passage chez Rothschild, le « président des riches », et le goût pour les « premiers de cordée ». La triangulation, l’art de reprendre à son compte les arguments des autres, quitte à faire radicalement l’inverse si cela a marché et qu’on se retrouve au pouvoir, est la baguette électorale magique de l’ambitieux sans autre projet qu’électoral.

Voici le Sars-cov-2 devenu agent électoral en vue des présidentielles qui approchent à grands pas.  Pas d’ennemi à gauche et en marche !

Ce n’est pas le déconfinement qu’a initié le discours du candidat perpétuel Macron, mais l’ouverture des Présidentielles, sur fond de désastre national de grande ampleur, désastre qu’on aggrave par électoralisme mais qu’il s’agit de balayer sous le tapis aux prix de contorsions qu’il n’est pas interdit de trouver totalement déplacées et parfaitement grotesques.   

Un SCHEMA explicatif fondamental

Comprendre l'actualité économique et politique

Le graphique qui explique tout

 

Ce schéma n’est pas une statistique mais une approche de ce qui s'est passé depuis l’effondrement des accords de Bretton Woods en été 71. La référence, base 100 dans le graphique et ligne rouge, est la valeur d’un panel de biens dont la valeur est sinon stable du moins représentative d’une certaine permanence. À 50 %, on retrouve la valeur du m2 moyen dans cinq grandes villes du monde (New York, Tokyo, Londres, Paris et Shanghai). Les autres 50 % sont constitués d’or, de diamant, de terres rares et de pétrole. Les autres courbes sont bien connues. On a pris celles de la France depuis 1971. Après avoir été lissées par moyenne mobile sur dix ans, elles ont été réduites à une ligne droite et déflatée par l’indice de référence.

On voit apparaître l’évolution des courbes en « valeur stable de référence » (VSR) et non en monnaie. Les résultats sont spectaculaires et surtout expliquent bien des évènements actuels.

La monnaie : la valeur de la monnaie s’est effondrée. Le Franc (puis l’Euro) a perdu presque 97 % de sa valeur en VSR, comme le Dollar et pratiquement toutes les monnaies administratives.

Les prix : Les prix ont baissé plus vite que le revenu. Ce qui veut dire qu’il y a eu hausse du pouvoir d’achat apparent mais une baisse forte en VSR qui n’est pas perçue, les gens raisonnant en monnaie courante.

Les impôts : La fiscalité a cru plus vite que le revenu, ce qui a entraîné une régression fréquente du revenu net disponible. En s’accrochant au patrimoine des assujettis, l’impôt des personnes payant l’ISF a pu dépasser 100 % de leur revenu, ce qui était intenable à terme.

La dette : La dette en VSR a baissé compte tenu de l’effondrement de la valeur de la monnaie mais elle a cru plus vite que la fiscalité, et que le revenu. Les classes moyennes ont maintenu leurs dépenses par l’endettement, comme l’État.

Les gros patrimoines : étant investi largement en valeurs de référence, la valeur patrimoniale des très très riches n’a pas baissé en VSR.

Le luxe : le très grand luxe, comme toujours, a fui devant la fortune.

Les champions de la mondialisation, propriétaires d’entreprises mondialisées, ont vu leur patrimoine s'accroître, même en VSR

Quatre points spectaculaires : la baisse relative du niveau de revenu par rapport à l’immobilier ; la baisse du revenu moyen par rapport au patrimoine des « vainqueurs de la mondialisation » : le rôle phénoménal de la dette ; la hausse déraisonnable de l’impôt par rapport au revenu.

Une fois ce tableau en tête, on peut mieux analyser et les causes et les conséquences de ces évolutions.

La cause principale : La conjonction de l’effondrement du communisme et d’un système monétaire international déséquilibré.

Le système mis en place après 1971 (change flottant et liberté du commerce international) a permis à la Chine et aux autres pays sortis du communisme de rejoindre la mondialisation, sans aucune contrainte d’équilibre commercial. L’effet négatif sur le revenu a été massif dans les pays développés, alors que la mondialisation permettait aux gros salaires liés à la mondialisation de se maintenir. En faisant sauter l’obligation de maintenir des comptes équilibrés, les changes flottants ont permis à la Chine d’accumuler des excédents monstrueux alors que le système de Bretton-Woods aurait imposé une réévaluation. Le recyclage de ces excédents a provoqué une hausse phénoménale de l’endettement et l’effondrement de la valeur de la monnaie. Les crises à répétition liées également aux défauts des changes flottants, ont entraîné des dépenses d’état qui ont été payées par l’impôt et la dette.

Il faut ajouter l’effet de l’irrédentisme musulman et sa tentation terroriste, associée à sa longue maîtrise des puits de pétrole qui a naturellement eu un effet sur la croissance par la hausse induite du coût de l’énergie.

Les conséquences deviennent lisibles.

Lorsque, au moment des manifestations des Gilets Jaunes, on entend : « avant on était pauvres mais on s’en sortait maintenant c’est fini », cela tient à la hausse globale de pression fiscale (aggravée par la violence administrative et l’extension sans fin des mesures bureaucratiques coûteuses et dont l’effet n'est jamais évalué) et à la difficulté de se loger compte tenu du prix relatif de l’immobilier.

Les salariés ne parviennent plus à payer leur loyer sur leur revenu. Ils doivent donc emprunter à mort et les taux négatifs répondent à cette exigence.

En vendant leurs biens immobiliers pour des résidences plus modestes ou en région, les retraités disposant préalablement d’un patrimoine sont parvenus à s’en sortir. La chute de la natalité induit que les héritages sont relativement plus positifs s’ils sont en biens stables en VSR. Ils permettent aux héritiers une certaine aisance de consommation, compte tenu de la baisse des prix en VSR. Du coup les fiscalistes socialistes étatistes s'excitent à l’idée de leur piquer cet « avantage » dans la décrépitude générale.

L’extension du « populisme », c’est-à-dire du rejet des élites par la classe moyenne, tient au fait que la hausse relative du revenu par rapport au prix, une fois déduit les impôts et les frais incompressibles, est très faible pour les petits revenus. Savoir que les classes moyennes des pays ex-communistes se sont fortement enrichies les laisse parfaitement indifférent.

Ajouter à des perspectives de restriction à la croissance et à la mobilité, une politique de dépenses publiques nouvelles indéfinies avec des hausses fiscales associées gigantesques ne peut que provoquer que des réactions violentes de rejets. Tout le monde a compris que le bonneteau fiscal auquel s’amuse le gouvernement n’est pas une vraie baisse, la dépense publique augmentant plus que le revenu moyen. Une perspective de baisse massive des retraites ajoute nécessairement à la peur et à la colère. Plus personne n’a de perspectives positives.

La gauche fiscaliste, bureaucratique et antinationale, qui accepte des règles de mondialisation qui ne protègent pas, n’est plus admissible pour la classe ouvrière et les classes moyennes, notamment dans les zones en déclin structurel. Son adhésion à la dépression écologique aggrave les choses.

La droite mondialiste, celle qui n’a aucune explication des crises et aucune politique pour les prévenir, et qui laisse la concurrence ruiner le revenu des classes moyennes, tout en acceptant de céder la souveraineté à l’Europe en externe et à la bureaucratie énarchique à l’intérieur, n’est plus écoutée.

Le « macronisme » qui a été vu par une droite menacée et une gauche en désarroi comme une manière de protection contre le populisme de droite et de gauche n’a pas de solution. Il a provoqué une crise de confiance majeure en n’ayant aucune vision extérieure, et aucune prise en compte des causes fondamentales de la crise structurelle de la mondialisation démarrée en 1971 (au contraire, on se fait botter le c… par les États-Unis sans réagir) et en aggravant les mesures bureaucratiques violentes et coûteuses, tout en inquiétant l’ensemble des Français sur un projet de retraite d’inspiration bureaucratique et qui noie le poisson des vraies inégalités, dans un océan incertain et anxiogène de régression à long terme.

En raisonnant en VSR en non plus en monnaie courante, la situation s’éclaire avec une netteté frappante, aussi bien sur le terrain politique qu’économique et social.

 



Octobre 2019 : quelques instantanés significatifs

1)      Examen de la vente d’un studio à Paris : l’acquéreur dispose d’un prêt (300.000 E) supérieur à ce que touche le vendeur en net (270.000 E). Il y a près de 30.000 euros de frais. Le dossier de vente fait près de 300 pages. Merci Mme Duflot et la loi Alur. Notaire, agents immobiliers, et syndics se sucrent sur l’abus de paperasserie. Leçon :

  1. La bulle immobilière à Paris ressemble à la bulle de 1992 où les banques prêtaient non seulement le prix d’achat à 100% mais les frais et une partie de la plus-value espérée. 
  2. L’amortissement d’un tel achat ne peut se faire sur la location compyr tenu  de la loi sur les loyers. Restent Airbnb et l’espoir d’une plus-value.
  3. Le blocage de la construction par Mme Hidalgo qui préempte tout alimente la spéculation
  4. Avec des taux d’emprunt à 1%, la tentation est grande pour un jeune cadre d’investir en empruntant sans capital sur 25 à 30 ans.  L’IFI qui devait prévenir le goût pour l’immobilier n’a eu aucune influence, sauf de doubler les recettes fiscales de l’ISF sur la partie immobilière.
  5. On était censé détricoter la loi Alur et ses folies bureaucratiques. Rien à faire en régime d’Enarchie Compassionnelle.

2)      Un juge rouge décide que l’état de nécessité justifie des actes illégaux qui visent à ridiculiser le président de la République. Leçon :

  1. Le justicialisme, cette doctrine de gauche qui veut qu’un juge doit utiliser les fonctions qu’il a réussi à obtenir dans l’Etat pour servir la cause et non pas le droit, est une des tares récurrentes du système judiciaire français et doit être réformé sans pitié. Il prive le législateur de toute légitimité et la victime de toute défense.
  2.  « Le gouvernement des juges » est une des causes du Brexit et alimente une rumeur de sortie de la Grande Bretagne du cadre juridique non seulement de l’Union Européenne mais aussi du conseil de l’Europe.  
  3. La renonciation au droit du sol en Italie part du même sentiment.
  4. Les peuples veulent retrouver une souveraineté juridique perdue de l’intérieur et de l’extérieur.

3)      Orange à qui l’installation d’une box sur fibre optique a été commandée, va commettre une suite ininterrompue d’erreurs plus ahurissantes les unes que les autres, concernant aussi bien la fourniture des matériels que leur installation.  Trois erreurs de livraison (dont une livraison en province pour une installation à Paris) puis trois erreurs de rendez-vous (avec un appel d’un installateur errant en Charente Maritime !). Au final l’installateur qui trouve enfin le bon endroit constate que c’est un câblage Free et que le nécessaire n’a pas été fait auprès de cette entreprise avant de venir installer. Installation retardée…d’un mois supplémentaire. Au total près de trois mois pour installer une box alors que tous les câblages sont faits !  Leçon :

  1. Orange a atteint le degré absolu de la désorganisation
  2. Le client est resté un usager à qui on peut tout faire subir.
  3. Le bourrage de raccordements sur les câbles entraîne des écarts immenses avec les performances théoriques des réseaux.
  4. Les programmes qui tournent sur la box n’ont d’intérêt que pour Orange et peuvent déranger gravement le client.  Si le Wifi est saturé les programmes ne marchent plus.  
  5. La dénationalisation des esprits prend plus de temps que celle du capital.

4)      La réduction de l’ISF aux seuls biens immobiliers, a fait l’objet d’une « évaluation ». Il appert que le coût de la mesure est moitié moindre que ce qu’on a annoncé, que la part de taxation de l’immobilier a un rendement doublé. En évitant le départ fiscal de centaines de « riches » qui sont restés dans le système fiscal français, la mesure n’a en fait pas eu de conséquences pour le budget.  Leçon :

  1. Le fisc reprend toujours ce qu’il a donné
  2. On exige une évaluation pour une baisse d’impôts sur les riches jamais pour une hausse même massive (par exemple plus de 40% sur l’IR en quelques années, ou un doublement de l’impôt foncier à Paris).
  3. La suppression de l’ISF n’a pas à être « justifiée » par des questions d’efficacité fiscales. Cet impôt était par nature innommable et honteux.   Supprimer une saloperie discriminatoire et spoliatrice pour une catégorie de la population se justifie en soi par respect des Français. C’est l’éthique démocratique qui est en cause.

5)      La réforme des retraites est justifiée, elle, pour des raisons éthiques alors que le problème fondamental est économique.  Un système unifié serait une opération de justice. En vérité il est très facile de savoir où sont les avantages les plus iniques. Les hauts fonctionnaires peuvent cumuler leur retraite statutaire et mille autres retraites acquises dans l’exercice d’une fonction élective, à la tête d’entreprises d’états, ou après un saut dans des entreprises privées.  Rendre la retraite statutaire prorata temporis serait un premier pas rapide à faire. Les fonctionnaires ont un système beaucoup plus généreux que les salariés du privé. Rendre les conditions identiques ne représente pas un énorme effort.  Pour le reste tout le monde sait qu’il faut revenir a minima à un départ à 65 ans et plus sérieusement à 67 ans. Leçon :

  1. L’Enarchie qui gouverne ne veut pas remettre en cause ses privilèges est espère un traitement de faveur pour encore très longtemps en se cachant derrière les autres catégories de personnel public.
  2. On complique pour noyer le poisson, alors que ces complications ne sont nullement nécessaires et encore moins souhaitées. C’est la méthode Macron avec ses lois kilométriques
  3.  Affirmer que la réforme a un but de justice alors que ce sont les déficits qui comptent et le coût démesuré d’une retraite à 60 ans est de la tactique politicienne débile.
  4. Une fois de plus les réserves de la retraite des cadres et des professions libérales seront volées malgré les dires contraires.
  5. Rappelons que les Cadres, s’ils avaient pu librement cotiser à un système de retraite par capitalisation, auraient aujourd’hui, pour les mêmes versements, près du double de pension avant impôt!

6)      On a donné au FMI une présidente bulgare et pour cela on a changé les règles d’ancienneté. L’institution sera toujours dirigée dans les faits par les Etats-Unis et par une femme, selon la grande règle des minorités agissantes : dès qu’on a eu un poste, on le conserve.  Leçon :

  1. Créé pour gérer les changes fixes et ajustables, le FMI n’a pas de rôle réel en régime de changes flottants.
  2. Le poste de directeur général est donc de pure représentation.
  3. Le FMI ne sert plus qu’à des bricolages diplomatiques et symboliques.

7)      La bourse frémit dans l’hystérie la plus totale. Elle atteint les plus hauts et dégringole aussitôt. Ce n’est plus de la « volatilité » mais de la peur panique. Si les robots des ETF déclenchent leurs triggers, on va vers une baisse très brutale.  Leçon :

  1. Les déversements massifs de liquidités banque centrale ont permis une spéculation boursière intense.
  2. La spéculation massive finit toujours assez mal.

8)      Greta Thunberg, six ans d’âge mental, poursuit la France en justice, en déformant de haine sa pauvre figure, alors qu’en matière de gaz a effets de serre elle a une des meilleures situations mondiales.  Leçon :

  1. La sagesse ancestrale veut qu’on ne confie pas à un enfant le soin de faire honte à des adultes et encore moins à des nations.
  2. C’est maintenant que Greta a du souci à se faire et pour elle-même. Apparemment elle a des parents indignes.

9)      Donald Trump taxe sans vergogne l’Europe en fonction de son bon plaisir après avoir rendu impossible tout jugement de l’OMC (en bloquant la nomination des juges).  Les dommages pour la France seront sérieux.  La guerre commerciale fondée sur un constat monétaire (l’existence d’excédents faramineux au profit de l’Europe), et la France est piégée dans l’affaire à cause des Allemands ! Leçon :

  1. Les excédents sont condamnables dans tous les traités d’après-guerre. Il aurait été bon Que l’Europe s’en avise en temps utile. Mais chut !
  2. La responsabilité allemande est écrasante. Mais chut !
  3. Le système des changes flottants est responsable. Mais chut !
  4. L’Eurosystème est responsable. Mais chut !

 De chut en chut jusqu’à la chute finale ?  

Le journal Le Monde face à l’éclatement des dogmes économiques

Une audace des plus timides

L’avantage des grandes crises est qu’elles finissent toujours par provoquer un séisme des idées. Il y faut une dizaine d’années. Nous sommes en plein dans le phénomène. Les diktats idéologiques qui étaient répétés comme des mantras par des perroquets bien dressés s’effondrent et un peu de lumière nouvelle entre dans les colonnes des journaux.

Prenons la page « idées » du journal Le monde du 15-16 septembre 2019. Elle est chapeautée par un titre prophylactique : Les Guerres de Trump. Cela permet au journal de ne pas s’engager trop dans le révisionnisme.

L’article « Washington se fâche contre les excédents excessifs », signé d’un « responsable de recherche dans une banque », est intéressant car il reprend les thèses que nous défendons avec une belle énergie longtemps mal récompensée.

-        Il rappelle que la position de Trump est en fait la continuité de celle d’Obama. La question des déséquilibres est arrivée au cerveau des dirigeants américains en 2010 après la crise et elle chemine depuis qu’il a fallu qu’AIG paie des centaines de milliards de dollars à des banques étrangères et s’est renforcée avec les difficultés sociales liées à une mondialisation qui a mis en difficulté la classe moyenne américaine.

-        Il déclare que les excédents allemands ont peu à voir avec la qualité industrielle allemande mais sont liés à des mesures d’organisation globale. On peut contester le détail de l’explication mais il est parfaitement établi que l’analyse en terme microéconomique des excédents (performance des entreprises, épargne des individus) est ridicule. C’est la politique globale de conduite de la vie économique et sociale allemande qui a créé les excédents, aggravée par l’Euro qui lui a permis d’exporter avec une monnaie dévaluée.

-        Il précise avec exactitude qu’en suivant globalement les politiques macroéconomiques de l’Allemagne, l’Europe est devenue également excédentaire.

-        Il souligne que le même mécanisme a été mis en place par la Chine, avec un taux d’épargne global passant à 50% du PIB et note que cette politique accroît le chômage chez ses partenaires commerciaux. Le blocage de l’accès au marché Chinois et son refus de respecter le droit de propriété aggrave les choses et l’arrivée au pouvoir de XI Jin Pin montre qu’il s’agit désormais d’une politique de puissance et pas seulement de rattrapage économique.

-        L’Europe est aussi victime de la politique chinoise mais ne peut le dénoncer parce que l’Allemagne, elle, fait pareil et en profite.  L’Allemagne a en effet beau jeu de refuser de jouer une politique de débridage de ses excédents si la Chine ne le fait pas.

-        Le couple Franco-Allemand est à la peine car les intérêts des deux pays sont totalement opposés.

Nous avons tellement souvent développé ces thèses que nous pouvons applaudir à deux mains qu’on les voit enfin apparaître dans un journal de la PQN, alors que tous ces sujets ont été verrouillés depuis 20 ans et les premières mises en cause par Maurice Allais. Tout en regrettant cet ostracisme intellectuel de longue durée. C’est l’ennui de la presse française, dominée par une coupole de dix personnes qui décident, en général de façon assez homogène, de ce qui peut être dit ou pas dit. Le non-dit et l’interdiction de dire est une constante de la presse française. Les pages idées, en fait, servent un dessein alors qu’il vaudrait mieux qu’elles fassent respirer la réflexion générale.  

L’effort de Goetzmann, l’auteur,  n’est pas totalement convaincant, d’abord parce qu’il laisse de côté des pans entiers du problème. Il n’y a d’excédents que parce qu’il y a des déficits. Les déficits américains sont structurels dans le système des changes flottants mis en place à Kingston. Tout n’est pas à la charge des pays excédentaires. Il faut revoir le système des changes flottants. Et là, grand silence ! La place du dollar comme monnaie mondiale de facto est aussi en cause. Encore grand silence. Quand on rentre dans le vraiment dur, le discours s’évanouit.  Quant à la conclusion, elle est parfaitement contestable : « il faut traiter les causes du mal en soutenant des politiques de croissance qui auront pour effet de corriger les excédents commerciaux sur les Etats-Unis ». Lesquelles ? Et pourquoi seulement ceux sur les Etats-Unis ?  Les pays de la zone Euro souffrent des excédents allemands qui sont démesurés vis-à-vis de l’Euroland. L’Eurosystème comme les changes flottants sont deux systèmes qui permettent les énormes déficits et les grandioses excédents. Il faut en changer ? Là pas un mot. On entre là où Le Monde ne veut pas qu’on aille. L’auteur voit bien que la relance dont il espère qu’elle sera conduite par la BCE et les Etats européens (toute la presse depuis deux mois pilonne sur le thème : la BCE doit se dégager de l’emprise allemande et comme elle ne peut pas tout les Etats doivent pendre le relais par une relance budgétaire) provoquera des déficits accrus vis-à-vis de la Chine. « L’Europe pourra utilement s’interroger sur la nature véritable des pratiques commerciales chinoises » termine l’auteur. Depuis le temps que nous écrivons que la complaisance vis-à-vis de la Chine est suicidaire, un thème développé à l’envi par Maurice Allais (rendons à César…) cet avertissement est bien venu.  Mais aucune politique réelle ne se dégage de l’article.  L’auteur ne distingue pas les aspects monétaires et les aspects commerciaux, ce qui tient au structurel et ce qui ressort du politique, ce qui est mondial et ce qui est purement européen.

Ne regrettons rien. Voir des idées majeures cachées sous le tapis médiatique pendant des lustres remonter à la surface est une bonne chose, même si c’est de façon beaucoup trop partielle et sans influence pratique.  Il faut continuer le combat. Messieurs (et Mesdames) du Monde, il faut accepter d’aller beaucoup plus loin dans les « idées ».

Les autres articles qui ont pour but de contrebalancer ce début d’aggiornamento sont totalement nuls. Une « chercheuse senior de l’institut Jacques Delors » débite les analyses convenues et parfaitement hypocrites de l’européisme militant. Plus de banalités on ne peut pas imaginer. « Il faut promouvoir l’Euro sur les marchés » et « bâtir des coalitions plurilatérales pour développer des règles commerciales internationales en matière de développement durable ». L’Euro va verdir la planète. Pourquoi et comment, cela on ne le dit pas.

Un « professeur émérite d’économie » se signale par un article indigent sur le « retour » du mercantilisme alors que les excédents majeurs, manifestation majeure du mercantilisme, se sont développés depuis 1971 !  Cinquante ans de retard. L’université française se porte presqu’aussi bien que le pense Alain Minc. En fait l’auteur fait du journalisme bétassin et n’apporte rien au débat. Quant au petit Mariolle qui « décrypte » la situation avec la théorie des jeux, pour conclure que « les deux camps semblent s’interroger sur les intentions véritables de l’autres », on sent qu’il a fait réellement progresser la question à pas de géant.

Au total : peut mieux faire ! Tout cela est bien timide.

Un spectacle rare : l’explosion en plein vol d’une idée dominante trompeuse et abusive

Le martyre des inconditionnels de la politique américaine

Nous vivons une période intéressante. Pour les astronomes, l’explosion d’une supernova a toujours été une expérience excitante. Pour une économiste, l’explosion radicale d’une idée dominante, que l’on conteste est un spectacle à la fois réjouissant. Mais aussi  consternant : il était si clair que tout cela n’était pas durable.

Les « Trente Glorieuses » n’ont pas été le fruit du hasard. Elles ont été construites. Puis détruites. Cette destruction n’a pas été l’effet d’un mouvement de doctrine. Ce n’est pas une profonde réflexion économique partagée qui a conduit à changer la pensée et les pratiques, mais simplement un mouvement de mauvaise humeur des Américains qui avaient décidé d’utiliser leur monnaie et leur puissance à d’autres fins que la prospérité générale.

L’idéologie qui avait mené à l’organisation de Bretton Woods était le fruit d’une précédente révolution idéologique : l’étalon or et la passivité des états en cas de crise n’étaient simplement plus possibles après la guerre de 14 et la crise de 29.  La monnaie n’étant plus fondée sur un étalon en métal précieux, il fallait trouver un moyen de réguler les échanges avec des monnaies administratives nationales multipliable pratiquement à l’infini sans frais.

Une nouvelle idée dominante a été forgée à Bretton Woods en juillet 1944 qui voulait que les échanges internationaux fussent bénéfiques si et seulement si les échanges étaient équilibrés et tant que les Etats évitaient de se faire la guerre avec des dévaluation ou des restrictions artificielles (taxes, réglementations, contingentements) des échanges. Le rôle des Etats était pris en compte : ils devaient s’abstenir de pratiques contreproductives, mais on les imaginait capable de réguler globalement l’économie pour éviter ce déficits et excédents dommageables. Pour mettre tout le monde d’accord, on a créé le FMI, destiné à prévenir les attitudes à risques et à corriger les erreurs résultantes au mieux de l’intérêt de tous. Et nous eûmes les Trente Glorieuses. Bravo !

Lorsque les Etats-Unis en juillet 71 ont fait sauter les accords de Bretton Woods et plus encore lorsque les accords de la Jamaïque, à Kingston, ont été signés, il n’y avait pas d’idéologie sous-jacente, seulement la matraque du maître.  Comme personne ne se plait à jouer les valets de façon trop ouverte, on a bricolé une nouvelle vulgate, pour donner un semblant de rationalité à ce qui n’était qu’une voie de fait et un ensemble de soumissions.

L’idée dominante s’est construite doucement, en s’appuyant globalement sur les théories de l’école libérale autrichienne, qui par réaction au socialisme interventionniste qui avait dominé l’après-guerre, prônait la liberté des marchés et plus concrètement sur les théories de Milton Friedman, seul défenseur un peu élaboré des changes flottants à cette époque.  L’Etat était l’ennemi qui gâchait tout. Il fallait le museler. La finance serait le fait des marchés les plus libres et ouverts possibles et pour ce qui est des banques, ce sont les banques centrales, indépendantes qui réguleraient le marché. 

En soi, détruire la vulgate keynésienne, que Keynes aurait condamné, qui veut qu’on augmente en permanence la dépense publique tout en contraignant les forces productives par la réglementation, la justice et les syndicats, ne posait pas de problème. On a vu le Royaume-Uni s’effondrer littéralement sous Wilson, ce qui a entraîné la très nécessaire réaction thatchérienne qui a remis le pays dans le sens de la croissance.   Milton Friedman est un auteur prodigieusement intéressant et un de ceux qui connaissent vraiment bien les questions monétaires. Comme Keynes est un penseur économique de premier rang.  L’ennui est qu’ils ont donné des arguments à des margoulins politiques qui se sont attribués leur réflexion pour mener des politiques désastreuses.

Le Miltonisme s’est effondré pratiquement en même temps que le keynésianisme.  La FED, après avoir tenté de suivre les idées de Milton Friedman les a abandonnées radicalement. Dès la crise de 92-93, on savait que les avantages théoriques du système des changes flottants étaient illusoires. Les ajustements n’étaient pas progressifs mais très brutaux. Il fallait plus de réserve pour éponger les à -coups. Les soldes n’étaient jamais épongés et les déséquilibres croissants. Les changes flottants, ce ne marche pas. Plus graves, ils créent des crises endogènes.

Mais tous les messages et avertissements envoyés par les économistes clairvoyants comme Rueff ou Allais ont été mis sous le boisseau ou ridiculisés.  C’est la force d’une vulgate : elle élimine tout ce qui la contrarie. Ce qui fait que l’effondrement régulier de la croissance depuis 1971, la montée massive des dettes, la survenue de récessions de plus en plus graves n’ont pas joué leur rôle pédagogique.

On a fait semblant de croire à des tas de sottises et de faux semblants pendant des années. Jusqu’à l’énormité de la crise de 2008 et désormais le changement de stratégie des Etats-Unis. Ils ont balayé tout ce fatras qui apparait pour ce qu’il est : un sac à vent rempli d’approximations plus ou moins intéressées répétées ad libitum par des perroquets.

Sous les choc des tweets de Donald Trump, les suiveurs inconditionnels des Etats-Unis commencent à changer de musique, pendant que d’autres tiennent à conserver leur dignité en lâchant la vulgate qu’ils promouvaient inlassablement mais petits pas par petits pas. Tout dans tout, la dépouille de la vulgate commence à faire tâche sur le sol ensanglanté des guerres trumpiennes. La lecture des journaux, notamment FT et The Economist, les deux vecteurs principaux de la vulgate, devient assez cocasse.

Quels sont les vaticinations les plus significatives ?

Une première option est de faire semblant de croire que les accords de Bretton Woods sont encore opérationnels et menacés par Trump.  

Martin WolF s’est ainsi lancé dans une longue défense du système actuel, en le présentant comme une continuité positive de 1944 à nos jours. L’artifice est un peu gros : la période est coupée en deux : 27 ans de croissance exceptionnelle, sans crise et depuis 71 une baisse continue de la croissance avec des crises d’intensité croissante jusqu’à l’explosion de 2008. Du coup on gomme tout ce qui est à réformer. Et on ne comprend rien à la réaction électorale populiste. Et en final on concède qu’il faut trouver un nouveau modèle.

Une autre optique est de valoriser l’esprit de Bretton Woods mais de dénoncer les grandes organisations Banque mondiale, OMC, FMI, comme sclérosées et à réformer. La vérité est simple : une organisation comme le FMI était là pour gérer des changes fixes et modifiables, sachant qu’on présumait que les Etats étaient capables de réguler ses flux commerciaux et financiers extérieurs.  Si les Etats sont hors-jeu et les banques centrales les seuls acteurs publics tolérés, le FMI n’a plus de sens. Il a perduré dans son être mais par la force de la bureaucratie. Il ne devient pas trop difficile d’alimenter moult articles qui expliquent que ces institutions antiques doivent être profondément réformées voire disparaître. Gilian Tett, la journaliste de FT qui écrit comme un cochon et tire de son stylo une bêtise plus vite que son ombre perd son temps à expliquer qu’il faut les supprimer et les replacer par … du « networking ». Il est vrai qu’aux Etats-Unis la Chambre de Commerce pense que le FMI empêche le business et le dit ouvertement.  Alors pourquoi pas de réseautage.

Contradiction, les mêmes milieux économiques proches de Trump commencent à considérer que le libre-échange, cela commence à bien faire. « Ras de bol de faire du commerce avec des voyous et à notre détriment ». On dirait du Natacha Polony dans le texte évoquant le libre-échange. Inutile d’essayer d’expliquer que ce sont les échanges déséquilibrés qui posent problèmes pas le libre-échange lui-même. La coopération et le libre-échange, à la poubelle ! Sauvons nos classes moyennes martyrisées !

Les mêmes qui vous expliquaient que les Etats n’étaient plus à même de contrôler leurs changes et que cette activité était vaine car impossible, vous expliquent que la Chine manipule sa monnaie et depuis toujours. Donc, on peut ! Et longtemps !

Les mêmes qui vous expliquaient que les banques centrales pouvaient gérer l’inflation, vous expliquent maintenant qu’elles s’avèrent incapable de revenir vers l’objectif de 2%. On ressort les constats de l’économiste américain Lucas, il y a 60 ans, qui avait déjà constaté l’impuissance des seules banques centrales face à l’inflation.  

On demande à la FED de faire baisser le dollar alors qu’on cinq minutes avant on nous expliquait que les énormes masses financières en jeu rendaient l’opération impossible et que seuls les changes flottants permettaient les ajustements.

Et les Trésors Publics ? Ils ne peuvent rien les malheureux, ou tout, c’est selon. Evidemment la politique monétaire est partout gérée par l’Etat, sauf en Europe où les différents journalistes qui se sont penché sur la question ont des vues différentes.  C’est la BCE qui gère dit l’un. Mais de facto car c’est contre ses statuts, dit l’autre. Pas du tout, dit un troisième, elle gère l’inflation (inexistante). Aucun n’a l’air de savoir que c’est l’Eurogroupe, en tant que collectif qui doit mener au jour une politique monétaire en se réunissant tous les sixièmes jeudis du mois. En cas de guerre des monnaies, c’est peut-être un peu embêtant, non ? On fait quelque chose ? Ben, non. Il faudrait changer les traités. Et c’est long. La guerre aura déjà été perdue depuis longtemps.

Trump aura ainsi fait voler en éclats en quelques tweets une vulgate intellectuellement controuvée factuellement décalée et même, concrètement, désastreuse, qui avait été créée par les suivistes de la politique américaine pour justifier la destruction des accords de Bretton Woods. 

Les esprits espiègles ne peuvent que constater que si toute variation de change dommageable est le fruit d’une mauvaise action et non pas un heureux ajustement du marché, il vaut mieux retrouver un système de changes fixes et surveillés, avec consensus préalables pour les ajustements !

Les esprits s’échauffent aussi vite que la planète et pour le lecteur, les contradictions sont devenues telles dans le domaine économique qu’il en est réduit à penser qu’il n’y a pas de sciences économiques, seulement des guignols et des Etats irresponsables et en conflit ouvert.

Il serait plus simple que tout le monde comprenne que les changes flottants ont conduit d’abord à la contraction de la croissance puis à une crise sévère et à la stagnation générale, puis à l’exaspération des tensions, puis à la guerre commerciale et maintenant à la guerre des monnaies.

Entre le constat qu’on ne pourrait pas revenir à l’étalon or et la création d’une nouvelle organisation monétaire internationale, il a fallu deux guerres et 20 ans. Espérons que nous saurons aller plus vite.

Pour notre part, cela fait plus de 20 ans que nous expliquons avec une constance digne d’une meilleure écoute que ce que nous voyons aujourd’hui est le résultat obligé des concepts illusoires et des faux-semblants mis en place après le coup de force de 1971.

En vérité si le diagnostic se cristallise, tout peut aller très vite. On sait ce qu’il faut faire. J Notre association offre La Monnaie du Diable 1919-2019 à tout dirigeant en manque de solutions qui s’intéresserait à la question !

Didier Dufau, pour le cercle des « économistes e-toile ».

Nouveau livre de Didier Dufau : La Monnaie du Diable 1919-2019. Opération spéciale en avant-première

En avant-première et pour les lecteurs du blog du Cercle des Economistes e-toile, les Editions du Cercle mettent en vente au prix exceptionnel de 25 euros le nouveau livre de Didier Dufau :

 

La Monnaie du Diable

1919-2019

La France piégée dans la guerre des monnaies

 

Pour commander le livre, il vous suffit d’envoyer un chèque de 25 euros au nom du : « Cercle des économistes e-toile (Didier Dufau) » à l’adresse de notre diffuseur :

 

Cercle des économistes E-toile

Attention Mme Sophie Defyn

c/o La Maillière

4, Av. Jules Janin

75016 Paris.

 

N’omettez-pas de donner vos coordonnées d’adresse pour l’envoi.

Pour l’étranger il faudra ajouter les frais de port et un paiement par virement est possible.

Si vous souhaitez une dédicace de l’auteur, indiquez-le dans votre courrier en précisant le prénom et nom de la personne à qui la dédicace est dédiée.

Si au contraire vous souhaitez rester anonyme, comme il est traditionnel sur le Web, notez bien que les noms ne sont pas transmis au Cercle des économistes e-toile et restent chez le diffuseur pour le temps de l’envoi.

Compte-tenu du petit nombre d’exemplaires réservés à cette opération, seules les premières demandes pourront être servies.

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ADMIN



La Monnaie du Diable : le sommaire

SOMMAIRE

 

Préface de l’auteur

 

Première Partie : Les Trente Glorieuses

 

L’hôtel du Mont Washington

Le « moment » particulier des mois de juin, juillet et août 1940 et l’efflorescence soudaine de solutions monétaires en Europe

Les effets psychologiques du choc militaire

Le plan allemand d’organisation de la « nouvelle union européenne »

Un accueil plutôt bienveillant en Europe

John Maynard Keynes entre en scène

Le rêve de Morgenthau et le projet de Harry White

Les tractations jusqu’à Atlantic City

La France à Bretton Woods

Des projets préparatoires à la conférence de Bretton Woods et à la création du FMI

Les Trente Glorieuses

Le vice caché et la fin des Accords de Bretton Woods

Les pressions de M. Roosa

Jacques Rueff et la révolte monétaire du Général de Gaulle

Nixon et la fin des Accords de Bretton Woods

Premières leçons des Accords de Bretton Woods

Conclusion : Mars met Hermès KO !

 

Deuxième Partie : la crise

 

Les trois clefs explicatives de la période 1971-2018

Qu’est-ce que « la crise » ?

Les causes fondamentales de la crise

Les changes flottants

Le dégel et la dissolution du bloc communiste

La décision aventurée de créer l’Euro

L’Euro, monnaie commerce, monnaie puissance ou monnaie « zombie » ?

2008, l’allumette des « subprimes » fait sauter l’économie mondiale devenue baudruche

Sauver le Titanic

Et Trump est arrivé

1971-2018 : le faux triomphe du dollar roi

 

 

 

 

Épilogue : se placer sous l’aile du dieu Hermès ?

 

La zone euro est-elle réformable ?

-          L’Eurosystème, une drôle d’organisation

-          Hypothèse 1 : une transition vers le système de Keynes

-          Hypothèse 2 : La sanction automatique des grands excédents

-          Hypothèse la plus probable : les renforcements fédéralistes

-          Conclusion sur l’Eurosystème

Peut-on se débarrasser des changes flottants ?

Et si on ne changeait rien ?

 

Conclusion

Les trois manières de voir l’Europe, dont deux sont actuellement caduques

Les débats sur l’Europe sont généralement niaiseux et biaisés. On est pour ou contre mais jamais aucune réflexion précise ne peut se développer au-delà d’un « je t’aime, moi non plus » parfaitement mièvre. L’Europe est donc une terre d’idéologie et toute entame de réflexion sur un aspect soit technique, soit historique, soit politique, tourne au pugilat sans gloire.  Que le débat soit impossible montre bien la nature de ce qu’on appelle la « construction européenne ». Les cartes n’ont jamais été jouées sur table à aucun moment de l’histoire de l’Europe. Il fallait être pour. Ne pas l’être était la marque d’une forme d’ignominie dévalorisante. Point final !

Cette manière de faire a empêché que ne développent en se confrontant les différentes visions de l’Europe. S’il s’agit d’unir l’Europe par des liens qui empêchent le retour des conflits nationaux, on compte au moins trois principales orientations, symbolisées chacune par un préfixe : 

-          L’optique supra nationale

-          L’optique a nationale :

-          L’optique co nationale.

L’optique supranationale est la plus connue : l’objectif est de créer au-dessus des nations un Etat Fédéral sur le modèle des Etats-Unis. Un président, un hymne, un drapeau, un parlement, un conseil constitutionnel, une monnaie, une banque centrale, un chef de gouvernement et un gouvernement qui pilotent un budget, une diplomatie, une police et une armée.  Les anciennes nations perdent leurs fonctions régaliennes transférées à la Fédération et sont transformées en « länders » chargés d’on ne sait quoi. Ils peuvent se fractionner en régions plus ou moins autonomes, puisque le régalien n’est plus national.

Cette optique est souvent considérée comme le « projet initial des pères de l’Europe » et le débouché normal de la « construction » européenne.  L’organisation actuelle présente des facettes de fédéralisme mais les différences sont majeures. Le Conseil des chefs d’Etat est le vrai organe de décision, ce qui est incompatible avec une vraie fédération. La commission n’est pas un gouvernement. Le Parlement ne décide pas de la politique générale, des domaines entiers restant hors de son domaine d’action. Ne parlons pas du poste européen de ministre des affaires étrangères ni des efforts vers plus d’unité militaire.  Il est tout de même curieux qu'en plus de 60 ans, on soit si loin du modèle fédéral si c’était vraiment le but à atteindre. Jamais ce modèle n’a été autant récusé par pratiquement toutes les nations constituantes (peuples et gouvernements) et le Brexit a prouvé le peu d’attractivité d’une construction de ce type. Les purs fédéralistes disent : supprimons les conseils des Etats et faisons de la Commission un vrai gouvernement exécutif, dépendant du Parlement, qui serait divisé entre Chambre des députés à Bruxelles et Sénat à Strasbourg.  Même ainsi l’Etat fédéral serait incomplet puisqu’il n’y aurait pas de président. Cela suppose que les chefs d’Etats se fassent Hara Kiri et qu’il existe une nation européenne.  Cette hypothèse n’a aucune réalité. Les pays de l’Est qui viennent de recouvrer leur indépendance n’en veulent pas. L’Allemagne réunifiée n’en veut surtout pas. Les peuples disent non quand on les sollicite. Pour qu’un état fédéral se constitue, il faut un ennemi commun. La guerre d’indépendance contre les Anglais a, seule, permis la constitution des Etats-Unis. C’est un exemple unique. Sinon c’est un centre dominant qui fédère des conquêtes, comme l’URSS, modèle répulsif s’il en est. Construire un état fédéral par grignotement, sans dire que le mot « construction » signifie destruction des Etats nationaux souverains et création d’un gouvernement fédéral, dans un système d’assemblée à peu près totalement incontrôlable, est une opération saugrenue. Surtout quand on sait qu’une partie des membres possibles a opté pour un localisme puissant doublé de l’acceptabilité d’une suzeraineté américaine pour la défense et la diplomatie.

Ceci pousse à regarder avec un peu de détail la seconde approche : l’Europe apatride, a-nationale. Le ‘a ‘ privatif est la lettre importante.  Il ne s’agit pas de créer une nouvelle structure à potentiel de puissance.  L’idée est de faire de l’Europe un espace apatride, sans définition précise, ni espace fixé, ni ambition particulière. Le but est d’édenter suffisamment les nations anciennes, presque toutes des anciens empires, pour neutraliser leurs ferments d’influence internationale et leurs conflits nationaux. Les lions ayant tendance à se déchirer de façon un peu excessive et répétée, il faut leur arracher les dents et en faire sinon des veaux du moins des mâles châtrés. L’Europe a-nationale est composée d’apatrides, sans racines ni particularismes.  Elle est également a-démocratique. Le peuple est soigneusement laissé à l’écart, par des institutions d’apparence qui vide les nations de leur souveraineté mais ne sont constitutives d’aucune souveraineté de remplacement.  Cette Europe n’a pas d’armées, pas de diplomatie, pas de puissance au service d’une volonté. Elle est dirigée par une toute petite coterie cooptée qui anime des réseaux d’influence et qui contrôlent la puissance oligarchique exécutive, et tient l’information dans les grands médias.   Dans cette optique, les Parlements nationaux sont court-circuités et deviennent des chambres d'enregistrement. On cherche à diviser les nations en régions qui pourront dialoguer entre elles et avec le pouvoir central européen. Les gouvernements nationaux n’ont plus de pouvoirs, transférés soit à l’étage du dessus soit à celui du dessous. Les dirigeants nationaux sont démonétisés et impuissants. Cette Europe apatride est sous suzeraineté américaine qui veille à ce que le marché européen reste ouvert à ses entreprises et son capital à disposition de leurs fonds spéculatifs.  L’Europe ne peut plus avoir de diplomatie autonome, sous réserve de sanction. L’Europe apatride de type zombie et sous suzeraineté américaine est l’Europe de certains européens dans la main des Etats-Unis. La coulisse est tenue par des représentants sélectionnés du monde de l’entreprise et du journalisme, organisés dans des clubs ad hoc, anciennement financés par les Etats-Unis et maintenant par l’Europe et les grandes entreprises concernées. L’idéologie est mondialiste et orientée vers la spéculation. L’indifférence à la situation des classes moyennes mises en concurrence en Occident avec les masses chinoises et indiennes est totale. L’Euro est une monnaie zombie qui a surtout pour but de mettre sous tutelle toutes les banques et les déposants, et indirectement les Etats. Le symbole de cette Europe apatride et sans passé est l’absence de tout monument européen réel ou portrait d’hommes européens illustres sur les billets en Euros. L’Europe n’est pas non plus considérée par une unité géographique ou culturelle. Le flou géographique comme celui de la civilisation est totale. Elle est ouverte à tous les vents du commerce, de la finance et des mouvements de population. Cette Europe apatride et quasi totalement américanisée est celle de Jean Monnet qui se considérait lui-même comme apatride et abhorrait les nations et le mot même de patrie.  Le fait de l’avoir panthéonisé sous la bannière « la patrie reconnaissante » est tout à fait caractéristique de l’esprit de Mitterrand qui aimait corrompre. Cette Europe apatride et zombie sous tutelle américaine est celle qui fait l’objet des plus nombreux rejets, mais qui est effective.  Elle stimule à l’heure actuelle des flots de contestation, de Régis Debré et de l’extrême gauche aux populistes, des Brexiters au pays de l’alliance de Visegrad. Le côté « on a détruit et remplacé par rien » devient dominant. L’Europe est un dissolvant et ne crée plus, parce qu’elle n’est plus. Elle n’est plus une race, elle n’est plus une religion, elle n’est plus une culture, elle n’est plus une civilisation, et même plus une place libre et forte du débat social. Elle possède une langue de substitution, l’anglais, qui ne lui est pas propre.  Comme le disait récemment un grand patron d’une banque américaine : « Europe is an also run territory. Europe is no more relevant ».  Il voit l’Europe, au mieux, comme une place de consommation pour les produits des entreprises mondialisées. La vraie question pour lui est la Chine ! pendant ce temps au sein des nations, à droite comme à gauche, les cris s’élèvent contre un « système » devenu zombie, impuissant, sans passé et cultivé hors sol dans une ambiance purement individualiste et consumériste.

 

Au moment des débats fondamentaux de Maastricht, nous avions nous-mêmes défendu, dans un profond désert, une approche différente, totalement marginale mais qui correspondait au minimum garanti d’adhésion des peuples européens.  Nous pensons toujours que cette Europe putative, mais latente et partiellement mise en œuvre, est celle à laquelle les peuples ont adhéré. Ainsi s’explique à la fois le nombre d’anti Brexit au Royaume Uni et le fond d’attachement à la construction d’une Europe unie qui reste vif sur le continent. Le retour pur et simple aux nations autonomes et poussant leur avantage au détriment des autres n’est pas l’idée dominante en Europe.  

Cette troisième conception de l’Europe est l’Europe de la co-citoyenneté, des co-opérations, des co-mmunautés.  L’idée fondamentale est que les nations européennes cessent de considérer comme un étranger les membres des nations qui entrent en communauté. Un européen est partout traité comme le national du pays où il a choisi résidence. Aucune discrimination n’est autorisée entre nationaux et résidents européens non nationaux qui disposent des mêmes droits civils de contracter.  « Je ne te crains pas, donc tu es mon égal chez moi avec tous mes droits ». Chaque nation de la communauté fait en sorte d’éliminer les mesures discriminatoires qui avaient pour but de nuire à ses voisins.  Cette optique est à la fois profonde (il y a un pacte de confiance sous-jacent très fort) et légère. On n’a pas besoin d'unifier tout, dans tous les domaines. La création de régions n’a pas de nécessité particulière, pas plus que celle d’un parlement. On ne détruit pas les Etats. Mais ils ont une promesse à tenir : celle de ne pas se nuire, de ne pas discriminer leurs habitants, et de chercher partout la résolution pacifique des conflits. La co citoyenneté peut déboucher sur la co prospérité qui elle demande plus de travail d’unification ou d’harmonisation, donc un processus institutionnel plus charpenté, pour élaborer les normes communes. Les Etats restent les seuls organes habilités à les mettre en œuvre et à les contrôler.  

On trouve dans l’organisation actuelle de l’Europe des éléments des trois conceptions. Elle forme un hybride assez curieux. Certains diraient une chimère.   

Le vrai poison est la formule Monnet d’une Europe apatride et zombie. A la limite, la création d’une Europe Fédérale, puissante et indépendante peut être un objectif défendable, à condition qu’on en précise correctement les contours géographiques, l’unité culturelle et civilisationnelle, et la vocation. Aujourd’hui c’est une utopie. Mais c’est une utopie défendable, si on admet qu’elle suppose la fin de la suzeraineté américaine et une vraie indépendance, avec une armée respectable et respectée, une diplomatie et une politique économique qui part des besoins des européens et défend toutes les classes sociales.

La perte de ce que nous venons de définir comme co-citoyenneté est ce qui navre les Britanniques. Ils y tenaient à cette possibilité de circuler, de s’installer, de contracter, d’acheter, de produire, totalement librement partout en Europe.  En revanche ils ne voulaient ni de l’Europe zombie avec monnaie du même acabit, ni de l’Europe fédérale supranationale.

L’Europe de la co-citoyenneté a été malmenée par l’octroi de la libre circulation à des populations problématiques comme les ROMS, par la politique d’importation de plus d’un million de musulmans par Mme Merkel et par la tolérance de l’immigration africaine de masse, avec une prédominance des populations islamisées. Du coup, vous ne pouvez plus dire en Europe : « je ne te crains pas ».  Ces immigrations ont conduit à une « dé civilisation » et des conflits communautaires, sectaires et racistes détestables jusqu’au meurtrier.

L’Europe de la co-prospérité a été également bousculée par la suppression du tarif extérieur commun et l’acceptation d’importations étrangères de masse, non soumises aux mêmes règles coûteuses et contraignantes de production, qui ont détruit en partie l’emploi et la stabilité des classes moyennes européennes dans la partie développée. Résultat : le fanatisme libre échangiste des instances européennes est plus vu comme la soumission à des intérêts particuliers qu’à la volonté du bien commun.

Du coup le pilier le plus fort, l’Europe de la co-citoyenneté et de la co-prospérité, est fortement entamée, au moment même où l’Europe apatride et antinationale non seulement ne fait plus recette mais répugne et que l’optique Fédérale à l’américaine n’a plus de crédibilité du fait de la soumission à un Trump maniant la schlague d’une bonne partie des pays européens.

La liberté des échanges sans harmonisation des coûts de production était possible si la dévaluation des monnaies nationales permettait de rectifier des différences radicales de compétitivité. L’Euro a supprimé cette soupape de sécurité et entraîné des déséquilibres internes monstrueux, l’Allemagne pompant quasiment toute la liquidité européenne.

Dans ces conditions l’Europe est devenue plus que problématique. Ses institutions posent question ; sa monnaie est dysfonctionnelle ; son inspiration est ambiguë ; son extension est incertaine ; sa souveraineté est inexistante ; sa capacité d’action et surtout de réaction est quasi nulle. Tout changement de cap ou décision rapide lui est interdit. Elle n’a aucune capacité exécutive, sauf dans des domaines totalement délégués où elle est frénétique et agit dans le détachement total des volontés des peuples, en général en liaison avec des lobbies. Elle sait empêcher mais elle ne sait pas faire, sinon mal, lentement et à des coûts extravagants.

Comment sortir d’un tel marasme, pour ne pas dire d’un tel effondrement ?

Seules deux voies sont possibles :

-          La construction modeste mais fondé sur un fort sentiment positif des peuples de l’Europe de la co-citoyenneté et de la co-prospérité

-          La construction d’une Europe fédérale.

Dans l’optique de la co citoyenneté et de la co prospérité, il faut détruire, reconstruire et corriger.

La régionalisation forcée n’a strictement aucun intérêt européen. Il appartient aux Etats, pas à l’Europe, de définir comment chaque territoire national doit être administré. Le lien avec l’Europe se fait par les Etats et les financements directs régions à régions et Europe à régions sont bannis. 

La Commission doit être totalement redéfinie. Il faut créer un Secrétariat européen qui aurait uniquement pour but d’instruire les questions qui conditionnent la co-citoyenneté et la coprospérité. Ce secrétariat perdrait son monopole d’initiative mais pas son droit d’initiative.

Le Parlement européen disparaît au profit d’un Conseil européen des normes communes, dont la vocation est d’instruire avec le secrétariat européen, toutes les initiatives visant à rendre concret la co-citoyenneté et la co-prospérité.

Lors que des politiques communes ont été définies, elles sont gérées par des instances ad hoc, détachées de la Commission et des Etats, mais dont la gouvernance est nommée et contrôlé par les Etats.  

La zone Euro est par exemple gérée par un Chancelier de la zone Euro appuyé sur une mini assemblée consultative et un conseil exécutif. Elle n’a pas vocation à être rejointe par tous les pays de l’union.

La politique agricole peut faire l’objet d’une organisation similaire.

Etc.

Parmi les législations urgentes que ces institutions diversifiées auront à définir, trois sont fondamentales :

-          La réforme de la zone euro afin d’empêcher les énormes excédents et les déficits associés. Nous avons formulé plusieurs solutions sur ce sujet dans des articles précédents sur ce blog. L’idée est d’empêcher d’accumuler d’énormes excédents. Et de mener des politiques déflationnistes sans fini dans les pays déficitaires pour corriger les déséquilibres.

-          La redéfinition de la notion d’étranger et la mise en commun des règles de naturalisation et les politiques migratoires, avec une clarification des migrations internes de pauvreté et les règles d’expulsion des indésirables (délinquants condamnés asociaux etc.).

-          La redéfinition des politiques de concurrence et de commerce, avec la reconstruction d’un tarif extérieur commun, probablement justifié par des considérations écologiques plus que directement commerciales, et sur des règles communes en matière de définition et de taxation des bénéfices des entreprises.

Le Conseil des Nations de l’Union Européenne a essentiellement un rôle d’impulsion et de vigilance pour veiller au bon fonctionnement de ces entreprises communautaires et réfléchir aux extensions éventuelles.  

Il faut noter que la notion de fonctionnaire européen disparaît, et avec lui son statut. Les agences emploieront soit des fonctionnaires détachés soit des contractuels.

Ceux qui pensent qu’une optique fédérale doit être immédiatement consolidée, avec une politique militaire commune, avec une commission devenant gouvernement fédéral, avec une diplomatie commune et  avec un énorme budget commun n’ont rien compris à l’état de l'opinion en Europe sur fond de Brexit, de création d’un groupe de Visegrad et d'effondrement du couple franco-allemand, alors que l’Italie traite directement avec la Chine,  que la Grèce est KO, que la Hollande se révèle un pays de tricheurs phénoménaux, etc.

La posture fédéraliste du président Macron est intenable comme projet européen, même si elle peut l’être comme projet politique personnel. Elle suppose d’évacuer toutes les réalités qui fâchent du débat, pour le réduire à une lutte entre le bien et le mal. Ce qui extrêmement dangereux, en termes de politique interne français.

La politique de Trump qui pratique la suzeraineté américaine avec le big stick rend impraticable et intolérable l’Europe apatride et zombie de Jean Monnet.

Reste donc et c’est la carte unique de la France : le renforcement de l’esprit co européen avec des institutions communes allégées et éclatées, et des politiques corrigées des tares les plus visibles. Il n’est même pas exclu, dans une telle perspective, que la Grande Bretagne soit amenée à reconsidérer le Brexit.   Le sentiment de co-citoyenneté est très fort au Royaume Uni : aucun anglais ne veut se retrouver étranger sur le continent. La nécessité de la co-prospérité est évidente. Le Brexit est le fruit des effets pervers de l’Europe zombie de Jean Monnet et des tares non corrigées dans le domaine des flux migratoires, des flux commerciaux et des flux financiers dans le cadre de la monnaie unique.

Il fallait d’abord mettre fin aux désordres moraux, civilisationnels, commerciaux, financiers et migratoires, avant de crier comme un cabri « Europe, Europe, Europe !». On n’a fait que les nier et on les a amplifiés avec les conséquences que l’on sait. Quand on ne s'adresse plus à l’esprit public et qu’on laisse pourrir les difficultés, dont certaines ont été créées de toute pièce en vue de créer une dynamique anti nationale, on n’obtient que la décomposition générale et un sentiment de répulsion.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

L'Eurosystème : 20 ans (et pas toutes ses dents).

L’Eurosystème est un truc assez bizarre dont peu de gens connaissent bien la construction. Il faut parler de monnaie de nom unique. La France a appelé sa monnaie Euro, comme chaque membre du système. Mais en fait il s’agit à chaque fois de monnaie nationale. Les banques centrales nationales demeurent. Par convention, le passage à ce nouveau nom a coïncidé à un changement de parité avec la monnaie d’ancien nom national. Par traité chaque membre du système a décidé d'accepter sans limitation toute monnaie portant le nom d’euro pour sa valeur faciale et le système s’est vu doté d’une chambre de compensation appelée Banque centrale Européenne. Par extension on a chargé cet organisme de la politique d’émission commune puis de la surveillance des banques systémique.

Pour éviter que les tensions internes ne viennent faire exploser le système on a décrété des règles macroprudentielles relatives aux déficits budgétaires et au taux d’endettement. Et on a confirmé les règles de 1973 : la BCE ne peut pas financer directement les États. Les États sont en concurrence avec les entreprises pour se financer et devront payer ce qu’il faut. Le seigneuriage a été donné aux banques. Pour que la pâte devienne homogène, le principe de la liberté de circulation des marchandises, des hommes et des capitaux a été érigé en dogme.

Ce système est très proche de celui du Dr Schlotterer, présenté en juillet 1940 au bénéfice de l’Allemagne nazie. Il prévoyait que toutes les monnaies européennes seraient compensées dans une instance ad hoc. Les changes seraient fixes. La zone n’aurait pas de droit de douane. Un économiste français a même proposé que dans ce cadre on crée une monnaie de même nom : l’Europ. Cela ne s’invente pas. Par rapport à l’Eurosystème, il n’y a que deux vraies différences : les états pouvaient réajuster leurs changes en cas de dérapage et les soldes de compensation devraient se régler. En bon nazi, Schlotterer pensait que l’Allemagne avait les moyens de jamais rembourser ses déficits de compensation…

Lors le gouvernement britannique a eu connaissance de ce plan, il a demandé à l’illustre économiste Keynes d’en faire la critique immédiate. La réponse fut un peu shocking. Keynes trouvait toutes les vertus au système Schlotterer et proposa d’en écrire une version honnête. Dans la pratique, tout le monde devait liquidait ses positions à un moment ou à un autre, mais on aidait les pays en déficits à faire l’effort de retour dans les clous sans trop de douleur, tout en pénalisant les pays trop excédentaires. Keynes avait trop bien vu, comme Rueff les dégâts provoqués par les trop gros excédents pour ne pas les condamner. Sinon les changes étaient fixes ; l’étalon n’était pas national ou métallique mais nominal : le Bancor.

À Bretton Woods, le plan White d’étalon de change or, avec une monnaie pivot nationale l’emporta. Pour exploser en 1971.

L’Eurosystème est donc très proche du projet Schlotterer et du projet Keynes.

Avec deux énormes défauts :

-          Aucun membre n’est requis de solder ses positions qui s'appelant en volapük européen Target 2.

-          Il n’est pas possible de dévaluer ou de réévaluer.

L’encadrement du système ne prévoit que des mesures budgétaires ou des ratios de dettes. Mais les flux internes dépendent de bien d’autres facteurs, comme les politiques salariales ou la durée du travail. Lorsque Jospin a décidé une politique malthusienne en France quand Schroeder et Harz mettaient en œuvre la politique inverse, euro ou pas, budget ou pas, endettement ou pas, les déséquilibres sont rapidement devenus monstrueux.

Le drame s’est noué quand il a fallu les réduire. L’impossibilité de dévaluer a imposé des politiques de déflation massive et de grandes rigueurs.

Au moins devions nous être tranquilles en cas d’attaques spéculatives : le risque sur la monnaie était nul. En fait les spéculateurs oints attaqués les taux de refinancement des États.

Lorsque l’explosion de l’économie baudruche, alimentée par le système des changes flottants et l’abandon des disciplines de Bretton Woods, les banques européennes se sont retrouvées en faillite et il a fallu que la BCE fasse tout ce qu’elle avait dit qu’elle ne ferait jamais. Plusieurs milliers de milliards d’euros de création monétaire en plus ont permis de donner du temps au temps. Dix ans après, cette politique dite de Quantitative Easing s’achève, mais les banques sont loin d’avoir apuré leurs portefeuilles de crédits « non performants ». On a soigné une crise de solvabilité par une réponse de liquidité. Et on a prêté beaucoup aux États, les taux d’intérêt finissant par devenir négatifs, du jamais vu.

Pour dresser les pays qui auraient pu faire sauter la confiance, on n’a pas hésité sur les moyens : la BCE arguant de ses craintes sur le système bancaire grec a cessé de refinancer ces dernières en ne laissant au déposant qu’un filet de liquidité à retirer chaque jour. La leçon visait aussi et peut-être surtout la France. Du coup la peur règne sur l'épargne européenne.

Le grand perdant dans l'opération sera le contribuable et le client des banques assujettis de mille manières et volés au coin d’un bois par des frais grotesques et sans justification.

Certes l’Eurosystème a duré puis survécu. Qu’on se souvienne des philippiques contre les « contractionnistes » à Bretton Woods et le refus « définitif » de politique de déflation monétaire et budgétaire violente ! Et qu’on les compare à ce qui a été fait en Europe entre 2010 et aujourd’hui.

L’impossibilité de dévaluer et de réévaluer a montré toute sa nocivité.

Pire encore, aucune convergence ne s’est produite entre les économies et certains pays ont accumulé d’énormes excédents dans Target 2 et principalement l’Allemagne en dépit des interdictions diplomatiques. Cette politique mercantiliste a pompé toutes les liquidités des pays en déficits. Elles ont été placées dans des actifs spéculatifs et perdues. Ou elles ont servi à racheter des entreprises notamment en France alors que l’Allemagne rechigne à voir la Chine, qui a mené la même politique mercantiliste, lui chiper son Mittelstand.

Le fait qu’on ne puisse pas ajuster les soldes de Target 2 est un énorme défaut.

Tout le monde savait au même de Maastricht que l’Europe mettait la charrue monétaire avant les bœufs économiques. On se disait qu’on réajusterait un peu plus à chaque crise dans le sens fédéraliste. Ce qui a été fait en partie, notamment en centralisant le contrôle bancaire.

L’enfant mal né est devenu bancal en grandissant. Tout le monde a bien compris qu’on ne pouvait pas en rester au système actuel.

Pour nous la solution est simple :

-          Créer une instance de COORDINATION de toutes les politiques influant sur les échanges internes et externes. Un chancelier de la zone Euro, doit conseiller l’Europe dans ces choix et définir la politique monétaire et de change.

-          Stériliser de façon automatique et progressive les très gros excédents et obliger les pays déficitaires, tout en les aidant, à revenir dans les clous.

Une autre solution qui a les faveurs des européistes dogmatiques est de créer un immense impôt européen pour mener des politiques de convergences centralisées. Macron a défendu cette idée.

Dans le climat anti impôt du moment, et alors que l’Europe est privée de ressource par le Brexit, cette démarche est impossible à faire passer. Il est plus simple de créer une instance de coordination et un automate de stérilisation des excédents de Target 2.

Si cela ne marche pas, soit pour des raisons de révoltes politiques devant la stagnation, soit pour des raisons purement monétaires et économiques, il sera bien temps de passer la marche arrière, qui n’est pas si compliquée.

Il suffira que chaque nation redonne un nom propre à sa monnaie, tout en la déclarant échangeable à taux fixe et qu’on mette en place un vrai système de compensation avec règlement des soldes. Après quelque temps, quatre à cinq années, afin d’apurer en douceur les en-cours en Euro, on admettra des dévaluations ou des réévaluations concertées, encadrées pourrez éviter les dérapages.

Dans tous les cas, l’Europe devrait militer pour une diplomatie de la prospérité qui imposerait le retour à des changes fixes et ajustables dans le monde, avec un étalon mondial extra-national. Vive le Mondio !

Il faudra bien en finir un jour avec les désordres provoqués par l’abandon des monnaies métalliques et le triomphe des monnaies administratives reproductibles à l’infini. Une solution stable, après 100 ans d’expériences partielles et remises en cause par leur maître d’œuvre, ne doit plus se faire attendre plus longtemps. Les changes flottants et la spéculation à tout va, cela suffit !

Rien n’est plus urgent que mettre fin au dysfonctionnement du système de change global et à celui de l’Eurosystème.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

 

Faut-il traiter la Chine en interlocuteur "normal" ?

La Chine exerce une vraie fascination sur les intellectuels de gauche occidentaux (eh bien au de-là) depuis des décennies. Amélie Nothomb, dans la gens écrivassière, est sans doute le seul exemple de ferme lucidité vis-à-vis d’un empire qui impressionne depuis toujours par le nombre. Pour elle, aimer la Chine pour son gigantisme, c’est à peu près aussi intelligent que détester le Vanuatu pour son nanisme ; une erreur de perspective dommageable !

Le Parti communiste chinois détient le record absolu des massacres et des génocides. La révolution, puis le grand bond en avant, puis la révolution culturelle, puis les guerres d’annexion, puis la répression des populations, ont provoqué plus de 60 millions de morts (certains avancent des chiffres très supérieurs). Des milliards de vies ont été radicalement gâchées. La dictature communiste reste féroce et totalitaire, comme elle l’est depuis de la prise de pouvoir par Mao. La répression sanglante des étudiants à Tien An Men, le 4 juin 1989, a bien montré qu’il ne s’agit pas, pour les « libéraux et pragmatiques » qui ont succédé au criminel génocidaire Mao, d’aller dans le sens de la démocratie.

N’espérez pas, comme pour Hitler et le national-socialisme, une chaîne spécialisée sur le maoïsme. Il faut tout de même se souvenir que les occupants de la Sorbonne en mai 1968 avaient déployé une immense bannière avec le portrait de Mao, à une époque où les massacres allaient bon train en Chine. Pendant des années la gauche révolutionnaire a bassiné le pays avec « le petit livre rouge », sorte de bréviaire du génocide opportun et nécessaire, et avec la « révocu », la destruction de la bourgeoisie et des forces de domination. Quinze Shoahs ne les ont pas effrayés. Comme disait Aragon : versons le sang de la purification. Quelques éminents maoïstes sévissent toujours sur les chaînes de télévision, entourés d’une aura que l’odeur des cimetières chinois et des camps de la mort du Lao Gaï ne semblent pas gêner. Un écrivain pornocrate a fait son « outing » maoïste en expliquant qu’il fournissait de la poulette occidentale blondissime au Grand Timonier. Sourires gênés dans les rédactions et l'édition. Mais pas plus. Imaginons qu’il ait fourni Pinochet ou Hitler ! Le légendaire fume-cigarette séduirait moins.

Lors que réalisateur René Viénet présente son film « Chinois, encore un effort pour être révolutionnaires ! » à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes dans les années soixante-dix, il est occulté ou vilipendé par la critique de gauche. Il déclarera : « Il était difficile à l’époque de remettre en cause l’aura de Mao Tse Dong ». Simon Leys mentionne l'intervention, dans les deux cinémas qui projettent le film, de perturbateurs du « social fascisme à caractère féodal » au moment précis de la projection des manifestations d'avril 1976 où le peuple chinois décida « d'enterrer le Grandiose Timonier avant même qu'il ait rendu l'âme », voilà ce que nos biens pensants ne sauraient accepter. Le retour de Simon Leys dans la catégorie des bons auteurs acceptables dans la communauté des croyants de gauche n’aura lieu qu’en 2018, signé par une double page dans le Monde.

Les massacres socialistes créent des joies morbides chez les adeptes mais ne mènent pas la création de richesses. Les réalistes chinois ont fini par débarrasser le pays du « romantisme » de la révolution totale où les fils crèvent les yeux des pères devant des foules extatiques et sous les applaudissements d’une gauche occidentale énamourée. Une fois « la bande des quatre » éliminée, la réalité était claire : les Tigres et Dragons, tout comme le Japon avaient fait leur décollage et l’économie chinoise était à peine digne du PIB de la Lozère ! Sous la direction de Deng XiaoPing, la Chine décide de rattraper son retard économique.

Les Américains et notamment le business américain se montrent à nouveau victimes du « syndrome chinois » et croient que le temps est venu d’aider la Chine à revenir dans le jeu. Ils se font d’immenses illusions. Les Chinois ont constaté qu’ils ne pouvaient même pas « donner une leçon au Vietnam », lors du conflit frontalier qui tourna à leur désavantage. Le pays a besoin de richesses pour reprendre rapidement leur rang militaire. Le régime ne cédera rien en termes de démocratisation. En revanche il permettra au pays de suivre la voie du Japon, de la Corée, de Formose. Il ne s’engage pas « à jamais » à respecter les droits démocratiques à Hong Kong, restituée à la fin du siècle, mais pour cinquante ans. Et on voit que la dictature chinoise commence à serrer le lacet à peine 20 ans plus tard. L’accord n’est qu’un écran de papier qui sera déchiré en dû temps. C’est-à-dire dès que la puissance militaire aura été rétablie au niveau suffisant. Taïwan n’a qu’à bien se tenir, car le retour dans le giron chinois reste un objectif prioritaire.

La Chine est parvenue a devenir l’atelier du monde du fait de la cupidité américaine et de celles des grandes entreprises qui ont voulu croire que « qui tenait le marché chinois tenait le marché du monde ». L’ennui est que la Chine a pris toutes les précautions pour éviter que les entreprises étrangères ne dominent leur marché intérieur. En forçant les étrangers à partager le capital des filiales en Chine, en volant les secrets industriels, en refusant toute législation sur les copies illicites, le Parti Communiste a réussi à éviter une colonisation économique par les Occidentaux.

L’intelligence chinoise a compris que les défauts du système monétaire international leur donnaient des chances supplémentaires d’aller vite en abusant de l’arme monétaire. Dans le cadre des accords de Bretton Woods, la Chine aurait dû respecter certains équilibres et rendre sa monnaie totalement convertible. Il lui aurait été interdit d’accumuler des milliers de milliards d’excédents. Puisque la règle implicite était : « que chacun se débrouille et que le meilleur gagne », la Chine s’est mise en position de gagner en tablant sur la cupidité des capitalistes occidentaux et l’évanouissement du pouvoir de régulation des institutions internationales.

En faisant miroiter l’énormité de leur marché et en gérant leur monnaie de façon offensive, les Chinois, nourris par un déversement de capitaux internationaux gigantesques et la faiblesse insigne des salaires, ont réussi leur coup. Ils ont accumulé de quoi reconstituer d’une part une influence économique et d’autre part et surtout leur puissance militaire. Sur tous les fronts de la guerre militaire possible, les Chinois sont sur la crête : les armes, l’espace, l’intelligence artificielle, les guerres numériques, etc. Du coup la Chine se retrouve en querelle frontalière avec tous ses voisins sans exception. Le Japon est poussé au réarmement nucléaire.

L’exaltation nationaliste, arme obligatoire de tous les socialismes violents, qui sont tous peu ou prou des pratiquants du national-socialisme hyperbolique, a été renforcée par des opérations de prestige, comme les jeux Olympiques mais aussi par des opérations bien moins exaltantes comme les campagnes anti japonaises.

Les excédents majeurs de la Chine ont eu des conséquences économiques dramatiques. Ils ont nourri la transformation de l’économie mondiale en économie baudruche, les dollars en excédents étant reversé sur le marché américain et amplifiant la dette dans des proportions déraisonnables, en interne comme ailleurs, selon les règles de la double pyramide de crédits de Jacques Rueff. La gravité de la crise de 2008 trouve une large part de ses causes dans les excédents abusifs chinois.

Après l’éclatement de la crise, la Chine a vu ses circuits financiers et économiques perturbés. Elle a été morte de trouille à la perspective de perdre la valeur de ses avoirs en dollars. Elle s’est donc lancée dans des investissements de précaution, en investissant notamment dans de nombreux achats de matières premières et de produits agricoles. Certains pays comme l’Argentine ou le Brésil ont profité de cette manne improbable, leur laissant croire qu’ils avaient réussi un décollage économique alors qu’ils bénéficiaient seulement d’un spasme de précaution du géant chinois. Du jour, où le rétablissement de la conjoncture internationale l’a rassuré, ces achats ont ralenti ou cessé projetant ces pays dans la crise.

La stratégie chinoise est désormais de mettre la main sur des terres arables, comme en Afrique où les dirigeants corrompus ont laissé la Chine s’octroyer des richesses importantes qui passent désormais totalement sous le nez des populations mais engraissent les décideurs. Un peu partout la stratégie est de mettre la main sur le capital d’entreprises d’importance critique, notamment dans l’énergie et les transports. Rien dans les règles économiques mondiales n’autorise un pays à accumuler des capitaux par une politique mercantiliste qui tue les entreprises adverses puis à racheter les pépites des autres avec des devises accumulées.

Les Allemands ont tout d’un coup constaté que son Mittelstand était la proie des investisseurs chinois. Ils se sont rebiffés sans voir qu’eux-mêmes pratiquaient la même politique notamment vis-à-vis du voisin français.

Les investissements massifs dans les ports et les communications, avec par exemple le rachat de la moitié du port d’Athènes ou celui de l’aéroport de Toulouse, les tentatives (bloquées) de rachat de port aux États-Unis, les investissements autour d’une nouvelle « route de la soie », vont dans le même sens.

L’Europe est obsédé par les traités de libre-échange et a les mains liées du fait qu’elle accepte les énormes déficits de l’Allemagne réunifiée, qui exporte comme un malade vers la Chine ses machines-outils et ses voitures de luxe. Elle a laissé faire les Chinois au-delà du raisonnable. Elle a perdu les marchés critiques comme celui des panneaux solaires en acceptant des politiques de dumping choquantes. Mais bien d’autres domaines économiques sont concernés.

On voit maintenant en France des achats stratégiques de terrains agricoles, en dépit de toute l’armature quasi communiste qui règle la propriété paysanne en France (Le Modev est une institution communiste !). Cela concerne aussi bien le lait que les vins.

La France est désormais considérée par les Chinois comme un pays sous développé où l’on peut se servir.

Pire encore, les pays de l’est qui ont intégré l’Europe après la chute de l’URSS, ont quémandé l’appui Chinois pour équilibrer le pouvoir de Bruxelles.

Autant dire que la Chine est désormais un pays déstabilisant qui provoque de multiples tensions, alimente l’instabilité financière et commerciale, concentre une puissance risquée pour ses voisins et l’Occident, tout en présentant un visage avenant.

On peut penser ce que l’on veut du style de Donald Trump, mais en cassant le fil des illusions qui lient les Occidentaux à la Chine, il rend un grand service à tout le monde. Naturellement, il n’a pas voulu comprendre que les excédents chinois étaient l’image inversée de ses propres déficits et que ceux-ci sont directement liés au rôle mondial (voulu par les États-Unis et dont ils tirent privilège en payant leurs déficits dans leur propre monnaie). Mais l’anomalie des excédents excessifs de la Chine est un problème réel. Xi Jinpin est obligé de mettre sur la table des offres mirifiques, comme cette ouverture aux achats chinois pour une valeur de 30 mille milliards. Il cherche à monter une organisation commerciale et de coopération asiatique, afin de créer une alternative aux Occidentaux. Bref, il joue ses cartes.

En même temps ses services secrets sont partout à la manœuvre pour piller tout ce qui peut l’être, déstabiliser les concurrents, et tirer avantage du laxisme européen, notamment. Il se dit même que la bulle qui a touché le Bitcoin a été fomentée par ces mêmes services secrets qui ont trouvé là un moyen de récupérer des milliards de dollars sans vraiment se fatiguer. Les principales fermes à Bitcoins sont en Chine alors que l’emploi du Bitcoin y est interdit ! Comme c’est curieux !

Il faudrait être bien innocent pour croire que la Chine est le parangon de la coopération et du multilatéralisme. Elle n’a pas encore acquis suffisamment de puissance économique et militaire pour ne pas avoir à concéder. Elle annonce plus qu’elle ne concède. Le marché chinois est totalement verrouillé en dépit des apparences ; le vol de secret industriel continue ; la guerre électronique continue ; le système de la double propriété dans les faits continue ; les excédents ne cessent de gonfler. Il n’y a pas un jour sans un article soit sur une manipulation des services secrets chinois, soit sur une répression sordide en Chine. Xi Jinping mène une répression de la corruption ? Dans tous les pays communistes depuis 1925, le renforcement du pouvoir central se fait par ce moyen qui offre une soupape pour calmer le peuple. Il a remis le Parti Communiste au centre du pouvoir. Il s’est mis en position de conserver le pouvoir à vie et crée les bases d’un culte de la personnalité. Il réprime même les étudiants marxistes alors qu’il a organisé des commémorations monstres pour le bicentenaire de la naissance du Grand Karl. « Le socialisme aux caractéristiques chinoises » est un national-socialisme féroce à l’intérieur (demandez aux peuples colonisés) et d’une grâce hypocrite à l’extérieur.

Il fallait mettre le commerce avec la Chine sous conditions et notamment celle de ne pas accumuler d’excédents excessifs. L’obligation de faire des sociétés mixtes a été une occasion de vol réitéré de secrets de fabrication occidentaux. Il faut interdire le rempli des excédents chinois dans le rachat de terres ou d’entreprises (essayez d’acheter de la terre en Chine). L’erreur de Trump est de reprendre la politique d’expansion du commerce américain sur le thème : achetez-nous plus ! Ce n’est pas la bonne méthode. Ce qu’il faut c’est limiter un certain nombre d’activités chinoises à l’extérieur tant que des garanties sérieuses ne sont pas obtenues notamment sur des questions géopolitiques graves.

L’Europe dans cette affaire est dans une position intenable. Les positions libres-échangistes religieuses de la commission lui interdisent de prendre la Chine pour ce qu’elle est : une dictature avec des objectifs pas gentils du tout. La différence de position de l’Allemagne et des autres pays est telle qu’aucune diplomatie n’est possible.

Sans changer le système monétaire radicalement afin d’éliminer la possibilité d’accumuler d’énormes excédents et d’énormes déficits, c’est l’impasse.

L’esquisse d’une solution devrait venir du FMI. Mais sa présidente est à la fois coincée par la domination américaine, la mauvaise volonté chinoise de rejoindre les règles du FMI et sa propre volonté de regarder ailleurs et de mettre ses priorités du côté de l’aide aux femmes dans les pays sous-développés qui n’est pas dans les prérogatives du FMI.

La France n’a pas de pouvoir du fait de sa situation économique lamentable. Le président MACRON peut parler sur la Pnyka ou à la Sorbonne sur le mode lyrique. Que peut-il faire avec un pays déficitaire de tous les côtés, gangrené par la dépense publique de masse, champion mondial des impôts, meurtri par un chômage incoercible et à la remorque financière du monde ?

La voix de la France est d’autant plus fluette qu’elle ne dispose d’aucune crédibilité économique, coincée qu’elle est entre une école quasi marxiste qui ne réfléchit qu’en termes d’inégalités et « d’affranchissement » (au sens marxiste, c’est-à-dire au prix d’une perte quasi-totale d’autonomie des agents économiques) et une école plus libérale qui n’a accès à aucun média, sauf à titre homéopathique et qui, de toute façon, refuse d’aborder les questions monétaires internationales qui, chacun le sait dans les médias, font baisser de 80 % l’audience des émissions qui s’y risquent.

Nous sommes donc dans une impasse. Une vraie impasse ! Certains voudraient en sortir en faisant reculer Trump mais pas la Chine ! Parfaite sottise contre-productive. La vérité est qu’il faut démolir le fond de l’impasse et construire une nouvelle route.

Pas de solution sans une réforme sérieuse du système monétaire international et une louche plus longue pour négocier avec le pays le plus dictatorial du monde, qui foule aux pieds toutes les valeurs de liberté et dont l’objectif est des plus clairs : la puissance militaire par la guerre économique ! Au moins ne nous donnons pas le rôle idiot du bisounours utile.

 

PS : profitons de l’occasion pour énoncer une évidence qui semble échapper à nos médias nationaux. La Corée du Nord est dans la même situation que la Chine de 1978. Son dirigeant adulé cherche à rejoindre les Tigres et les Dragons et de restaurer une puissance économique…et militaire. Notamment pour résister à …la Chine.

Un anniversaire saumâtre : le déclenchement de la Grande Récession

Une crise encore largement incomprise.

Au fur et à mesure que l’on se rapproche du 15 septembre, dixième anniversaire du déclenchement spectaculaire de l’effondrement bancaire international de 2008, avec la faillite acceptée par Paulson de Lehman-Brothers, la presse revient de plus en plus largement sur son déroulement et sur le comportement des uns et des autres des dirigeants aux manettes à ce moment décisif.

Il est intéressant de constater combien les causes de la crise restent appréciées avec courte vue et légèreté.

« C’est une crise des « subprimes » américaines et de la finance mondialisée et dérégulée.   Un incident grave mais finalement bien cerné. Maintenant qu’on a étouffé les banques sous les réglementations diverses, les causes sont sous contrôle et il ne reste qu’à éliminer progressivement les conséquences de ce choc violent. On est sur la bonne voie mais il faut faire attention car les mêmes forces financières peuvent à nouveau se déchaîner, si on relâche la garde ». 

Tel est le mantra de pratiquement tous les articles écrits sur le sujet, que ce soit les propos tenus par les personnes interviewées ou les commentaires des journalistes.

Nous pensons que cette analyse est trop partielle. Elle fait l’impasse sur trois faits majeurs :

-        Les crises de 73-74, 92-93, et 2008 sont de même nature et ont les mêmes causes

-        Le taux de croissance n’a cessé de baisser depuis 1971 de décennie en décennie

-        Le taux de dettes n’a cessé de monter depuis 1971.

D’autre-part, on ne comprend pas pourquoi les banquiers se seraient mis tout soudain à faire n’importe quoi, même si la dérégulation bancaire et l’acceptation d’innovations financières dangereuses accélérèrent les difficultés à partir de la seconde partie des années 90.

Dans notre livre « l’Etrange Désastre » nous avons tenté de montrer que ces crises à répétition provenaient des énormes excédents et déficits de balances de paiement acceptés après l’abandon des disciplines des accords de Bretton Woods. Le recyclage d’excédents aussi massifs a créé une liquidité internationale délirante qui a transformé l’économie monde en économie baudruche. A chaque mini explosion, les banques centrales ont alimenté la machine pour qu’elle ne sombre pas et tout a recommencé un peu plus tard en plus grave, avec un gonflement de valeur d’actifs spéculatifs tout à fait artificiel. Les « subprimes » sont bien l’allumette qui a fait sauter la bombe, mais la bombe était constituée par une accumulation de dettes spéculatives autrement plus massives.

Le trou sur les « subprimes » était en 2008 de près de 600 milliards de dollars et d’après des estimations (dont on ne sait trop comment elles ont été faites et qui varient) la perte finale serait située entre 200 et 300 milliards de dollars. Et il a fallu que les banques centrales créent près de 16 mille milliards de dollars de monnaie et au total c’est environ 60 mille milliards de dettes nouvelles qui ont été générées pour passer le cap !   La perte instantanée était en septembre 2008 probablement proche de 10 mille milliards de dollars, vingt à quarante fois les pertes potentielles sur les « subprimes ».

Dans son interview au Figaro (29 août 2018), Nicolas Sarkozy indique « qu’il fallait avoir une cécité complète pour ne pas s’alarmer » des incidents financiers de l’été 2007, en particulier le blocage des trois fonds de la BNP. Mais lors de la campagne de 2006, il ne voyait rien venir. Nous avons écrit à son équipe de campagne de « ne pas annoncer qu’il allait redresser spectaculairement la croissance, alors qu’une crise majeure allait frapper son quinquennat ».  Sans réaction de sa part. Nous avons publié une version allégée sur le site du forum du Monde pour bien marquer que la crise arrivait et qu’il fallait s’y préparer. 

On sait que Mme Merkel, au moment de l’effondrement, était totalement larguée et continuait de raisonner en gardien du coffre-fort allemand. « La crise est la faute des autres qui ne devaient pas compter sur l’Allemagne pour payer les pots cassés ».  Sarkozy a raison de le rappeler. Mais ce que ni lui ni Merkel n’avait vu, c’est que les banques allemandes étaient automatiquement les plus atteintes puisque c’est elles qui recyclaient les prodigieux excédents allemands. Ce n’est pas seulement HRE qui est en faillite virtuelle en septembre 2008, mais toutes les landesbanken, la Dresdner et la Deutsche Bank, comme la suite le montrera. Merkel n’avait rien vu venir. « Les excédents c’est bien, c’est fort et les banques allemandes sont bonnes et fortes ». En fait elles étaient le moteur du recyclage des excédents et sont largement responsables des investissements douteux dans les pays du Club Med et surtout aux Etats-Unis, dans les subprimes et divers autres marchés spéculatifs.

La corrélation entre trop gros excédents et fragilité bancaire n’est toujours pas faite par les autorités. Dans la même édition du Figaro, Olaf Scholz (vice chancelier SPD de Merkel) considère que l’excédent du commerce extérieur allemand de 265 milliards de dollars, qui a déclenché la crise récente avec les Etats-Unis, ne sont pas un problème. Pour lui, l’Etat allemand n’est pas en cause. C’est juste le résultat de la bonne santé des entreprises allemandes qui sont bien intégrées dans la mondialisation.  « La croissance et la réussite d’un pays sont bonnes pour tous ». Quant au change, il n’est pas sous la direction de l’Etat allemand. Circulez, il n’y a rien à voir, surtout que nous menons une « politique social-démocrate intelligente ».

Nicolas Sarkozy, dans son interview, considère qu’il n’est pas nécessaire de connaître Ricardo, Keynes et Milton Friedmann, pour gérer une crise financière. C’était sans doute vrai au moment de l’explosion du système bancaire et son action en faveur d’une « bombe atomique » lancée contre la spéculation par la BCE a été salutaire, alors que Trichet était dépassé. Mais il devrait tout de même lire le discours aux communes de Keynes expliquant le lien entre désordre monétaire, crise et trop gros excédents commerciaux. Du coup il comprendrait pourquoi la crise est survenue et surtout pourquoi elle risque de revenir. Car s’il craint le retour de la crise il ne dit pas pourquoi les mesures prises ne suffisent pas à l’empêcher. Ricardo a aussi quelques très bonnes pages sur la confusion entre mercantilisme accumulant de l’or et création de richesses. Quant à Milton Friedman, une bonne partie des critiques faites à l’organisation de l’Euro était pertinente. Ce qu’on a vu en 2011.

Il se trouve qu’Emmanuel macron vient d’annoncer et son plan économique interne et son orientation européenne. En route pour une diplomatie économique !  Elle n’est conçue que comme une aide aux exportations. Si le pays n’est pas compétitif, c’est un leurre. Le premier acte d’une diplomatie de la prospérité est d’abord de restaurer la compétitivité du pays et redresser ses comptes. Ce que jusqu’ici, il n’a pas osé faire.   Ensuite de bien comprendre ce qui ne va pas en Europe et dans le monde. Dans une ambiance qui a vu la croissance baisser chaque décennie, ponctuée à chaque fois par une crise toujours plus grave, il importe d’avoir compris pourquoi. Le président n’a jamais énoncé de diagnostic précis sur cette question. Voici que justement Donald Trump frappe la France à cause des énormes excédents allemands. Et que le FMI rappelle que les gros excédents posent un problème. Il serait donc temps d’avoir une vision claire de ces questions. D’autant que Mme Merkel veut imposer un candidat allemand à la présidence de Commission Européenne.

Une diplomatie de la prospérité passe obligatoirement par une stratégie pour mettre fin aux dysfonctionnements globaux du système monétaire international et à ceux de la zone Euro. Sur ces deux questions le silence est total aussi bien dans les propos du Premier Ministre que dans ceux du Président.

Nous sortons en loques d’une crise internationale d’une rare violence et d’une période où l’Europe a fait pire que tout le monde ; les Etats-Unis nous agressent ; les Chinois utilisent leurs excédents colossaux pour acheter notre capital et des entreprises stratégiques dans l’énergie.  Et nous n’avons rien à dire, rien à faire et aucun but diplomatique ?

Nous sommes de ceux qui pensent que c’est une honte française. On peut être en difficulté. On n’a pas le droit de ne rien comprendre et de ne rien faire de véritablement efficace par crainte des réactions syndicales et électorales. Surtout quand tous les mécanismes de la crise ont été explicités par des économistes français de grand talent : Jacques Rueff et Maurice Allais que nos Présidents seraient bien inspirés de relire. 

Une de fois de plus les économistes ne facilitent pas la conversion des politiques.  Un rapport dont toute la presse s’extasie une fois de plus explique la crise par des éléments non significatifs : la prétendue baisse structurelle de la productivité avec des innovations qui ne créent pas d’emplois, ou même, comme les développements récents de l’intelligence artificielle, en supprimeraient l’essentiel, le vieillissement de la population, les écarts de rémunérations. Ce qui est déclaré comme des causes sont pour la plupart des conséquences. Dans une économie baudruche les actifs sont grossièrement surévalués et donc les possédants paraissent avoir une part augmentée. Mais c’est toujours la même maison et toujours le même portefeuille boursier. L’échelle de mesure a changé ( la valeur réelle des principales monnaies a chuté de plus de 95% depuis 1971 ), mais les biens eux-mêmes sont quasiment les mêmes. L’innovation ne produit de productivité et ne crée de l’emploi que si la conjoncture est bonne. Elle ne l’est que de façon artificielle dans une économie baudruche.

Si on restaurait des institutions économiques et financières correctes dans le monde et en Europe, on verrait que la croissance est possible avec une régularisation de bien des excès actuels. La vraie question apparaîtrait alors : le caractère fini des ressources naturelles consommées et les effets globaux des déchets de production et de consommation. Ces deux questions ne peuvent trouver de solution que dans un cadre économique global sain.

Sortir le monde de l’économie baudruche est actuellement le seul combat économique qui vaille. Il faut bien reconnaître que, malgré des progrès, le monde regarde ailleurs.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

Deux expériences socialistes très pédagogiques

Le retour des hyperinflations

Dans un monde de changes flottants qui s’internationalise brutalement depuis 1971, certaines expériences font figure de leçons de choses monétaires.

Le Zimbabwe, de tous les pays de l’Afrique australe, est celui qui est sorti de la guerre d’indépendance avec les meilleures chances de prospérité. L’ex-Rhodésie est un pays riche. Salysbury, devenue Harare, sa capitale, est une ville charmante, bien desservie et moderne. L’agriculture est prospère, équilibrée entre production vivrière et productions exportatrices. Elle couvre les besoins alimentaires du pays et peut même participer aux plans mondiaux de fourniture assistée de nourriture. Sa place dans la vente de tabac sur le marché international est importante. Le pays est, malgré les drames de la guerre d’indépendance, comme une sorte de Suisse africaine avec un climat favorable et de très bonnes terres.  Les ressources naturelles sont gigantesques et intéressantes parce que largement inexploitées, en dehors du zinc et de l’or, dont on sort des tonnes chaque année d’un sous-sol prodigue. Robert Mugabe, le dirigeant du parti dominant qui avait guerroyé contre les colonisateurs britanniques, et représente l’ethnie principale, se pose en modéré et dispose dans les milieux de gauche, notamment français, d’une mansuétude tout à fait exceptionnelle.  La transition est bien organisée par la Grande Bretagne, avec une apparence de bonne volonté générale qu’on retrouvera plus tard en Afrique du Sud.

Tout le monde croit un instant que la transition vers une démocratie qui tienne compte de la majorité noire sans rejet de la minorité blanche va bien se passer. Le rêve ne durera pas.

Le « progressiste » Mugabe va se transformer rapidement en tyranneau africain caricatural, riche à milliards et cherchant d’inlassables réélections par la force et les exactions. Tout commence par un génocide atroce, la race minoritaire qui avait fourni sa quote-part du mouvement indépendantiste est décimée. La Corée du Nord fournit, contre rémunération, les cadres techniques militaires de ce génocide. Par intérêt personnel, l’équipe Mugabe se mêle de la guerre au Congo en contrepartie de mines (une mine de zinc lui est offerte à titre personnelle !) et d’argent. Le régime s’attaque ensuite aux Blancs, propriétaires de la majorité des exploitations. On en tue une partie tout en expropriant les autres. Les meilleures terres sont confisquées par la famille de Mugabe et des dirigeants proches. Les milices du Zanu-PF, le parti du président, sont dirigées par un reître répondant au nom évoczteur de « Hitler ». Evidemment tout s’écroule. Les mines ne produisent plus. Les champs deviennent stériles. Entre un quart et un tiers de la population fuit le pays et sa misère pour tenter sa chance ailleurs.  La planche à billets est mise contribution.  L’inflation qui oscillait entre 20 et 50% passe soudain le cap de 100% en 2001. On est à plus de 1000 % en 2006, 66.000 % en 2008 et finalement 80 milliards % en novembre 2008. Le tout forme le plus bel exemple d’hyper inflation depuis celle qui a ravagé l’Allemagne un siècle plus tôt. Les institutions internationales chargées à la fois d’éviter les génocides, d’aider au développement et d’assurer la stabilité monétaire ont été totalement impuissantes.  Le régime vend alors des pans du pays à la Chine, pour maintenir les revenus somptuaires de ses dirigeants. Gorgée de réserves en dollars, grâce aux changes flottants et l’acceptation par la communauté internationale de ses énormes excédents, réserves dont elle craint la volatilité, la dictature communiste Chinoise s’installe et commence à récupérer les richesses du pays, pratiquement sans utiliser aucune main-d’œuvre locale. Le dollar devient la monnaie du pays. Mugabe, devenu un vieillard sénile, sera forcé à la démission lorsque sa femme, beaucoup plus jeune, entendra lui succéder. Ce sera un des responsables du génocide initial qui parviendra au pouvoir.

Retenons les caractéristiques de cette histoire : génocide et crimes contre l’humanité, fausse démocratie et vraie dictature, appel à des dictatures communistes pour installer son pouvoir, épuration ethnique et sociale, corruption absolue, ruine du pays, crise humanitaire, émigration de masse des populations, hyperinflation, et finalement affermage partiel du pays à la Chine pour sauver la fortune des dirigeants. Cette descente aux enfers sera presque totalement occultée par la presse française, jusqu’à un revirement récent, Robert Mugabé trouvant en permanence des soutiens actifs auprès de la presse de gauche, plus soucieuse de stimuler la repentance occidentale vis-à-vis des « victimes de la colonisation blanche, génocidaire et inexcusable » que de faire connaître et condamner les dérives ignobles d’une figure idéalisée du tiers-mondisme africain.

On retrouve exactement les mêmes caractéristiques dans l’évolution de la situation du Venezuela. Le pays est extrêmement riche. Il dispose de réserves pétrolières gigantesques. Son potentiel agricole est excellent, avec des possibilités vivrières pour la consommation locale et des produits d’exportation. La hausse vertigineuse des prix du pétrole après 1973 offre au Venezuela la possibilité d’une prospérité unique.  Après l’élection de Chavez, un ancien dirigeant des mouvements révolutionnaires communistes, le pays se lance dans la construction d’un « socialisme bolivarien » assis sur la rente pétrolière.  Le chavisme détruit progressivement la démocratie et la propriété privée. Il arme des milices. Les entreprises étrangères sont nationalisées. La destruction de la production, le développement de l’insécurité, les exactions répétées du pouvoir, finissent par avoir raison de la prospérité du Venezuela. Chavez a fait appel à la dictature cubaine pour épurer l’armée et en contrôler les rouages de commandement. Les nouvelles entreprises nationalisées sont incapables de maintenir la production. Rapidement tout manque dans un pays où la rente pétrolière permettait naguère de fournir à la population les produits de première nécessité qui n’était pas produit localement. Lors que le cours du pétrole s’effondre, le régime est pris de panique. Chavez décide de s’affranchir de toutes les règles et institutions internationales. Il quitte le FMI et met la banque centrale sous tutelle du gouvernement. La planche à billet commence à tourner à plein régime. Les prix enflent en même temps que les pénuries s’aggravent. A sa mort, le pouvoir passe à son adjoint Maduro qui aggrave tout.  Il met fin de facto à la démocratie en imposant une chambre constitutionnelle dictatoriale, élue dans des conditions telles que les députés pro-régime ne pouvaient être que majoritaires. La misère commence à s’installer en même temps qu’une émigration de masse commence. Plus de deux millions de personnes fuient un pays où la sécurité disparait. La criminalité explose. Les meurtres sont quotidiens. Le gouvernement est aux abois. L’inflation s’installe et s’emballe. Elle tourne à l’hyper inflation à partir de 2017. En 2018, elle atteint un million de pourcent. Les dirigeants « socialistes bolivariens » se tournent vers la Chine qui fournit les dollars nécessaires à la survie du régime, contre pétrole et matières premières.  Contrairement à Mugabe, Maduro décide d’innover en créant à l’été 2018 une « crypto-monnaie », le Petro, dont le prix unitaire est celui d’un baril de pétrole, et un Bolivar dit souverain « basé » sur le Pétro. On en est là, avec une crise humanitaire et une émigration qui déstabilise les pays voisins, notamment le Brésil et la Colombie.

On notera aussi ici le soutien indéfectible des médias socialistes et tiers-mondistes français à cette nouvelle expérience socialiste tragique et criminelle, au point qu’un candidat à l’élection présidentielle française de 1917 crut devoir se déclarer un partisan farouche de la « révolution bolivarienne ».  

Il est vrai que les deux « expériences » socialistes présentent d’autres parentés : même ruine du pays ; même destruction de la démocratie ; même émigration ; même recours aux militaires de dictatures communistes pour mater le pays (Corée du nord ou Chine) ; même hyperinflation ; même recours final à une Chine gorgée de dollars par ses énormes excédents ; même haine des pays occidentaux qui avaient fait la richesse des deux pays ; même impuissance des institutions internationales.

Ces deux histoires sont sordides. En dehors des aspects idéologiques et politiques de ces désastres, une réflexion s’impose sur les conséquences du système monétaire international boiteux qui a été mis en place et l’effondrement des institutions multilatérale mises en place par Roosevelt. L’évolution interne des deux pays est certes dictée principalement par les mouvements politiques qui s’y déroulent et la logique de destruction de l’économie et de la démocratie qui est le propre de ces expériences socialistes radicales, mais le système global, totalement déséquilibré, qui s’est mis en place à partir de 1971, a aussi un rôle. Les deux pays étaient parfaitement insérés dans l’économie mondiale et prospères. Ils étaient membres des institutions internationales. Merveilleusement dotés par la nature pour triompher dans la mondialisation, ils devraient être aujourd’hui des exemples de réussite sociale et économique. L’intégration des populations noires et indiennes et leur promotion sociale auraient été faciles à réaliser dans le cadre des Trente Glorieuses.  

Le fait que le monde soit entré dans un système qui a vu une baisse constante du taux de croissance mondial, le déchaînement de crises périodiques de plus en plus graves et la concentration d’excédents massifs dans certains pays, ont eu des conséquences aggravées dans les pays ayant fait le choix d’un socialisme radical. Les crises ont permis l’arrivée démocratique de partis qui ne l’étaient pas ou ont entraîné les dictateurs à rechercher des moyens de faire face à des pertes qui affectaient directement leur fortune et leur maintien au pouvoir. Les deux hyperinflations surviennent après que le chaos sur la scène internationale se soit installé. La Chine n’aurait pas pu mener sa politique actuelle si on lui avait interdit d’accumuler des excédents monstrueux en dollars.

Logiquement, les pays qui ont réussi à sortir du socialisme ont vu leur niveau de vie augmenter et ceux qui ont été forcés à y entrer se sont retrouvés dans la misère.  

Les institutions multilatérales se sont montrées totalement incapables de juguler l’effondrement démocratique et économique des malheureux pays concernés. L’ONU, la Bird, le FMI, le Tribunal Pénal international ont été aux abonnés absents.

Les deux exemples cités sont aussi symptomatiques d’une double faillite du système monétaire international et de du multilatéralisme. Ces deux drames méritent mieux qu’une simple dénonciation de dirigeants-voyous et de leur idéologie délétère. Une économie mondiale mieux organisée et une action internationale plus ferme, excluant de ses instances les nations tentées par ces expériences et interdisant à ses membres tout commerce et aides financières, auraient permis de sauver du drame humanitaire généralisé que l’on constate les populations civiles sacrifiées.

Ce blog a dix ans

Nous fêtons le dixième anniversaire de ce blog, créé en 2008 à la suite d’une première approche, lancée 11 ans plus tôt sur le forum du Monde, avec les mêmes ambitions. En 1997, nous pensions que l’économie était mal traitée dans la presse dominante et que Maurice Allais n’avait pas été compris. Une crise grave était en préparation dans l’inconscience générale, alors qu’une « économie baudruche » s’était installée sur les décombres des Accords de Bretton Woods. L’Europe de l’Euro étaient en marche avec des risques très sérieux, totalement minorés ou ignorés. La France s’enfonçait doucement alors que triomphait ce que nous appelons l’Enarchie Compassionnelle, sous l’effet du poids excessif de la dépense publique, d’une perte de compétitivité massive liée aux 35 heures, de l’étouffement des entreprises soumises à la dictature des juges, de la taxation confiscatoire des « possédants » et du bannissement des « riches ».

L’opinion telle qu’elle était exprimée dans la presse semblait incapable de sortir d’un discours obscurantiste déplorable mêlant les reliques de la domination marxiste à gauche et les délires du « politiquement correct » issu des universités américaines. Le gauchisme et la posture antibourgeoise étaient désormais la doctrine dominante et obligée chez les journalistes, avec de moins en moins de freins. Le forum est une technique qui vous informe très vite des mouvements d’opinion et dès 1999 l’exaltation de la haine, reconnue aujourd’hui comme la marque des « réseaux sociaux », était perceptible, rendant très difficile les dialogues positifs. Les concours de postures valorisantes et moralisantes, sans valeur et sans morale sous-jacentes, avec appel à la meute contre les vilains, étaient déjà parfaitement perceptibles en 1997. 20 ans après, ils ont pris une ampleur démentielle, tuant radicalement toute réflexion de bonne foi et construite sur les faits et non sur des actes de foi ou des marques de soumission idéologiques.

Incapacité de comprendre les dangers des changes flottants et des grands déséquilibres, incapacité à comprendre la crise argentine et plus généralement la crise appelée à tort des pays émergents, incapacité à voir venir l’effondrement du début des années 2000, incapacité à voir les conséquences délétères des 35 heures, incapacité à comprendre le caractère dépressionnaire de l’Eurosystème, incapacité à juger la politique Schroeder à sa juste valeur, incapacité à comprendre l’effet sur la classe ouvrière occidentale de la promotion des peuples anciennement soumis au communisme, incapacité à comprendre que les marchés ne règleraient pas tout et que la finance était devenue folle, tout cela était manifeste entre  1997 et 2005 mais très mal compris. Les éructations chauffées à blanc et les analyses sous prismes idéologiques déformants, témoignent de l’état mental de ceux qui s’y laissent aller, mais ne disent rien sur les réalités.

L’abandon à plusieurs reprises des historiques du forum du Monde, empêchant de faire le lien entre des projections et la réalité, a contraint notre petit groupe à se réunir et à créer un site spécialisé. L’arrivée d’une crise majeure de type 1929 était tellement aveuglante que nous voulions l’annoncer sans ambiguïté. C’est ainsi que nous avons publié notre bulletin de conjoncture semestriel qui était sans équivoque. Nos dernières interventions sur le forum Le Monde prévenaient Nicolas Sarkozy qu’il ne fallait pas annoncer qu’il allait redresser spectaculairement la croissance car il aurait rapidement à traiter une crise majeure et une récession dont on sentait qu’elle serait encore plus grave que celle de 1992-93 qui avait déjà été très forte. Nous avons envoyé une lettre en ce sens à son staff. Sans effet naturellement. Nous en avons publié l’essentiel dans un ultime message sur le forum du Monde, où il était encore récemment consultable.

Dix ans après sa création, notre blog fait l’objet chaque année d’environ 260.000 lectures. Il a dépassé 1.500.000 lectures cumulées.

Les articles les plus lus répondent à trois types de préoccupation :

-        L’explication de la crise et de ses développements

-        La présentation des pensées de Jacques Rueff et Maurice Allais, totalement ignorées par la presse et l’université, alors qu’elles sont remarquablement pertinentes pour comprendre les évènements

-        Les articles qui complètent et précisent « des questions de cours » souvent mal traitées dans l’enseignement scolaire et universitaire actuel avec parfois l’enseignement d’erreurs « magistrales ».  La monnaie est en particulier un domaine très mal enseigné.

Un des thèmes majeurs que nous avons constamment enrichi d’analyses et de témoignage se résume dans cet avertissement : « attention à la colère des peuples ! » Nous considérions (et nous persistons dans cette analyse) que le refus absolu de voir les causes et donc d’anticiper les conséquences auraient de graves conséquences sur la majeure partie de la population des pays occidentaux et qu’il fallait donc se préparer à des réactions sévères.  Savoir lesquelles étaient plus difficiles.  On voit que la colère s’est défoulée par le canal politique avec l’arrivée de gouvernements folkloriques et /ou populistes dans un grand nombre de pays européens, les explosions de colère dans les pays arabes, le renforcement des autocrates sans scrupules et indifférent à l’opinion mondiale, le Brexit et finalement l’élection d’un Trump à la présidence des Etats-Unis, qui donne à la notion de « leader du monde libre » des couleurs passablement grisâtres.

L’impossibilité à gauche de se dégager des analyses gauchistes qui laissaient miroiter que les difficultés seraient riches de possibilités de prise du pouvoir et à droite à s’élever au-dessus de médiocres soumissions au diktat américain, laissait l’analyse de la crise qui sévit depuis 1971 totalement orpheline. Les rares autorités officielles qui oseront se lever pour défendre la thèse qu’on ne pouvait plus continuer comme cela, en fait uniquement Maurice Allais, seront balayées à gauche comme à droite et ensevelies sous un fumier de mépris d’épaisseur majestueuse.

Une organisation mondiale défectueuse, dont les institutions communes, totalement dégénérées ne tenaient plus leur rôle, et dont les règles étaient violées tous les jours, se cumulait à une organisation européenne de la zone euro problématique et potentiellement récessionniste, dans l’indifférence générale, sinon des combats faciles à gagner contre des trublions sans solutions alternatives. La France, elle, faisait le choix suicidaire de la dépense publique sans limite, des impôts confiscatoires, des gouvernances locales hystériques et désireuses d’en découdre avec leurs propres électeurs « pour leur bien » et de frapper durement les autres dans leur vie quotidienne, de la chasse aux « dominants » en mettant la justice au côté des « dominés » ou prétendues tels.

Le justicialisme, le gauchisme judiciaire issu de mai 1968 qui veut que le juge prenne toujours la défense de la femme contre l’homme, du salarié contre le patron, du piéton contre l’automobiliste, du malade contre le médecin, de l’acheteur contre le vendeur, du locataire contre le propriétaire, etc., a été renforcé par des lois dites « d’affranchissement » qui ont bloqué toutes les possibilités de relations équilibrées dans la société. La puissance agissante, qui est la source de tout dans une nation, car il n’y a pas de progrès sans polarisation des efforts ni de polarisation des efforts sans un minimum d’autorité, a été partout entravée. Les relations sociales sont devenues impossibles. Avec l’arrivée des « réseaux sociaux » s’ajoutent une coercition « sociétale » qui réduit les anciens « papas morale » et les « mères-la-vertu » à des exemples de discrétion et de câlinerie. Jamais la réprobation morale, basée sur aucune morale, mais les lubies du temps, n’a été plus valorisante pour ceux et celles qui en emplissent leur bouche. Avec à la clé un spectacle de plus en plus grotesque et décourageant. Il ne faut plus de signe religieux dans l’espace public mais une symbolique pédérastique doit être peinte le long des passages piétons, dans un « quartiers pédé », alors qu’on interdit les concentrations sur la base d’affinités au nom de la mixité. Il ne faut plus de courses de taureaux ni de chasses au renard, mais on accepte que 400 loups tuent 12. 000 brebis. Il faut plus d’ouverture mais moins de circulation. Les handicapés doivent être mêlés dans des classes qu’ils ne peuvent pas suivre et qui, dans les configurations ethniques des banlieues noires et arabes, génèrent des situations disons incontrôlables et déplorables pour tous, en dépit de création de dizaines de milliers de postes « d’accompagnants » mal pourvus et sans doctrine.  Comme le « chante » un rappeur :

« Les Gaulois nous envoient leurs tarés ;

Tarés les Gaulois, tarés les Gaulois.

Fuyons l’école et vive la rue. 

Fuyons l’école et vive la rue.  

Ils n’ont rien à nous donner,

Nous devons tout arracher. 

Fuyons l’école et vive la rue.

Fuyons l’école et vive la rue ».

 

Et vive la mixité.

Pour un observateur français, la situation est particulièrement délicate. Les dysfonctionnements mondiaux et européens peuvent être décrits mais, il n’existe aucun levier pour lever les obstacles. L’effondrement français peut être dénoncé dans ses nombreuses composantes, mais les forces politiques en présence et les effets de dominations idéologiques qui prévalent dans la presse, ne permettent aucune vraie réaction. Les Français ont glorifié l’impuissance et la soumission. Maintenant qu’ils sont et impuissants et soumis, accablés de chômage, d’immigration sauvage, de dettes et d’impôts, sous la pression, dans la rue, des « sociaux-fachistes » et, dans les médias, des « christo-cocos », quelle voie de sortie vers le haut ?

Cette situation force l’analyste économique à s’éloigner de temps à autres de l’économie pour étudier les fantaisies malsaines de l’idéologie et de la politique.

Dix ans après, est-ce que certaines de nos thèses ont progressé ? Ce n’est pas tant notre force de conviction qui est en cause. Nous n’avons jamais pensé à autre chose qu’à une forme de témoignage actif, en espérant que les réalités auraient leur propre force de démonstration.

Le nouveau président a impulsé un retour en arrière sur la judiciarisation des relations sociales et un début de démontage de l’appareil de destruction fiscale mis en place par ses collègues énarques dans les 30 années précédentes. On n’est pas au milieu du gué. Peut-être au dixième du chemin à parcourir pour retrouver une situation acceptable. C’est un mieux.

Trump a été un révélateur « facilitant le diagnostic et compliquant la solution ». Désormais les grands déséquilibres sont sur la sellette. Le lien n’a pas encore été fait entre énormes déficits et énormes excédents, ni entre énormes excédents et création d’une économie baudruche, ni entre économie baudruche et explosion économique de 2008, mais cela vient.

Le malaise est complet entre les projections européistes grandioses de M. Macron et la triste situation d’un Juncker allant à Canossa et à New York pour voir Trump la queue basse et le verre haut. Il est obligé de défendre les excédents allemands qui sont indéfendables ! L’Europe est prisonnière des excèdents Allemands. La France est taxée au nom des excédents allemands. Que signifie encore le couple franco-allemand ? Des réformes majeures sont indispensables pour rendre l’Europe audible dans le monde et confortable pour ses membres. Personnes n’a su détailler lesquelles, parce que justement, la première d’entre elle est de trouver un moyen automatique et contraignant de ne pas accumuler de gros déficits ni de gros excédents.  Ne pas le faire revient à un combat idiot entre démantèlement de l’Union Européenne ou saut fédéraliste refusé par les peuples.

Personne ne sait comment contrer Trump, parce qu’il a en partie raison. Les grands excédents Japonais, Allemands, Chinois sont condamnables. Au lieu de chercher à savoir comment les inactiver, les grandes institutions habituées depuis quarante ans à la soumission et au viol de leurs propres statuts, se taisent.

Les économistes officiels se complaisent toujours dans la pusillanimité et les discussions microbiques sur des points de détail qui ne peuvent fâcher personne. Le reste du temps ils s’insultent selon des lignes de fractures idéologiques. Ils sont inaudibles. Cela dure depuis longtemps, mais maintenant cela se voit.

Notre satisfaction est d’avoir correctement détecté et analysé les mouvements des grandes plaques tectoniques qui sont le soubassement des faits économiques et sociaux de ces 20 dernières années.

On se rapproche aujourd’hui du moment où il faudra bien cesser de ne rien voir et de rien faire.

Macron : la difficile levée des hypothèques électoralistes

Le problème des processus électoraux est toujours la liquidation des promesses inconsidérées qu’on se croit obligé de faire, surtout quand on a fait sien le mantra : « j’ai dit ce que je ferai et je le fais », une grave erreur de gouvernance.

Cela parait loin aujourd’hui mais la faute démagogique originelle du candidat Macron, du point de vue national, même si le résultat électoral a été obtenu, est d’avoir faussé le vote avec deux promesses qui étaient deux achats de votes caractérisés, moralement et politiquement condamnables .

-          La suppression de la taxe d’habitation, pour 80 % de la population, afin de « donner du pouvoir d’achat », était une infamie que nous avons dénoncée comme telle dès son annonce. Elle lançait une dynamique incontrôlable, faussant des principes simples et admis (on doit contribuer au moins tous aux charges locales du lieu où l’on vit), des principes constitutionnels (égalité devant l’impôt, autonomie des collectivités locales) et creusant des déficits tous azimuts.

Emmanuel Macron ne parvient pas à dominer cette dynamique qui avale toutes ses tentatives de déboucher sur quelque chose de convenable. Il est coincé par le Conseil Constitutionnel qui n’admet pas que l’impôt soit payé par seulement 20 % des contribuables locaux ; il est coincé par le trou financier creusé, les tentatives de le compenser par des taxes nouvelles ayant périclité. La dette va s'accroître.

-          Le transfert des retraités vers les actifs est le genre de solution qui n’a aucun fondement rationnel. Dire, dans un pays où on a imposé un système de répartition qui veut que les actifs paient pour les retraités, que les retraités doivent restituer l’argent pour donner du pouvoir d'achat à ceux qui travaillent est une parfaite incohérence. Soit on recule l’âge de la retraite, avec une baisse des cotisations, soit on associe baisse des cotisations et baisses des retraites, soit on fait les deux, mais on ne prend pas le chemin injuste et stigmatisant qui a été choisi par pur électoralisme. Les retraités voient le pouvoir d’achat de leurs retraites baisser chaque année du fait de la non-indexation des retraites. Le retour d’une inflation supérieure à 2 % signifie une accélération de cette baisse. Agiter de surcroît, la perspective de la baisse importante des pensions de réversion, seules ressources des femmes qui ont choisi de rester au foyer, et qui sont généralement très basses, revient à ajouter l'infamie à l’électoralisme. On sait que la natalité baisse et que le remplacement des générations ne se fait plus, même avec les classes immigrées que l’on a massivement fait venir. Dire aux jeunes femmes : travaillez car sinon vous n’aurez pas de retraites est un message plus que discutable. Tout le monde sait, en matière de retraite, qu’il faut passer la date de départ à 66 ou 67 ans tout de suite, et supprimer tous les régimes spéciaux qui ne correspondent pas à des sujétions très particulières (essentiellement l’armée et la police). Au lieu d’attaquer bille en tête ces sujets cruciaux, le gouvernement a d’abord augmenter de façon totalement inconsidérée la CSG et il tente de faire passer l’idée que la hausse de pouvoir d’achat est bien effective pour la clientèle électorale qu’elle a séduite, en dépit du passage au prélèvement à la source, une redoutable imbécillité imposée par le Trésor et qui n’a aucun intérêt national.

L’achat de votes a été efficace. Les gogos ont voté. Mais ces mesures étaient malheureuses et il est politiquement moral qu’elles se retournent contre les équipes qui ont cru bon de les mettre en œuvre.

Comme d’habitude les élections présidentielles ont coûté entre 30 et 40 milliards d’euros aux Français et 2 018 après 2 017 verront encore une augmentation de la dépense publique et de la pression fiscale. Il est même annoncé que la période 2 017-2 018 verra une augmentation des impôts supérieure à la période 2 012-2 013, chef-d'œuvre de bouffonnerie antiéconomique de F. Hollande.

Ce désastre qui pèse naturellement sur tous les comportements actuels et pèsera encore plus dans le futur, ne peut pas être effacé par des exercices de Com’.

Toute la gymnastique présidentielle actuelle dans ce domaine est désarticulée.

Le service national d’un mois est une farce sinistre.

La construction de piscine à Brégançon est ridicule.

L’effort vers les d’jeuns lors de la fête de la musique était grotesque.

L’idée que la télévision publique a pour objet de développer le politiquement correct et proposer des images d'Épinal bien intentionnées, a été considérée comme une copie servile et inutile de l'Amérique. À juste titre.

La révision constitutionnelle tourne au ridicule avec des inclusions qui n’ont pas lieu d’être et l’absence des vraies réformes qui changeraient réellement quelque chose. Nous proposons depuis des lustres d’ajouter deux lignes :

-          Nul ne peut être élu dans une assemblée qui détermine sa rémunération et ses conditions d’emplois

-          Nul ne peut recevoir deux rémunérations de l’État ou des organismes recevant des fonds publics.

Morigéner les Italiens et accueillir au compte-gouttes des migrants, alors que l’Europe sombre dans l’insignifiance, était ridicule.

Le projet de budget européen massif, dont Merkel aurait actouillé le principe sous bénéfice d'inventaire, est injouable tant que la France maintiendra ses déficits budgétaires et commerciaux, et tant que les réformes fondamentales de la zone Euro n’auront pas été mises en œuvre.

La réponse à Trump, à Poutine et à l’ensemble des tyranneaux du moment (de Damas à Pékin) patine dans le verbiage et dans l’inefficacité à peu près totale. Le couple tant vanté Franco-Allemand se bloque du fait de l’excédent commercial allemand supérieur à 8 % qui est totalement contraire à la légalité internationale, et de l’absence presque totale de réduction de la dépense publique en France.

L’idée se développe que Macron parle trop là où il est impuissant et n'agit pas assez là où il en a le pouvoir.

On raconte dans les médias que les troupes LREM sont désorientées, car elles ne comprennent plus où l’on va. Elles ont bien raison. La liquidation boiteuse de promesses électoralistes ne fait pas une politique. Les beaux discours dans des lieux inspirés non plus. Emmanuel Macron a pris trois demi-mesures indispensables mais trop faibles :

-          Il a supprimé partiellement l’IF et liquidé l’intégration des revenus du capital financier dans l’impôt sur le revenu. Ces deux mesures étaient strictement indispensables. Vous n’investissez plus quand on vous prend les deux tiers du gain potentiel et que le résultat résiduel sera repris pourcent par pourcent le reste de votre vie. Tout le monde comprend qu’il aurait fallu totalement supprimer l’ISF et sortir les revenus locatifs de l’IR avec les mêmes règles que pour les revenus du capital financier. L’opposition entre capital financier bénéfique et capital immobilier néfaste est totalement ridicule. Tenter de raconter et justifier médiatiquement cette histoire est un effort désespéré et perdu d’avance.

-          Les socialistes depuis Mitterrand, avec aggravation sous Jospin et Hollande, ont bloqué les relations entre employeurs et salariés, sous prétexte d’un affranchissement qui n’avait pas de sens, en mettant les juges au côté des salariés abusifs. Emmanuel Macron a partiellement levé cette mise sous tutelle abusive. Mais là encore, trop peu, tout en cédant à la démagogie des ONG partisanes.

-          Le statut de cheminots qui permet de maintenir des sureffectifs démesurés qui tuent l’entreprise devait être supprimé. On ne l’a fait que pour les nouveaux entrants. Ce qui est une demi-mesure. Même si elle va « dans le bon sens ».

Les difficultés de la France sont si importantes, avec un risque si grand de retour de bâton violent dès qu’on quittera le sommet du cycle conjoncturel, et que les taux d’intérêt se remettront à la hausse, qu’il est plus que regrettable que les grandes mesures de fonds n’aient pas été prises.

-          Oui, il faut revenir aux quarante heures

-          Oui, il faut passer l’âge de la retraite à 66 ou 67 ans, tout en alignant tous les régimes de retraite sur celui du privé, sauf rares exceptions.

-          Oui, il faut revoir le droit de grève et le financement syndical

-          Oui, il faut empêcher que les municipalités puissent endetter massivement leurs administrés tout en poussant à des niveaux absurdes les prélèvements locaux, comme à Paris.

-          Oui, il faut réduire drastiquement le nombre des contrats de fonctionnaires, en renvoyant à la contractualisation l'ensemble des personnels actuels, sauf le 1 à 2 % d’encadrement stable qu’il faut maintenir et renforcer.

-          Oui, il faut réduire de plus de 250 000 unités en cinq ans les effectifs publics et parapublics.

-          Oui, il faut réformer lourdement le financement du chômage qui maintient trop de personnes trop longtemps dans la trappe à pauvreté subventionnée.

-          Oui, il faut réformer la couverture du petit risque et réduire les abus de la gratuité (personnes allant voir 30 ou quarante fois par an un médecin sans être malade ; abus d’arrêts de travail, médecine du travail inutile et trop coûteuse ; etc.).

-          Oui il faut réformer la gouvernance soviétique du secteur médical en France, avec un gonflement gigantesque des postes fonctionnels au détriment des postes opérationnels.

-          Oui, il faut déplacer massivement le financement de la sécurité sociale de l’entreprise vers les ménages, comme en Suisse. Un citoyen doit savoir dès le départ qu’il aura à payer quoi qu’il en pense et sa taxe locale et sa sécurité sociale mutualisée.

-          Oui il faut supprimer le SMIC national et revenir à des minima par branches et régionalisés, négociés par les parties prenantes, supprimant toute tentation d’augmentations politiques.

-          Oui, il faut transférer sur la TVA une bonne part des charges patronales.

-          Oui il faut baisser massivement les taux et étendre à tous l’assiette de l’IR.

-          Oui il faut se mettre en position de mener une diplomatie de la prospérité ce qui implique d’avoir des propositions de réformes lourdes de la zone euro (avec confiscation des trop gros excédents) et du système monétaire international.

-          Oui, il faut reprendre une politique nataliste en France.

A cela devrait s’ajouter quelques mesures de souveraineté afin de pouvoir retrouver la possibilité d’agir au lieu de subir.

-          Oui, il faut revoir le code de la nationalité et le code des étrangers, pour permettre une véritable intégration sans substitution de population, tout en palliant partiellement la crise de natalité.

-          Oui, il faut mettre fin au « gouvernement des juges », au « justicialisme » et à la pénalisation sans fin de la vie courante des Français.

-          Oui, il faut donner au souverain le pouvoir de surpasser les règles énoncées par le CEDH

Au lieu de se lancer franchement sur ces pistes où des réformes massives sont indispensables sous risques proches d’effondrement lors du retournement de conjoncture et de la hausse des taux, Emmanuel Macron fait du surplace tourne en rond. Sa boussole s’affole. Ses partisans sont désorientés. Les citoyens attendent, avec de moins en moins de bienveillance.

Macron paie sa campagne électorale démagogique et comme Hollande, la mollesse des réformes entreprises sous fond d’emprise aggravée de l’Énarchie Compassionnelle et de fiscalité aggravée de façon démentielle. Il doit donc s'exprimer devant le Congrès pour fixer un nouveau cap. Gageons qu’il essaiera à nouveau de gommer son image de « président des riches », et qu’il cédera à ceux qui lui demandent de marcher sur une jambe de droite mais surtout une jambe de gauche. Malheureusement la jambe de gauche est un pilon qui s’enfonce dans la bouillasse de la pauvreté et du chômage. Et la droite, affolée d’avoir été éjectée par des mesures totalement démagogiques qu’elle n’avait pas osé suggérer, tente de se relancer par plus de démagogie encore, comme ce coup de pouce au Smic qui a fait tant de mal à l’emploi dans ce pays.

Nous ne pouvons que lui suggérer d’ignorer ces approches de petite politique. La vraie question est de sortir la France de ses tares anciennes et de faire face aux nouvelles menaces qui sont déjà actives.

Plus questions d’enfantillages.

Mai 1968 et la monnaie

Cette question n’a jamais été réellement posée jusqu’ici, mais ne manque pas d’importance.

En mai 1968, les autorités n’ont réussi à terminer la grève quasi générale qu’en lâchant les accords de Grenelle qui ont eu pour conséquences immédiates la dévaluation du Franc, afin de reprendre le plus vite possible les avantages intenables qui avaient été concédés et ne pas mettre totalement hors-jeu l’industrie et l’emploi français.

Épreuve écrite :

Que se passerait-il dans des circonstances similaires du fait qu’on ne peut plus dévaluer une monnaie nationale ?

Vous avez quatre heures.

Épreuve orale :

Depuis 1967 de Gaulle ferraillait dur contre le dollar et le Gold Exchange Standard et pour qu’on en revienne à l’étalon-or. Les évènements de mai allaient le mettre immédiatement hors course. S’en était définitivement fini d’une revendication française en matière de système monétaire international. Certains complotistes ont vu dans ces manifestations l’effet de la CIA justement pour pérenniser le rôle du dollar.

Que se serait-il passé si la situation était restée normale ? De Gaulle et Rueff auraient-ils pu provoquer une réforme du système monétaire international et éviter l’explosion de 1971 ?

Vous avez une heure.

Quand les économistes anglo-saxons viennent à nos thèses

Nous ne recopions jamais d'articles de presse sur ce blog. Nous allons faire une exception avec cet article d'un économiste anglo-saxon qui montre que les mentalités et les analyses évoluent dans les milieux qui ont nié le plus longtemps et avec le plus d'acharnement les dysfonctionnements d'une économie internationale basée sur les changes flottants. Nos thèses cessent d'être totalement marginales et désormais, après quarante ans, arrivent dans le "mainstream".

Que 2018 voit d'autres progrès dans ce sens et bonne et heureuse année à tous nos lecteurs.

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Typically over the past 200 years, the international monetary systems that have governed the global economy have lasted between 25 to 35 years. The current system, which has been in operation since the end of Bretton Woods in 1971-73, is 44 years old. Reflecting its longevity and its construct, this system has outlived its usefulness. Replacing it with an international one, which restricts the role of money creation, would go a long way towards solving many of the world’s main political and economic challenges. The modus operandi of this current system is the primary reason we have such populist and divisive politics across much of the west. In particular, this system explains the gap between the “haves” and “have nots”, and it is the reason we have had a “debt supercycle”, subsequent financial crisis and 10 years of fiscal austerity. This current international monetary system is the first, other than during and immediately after periods of global war, that has operated in an unanchored liquidity environment. This, with the 1980s financial deregulation and subsequent three rounds of Basel rules, has enabled the biggest global debt build-up ever recorded in history. That debt is the primary reason for high house prices. The absence of housing supply, while true in localised parts of the west, is a false narrative. An analysis of the UK economy makes the point. Over the past 40 years, mortgage debt has increased eightfold in real terms while excess housing supply as a share of total housing stocks has been increasing, not decreasing, over the past 20 years. Similar growth in household indebtedness has also been experienced in Australia, Canada, Denmark and New Zealand, to name a few. With that, the prima facie role of the commercial banking sector has changed dramatically. In 1980 in the UK and much of the west, the mortgage loan book of the commercial banks was effectively zero. Today, mortgage debt accounts for between 40-75 per cent of the loan books of most western banking systems. The continual reduction in risk weightings for mortgages by successive rounds of Basel rules has, along with this current monetary system, facilitated that rapid growth in mortgage debt. Currently in the UK, for example, risk weightings on mortgage debt are running at about 13 per cent across the main commercial banks. That figure is similar in the Australian, Canadian and other banking systems. In contrast, risk weightings for corporate loans remain at 100 per cent. In effect, therefore, banks need to charge approximately eight times as much interest on a corporate loan to make the same return on capital. That skewed incentive to encourage mortgage lending (into unproductive assets) rather than lending into the corporate sector (into potentially productive assets) is one of the reasons for the poor productivity outcomes in the west. More importantly, the policy response to the indebtedness crisis has further undermined the productive potential of the UK and western economies as ultra-loose money forestalls the Schumpeterian forces of creative destruction. The Bank of International Settlement’s analysis of western zombie companies illustrates the point — zombies in this context are defined as businesses that are unable to cover their interest expense with their earnings before interest and taxes. It shows a trend of a rising share of zombies in the corporate base in the west since the early 2000s (the beginning of ultra-easy money). Breaking that down into an individual country analysis shows the trend is widespread across western and large emerging market economies. Indeed, Japan is the only exception — arguably illustrating that time is one healer of the debt deflationary forces faced by the west. A corporate base with a high share of zombies is a weakened corporate base with productivity growth therefore undermined. That then feeds into poor real wage growth and divisive politics. As such, a return to an anchored international monetary system, while painful en route, should bring about much more widespread real income growth and therefore wealth accumulation. It should, if properly designed, re-orient house prices back towards more normal long-term valuation levels, thereby improving affordability and, by anchoring liquidity provision, it should also bring about less asset price-intensive and more productivity-rich economic growth. With that, politics can once again become more inclusive and less divisive and extreme. Achieving this should be the primary goal of the G20 — or the very least that of the three major currency areas in the global economy (US, eurozone and China). While currently a speculative bubble, cryptocurrencies, if embraced in this new model, would have the potential to realise their true purpose.

Chris Watling, chief executive and chief market strategist at Longview Economics

Le cycle décennal a-t-il disparu ?

Le cycle « décennal » est une des réalités les plus ancrées de notre histoire économique moderne, c’est à dire depuis l’émergence d’une économie capitaliste basée sur le crédit bancaire.  On suit sa trace depuis au moins deux siècles.  Pour s’en tenir aux dernières cinquante années, on passe de la crise de 73-74, à celle du début des années 80,  de la récession sévère de 1992-93 à la crise du début des années 2000  et finalement à la crise dramatique de 2008-2009.

Le schéma était parfaitement répétitif : une crise molle après une crise forte, un démarrage aux Etats Unis et dans les pays les plus engagés dans le commerce international qui se répandait ensuite à travers le monde, un choc boursier et bancaire qui se communiquait à l’économie réelle.

Naturellement il ne faut pas imaginer un cycle économique avec l’esprit de la mécanique. Les périodes ne sont pas strictement de dix ans. L’intervalle des crises peut se situer entre 6 et 12 ans. Les mécanismes sont toujours un peu différents, parce qu’une crise survient en général là où on l’attend pas.

Depuis Clément Juglar qui est le premier à s’y attacher, on sait que la cause principale des crises est le crédit bancaire. Dans une période d’euphorie, les agents sont pleins d’optimisme et surinvestissent. L’expansion est financée par le crédit bancaire. Mais le surinvestissement guette. Lorsque l’offre a dépassé trop la demande, certains crédits se trouvent aventurés et ne peuvent plus être remboursés. Les banques vacillent, le crédit se bloque, les pertes d’accumulent. L’économie connait une dégringolade jusqu’à ce que les pertes soient absorbées. Elle repart alors du fait de son dynamisme intrinsèque.

L’erreur de Juglar, souvent répétées depuis, a été de croire que l’économétrie permettrait de prévoir les crises. Ses modèles se sont plantés justement parce que l’affaire est largement psychologique et que chaque crise est légèrement ou profondément différente de la précédente dans ses conditions de déclenchement et ses modalités de détail. La structure de l’économie change et les problématiques internes se déplacent. Le cycle se situe toujours dans un contexte politique, économique, administratif, qui évolue. Difficile de comprendre la crise de 29 sans tenir compte de la guerre de 14. Les crises récentes ne sont pas sans liens avec le système monétaire international.  Ce n’est pas la même chose qu’une économie où les états ne dépensent pas plus de 20% du PIB et une autre où ils dépensent 58%. De même une économie basée d’abord sur l’agriculture, n’est pas exactement la même qu’une économie de l’information.

Il n’empêche que les crises décennales sont principalement endogènes. Les idées dominantes, mais fausses, de notre époque, sur jouent le rôle des « cygnes noirs » et des chocs externes. La « disruption » a explosé dans le vocabulaire de la crise pour dédouaner les vraies responsables et leur permettre de maintenir des systèmes dangereux et explosifs. Elles sont même doublement endogènes. Le rôle du crédit et de son cycle psychologique est majeur. Chaque marché a son propre cycle. Le cycle du bâtiment est un cycle long. Le cycle de l’automobile est associé au marché du renouvellement. Il est plus court.  L’équipement de maison a aussi sa périodicité qui correspond au vieillissement et au jeu des générations.  En fait presque tout est cyclique dans les marchés. Que l’on pense simplement aux saisonnalités. On peut imaginer une théorie des cycles qui ressemble à celles des vagues : la houle et le vent peuvent s’annuler ou se conjuguer et parfois générer une vague scélérate qui balaie tout.

Entre les variations de contexte et les vagues internes à chaque marché, qui sont en constante transformation (le boom de la téléphone mobile n’a pas exactement les mêmes conséquences que celui du chemin de fer au XIXème siècle), il est parfaitement normal que le cycle décennal ait toujours présenté des variances assez profondes.

Les seuls points récurrents : le décalage entre les crédits souscrits et la capacité des marchés à rentabiliser les investissements faits, avec des conséquences bancaires majeures ; la correction violente et universelle des marchés financiers ; le désordre dans le commerce international.

Avec l’abandon des disciplines de Bretton Woods, le monde a vu revenir les crises dures. Les énormes déséquilibres de balances de paiements, par le jeu des doubles pyramides de crédit décrites par Jacques Rueff, nous ont fait passé progressivement à une économie baudruche, avec un ralentissement constant du rythme de la croissance et tous les 20 ans une crise extrêmement sévère (73-4, 92-3, 08-09 ).

La dernière a même été si sévère et la récession si profonde, qu’elle a changé radicalement les conditions habituelles de la réflexion économique. « Cette fois ci ce n’est plus la même chose ».  Elle a pris complètement à revers les économistes qui comme Rogoff considéraient que le cycle n’existait plus et qu’on avait trouvé la clé d’une croissance heureuse, permanente et  sans crise, et aussi  toutes les politiques mondialisantes basées sur des marchés ouverts, régulés par les seules banques centrales, et supposés s’ajuster moins brutalement quand on leur lâchait totalement la bride.  

La seule politique économique globale qui pouvait être menée sans casser tous les codes de la mondialisation américaine était d’étouffer les banques tout en alimentant les Etats en argent gratuit pour faire face à des endettements publics devenus monstrueux. Cet endettement supposait que la fiscalité soit augmentée également massivement. On a donc vu pendant 10 ans une économie mondiale entièrement entravée par les dettes, les pertes bancaires à écluser progressivement et les impôts. La peur étant partout et l’espoir nulle part, nous avons connu une économie vacillante et incohérente où la spéculation restait la maîtresse du jeu et l’investissement un fantôme.

La peur d’une nouvelle crise bancaire qui n’aurait pas pu être jugulée et qui aurait tout emporté a provoqué la mise en œuvre d’un étouffement bancaire absolument invraisemblable. Tout mouvement de fonds est épié et dénoncé. Il faut justifier toute entrée d’argent et toute sortie. Les banques ont été autorisées à taxer l’usager en même temps qu’on imposait le passage par les banques pour tout mouvement de fonds, même faible. L’argent des banques centrales a été canalisé vers les Etats pour leur permettre de respirer.  Les taux très bas ont rallumé partout la spéculation et la hausse des marchés financiers,  surtout aux Etats-Unis, sauvés partiellement par leur rôle d’émetteur de la monnaie mondiale et la moindre sujétion de leurs banques. Le Financial Times de la semaine dernière a publié d’excellents graphiques qui montraient que la monnaie créée n’allait que très partiellement vers l’économie réelle sous forme d’investissement industriels ou commerciaux. Les sociétés côtés préféraient convertir leur cash en hausse des cours par annulation d ‘actions plutôt que de l’investir.  

La reprise d’après récession se produisait en général trois à quatre ans après la pointe de la récession. Elle pouvait être assez rapide.  Il a fallu cette fois-ci attendre 2015-2016 pour voir se rallumer les feux d’une reprise, soit sept à huit ans. Un retard de trois-quatre ans, avec des taux de croissance ridicules de 1 à 2%. 2017 a vu une accélération de cette reprise, avec le rallumage de deux moteurs essentiels : le commerce international et l’investissement productif. Mais c’est la reprise de l’immobilier qui a dessiné l’essentiel du mouvement de hausse du PIB, du fait des taux d’intérêt historiquement faibles. Et les banques centrales se sont vite inquiétées de l’arbitrage des grandes entreprises empruntant à tout va du fait du différentiel entre le coût du capital et celui de la dette. Les banques centrales appuient donc en même temps sur le frein et sur l’accélérateur. Plus aucune décision n’est prise en fonction des marchés mais uniquement des opportunités d’argent gratuit.  

Quels que soient les déséquilibres, les grands instituts prévoient comme d’habitude une bonne prochaine année et une année suivante encore meilleure. Les modèles de prévisions étant toujours basés sur des projections fondées sur les évolutions du passé récent, que l’on corrige de façon stochastique, quand cela va mieux cela va toujours aller encore mieux. Nous voici donc avec des prévisions très favorables pour les deux années qui viennent, l’OFCE allant jusqu’à prévoir cinq années de croissance continue et créatrices en emplois.

Du coup, où est passé le cycle décennal ? Est-il mort et enterré ?

Dans un premier schéma nous avons imaginé que le scénario habituel pourrait provoquer une accélération de la croissance en 2016-2017 avec un ressac en fin d’année. Nous l’avons corrigé en allongeant la séquence. Dans cet esprit, le cycle aurait été simplement déplacé dans le temps. La reprise ayant trois ans de retard, la mini récession « décennale » aurait elle-même trois ans de retard. Sachant que l’intervalle moyen est de 8.8 ans, nous passerions à 11/12 ans, ce qui nous amène plutôt à 2019-2020.  C’est plus que notre dernier recadrage qui envisageait un risque de mini correction conjoncturelle entre 2018 et 2019, ce qui est incompatible avec les prévisions du FMI, de l’OCDE, de la BCE, bref de tout le monde.  Si l’OFCE a raison, qui ne voit aucun recul pendant de longues années, il n’y aurait pas retard du cycle mais disparition du cycle.

Faut-il croire à la disparition du cycle ?

On ne peut pas nier que certains arguments sont solides. Comme nous l’avons vu le moteur des crises est l’exubérance bancaire et un optimisme qui se débride totalement. Or le moteur bancaire a été totalement étouffé par la réglementation et le poids des pertes accumulées. Il n’y a pas (pas encore) d’euphorie. Curieusement, les investisseurs mondiaux se sont mis à croire au cycle et voient dans le décalage entre la valorisation boursière et le niveau des cours une cause d’inquiétude. Deux ingrédients majeurs d’un renversement de cycle manquent.

Bien sûr la réactivation d’une croissance tirée par le commerce international ( entre 4 et 5% en 2017) relance les risques de déséquilibres majeurs de balances de paiements, avec leurs effets habituels de création monétaire sans contrepartie, en même temps que l’absence de la récession attendue pour 2017-2018 est de nature à faire renaître l’idée qu’un monde nouveau sans récession est en train d‘advenir. On peut également remarquer que les contraintes bancaires ont provoqué le développement d’une finance extra bancaire non régulée et mal connue qui a également ses propres dangers.

Comme toujours si un craquement doit se produire, il prendra les observateurs par surprise. Réciproquement la grande surprise serait qu’une croissance continue et forte se mette en place pour de longues années, sans le moindre cahot.

A ce stade nous préférons encore parler de cycle différé. Mais l’affaire devient intéressante.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile

Anniversaire du blocage financier de 2007 : toujours les mêmes erreurs

En dix ans aucun progrès dans la compréhension des mécanismes du désastre

On pourrait penser qu’avec le temps, la crise de 2008 aurait été comprise dans la totalité de ses dimensions et qu’on éviterait, 10 ans après le blocage du marché interbancaire dès l’été 2007, anticipant la récession globale, les mêmes fausses explications et les mêmes simplismes qui ont été la règle dans les instances officielles et, par contagion, dans la presse. Le côté amusant de l’affaire est de voir coexister un commentaire débile et sa réfutation sous forme graphique dans mille exemples publiés dans le même journal ou dans les diverses publications du jour. Comme si les chiffres étaient une décoration et qu’il n’importait pas de faire le lien entre l’histoire qu’ils racontent et le commentaire.

On ne veut accabler personne et surtout pas les journalistes : ils travaillent avec les interprétations fournies par les instances officielles, mais certains parviennent à un degré de représentation des erreurs ambiantes qui mérite d’être honoré.

Prenons par exemple, parmi plusieurs autres du même tabac, l’article de François Vidal dans Les Échos du 7 août.

Première erreur : la crise a été provoquée par « la bombe à fragmentation des subprimes américaines » (sic). Les subprimes, représentent 600 milliards de dollars de dettes difficiles à recouvrer. Au final, on trouvera 300 milliards de pertes. C’est grave. Coupable même, tant les risques associés aux mécanismes et aux pratiques de ce marché étaient visibles. Mais la perte globale internationale  est de 10 000 à 12 000 milliards de dollars. C’est ce désastre qui allait mettre les banques mondiales au tapis, pas les subprimes. Les subprimes ont joué le rôle de l’allumette. C’est bien ce marché qui a bloqué les relations interbancaires. Mais la bombe était ailleurs et c’est l’explosion de la bombe qui a fait mal. Si HBOS et Lloyds ont liquidé 67 000 salariés sur 135 000, ce n’est pas à cause des subprimes. Si RBS a fait de même (69 000 sur 135 000 également) ce n’est pas pour cela non plus. Si les banques centrales ont gonflé de 12 000 à 13 000 milliards de dollars leurs en-cours et proposé des intérêts négatifs sur une longue durée, du jamais vu historique, ce n’est pas pour couvrir 300 milliards de pertes, couvertes facilement  par le Trésor américain et les amendes internationales que les États-Unis ont imposées aux banques mondiales.

Deuxième d’erreur : « des progrès spectaculaires ont été faits pour domestiquer la planète finance ». N’ayant aucune idée des sources du délire financier qui s’est emparé de la planète en question, le commentateur ne peut que répéter des banalités faciles. Rappelons que la crise est associée aux énormes déficits américains et excédents croisés au Japon, en Chine et en Allemagne. Par le mécanisme de la double pyramide de crédits démontrés par Rueff et Allais, on sait que ces énormes flux financiers et monétaires ont provoqué l’apparition d’une économie baudruche où l’argent n’allait plus principalement aux investissements productifs mais à des spéculations sur des possibles gains en valeur. Le haut de bilan a remplacé le compte d'exploitation.  Et la spéculation généralisée s’est envolée à des sommets intenables. On a depuis essayé d’étouffer l’amplificateur bancaire qui a été la principale victime de l’explosion mais on n’a rien touché des causes. Aujourd’hui encore l’Allemagne la Chine et le Japon ont accumulé environ 1 000 milliards de dollars de bons du trésor américain.  Ces flux ont les mêmes conséquences. La planète finance n’est en rien domestiquée. Elle panse ses plaies et a le plus grand mal à purger ses pertes accumulées dont l’essentiel a été caché pendant des années. L’Europe a été trop loin dans la mise en place de règles constrictives dont les banques américaines se sont libérées très vite, ce qui leur a permis de revenir à une meilleure situation. La finance grise a repris une bonne partie de la spéculation faite par les banques de dépôts, les banques universelles et les banques d’affaires. L’auteur de l’article le souligne. Mais il ne voit pas que des bulles existent partout. Elles exploseront comme d'habitude. Le journal Les Échos le confirme lui-même dans la même édition en citant le fait que le Nickel a vu son cours augmenté de 18 % depuis juin. La preuve explicite que « la planète finance est domestiquée » !

Troisième erreur : « En Europe la création de l’union bancaire et la correction des déséquilibres de la zone euro ont renforcé la solidité du secteur ».

L’union bancaire n’a rien renforcé du tout. Les instances fédéralistes ont profité de la crise pour pousser leur avantage et imposer une réforme qui n’apporte rien de fondamental sinon plus de pouvoir européen et moins de responsabilités nationales. Quant aux déséquilibres de la zone Euro, il suffit de voir, en interne, les excédents de l’Allemagne, jamais plus importants (voir un de nos articles récents), pour vérifier qu’il n’y a eu aucune correction. En externe ce n’est pas mal non plus. Le déficit de la zone euro vis-à-vis de la Chine est 146 milliards d’euros en 2016 !

Quatrième erreur : « C’est toujours sur les épaules d’une poignée de banquiers centraux que repose le sort de la finance comme de l’économie mondiale ».

L’illusion que les marchés fonctionnent bien sous la houlette bénéfique des banques centrales est une des sottises du temps. Les équilibres macroéconomiques ne dépendent que marginalement des banquiers centraux. Ils sont de la responsabilité des États et des politiques économiques et sociales menées, ainsi que du cadre institutionnel global. Si ces politiques sont non coopératives (ou coopérative uniquement dans les mots) et poussent à de graves déséquilibres, et si les institutions n’imposent pas les comportements correctifs nécessaires, alors c’est l’économie dans son ensemble qui devient dysfonctionnelle. Le fait que les banquiers centraux soient à ce point sollicités montre bien que le système global est vicié et pas autre chose.

Rappelons un dernier chiffre : le déficit commercial des États-Unis vis-à-vis de la Chine est de 347 milliards de dollars en 2016. Cet afflux de dollars a mis en branle une bulle de crédits en Chine que tout le monde constate. Comme les dollars eux-mêmes sont replacés finalement aux États unis, ils y créent une bulle de création monétaire qui explique la hausse historique des bourses locales et la meilleure santé des institutions financières américaines, au prix de placements toujours aussi spéculatifs. La crainte commence à entourer à nouveau le dollar. Voici que l’Euro remonte. Merci pour les équilibres et l’action régulatrice des banques centrales.

À force de ne jamais faire les bons diagnostics, on finit par n’écrire que des bêtises sans rapport avec les réalités.

Consternant.

Edmund Phelps : « La Prospérité de Masse » - Odile Jacob

Une pensée réellement originale et utile totalement étrangère en France

J’ai croisé pour la première fois les travaux d’Edmund Phelps à la fin des années soixante. La thèse de doctorat que je préparais concernait la prévision à long terme. Plus j’avançais dans ce travail, moins il m’apparaissait que cet exercice fut, sinon utile, du moins possible. Comme mon directeur de thèse vivait de la passion de l’époque pour le futur, les tensions grandissaient. Le travail universitaire est ainsi fait qu’il me fallait trouver des études extérieures corroborant les hypothèses désagréables que j’avais émises. Il n’y en avait pas. Sauf un texte d’un certain Edmund Phelps qui expliquait très justement que l’économie concurrentielle était fondée sur l’imagination et la rupture et que toute prévision longue n’avait strictement aucun sens, ce que la suite allait prouver au-delà de toute contestation. Cette référence entraîna le retrait immédiat de mon directeur de thèse, peu soucieux de travailler contre son gagne-pain. La connaissance n’est pas la seule mamelle de l’Université, ni l’objectivité et le courage intellectuel. La mode de la futurologie est passée depuis longtemps. RIP.

Edmund Phelps a, lui, continué à montrer une capacité à s’investir dans les grands problèmes économiques sans préjugés ni révérences excessives aux anciens. On reconnaît les grands maîtres à ce qu’ils s'attaquent aux grandes questions. Quel était le drame intellectuel de la science économique à la fin des années soixante ? Deux branches contradictoires de la discipline s’étaient développées en parallèle : la microéconomie et la macroéconomie. Pour simplifier, l'économie basée sur le modèle Pareto-Walrasien, et l’économie keynésienne fondée sur le jeu de variables globales. Les professeurs d’économie prudents, comme Raymond Barre en France ou Samuelson aux États-Unis, se sont contentés, dans leurs manuels, de faire coexister les deux mondes sans tenter de les réconcilier. Dans le premier tome de son manuel Barre explique que les crises ne sont pas possibles car les marchés réagissent pour « revenir à l’équilibre ». Dans le second il explique comment on jugule les crises… Edmund a essayé pour sa part de fusionner les deux mondes et de montrer comment on pouvait tenter de créer une explication microéconomique de la macro. On peut juger qu’il n’y a pas totalement réussi. Mais il a ouvert de nombreuses portes, et partiellement démonté les thèses keynésiennes. C’est cet effort qui lui a valu un prix Nobel mérité (ce qui est rare), car il a réellement influencé la manière de penser l’économie, tout du moins hors de France.

Son dernier livre, Prospérité de Masse, chez Odile Jacob, porte toujours la marque des grands. La question la plus importante du moment est bien la prospérité générale. La crise de 2008 et la stagnation qui a suivi ont frappé les esprits et les petits penseurs se sont tous lancés dans des explications abracabrantesques sur la fin d’un monde livré aux robots, aux codeurs et à Uber qui ne pouvaient que créer les conditions d’une régression misérabiliste.

Edmund Phelps considère à juste titre qu’il faut d’abord comprendre la nature exacte de la rupture totale avec le monde ancien qui s’est produite, selon lui, de façon différentielle, au XIXe siècle et qui a provoqué l’énorme croissance subséquente.

Il va le faire de façon plutôt iconoclaste par rapport aux grandes machineries historiques qui ont cours. Il n’hésite pas à contredire de nombreux grands auteurs comme Marx, Keynes mais aussi Schumpeter ou Max Weber, ce qui surprendra des lecteurs habitués à entendre des louanges constantes sur ces deux auteurs.

Le traducteur n’a pas dû s’amuser. L’auteur n’a pas la rigueur conceptuelle des grands philosophes et il a du mal à forger les mots qui vont avec ses concepts (et réciproquement). Ne donnons qu’un exemple, mais il y en a beaucoup d’autres : l’auteur distingue le capitalisme marchand et une économie « moderne » très différente qui s’est imposée dans quelques endroits privilégiés après elle. Il ne peut plus employer le mot capitalisme pour qualifier ce nouvel état, puisqu’il préexiste dans un état différent. D’où ce concept de « modernité » qui s’appuie sur un mot-valise et creux qui dessert son propos. Heureusement si l’esprit anglo-saxon ne porte pas aux rigueurs conceptuelles kantiennes, il n’interdit pas de se faire comprendre, même si c’est au prix de très nombreuses redites et de quelques abus de mots.

Décrire et expliquer les conditions de cette économie moderne voire « résolument moderne » est l’objet premier du livre. Démontrer que la force culturelle de cette économie est essentielle et qu’il faut la renforcer encore pour construire une prospérité de masse en est le second but. Constater que c’est le contraire qui a été fait depuis les années soixante aux États-Unis donne, pour l’auteur, l’explication de la stagnation actuelle.

Nous laissons au lecteur le soin de lire et de digérer ces analyses qui le surprendront tant les concepts sont loin de ce dont il a l’habitude. L’auteur cite beaucoup d’auteurs américains qui sont de parfaits inconnus en France. Il pratique un américanocentrisme typique des auteurs américains pour qui l'économie est d’abord celle des États-Unis

S’il prend soin de passer le cap de la surprise et de la nouveauté totale, le lecteur accédera à de très nombreuses idées intéressantes. Nous y attachons de l’importance parce qu’elles recoupent beaucoup des observations que nous faisons nous-mêmes, si on nous pardonne ce narcissisme déplacé. Inutile d’en faire l'inventaire exhaustif ici, mais comment ne pas comprendre que la ville, la démographie nombreuse, l’esprit critique, l’imagination, la volonté de réussir sa vie, le rejet des corporatismes d’état, le sens de l’avenir, la réflexion libre, le plaisir de l’action collective avec des résultats, le sentiment du bien commun, la « vie belle », le goût pour les fruits du succès, la fierté d’une innovation réussie, l’acceptation de voir des situations acquises se perdre, sont les moteurs indispensables du dynamisme économique. Comment ne pas accepter l’idée que le système économique le plus juste est celui qui permet au plus pauvre d’être le moins pauvre possible. La prospérité est le fruit d’une acceptation collective que l’innovation et la productivité permettront de faire mieux que le conservatisme et l’étatisme.

Comme nous, Edmund Phelps refuse les explications simplistes ou mécanistes. Non l’explosion économique des cent dernières années n’est pas principalement liée aux grandes inventions. La connaissance n’est pas seulement celle des sciences mais aussi l’expérience accumulée sur le terrain par des millions de personnes qui apprennent patiemment les mille et une règles essentielles à la maîtrise des domaines que l’imagination et le rêve ouvrent en permanence à l’esprit d’entreprise. Les grandes masses ne jouent pas le rôle qu’on affirme trop légèrement. L’accumulation de capital ne suffit pas à provoquer la prospérité. Le gonflement étatiste de la demande globale ne suffit pas à créer de la croissance etc. « L’Europe tuera son économie aussi longtemps qu’elle s’accrochera à sa conviction qu’une économie corporatiste peut produire une stabilité et une harmonie inaccessibles au capitalisme sans rien perdre de son dynamisme ». Edmund Phelps n’est pas favorable à ce que nous appelons « l’énarchie compassionnelle », dont le triomphe électoral récent en France nous laisse sceptique.

Trois évènements qui ne sont pas cités dans le livre viennent corroborer le caractère populaire de ce qu’il appelle l’économie d’innovation et de dynamisme, l’économie « moderne ».

Lors de la chute du mur les socialistes démocratiques de l’Europe de l’Est ont cru leur temps arrivé : le visage humain du socialisme allait séduire les foules énamourées. Toute la jeunesse s’est précipitée dans la joie de l’autonomie et du dynamisme personnel, cherchant les libertés d’agir en toute autonomie, loin des verbiages d’un état moralisateur. À Cuba, la possibilité d’avoir un tant soit peu d’autonomie loin des haut-parleurs de la propagande castriste a fait naître des milliers de micro-entreprises. En France, Huber a vu l'émergence d’une classe de fils d’immigrés sans diplômes heureux d’agir en toute autonomie. Le 9.3 s’est retrouvé avec de l’espoir.

La pulsion de l’autonomie, de la construction de soi-même, de l’imagination de son cadre professionnel, du travail intellectuel de maîtrise d’environnements nouveaux, offrant à l'esprit de nouveaux vecteurs d’application, là se trouve le cœur du dynamisme de l’économie prospère. A contrario : le « retour à l'obsession prémoderne du patrimoine, […] a poussé toute une génération à dédaigner la créativité, l’exploration et la découverte. Avec l’émergence d’une culture prémoderne et médiévale des droits acquis, de la suffisance, du conformisme et de la dépendance vis-à-vis du groupe, on a assisté à un déclin du vitalisme et du « faire » ».

Donc du dynamisme endogène.

Les idées d’un Phelps ne sont jamais présentes et encore moins discutées en France dans les médias qui se contentent de ressasser des idées pré calibrées et de juger en fonction de cases prédéfinies. Lire Phelps est un exercice contre la sclérose. Les imbéciles à œillères idéologiques le classeront stupidement dans les « libéraux » incoercibles, ce qu’il n’est pas. Phelps n’est pas Ayn Rand. Il n’hésite pas à contredire Von Mises et Hayek. Nos contempteurs, si jamais ils se commettaient à lire le livre, seraient étonnés du nombre d’institutions et de comportements, propres au capitalisme actuel, que l’auteur condamne. Il analyse de très nombreuses évolutions, notamment financières, qui vont dans le sens de l’étouffement du dynamisme, du renforcement des situations acquises, du refus des remises en cause progressistes des manières de faire.

Est-ce à dire qu’Edmund Phelps est totalement convaincant ? La grande faiblesse du livre est de ne pas prendre acte de la bascule du début des années soixante-dix. Il voit bien qu’il y a un avant et un après, mais il n’explique pas pourquoi. Il glose énormément sur les conséquences et les comportements qui ont renforcé les difficultés, mais il n’analyse pas les causes. Le système monétaire international est totalement absent de ses réflexions. Même s’il admet que certaines institutions sont dysfonctionnelles, il ne voit pas que les changes flottants et les déséquilibres monstrueux de balances de paiement sont à l’origine de pratiquement tous les maux de détails qu’il souligne. De même il laisse de côté totalement la question de l’énergie et celle de l’écologie et du développement durable.

Cela tient à son parti pris ancien d’expliquer le macroéconomique exclusivement par le microéconomique. Cette tentative a largement avorté sur un plan universitaire et théorique. Maintenir cet angle de vue inexact lui interdit l’analyse de grandes erreurs dommageables dont beaucoup sont la cause des phénomènes qu’il dénonce.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.

La réforme fondamentale (suite)

Nous proposons une réforme du système monétaire international en deux temps : d’abord la zone Euro puis l’ensemble du monde. La zone Euro disposant, avec Target, d’un mécanisme centralisateur des balances monétaires entre les pays membres, elle possède immédiatement l’infrastructure pour passer aux actes. Pour le monde, il faut revoir le FMI pour qu’il joue le même rôle de compensation des soldes financiers en unité de compte unifiée internationale. Cela implique que les DTS soient convertis en Unités de comptes internationales effectives, ou que l’on crée une unité de valeur internationalement admise, quelle qu’elle soit, à condition que ce ne soit pas une monnaie nationale.

Rappelons le mécanisme exposé dans notre précédent billet : les soldes sont taxés de façon progressive en fonction de leur ampleur déraisonnable, afin d’éviter le gonflement de la mécanique des doubles spirales de crédits qui entraînent automatiquement des dégâts catastrophiques à plus ou moins court terme. On réduit la spéculation et l’ampleur des mouvements de capitaux à court terme, sans empêcher ou entraver aucune opération individuelle.

Si un pays commence à accumuler les excédents monétaires, ce qui est d’ores et déjà interdit par la légalité internationale, une partie de ses liquidités est confisquée par la communauté, privant son système bancaire et sa banque centrale des avoirs correspondants. Les positions trop excédentaires n’ayant plus d’intérêt ne seront plus recherchées. Réciproquement si les excédents sont réduits, les déficits le sont ipso facto puisque le jeu financier global se fait à somme nulle.

La solution est différente des mécanismes actuels du FMI qui fonctionnent sur la base de dépôts prêtés sous conditions. Il diffère grandement du MES, mécanisme européen de stabilité, qui lui aussi fonctionne à partir d’engagements conditionnels de prêts.

La ponction est automatique et n’exige aucune négociation. Les ressources ainsi dégagées, qui n’ont pas vocation à être permanente, puisqu’on souhaite que les gros déséquilibres disparaissent, sont à réutiliser pour obtenir la plus forte croissance possible, c’est-à-dire pour éviter les déflations, lorsqu’un accident se produit. L’emploi des sommes peut passer par les mécanismes existants aussi bien au MES qu’au FMI.

La solution n’a rien à voir avec la Taxe Tobin qui ne s’inquiétait que de la volatilité des changes du fait des mouvements de capitaux à court terme, dans un système de changes flottants. La taxe Tobin supposait que l’on agisse sur chaque mouvement de fond, indifférencié, pensait que les individus rationnels seraient le moteur de la correction souhaitée. Les États n’avaient rien à faire sinon encaisser. On a vu que les idées de dépenses n’ont pas manqué, puisqu’on lui a affecté la pauvreté, puis l’eau, puis le réchauffement climatique, puis la santé…

Elle n’a rien à voir non plus avec l’étouffement des banques auquel on assiste depuis 2008. Étouffer l’amplificateur a plus d’inconvénients que réduire le débit excessif de la source. Là encore, cela permettait de mettre en apparence hors-jeu les États en s’appuyant uniquement sur des institutions intermédiaires. Comme pour la taxe Tobin, la mesure étouffe le bon comme le mauvais et la tentative de séparer dans la masse des crédits le bon grain de l’ivraie est largement une illusion.

Il ne faut pas s’attaquer aux flux individuels mais aux stocks résultants de situations de déséquilibre intenables ou inacceptables. Et pour cela actionner le niveau opérationnel : les États. Cela fait maintenant des lustres que nous dénonçons l’idée que seules les banques centrales peuvent agir.

Voir par exemple :

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2008/7/6/Crise-conomique--les-quatre-erreurs--viter

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2008/12/9/Les-certitudes-dans-la-crise-mondiale-2--limpuissance-des-banques-centrales

Il est assez facile de démontrer qu’une croissance aussi déséquilibrée que celle que l’on connaît depuis 1971 aurait été lissée dans un tel système et qu’au lieu d’une croissance par substitution, on aurait connu un rattrapage des pays ruinés par le socialisme par homothétie imitative. Nous ne nous retrouverions pas avec une telle tension sur l’emploi dans les anciens pays développés. De même les pays pétroliers auraient été obligés de dépenser leurs excédents par achats à l’étranger au lieu d’accumuler des réserves et de tenter d’acheter le capital étranger.

La question de la transition est assez facile en Europe : plus personne n’accepte le système déflationniste actuel et si on le laisse en l’état, il explosera. Et plutôt vite.

La transition internationale est possible aujourd’hui que les États-Unis prétendent réduire leurs déficits. Croire qu’en tapant sur les pays excédentaires à coups de taxes sur les produits importés de 20 % ils amélioreront leur situation est illusoire et mortel pour la coopération atlantique. Les Russes ont intérêt à la stabilisation du Rouble, et les Chinois du Yuan.

Si l’Europe met en place préalablement le système que nous proposons, elle sera en position de force pour l’étendre.

La solution est la seule bonne et la situation commence à être mûre pour son adoption.

Il serait peut-être temps que l’ensemble de la communauté des économistes européens commence à embrayer. Il y a de la place pour eux dans cette perspective.

Sur la question du nom du système, les réponses sont ouvertes. Il faut rappeler que le mécanisme avait été proposé sous une variante par Keynes dès juillet 1940, à la suite d’une suggestion allemande…

Plan International de Compensation Monétaire, PICOM, en anglais International Monetary Compensation Plan, serait un nom clair pour ce mécanisme.

Reformulons :

-          L’Europe doit être en place sans tarder un Plan International de Compensation Monétaire

-          The IMF should promote an international Monetary Compensation Plan.

En fait rien n’est plus urgent.

Depuis des lustres, nous avertissons : « attention à la colère des peuples ». L’effondrement des systèmes électoraux des pays du sud de l’Europe, France comprise, comme le montrent les élections présidentielles actuelles qui mènent à une crise institutionnelle et au n’importe quoi économique, est malheureusement le début d’un processus délétère qui peut conduire l’Europe et le monde vers le n’importe quoi généralisé, voire la guerre.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile.



La réforme fondamentale, base de toute diplomatie de la prospérité

La légalité internationale telle que définie par les statuts du FMI est qu'il ne doit y avoir ni déficits ni excédents importants et permanents dans les relations économiques entre États. Elle correspond à un point de doctrine qui fait l'unanimité de la science économique : les grands excédents permanents créent les conditions de déséquilibres encore plus grands qui finissent toujours mal. Les grands déficits peuvent provoquer des récessions majeures collectives.

La règle est violée tous les jours depuis 1971, y compris dans la zone Euro qui n'a pas de mécanismes d'ajustements par les changes.

Des organismes internationaux et des États qui violent tous les jours les traités et les lois élémentaires de l'économie donnent un spectacle lamentable et choquant. La base de toute diplomatie de la prospérité est qu’on mette fin à ce scandale qui est à la base de l’effondrement continu de l’économie mondiale.

Le tableau dit « Target 2 » que nous donnons ci-dessous, affiche les positions des pays de la zone Euro les uns vis-à-vis des autres. Il est le principal levier qui permet de montrer l'inanité des politiques actuelles. Les déséquilibres de balances sont phénoménaux et durent indéfiniment. La solution est simple : la taxation progressive automatique des grands excédents et des grands déficits, pour alimenter un fond de désendettement et de secours mutuel.

Dans le cas de l'Eurosystème la meilleure solution serait une captation de :

- 5 % de l'excédent au-delà de 1 %

- 10 % au-delà de 1.5 %

- 20 % au-delà de 2 %

- 30 % au-delà de 2.5 %

- 40 % au-delà de 3 %

- 50 % au-delà de 3.5 %

- 60 % au-delà de 4 %

- 80 % au-delà de 5 %

- 100 % au-delà de 9 %.

La Hollande aurait du souci à se faire. L’Allemagne aussi.

Pour les déficits, la peine doit être évidemment moins importante, puisqu’il va y avoir nécessité d’un ajustement :

- 1 % de pénalités au-delà de 2 % sur l’en-cours du déficit.

- 3 % de pénalité au-delà de 3 %

- 10 % au-delà de 4 %.

Une procédure d’alerte serait mise en place dès que les seuils seraient franchis. Les sommes étant prélevées directement dans les comptes de la BCE, les États n’auraient pas leur mot à dire. À eux de prendre les mesures qu’il faut pour respecter rester dans les clous.

Il y a fort à parier qu’ils agiraient vite pour éviter les conséquences.

On notera que ce système peut être également implanté à l’échelon international mais là il faut revoir le système des changes : changes fixes avec une chambre unique de compensation, avec une monnaie de compte internationale distincte de celle des États et possibilité de dévaluation concertée.

Au moins les systèmes monétaires européens et mondiaux seraient cohérents entre eux. Il est à noter que le système s’appliquera aussi bien aux États-Unis qu’à la Chine, à l’Allemagne qu’aux Pays-Bas, et à la zone Euro globalement vis-à-vis du FMI.

À partir du moment où le monde entier est passé aux monnaies artificielles, multipliables à l’infini, ce mécanisme est le seul qui respecte à la fois les décisions souveraines de chacun tout en faisant respecter une règle commune indiscutable dans sa logique économique et déjà intégrée dans les traités en tant que norme.

Avec un tel système, les pays sont obligés au jour le jour de faire attention à leurs soldes extérieurs. Les banques des pays qui ont accumulé des excédents massifs sont privées de la possibilité de multiplier les excédents. La double pyramide de dettes s’arrête automatiquement.

Il appartient à chaque pays de régler sa compétitivité pour n’avoir ni déficits ni excédents massifs permanents. Cela vaut pour les pays pétroliers dont la rente ne peut pas servir à des financements extérieurs ni au rachat du capital des entreprises étrangères mais à des achats de biens et de services.

Naturellement il faut changer quelque peu l’organisation du FMI qui ne devient plus exclusivement un organisme de prêts conditionnels avec des dépôts collectifs. De même la gestion du fonds de compensation doit être détachée de la BCE et géré par un Chancelier de la Zone Euro.

On renforcera le système en l’associant avec quelques mesures simples comme l’interdiction de « shorter une monnaie », avec des sanctions magistrales dont on sait qu’elles sont désormais faciles à mettre en œuvre, et la désintégration des banques universelles, en séparant banques de paiements et banques de crédits d’un côté, banques de crédits et banques d’investissements de l’autre. On aboutirait à une grande stabilité monétaire sans pousser personne à la déflation. L’absence de gros déséquilibres empêcherait la capture de l’industrie par quelques grands pays jouant la carte de la productivité à outrance ou bénéficiant de rentes de situation qui n’ont de valeur que parce que les autres sont là.

Le trend de croissance pourrait se redresser durablement sans le risque de crises périodiques explosives. La concurrence étant équilibrée, le travail s’échangerait contre du travail et on ne constaterait pas dans les pays développés l’effondrement actuel des emplois salariés. Les restrictions malsaines aux échanges seraient inutiles.

Le nombre de fonctionnaires internationaux pour faire vivre un tel système n’aurait pas besoin d’être très important. En fait le système est pratiquement automatique.

Il n’y a jamais de panacée. Mais un bon cadre qui régit sainement les rapports entre les mastodontes que sont les grands États, leurs institutions financières et les multinationales, offre le meilleur choix d’un retour à la prospérité générale.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes E-toile.



Pire que le CETA, le TFTEA

Les Etats-Unis veulent se substituer aux institutions multilatérales

On a vu que la traité commercial avec la Canada a poursuivi son chemin européen dans le dos des gouvernements et des peuples, pour être avalisé par le Parlement Européen. Rappelons que lors des élections européennes aucun des candidats n’a exposé de programme. On a voté pour des étiquettes. Etiquettes sans véritable sens, puisque le Parlement Européen cherche une certaine unanimité gauche-droite. Aucun des candidats élus ne s’est présenté en chantant « vive le CETA ». Ou quoi que ce soit d’autre. A droite, ils ont dit : « Je suis de droite et très européen, c’est pour cela qu’on m’a choisi comme candidat ». A gauche ils ont dit : « Je suis de gauche et très européen ». Idem pour les différentes nuances de centristes, toute fédéralistes. Jamais la moindre question sur le programme.

Rappelons que M. Hollande s’est opposé au CETA ainsi que toute la gauche auto-présentée comme « vraiment de gauche » ainsi que la droite de Fillon à Mme Le Pen. Le seul candidat aux prochaines élections présidentielles françaises  qui a souscrit au CETA sans même savoir ce que contenait le traité est M. Macron, qui a annoncé un soutien inconditionnel à l’Europe et à l’Euro avec des cris éraillés que d’aucun, naguère, aurait comparé à ceux du plus scabreux des cabris.

Il est intéressant de constater l’inexistence pendant ce processus de tout article ou émission dans les médias français, qui, de fait, ne couvrent pas le travail des institutions européennes.  Au moment où le CETA était discuté, une émission publique comme C’est dans l’air a traité 18 fois sur 20, sur le mode chasse à l’homme, le dossier de Mme Pénélope Fillon et jamais du CETA, comme si cela n’avait aucune importance.  Il faut dire qu’aucun des grands rapports économiques qui sont tombés récemment n’ont fait l’objet de la moindre analyse un peu poussée.

Il semble que pour les journalistes français, à quelques exceptions près, la question la plus importante soit aujourd’hui d’apprécier les effets électoraux de l’alliance phénoménale celée par un inconnu nommé Jadot et un ancien ministre, de toute petit envergure,  démissionnaire d’un gouvernement Hollande, ou de peser les risques et avantages électoraux, pour M. Macron, du ralliement d’un vieux ouistiti de la politique politicienne dont l’actif électoral est d’avoir pulvérisé façon puzzle les formations politiques qu’il était parvenu à diriger. Jouer au petit cheval électoral est sans conteste plus amusant que s’attaquer aux questions nationales et internationales les plus graves. 

C’est sans doute pour cela que personne en France ne connait la Section  701 du Trade Facilitation and Trade Enforcement Act de 2015. Le TFTEA est sans toute la législation américaine la plus significative de l’effondrement du monde rooseveltien mis en place à la fin de la guerre de quarante. Il annonce Trump avant Trump. Si vous en parlez, sans préciser les dates, vous constaterez que interlocuteurs ont tous la même réaction : « Ce Trump quel sale type, il est en train de tout casser ».  L’ennui est qu’il s’agit d’une loi Obama. La seule nouveauté est l’annonce par Trump qu’il va s’appuyer sur ses dispositions pour attaquer les pays avec qui les Etats-Unis ont un  déficit afin de pouvoir les soumettre à des sanctions diverses.

Il est à noter qu’aucun organe de presse français, ni aucun média radio diffusé ou télévisés n’ont jamais parlé de ce texte, en dépit de son caractère totalement abusif, nationaliste et hystérique. Seul Le Temps aura eu la bonne idée de soulever ce lièvre, parce que la Suisse se retrouve aujourd’hui dans le collimateur. 

Que dit donc ce TFTEA ?

La loi prévoit des outils  de reporting et de monitoring qui permettent de mesurer et de sanctionner les pays qui pratiquent une politique de change que les Etats-Unis considèrent  comme nuisibles aux intérêts américains. En fait, compte tenu du caractère structurellement déficitaire des comptes extérieurs américains, la seule question qui est examinée est la sous-évaluation alléguée de certaines monnaies. Le but est de forcer le « partenaire » en excédent à prendre lui-même des mesures visant à brider son excédent vis-à-vis des Etats-Unis. 

Les pays qui ne se soumettent pas peuvent faire l’objet plusieurs types de  sanctions :

-       Arrêt des financements américains

-       Arrêt des achats dans le pays

-       Action auprès du FMI

-       Blocage des négociations commerciales tant que la question monétaire n’est pas réglée 

Un conseil de neuf membres est chargé de faire des observations en fonction des statistiques et des faits relevés.

Ce texte a été voté définitivement le 24 février 2016 et donc a force de loi depuis un an exactement.

 

Ce texte en apparence peu problématique pose deux questions fondamentales :

-       Il appartient normalement au FMI de surveiller les relations monétaires internationales. Pourquoi faut-il qu’un pays particulier double son action ?

-       Les statuts du FMI condamnent et les gros déficits et les gros excédents. Pourquoi a-t-on toléré qu’ils enflent pendant quarante cinq ans et pourquoi les Etats-Unis ne parlent-ils que des pays en excédent ?

Même si le texte fait sa génuflexion devant les règles du  FMI, il montre que les Etats-Unis  sont prêts à imposer leur propre interprétation et veulent pouvoir agir de leur propre chef en dehors de tout contexte multinational. C’est une violation totale de l’esprit du monde voulu par Roosevelt à la fin de la seconde guerre mondiale. Le multilatéralisme est remplacé par l’analyse et l’action unilatérales des Etats-Unis.

Les Etats-Unis ne retiennent des statuts du FMI qu’une seule face : les gros excédents vis-à-vis d’eux. Mais ils laissent de côtés les gros déficits. Or les gros excédents et les gros déficits vont ensemble et ils sont le fruit à la fois de décisions dans le pays excédentaire et dans les pays déficitaires. Une politique équilibrée est d’agir sur les deux côtés à la fois. La loi viole les statuts du FMI tout en faisant semblant de les appliquer. Plus hypocrite, on ne peut pas !

C’était au FMI d’agir. Il en a les moyens. Mais depuis l’abandon des accords de Bretton Woods, après la voie de fait commise par les américains qui ont refusé d’honorer leur engagement de conversion en or des créances internationales en dollar, ce qui s’appelle un défaut, les changes flottants sont censés fixer le cours des devises. En vérité le marché des devises est totalement entre les mains d’un très petit nombre d’opérateurs comme quelques scandales récents l’ont montré, et la flottaison créée une instabilité artificielle.

Si les résultats ne sont pas conformes aux intérêts américains, c’est, pour les Etats- Unis, qu’un pays voyou trouble le libre jeu du marché. Tout cela est une fable puisque le dollar est la monnaie du monde et finance les transactions internationales. Il faut donc un déficit américain pour fournir la liquidité internationale. Ce défaut est structurel et non lié à l’action de vilains à sanctionner.

Les Américains se croient suffisamment forts pour avoir le beurre et l’argent du beurre : la monnaie internationale qui leur permet de financer leur déficit dans leur monnaie ; l’obligation pour les autres de corriger inlassablement la contrepartie de ce laxisme abusif. De même qu’ils se savaient assez forts pour imposer au monde le non remboursement en or de leurs dettes. Au passage, si un pays quittant l’euro proposait de rembourser sa dette internationale dans sa monnaie nationale, ce serait faire exactement comme les Américains en 1971. 

Conformément à la loi les autorités américaines viennent de produire leur première revue du comportement de leurs « partenaires ». On peut le lire à l’adresse ci-dessous.

 https://www.treasury.gov/resource-center/international/exchange-rate-policies/Documents/2016-10-14%20%28Fall%202016%20FX%20Report%29%20FINAL.PDF

Plusieurs pays ont été ciblés dont la Suisse et l’Allemagne. On sait que Schaüble, le ministre des finances allemand,  a déjà répondu au rapport en expliquant que le change de l’Euro lui échappait complètement. La BCE est indépendante, n’est-ce pas ?  La Suisse, elle,  déjà lourdement sanctionnée à plusieurs titres par le gouvernement américain, s’inquiète sérieusement.

Très clairement une guerre est en cours qui vise à imposer aux partenaires créditeurs des Etats-Unis d’accroître de facto leurs importations américaines.

Plus grave, les Américains se flattent d’avoir imposé leurs vues aussi bien au FMI, que dans les différents G, G7, G8, G20, ainsi que lors de la discussion de plusieurs traités comme le Traité Transatlantique.

Nous considérons cette soumission à la puissance américaine comme choquante et  inacceptable.

 

La bonne réaction devrait être la suivante :

 

-       Nulle monnaie nationale ne peut être la monnaie de facto du monde, car sinon les déficits deviennent automatiques

-       Les changes flottants ne fonctionnent pas et ont permis d’énormes excédents et d’énormes déficits conjoints, en violation des statuts du FMI. L’idée que les marchés donnent une image pure et vraie des changes est totalement fausse et le sera toujours quand une banque centrale peut émettre un montant de monnaie supérieur au PIB d’un pays et que l’Etat collecte plus ou moins la moitié du PIB.

-       L’effort doit venir également des pays en déficits et de ceux en excédents

-       Il faut recréer un système monétaire basé sur les changes fixes et un mécanisme automatique de sanction des grands excédents et des grands déficits. Par exemple 15% de l’excédent serait prélevé par le FMI et 10% des déficits. Les sommes collectées serviraient à alimenter un fonds de stabilisation permettant de vaincre toute spéculation.  

-       Ce même mécanisme doit être instauré au sein de la zone Euro : avec une pénalisation un peu plus forte compte tenu de la difficulté des ajustements (on ne peut plus dévaluer).  Des pénalités de 30% pour les gros excédents et 15% pour les pays avec de gros déficits seraient raisonnables.

En attendant, il faut cesser de passer tout accord commercial tant que l’objectif monétaire n’est pas atteint. C’est pour cela que l’affaire du CETA est grave. La France et l’Europe n’ont rien fait rien dit et cette soumission a empêché que la question monétaire soit posée.

Les Etats Unis ne peuvent pas dire que l’Europe n’a pas le droit de lier monnaie et commerce : leur propre texte institue cette règle !

Il y a bien là une voie de sortie de la crise.

Personne dans les médias français n’en parlera. Je ne suis même pas sûr que, dans les allées des pouvoirs européens, il existe une seule personne sensibilisée à cette problématique. Ignorance et soumission sont les tétons de la France et les mamelles de l’Europe.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

Trump : une dénonciation raisonnable des énormes déséquilibres mondiaux ?

Non car il ne voit pas que les Etats-Unis en sont la cause...

Depuis 1997, date à laquelle nous avons commencé à nous exprimer en public, nous ne cessons de répéter : "attention à la colère des peuples". Reprenant le message de Maurice Allais et avant lui de Jacques Rueff, nous avons tenté d'avertir que les dysfonctionnements graves du système monétaire international et l'idéologie de l'ouverture maximale aux libertés économiques sans aucune organisation régulatrice, sinon quelques producteurs de règles marginalisés et sans importance pratique, menaient à une crise économique permanente et à la colère des peuples.

Nous avons défini la crise comme la conjonction de trois évolutions destructrices : la baisse du trend de croissance, la violence de plus en plus grande des crises périodiques et l'envolée de la dette. Nous avons condamnée la création d'une "économie baudruche" résultant du recyclage des énormes déficits et excédents extérieurs que les autorités mondiales ont laissé se perpétuer en dépit des statuts formels du FMI, article 1, et des nombreuses explications de la crise de 1929 basées sur le développement de tels déséquilibres.

Alors oui, les déficits monstrueux sont bien au cœur du problème économique mondial.

Lors que Trump "cuicuite" que ces déficits sont intolérables et met en cause l'Allemagne et la Chine, voire le Mexique et le monde entier, il touche un nerf à vif. Mais réaction inflammatoire n'est pas raison. Les excédents monstrueux sont la contrepartie des déficits américains monstrueux. Et il y a déficits monstrueux parce que le dollar est la monnaie du monde et que les Etats-Unis abusent de ce privilège depuis 1971. En faisant sombrer pour des raisons exclusivement politique et militaire les accords de Bretton Woods et en détachant le dollar de l'or, tout en annonçant que leur puissance leur permettrait une politique sans frein de "benign neglect", en bon français de négligence criminelle, ils sont les premiers responsables de  l'instauration d'un système qui ne tient pas compte des leçons de la crise des échanges mondiaux de 1918-1940 et qui ne pouvait que s'effondrer. 

Il appartenait aux pays européens et aux autres pays du monde de protester contre le système des changes flottants et des hyper déséquilibres. Ils ne l'ont pas fait. Pour les alliés des Etats-Unis, par soumission pure et simple. Cela a donné les accords de la Jamaïque source de toutes les difficultés ultérieures. Quant aux pays libérés du socialisme, le modèle allemand et japonais leur a paru le meilleur : construire leur croissance sur la captation de la production mondiale  en profitant de la pauvreté de leur travailleur, en accumulant les excédents  contrepartie des déficits américains.

Au lieu d'avoir cherché une croissance homothétique, on a pratiqué une croissance substitutive. L'Allemagne a totalement capté l'industrie mécanique en Europe et verrouillé une grande partie de ce secteur dans le monde entier. L'Inde et le Pakistan ont capté  des secteurs entiers du textile et du médicament.  Le Japon tient des secteurs industriels entiers, comme les motos, la photo et l'électronique grand public. La Chine est devenue l'atelier du monde. Cette politique a accru les déséquilibres et la vulnérabilité économique.

Les énormes excédents, alimentés par les énormes déficits américains, ont créé une liquidité effarante parce qu'il fallait bien faire quelque chose des dizaines de milliers de milliards de monnaie accumulée. La finance internationale les a recyclés dans les pays déficitaires provoquant une montée inexorable de la dette globale. Ne trouvant plus à s'employer dans la création de richesse, les dettes ont alimenté des "créations de valeurs" détachées de la production. Bien sûrs ces bulles ont toutes fini par éclater.

La situation de Trump est impossible. Il ne peut  dénoncer que les excédents des autres alors qu'ils sont jumeaux des déficits américains. Il ne peut en aucun cas envisager une réorganisation du système monétaire mondial  basé sur l'introduction des changes fixes et  l'interdiction des grands déficits autant que des grands excédents, avec création d'une monnaie de compte internationale différente du dollar.

Donc tout cela ne peut conduire qu'à des désordres et des discordes.

La réponse de l'Allemagne est parfaitement débile : "si nous avons des excédents, c'est à cause de la BCE et du change trop bas de l'Euro. Rien à voir avec nous". Mais pas un mot sur les excédents monstrueux de l'Allemagne au sein même de la zone Euro.

La révolte électorale des peuples occidentaux vivant en démocratie a eu comme conséquence de mettre à nu la cause principale de la crise : les énormes déficits et excédents croisés que l'on retrouve aussi bien dans la zone Euro que dans le monde. A ce jour cela n'a eu comme conséquence que des propos sur la responsabilité des autres de la part des Etats coupables, puissants, sûrs d'eux-mêmes et dominateurs.

Il est clair qu'on ne peut en sortir que par la création d'un système global qui pousse structurellement à l'équilibre des échanges, donc au retour de changes fixes mais ajustables avec une tension internationale pour agir dès que les déséquilibres se forment.

Il appartient au FMI de mettre en avant l'article 1 de ses statuts et de proposer les voies et moyens d'un retour à un système équilibré.

Il aurait été aussi nécessaire que la France porte la voix de la raison. Mais dans l'état où elle se trouve, probablement le plus navrant  de son histoire récente, elle préfère discuter des préférences sexuelles d'un certain Monsieur Macron, dresser des piloris médiatiques débiles, pousser l'exaspération de tous, trouver d'une extrême intelligence que l'on dise dans la même phrase que les robots ouvrant une période où le travail humain ne trouvera plus de rôle et qu'il faut distribuer un revenu universel et taxer les robots, c'est-à-dire supprimer la source de la production redistribuée, où les hauts fonctionnaires violent leur mission pour sauver leurs privilèges, où les juges violent le droit qu'ils sont chargés d'appliquer et où les policiers enfoncent mais par accident une matraque télescopique  dans le fondement des délinquants.

Jamais la France n'aura été plus inutile au monde, prolégomènes d'une sorti e de l'histoire aussi médiocre que ses dirigeants, ses journalistes, ses hauts fonctionnaires, ses enseignants d'université et que la mentalité publique  qui prévaut .

Jamais le monde aura été plus près du diagnostic de la crise et plus loin de la solution.

Changer la "globalisation" ?

L'explosion en plein vol de l'économie baudruche qui a gonflé inlassablement à partir de l'abandon des disciplines de Bretton Woods en 1971 a eu comme première conséquence, que nous n'avons cessé de souligner dès 2008 et qui a été totalement sous-estimée par les commentateurs, l'arrêt des financements internationaux, chaque banque cherchant son salut dans son pré carré national et ses autorités de tutelles. L'arrêt de l'énorme spéculation sur les matières premières internationales, y compris le pétrole, associé au repli des banques, a désorganisé les flux commerciaux usuels.

Comme souvent, les mentalités ont été en retard sur les faits. On demande de partout une "pause dans la globalisation" alors qu'elle est largement arrêtée depuis plusieurs années !

Tout le monde n'a pas été aveugle :

"Le ralentissement prononcé de la globalisation est en partie conjoncturel, lié aux effets de la crise, ainsi qu’au ralentissement de l’économie chinoise". « Il est aussi le résultat de la multiplication des barrières aux échanges et du protectionnisme ainsi que des limites atteintes par la baisse des coûts du transport », ajoute Thomas Held, auteur d’un article annonçant en 2012 que « la déglobalisation a commencé ».

La campagne réussie de Donald Trump, venant après le Brexit, met à mal une autre vue conventionnelle : la "mondialisation néolibérale" aurait été une exigence des "Anglo-saxons". Pour une bonne partie des observateurs dans les médias ou les institutions officielles, "l'horreur de la globalisation" est née de l'élection de Thatcher et Reagan. Et on nous annonce une "horreur de la déglobalisation" associée à l'élection du "monstre" Trump…

Du coup, voilà qu'on demande de partout une "nouvelle globalisation". En France et à gauche, c'est Picketty qui s'y colle dans un article du Monde.

Pour lui il ne faut pas revenir au temps des replis, identitaires et économiques, mais lier les négociations multilatérales commerciales avec "des objectifs plus élevés". Le commerce : pouah ! Mais, puisqu'il en faut, assujettissons à son développement des objectifs dignes d'une humanité supérieure. Dans son esprit, la lutte contre le réchauffement climatique et les inégalités.

Il se trouve que nous-mêmes proposons depuis très longtemps de lier l'ouverture des échanges internationaux à une  autre réforme : celle du système monétaire international. La solution est logique : un achat est toujours constitué d'un mouvement de monnaie et d'un mouvement de marchandise. On ne peut pas s'intéresser à un seul pan de la transaction, en imaginant que la monnaie est un "voile", une huile de graissage, permettant de faciliter les échanges. Si les échanges sont très déséquilibrés cela veut dire que des stocks d'excédents monétaires se forment et on sait très bien, notamment depuis Rueff, qu'ils provoquent des doubles hélices de crédits et poussent l'économie mondiale dans le fameux mode baudruche que nous avons connu pendant quarante ans, avec explosion finale. On doit donc associer le développement des échanges internationaux avec des institutions et des règles qui permettent la stabilité relative des changes, l'absence de spéculation désordonnée sur les monnaies, et l'atténuation des déséquilibres des échanges. Oui, CETA et TAFTA auraient dû être associés à une refonte du système monétaire international.

Pour Picketty, obsédé par le contenu de l'assiette du voisin, ces questions ne se posent pas. Les inégalités sont le problème fondamental. Mais voilà, la globalisation a provoqué  une réduction des inégalités :

« La globalisation a fortement réduit la pauvreté dans le monde et accru le niveau de vie dans tous les pays ouverts aux échanges, en particulier en Suisse. C’est elle qui a permis d’atteindre les objectifs de développement des Nations unies », renchérit Martin Eichler, chef économiste de BAK Basel.

Il est très difficile, pour un socialiste, de constater que les Républiques Socialistes de l'Est et de l'Orient avaient réduit leurs peuples à la misère de masse. Lorsque ces régimes sont tombés, comme l'URSS, ou se sont profondément réorganisés, comme la Chine et l'Inde, un énorme écart est apparu entre les niveaux de vie occidentaux et ceux de ces pays. Une femme vivant à la campagne en Ukraine ne gagnait pas plus de 100 euros par mois ; une paysanne collectivisée chinoise pas plus de 50. La fin des guérillas communistes dans les pays pauvres d'Afrique et d'Amérique du sud, a également permis une reprise de la prospérité. On a donc assisté à un rattrapage économique dans toutes ces nations qui s'est traduit globalement par une réduction massive de la pauvreté et des inégalités. Il faut vivre dans une bulle obsessionnelle pour ne pas voir que la globalisation est, historiquement, une baisse massive des inégalités mondiales  et que ce rattrapage a eu pour conséquence des difficultés certaines pour les secteurs ouvriers occidentaux, mis en concurrence avec des pauvres bien décidés à rattraper leur niveau de revenu et de consommation. On peut analyser en partie le rejet de la mondialisation dans les pays développés comme une révolte des classes moyennes mises en concurrence avec les parties plus pauvres du monde. Si on n'avait pas connu 75 ans de socialisme, le besoin de rattrapage aurait été moindre et les tensions en Occident moins sensibles. C'est malheureusement le genre de constat , en dépit de l'énormité de son évidence, qui ne peut pas être simplement imaginé par un socialiste marxisant.

Non M. Picketty la question de la mondialisation n'est pas la création d'immenses inégalités, puisque ce sont les immenses inégalités imposées par le socialisme violent qui s'estompent avec la globalisation !

Quant au réchauffement climatique, il tient à tellement de comportements qui n'ont rien à voir avec les échanges commerciaux, qu'on ne voit pas ce qu'ils devraient faire dans une négociation commerciale. On retrouve là la tentation permanente des ONG de l'ONU de faire de la morale avec des instruments qui n'ont rien à voir. On l'avait déjà constaté avec la taxe Tobin, sujet technique, transformé, avec mauvaise foi, en instrument de financement de toute une série d'objectifs d'abord sociaux puis écologiques. Dans sa dernière formulation elle devrait permettre de financer la transition énergétique des pays du sud. Sortir le monde de la pauvreté d'un claquement de doigt n'est plus à la mode !

La COB 21 a démontré que des conférences internationales ad hoc avaient leur efficacité. Pourquoi détourner d'autres négociations pour traiter des mêmes questions ? Lorsqu’on parle d'échanges de produits, il est vrai que les normes de production interviennent, qu'elles soient de santé publique ou sociales (travail des enfants par exemple). Mais les négociations actuelles entre Occidentaux concernent essentiellement le secteur des services qui n'a aucune influence climatique avérée. Quant à la Chine, la question actuelle est de savoir s'il faut lui reconnaître le statut d'économie de marché, avec des conséquences de compétition aggravée et dans le système actuel, un risque aggravé de déséquilibres massifs. L'écologie n'a pas sa place dans cette discussion. En revanche les énormes excédents chinois, leur formation et leur emploi, ainsi que le choix de la monnaie internationale à utiliser en Europe pour échanger avec la Chine, sont des thèmes de discussions aussi majeurs que totalement mis à l'écart. Là est le scandale.

Il faut associer la relance de l'économie internationale à une refonte profonde du système monétaire international, avec condamnation effective des gros excédents et des gros déficits. Mais, décidément non. Il ne faut pas fourvoyer les discussions sur le commerce international et la globalisation des échanges dans des discussions qui ressortissent d'un autre registre.

Si on avait, dès le changement de stratégie économique de la Chine, imposé un contrôle de l'équilibre des échanges commerciaux et évité les énormes déficits américains et leurs excédents symétriques en Chine, la Chine aurait cru un peu moins vite et en contrôlant mieux sa pollution et les classes moyennes américaines auraient moins souffert, avec un dérapage moindre des inégalités de rémunérations. Les classes moyennes européennes aussi. Ce qui vaut pour la Chine vaut aussi pour tous les pays à rattrapage.

Réformer le système monétaire va donc dans le sens d'une moindre pollution et de moindres inégalités dans les pays développés. C'est à cette bataille-là que Picketty devrait se joindre, car là est le chemin.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile

Attention à la colère des peuples !

Depuis huit ans déjà nous supplions les grands dirigeants occidentaux de faire" attention à la colère des peuples". Le "benign neglect" n'est pas seulement dans l'attitude américaine vis-à-vis du dollar. Il l'est aussi dans l'attitude des "élites gouvernementales" et leur support dans les médias vis-à-vis des classes populaires et des nouveaux entrants sur le marché du travail, pas seulement en Occident. Le retard colossal de niveau de vie accumulé par les pays ex-socialistes a créé une telle différence de coût avec l'Occident capitaliste et libéral, qu'il était tentant de l'exploiter. Mais cela ne pouvait pas faire au détriment des masses dans les pays industrialisés. Il fallait que le rattrapage nécessaire se fasse par imitation, pas par substitution. Dans la pratique, cela signifiait qu'il fallait limiter les très grands excédents dans les pays en rattrapage et les très grands déficits dans les pays plus riches.

Malheureusement l'abandon des disciplines de Bretton Woods n'offrait plus aucune garantie de ce côté-là. Bien au contraire. Les conséquences ont été désastreuses. Il était impossible que quarante années de réduction du taux de croissance, jusqu'à la stagnation actuelle, d'aggravation des crises périodiques et de montée ahurissante de la dette, jusqu'à l'asphyxie actuelle, n'aient pas de conséquences. L'explosion de 2008 a eu des conséquences fatales un peu partout. Les "printemps arabes" en ont été une première conséquence. La montée des mouvements anti-système en Europe une seconde manifestation. La réaction russe a été ce que l'on a vu : une fuite en avant dans la violence pour faire oublier l'effondrement économique.

Toutes ces ruptures portaient leçon : il fallait vite comprendre les ressorts de la crise et les juguler. On a rien fait, sinon bricoler des règles bancaires tout à fait secondaires.

L'importance que nous avons accordée aux mouvements de l'opinion en France, à droite, avec Zemmour, Buisson, Finkielkraut, à gauche avec la montée d'une gauche anti-système, traduisait le sentiment qu'un glissement tectonique était en train de se produire. Le principe des trois libertés de circulation des hommes, des capitaux et des marchandises était en train d'être rejeté, non pas dans les médias et des milieux politiques installés, mais au cœur même des populations.

L'élection de Trump a causé la mort brutale de deux composantes fondamentales de notre ordre politico-économique :

- Le monde rooseveltien d'après guerre est mourant

- Un certain politiquement correct est mort.

La curiosité est de constater que le couperet est venu du monde anglo-saxon qui était le promoteur principal du monde rooseveltien, les autres pays se contentant de suivre, si on fait exception de la réaction islamique commencée avec Khomeiny en Iran dès la fin des années soixante-dix, prolongée avec Al Qaeda et qui nous donnes aujourd'hui aussi bien la Turquie d'Erdogan que Daesh.

La première attaque contre la vision de Roosevelt est venue de la guerre froide : en dépit des très nombreux dirigeants américains qui avaient des risettes à Staline en le croyant accessible aux droits de l'homme, il a bien fallu exclure le monde socialiste soviétique de l'idée occidentale d'une société libre et coopérative. Mais pas totalement. L'ONU est restée un lieu de dialogue multilatéral. L'effondrement de l'URSS et le ralliement de la Chine offraient depuis 1990 le moyen de réunifier le rêve de Roosevelt d'un monde uni dans la prospérité et l'exercice des libertés fondamentales. Cela ne pouvait pas passer par le seul consensus de Washington.

La seconde attaque est venue des Etats-Unis eux-mêmes qui ont fait sauter, comme nous l'avons dit, les accords de Bretton Woods et entraîné le monde dans le système fou des changes flottants et des monnaies non coopératives. La destruction du système monétaire international a conduit les institutions internationales construites à Bretton Woods à perdurer dans leur être en se concentrant sur la mondialisation libérale. Alors que le libre-échange était le pendant du versant monétaire, il est devenu une forme de religion obligée qui devait tout balayer des anciennes souverainetés, si possible au profit des Américains et de leurs entreprises. L'ennui, c'est que l'ouverture commerciale sans contrepartie monétaire solide ne mène qu'au désordre. En croyant bénéficier du privilège d'un étalon dollar de fait, les Etats-Unis ont creusé tous leurs déficits et créé des excédents symétriques dévastateurs. Du coup la classe moyenne américaine a été exposée et les déséquilibres financiers et monétaires majeurs ont conduit, certes, à des profits historiques pour les très grands groupes mondialisés, mais au détriment de la classe moyenne américaine et aussi des finances américaines puisque les profits taxables restaient à l'étranger.

Du coup, c'est tout le système de Roosevelt qui est tombé par terre. La coopération libre mais organisée sombre. Au lieu de corriger les erreurs de 1971, on se raidit et c'est tout l'Occident et ses alliés, comme le Japon qui se tirent une balle dans le pied. On ne voit pas comment un homme comme Trump pourrait accepter qu'on crée un système monétaire mondial stable et paritaire. En revanche il pourrait militer fortement pour la fin des grands excédents commerciaux en Allemagne, en Chine, au Japon, dans les pays du Golfe etc. Un premier pas.

Quant au "politiquement correct sociétaliste", qui se double dans des pays comme la France d'un "politiquement correct socialiste", il se trouve décontenancé. La liberté de circulation des hommes est rejetée si elle se traduit par l'effondrement culturel du pays, l'irrédentisme d'immigrés aux religions farouchement anti-occidentales, allant jusqu'aux attentats de masse, l'afflux de Roms reconstituant un ordre mendiant dans des pays où cette engeance avait disparu depuis longtemps, les atteintes permanentes aux libertés concrètes comme au mode de vie depuis que certains veulent imposer "les pauvres" "jusque sur les paliers des riches". Sommées de toute part d'être bon avec l'altérité et d'en subir tous les effets indésirables, alors que la croissance est à l'arrêt et le niveau de vie en baisse, les classes populaires, confrontées directement à la concurrence immigrée et à la substitution de population, se rebiffent, comme les classes aisées dont le revenu est sapé par l'Etat, le mode de vie altéré et l'épargne en grand danger.

Le milieu intellectuel de gauche se trouve pris totalement à contre-pied : il a perdu le peuple et le capital. Il suffit de lire un Krugman aux Etats-Unis pour se rendre compte du désarroi qui frappe tous ceux qui avaient une bonne conscience "de gauche". Un curé sans fidèles est rarement à la fête. C'est le malheur des médias, dominés par la gauche, payés par l'Etat et la pub d'une société de consommation honnie, qui avaient cru qu'ils pourraient exercer un magistère moral sur le populo et qui se retrouvent méprisés et pris à revers lors de toutes les élections.

Quelles sont les chances que cet effondrement permette une reconstruction associative du monde, respectueuse du cœur des peuples, alors qu'il n'y a plus de leadership, plus de puissance dominante clairvoyante et bien intentionnée ?

Faudra-t-il attendre une destruction totale avant de pouvoir reconstruire ?

Peut-on commencer à recoudre dans le chaos politique, diplomatique et économique actuel ?

En tout cas, l'élection de Trump, après le Brexit, marque le fait que la France et l'Europe devront avoir une politique propre et se constituer en puissance et pas seulement en rat crevé au fil de l'eau. Le pire scénario serait l'explosion de l'Euro et l'arrivée d'un parti du type FN aux manettes en France.

Il va bien falloir calmer la colère des peuples avant l'effondrement définitif.

Vous avez dit "libéralisme" ?

Un des tics les plus agaçants de la presse française est l'emploi à tout bout de champ du qualificatif "libéral" pour déconsidérer toute tentative de redressement de l'économie française. Le qualificatif se veut péjoratif. et l'effet répulsif est souvent poussé par l'ajout de complément : néo libéral, libéral thatchérien, hyper libéral, libéral sans concession, libéral assumé, libéral antisocial, libéral revanchard  etc.  La marxisation des réflexes  en France est telle, du fait d'une dominance idéologique de cette composante de la  gauche dans l'enseignement public et dans les médias que libéral y est devenu une grossièreté.  Il et intéressant de creuser un peu ce phénomène.

Le libéralisme, au sens économique s'oppose au marxisme, au socialisme et à l'étatisme. Il est normal que les promoteurs des trois idéologies lui en veulent. Il peut prendre des formes très diverses. La constante de toutes les conceptions libérales est que l'entreprise capitaliste est la forme la plus efficace de production de richesses et que ce sont les choix individuels de consommation qui forment la valeur des produits en s'exerçant sur des marchés organisés.

En ce sens le monde entier est aujourd'hui libéral. Personne ne compte plus sur la collectivisation permanente de l'ensemble des moyens de production pour espérer un minimum de prospérité. Les expériences socialistes ont été suffisamment "pédagogiques", pendant suffisamment de temps, avec suffisamment de dégâts.

Une autre acception du libéralisme est la défense des trois libertés de mouvements de capitaux, de marchandises et de personnes dans le cadre national et international. Ces libertés sont assurées depuis longtemps dans le cadre national et n'y font plus problème de principe même si la réglementation et les taxes peuvent en modifier fortement l'exercice jusqu'à l'étouffement. Les instaurer entre les nations est la question de l'époque.

C'est le mantra récurrent de l'Union Européenne depuis l'origine.

Au FMI, les trois libertés sont devenues la doctrine de substitution, une fois son rôle initial (gérer les changes fixes et permettre des ajustements monétaires sans drame) abandonné avec l'instauration des changes flottants.

L'OCDE a remplacé sa mission de répartition du plan Marshall depuis longtemps éteinte et a muté également en officine de promotion des trois libertés.

En France comme en Europe cette optique de libre-échanges et de libre migration est celle des partis socialistes tout autant que des partis centristes et de la droite classique. Le PS, avec Delors, Rocard, Lamy et cie ont été en flèche notamment pour la liberté de mouvement des capitaux.

Les droites et les gauches de gouvernement se retrouvent toutes dans le libéralisme des trois libertés de mouvement. Seuls les extrêmes, à droite comme à gauche, contestent au moins une des trois libertés de mouvement.

Le libéralisme est donc partout dans la politique internationale et les traités et n'a pas été contesté par les partis de gouvernement dans les trente dernières années en Occident. Faire du mot "libéral" une injure a donc tout du paradoxe.

Aujourd'hui les esprits évoluent fortement. Contrairement à la question du capitalisme qui est désormais tranchée, l'affaire des trois libertés internationales de mouvement ne fait plus l'unanimité On peut même dire qu'elle devient de plus en plus empoisonnée.

La liberté du commerce des biens et des services, sans cadrage des déséquilibres, aboutit à des excédents et des déficits majeurs qui déstabilisent l'emploi, les marchés, la qualité des produits.

La liberté des mouvements de capitaux dans un système de changes non régulés et compte tenu des déséquilibres précédents, provoque des crises à répétition et la stagnation générale.

La liberté des migrations conduit à des substitutions de population considérées par les autochtones comme injustes, dommageables et déstabilisatrices.

Les effets de submersion dans les trois secteurs provoquent des réactions de plus en plus vives.

Les réactions ne sont pas seulement économiques. Elles touchent le social, c'est-à-dire les formes d'organisation, les lois et les mentalités, construites dans la durée par les Etats pour satisfaire les besoins de solidarité. Elles sont balayées et les personnes déstabilisées priées de "s'adapter". Elles touchent également le culturel : choc de civilisation ; rejet de l'envahissement ; abaissement des niveaux d'engagement dans la société ; soumission culturelle aux divertissements américains avec tout ce qu'ils charrient… Et voici désormais les attentats terroristes !

Le libéralisme des trois libertés de mouvement commence à être considéré de plus en plus largement comme une aliénation consentie par des "élites mondialisées" qui trahiraient allègrement la "cause du peuple".

C'est la liberté de migration qui la première a cédé. La Suisse a voté contre l'immigration. Les Français ont cru que les Helvètes visaient les minarets. Ce sont les frontaliers français qui trinquent. Le Royaume-Uni sort de l'Union Européenne principalement pour faire cesser ce que les Anglais considèrent comme un envahissement dommageable. Les Français sont aussitôt consternés de constater qu'ils n'y sont plus bienvenus et même parfois injuriés, au même titre que les Pakistanais, les Afghans ou les Africains anglophones. Le candidat Trump fait frémir quand il annonce une barrière anti Mexicains payée par les Mexicains. Mais les étudiants français aux Etats-Unis constatent déjà depuis plusieurs années un resserrement drastique des conditions d'emploi aux Etats-Unis à la sortie de leur cursus américain. Un étudiant ayant fini ses études perd son visa de séjour presque immédiatement après avoir eu son diplôme s'il ne parvient pas à trouver un employeur motivé.

Il y a peu de chance que les choses s'arrangent. La montée incontrôlée de la démographie des pays africains, avec un pays comme le Nigeria annoncé comme plus peuplé que la chine dès 2050, laisse craindre une vague africaine à ampleur de tsunami : si les prévisions sont justes, il faudrait que l'Europe absorbe 300 à 400 millions d'Africains et de Maghrébins. Les questions d'espace vital vont redevenir criantes. Le besoin de défense des civilisations, des cultures et des cultes va exploser et avec lui l'intolérance de masse.

Le commerce international, compte tenu de ses déséquilibres massifs, est vu comme la destruction de secteurs économiques patiemment aménagés par un déferlement de produits à bas coûts et de mauvaise qualité. La durée de vie d'un PC est passée de 10 ans à peine trois. C'est aussi le cas des téléphones, des machines à laver etc. Va-t-on avaler des poulets au chlore ou aux hormones ? Les traités transatlantiques sont tous au point-mort avec un refus catégorique des peuples tenus soigneusement à l'écart des discussions et soumis à des "éléments de langage" diffusés à gogo dans les médias. Du genre : "l'accord permettra de créer des millions d'emplois". Le rejet est total et touche les médias vus comme complice des élites mondialisées et les fonctionnaires internationaux vus comme traîtres à leur pays.

La liberté totale des mouvements de capitaux commence à faire mauvais genre. La crise dite faussement des "pays émergents" en 97-98 a fait perdre toute crédibilité à ceux qui prétendaient que la "hot money" était un mal nécessaire. L'effondrement de 2008 a montré que la mobilisation anarchique de capitaux uniquement tournés vers la spéculation conduisait au désastre. La gestion de l'Euro avec liberté totale des mouvements de capitaux et régulation par la BCE a montré ses limites : la déflation à répétition et la stagnation générale. Les banques sont désormais étranglées parce qu'on a voulu étouffer l'amplificateur des désajustements sans toucher aux causes.

Au total, si personne ne conteste plus vraiment le caractère capitaliste de l'organisation de la production, la défense des trois libertés de mouvement à l'international est dans la tempête.

Cette situation crée de graves contradictions dans chaque pays. Les finances publiques et l'emploi sont tellement chahutées dans les pays qui ont fait de la dépense publique et de l'emploi public le cœur de leur action au long cours, que des remises en cause massives deviennent nécessaires. Tous ceux qui veulent réduire la dépense publique lorsqu'elle est insoutenable, se voient traiter de "libéraux à la Thatcher", alors même qu'ils contestent l'orientation des organisations internationales qui privilégient les trois libertés de mouvement. Ce sont des libéraux antilibéraux. À l’inverse les antilibéraux promeuvent la liberté quasi-totale des migrations. Ce sont des antilibéraux libéraux.

Les mots, et en particulier l'adjectif libéral, ont perdu tout sens.

Au-delà des mots, quelle est la situation ?

Un pays comme la France qui s'est laissé glisser dans le déficit public permanent et la montée exorbitante de la dépense publique, se retrouve piégé : il ne peut plus supporter une dépense publique supérieure à la production des entreprises du secteur marchand et une dette qui représente entre 400 % et 800 %, selon les calculs, de la même production. Sortir de ce piège n'a rien de libéral. Toute "diplomatie de la prospérité" passe nécessairement par une canalisation des trois libertés de mouvement. Par rapport au laxisme actuel cette attitude est nécessairement "antilibérale", si on conçoit le libéralisme comme une concurrence sans entrave d'individus indifférenciés où les Etats n'ont qu'à se taire.

La stagnation, le chômage de masse, le blocage de la finance, les déficits abyssaux ne peuvent laisser indifférents les Etats. Ils devront nécessairement lutter encore longtemps sur deux fronts : contre une mondialisation basée sur des libertés incontrôlées et contre les dérives insoutenables d'un état providence qui laisse une part minoritaire de la population payer pour les autres, tout en détournant une part déraisonnable de la richesse produite à son seul profit.

Toutes les formations politiques sont déchirées par ce dilemme. François Fillon milite à la fois pour réduire drastiquement la dépense publique et contre le Tafta, le traité transatlantique. Comme Hollande. Voici deux libéraux, tendance antilibérale. Dans deux camps opposés. Les écologistes se veulent pro migration et anticapitalistes comme une partie de la gauche, dont le Front de gauche. Le FN se veut nationaliste et socialiste.

En fait il n'y a pas de purs libéraux qui seraient pour un capitalisme débridé en interne, en Europe et dans le monde.

Il n'est pas si difficile de dépasser ces contradictions.

À l'international, les libertés doivent être organisées et les flux d'hommes, de capitaux et de marchandises encadrés. En interne il faut en finir avec les excès d'encadrement de l'activité économique et de dépenses publiques. Deux mouvements d'inspiration exactement inverse mais également nécessaires.

Les échanges de marchandises ne sont pas dangereux si les échanges restent balancés entre les pays. Au final on échange des produits, contre des produits, et du travail contre du travail. Il faut donc mettre des mécanismes qui permettent ces équilibres. Ce n'est pas une question de principe mais d'organisation et de gestion des libertés.

La liberté d'établissement reste extrêmement sympathique, à la condition d'éviter les phénomènes de masse et les risques de chocs culturels insoutenables, tout en limitant la possibilité pour les pays ayant supprimé leur frontière commune de conduire des politiques différentes d'immigration. Ce n'est pas une question de principe mais d'organisation et de gestion des libertés.

La liberté d'investir son capital comme on l'entend est très utile et profitable, à la condition que l'on évite de transformer l'économie mondiale en baudruche incontrôlable. Ce n'est pas une question de principe mais d'organisation et de gestion des libertés.

On peut donc chérir la liberté dans le monde mais en organisant précisément les libertés.

De même qu'on peut développer les solidarités nationales sans tomber dans le socialisme prédateur, l'anticapitalisme primaire, le blocage des relations sociales, l'asphyxie fiscale et la dette à outrance. Il faut chérir la liberté et la propriété, qui est de la liberté frappée, tout en organisant de façon raisonnable et soutenable la solidarité. Le redressement français n'est donc pas une question de plus ou moins grand libéralisme. Il faut réduire le socialisme et l'étatisme à l'intérieur pour la simple raison qu'on ne peut pas justifier une dépense publique supérieure à la production marchande, deux allocataires à la charge d'un seul salarié du secteur marchand, et une dette sans rapport à la production marchande. À l’extérieur Il faut rechercher un meilleur contrôle des flux d'hommes, de marchandises et des capitaux.

Le seul adjectif que devraient utiliser les journalistes est : pertinence. Quel programme a quelles chances d'atteindre quels résultats ? Si les fins et les moyens sont pertinents, il y a toutes les chances que la liberté y joue un rôle fondamental même si elle est enchâssée dans des organisations plus contraignantes à l'extérieur et moins à l'intérieur.

Le débat national devrait être sur les fins et les moyens, à court, à moyen et à long terme, à l'intérieur comme à l'extérieur. Pas sur des étiquettes ni sur des adjectifs.

Acteurs et commentateurs publics sont encore assez loin de le comprendre.

Bruno Lemaire : le concept problématique de "contrat présidentiel"

L'idée d'un "contrat présidentiel" prenant le relais des "contrats de gouvernement" correspond bien à la mutation du pouvoir vers la présidence de la République dans le cadre du quinquennat. Il traduit aussi la déception des électeurs, bien perçue par les politiques, envers une élection présidentielle où les candidats disent d'abord n'importe quoi pour se faire élire et font finalement le contraire de ce qu'ils ont dit, le tout aux frais du contribuable.

Il traduit également le blocage de la société française, depuis 1968, qui s'explique par le développement de cohortes entières de résidents qui vivent aux crochets des autres et qui interdisent tout changement. On le sait : quand on ajoute les retraités, les chômeurs, les fonctionnaires, les invalides et les assistés hors emplois, on atteint plus de 30 millions de personnes avec une tendance à la croissance, alors que la natalité baisse et que le nombre de salariés du secteur privé marchand (hors secteur financier) ne dépasse pas 14 millions de personnes., alors même que le chiffre d'affaires de leur société dépend largement… de la dépense publique. Du coup nous sommes les recordmen des impôts, de la dépense publique par adulte et de la dette par habitant au travail, avc en prime le taux d'emploi le plus faible des pays développés.

Puisque le candidat offre le moyen de regarder là où il va agir, il est intéressant de vérifier s'il tape là où il le faut. C'est l'avantage et l'inconvénient de la transparence totale préalable.

Le résultat est plutôt mitigé.

La grande question : la pieuvre étatique étendant ses tentacules sur l'ensemble du champ des possibles, le programme présidentiel devient tentaculaire. Le poids du document traduit l'excès d'intervention d e l'Etat. Du coup le document hésite en permanence entre l'annonce qu'on va couper un tentacule et des détails infimes qui prouvent que de nouveaux tentacules sont en train de pousser. Est-ce bien à l'Etat et dans l'Etat au président de la république de s'occuper de promouvoir la technique des fichiers de type chaînes de blocs (Blockchain en anglais) ? Cela ressemble à une tentative de faire technophile et moderniste, mais cela n'a aucun sens. Est-ce bien d'annoncer qu'on va recadrer les missions de l'Etat dans le domaine de la culture tout en conservant les Frac ?

Les questions les plus graves sont mélangées avec les plus mièvres. On supprime tout statut pour les fonctionnaires territoriaux (radicalité extrême) et on ne touche pas au temps de travail des fonctionnaires, sinon en annonçant qu'on va les forcer à faire au moins la durée légale tout en généralisant les heures supplémentaires (qui ont toujours été une source d'abus phénoménaux dans l'Administration : voir ce qui se passait par exemple à Science-po et d'autres universités où de fausses heures supplémentaires étaient systématiquement utilisées pour tourner la loi).

La Quatrième république était la championne des" programmes de gouvernement" annoncés comme contraignants et (heureusement) trahis dès la première seconde. Tout programme détaillé présidentiel sera également trahi dès la première seconde pour une raison simple : c'est le Parlement qui décide ; les réactions du terrain comptent ; la conjoncture internationale et européenne est dirimante.

L'erreur de Bruno Lemaire est de faire en tant que candidat à la primaire, le travail qui devrait être, en permanence celui du Parti les Républicains. Le Président est celui de tous les Français, pas d'un seul parti. Il doit assurer la continuité des institutions et les relations extérieures tout en dirigeant l'armée. La fonction est régalienne, pas gestionnaire.

Il est totalement inutile de travailler avec un luxe de détail sur tous les sujets possibles d'une action de l'Etat. Même un catalogue de mesures démagogiques du genre "les cent mesures" ou "les 35 propositions" sont néfastes.

Les grandes orientations suffisent.

Elles ne sont pas si nombreuses :

- Restaurer un ratio actif/inactif soutenable. On ne peut plus avoir deux subventionnés pour un qui travaille. C'est clair comme de l'eau de roche. Les grands axes de solution ne sont pas difficiles à exposer.

- Séparer la sphère de la politique et celle de la haute administration, et restaurer l'homogénéité nécessaire des règles du jeu entre la sphère publique et la sphère privée. Restreindre le champ d'application de l'action publique et la simplifier dans les domaines conservés.

- Renforcer les pouvoir régaliens de l'Etat en particulier la sécurité interne et externe.

- Supprimer toutes les situations de grands abus (ouvriers du livre, dockers, intermittents du spectacle, statuts des cheminots, des gaziers et de l'EDF, destruction de l'école républicaine).

- Recréer un cadre fiscal et réglementaire rendant possible le développement de l'entreprise ; restaurer les conditions d'exercice du droit de propriété ; "déjudiciariser" l'essentiel de la relation entre salariés et entreprise, entre locataires et propriétaires…

- Clarifier les conditions du maintien en France de populations issues d'autres cultures et revendiquant le doit de maintenir leurs propres règles contre les règles de la République, pacifiquement par la provocation ou militairement par le terrorisme.

- Clarifier les objectifs à court et moyen termes de l'Union Européenne. Par exemple : exclure définitivement toute perspective pour la Commission d e devenir un futur gouvernement européen ; fixer les limites de l'Union.

- Clarifier les conditions d'exercices des trois libertés de mouvement des personnes, des capitaux et des produits au sein de l'Union. La Liberté se chérit mais les libertés s'organisent".

- Développer une diplomatie de la prospérité vers l'Europe de l'Euro mais aussi vers le monde nationalement et via les institutions européennes.

Aucun des candidats n'aura le temps de développer plus que ces dix thèmes et sur ces dix thèmes rien n'est dit qui prouve une vraie compréhension des difficultés et une vraie direction de manœuvre.

On voit que François Hollande n'a jamais abordé réellement aucun de ces sujets lors de la campagne 2012, entièrement conduite comme une lutte à mort contre Sarkozy "l'affreux jojo détestable responsable de tout, alors qu'il n'y a aucune crise" et un affichage débile de quelques dizaines de mesures calant le candidat "à gauche". Résultats : 5 ans d'évitement sur toutes les grandes questions qui se posent et une lutte dérisoire et coûteuse pour mettre en œuvre des solutions sans intérêt national fort. Et pour finir 15 % de satisfaits et le plus grand mépris qu'un président a réussi à rassembler sur son nom !

On voit que le pavé de Lemaire ne les aborde pas non plus avec la hauteur et la profondeur nécessaires.

Que reste-t-il de ces quatre kilos de propositions diverses ? Une opération de com' qui ne peut déboucher sur aucun dialogue. On ne va pas s'intéresser à la blockchain pendant les débats de la primaire où les candidats vont avoir en tout et pour tout moins d'un quart d'heure de parole.

Quand on est candidat à la Présidence de la République, on ne peut échapper à l'obligation de catalyser les passions et les tensions du pays, en les liant à des réponses claires et précises sur les grands enjeux nationaux. Se nouer autour du cou quatre kilos de tentacules vous fait ressembler plus à la Méduse qu'à un futur Président.

Le faux combat entre Keynes et Milton Friedman

Au fur et à mesure que la stagnation s'étend et se prolonge, les querelles s'aggravent entre spécialistes. Au point que certains livres parlent de négationnisme économique" et que d'autres vouent aux gémonies le "néolibéralisme" en des termes d'une violence toute soviétique.

Une bonne partie de la querelle oppose keynésien et partisan de Milton Friedman. Aucun de ces deux économistes ne doit être installé sur un piédestal ni voué aux gémonies. Ils ont apporté l'un et l'autre une vision qui a changé la manière de penser l'économie et l'action économique. Ils ont, chacun, encore des leçons à donner, mais sans doute pas celles qu'on a retenues jusqu'ici.

Le combat de Keynes est profondément inscrit dans l'avant-guerre. Ses deux thèmes de prédilection auront été d'éviter d'exiger des réparations exagérées aux vaincus, au terme de la guerre de 14, et d'éviter les politiques "contractionnistes", notamment celles qui exigeaient que l'on revienne à l'étalon or. Il ne voulait pas non plus de monnaie nationale ayant un rôle mondial dans le système monétaire international. Il a théorisé qu'en cas de crise, les marchés ne se réparaient pas spontanément et que la crise entraînait plus de crise. Il fallait d'une façon ou d'une autre éviter une contraction indéfinie de la "demande globale".

Le modèle Walraso-parétien est quant à lui le chef-d'œuvre théorique néoclassique qui, partant d'une situation éventuelle de déséquilibre, essaie de montrer que les marchés permettent spontanément de revenir à l'équilibre. Il a ceci de particulier qu'il fait de la monnaie un simple intermédiaire ne pesant pas réellement sur les échanges. Milton Friedman aura rappelé par tous ses écrits que ce n'est pas le cas et que la monnaie compte. Mais il a aussi théorisé que la monnaie était une marchandise comme les autres qui devaient se valoriser par le marché, même si les banques centrales avaient un rôle à jouer. Alors que Keynes ne voyait pas l'intérêt d'une fluctuation fréquente dans la valeur respective des monnaies, tout en en admettant la nécessité occasionnelle.

La coexistence de ces deux doctrines est délicate. La solution trouvée par les professeurs d'économie est, depuis les années soixante, de séparer tout à fait artificiellement la macroéconomie, qui rend hommage à Keynes et "donne le moyen de juguler les crises", et la microéconomie où c'est Walras qui triomphe, accompagnée depuis plus récemment par des développements regroupés autour du concept de "finance" ou "finance de marché".

Personne, même avec des équations sophistiquées, n'a réellement réussi à intégrer les deux raisonnements. Raymond Barre avait réussi dans son manuel à régler la question en créant un tome I pour la microéconomie et un tome II pour la macroéconomie. Que le lecteur se débrouille à faire le lien !

Le message keynésien a partiellement été entendu à Bretton Woods et après Bretton Woods. L'affaire des réparations a été expédiée dans les années cinquante selon les prescriptions keynésiennes (avec une extraordinaire compréhension vis-à-vis de l'Allemagne) ; tout le monde a considéré qu'il fallait faire attention à la demande globale. En revanche le système de Bretton Woods a totalement contredit Keynes. Le dollar est devenu la monnaie de référence, contre son avis. On n'a pas pénalisé, par des mécanismes automatiques, les gros déficits et les gros excédents même si on les a mis hors la loi dans les statuts du FMI. Ce système de changes fixes et ajustables, avec des aides multilatérales en cas de difficultés pour éviter le blocage des échanges internationaux supposait, pour durer, que les Etats-Unis fassent l'effort de rigueur pour maintenir la crédibilité du cours du dollar en or. La guerre froide, la course à l'espace et le programme interne aux Etats-Unis du parti démocrate, ont eu raison de leur sagesse et le système a explosé en 1971. Keynes avait raison. Il aurait bien mieux valu baser le système sur une unité de compte extérieure aux nations et mettre en place des mécanismes plus sévères pour éviter les grands déficits et les grands excédents.

Les Américains ne l'ont pas voulu parce qu'ils pensaient bénéficier du rôle mondial du dollar comme monnaie de réserve et de transaction internationale. En un mot : payant leurs déficits dans la monnaie qu'ils créaient, on pouvait y aller franco !

Le système des changes flottants n'avait jamais eu aucun théoricien. Ils n'étaient pas évoqués dans les manuels, sauf en quelques lignes, pour en montrer le caractère marginal et dangereux. On a alors fait monter en première ligne Milton Friedman qui avait eu la singularité d'en parler dans un écrit de jeunesse passé jusque-là totalement inaperçu et qui était devenu un grand connaisseur universitaire de l'histoire des monnaies. On a connu ce moment singulier où les décisions ayant été prises par le pays dominant contre la théorie pour son seul avantage apparent, on a popularisé une théorie marginale pour en faire le credo de référence du monde occidental.

L'idée de Milton Friedman était que la monnaie était un bien comme un autre et que sa valeur devait s'établir sur un marché. "Seul le marché sait quel est le bon prix d'une monnaie". Qu'un politique, un expert, un fonctionnaire, ou un collège quelconque s'arrogent le droit de fixer un cours de change est une prétention totalement inepte.

Cette vision arrangeait tout le monde dans la mesure où il n'y avait plus de choix, puisque la monnaie de référence depuis la guerre, le dollar, "flottait". En vérité, il s'effondrait et de 71 à 74 on a connu un chaos monétaire jamais vu. La panique nous voilà ! Le résultat fut la récession de 1973-1974. La baisse entraînant la perte de recettes des pays pétroliers, un cartel se mit en place qui prit des décisions radicales qui aggravèrent la situation. Il n'a pas fallu attendre longtemps pour constater que les théories de Milton Friedman ne marchaient pas. La FED entreprit, un temps de croire qu'il fallait suivre l'idée monétariste de Friedman sur l'émission de monnaie banque centrale. Les résultats furent pitoyables et on stoppa vite l'expérience.

Quant au reste de la doctrine de Milton Friedman, aucun des avantages théoriques des changes flottants (moins de réserves de changes, ajustements plus progressifs, moins de volatilité, meilleure allocation du capital mondial, etc.) ne se réalisa jamais. C'est exactement le contraire qui se produisit. On décréta que si la théorie ne marchait pas, c'était parce que le marché n'était pas parfait. Il fallait donc "perfectionner" les marchés. C'est ce qu'on fit dans les années quatre-vingt pour aboutir finalement… à la terrible crise de 92-93.

On a alors attribué cette crise "aux ordinateurs" puis à la guerre d'Irak et on a considéré que les marchés étaient encore trop corsetés. On a alors tout débridé. Pour aboutir à la faillite de LTCM et la crise de 98, pure crise des changes flottants, attribuées naturellement, puisqu'on ne voulait revenir sur l'idéologie justifiant les changes flottants, à des "cronies" des régimes émergents puis à des voyous dans la banque. C'était la crise de trop pour les théories de Friedman. Plus personne ne s'y référa dans la gestion courante des monnaies.

Les Etats-Unis ayant été sauvés par le privilège du dollar et les émissions terrifiantes de leur banque centrale, on considéra que tout était bien et on fit la théorie que les déficits américains croisés avec les excédents chinois étaient, avec Internet et la suppression des besoins de stocks grâce au "just in time", un nouveau paradigme de croissance perpétuelle sans cycle. Pour tomber dans la crise cyclique de 2001-2003 ! Greenspan ouvrit toutes les vannes, se rappelant le diagnostic de Milton Friedman sur l'ineptie de la gestion de la FED au début des années trente. Pour voir le système s'effondrer en 2008.

En même temps, les gouvernements constataient que les relances dites keynésiennes ne marchaient pas. Toutes les relances tentées depuis 71 ont échoué plus ou moins brutalement. La dernière, concertée autour du G20 a conduit à la stagnation et aux intérêts négatifs ! Elle n'a pas mieux réussi que la relance Chirac de 74 qui aboutit… au plan Barre.

En un mot les vulgates simplifiées des idées de Keynes ou de Milton Friedman ne peuvent plus conduire la réflexion sur les actions à mener. La référence à Keynes n'a plus de sens quand, dans certains pays, la dépense publique dépasse 100% de la valeur ajoutée des entreprises privées non financières et que la masse des dettes est à quatre fois la valeur ajoutée des entreprises privées. C'est le cas de la France. Milton Friedman n'a plus de pertinence quand les banques centrales peuvent créer 15 mille milliards de monnaies banque centrale en quelques mois. Le cumul de leurs deux influences, mixées dans les structures et les politiques économiques, a été la création d'une dette globale insoutenable et l'entrée de l'économie mondiale dans la stagnation de longue durée.

Les marchés étant incapables de digérer les dettes dans le cadre d'une économie baudruche dégonflée par un collapsus gravissime, il faut bien que les Etats s'en mêlent. Ils ont cru pouvoir le faire par l'intermédiaire des banques centrales et on voit le résultat. Ils ne peuvent plus le faire par le budget, compte tenu des taux d'endettement pharamineux qui prévalent. Relance budgétaire et monétarisme débridé sont dans l'impasse. Ce qui ne veut pas dire que Keynes et Friedman soient totalement périmés et inactuels.

La seule voie qui reste ouverte à l'économie mondiale est celle des réformes de structures.

 Il faut remettre en place un système monétaire international cohérent et rigoureux où les Etats garantissent la valeur d'échange de leur monnaie et où les normes déficits et excédents sont proscrits. Des mécanismes d'aides et de pénalités doivent être mis en place pour éviter que les corrections ne soient trop pénalisantes pour l'économie. Les soldes de balances extérieurs doivent être comptés en une monnaie de compte extranationale, gérée par une chambre internationale de compensation, avec centralisation les débits et les crédits, et pénalisation des gros excédents et des gros déficits. Aux Etats de se débrouiller pour tenir la valeur de leur monnaie, sachant que des dévaluations seront possibles de façon concertée. S'il faut contraindre certains flux, notamment de capitaux à court terme, et bien tant pis !

Cette solution marquerait sans doute un avantage pour Keynes qui a été très loin dans l'élaboration d'un schéma de ce genre et une défaite pour Milton Friedman puisque les changes flottants seraient supprimés. Mais, au sein des nouvelles institutions, le dégonflement progressif de la dépense publique là où elle a été trop loin devra de toute façon avoir lieu et rien n'empêchera la gestion économique microéconomique la plus libérale. Avantage à Friedman.

Cette orientation faciliterait la réduction des difficultés spécifiques de la zone Euro, bien cernées par Milton Friedman. Les pays excédentaires étant globalement pénalisés, la recherche par des pays comme l'Allemagne d'une compétitivité externe abusive n'aura plus d'intérêt. La stabilité globale des cours de change externes permettra à la zone Euro de travailler dans un environnement mondial plus stable. Et rien n'interdit d'appliquer les règles d'une chambre de compensation européenne pénalisant les grands excédents et les grands déficits internes.

Ce système impose la coopération étroite des pays sur une base paritaire. Cette coopération n'existe plus que sous une forme verbale et abâtardie depuis que les Etats Unis ont voulu garder les privilèges du dollar. Aboutir à un système pénalisant les gros excédents n'est pas facile. Il sera extrêmement difficile à faire gober aux pays ayant décidé d'accumuler d'énormes excédents (pays pétroliers ou pays comptant sur leur compétitivité extrême pour récupérer massivement des dollars).

On peut donc discuter de la faisabilité d'une telle réforme. C'est une affaire politique. On a vu à quel niveau de blocage et d'insignifiance on est arrivé au récent G20 en Chine.

Mais aucune autre voie de sortie de la crise n'existe. Délivrer de l'argent banque centrale "par hélicoptère" n'aura aucune conséquence durable, comme toutes les relances, parce que les échanges étant structurellement déséquilibrés, les déséquilibres s'aggraveront, rendant la situation rapidement intenable. Les taux négatifs n'auront qu'un temps.

Il n'est plus temps d'opposer Keynes et Milton Friedman.

Il faut créer d'urgence un système global, basé sur la coopération structurelle des Etats (et pas seulement verbale), la stabilité des taux de change et la proscription des grands déséquilibres (avec sanctions automatiques à la clé), en vue de permettre la meilleure croissance possible sans délires financiers et monétaires, et sans politiques "contractionnistes".

La politique étant de rendre possible ce qui est nécessaire, Messieurs les Politiques au travail !

Il est intéressant de noter qu'aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis où des élections se préparent, les candidats n'évoquent absolument jamais ces sujets qui sont absolument cruciaux pour mettre fin à la stagnation en cours.

Pour s'en tenir à l'actualité, le "Pavé Lemaire", contrat de législature présidentielle détaillé proposé par Bruno Lemaire, malgré son volume (près de mille pages) et son poids (proche de 4 kg), ne dit rien de ces questions. Pas une ligne, pas un mot. Rien. Il faut s'adapter et devenir compétitif pour concourir efficacement dans un système même si ce système est malade et provoque des crises terribles dont on ne se remet qu'extrêmement difficilement. Aucune "politique étrangère économique". La partie relative à la gestion de la zone Euro est très faible même s'il propose une nouvelle structure européenne de coordination, comme nous le proposons nous-mêmes, mais sans réels objectifs et sans politique étrangère. La question des déséquilibres internes est évoquée mais sans aucune suggestion pour y remédier.

Le Plan Fillon, qui est moins détaillé mais plus solide sur bien des aspects, ne propose pas, ou du moins pas encore, de "diplomatie économique européenne ou française".

Nicolas Sarkozy, le nez sur les sondages dont il espère qu'ils lui diront ce qu'il faut dire, n'évoque jamais ces questions et son atlantisme de principe lui fermerait la bouche de toute façon.

Alain Juppé ne semble avoir rien à dire du tout sur la question. Sa stratégie est quasi uniquement d'image, pas d'action.

Ne parlons ni de F. Hollande, ni du PS qui ont, l'un et l'autre, démontré par cinq années de vacuité totale que le trou rose de leurs réflexions économiques nationale, européenne et internationale était sans fond.

La comédie narcissique et éructative de Mélenchon ne fait pas une politique.

Marine Le Pen trouvera dans le livre de Stiglitz condamnant l'Euro une ample matière à soutenir ses thèses (la cupidité de l'auteur finit par aller complètement à l'encontre de ses options socialistes). En dépit de sa volonté d'adoucir son image dans la ouatine pour "casser le plafond de verre" de l'accès au pouvoir, sa politique en cas de victoire entraînera que les Français se retrouveront avec 60 euros par jour à sortir de leur banque et pas plus. À la grecque.

Le prochain Roosevelt capable de motiver le monde à changer d'ère et d'air en réformant de fond en comble le système de coopération mondiale dans le domaine économique et monétaire ne sortira pas des élections présidentielles françaises. Sauf surprise de dernière minute.

Lorsqu'on voit le néant de la campagne présidentielle américaine, on comprend que ni Trump ni Clinton ne sont capables des hauteurs de vue nécessaires.

Tout cela a commencé très mal et peut finir encore plus mal.

Pour les économistes cela devrait être l'occasion de sortir des faux débats et de se concentrer sur les vraies réponses. Il faut relire Keynes et Friedman, et il faut dépasser leurs messages respectifs, en prenant chez l'un comme chez l'autre les idées pertinentes et en laissant tomber ce qui n'a pas marché ou qui a été détourné de son sens originel. Et il faut que les économistes du monde entier comprennent que leur mission première est de comprendre pourquoi depuis 71 la croissance du revenu par tête s'est effondrée, partout, dans les mêmes proportions.

L'ONU, le FMI, la Banque mondiale l'OCDE, la BRI, les grandes banques centrales, le comité Nobel, la Commission Européenne, l'Eurogroupe, le G20 devraient s'unir pour proposer un grand symposium sur l'analyse de ces causes et les solutions. C'est leur rôle de penser et de panser le monde. Et cela commence par un diagnostic commun.

Ce ne sera pas un "Bretton-Woods", puisqu'aucune décision ne sera prise sur des projets préalablement ficelés, comme en juillet 1944. Mais c'est la seule solution pour sortir de l'impasse actuelle qui fait que les économistes officiels de chaque institution ont la bouche scellée par des considérations de carrière et qu'aucune piste globale capable de dépasser les réactions nationalistes étroites n'est tracée.

Puisqu'il est actuellement impossible de se réunir pour agir, qu'au moins on fédère les énergies mondiales pour comprendre.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Le million de lectures dépassé sur ce site

Le blog du Cercle des Économistes E-toile vient d’enregistrer sa millionième lecture, lundi 12 septembre 2016 à 16 h 47, après 3 000 jours d’existence, plus de 625 billets, et près de 4 000 pages écrites. Il ne faut pas être dupe de ces chiffres. On sait qu’il y a une forte différence entre des « hits » et de véritables lectures. Mais on sait qu’environ 40 000 véritables lecteurs distincts ont lu au moins un article et qu’une centaine de lecteurs ont lu la majorité des articles. La moyenne des lectures par article est d’environ 1 600. L'article le plus lu dépasse les 9 000 accès. Cet écart ne peut pas être l’effet des automates (les « bots » qui provoquent des « hits » non significatifs).

L’analyse des articles les plus lus montre un intérêt pour les questions monétaires, notamment de la part des étudiants en économie qui sont très mal servis dans ce domaine. La monnaie et le système monétaire international sont deux domaines mal enseignés en France. Cette carence n’est pas proprement française et elle n’est pas nouvelle. Le paradoxe apparaît dans toute sa splendeur quand on se souvient que l’économie politique est née de la contestation des pratiques monétaires des Etats ! Depuis que la "finance" s’est installée en discipline quasiment à part de l’économie, l’habitude est de lui sous-traiter ces questions, qui, du coup, sont réduites à des modalités de techniques financières. Nous sommes heureux de corriger si peu que ce soit, cette immense carence et détestable déviation.

La monnaie et le système monétaire international ne sont pas un domaine technique. Ils sont le creuset de l'économie et la forge où s'est construite la crise. Impossible de comprendre comment nous en sommes arrivés à ce degré de stagnation sans passer par une analyse précise des mécanismes monétaires et de ses liens avec l’économie générale. La monnaie n’est pas qu’un voile. Ce n’est pas non plus « un produit comme les autres ». Nous sommes heureux de voir que nos articles sur Maurice Allais et Jacques Rueff ne cessent de monter dans le classement. Il faut en réhabiliter la lecture non pas parce qu’ils sont français mais parce qu’ils sont pertinents. Savoir que la pertinence est française n’est pas totalement anodin, dans le climat d’effondrement national dans lequel non baignons. Il fut un temps pas si lointain où les Français pensaient le monde. Et c’était utile. La réflexion anglo-saxonne est prisonnière des intérêts qu’elle défend et n’a aucune universalité de fond, même si elle domine le monde. Elle est en partie à l’origine du désastre économique global que nous vivons.

Ce blog est, d’une certaine façon, la chronique d’un désastre annoncé. Sur le forum du Monde nous avions correctement prévu la crise du début des années 2000 puis clairement expliqué, au moment de la campagne électorale de 2007, que Sarkozy avait tort d’annoncer une poussée de croissance grâce « à la libération des énergies » puisqu’il allait vivre la pire crise depuis 1929 pendant l’essentiel de son mandat. L’ennui, c’est que le forum du Monde est devenu payant, lui faisant perdre tout intérêt, puis que les archives ont été supprimées. Cela nous a conduits à proposer ce blog.

Il commence en juin 2008 pour annoncer qu’une crise sévère va avoir lieu. Quand elle se produit, il présente les causes exactes instantanément : il faut dire qu’elles avaient été étudiées pendant 15 ans ! Aujourd’hui, lorsqu’on relit ces textes, il n’y a rien à en retrancher. Tout est exact et toutes les analyses publiées depuis les confirment.

Nous avons également constaté dès 2008 que le G.20 faisait fausse route. Nous soulignions qu’il ne voulait pas faire le diagnostic de la crise et qu’il souhaitait perinde ac cadaver maintenir le système fautif et malade qui l’avait provoquée. Nous annoncions qu’il prenait le risque de l’échec. Le dernier G.20, en Chine, persiste et signe dans le déni, alors que l’impatience devant la stagnation en cours s’accroît et se généralise, y compris aux Etats-Unis. Tout est là : pourquoi, malgré 8 ans d’échec, n’y a-t-il toujours pas de sursaut intellectuel et de vraie analyse de la crise ?

Henri Guaino vient de publier un livre fort intéressant sur la question (En finir avec l'économie de sacrifice chez Odile Jacob). Il voit dans la persistance du culte des idées fausses un effet « bon élève » qui se contente d’une vulgate pieuse au lieu d’une vraie compréhension des doctrines économiques. On peut être d’accord avec à peu près tout le contenu du livre qui pèche cependant sur le point essentiel : pourquoi les « bons élèves » se sont-ils ainsi lancés dans une lecture aussi déviante que religieuse d’un credo délirant ? Faute de le comprendre, il ne peut que fustiger les conséquences sans jamais s’attaquer aux causes.

Au passage, il touche une question grave : la défaillance est-elle celle des économistes ou est-on confronté à une crise de la science économique elle-même ? Dans un livre au titre étrange jusqu'au douteux, Le négationnisme économique : comment s'en débarrasser, les auteurs nient fortement que les économistes soient responsables. Les politiques prennent ce qu’ils veulent dans la vraie économie expérimentale et disent et font n’importe quoi. C’est peut-être vrai pour la réduction du temps de travail et pour d’autres mesures de politiques sociales franco-françaises. Cela ne l’est certainement pas lorsqu’on s’attache aux recommandations des grands organismes spécialisés internationaux comme la BRI, le FMI, l’OCDE, etc. On attend toujours de ces organismes une explication des désastres qu’ils sont les premiers à dénoncer. Le FMI vient de publier un graphique somptueux montrant la dégringolade de la croissance du revenu par tête partout depuis 71. Où est l’explication ? On touche de plus en plus au « consensus de Washington », suivi effectivement par la crise dite à tort « des pays émergents », puis la crise décennale molle du début des années 2000, puis la crise décennale dure de 2008. Cette séquence tragique et récente aurait du tout de même faire réfléchir. Pourquoi ne le fait-on pas ?

La vérité est facile à comprendre : à partir du moment où on acceptait les changes flottants et les grands déséquilibres extérieurs, on créait automatiquement une économie baudruche à dimension explosive. Aucune théorie économique solide ne peut défendre les changes flottants. Les thèses de Milton Friedman se sont trouvées totalement contredites par l’expérience. On pourrait paraphraser Cahuc en disant : "jamais aucune étude expérimentale n’a donné le signal de mettre en œuvre de façon positive les changes flottants".

Si on l’a fait, c’est parce que les Américains l’ont voulu et que les Européens n’ont pas pu ou même voulu les contredire. Depuis on fait semblant de construire dans le détail microéconomique un village global totalement délirant et conflictuel, dont la principale caractéristique est d'être totalement déséquilibré à l’échelon macroéconomique. On collabore très finement dans la découpe du micro grain de sable des allées en laissant des trous béants dans les structures. C’est pour cela que le G.20 se pare toujours des vertus de l’esprit de collaboration et que dans les faits aucun des grands déséquilibres qui expliquent la crise, son aggravation et les difficultés de plus en plus grandes d’en sortir ne font l'objet du moindre commentaire, de la moindre mesure suivie d'effets.

Les économistes officiels qui vivent en symbiose avec les Etats et les médias savent qu’ils n’auront de carrière et de visibilité que s’ils jouent le jeu du village économique mondialisé en ne regardant surtout pas les énormes falaises de dettes, de déficits, d’excédents, qui s’effondrent de partout. On en arrive aux programmes des réunions de Davos, toujours à côté de la plaque depuis 30 ans ou des réunions d’Aix en Provence, lénifiants et pusillanimes.

À partir du moment où les Américains ne veulent pas revenir sur l’hégémonie du dollar et considèrent comme une faute condamnable contre l’atlantisme de revoir le système monétaire international débile et dangereux qui provoque la déroute économique générale, pourquoi se mettre en première ligne pour se faire fusiller ?

L’affaire Maurice Allais, le seul qui a osé s’insurger avec toute la science d’un vrai prix Nobel, a refroidi toutes les ardeurs. On peut ne pas considérer que mettre en danger sa carrière universitaire, médiatique, para-étatique et internationale soit une aventure exaltante.

Dans cette affaire, il ne faut pas fustiger la science économique en elle-même, ni même la lâcheté des économistes, moins encore les baby boomers, et encore moins les électeurs. Il était possible de prévoir la crise de 92-93, comme celle de 2001-2003, comme celle de 2008-200x. C’est facile à prouver : nous l’avons fait et chaque fois à partir d’un raisonnement basé sur des faits et publié avant la crise. Il est facile de démontrer que la crise définie comme une baisse de longue durée du taux de croissance avec des crises périodiques de plus en plus fortes et un endettement explosif est entièrement liée à la mise en place d’un système monétaire international structurellement non coopératif. Dès que l’on considère la science économique comme devant partir des faits et s’appuyant sur des raisonnements étayés, la crise est facile à comprendre et les moyens de sortie de crise faciles à concevoir.

La difficulté est strictement politique : les Etats-Unis ne veulent pas, pas encore, revenir à un système coopératif évitant les énormes déficits ; les Allemands prétendent accumuler des excédents démentiels tout en ruinant les pays à qui ils ont prêté leurs excédents. Arriver à contrebattre ces deux blocages géopolitiques est le défi des années à venir. Jusqu'ici la pédagogie de la crise n'a pas suffi à générer les remises en cause nécessaires. Les élections américaines qui viennent sont plutôt du genre inquiétant. L'Europe s'effondre et la France est, disons pour être charitable, actuellement dans l'incapacité de dire ou faire quoi que ce soit allant dans le bon sens.

Jusqu'où faudra-t-il tomber avant que les mesures simples et nécessaires soient prises ? Quel levier utiliser pour provoquer le basculement ?



Le libre-échange remis en cause ?

Le dernier pilier des certitudes de l’après-guerre est-il en train de s’effondrer ? La crise de 1929 avait prouvé que les mesures de limitations de la libre circulation des marchandises n’apportaient aucune solution et aggravaient la situation.

On voit aujourd’hui que Donald Trump n’hésite plus à rompre avec ce credo porté inlassablement  par la diplomatie américaine depuis le début des années quarante.  De nombreux mouvements politiques portent un message de restriction, à gauche comme à droite.  La protection de l’emploi national par des mesures de réduction ou de blocage devient un thème de campagne un peu partout.  

Faut-il ou non s’engager dans cette voie ?

Comprenons d’abord quelle est la source de ce mouvement d’opinion. La baisse tendancielle de la croissance depuis 1971 et l’entrée depuis 2008 dans une période de stagnation durable qui voit  le revenu par tête baisser dans de nombreux pays de façon continue, est cette source. La « classe moyenne » est en première ligne dans cette déréliction. C’est elle qui fait les élections. On ne peut pas prétendre diriger un pays contre la prospérité du plus grand nombre, malgré tous les discours écolo-récessionnistes.

Le problème est que, globalement, il est impossible d’engager un vrai débat sur les causes de cette spirale néfaste de longue durée.  Trop d’intérêts et d’habitudes pèsent sur les esprits.  La disparition des débats de fond dans la presse et leur extrême difficulté dans les médias  radio et telé-diffusés, conduit à une impasse de communication : en écoutant les experts qui servent le fond de jus intellectuel et économique  , on a toujours pris les bonnes mesures pour avoir une croissance rapide et les résultats vont dans le sens inverse. Surprise –surprise ! Alors, les unes après les autres, les bases du consensus s’effondrent dans la méfiance et la colère, mettant en cause des « élites coupables ».

Cette évolution navrante est totalement évitable. Quelle est l’erreur qui pèse sur le monde depuis 1971 ? On a fait disparaître des pratiques intergouvernementales l’obligation d’équilibrer les balances extérieures. Associé à un système de monnaies administratives flottantes, émises en masse prodigieuse, cet abus a fait passer l’économie en mode baudruche, avec des explosions successives de plus en plus graves.

La vérité économique élémentaire est qu’on ne peut avoir dans la durée des pays en fort excédent  et d’autres en fort déficit. Le recyclage des excédents et le financement des déficits  poussent à au gonflement de la dette globale qui finit par exploser.

Ce n’est pas le libre échange qui est en cause. Mais le libre-échange déséquilibré dans des proportions systémiques. Le commerce et la monnaie vont ensemble. Pas de bon commerce sans bon système monétaire. Croire que par une magie microéconomique toutes les situations de déséquilibres se résoudront automatiquement en laissant jouer les libertés économiques élémentaires, sans aucune harmonisation des conditions générales de l’activité n’est pas le fruit d’une réflexion économique sensée, basée sur les faits. Mais un acte de foi et il faut tordre la perception de la réalité pour le soutenir.

La première mesure à prendre à l’échelon de la planète est de revenir aux conditions organisationnelles qui permettent qu’aucun état ne se lance dans des politiques déséquilibrées. Sans être immédiatement sommé de revenir à un certain équilibre, avec une aide collective  pour éviter les trop gros coups de freins.

Evidemment, c’est politiquement difficile de dire aux Etats-Unis : le privilège (douteux) du dollar, c’est fini, comme  les déficits effarants qui l’accompagnent. Ce n’est pas plus aisé d’imposer aux Chinois et aux Allemands  un corset qui interdit les énormes excédents. De même les pays pétroliers ne pourront utiliser leur rente qu’en achat de marchandises et non en mouvement de capitaux.

Cette difficulté politique explique pourquoi le système dysfonctionnel  en place perdure, malgré les preuves répétées depuis 50 ans de sa nocivité.

Mais, il n’y a pas d’alternative comme disait Thatcher avec son TINA (There is no alternative).  Que les grands acteurs, victimes de leur propre impéritie, en viennent à proposer d’achever le malade plutôt que d’essayer de le soigner est tout de même un peu difficile à admettre.

La France qui a sombré dans le n’importe quoi de longue durée et qui en paie le prix amer, n’a plus aucune influence mondiale et a perdu les rênes de son destin.

Les instances mondiales, dans la dépendance américaine, sont silencieuses, ou poussent de si petits cris, qu’on ne peut les entendre.

L’Europe a mis en place un système absurde qui permet aux pays à excédents démesurés de maintenir leurs débiteurs la tête sous l’eau au détriment de l’ensemble.

Tout cela est anti économique à un niveau qui frôle le grotesque et ne peut se justifier.

Delenda est ! Donnez-nous un levier ! Si la raison pure ne suffit pas, que faire ?

Les Américains commenceraient-ils à réaliser que la crise existe ?

Comme les économistes officiels européens ont un bœuf sur la langue dès qu’il s’agit d’économie, tant leur soumission est totale aux oukases venant d’Outre-Atlantique, seule garantie pour eux d’avoir accès aux médias et aux postes internationaux, on en est réduit à guetter aux Etats-Unis les signes d’une remise en cause du « benign neglect » habituel sur les causes de la crise.

Jusqu’ici, à quelques rares exceptions que nous sommes permis de citer sur ce blog, la crise n’était pas à l’ordre du jour des Américains. Certes la récession de 2008-2009 a été douloureuse, mais c’était la faute des vilains. On allait les taxer voire les coffrer.  Après tout irait mieux. Le système était parfait. Mystérieux « at times » mais parfait. Liberté du commerce, liberté des mouvements financiers, puissance des marchés, tout était là pour juguler les vilains états dépensiers et permettre au monde de retrouver une vive croissance.  Quiconque lit la littérature économique américaine, a lu des tombereaux d’inepties de ce genre depuis quarante ans.

Et voilà que dans son édition du 8 août 2106 le New York Times découvre que depuis 1971, la croissance baisse continument et que nous en sommes à une phase de stagnation terrible qui a pris à revers toutes les prévisions économiques des "meilleurs experts". Il y a quelque chose de rafraîchissant dans cette candeur. Cela ne fait que quarante ans que le phénomène est enclenché et voici qu’on le découvre dans un grand média américain. Il est vrai que la Banque mondiale a produit un graphique (voir ci-dessous) tout ce qu’il y a de parlant ;  Nous essayons d’en publier du même genre depuis des lustres et c’est une des bases de notre livre « l’Etrange désastre »  dont l’objet n’’est rien d’autre que de donner les causes de ce mouvement de baisse de longue durée.

Autant dire qu’il était intéressant de lire l’article. Déception : rien sur les causes. L’auteur se contente de constater que « les récurrentes erreurs de prévision prouve que les experts n’ont pas compris ce qui n’allait pas ».   Les experts officiellement en place dans les instances sous domination américaine, sont certainement dans ce cas. Nous aurons la coquetterie de penser que le jugement ne vaut pas pour tous les économistes. Il est probable que Maurice Allais est un parfait inconnu pour notre journaliste fouineur.

Inutile de chercher dans l’article des pistes de recherche sur les causes de cette baisse de longue durée de la croissance.  L’auteur se contente de banalités sur la baisse de la productivité (automatique lorsque la croissance baisse et que la récession frappe) et du temps de travail. Internet ne serait pas porteur de création de richesses et d’emploi (c’est le thème à la mode).  Bref, c’est la faute à personne et le capitalisme est comme cela, une succession d’accès de croissance et de périodes de relâchement.

S’il avait fait commencer son graphique dix ans plus tôt, il aurait vu que l’inflexion s’est produite à une date bien précise. : 71-72. Il aurait peut-être eu la curiosité de se demander ce qui avait bien pu se passer qui pourrait expliquer l’inflexion constatée.  Et il serait tombé sur l’explication majeure : on a changé de système monétaire international et le nouveau, absurde et non coopératif, a créé une économie baudruche avec ses trois composantes, déséquilibres massifs alimentant des bulles financières à proportion, récessions aggravées, dettes immenses irrécouvrables. Il aurait alors constaté que l’explosion de 2008 n’a été suivie d’aucune mesure de correction mais simplement de mesures conservatoires, essentiellement portées par les banques centrales et les Etats,  qui, au prix de plus de 60.000 milliards de nouvelles dettes et d’un écrasement fiscal délirant, ont tenté de sauver ce qui pouvait l’être.

Ne demandons pas l’impossible. Le NYT vient de constater que le système s’étouffait dans la durée. D’ici quelques années, on en viendra sans doute à s’attaquer aux causes. Tous les débuts sont difficiles. Mais au moins, il y a un début.

Au XIXème siècle, quand une difficulté tenace bloquait la connaissance, on créait un prix pour stimuler les réflexions.  Pourquoi le FMI, ou le Congrès Américain, ou la Commission Européenne l’OCDE, ou l’Académie Française ne créerait pas un prix pour la meilleure réponse à la question : pourquoi le taux de croissance n’a cessé de baisser depuis 1971 ?  Si cela s’avère impossible, demandons au Comité  Nobel de changer les modalités de son prix d’économie. Au lieu de récompenser des américains politiquement correct en économie, façon Krugman ou Stiglitz qui n’ont ne strictement rien apporter à la science, qu’elle accorde son prix aux meilleures réponses aux questions clés qui se posent à l’économie moderne. Au moins il y aurait une réflexion sur les grandes tendances qui font difficulté et une vraie compétition pour y voir clair.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.



Hommage à Raghuram Rajan

Raghuram Rajan, Raghu pour les intimes,  est gouverneur de la banque centrale de l’Inde (Reserve Bank of India). Il vint de refuser de faire un second mandat. Cela s’est passé un 18 juin et cela résonne comme un appel. Il n’a pas été démissionné pour incompétence. Au contraire, il a été probablement le meilleur gouverneur de banque centrale de ces dernières années.

Raghuram était l’ancien Economiste en chef du FMI et il savait exactement de quoi il parlait.

Sa compétence et son autorité économique, qui n’étaient pas seulement une image de com’, comme pour DSK,  lui ont permis de sortir l’Inde de trois de ses tares habituelles : une inflation trop forte, des déficits intérieurs et extérieurs exagérés et un cours erratique de la Roupie. Rappelons la période : la pire pour les relations financières et monétaires internationales. Rappelons aussi le résultat : la meilleure croissance mondiale, bien avant la Chine !

Mais voilà, Il avait compris que le système monétaire international, basé sur les changes flottants et le n’importe quoi, était fou et forçait une guerre des banques centrales ridicule et contreproductive. Il ne l’a jamais dit aussi clairement. Les banquiers centraux ne font pas cela. Mais la restriction était évidente.

Alors les pressions ont commencé pour l’éjecter.

Raghu s’était fait connaître dès 2005 pour un rapport prémonitoire qui prenait à contrepied les inepties propagées par « la triplette tragique », Robert Rubin, le politique, Alan Greenspan, l’énigmatique, et Larry Summers, le vociférant, et annonçait l’explosion de 2008.

 “Here was a telling moment in 2005, at a conference held to honor Greenspan’s tenure at the Fed. One brave attendee, Raghuram Rajan (of the University of Chicago, surprisingly), presented a paper warning that the financial system was taking on potentially dangerous levels of risk. He was mocked by almost all present — including, by the way, Larry Summers, who dismissed his warnings as “misguided.”

Larry Summers l’a même carrément insulté en le traitant de « Lubbit », un terme qui s’applique aux fofolles qui épousent une pensée sans substance par pur snobisme.

Raghu n’a jamais caché depuis les réserves que lui inspirait le fait qu’aucune réforme n’avait suivi l’effondrement. Il est l’un des rares économistes de qualité ayant eu le courage de dénoncer les défauts structurels de la mondialisation basée sur la fuite en avant monétaire. Son livre,  Fault Lines: How Hidden Fractures Still Threaten the World Economy?, publié en Août 2011, et qui n’a eu exactement aucun écho en France, démontrait très précisément que les explications par les « subprimes » et de gangstérisme financier manquaient un tantinet de profondeur.

 “Rajan shows how the individual choices that collectively brought about the economic meltdown--made by bankers, government officials, and ordinary homeowners--were rational responses to a flawed global financial order in which the incentives to take on risk are incredibly out of step with the dangers those risks pose”.

Il faut aller plus loin que la simple dénonciation d’individus déviants.  Les agents économiques sont rationnels même dans un système irrationnel. Le problème est dans les défauts du système, pas dans la mentalité des agents économiques.

Il a rappelé à de nombreuses reprises que, dans le système financier existant, il est impossible de connaître la valeur fondamentale des actifs. L’économie n’a donc plus de boussole. Les investisseurs deviennent des guêpes frappant contre une vitre.

Comme beaucoup d’économistes soucieux du tiers monde, Raghu croit beaucoup que l’inégalité croissante est largement responsable de la crise, aussi bien celle qui apparait au sein des pays émergents, que celle qui s’est installée aux Etats-Unis et celle qui persiste entre pays émergents et pays industrialisés. Voir sa conférence fondamentale : (https://www.youtube.com/watch?v=GW7wu3uyz9g).

Sans nier l’impact des inégalités,  nous-même mettons plutôt l’accent sur l’effet délétère des grands déficits et des grands excédents qui imposent le retour des excédents de balance des paiements sur le marché financier des Etats-Unis et la hausse consécutive des en-cours bancaires, provoquant l’apparition d’une économie baudruche et des crises de plus en plus graves. Il n’est pas nécessaire de partir des inégalités aux Etats-Unis pour comprendre qu’une nation qui paie ses déficits dans sa monnaie n’aura aucun frein à les accroître jusqu’à l’explosion finale.   Mais il n’a pas sous-estimé le rôle des bulles financières répétées ni les effets des grands excédents et des grands déficits.

Il a parfaitement démontré que les politiques d’exportations forcées avec des monnaies dévaluées et les super excédents entrainaient à terme une économie locale anémiée et un Etat asphyxié. Il a moins bien vu que le débiteur américain était aussi capable de ruiner périodiquement le créancier (Allemagne en 74, Japon en 1992, Chine, en ce moment même). Mais au moins il a produit ce qu’on attend d’un économiste : une explication basée sur des observations et des mécanismes et non sur des pétitions de principe et des postures.

Naturellement, les éléments de langage relatifs à l’exclusion de Raghu Rajan font valoir uniquement des querelles internes à la politique indienne et l’énervement du nouveau dirigeant indien, Narendra Modi, face à la volonté de la banque centrale de nettoyer les bilans des banques et de mettre fin aux prêts « politiques » , et sa réticence à baisser de façon irresponsable les taux d’intérêt.

Ces querelles existent. Mais derrière ce conflit, il reste l’hostilité des tenants de la mondialisation à l’américaine basée sur la suprématie du dollar et la violence extérieure de son droit pénal.  Elle a laissé Raghu sans soutien.

En dépit du « lip service » politiquement correct en faveur d’un tiers-mondiste sérieux et soucieux d’efficacité sociale, Raghu a fini par être un homme seul en dépit de la justesse de ses vues et l’efficacité de son action opérationnelle.

Dommage. Car il a prouvé que la réflexion économique n’était pas seulement américaine et qu’elle devait même s’écarter de la vulgate de sa propre école (Chicago).

Et hommage, pour avoir prouvé qu’il était nécessaire de regarder plus loin que le bout de son nez. Espérons qu’il pourra à terme devenir président de l’Inde en dépit des graves  passions qui divisent ce pays.

Ce serait un allié idéal pour une réforme du système monétaire international.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile.

En lisant Jacques de Larosière

« 50 ans de crises financières » est un titre accrocheur (Merci Odile Jacob !) mais parfaitement trompeur. Le lecteur s’attend à un ouvrage sinon technique (encore que…) du moins très précis sur les décisions fondamentales prises dans les cinquante dernières années qui ont conduit au désastre actuel. Jacques de Larosière n’est pas un simple observateur. Il a été au cœur du réacteur. Il était donc plus qu’important  d’avoir et son témoignage et son jugement sur ce qui a été défait de façon aussi inconséquente, avec des conséquences aussi dramatiques. Sa carrière couvre quasiment exactement la période qui a vu « La Crise » s’installer et devenir pratiquement insurmontable. Il n’a pas été simplement le compagnon du désastre mais un de ses acteurs majeurs.

Au lieu de cela, nous avons une courte et creuse autobiographie d’un personnage aussi parfaitement  lisse que pourrait l’être un prototype de haut fonctionnaire français ayant cumulé à la satisfaction générale tous les hautes fonctions nationales et internationales possibles. Une carrière si belle suscite le respect. Ce fut parfait ! Bravo !

Tous les poncifs du genre défilent avec distinction. L’épouse remarquable, les enfants superbes, les interlocuteurs délicieux, dont beaucoup deviennent des amis, les séparations émouvantes avec les employés-modèle à chaque départ d’une haute fonction. Et la pêche à la mouche ou au thon avec quelques grands de ce monde qui aurait pu valoir trois phrases amusantes à Pêche, Chasse et Nature.

L’ennui, c’est qu’on nous a annoncé des analyses perforantes sur les causes de 50 ans de crises financières. Et qu’on ne trouve pas dix pages dans tout le livre sur les questions clé que pose le passage de l’économie mondiale en mode baudruche jusqu’à son effondrement en 2007-2008. Allons, soyons généreux : 100 lignes dignes du titre. C’est peu.

Pour nous, la question centrale à laquelle nous cherchions une réponse sérieuse était la suivante : comment a-t-on pu signer les accords de la Jamaïque qui ont provoqué le désastre. C’est à partir ce moment que l’économie a basculé dans le n’importe quoi  et qu’a été institutionnalisé la baisse constante du trend, la montée de l’endettement global à des niveaux intenables et les crises périodiques de plus en plus sévères. Les accords signés à Kingston, c’est l’erreur absolue, le poison lent instillé dans les artères de l’économie mondiale,  la source de tous nos maux actuels, même si l’Europe a aggravé les choses avec l’organisation inepte de la zone Euro et la France ajouté ses propres délires fiscaux.

Qui était le « sherpa » chargé de préparer ces accords ? Jacques de Larosière ! Alors, qu’a-t-il à dire ?

« Le groupe des dix désireux de trouver une solution décida de s’en remettre à la France et aux Etats-Unis ». « Jeune directeur du Trésor depuis juin 1974, je fus chargé de la négociation côté français ».

A l’hôtel du Mont Washington, à Bretton Woods, en juillet 1944, la France n’était rien. Le rapport Istel et Alphand avait été écarté d’un revers de la main dès les premières phases préparatoires un an plus tôt et la délégation française  luttait pour faire reconnaître sa représentativité. Elle n’eût aucun poids, en dépit de l’envoi d’un éminent représentant du Trésor (déjà), et l’arrivée tardive de Pierre Mendès France.  Pour construire la prospérité, nous n’étions pas là. Pour la déconstruire, nous étions en tête de cordée !

« Mon interlocuteur était le banquier Ed Yeo, sous-secrétaire d’état au trésor […] une force de la nature animée d’une énergie débordante ».

C’est là une grande tradition tactique américaine. Ils envoient au front des pitbulls qui n’ont qu’un leitmotiv : ce qui est bon pour les Etats-Unis est bon pour le monde, et une seule consigne : vous ne signerez que ce qui peut passer au congrès. On est plus dans le diktat que dans la négociation.

Il aurait été intéressant de savoir ce que furent les grands thèmes de cette négociation, les affrontements éventuels sur  les objectifs et les moyens. On ne trouvera qu’une seule ligne : «  nous finîmes par trouver un accord   juste avant la réunion du Groupe des Dix qui se tînt à Rambouillet le 17 novembre 1975 ». Fermer le banc tout est dit. On est bien content.  

On sait que M. Giscard, fit un peu plus tard, à Kingston, au bord de la piscine  où se pressaient Gérald Ford et les autres grands dirigeants, une exposition de sa plastique en maillot de bain qui fut très commentée.  On est encore plus content.

Continuons de lire notre négociateur :

« Les Accords de la Jamaïque mettaient fin au régime des parités fixes, légalisaient le flottement et abolissaient le statut officiel de l’or. Néanmoins quelques signes étaient donnés où la France voulait voir la volonté d’une certaine discipline : - la politique devait s’exercer sous la « ferme surveillance » du FMI ; - Le retour à terme à un système de parité fixes mais ajustables était envisagé comme un objectif.

Mais force est de reconnaître que ces vœux restaient théoriques.

En regardant ces évènements avec le recul du temps, je ne me sens pas particulièrement fier des résultats de la négociation. La réalité était que le flottement était libre. L’illusion était que cette liberté pourrait être contrôlée et constituer un « système ». On a sous estimé à l’époque la portée de l’effondrement du système de Bretton Woods. On a vu à l’usage combien le flottement des monnaies a encouragé le laxisme budgétaire et monétaire dont les effets cumulés nous écrasent aujourd’hui. Comment imaginer qu’un tel régime de liberté incontrôlée puisse être compatible avec une coopération économique mondiale et avec la stabilité du système financier. Bien que trop rarement dénoncé, cette enchaînement de conséquences de la décision d’août 1971 est à mon sens à l’origine de nombre des déséquilibres structurels d’aujourd’hui  ».

C’est tout ? Oui c’est tout.

Il serait fort injuste de tenir rigueur au « jeune directeur du Trésor » d’avoir ainsi négocié le plus grand désastre économique depuis 1929.  Que faisait le Ministre des finances de l’époque ? Où était Jean-Pierre Fourcade, inspecteur des finances, ami de Giscard, la dernière coiffure en brosse de la République et l’heureux concepteur de Bison Futé, qui fera une longue et lucrative carrière comme sénateur maire inamovible dans l’ouest parisien ? Il a publié en 2015 des mémoires qui passèrent totalement inaperçues et qui ne disent rien sur le sujet. Que faisait Giscard, qui en définitive porte la responsabilité principale. Sous De gaulle  il naviguait en pleine ambiguïté. Il pouvait désormais parler en maître. Il n’a rien dit, rien fait ? Où étaient l’Europe  et les européistes ?

Les Etats-Unis ont imposé leur point de vue sans opposition autre que marginale, feutrée et pusillanime. On retrouvera le pitbull Yeo un peu plus tard pour torpiller une idée du FMI « tendant à créer un compte de substitution » où les dollars auraient été changés en DTS, évitant que l’accumulation des balances dollars générées par les déficits n’induise une création monétaire débridée.  « C’était peut être la dernière chance d’assainir le système monétaire international ».

La totale docilité des européens et plus généralement des pays de l’Alliance Atlantique vis-à-vis des Etats-Unis est une tragédie. Elle dure encore. Il est vrai qu’aucune belle carrière internationale ne serait possible sans être totalement soumis. Pour un fonctionnaire, habitué à servir le souverain, la soumission est en quelque sorte institutionnelle.  Le souverain décide, le fonctionnaire exécute. Lorsque, de plus, le souverain n’a plus de souveraineté, il s’exécute d’autant plus vite.

La mansuétude que l’on peut accorder au sherpa des accords de la Jamaïque n’est pas de mise quand on s’attache à l’action du directeur général du FMI qu’il fut peu après.

Le directeur du FMI est indépendant, extrêmement bien payé, et a le pouvoir de parler et d’agir. Bien sûr, il n’est que directeur et le conseil d‘administration est là. Mais tout de même. Le FMI a un rôle statutaire dans l’avertissement des grands de ce monde sur les dysfonctionnements économiques et monétaires. Le système des changes flottants ne marche pas, n’a jamais marché et ne marchera jamais. Il appartenait au FMI de surveiller les mouvements croisés liés aux déficits et aux excédents immenses, d’étudier leurs conséquences, et de prévenir le monde. Personne ne pouvait empêcher le directeur général de mobiliser ses économistes (les plus chers payés du monde) pour voir, comprendre, faire savoir et alerter. Rien de tout cela ne fut tenté. Jacques de Larosière indique qu’il écrivit à titre personnel quelques avertissements sur les conséquences néfastes de la montée de l’endettement.  On croit rêver. Lorsqu’on dirige une institution multilatérale extrêmement bien dotée et chargée d’alerter sur les risques économiques et monétaires mondiaux, on ne se contente pas d’écrire des « pamphlets » qui « n’eurent aucune influence ». Il est vrai que le bon Yeo invita notre auteur à pêcher en famille le « blue fish » à Cape Cod. Ce n’est pas parce qu’on est pêcheur qu’on n’est pas pécheur. Jacques Rueff avait tout dit sur le péché monétaire de l’Occident.

Il se trouve que Larosière est encore dans le coup d’un autre gros dysfonctionnement structurel : la création d’une zone euro sans organe de direction. Il signe le rapport Delors et s’en dédouane en précisant : « On a parfois reproché à ce rapport d’avoir esquivé la question de l’indispensable coordination économique entre membres de l’Union. En fait le document soulignait bien l’importance de cette coordination. Mais le comité avait été chargé de faire des recommandations sur les aspects monétaires de l’union et non sur son organisation économique ». Là aussi l’auteur explique en détail pourquoi la solution est très mauvaise et n’hésite pas à souligner tout le mal d’une solution qu’il a signée. Il s’en dédouane un peu facilement. Comme dans la négociation avec Yéo, on se contente de vague réserves dont on sait qu’elles ne sont là que pour faire beau car elles sont virtuelles. C’est bien d’écrire en 2016 qu’une zone monétaire unique impose une gestion macro économique différenciée et une coordination. Mais un peu tard !

Nous passerons sur le reste des missions qui ont été confiées à notre auteur, notamment à la Berd, où il nettoiera les écuries laissées un peu sales par J. Attali, à la Banque de France où il sera sévèrement accroché par la Justice dans l’affaire du Crédit Lyonnais comme responsable de la Commission bancaire et qui finira sa carrière en soutien de Michel Pébereau et de la banque universelle.

Pour nous l’importance de Jacques de Larosière ne tient pas à son action passée, mais à sa dénonciation hic et nunc des trois dysfonctionnements qui font l’objet de nos travaux et combats publics  depuis vingt ans :

-          Oui, la crise actuelle est due aux cinquante années de désordre monétaire provoqué par l’abandon des disciplines de bretton Woods. Il est bien qu’un des grands acteurs de l’action publique nationale et internationale le dise enfin haut et fort.

-          Oui un système de monnaie unique sans coordinateur est une absurdité dangereuse.

-          Oui un pays comme la France qui refuse toute réforme structurelle et s’enfonce dans l’hyper fiscalité et  le socialisme anti économique est mal parti.

On nous dit parfois que nous sommes seuls à nous battre sur des positions qui seraient étonnantes, hétérodoxes, marginales et peut être même saugrenues.

Si le récit historique contenu dans les micro-mémoires de Jacques de Larosière  est consternant, son diagnostic lui est pleinement valable et mérite d’être amplifié.

Les idées que nous défendons ne sont pas marginales. Elles forment le cœur d’un consensus qu’il est facile de constater dans les discussions privées et pratiquement impossible de faire admettre à des dirigeants lorsqu’ils sont aux affaires.

La vérité est qu’il n’y a pas d’alternative.

Oui il faut mettre fin au flottement des monnaies et à l’absence de système coopératif dans le domaine de la monnaie et de la finance internationale.

Oui il faut un Chancelier de la zone Euro, appuyé sur un dispositif démocratique fort et coordonnant tous les aspects de la vie économique et sociale conditionnant la valeur de la monnaie (et non un gouvernement économique de la zone euro).

Oui, il faut réformer de fond en comble le système économique et social français avant qu’il ne s’effondre définitivement.

Grâce soit rendue à Jacques de Larosière de souligner la pertinence de ces trois thèses.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile.

Le système de change actuel ruine la société...

Le système de change actuel ruine la société

Jacques de Larosière, qui fut directeur du FMI, gouverneur de la Banque de France et président de la BERD, dénonce, dans «50 ans de crises financières», le manque de leadership et de discipline qui règne dans le «non-système» actuel

Jacques de Larosière a rassemblé, dans «50 ans de crises financières» (Odile Jacob, 272 p, 2016), ses notes «prises au jour le jour pendant les périodes de crises les plus aiguës». Cet homme d’influence a vécu de l’intérieur la fin du système de Bretton Woods en 1971. Il a rapidement compris que «les Etats-Unis n’accepteraient plus de se voir imposer les disciplines inhérentes à un système de changes stables». A l’époque, «on a sous-estimé la portée de l’effondrement du système de Bretton Woods», écrit-il. Les événements de 1971 sont en effet à l’origine de nombre des déséquilibres structurels actuels. Le flottement des monnaies a eu «des conséquences délétères sur nos économies et, plus généralement, sur nos sociétés», observe-t-il. Il a par exemple «encouragé le laxisme budgétaire et monétaire dont les effets cumulés nous écrasent aujourd’hui», avoue cet homme d’exception que les politiques monétaires d’assouplissement quantitatif plongent dans «un abîme d’interrogations et de doutes».

Le père de Jacques de Larosière était officier de marine, sa mère au bénéfice d’une licence d’enseignement en anglais. Durant la deuxième guerre, celle-ci lisait le Journal de Genève, lequel répandait «une bouffée de liberté», selon l’auteur. «La famille n’avait pas de fortune mais elle avait des valeurs», précise cet homme à la formation heurtée. Il se déplaça en effet de Rome à Bordeaux, en passant par Istanbul et Paris pour aboutir à l’ENA.

Rencontres avec Thatcher et Deng Xiaoping

Sa carrière, qui débuta en 1957 à l’Inspection des finances, lui a permis d’être au coeur des crises financières. Il fut directeur du Trésor (1974-78), directeur général du FMI durant neuf années (1978-87), puis gouverneur de la Banque de France (1987-93), président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (93-98), et conseiller (BNP-Paribas).

Il nous offre un livre de mémoire qui respire la sincérité et le bon sens. S’y côtoient des anecdotes sur des personnalités célèbres et sur la vie des grandes institutions ainsi que des réflexions sur la finance internationale. Il rencontra Deng Xiaoping en 1981 qui lui demanda son avis sur la manière de sortir son pays de son «retard économique». Il admira le courage et la volonté de Margaret Thatcher. Au 10 Downing Street, face à des dirigeants des organisations internationales rattachées à l’ONU, elle s’enquit de l’objet de la réunion. Quand Kurt Waldheim, le secrétaire général, «répondit que c’était pour se coordonner, elle explosa: «Vous devriez avoir honte! C’est travailler que vous devriez faire, pas vous coordonner!»

La dénonciation de la fuite dans la dette

Jacques de Larosière se révèle très critique à l’égard de l’union monétaire européenne, dénonçant un manque d’union politique ou de véritable coordination économique. Il regrette qu’elle ait ouvert la voie à de profondes divergences entre l’Allemagne et la France. Pour lui, «l’union monétaire n’est pas un free lunch et nécessite des règles budgétaires et structurelles communément partagées et communément mises en oeuvre». A son avis, «l’Union économique reste dans les limbes». On se concentre excessivement sur la politique monétaire: «La création monétaire illimitée n’est tout au plus qu’un palliatif lui-même source de dangers», explique-t-il. Quant à la gestion de la crise grecque, elle est «particulièrement discutable». En 2009-2010, il était évident qu’un programme de redressement devait comporter une restructuration en profondeur de la dette, écrit-il.

L’ancien directeur général du FMI, admirateur de Pierre Mendès France, «le seul homme politique capable de clairvoyance et de courage», dénonce le «non-système» actuel et la fuite dans l’endettement. Le monde financier a favorisé l’irresponsabilité budgétaire. «Jamais les gouvernements n’ont posé aux représentations nationales les vrais choix de société qu’implique, pour les générations futures, la pratique de l’endettement indéfini», selon l’expert qui a travaillé avec Paul Volcker et Raymond Barre.

«C’est la liberté de choix en matière budgétaire qui a été à l’origine de nos démocraties. Mais si on ne laisse aux générations futures que le choix entre payer une dette trop lourde ou la renier, cette liberté de choix est singulièrement réduite!», écrit l’auteur.

Jacques de Larosière regrette aussi que la réglementation mise en œuvre après la crise financière, sous la pression américaine, «ait affaibli le modèle de banque universelle du continent européen». Il l’interprète comme «un témoignage supplémentaire de la faiblesse du leadership européen dans les négociations internationales». Difficile de lui donner tort.


Extrait du "Temps" article de

 
 

J. Peyrelevade : un éclair déchire le ciel bleu de l’Enarchie

Jean Peyrelevade publie « Journal d’un sauvetage » (Albin Michel - 6 mars 2016). Le livre fait l’effet d’une explosion d’Exocet sous la ligne de flottaison des « élites politico administratives », en un mot de l’Enarchie. Revenir, après un quart de siècle, sur les circonstances d’un sauvetage de banque finalement raté, était-il, en soi, indispensable ? Sans doute. L’occasion est rarissime de suivre de façon aussi précise et détaillée le fonctionnement de l’Etat Moloch alors que l’un de ses plus illustres serviteurs a conduit à la faillite un des fleurons de l’histoire mondiale de la banque (Le Crédit Lyonnais était avant la guerre de 14 le premier établissement bancaire mondial, mais oui !).

Il ne faut pas bouder son plaisir. Le livre se lit d’une traite. L’auteur a le talent d’écrire nettement et sans fatiguer le lecteur.  Il a sollicité et affiné  sa plume pour peindre des tableaux au vitriol de certains protagonistes de l’affaire. Règlement de comptes ? Un peu, heureusement, tant les excès ont été effarants.  Le déroulé implacable des évènements met en lumière les énormes dysfonctionnements d’un système où les mêmes hommes tiennent le politique, le législatif, l’administratif, la banque et indirectement, les médias.

Depuis 20 ans nous poursuivons le même combat contre ce que nous appelons l’Enarchie Compassionnelle. Nous essayons de donner mille exemples des effets malsains de ce système consanguin et anti démocratique, mais surtout source d’un gaspillage indécent. Le récit de Peyrelevade est, de ce point de vue, d’une limpidité telle qu’on n’imagine pas qu’il puisse rester une seule personne adepte d’un tel système après avoir fini la lecture.

La société des hauts fonctionnaires est un système féodal où il est impossible de mettre en cause qui que ce soit, et où aucune des institutions mises en place pour exercer des contrôles  ne fonctionne.  Les pires erreurs ne sont jamais sanctionnées. Inlassablement, les grandes affaires sous contrôle de l’Etat périclitent et jamais la moindre leçon n’en est tirée.

Il n’y a donc aucune raison pour que de nouveaux désastres ne viennent pas s’ajouter aux précédents. La faillite de Dexia est en effet pire que celle du Crazy Lyonnais. Les pertes abyssales d’Areva, les difficultés de l’ex EDF,  les pertes massives et  récurrentes de la SNCF, les villes mal gérées comme Paris ou Montpellier, les mille et uns abus commis sans vergogne avec l’argent public ont tous la même cause.

Un système où les hauts fonctionnaires cumulent tous les pouvoirs et où les sanctions ne viennent jamais ne peut pas se porter bien.  La complicité avec les syndicats s’installent aussitôt, au nom de la paix sociale et les coûts s’envolent après qu’on ait tout lâché en matière de congés payés, de recrutements, de temps de travail, d’avantages exorbitants, d’indiscipline non sanctionnée.  On place les proches et les copains. On multiplie les postes de hauts dirigeants bien rémunérés pour des tâches pas toujours très claires.  Les auditeurs ne peuvent rien dire : c’est la politique de l’Etat ! Les carrières n’ont plus de rapport avec l’efficacité dans l’accomplissement des missions. D’ailleurs il n’y a plus de réelles missions. On est. On ne fait pas.

Le récit de Peyrelevade est implacable. On ne peut pas réformer un tel système. Il faut le supprimer. C’est la raison pour laquelle nous nous époumonons à réclamer la séparation du politique et de l’administratif, de la banque et de l’Etat, de la presse et de la banque.

Jean Peyrelevade voulait prendre la tête d’un Crédit  Lyonnais privatisé après séparation des actifs douteux liés au passé. Le système français est tellement bridé, que lorsqu’on privatise, la capture du patrimoine national se fait entre oligarques indéboulonnables qui tiennent entre leurs mains pratiquement à vie tous les grands projets nationaux pour des lustres, et la presse quotidienne en prime. Pensons à Michel Pébereau à la BNP, qui est l’exemple parfait de la chose et des actes associés (comme le vidage du directeur du Monde, après un article documentée sur la « pieuvre Pébereau »). On peut malheureusement imaginer que si l’auteur du livre avait réussi à être son pendant au Crédit Lyonnais, il en serait encore le président et le livre n’aurait pas été publié.

Si Peyrelevade passe au rayon X (il a fait Polytechnique) l’establishment de l’Inspection des Finances, n’est-ce pas en partie parce qu’on lui a barré l’accès au Naos du Grand Temple ?   

D’autres faiblesses structurelles du raisonnement des élites financières, administratives et politiques sont révélées par ce livre, sans que l’auteur ne s’en rende compte.  Jean Peyrelevade ne connait pas la notion de cycles économiques et n’a pas analysé le type d’économie qui s’écroule en 93 en France.  Le système bancaire français à cette date est touché dans son ensemble par l’explosion de la bulle immobilière notamment dans les bureaux. Des dizaines de milliards ont été investis hors de toute raison  dans une bulle terrifiante. Partout dans le monde. Les pertes du Crédit Lyonnais ne sont pas seulement liées à la folie des grandeurs de Jean-Yves Haberer.  Son successeur,  une fois aux manettes,  sera confronté, sans qu’il l’anticipe, à une absence prolongée de résultats du fait de la crise du système global. Il se trompera dès le départ sur l’ampleur des pertes du passé et constamment sur celles de la gestion courante.

On touche là la grande faiblesse de nos responsables : ils n’ont pas compris les énormes dysfonctionnements de l’économie globale, basée sur les changes flottants et le recyclage d’énormes excédents. Peyrelevade comme les autres. Nous l’avions déjà constaté au moment où il souhaitait dialoguer sur le net, une expérience qu’il abandonnera presqu’aussitôt. Le livre, indirectement, nous le démontre à nouveau.

L’inconvénient de cette incompréhension est une concentration excessive sur les hommes et le schéma franco français. Le Lyonnais a sauté comme Lehman Brothers et comme bien d’autres, faute d’avoir compris qu’elles chevauchaient une baudruche explosive. L’inconscience les a tuées.

On voudrait être sûr que l’inconscience des causes globales de la crise puisse venir un jour au premier plan des réflexions des grands auteurs. Jean Peyrelevade a manqué le coche mais  a fait œuvre magistrale pour rendre manifeste l’incroyable perversité du système français de confiscation du pouvoir administratif, politique, bancaire et médiatique par une clique minuscule et ses conséquences dramatiques en terme de perte de démocratie et de gaspillage d’argent public. Grâce soit rendue à ce livre pour cette seule raison. On n’avait jamais été plus loin dans la démonstration.

Et que les Français comprennent enfin qu’il ne faut pas élire un Enarque à la présidence du pays. Adieu Hollande ! Adieu Juppé ! Sinon le système dysfonctionnel et inefficace dénoncé si précisément dans le livre perdurera indéfiniment.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

Du Canard enchaîné au cygne martyrisé

Du Canard enchaîné au cygne martyrisé

Le Canard enchaîné  daté du 23 mars 2016 se livre, par l’entremise de Jean-Luc Porquet, à un exercice que nous pratiquons de temps à autres : aller rechercher dans le passé des attitudes et des positions qui se retrouvent presqu’identiquement de nos jours.

Il déterre un vieil article du 24 mars 1975 publié dans l’Obs sur le thème : « la relance pourquoi faire ? ». L’auteur, André Gorz,  était un auteur intéressant même s’il n’était pas l’intellectuel le plus connu du moment et, dans le cas, il écrivait sous pseudo. L’objet de son ire : condamner l’espoir que la croissance permettrait d’obtenir le plein emploi. « La croissance a abouti à l’impasse ». « L’alternative n’est pas entre la prolongation de la crise présente et le retour de la croissance  destructrice et gaspilleuse du passé. Ce retour est impossible. Faire croire le contraire est pure démagogie ».  Ses solutions : « une transformation de la société à tous les niveaux », la baisse du temps de travail et l’utilisation de techniques écologiques « employant peu de capitaux et beaucoup de main d’œuvre ».

Cet article méritait d’être déterré à plusieurs titres.

Qui a enseigné pendant des décennies s’amusera de l’impossibilité ontologique des intellectuels, des politiques et notamment des jeunes étudiants à considérer que « les problèmes » ne sont pas toujours « modernes », exigeant une « adaptation à des temps nouveaux ».  La contestation de la société de consommation et donc de production a commencé dans les années soixante avec les enfants du baby boom gavés de biens de toute sorte et n’ayant pas connu la faim. On se souvient des prédictions apocalyptiques, début 70,  annonçant la disparition du pétrole dès les années 80 (c’est toujours dix ans après que la catastrophe arrive pour ce genre de prévisionniste).  Le vert qui se portait à droite avant guerre (relire les églogues du Mitterrand de l’époque) est passé à gauche dans les années soixante.  Les philosophes, à l’époque, citant Platon,  étaient en pointe pour exiger une réforme de la société fondée sur le loisir et non sur le travail « qui dégrade ». Si la société ralentissait et se contentait de ce qu’elle avait, en s’organisant comme dans un joyeux phalanstère, le paradis s’installerait sur une terre sauvée de la surexploitation et de la pollution. Déjà les premières analysent mettant en cause le « bougisme » pointait leur nez. On n’imaginait pas des migrations de masses ni des substitutions de population dans le phalanstère. La société était statique et idéalement close sur ses propres solutions. 

Cet article mettra dans l’embarras tous les adeptes du « pas de croissance » dès que sera posée la question suivante : Que se serait-il passé si la croissance avait cessé en 1976 ?   Pas de micro-informatique, par d’internet, pas de téléphones portables, pas de médicaments décisifs, ni les mille face du «progrès » etc. Quand on bloque la croissance, on ne sait pas ce qu’on perd.

Une seconde question s’impose immédiatement après : comment règle-t-on la question de la pauvreté dans le monde sans croissance ? Nous avons certes connu une baisse du trend pendant ces quarante dernières décennies, mais la croissance annuelle a été malgré tout, en moyenne, supérieure à 2% en France sur l’ensemble de la période, entraînant une hausse très importante du niveau de vie. Qui veut revenir à celui de 1976 ? Et la pauvreté dans le monde a beaucoup reculé. Des centaines de millions de personnes en sont sorties.

Ne parlons pas de la fameuse « réorganisation sociale à tous les niveaux ». Personne ne sait mettre un contenu crédible et même simplement acceptable sur cette profession de foi.  

N’insistons pas sur l’idée saugrenue, déjà dénoncée sur ce blog,  que les solutions coûteuses et improductives créent de l’emploi, sottise qu’on entend tous les jours ces derniers temps, y compris dans la bouche des politiques de droite.

Pour nous, la question intéressante est ailleurs. La relance giscardo-chiraquienne de 74 allait se révéler un grave échec.  Il n’a pas été analysé à l’époque et ne le sera pas par les économistes officiels dans les décennies suivantes. Une loi économique nouvelle venait de s’inscrire durement dans les faits  : en système de changes flottants, les relances ne fonctionnent pas et rapidement les gouvernements sont obligés de revenir en arrière pour tenir leurs finances.  Cette loi fondamentale est passée inaperçue. Toutes les relances ultérieures ont connu ce destin partout où elles ont été mises en œuvre. Pas une seule exception. La relance coordonnées et massive de 2008-2009 a mis partout les finances publiques et privées dans une situation intenable. Huit ans après on en est toujours à tenter de faire face par des expédients de plus en plus artificiels.

L’abandon de la réflexion est encore plus grave et fondamental que ça, puisqu’il porte sur la crise de 73- 74 elle-même. On l’a évacuée comme « crise du pétrole » provoquée par le vilain cartel des pays pétroliers. Comme je l’ai démontré, je crois, dans mon livre, l’Etrange Désastre, la crise du pétrole est la fille de la crise économique et non sa mère. 

Comme on ne veut pas voir que la crise est liée à une erreur tragique de gouvernance internationale, on impute ses conséquences à tous les dadas à la mode et on pousse les pions de théories moralisantes,  sociales ou politiques,  qui n’ont aucun rapport explicatif avec « la crise ».

Cette dernière s’aggrave, faute d’un accord général sur le  diagnostic correct et de thérapeutique adaptée. Ces théories deviennent de plus en plus hystériques, à mesure de la croissance du chômage et des difficultés économiques.

C’est là qu’on passe du Canard au cygne. Il faut savoir que les déjections des cygnes sont totalement incompatibles avec les prairies pour vaches. Les paysans suisses ont été confrontés à l’expansion du nombre des cygnes et ont commencé à les chasser de leurs champs. D’où une campagne complètement hystérique de certains écolos helvètes visant à sanctionner les promoteurs de la « shoah des cygnes ». La « reductio ad hitlerum » du producteur de lait dans les alpages, est-ce bien raisonnable ?   On est passé d’une réflexion sur la consommation et l’organisation d’une société frugale  à une guerre émotionnelle de dénonciation de « génocides ».

Quand l’intellect faiblit, la passion occupe tout l’espace. 

« Perseverare cretinissinum » conclut l’article.

D’accord !    Mais les "crétins" ne sont pas nécessairement ceux qu’on croit.

Statistiques du site

L'année 2015 devait être une année où on ne parlerait pas trop d'économie, d'abord parceque les Français sont las de "la crise", ernsuite parceque l'année devait être celle de la reprise générale grâce à "l'alignement des planètes", enfin parceque le calendrier électoral faclisait l'attention sur les questions locales. L'actualité a de plus été marquée par la campagne d'attentats menés par le fanatisme musulman, en début comme en fin d'année.  La question des migrants a achevé de porter l'attention loin de l'économie. En revanche le retour très politique de la question de la dette grecque a porté les regards vers la situation de la zone Euro. L'illusion que 2015 serait l'année de la reprise en France a fini par s'évaporer complètement en fin d'année, avec des résultats déplorables en terme d'emploi et de dette.

L'année 2015 aura été une fois de plus une année de confirmation des trois maladies du monde que nous dénonçons depuis l'ouverture de ce blog.

- La gouvernance mondiale de l'économie, basée sur les changes flottants et les attitudes non collaboratives entre nations, sans obligations d'aucune sorte sinon de participer à des réunions où on chante les beautés de la coopération sans la pratiquer, a une nouvelle montrer sa perversité. Soigner la dette par la dette ne conduit qu'à des effondrements supplémentaires de banquise de dettes. Les déséquilibres monstrueux de balances de paiements et les spéculations qu'ils permettent finissent toujours par des rectifications sanglantes.

- La zone euro est minée par son organisation inepte. L'Europe elle, est ravagée par son soucis d'abaisser les Etats en poussant les régions, son parlement qui n'a aucun sens pratique, son juridisme étroit, façon puceau mystique, sa soumission aux Etats-Unis, et les défauts insurmontables de son organisation depuis l'élargissement massif post effondrement de l'URSS.  Le soft power a montré ses limites en Ukraine. Schengen était une absurdité qui explose à la figure de tous.

- Le prurit fiscal français a encore fait des ravages liquidant tout espoir d'investissement et de croissance réelle et sérieuse. La démagogie qui règne en maîtresse exigeante à l'Elysées a fait de l'achat de vote la boussole unique de ce gouvernement. Le Président, ayant cru malin de lier sa candidature à la baisse même artificielle des chiffres du chômage, se voit obligé de monter une formidable usine à gaz pour sortir 500.000 personnes des statistiques. Une honte jamais vue, du moins à ce niveau là. L'absence de tout scrupule semble sa marque de fabrique. Un gouvernement de médiocres apparatchiks finit de se ridiculiser.

Sur tous les sujets qui nous intéresse directement, la situation s'est aggravée. Il est intéressant que les articles les plus lus sur ce site se concentrent désormais sur l'explicaton de la crise et la question de la monnaie.

La monnaie est bien au coeur de tous les phénomènes désastreux que nous vivons. Il est sympathique de voir que ce point perce de plus en plus au moins dans la blogosphère. Reste à le voir naître dans la consience des décideurs. C'est loin d'être le cas.

Au moment où se prépare les programmes électoraux présidentiels, on voit qu'aucun ne présente la moindre esquisse d'une "diplomatie de la prospérité". La France ne peut plus s'en sortir seule, même si les politiques peuvent laisser croire qu'ils sont tout puissants. Les crises sont mondiales et aggravées par des structures régionales fautives. Sans vision dans ces deux domaines, on fait semblant.

Mettre l'accent sur ce point sera un de nos travaux d'Hercule en 2016.

Bonne année à tous



Baltic index : Est-il significatif ?

On lit et on entend dans les milieux qui se croient au top de la compréhension du monde qu'il ne faut pas s'occuper du Baltic Dry Index qui ne serait pas significatif compte tenu des énormes investissements faits dans le domaine du chargement maritime, bien au delà des nécessités.

Les deux graphiques que nous donnons ci-dessous prouvent exactement le contraire. Bien sûr les indicesde prix sont plus volatils que les statistiques en volume, mais cette sensibilité ne les rend pas inutiles, bien au contraire.

Nous avions appuyé en partie en juin 2006 notre prévision qu'une crise gigantesque allait se produire justement en analysant d'une part l'énormité de la poussée des prix, absolument intenable et d'autre part sur la violence du retournement prévisible.

En début 2015, nous avions alerté que "l'alignement des planètes" qui générait à l'époque des espoirs infinis (certains écrivaient même que Hollande était un génie d'avoir prévu que la courbe du chômage allait s'inverser toute seule en 2015 lui offrant un trône pour cinq ans de plus !) était sans doute intéressant mais que l'atonie du commerce international était un signe inquiétant. Croisé avec d'autres indicateurs comme celui des prix marchands, cette évolution marquait que nous étions en plein dégonflement de l'activité de panique des Chinois qui avait animé le commerce international résiduel de ses actions de précaution vis à vis du dollar. La baisse du pétrole s'inscrivait non pas dans le cadre d'un surplus d'offre comme tous les analystes moutonniers l'affirmaient en s'appuyant sur le phénomène du schiste américain  mais d'abandon de la demande spéculative, comme pour l'ensemble des matières premières.

En un mot, 2015 était encore une année de résorption de la crise violente de 2008, dont le premier effet était, comme nous l'avons écrit dès la fin 2008, le blocage du commerce international. Les émergents n'ont connu de belles croissances post 2008 que parce que la Chine sécurisait son stock de dollar en achetant partout des vivres et des matières premières. Les Etats-Unis s'en sortaient mieux que les autres parcequ'ils payaient tout en dollars, leur monnaie émise ad libitum. L'Allemagne profitait à plein de la dévaluation de l'Euro et des déficits des autres pays de la zone euro. En un mot : le désordre post récession,  les défauts structurels du système monétaire mondial et de l'euro et la malgouvernance de certains pays clés, s'alliaient non pas pour séparer des pays vertueux et admirables  et des pays du Club Med et de l'indécence économique, mais pour générer des spasmes qu'il ne fallaient pas confondre avec des sursauts de l'économie.

Il semble en ce début d'année, que cette analyse ait été la bonne. Les spasmes continuent, avec des révisions constamment à la baisse de la croissance.

Sommes-nous entré dans la phase de récession "décennale" mondiale ? Rappelons qu'elle commence TOUJOURS par un choc boursier aux Etats-Unis. Le Dow Jones est à un niveau totalement surévalué et intenable, reflétant la trouille des investisseurs mondiaux et le repli dans la cour du château du seigneur. On y est pas tout à fait. Mais cela se rapproche.

Hélàs.

Et aucune réforme de quoi que ce soit n'est en vue. L'idée même que ces réformes soient nécessaires n'existe médiatiquement nulle part. Les deux seules réflexions en cours au FMI, qui trône sur ce désastre et manque totalement à ses devoirs, concernent le perfectionnement du système  : rendre le Yuan bien flottant, réussir le traité transatlantique sur plus de libre échange. Les Etats-Unis en restent à leur doxa : sanctionner les vilaines banques qui ont pu faire croire que le système était mauvais. Le Ru tente de sauver leur poumon financier qui respire les bulles comme d'autres la marijeanne.  Les Allemands profitent. L'Europe stagne dans la douleur et la morosité, à peine troublée par quelques farces et attrapes maghrébines, et l'aimantation des migrants. La France s'enfonce dans le chômage, les dettes et l'abaissement politicien de troisième ordre. 

Jamais le décalage entre la simple observation des faits et la réflexion publique, noationale, européenne et mondiale n'a été plus grand.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile

 



Ben Bernanke : Des "Mémoires de crise" sans aucun intérêt

Lire le livre de Ben Bernanke, l'ancien directeur de la FED, évoquant son action avant et pendant la crise la plus dure qui ait frappé le monde depuis 1929, est un double supplice. L'inconvénient de nommer des  universitaires à la tête d'organismes publics est qu'ils pensent tout de suite au livre qu'ils pourront écrire en quittant le poste et aux gains associés. Il faut bien penser à sa retraite dorée ! Alors ils prennent des notes. Frappé de ce syndrome, le livre de Bernanke est beaucoup trop long  et pourri d'anecdotes absolument sans intérêt compte tenu de la gravité de la situation à laquelle le monde avait à faire face. Savoir que le Président Bush lui a relevé le bas du pantalon parce qu'il portait des chaussettes beiges sur un costume sombre et lui a  rappelé, qu'à la Maison Blanche, il fallait aussi avoir un peu de tenue, est sans doute un événement crucial dans la vie de l'auteur. Et raconter que, a semaine suivante, tous les participants à la nouvelle réunion avec Bush avaient des chaussettes de la même couleur, marque certainement le début d'une véritable épopée. Mais tout de même. On n'achète pas ce type de livre pour lire ce genre d'anecdotes.

La crise, ce sont des milliards de dollars de pertes, des dizaines de millions de chômeurs, des milliers de suicides de patrons de PME ou de cadres supérieurs, des guerres meurtrières liées à la misère induite, comme dans les pays arabes, des millions de carrières arrêtées ou anéanties. Que viennent faire les chaussettes du directeur de la FED dans ce désastre ? Mais cela devait figurer sur une note que l'on a compilé à toute vitesse pour satisfaire l'éditeur. Grotesque. S'il n'y avait qu'une remarque de ce genre ! Mais non. Ce ton rigolard traverse tout le livre.

Plus grave, le livre montre l'incroyable incompétence qui noie la réflexion économique aux Etats-Unis. Ben Bernanke nous apprend que sa principale contribution à la science économique, en tant qu'universitaire tenant un des postes les plus prestigieux, dans une université des plus prestigieuses, est d'avoir expliqué que, sans doute, les banques jouaient un rôle dans les crises ! Il se trouvait que la vulgate universitaire américaine en économie était encore trempée dans l'idée que la monnaie était un voile sans importance. Prodigieux effort ! Les théoriciens des crises et du cycle avaient tous déjà décrit depuis au moins cent ans que les crises périodiques étaient d'abord financières. Une telle audace le qualifiait comme spécialiste "incontournable" de la monnaie et lui vaudra finalement son poste à la FED. Quand on sait avec quelle révérence les politiques, les médias et les économistes français écoutent tout ce qui vient des Etats-Unis, on se rend compte combien cette attitude de colonisé est inappropriée. La vérité et le savoir ne viennent pas, en économie, des Etats-Unis. Seulement un "prestige" sans fondement.

Déjà, en lisant DSK et ses analyses du pourquoi de l'inconscience du FMI et du comment de son incapacité à prévoir la crise, on se rendait compte que tout ce petit monde vivait sur des clichés et sous la tutelle américaine, deux maîtres particulièrement déprimants. Chacun regardait dans son petit domaine et personne n'avait vu que les relations déséquilibrées entre les grands Etats débiteurs et les grands états créditeurs avaient des conséquences effroyables sur la montée de la dette globale.

La lecture de Bernanke est encore pire. Pour le lecteur, une des questions clé est justement la question de la montée vers la crise. Les signes précurseurs étaient-ils perçus ? Avait-on un diagnostic global sur ce qui se passait ? Des alertes sonnaient-elles un peu partout ? Comment les organes de direction de l'économie mondiale réagissaient-ils à la montée des périls ?

Le lecteur sera bien déçu. L'auteur passe directement de très très longues digressions sur l'histoire de sa nomination (dont tout le monde se moque) et sur la manière dont il s’est installé dans son poste, à… la crise des subprimes de l'été 2007. On ne trouve aucune analyse ou témoignage sur la réflexion économique pré crise. Ce que consent à écrire M. Bernanke, c'est simplement qu'on réfléchissait à modifier la politique de la FED de remontée systématique d'un quart de point du taux directeur pour "faire face à l'inflation" et qu'on regardait la montée puis le ralentissement du marché immobilier. Sans grande crainte : l'immobilier marchait bien sous la pression de la hausse des revenus (on satisfaisait des besoins) et des facilités de crédit ; le marché ensuite régulait normalement quelques excès.

Aux Etats-Unis,  le reste du monde n'existe pas. Il s'agit de définir ce qui est bon pour les Américains. D'ailleurs aucune déclaration d'un "responsable" d'un organisme officiel américain quelconque se garderait de  ne pas préciser que les décisions sont prises "parce que c'est bon pour les Américains". M. Bernanke n'a aucune vision internationale. Aucune réflexion sur les tourments du système monétaire des changes flottants. Aucune idée sur la montée de l'endettement global partout dans le monde, ni sur ses conséquences. Aucun effluve de réflexion sur la signification pourtant assez "ominous" du passage à une économie baudruche, où les investissements n'ont plus un objectif de production mais de "création de valeur". Le vide intégral. Le "benign neglect", cette négligence volontaire des conséquences pour les autres de la politique du dollar n'est même pas perverse. Ignorance et indifférence en sont le moteur principal.

Alors que dès la mi 2006, notre Cercle s'interrogeait sur l'ampleur et la date de la crise périodique à venir, publiait des analyses semestrielles très pessimistes et lançait des alertes tous azimuts (notamment aux candidats aux présidentielles de 2007 en France), M. Bernanke se félicitait de retrouver machin ou chose qu'il avait connu dans une vie antérieure, s'inquiétait de bien parler aux médias et arbitrait l'immense question de savoir si l'inflation était bien sous contrôle ou s'il fallait s'en inquiéter, alors que tout le monde fêtait Greenspan, "le sorcier qui avait fabriqué la période de croissance la plus longue de l'histoire"…américaine. Inutile de rappeler à ces enthousiastes que depuis 1971 la courbe de la dette globale s'était inversée pour dépasser en moyenne 400 %. Cet indicateur-là n'est pas suivi par la FED. Inutile aussi de leur mettre sous le nez les courbes qui prouvent que la croissance n'a cessé de baisser de décennies en décennies depuis 1971. Inutile de leur rappeler que les crises périodiques ont été de plus en plus violentes. La psychologie collective aux Etats-Unis impose de penser qu'une crise provient toujours de vilains ou de vilaines choses. La crise de 72-73 ? Les vilains de l'Opep. La crise de 92-93 ? Les vilains de l'Irak qui ont imposé la guerre.

Les Mémoires de Bernanke devraient rappeler au monde que le dirigeant de la FED est un aveugle et un paralytique, enfermé dans une pensée économique inexistante et de plus monopolisé par le seul intérêt de Wall Street. Le seul drame dont témoigne son livre est une erreur de communication qui a fait baisser la bourse américaine ! "Ne pas merder" (c'est dans le texte) sa communication, voilà la vraie question.

Que la montée astronomique de la dette globale et notamment immobilière soit due à la double hélice de crédits permise par les énormes déficits et excédents de balances de paiement, l'explication aurait ahuri Bernanke, presque autant qu'un Indien voyant arriver Cortes. Que l'inflation dans les prix des produits soit éliminée par le transfert à une Chine industrieuse et radicalement pauvre de la production mondiale, alors que l'inflation délirante des moyens de paiements se concentrait sur les "actifs", financiers ou immobiliers, encore une idée qui aurait eu le même effet que la découverte par Mme Duflot qu'elle aurait prononcé par inadvertance une phrase intelligente.

L'ignorance et l'inconscience régnaient à la FED en 2005, 2006 et 2007. Comme au FMI, pour les mêmes raisons de révérence à la nullité américaine (sur le plan des idées) et à leur domination (sur le plan institutionnel).

Cette ignorance a une traduction concrète : pas une ligne, pas une page, sur les réflexions et les actions de ce M. Bernanke de mars 2006 à août 2007. En revanche, on ne nous épargnera rien sur les vacances qu'il pensait prendre pendant ce mois d'août 2007 et auxquelles il devra, par surprise, renoncer dans l'urgence. Le blocage des fonds gérés par BNPPARIBAS ("abrutis de Français, toujours à nous embêter") marquait l'effondrement du marché interbancaire, entièrement dominé par des produits frelatés en provenance des Etats-Unis !

Plusieurs conclusions sont à tirer de l'épaisse contine narcissique de Monsieur Ben Bernanke :

- D'abord qu'il est inutile de lire le livre. À part la révélation de l'ignorance et de l'inconscience qui règnent dans les plus hautes sphères américaines, dont nous avons tant de preuves par ailleurs, il n'apporte absolument rien (sinon une rente d'édition malvenue à son auteur et un ennui de lecture pesant).

- Ensuite que la science économique aux Etats-Unis est un parfait désastre et que sa domination sur le reste du monde a entraîné la discipline dans le trente sixième dessous. La déconfiture des économistes officiels français trouve son écho dans la vacuité de l'enseignement et de la recherche économique américaine.

- Enfin qu'il faudra bien de la persévérance et bien de la force pour forcer les Américains à revenir à un modèle monétaire international un peu plus coopératif et soudé. Aujourd'hui il n'y a qu'un moyen : bloquer le traité transatlantique jusqu'à ce que tout le monde s'accorde sur une réforme monétaire. Il n'y a pas de réflexions sur les échanges de biens et services qui ne doivent s'accompagner d'une réflexion sur la monnaie.

Les affaires économiques du monde sont bien trop importantes pour les confier plus longtemps à des universitaires américains.

Les économistes américains découvrent (enfin) les méfaits de la dette massive

Le phénomène économique mondial le plus important des quarante dernières années est l'inversion de la courbe de la dette globale à partir de 1971. Alors que la dette globale, supérieure à 400% du PIB  dans la majorité des pays occidentaux en 1944, était redescendue en 26 ans à moins de 200%, l'abandon des disciplines de Bretton-Woods, les changes flottants, et l'arrêt de la condamnation des grands déficits et des grands excédents, contrairement aux statuts du FMI  et au traité de la Havane,  ont provoqué une remontée constante jusqu'à dépasser en moyenne les 400% à nouveau partout dans les pays de l'OCDE en 2006.

C'est le thème principal de mon livre, L'Etrange Désastre, écrit justement parce que ce phénomène était non seulement passé inaperçu mais pire encore n'avait jamais été expliqué par les spécialistes. Il est facile de calculer qu'un taux de dettes de 400% est intenable. Avec une maturité de 5 ans et un taux d'intérêt plus frais de 5%, il faut 100% du PIB pour payer les intérêts et amortir la dette ! Cette réalité explique le blocage du marché interbancaire de l'été 2007 puis la série d'explosions bancaires de 2008, culminant en septembre avec la faillite de Lehman Brothers.

La source de ce désastre est la volonté américaine de pratiquer une négligence offensive dans la gestion du dollar, mis au service des intérêts militaires et économiques américains, considérés comme de l'intérêt général pour le monde occidental et à ce titre jamais contestés. Le mécanisme est la double hélice de crédits, décrit par Jacques Rueff, générée par le recyclage des excédents massifs des pays exportateurs.

L'idéologie véhiculée sur ce sujet des changes flottants, nous l'avons vu dans un récent article, rend la discussion impossible. Mais le système des changes flottants n'est pas la seule idée, intéressée et fausse, imprimée dans les esprits. Sans sombrer dans un marxisme méthodologique de pacotille, il est bien clair que les phénomènes de domination produisent une vulgate indiscutée, à caractère de crédo, qu'il serait malséant de discuter.

Une idée dérivée du "benign neglect" (que nous traduisons "par négligence offensante et offensive"), est la bonté intrinsèque de la dette. La dette ne serait pas grave parce qu'elle a des contreparties. Nous avons vu dans plusieurs articles que la valeur de ces contreparties est incertaine si elle n'est pas assurée sur un flux de valeur associée à une production attendue. La valeur actuelle des rendements attendus de l'investissement donne l'estimation d'un capital. S'il n'y a aucun flux futur, il n'y a pas de stock !

En s'écartant de toute notion de valeur actuelle de rendements futurs, la marque du passage de l'économie en mode baudruche, les contreparties d'une dette qui dépasse 200% du PIB n'existent plus. La dette devient une charge intolérable pour l'économie réelle et ses acteurs. On le voit en Grèce, en Europe et dans bien des pays aujourd'hui. La France est au balcon, sur ce sujet explosif.

Non seulement la dette doit avoir un coût, pour éviter son bourgeonnement mais elle doit être contenue dans des limites strictes, et la nature des financements doit faire l'objet de réflexions différentes. Le crédit à la consommation est extrêmement dangereux puisque l'intérêt n'est pas financé par une valeur ajoutée nouvelle mais par une hypothétique croissance. De même le crédit immobilier doit être contenu dans certaines limites parce que lui aussi au final  ponctionne ses intérêts sur une éventuelle croissance. Les investissements d'entreprises doivent pour leur part trouver leur équilibre entre la "transformation", utiliser des emprunts courts pour financer des emprunts longs, la dette bancaire, les obligations et le capital.

Toutes ces règles dominaient les esprits jusqu'en 1970 dans tous les cours d'économie générale et d'économie bancaire.

Le bourgeonnement de la "finance" et son envahissement de la sphère économique, a fait naître un nouveau réflexe conditionné : toute nouvelle dette est bonne pour l'économie et l'investissement. Si les marchés financiers deviennent "parfaits" au sens de la théorie de la concurrence, les ajustements se feront dans la plus parfaite fluidité, à l'émerveillement des masses. Dans la pratique on a vu que tous les marchés de taux et de devises étaient frelatés, car tenus par très peu d'intervenants et faussés (ou manipulés "pour leur bien") par des banques centrales ne considérant plus qu'elles devaient faire attention à leur propre création de monnaie.  Ben Bernanke a été choisi pour diriger la FED parce qu'il avait théorisé que les banques centrales pouvaient, à elles-seules, faire sortir l'économie de toute récession.

Huit ans après l'explosion en vol du système, commence à se produire l'inévitable reflux intellectuel.

Le livre de Bernanke traduit sa déception : non, les banques centrales ne peuvent pas tirer, seules, l'économie d'une récession grave. Comme nous le disons depuis toujours : une banque centrale est comme un psychanalyste. Elle ne peut guérir que les maladies qu'elle a elle-même provoquées. (Mémoires de crise - Ben S. Bernanke -Seuil - 640 pages - 28.00 € TTC)

Celui d'Adair Turner , (Between Debt and the Devil, Money, Credit, and Fixing Global Finance, Princeton University Press) , met un deuxième clou dans le cercueil. Non la dette n'est pas nécessaire à l'investissement si elle échappe à certaines limites. Au-delà, elle devient "satanique".

La question de la fausse perfection des marchés monétaires et financiers internationaux est déjà tranchée par de nombreux livres depuis plusieurs années.

Il ne reste qu'un dernier tabou : les changes flottants. C'est celui que nous avons tenté de dynamiter dans notre livre. C'est le tabou qui est derrière les trois autres : des dettes massives ; interventions délirantes des banques centrales ; marchés financiers et monétaires "non performants".

Au passage notons que le FMI en est toujours à lever tous les obstacles aux changes flottants et  à la perfection des marchés financiers, en proposant de taxer à mort le capital. Nous lui suggérons de tirer parti des livres qui paraissent aux Etats-Unis, donc de la maison du maître des lieux, et de changer simplement de cible.  Le dernier livre suggère que c'est en taxant la dette qu'on mettra fin à l'économie baudruche, pas le capital.

Pour le moment on s'est contenté… de la rendre presque gratuite ! Le transfert de la dette aux Etats rend cette solution indispensable. Mais si la contrepartie est la taxation massive du capital, la solution est vaine à moyen terme. On le voit bien en France avec les dernières mesures prises par le gouvernement en matière de logements. La loi stupide acceptée pour des raisons politiciennes par le faiblissime Hollande, proposée par une parfaite imbécile aux dents longues et aux pensées courtes, (une certaine Duflot), qui devait propulser la construction de logements aux plus hauts sommets, a effondré le marché. Loyers diminués de façon autoritaire de 20 à 40%, mesures vexatoires diverses contre les propriétaires et les intermédiaires, frais nouveaux ruineux, aveuglements divers (le loyer imposé est le même dans le même bâtiment entre un rez-de-chaussée et un appartement en étage avec vue, ensoleillement etc.), dans un contexte de fiscalité spoliatrice des "possédants" (des propriétaires en langage courant), ont ruiné le marché. La crise du logement ne cesse de s'aggraver dans un contexte de baisse du revenu par tête. Que propose le gouvernement : encore plus de dettes privées subventionnées par le recours à plus de dettes et d'impôts publics ! Rappelons que le prêt à taux zéro est financé par l'impôt immédiat (ou futur : la dette). On croit en France qu'un marché se redresse par le double jeu de l'impôt sur les investisseurs et de la subvention à l'acheteur pour qu'il s'endette). Aucune théorie économique ne justifiera jamais de tels délires.

Rappelons que la France détient en même temps le record mondial de la subvention au logement, et le record tout aussi mondial de l'imposition de l'immobilier. Et qu'elle est la merveilleuse vitrine de la crise du logement perpétuelle. D'erreurs en erreurs jusqu'à l'effondrement final ?

Alors que, lentement, le cadre conceptuel absurde qui a ruiné la prospérité occidentale commence à basculer, même aux Etats-Unis, le Français né malin, s'enfonce dans toutes les erreurs balisées, au prix du saccage de toutes les libertés et du droit de propriété. Du sous-chavez à prétention technocratique, exalté mais unanime.

Pas un média n'a fait entendre une voix discordante sur cette amplification de l'appel à la dette subventionnée. Pas un parti d'opposition n'a moufté. L'impôt ciblé sur les riches, c'est bien. La subvention et la dette aidée, c'est très bien. Embrassons-nous, Folamour !

L'affaire du dopage de l'économie par des produits illicites n'a pas encore été découverte ! Le plus drôle c'est que la France se dope…pour perdre !

Consternant.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile

Retour sur ce que disait l'Express en septembre 2009 pour juguler la crise

Au moment où les illusions d’une reprise franche, massive et riche en emplois s’estompent, preuve que la crise n’a pas été totalement comprise et que les mesures prises n’ont pas eu les effets escomptées, il est intéressant de revenir sur ce que disait la presse à la rentrée de 2009, alors que la récession était à son maximum, après s’être développée depuis juillet 2007. 

Prenons par exemple l’Express n° 3038, qui annonce « Crise : plus jamais ça ». « Après deux ans de chaos,  la nécessité de repenser le capitalisme s’impose ». « Les idées neuves commencent à émerger ».  L’Express  a sollicité quatre intellectuels de renom pour esquisser la forme que pourrait prendre demain le capitalisme ».

Pour Philippe Aghion, membre du CAE et de la commission Attali, marques de renom s’il en est, « les pays comme la France […] ont mieux résisté que le Royaume-Uni ou les Etats-Unis qui ne disposaient pas de stabilisateurs automatiques ».

On voit six ans plus tard où l’on en est. La France a le double de chômeurs, sa dette devient incontrôlable, et son taux de croissance est moitié moindre.

Il préconise une intervention massive de l’Etat dans la régulation bancaire et même dans les décisions au jour le jour comme les rémunérations. Il omet de signaler que toutes les banques sont en faillite virtuelle et ne cherche pas à savoir pourquoi. Ce sont finalement les banques centrales qui sauveront les banques en leur permettant d’emprunter à coût nul et de prêter aux Etats, le gain servant progressivement à amortir les pertes. Le processus est loin d’être terminé, comme on le voit avec les restructurations massives de nombreuses banques, contraintes de dégonfler rapidement et leurs en-cours et leurs effectifs. En revanche une législation incroyablement tatillonne a été mise en place qui est étouffante, sans que les restructurations majeures n’aient été faites (séparation des banques de dépôts et des banques d’affaires ; arrêt des cotations en continu ; encadrement des mouvements de capitaux à court terme, stabilisation des changes, …).

Les autres suggestions sont d’une parfaite banalité (fiscalité punitive, avec la fusion de la CSG et de l’IR, surtaxe sur les très riches, formation et recherche, environnement, protection nationale des sources de croissance mais dans le cadre des règles du marché unique). On ne craint jamais les oxymores  et la résolution des contraires par le verbalisme.

Rendons hommage aux membres du CAE : ils ont eu suffisamment d’influence pour faire avancer leurs idées. Les banques sont corsetées ; les Français sont fiscalement pillés ; on ne parle que d’environnement source des progrès et de l’industrialisation future. Et nous sommes dans la situation où nous sommes.

Pourquoi ce contraste, tout de même un peu fâcheux ? La raison est simple : il n’y a aucun diagnostic des causes de la crise. Pas un mot sur le grand retournement de la dette globale à partir de 1971 et sa montée jusqu’au-delà de 400% du PIB presque partout. Pas un mot sur les défauts d’organisation de la zone Euro. Pas un mot sur les défauts d’organisation du système des changes. Pas un mot sur l’excès de dépenses publiques françaises.

Alors on glose sur des thèmes sans danger de carrière. Et on ne propose que des banalités sans effets sur la réalité tout en prétendant « réformer le capitalisme ». On voit que cette philosophie est encore de règle dans les milieux de l’économie officielle et qu’elle nourrit les politiques de tout bord.

L’Express en appelle alors à un certain Richard Senett, de la London School of Economics. « Le développement des idéaux de performance et d’autonomie fait que ces gens pensent ne pas avoir été à la hauteur ». Ces gens sont ceux qui ont vu leur carrière hoqueter à cause de la crise. Dans les années 70, nous avons personnellement réorganisé une société de gestion d ‘archives d’entreprises. Lourde réalité : divorces et suicides sont la conséquence des faillites dans beaucoup de ménages. Les femmes cherchent un protecteur. S’il flanche, elles partent. La grande nouvelle ! Après trois récessions destructrices les drames se sont succédé. La vraie question est d’éviter les graves dépressions économiques. Pas de « réhabiliter la notion de métier », ni de « concentrer l’action syndicale sur les questions de santé », pour que le salarié puisse acquérir de la « continuité narrative ».

Notons- le, un nouvelle fois : l’absence totale de diagnostic de la crise est criante. Les autorités ont bien compris le message de Senett. Nous voici avec la notion de dossier  professionnel continu du salarié, censé faire face à la discontinuité des carrières.  Au moment où le rêve de tous est de devenir fonctionnaire, un « métier » où la « continuité narrative » est assurée. Mais pas la valeur ajoutée.

Le périodique appelle alors à la barre le « Philosophe de service ». Depuis Platon, la corporation méprise l’activité commerciale et la production. Très bien payé comme professeur « travaillant » (horresco referens) très peu à l’université de Lausanne, ce curé des temps modernes (le prêche sans le sacrifice) nous assène : « il faut arrêter de penser que l’enrichissement matériel est une fin en soi ».  Faites l’expérience : proposez à ces olibrius un retour au niveau de vie moyen de l’URSS, pour ne pas remonter au XIXème siècle. L’œil devient vitreux, le discours se raidit :   « Il est scandaleux que les professeurs soient aussi peu reconnus dans la société de consommation : des sous, des sous ! ».

Mais force est de constater que ces discours moralistes portent et nous voilà à l’aube de la COB21. La croissance détruit la planète. "Salauds de capitalistes avec leurs économistes suppôts qui sont des génocidaires pires qu’Hitler."

La solution : « forcer les chambres hautes à se consacrer aux seuls enjeux de long terme avec une approche qualitative et non monétaire ». La monnaie, pouah, c’est sale et ça tâche.

Les désordres actuels sont liés à une organisation monétaire défaillante On voit la pertinence de tout cela. On imagine que ce brave garçon envisage d’être un des nouveaux sénateurs. Il pense si « politiquement correct » ! Et faire la morale, dans l’opulence, il n’y a que cela de vrai.

Voici pour finir la saga des penseurs de la refondation capitaliste un directeur de recherche au Centre d’études européennes de sciences-po. Que faire ? C’est tout simple. Permettre aux Brics de prendre toute leur place dans les institutions mondiales. L’Europe sera marginalisée et l’Occident aussi, mais ce n’est pas grave. Il faut supprimer le droit de veto à l’ONU. La gouvernance du FMI doit être réformée.

L’auteur remarque justement qu’ « il est anormal que le FMI n’ait pas pu jouer son rôle d’alerte » et qu’il n’a servi qu’à relayer les exigences américaines. Mais il ne dit pas que le FMI, créé pour réguler un système de changes fixes n’a pas de rôle autre que de sous-diplomatie américaine à trois balles,  dans un système de changes flottants.

La crise est une de fois de plus associée à une dérégulation excessive des marchés financiers, sans voir que cette dérégulation est consubstantielle à un système de changes flottants. Il faut bien que les marchés s’exercent pour fixer la valeur respective des monnaies. On a vu récemment Mme Lagarde se réjouir que la Chine libéralise un peu la gestion de sa monnaie dans la perspective de la mise sur le marché du Yuan.

Huit ans après, l’émancipation de la Chine, le retour de la Russie sur le plan international, rend tout ce verbiage inopérant. L’Occident est toujours de toutou des Américains qui détruisent allègrement leurs concurrents bancaires européens et s’emparent de la finance mondiale comme jamais (100% des grandes syndications sont pilotées par des banques américaines) ; Le soft power a montré son impuissance en Ukraine et au Moyen-Orient.  Les bruits de bottes deviennent un peu sonores et des millions de personnes déplacées viennent ajouter à la crise globale, sur fond de stagnation économique de longue durée.

Au total, la pertinence des quatre sauveurs du monde capitaliste se révèle totalement nulle et à côté de la plaque. Aucune réflexion sur les vrais problèmes :

-          Le dégel du monde communiste qui met sur le marché des centaines de millions de salariés au moment même où tous les marchés sont ouverts à la puissance américaine.

-          Les désordres monétaires internationaux liés aux changes flottants et à l’abandon des grandes disciplines de balances de paiement, avec notamment la montée d’un endettement incontrôlable.

On ne parle que normes aggravées, là où il faudrait engager le fer sur des questions d’organisation et de politique au jour le jour.

Pas un mot sur l’Europe et le feu qui couve dans les déficits associés à la politique de relance, à la crise, et à la garantie des pertes bancaires. Pas un mot sur la FED ou la BCE.

Bref,  une absence totale de  pertinence et une compréhension du monde d’une nullité abyssale.

On constatera que ces caractéristiques restent très actuelles. Ces quatre articles n’ont pris aucune ride et pourraient être resservis tel quel. La réflexion sur les causes de la crise et les vraies solutions est toujours à peu près inexistante dans les analyses présentées dans les médias et, plus grave, dans la littérature économique technique. Faire de la morale facile (à bas la finance, vive l’écologie, vive le travailleur qu’il faut protéger, vive les pays émergents) l’emporte aujourd’hui sur les préoccupations d’efficacité qui passent par la connaissance pertinente et l’action ciblée.

Le « triomphe de la volonté » n’est toujours pas à l’ordre du jour. La pénitence sous les anathèmes de pseudo-penseurs intéressés reste la règle.

Nous entrons dans la neuvième année de crise  avec pour la France, rappelons ces quelques chiffres :

- Un prélèvement public supérieur à la valeur ajoutée des entreprises du secteur industriel et commercial  de plus d’une personne.

- 7.5 millions de pauvres (près de 10 millions selon certains).

- 5.500.000 de chômeurs (certains disant 6 millions)

- Le plus faible taux d'occupation des femmes, des jeunes, des immigrés et des personnes âgées de tous les pays d'économie comparable

- Deux millions de personnes ne cherchant pas à travailler et à la gamelle publique.

- 2.200.000 milliards de dettes publiques et à peu près le même niveau  de dettes privées, soit quatre fois la valeur ajoutée des mêmes entreprises.

- 15 millions de retraités prévus pour 2016.

- 5.5 millions de fonctionnaires et on recrute.

- 15.5 millions de salariés.

- Un budget pour 2016 en hausse avec maintien du taux de prélèvement champion du monde. Une hausse massive des impositions locales.

- Une fuite continue des fortunes, des jeunes, des techniciens.

- Une baisse continue de la construction malgré la croissance de la population.

- Un investissement des entreprises historiquement mou.

- Un commerce international stagnant.

Globalement la guerre ravage le Moyen-Orient et les marges est de l’Europe. Le Japon réarme. La Chine devient exigeante. La Chine, le Brésil, la Russie sont en grave difficulté, comme la majorité des membres du Brics. La reprise américaine est la plus lente jamais vue depuis 120 ans.

Tout va très bien Madame la Marquise ! Le désastre économique est total mais puisqu’il est enveloppé de moraline facile, tout semble sous contrôle.

Il ne faudra pas 40 ans pour que nos enfants trouvent cette période particulièrement consternante.

Pour une diplomatie de la prospérité !

Jean-David Levitte est sans aucun doute le sommet de la crème de la crème de nos élites diplomatiques, françaises et européennes. "Diplomator" est son surnom qui marque bien l'admiration légitime que le milieu accorde à ses talents.

Les anciens de l'INSEAD l'ont invité ce matin pour un petit déjeuner-débat qui s'est révélé à l'image de l'invité : exceptionnel.

Exceptionnel, l'exposé brillantissime sur l'évolution des grands axes géopolitiques depuis quatre décennies, marquée par des novations majeures tous les dix ans. Le grand tournant est daté de l'arrivée de Khomenei aux affaires en Iran, accompagnée du second choc pétrolier et de la décision de la Chine de se lancer dans l'ouverture capitaliste. La situation diplomatique figée par la guerre froide se remet en mouvement. D'événements en événements (Chute de l'Union Soviétique et guerre en Irak, destruction des Twin Towers et guerre en Afghanistan), on se retrouve aujourd'hui avec une série de fragmentations, dont l'Asie mineure est le meilleur exemple mais qui touche aussi l'Afrique et surtout l'Europe.

Exceptionnelle, l'analyse de "l'échec dangereux" de la politique de Poutine qui est obligé d'intervenir en Syrie pour masquer son échec en Ukraine. Fils d'un père juif de la région russe d'Ekaterinbourg, devenue la ville ukrainienne de Dniepropetrovsk, Monsieur l'Ambassadeur a quelque raison de suivre les affaires locales avec attention. En proposant l'idée que c'est Poutine et son agression qui ont créé le sentiment national ukrainien, il pousse sans doute le bouchon un peu loin. Les massacres staliniens (Holodomor) avaient fait beaucoup et le nationalisme Ukrainien ne date pas d'aujourd'hui, même si la Crimée est Russe ("mais réclamée de façon un peu cavalière…") et qu'il y a en effet trois parties bien distinctes en Ukraine. Il fait de l'échec de la politique russe la source possible d'un nouvel embrasement. Il considère que le soft-power européen, si souvent décrié (notamment par nous-mêmes), a bien fonctionné. L'Union Européenne est généreusement réhabilitée avec une vision du nouveau traité entre l'Europe et les Etats-Unis plus que positive, même dans ses aspects d'arbitrages privés, qui nourrissent de violents débats dans la blogosphère et sur les réseaux sociaux. La raison : si les normes ne sont pas construites entre l'Europe et les Etats-Unis, elles le seront par l'Asie.

Exceptionnellement bien présentés, les efforts de la Chine pour réaffirmer sa suzeraineté sur tous ses voisins, tout en ne cherchant jamais à aller trop loin.

Où se niche le sentiment sinon de malaise du moins d'inachevé qui nimbe ce grand exposé ? Il est toujours difficile de bien cerner un sentiment diffus. Cela vous grattouille et cela vous chatouille sans qu'on parvienne trop à comprendre ce qui cloche. Jusqu'à ce que la lumière se fasse. Cet exposé ne comprend aucune analyse de l'évolution économique depuis quarante ans ! La diplomatie reste exclusivement géopolitique, façon Talleyrand, et ne s'intéresse pas au bain économique global.

Nous posons la question : "Depuis quarante ans chaque décennie voit la croissance ralentir, les crises périodiques devenir plus sauvages, la dette augmenter jusqu'à devenir intolérable, Pourtant le discours diplomatique sur ces sujets est inexistant. Ne devrait-on pas donner une dimension économique à la diplomatie, avoir aussi, en France et en Europe une diplomatie de la prospérité ? Nous n'avons pas de vision des causes de la crise, pas de diagnostic, pas de "guidelines" qui pourraient être le support d'une action diplomatique continue envers les gouvernances internationales dysfonctionnelles. Est-ce normal dans une période de mondialisation où nous dépendons des autres de plus en plus étroitement ? "

Le discours, limpide jusqu'ici, se fait hésitant et même incertain. "C'est à la France de s'adapter et elle ne l'a pas fait et ne le fait toujours pas". Pourtant ce n'est pas en France que la crise est née et pris son envol. On a pris en pleine figure l'explosion de la sphère financière internationale pilotée par les pays anglo-saxons. Certes on n'avait rien fait pour s'y préparer, mais les causes du saccage de la prospérité ne sont pas en France. Il serait donc logique d'élaborer une action diplomatique vis-à-vis des acteurs et des actions qui nous nuisent. Visiblement la nécessité et les contours d'une telle action sont totalement étrangers aux préoccupations diplomatiques françaises et européennes. Jean-David Levitte se contente de citer quelques pointures françaises qui sont au cœur de discussions réussies, comme la fin du secret bancaire ou la fiscalisation des multinationales. Sinon, c'est peut-être le destin de l'économie d'avoir atteint une sorte de sommet. Et puis tout semble aller mieux. Les banques ont été sauvées. Le Grexit a été évité. "La reprise est là en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis, même si la classe moyenne ne cesse de perdre du pouvoir d'achat". Dans la salle on entend quelques affirmations du type : "la crise est finie !" ; "Quelle crise ?" ; "La reprise est là !".

L'économie n'a toujours pas trouvé sa place dans la diplomatie. Une carrière diplomatique réussie suppose qu'on ne s'attaque pas à des sujets qui fâchent : une zone euro dysfonctionnelle qui a ruiné certains de ses membres ; un système monétaire international dysfonctionnel qui explique l'essentiel des grandes crises politiques qui se sont enchaînées et qui ont été si bien décrites par l'orateur.

Pas de Khomenei sans l'émancipation de l'Opep et l'arrivée d'une manne pétrolière démesurée. Pas de chute de l'URSS sans la rupture de croissance des années 73-89. Pas de changement de la politique chinoise si on ne comprend pas que les Tigres et Dragons étaient en train de dépasser la Chine en puissance économique et financière. Pas de crise actuelle en Chine si on ne comprend que l'accumulation d'actifs en dollars a été excessive et que comme au Japon après 92-93, le risque était de voir s'évaporer dans le néant des milliers de milliards de dollars de créances. Les révolutions dites du printemps arabe sont toutes les fruits de la misère consécutive à l'effondrement bancaire de 2008.

La trame de tous les événements qui marquent l'évolution géopolitique des quarante dernières années est liée aux défauts structurels du soubassement économique international et notamment à ceux du système monétaire international. De façon inextricable.

La diplomatie n'en a cure. Il n'y a pas de dimension économique de la diplomatie, analysée dans un discours construit et portée par une politique explicite. L'économiea été évacuée vers les banques centrales et les institutions financières internationales, ensemble hors les murs de la politique et de la diplomatie, sauf sur des sujets étroits et moralement indiscutables, comme la lutte contre l'argent noir ou l'évasion fiscale.

Le Général de Gaulle est le dernier président français à avoir élaboré une doctrine économique et monétaire internationale et pris le soin de l'exprimer.

Depuis les présidences françaises sont taiseuses. Les erreurs économiques massives commises en France ont fait perdre de toute façon toute crédibilité aux gouvernants français.

C'est pour cela que notre diplomatie économique est muette.

Il nous faut une "diplomatie de la prospérité" qui s'attaque aux systèmes internationaux dysfonctionnels. Le suivisme morose ne rime à rien sinon à l'effacement de la France en particulier et de l'Europe en général, dans une déréliction globale.

Diplomator doit être aussi Economator.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Économistes e-toile

Parution du livre de Didier Dufau : L'étrange désastre - Le saccage de la prospérité

Le Cercle des Economistes  E-toile (CEE*) crée un département « édition",  avec pour vocation  l'édition de livres économiques susceptibles de faire avancer les solutions de sortie de crise et populariser  les propres thèmes développées par le cercle.  

Pour lancer cette activité, nous sommes heureux d’annoncer la parution à l'automne, du livre de Didier Dufau,  un intervenant que les lecteurs de ce blog connaissent bien :

Didier DUFAU

L’Etrange Désastre

Le saccage de la prospérité

Avec une préface de Gabriel Milesi.

300 Pages

Aux Editions du Cercle des Economistes e-toile.

ISBN 979-10-95148-00-5

Octobre 2015

 

En avance de publication, un pré-tirage  particulier a été réservé aux lecteurs de ce blog,  au prix spécial de 19.90 Euros + frais de port, soit 25 Euros pour la France. Pour obtenir le livre il suffit d'envoyer un chèque  libellé à l’ordre du Cercle des économistes e-toile,  à  l'adresse suivante :

Cercle des économistes E-toile

Attention Mme Sophie Delfyn

c/o La Maillière

4, Av. Jules Janin

75016 Paris.

N’omettez-pas de donner vos coordonnées d’adresse pour l’envoi.

Compte-tenu du petit nombre d’exemplaires réservés à cette filière,  seules les  premières demandes pourront être servies.

Un compte Facebook va être  ouvert pour recueillir vos commentaires,  auxquels nous attachons la plus grande importance.

Pour toute demande d’information à l'auteur,  écrire  à  l'adresse : ddufau@e-toile.fr

 

Le secrétaire général

E E-F



Que faire de la zone Euro ?

L’Eurosystème est une des rares institutions internationales construites dans les 30 dernières années.  Elle est mal née.  Les motifs qui l’ont porté sur les fonts baptismaux sont relativement incertains.  Certains ont voulu « avancer dans la construction européenne ».  A tout prix, selon un sens étrange de l’urgence européenne. L’abandon des disciplines de Bretton-Woods et le flottement des monnaies avaient bloqué les projets d’Union monétaire européenne mis en avant lors de la conférence de La Hayes, en 1969.  Les différents serpents monétaires ayant été balayés, les européistes se sont mis à considérer que seule une monnaie unique résisterait à la spéculation internationale conduite par les Américains et plus généralement les Anglo-saxons.  Les banques centrales européennes ont commencé dès le début des années 80 à considérer que le projet était quasi certain d’être mis en œuvre. La Banque de France s’y prépare dès le milieu des années 80, en totale indépendance des alternances politiques. Les fédéralistes européens considéraient que c’était l’étape suivante indispensable, celle qui créait une situation irréversible. Depuis Jean Monnet, l’idée fédérale s’inscrit dans une tactique qui veut que les faits accomplis économiques contraignent  le politique jusqu’au fédéralisme promis. On met donc la charrue économique avant les bœufs politiques. En espérant que les bœufs piétineront suffisamment la charrue pour qu’on soit obligé « d’avancer » (« L’Europe avance par crise ») mais pas assez pour la casser.

Des discussions, nombreuses, ont eu lieu dans ces milieux, pour savoir comment faire. Très peu sur les conditions de réussite d’une monnaie unique et les contraintes d’organisation dans la durée.  Aucune sur l’opportunité de monter un tel système. L’ardente obligation européenne imposait d’avancer.  Le marché unique et la monnaie unique s’imposaient « naturellement ».  Cela se terminera par le rapport Delors, source de tous les maux.  Au passage le JDD  de ce dimanche nous a commis deux pages hagiographiques sur J. Delors au moment même où les vices du système mis en place sont devenus manifestes !  Il est vrai que les Européistes viennent de primer  Delors pour contrer le mauvais climat qui règne en Europe depuis que la monnaie unique a été installée.  

Ne faisons pas à ce « père de l’Europe de la monnaie » l’injure de penser qu’il ne savait pas que le système qu’il proposait était problématique. Il n’y a pas un économiste sérieux, connaissant un petit peu les questions monétaires, qui ne sache qu’une monnaie unique est une construction politique qui ne peut réussir qu’avec un pouvoir central fort.  Mais il fallait « avancer ». On a fait semblant de considérer qu’une zone de monnaie unique pourrait fonctionner si on libérait totalement les mouvements de capitaux, de marchandises et de personnes.  Les marchés s’occuperaient d’harmoniser les déséquilibres éventuels. Les Etats devaient être mis en muselière. Pour cela il suffisait de deux règles juridiques : pas de déficit budgétaire supérieur à 3% du PIB et pas d’endettement public de plus de 60% du même PIB. Pour préparer la fusion monétaire, les systèmes devaient converger vers ces objectifs.  Et roulez bolide ! Bien sûr cela ne marcherait pas parfaitement mais on profiterait de la première crise pour faire avancer l’intégration et restreindre la souveraineté des Etats.

Les adeptes de Milton Friedman  encensèrent le maître qui avait annoncé que l’Euro ne durerait pas trois ans et que les changes flottants étaient la seule solution.  Depuis des lustres les économistes américains expliquent que les Européens croient bêtement à la « stabilité » et que les vrais amoureux du business sont pour le mouvement. Après tout le dieu Hermès a des petites ailes aux pieds.

Sans voir que les changes flottants avaient fini par créer une économie baudruche qui ne demandait qu’à exploser. Asphyxiés par leur propre mythologie, ils pensaient que la souplesse du roseau était la garantie d’une flexibilité heureuse sans se rendre compte que le système était pervers de façon endogène et voué lui-même à l’autodestruction. L’aveugle insultait gaiement le paralytique.

Autre point commun, tous ces économistes pensaient que le cycle n’existait plus, qu’on savait le juguler, que  Greenspan était un génie et que la crise de 87 était due aux ordinateurs, pas aux effets délétères de la montée de l’endettement global  qui déjà dépassait les 300% à la fin des années 80.

Le « génial économiste » Mitterrand.  (Il n’était pas seulement le Dieu de la politique politicienne en ce temps-là, ce qui avait tout de même fait un peu  ricaner même une Françoise Giroud) avait prédit que l’acte unique allait permettre une formidable croissance en 92-93 Nous eûmes à cette date la pire crise conjoncturelle depuis 1929 ! 

Cela ne fit réfléchir personne. Ni sur les méfaits du système des changes flottants, ni  sur le caractère un peu dangereux de créer une lac de fixité au milieu d’un océan de flots monétaires internationaux  déchaînés.  Pour les jeunes générations, il est intéressant de souligner qu’à cette date, Il était impossible, strictement impossible, de faire passer quoi que ce soit dans la PQN qui remette en question les changes flottants et l’idée d’une monnaie unique ou la contradiction entre les deux formules.  Maurice Allais le fera un peu plus tard et recevra la bastonnade que l’on sait. On trouva même d’astucieux économistes pour défendre, en même temps,  l’idée que les changes flottants mondiaux et celle d’une monnaie unique européenne étaient toutes deux excellents en même temps. La flagornerie ne craint pas les oxymores.

En avant pour le traité de Maastricht et une institution structurellement bancale.  Aucun vrai débat technique sur la manière de gérer une zone monétaire.  Seulement un affrontement entre souverainistes et fédéralistes.  De même que le débat sur le système monétaire international, lorsqu’il avait lieu, c’est-à-dire presque jamais, ne consistait qu’en un échange d’horions idéologiques entre marxistes (cachés en « keynésiens ») et « néo-libéraux », c’est-à-dire en adepte de la liberté financière à tout va. 

La faiblesse du dispositif se voyait à l’examen d’une seule question : qui gérerait le change dans le nouveau système ?  Extraordinaire  exemple d’un instrument, capital à l’échelon national, qui disparaissait soudain à l’échelon européen. La BCE n’était pas chargé des changes mais du niveau des prix. L’ « Eurosystem » disposait d’un « Eurogroupe », un aréopage d’une vingtaine de ministres des finances, présidé par un « président de l’Eurogroupe » sans pouvoir, sous le contrôle d’un conseil des chefs d’état de la zone euro.  C’est lui qui serait chargé de la gestion du change. Mais comme on considérait que les changes flottaient naturellement et que seuls les marchés étaient chargés de donner la valeur de l’euro, la question ne se posait pas.  De toute façon les moyens techniques de gestion du change ne dépendaient pas de l’Eurogroupe.  Les Etats avaient perdu tous les leviers de la politique des changes et des taux d’intérêt mais personne n’en avait réellement hérité. Curieux, non ? Et cela ne choquait absolument personne. Lorsqu’on évoquait la question devant un politique il répondait invariablement : « C’est étrange en-effet, mais c’est une question technique et nous avons d’excellents techniciens de la finance ».

La grande question d’une zone de monnaie unique avec des Etats indépendants est la gestion des écarts dynamiques de productivité, de prix  et de compétitivité. Nous-mêmes avons inlassablement dénoncé un système qui faisait de la déflation-dépression le seul moyen d’ajustement. Les fédéralistes pro-euro répliquaient que l’ouverture totale des marchés intérieurs suffirait à entraîner mécaniquement les ajustements nécessaires.  Nous disions qu’avec des Etats qui prélevaient entre 40 et 100% de la valeur ajoutée des entreprises, la notion de marché tout puissant était tout de même un peu aventurée.  Les politiques publiques non ajustées pouvaient avoir des effets pervers catastrophiques. « Nous avons d’excellents conseils et une haute administration de qualité partout en Europe. Ils savent ce qu’ils font ! »  Fermez le ban !

Et justement voilà que le gouvernement Jospin  asphyxie l’entreprise française par des réglementations étouffantes et étrangle l’économie avec les 35 heures.  Peu après l’Allemagne fait l’inverse avec le plan Schroeder.  La compétitivité relative de la France s’effondre. Personne ne dénoncera la contradiction  comme une source de difficulté à venir pour la zone euro.

La chute des dictatures en Europe, a conduit à une extension inconsidérée de l’union Européenne. Et ces pays fragiles entendaient entrer dans l’euro pour des raisons purement politiques.  On croit devoir faire droit à leurs demandes.  Comment laisser à la porte la Grèce loin de Papadopulos, le Portugal débarrassé de Salazar et l’Espagne, d’où Franco a disparu ?  Et ces pays de l’est qui frappent  soudain désespéramment à la porte ?

On a chargé la barque de l’Euro, déjà bancale par construction. Le navire a pris de la gite dès le départ et elle a été aggravée par des politiques incompatibles.

La mini récession du début des années 2000 a aussitôt fait prendre conscience que les règles de droit étaient incompatibles avec la conjoncture. On parla de « règles idiotes ». Pour un système fondé uniquement sur deux règles, ce n’était pas très encourageant pour la suite. Surtout quand les pays qui jugeaient ainsi étaient l’Allemagne et la France, les deux piliers !

La Grèce commence à souffrir dès 2002-2003. De même la finance internationale est en crise après l’effondrement boursier du début du siècle.  Cela branle de partout et la FED commence ses inondations monétaires.  Le taux de dettes globales commence à s’approcher à peu près partout de 375%. Certains pays en sont déjà à plus de 700%.

L’effondrement du dollar projette l’euro à des sommets et aggrave la crise en Europe qui entre en stagnation.  Mais les politiciens sont heureux de ne plus avoir à surveiller le taux de change. Ils trouvent cela merveilleux et ne cessent de le dire dans les médias.  Donc ils peuvent emprunter et ils le font sans retenue, ou laisser leurs banques et autres agents économiques emprunter.   Personne ne surveille les taux d’endettement globaux de chacun des pays.  Au printemps 2008, le taux moyens d’endettement global dépasse 425% dans l’OCDE. Différents pays sont à plus de 1000% ! Dès décembre 2006 nous prévoyons l’effondrement certain  pour 2009-2010. Début 2007 nous rapprochons cette prévision à 2009, puis la crise de liquidité bancaire de l’été 2007 nous la fait avancer à l’automne 2008. En décembre 2008, nous annonçons un krach pour septembre 2008.

L’hystérie financière générale laisse penser qu’on est à nouveau dans une phase économique formidable. Personne n’écoute.

L’Euro se porte assez bien : la crise du dollar le dope sur les marchés de change ; les taux d’intérêt ont convergé. Tout cela parait solide, même si certaines voix s’élèvent pour dire que le respect des règles n’est plus assuré. Tout le monde fait ce qu’il veut. 

Lorsque l’effondrement financier a lieu, avec l’abandon à la faillite de Lehman-Brothers, tout le monde croit que « l’Euro nous protège », y compris les Islandais qui sont en faillite grave.  L’Euro, c’est solide. La crise est venue des Etats-Unis et l’Euro a bien résisté.

Jusqu’à ce que la spéculation s’attaque aux taux d’intérêt des pays dangereusement endettées de la zone Euro (Grèce, Islande, Portugal, Espagne, Italie).  Et là, c’est aussitôt la Bérézina.

L’organisation de la zone Euro, inexistante, n’a aucun moyen de faire face ; Il faut improviser d’urgence. Ce sera la suite ininterrompue de « sauvetages » avec des « mécanismes » forgés à la va vite et qui conduiront aux récents évènements grecs.

Lorsque nous écrivions dans les années 90, que la régulation se ferait dans la déflation, personne ne se rendait compte réellement ce que cela voulait dire. Avec l’affaire grecque, la fermeture des banques, la perte de 25% du Pib et toutes ses choses, l’affaire devient diablement concrète.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le vrai problème reste la crise mondiale. Le système des changes flottants ne marche pas, n’a jamais, marché et ne marchera jamais. Mais personne ne songe à le modifier. C’est l’explosion de ce système défectueux qui a déstabilisé l’Eurosytem. Pas l’inverse. Mais l’Eurosystem a démontré qu’il n’était pas armé pour faire face autrement que par des mesures détestables qui enflamment les haines sociales et nationales. Le politique devient le pire ennemi de la zone euro.

Les euro-fédérolâtres considèrent que somme-toute, ils ont gagnés. La crise a permis de faire des progrès dans l’abaissement des Etats nationaux. Les banques sont supervisées désormais par la BCE. La Commission a reçu des pouvoirs élargis.  Le système global est sous contrôle maintenant que l’amplificateur bancaire a été mis sous tutelle étroite. La BCE a mangé son chapeau allemand et « fait ce qu’il faut » pour sauver la zone Euro. Donc tout va bien : militons désormais pour une forme fédérale de contrôle de l’économie européenne !

Les souverainistes poussent à la destruction immédiate de la zone Euro dont les mécanismes de sauvetage nous ont endetté pour des millénaires et empêchent toute politique nationale de sortie de crise.  Les marxistes exigent également la fin de la tutelle bruxelloise pour pouvoir enfin mener une politique de « relance sociale par la planche à billets ».  Façon Chavez.

Hollande, toujours à sa copie servile du parcours mitterrandien, se pose en créateur d’un nouveau système fédéral avec budget unique, parlement spécial, etc ; La dette ? On s’en fout ! Le respect des règles de Maastricht ? On s’en fout ? Le chômage ? On s’en fout. Proposons comme Mitterrand une fuite en avant européiste.  

Foutaises !

Il faut un « chancelier de la zone euro », assisté de comités parlementaires issus des parlements nationaux, avec une compétence d’investigation, de recommandation et de maîtrise de la politique monétaire et financière au jour le jour. Il aura pour mission de faire revenir le monde à un système de changes fixes et ajustables. C’est lui qui décidera du taux de change et de la politique des taux d’intérêt. Il sera à la fois le FMI interne de la zone, le pilote des instruments monétaires mis en commun et le conseiller en matière de politiques budgétaires, économiques et sociales pour tout ce qui concerne les écarts de compétitivité et les ajustements nécessaires.

Si ce poste avait existé dès 1997, il aurait évité que les Français et les Allemands se lancent dans des politiques incompatibles avec une monnaie unique, freiné les bulles immobilières dans la zone, empêché les glissements budgétaires de type français ou grecs.  Il n’aurait pas empêché le choc de la crise des changes flottants mais il serait là pour exiger une évolution radicale pour des changes fixes et ajustables. On n’aurait pas eu besoin d’appeler le FMI. Et les dérapages ayant été maîtrisés un certain nombre d’instruments collectifs auraient pu se mettre en place, comme des bons du trésor européens.

Est-ce encore aujourd’hui la solution pertinente ? Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Mais le climat a été tellement dégradé et la méfiance portée à de tels sommets que la faisabilité de la réforme devient très aléatoire.

Un certain nombre d’idées ont tout de même fait leur chemin. La première est que toute organisation de la zone euro doit être propre à la zone euro et ne pas dépendre de l’UE. La deuxième est que les parlements nationaux doivent être associés et pas le Parlement Européen. La troisième est que la BCE doit être aussi responsable de la croissance. Ensuite il faut un pilote avec les instruments ad hoc.

C’est toujours agréable de voir que des idées proposées depuis 20 ans finissent par entrer dans la discussion publique.

Il existe cependant de fortes différences entre notre projet et ceux que l’on voit surgir. Le Chancelier doit être pour nous un coordinateur et un conseiller et non pas un « gouvernement économique ».

L’espèce de frénésie fédérolâtre qui a saisi les télévisions françaises, notamment celles de la TNT, depuis l’annonce présidentielle est proprement ahurissante. Alors que le système vient de subir une crise historique on voit réapparaître toutes les bouches à feu du fédéralisme, dans des émissions qui font de la surenchère,  sans la présence d’aucun contradicteur. Sur le thème « on a échoué parce qu’on n’a pas été assez loin  dans l’union», voilà toute la mouvance de ceux qui veulent voir disparaître les Etats européens et notamment la France, en train de présenter le catalogue complet des mises en commun. Le « saut qualitatif européen » devient un must. Même si ses contours sont totalement flous. Et qu’on ne voit pas clairement où serait des avantages, généralement présentés comme magiques par la vertu de la sainte Trinité bruxelloise. Tout s’arrangerait comme par miracle. On pourrait tout faire. Du social, de l’écologique, de la science, du progrès économique.

De l’autre côté du spectre, les souverainistes posent la question : Et pourquoi ne pas abandonner l’Euro purement et simplement ? Tout deviendrait miraculeusement simple. En tout cas on ne serait pas obligé de payer pour les autres dans des conditions antidémocratiques (pauvres grecs victimes des vilains prêteurs). Et on pourrait faire enfin ce qu’il faut, notamment avec notre création monétaire,  sans être constamment entravés.

Les deux miracles fédéralistes et souverainistes sont des illusions.

L’abandon de l’Euro ? Il n’y a pas de méthode  pure et simple d’abandon, même si doctrinalement rien ne s’y oppose vraiment. Chaque état membre crée une monnaie sur la base d’une unité nouvelle = un euro et indique qu’il remboursera ses dettes dans cette monnaie. Et on voit ce qui se passe. Très probablement une relance des comportements de précaution et un blocage temporaire mais général des affaires, avec une poussée de l’inflation dans les pays les plus endettés qui monétiseront aussitôt les déficits publics. En France les fonctionnaires qui dirigent le pays considéreront qu’il n’y a plus d’efforts à faire. Le marché des changes sera fortement secoué. Les balances commerciales danseront la samba. Et il faudra dix ans pour que l’économie-monde et celle de l’Europe s’en remettent. Lorsque les Etats Unis sont passés du dollar gagé sur l’or au dollar flottant, une opération très semblable, il a fallu 15 ans pour digérer le choc. En fait, on ne s’en est jamais vraiment remis, du fait des défauts du nouveau système de changes flottants.  Car ces nouvelles monnaies flotteront, sinon où est l’avantage de liberté dans la manière de gérer son stock de dettes ? On aggravera les effets délétères du système des changes flottants et aucune réforme dans ce domaine ne sera plus jamais possible à horizon raisonnable, l’échec de l’euro servant de repoussoir perpétuel.

Conserver la gouvernance actuelle ? On voit que cela ne marche pas et que cela coûte très cher à tous, tout en créant les conditions d’un rejet populaire massif.

La seule véritable solution est la coordination, qui maintient la souveraineté des pays tout en les associant, avec un mécanisme d’éviction du club si un pays considère qu’il doit suivre une voie incompatible avec celle des autres.

Le coordinateur doit disposer des moyens statistiques communs, et de pouvoirs d’investigation du type de ceux du FMI, qui n’a pas à intervenir à l’intérieur d’une zone de solidarité monétaire.  Il faut établir  un pouvoir de recommandation et une procédure de « reconsidération », au cas où une mesure serait proposée par un pays qui pourrait être jugée comme incompatible avec la prospérité générale.  Cette administration ne devrait pas être logée à Bruxelles mais à Paris, puisque la BCE est en Allemagne et que ces deux pays sont les plus importants du club. Des procédures d’association des parlements nationaux sont indispensables, mais pas sous forme d’un Sénat européen, structure lourde et complexe dont le rapport avec le Parlement Européen resterait à préciser.  Un délégué par parlement par pays membre suffirait, dans chacune des trois chambres qui devraient être créées : chambre sociale, chambres budgétaires et fiscales, chambre économique et monétaire.  Tout doit rester léger.  Et naturellement, le conseil des ministres des finances et celui des chefs d’Etat serait l’instance d’arbitrage final en cas de divergences graves.

Le « chancelier de la zone euro » aurait un domaine propre qui est celui de la politique monétaire, en liaison avec la BCE  et aurait la mission de faire évoluer le système monétaire international, avec comme objectif  le retour à un système de changes fixes et révisables.

Cette évolution serait moins traumatique pour les souverainistes que la création d’une machinerie fédérale  disproportionnée. La coordination ex ante ne pourrait avoir que des avantages et mènera naturellement  à des instruments financiers collectifs susceptibles d’éviter les méfaits de spéculations hasardeuses. Elle conduira à plus de stabilité dans le monde et une meilleure prise en considération des points de vue européens, notamment vis-à-vis du « benign neglect » américain.

Tout renforcement collectif, de toute façon,  supposera que la France cesse d’être l’homme malade européen, avec une gestion désastreuse basée sur l’asphyxie fiscale et la dépense publique outrancière à crédit.

Le plus grave reproche que l’on puisse faire à F. Hollande est d’être l’obstacle principal à toute évolution. Qu’il fasse de la surenchère fédéraliste, sous les vivats de ceux qui font semblant de croire  qu’il a « sauvé » l’Europe lors de l’affaire grecque,  est sans doute  de bonne tactique politicienne. La vérité est qu’en ruinant le pays comme il le fait sous le poids d’une fiscalité intenable, d’une dépense publique obscène,  et d’une démagogie de tous les instants, il rend impossible toutes les évolutions nécessaires.

Rarement l’imposture d’un Hollande audacieux et stratège, conduisant l’Europe au succès,  n’aura été plus majestueuse. Ce n’est pas parce que des medias se couvrent de ridicule en la véhiculant qu’il faut s’y vautrer.

Il serait curieux que l’Allemagne accepte plus de fédéralisme  avec une France en dehors des clous du traité « merkozy ». Si elle persiste à conserver un déficit budgétaire de près de 4% de PIB et une dette proche de 100% du PIB, il ne peut rien se passer de réellement important, sinon des constructions institutionnelles loin des peuples et qui ne mangent pas de pain, ou des initiatives très partielles sur la fiscalité ou autres. Il faudrait de même que le cas grec soit réellement réglé. Tout le monde pense que la purge actuelle ne règle rien, surtout sous la houlette de Tsipras et de son équipe. Et il faut attendre que les Italiens, les Espagnols et les Portugais aient éliminés Beppe grillo, Podemos et tous les « mélenchoniens » potentiels. On a construit sur du sable avec Maastricht, mais on ne construira pas sur de la vase.

La solution plus légère d’un coordinateur avec des pouvoirs propres dans des domaines actuellement à l’abandon, comme la politique de change, la politique des taux d’intérêts, et la politique des crédits, la politique de convergence des compétitivités, peut s’enclencher plus facilement.  Mais il est probable que sa condition préalable soit le départ de F. Hollande et l’élection, en France, d’une équipe capable de lourdes réformes de structure à la tête du pays.

Le paradoxe du moment est qu’on exalte le « nouveau Hollande européen »  au moment où le meilleur service qu’il pourrait rendre à l’Europe serait de démissionner.

Ce qui doit arriver arrive !

Depuis 1997, nous défendons publiquement trois thèses extrêmement claires et précises.

Un système de changes flottants et de liberté totale des mouvements de capitaux entraîne mécaniquement une hausse de la dette globale par le mécanisme de la double pyramide de crédits. Dès que la dette globale dépasse 400%, on est certain que la prochaine grosse crise cyclique fera des dégâts abominables. Ce phénomène s'est vérifié avec le blocage du système interbancaire en 2007 et l'effondrement bancaire général de 2008. Comme l'avait dit Maurice Allais, au milieu des ricanements, "ce qui doit arriver arrive". C'est arrivé.

Un système de monnaie unique sans organes de pilotage et seulement deux règles de droit sur les déficits et l'endettement des états, avec abandon des outils de politique monétaire, est vulnérable. La crise précédente a précipité l'explosion du système. L'affaire grecque était prévisible : on se soigne pas une crise par la déflation et la dépression. Sinon, les peuples deviennent nerveux. "Ce qui doit arriver arrive".

Un Etat capturé par sa haute fonction publique qui cumule le pouvoir administratif et fiscal, le pouvoir politique et le pouvoir bancaire, tout en tenant dans ses mains directement ou indirectement les medias, conduit à la ruine et l'étouffement du citoyen, l'empêchement d'une économie libre et efficace et à la double tare d'un Etat pléthorique, bouffi et incapable, et d'une économie marchande rétrécie, qui survit péniblement au milieu des quolibets serviles d'une caste de cultureux subventionnés et sans vergogne."Ce qui doit arriver arrive".

Au final nous assistons  à la négation de la démocratie et à la formation d'une situation incontrôlable dont plus personne ne sait comment sortir, dans le monde, en Europe et en France. En cet été 2015 comment nier que ces trois analyses soient pertinentes ? Comment ne pas observer que rien ne se passe non plus pour sortir du piège.

L'amas de surplus monétaire accumulé par la Chine a eu pour conséquence dans un premier temps de permettre des achats de précaution qui ont laissé croire que le commerce international était encore vivant. En vérité les échanges internationaux ont baissé en 2014. Baissé ! Pour la première fois depuis la fin de la guerre de 40. Et la bulle de crédits née de cet amas en Chine même a fini par explosé avec comme manifestation première l'effondrement drastique de la bourse de Shangaï.

La reprise américaine est extrêmement molle. Elle est percluse de bulles alimentées par les déficits américains et les politiques de gonflement monétaire de la FED.

L'Europe est entrée dans une de ces phases d'incertitudes qui font le charme d'une organisation bancale et non démocratique, sous-traitant la monnaie et la finance à des experts.

La France est entrée dans le cycle détestable des glissades irrattrapables. La dette s'est gonflée subitement au premier semestre avec une rapidité stupéfiante, alors que "l'alignement des planètes" devait nous sauver. La peur recommence à régner en maîtresse dans l'esprit de tous ceux qui ont des "actifs" et notamment de l'assurance-vie.

Pas un mot dans le monde sur le retour à un système sérieux de politiques commerciales et financières concertées autour d'un système de changes fixes et ajustables. Pas un mot. Le FMI s'est encore une fois ridiculisé à contre-emploi en intervenant là où il ne devait pas le faire. Le résultat sera l'éjection de Mme Lagarde qui croit encore à ses chances électorales présidentielles françaises. L'espoir fait vivre.

En Europe on commence, timidement, à comprendre qu'une zone de monnaie unique sans système de pilotage est une incongruité dangereuse. Jeroen Dijsselbloem et son Eurogroup sont un cache misère sans aucune légitimité ni aucune prise sur rien. Les idées qui sont lancées sont soit la destruction de la zone Euro, soit le renforcement de la dictature bruxelloise, motivées par l'abaissement des Etats,  sous paravent d'un Parlement Européen pseudo démocratique qui a montré sa vacuité lors de la convocation de Psipras,  soit l'émergence d'un couple Franco-allemand, assurant les bonnes options pour l'ensemble de la zone.  Avec une France dans l'état où elle est, bonjour la fantaisie !  La seule vérité est qu'une zone euro doit avoir des institutions spécifiques à la fois techniques et démocratiques et distinctes de la Commission bruxelloise. En résumé, il faut un chancelier de la zone Euro, épaulé par un dispositif représentatif ad hoc assurant la démocratie effective du système.

La France, bouffée jusqu'à la racine par une fiscalité déshonorante pour l'esprit de résistance des Français, voit ses médias faire une place déraisonnable aux thèses du marxiste Picketty, auteur d'un succès de librairie mondial avec une étude qui examine l'assiette du voisin pour conclure que les nouveaux riches sont plus riches que les anciens nouveaux riches, ce qui prouvent que la dette doit être radicalement gommée en leur piquant tout ce qu'ils ont. Plus d'impôts, plus confiscatoires et encore plus ciblés, voilà la solution !  

En un mot aucune des causes de la crise majeure en cours n'est traitée. Au contraire chacune est soigneusement aggravée. Et l'on s'étonne que la crise perdure 8 ans après son déclenchement sans espoir de voir un jour prochain le bout du tunnel.

Ce qui doit arriver arrive. La vrille s'accélère et le sol se rapproche désormais très vite avec un risque de démantèlement complet des circuits économiques normaux.

 

Didier Dufau, pour le Cercle des Economistes e-toile.    

L'art de dépouiller le citoyen

L'interdiction des paiements en liquide est l'un des derniers clous qui restent à sceller sur le cercueil des libertés individuelles. Le complexe politico-fonctionnaro-bancaire qui a capté la vie publique et économique en France vient de l'enfoncer à nouveau de quelques centimètres. On ne pourra plus payer en liquide plus de 1 000 euros. La banque réclame la mesure depuis longtemps. Lorsqu'il n'y aura plus de liquide du tout et qu'il faudra passer exclusivement par des systèmes de paiements connectés, elle aura jugulé une des "fuites" qui l'empêche de récupérer aussitôt la monnaie de crédit qu'elle a émise. Porte-monnaie électronique et règlementation sont les deux mamelles du big-brother bancaire.

Le citoyen libre d'une république libre est d'abord une vache à lait de l'Etat moloch et l'esclave enchaîné du système bancaire, les deux institutions étant gérées par les mêmes. .

Il est probable que le plafond des sommes en liquide avec lesquelles on peut se promener en Europe sera ramené bientôt à moins de 5.000 Euros.

Voyagez léger avec un bout de plastique et prouver que vous êtes un citoyen totalement transparent tout en sauvant votre système bancaire !  

La législation a donné à la banque, déjà sous des gouvernements socialistes, des pouvoirs exorbitants. Vous ne pouvez solder une compte en banque…que dans un autre compte en banque. Un trou dans votre compte courant ? La banque peut casser n'importe lequel de vos comptes d'épargne sans même vous le dire. Vous voulez du liquide ? Il vous faudra une carte bancaire, car les guichets n'en distribuent plus. Et le montant que vous voudrez retirer sera limité à quelques centaines d'Euros. De toutes façons pour des sommes importantes, il faut commander, aller au siège, respecter les plafonds et… un transport par la Brinks, mon bon Monsieur. Quant aux placements, ne croyez pas que vous en soyez maître. Tous les dispositifs de placement sont désormais des constructions fiscales qui ont pour but de ramener l'épargne vers les objectifs et les caisses de l'Etat. Avec des taux d'impôts marginaux à 65.5%, vous n'avez plus aucun choix. La banque universelle qui peut faire à peu près ce qu'elle veut de votre épargne, y compris vous faire acheter ses propres actions, pour peu que vous lui ayez donné un mandat, (et comment y échapper ?), vit en symbiose totale avec l'Etat, et en conflit d'intérêt toléré avec ses clients. L'assurance-vie en est le plus merveilleux exemple. Question posée il y a quelques années à la banque :

- "Vous vous êtes désengagés de la Grèce ? Non, l'Etat nous a demandé de détenir un certain pourcentage d'obligations grecques".

Quelques mois plus tard :

"- Qu'est-ce qui se passe avec mes obligations grecques ?

- Nous avons été obligés d'accepter une perte de moitié sur ces titres.

- Je vous avais bien dit de pas détenir des titres grecs

- Oui, mais c'est de l'assurance vie ; nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons;

- Sortons de l'assurance vie.

- Je ne vous le conseille pas. C'est le seul produit sûr et défiscalisé, bla bla bla."

La défiscalisation est devenue le principe vendeur numéro un des banques, marquant la totale interdépendance du secteur bancaire et de l'Etat.

Les diverses lois sur la construction n'ont qu'un seul but : permettre aux politiques de présenter des bilans un tant soit peu honorables en matière de logements. En fait la défiscalisation conduit à monter des programmes de construction dans des endroits où il n'y a pas de demande et qui ne servent :

- qu'à engraisser les banques qui collectent l'épargne défiscalisée

- qu'à engraisser les grosses boîtes de construction qui bâtissent les projets

- qu'à fournir des statistiques aux politiques.

L'épargnant se retrouve avec des logements sans usage et sans rentabilité.

- "Madame la banque, vous m'avez fait tombé dans un piège à c…"

- "C'est pas grave, c'est défiscalisé".

Et il suffit d'une loi Duflot pour envoyer tout de même au tapis la construction neuve.

De toute façon vous n'êtes plus maître de vos biens immobiliers, dès lors qu'il ne s'agit pas de votre logement principal. Ne parlons de la propriété agricole ! Et pour votre logement ne croyez pas vous en sortir comme cela. D'abord, à vous toutes les législations normatives qui vous ponctionnent de partout. A vous le détecteur d'incendie qui se déclenche tout seul à tout propos et transforme votre immeuble en rossignol. A vous aussi le défibrillateur qui doit figurer dans un endroit ostensible à l'entrée de votre immeuble. A vous le dossier de cession qui avec tous les tests obligatoires finit par peser une tonne. Et gare aux préemptions.

Si vous êtes propriétaire de votre logement, les bons apôtres vous expliqueront que vous avez un avantage inouï par rapport à ceux qui paient un loyer et qu'il faut que vous payiez pour cette flagrante inégalité. ISF, taxe foncière, charges imposées, ne sont qu'un début. A quand la taxe compensatrice de l'avantage indu du propriétaire, Thénardier de lui-même par politiques et hauts fonctionnaires interposés ? L'incroyable privilège qui veut que vous bénéficier d'une "niche fiscale" en ne payant pas, dans votre impôt sur le revenu, la plus value éventuelle sur la revente de votre domicile, plus value le plus généralement fictive car ne tenant pas compte de l'inflation, ne durera que ce que dure les roses. Dans le vocable repris bêtement par les médias il s'agit d'une "dépense fiscale de l'Etat".

Nous allons perdre dans l'affaire grecque environ sept fois la contrevaleur de l'ISF annuel. S'il est admis qu'un pays peut se dégager de ses dettes simplement en demandant par referendum si la population veut ou non rembourser, il y a quelques soucis à se faire. A entendre les milliers de commentaires qui "sur les réseaux sociaux" encouragent la Grèce à faire défaut, sans que leurs auteurs aient même compris que c'est eux qui paieront, on réalise le degré de désinformation et de sottise qui règne aujourd'hui en France.

L'Europe du "soft power" où les grands Etats ont été stérilisés et empêchés,  s'avère totalement incapable de faire face à l'intérieur comme à l'extérieur aux agressions qui la menacent. Jamais la situation n'a été plus claire aujourd'hui.

- Elle ne peut rien contre la Russie qui attaque un pays de l'Europe centrale et s'empare d'une partie de son territoire,

- Elle ne peut rien contre la Grèce qui détruit la zone Euro de l'intérieur et se moque à peu près totalement de l'espèce de salmigondis de pouvoir qui s'appelle la Commission et l'Eurogroupe.

- Elle ne peut rien contre l'envahissement par des centaines de milliers de migrants non désirés.

- Elle ne peut rien contre l'envahissement juridique intéressé des Etats-Unis (voir les amendes colossales imposées aux banques européennes et l'invraisemblable Fatca). Et elle va céder sur ce point vital dans les traités transatlantiques : les sociétés américaines pourront se plaindre aux juges américains des difficultés éventuelles rencontrées en Europe. Les gouvernements passent sous tutelle du juge américain.  

- Elle ne peut rien contre le démantèlement des assiettes fiscales par les grands intervenants d'internet.

- Elle ne peut rien contre une barbarie basée sur l' "affirmative action"  et la "fierté retrouvée" d'une religion rétrograde et violente, animée par la tendance salafiste, en pleine croissance en France,  qui met à bas tous les principes européens durement acquis et commence à décapiter ses citoyens.

- Elle ne peut rien contre l'envahissement de produits qui ne respectent aucune des prescriptions qu'elle impose à ses producteurs.

- Elle ne peut rien contre les effets d'une économie internationale devenue baudruche à force de changes flottants non régulés et déficits et excédents croisés monstrueux. Sinon se taire et empêcher qu'on discute des mécanismes qui ont mené à la situation désastreuse actuelle.

- Elle ne peut rien mais empêche les Etats d'agir.

Ah ! Si ! Les Etats peuvent toujours augmenter les impôts et cadenasser les finances privées des citoyens.

Et en France, laisser les derniers duellistes présidentiels faire semblant de jouer à la démocratie médiatique, sous l'œil hagard de la population ;

Et en Grèce laisser Tsipras et Varoufakis faire semblant de jouer à la démocratie référendaire (jusqu'ici le referendum était "fasciste" à l'extrême gauche…), sous l'œil hagard de la population.

Et en Italie laisser Renzi se dépatouiller avec ses immigrés illégaux, sous l'œil hagard des arrivants.

On imagine où en serait si les grands Etats européens s'étaient dissous dans une nuée de petites régions avec un Eurogroupe de 100 membres ! Rien que pour dire non et expliquer pourquoi dans cette enceinte, il faudrait une semaine. Et la Grèce serait l'un des plus grands Etats membres…

En attendant quelque égaré fou d'islam tranche une tête française sur le sol français. Les Grecs découvrent le "corralito", avec le plaisir de pouvoir sortir quelques euros par jour de leur bancomat. M. Juncker pleure sur l'esprit européen perdu. Le commerce international est à l'arrêt. Les taux d'intérêt se cabrent. L'Euro s'affaiblit. La chômage qu'on annonçait en baisse probable grâce à "l'alignement des planètes", s'est encore accru : près de 630.000 chômeurs de plus depuis le début du quinquennat, plus que sous l'ensemble du quinquennat Sarkozy qui avait pris le choc du gros de la crise, alors que partout ailleurs la situation s'améliore.

Tout va bien.

Le Président de la République Française n'a rien à dire sur aucun de ces sujets dramatiques. Il voyage. Il mène campagne, l'œil vissé sur les sondages et près à toutes les opérations image qu'on voudra.

Dignité, Liberté et Prospérité sont au coin de la rue.

Et il n'y avait rien de plus urgent que de réduire l'emploi de la monnaie de papier par ce suspect permanent qu'est le citoyen.

Quand la BCE finit de manger son chapeau allemand

La BCE vient de prendre la décision de fournir près de 1.100 milliards d'Euros de liquidités aux banques.

Cette décision stimule des commentaires plus ou moins ridicules dans les medias, en même temps qu'elle est totalement incompréhensible pour le citoyen de base.

Quelques rappels sont nécessaires.

Au départ de la crise on trouve une élévation, globale depuis 1971, du taux d'endettement dans les pays développés, jusqu'à dépasser 400%, un taux intenable.

La cause de gonflement est à chercher dans le phénomène de double pyramide de crédits rendu possible par le système des changes flottants et l'abandon de l'interdiction d'accumuler excédents et déficits de balances de paiements, dans un cadre de liberté quasi-totale des mouvements de capitaux.   

Cette mécanique funeste a fait passer progressivement l'économie mondiale dans un mode baudruche. Les crises décennales ont été progressivement plus violentes et le trend s'est ralenti jusqu'à être très faible.

Surtout, la baudruche a commencé à percer en 2007, avec le blocage du marché interbancaire puis a explosé en septembre 2008, avec la grande faillite de Lehman-Brothers.

Une perte potentielle de 10 à 12 mille milliards de dollars a alors frappé le système financier, mettant tout le système bancaire en état de faillite virtuelle.

Si aucun mécanisme compensateur n'avait été mis en place, la dépression aurait nécessairement suivi avec la perte de toute l'épargne financière mondiale et la faillite de la totalité des banques.

On sait que le G.20 a refusé de faire un vrai diagnostic de la crise, préférant l'imputer à des guignoleries (avidité soudaine des traders, mauvaises pratiques des agences de notations, règles comptables frelatées etc.).

Il aurait fallu revenir immédiatement (et si possible dès l'été 2007) à un système de changes fixes et coordonnés, et condamner radicalement tous déficits ou excédents excessifs. Et réformer  le système bancaire en isolant les banques de paiements, les banques de crédits, les banques d'affaires et les institutions de gestion de l'épargne. A cette occasion, il aurait fallu mettre sous tutelle voire nationaliser les banques les plus engagées dans des spéculations absurdes, en changeant les équipes dirigeantes.

On ne l'a pas fait, préférant mettre à la charge des contribuables, donc de l'activité, l'essentiel des dégâts, mais pas trop vite. On a retardé le plus possible le jour du jugement dernier. Le hanneton a commencé à pousser devant lui sa boule de crottin. Evidemment, il se fatigue. A chaque accès de faiblesse, la crise repart.

Les grandes banques centrales ont fait marcher la planche à billet et fourni de la liquidité en masse pour éviter un "credit-crunch" dévastateur. Du fait que le multiplicateur bancaire joue à la hausse comme à la baisse, le potentiel de restriction financière aurait pu atteindre 50 à 60.000 milliards de dollars.

Les banques centrales ont globalement créé près de 10.000 millions de liquidité banque centrale pour contrer ce mouvement.

La FED a presqu'atteint la moitié de ce nombre. La BCE n'est pas très loin derrière. Son émission de monnaie n'est pas du tout la première. Le bilan de la BCE est passé de 1.000 milliards à 2.500 fin 2012. Depuis nous en sommes à la seconde émission. Le bilan atteint 4.000 milliards fin 2014 et sera de plus de 5.000 milliards fin 2015, soit une hausse globale de près de 4.000 milliards. La seule nouveauté de l'émission actuelle  est purement juridique et concerne les actifs que la banque centrale accepte de refinancer.

Au total, les accroissements de liquidité des banques centrales atteindront plus de 12.000 milliards fin 2015. On retombe bien sur nos estimations des pertes faites dès 2008.

Pour les Français, l'intéressant est de comparer ce chiffre à la valeur ajoutée de ses entreprises de plus de 1 personne du secteur marchand commercial : 1.200 milliards en 2013.

La BCE créera cette année le même montant de liquidité que la production française privée non financière et non étatique. Elle avait déjà créé le double !

La nouveauté n'est donc pas économique mais seulement juridique. Il fallait faire tomber le dernier tabou : refinancer les dettes d'état. Le jugement de la cour de Karlsruhe a libéré le terrain.

Une décision à caractère juridique peut avoir un effet économique. Mais une création monétaire exceptionnelle a le même effet qu'elle soit basée sur le rachat d'actifs privés plus ou moins pourris ou sur de titres représentatifs d'une dette d'état. Un sou et un sou quelque soit son origine.

D'un point de vue juridique la décision de la BCE est une novation. Du point de vue économique ce n'est qu'une continuité.

En revanche, on voit comme l'organisation de la zone Euro était défectueuse. Une vision purement juridique ne permet pas de faire face aux situations économiques exceptionnelles. Tout faire reposer sur une banque centrale est également fautif.

On n'aurait pas du créer une zone Euro sans poste de chancelier de la zone avec des attributions permettant d'ajuster les économies internes et de s'adapter aux économies externes.

On donne à la BCE un rôle de gestion du change qui n'est pas dans ses attributions, alors que le change dépends de mille autres facteurs. On a aussi perdu énormément de temps.

Rappelons qu'au départ de la crise de l'Euro, lors de l'effondrement de la Grèce  et de l'attaque spéculative  sur les taux d'intérêts en Europe, il suffisait de 40 milliards d'euros pour passer le cap. On a préféré imposer à tous les pays du sud une déflation terrible avec une récession carabinée et un chômage de masse.  Et finalement on aura du créer ex nihilo 100 fois cette somme.

Il est bien prouvé que la crise est d'origine monétaire et liée directement aux défauts du système monétaire international et que l'organisation de la zone euro est imparfaite.

Comme dans les années trente, tous les grands pays auront finalement dévalué pour se retrouver Gros-Jean comme devant quelques années plus tard. Ces dévaluations successives, dans un monde de liberté des mouvements de capitaux,  auront entraîné des folies spéculatives et entravé l'économie réelle, sans apporté de vraie solution.

La décision de la BCE, connue de la BNS,  a forcé cette dernière à faire sauter son "peg" en urgence (son lien gérée entre Franc suisse et Euro) avant qu'un flux massif de capitaux vers le FCH ne l'entraîne dans des cabrioles dangereuses. Les imbéciles ont crié : "c'est bien la preuve qu'un peu de fixité est impossible. Vive les changes flottants". Les voilà, une fois de plus,  en adorateurs des causes de la crise ! En vérité aucune monnaie ne peut supporter que celle d'un partenaire commercial s'effondre. C'est la chute du Real brésilien qui a provoqué celle du Peso argentin. Et la chute du Real avait été rendue nécessaire par la brusque appréciation du dollar, elle-même liée à une double spéculation sur le dollar et les bourses américaines.

A partir du moment où le dollar avait dévalué, et la Livre britannique et le Yen Japonais, et le Rouble et le Won etc. l'Euro ne pouvait rester aussi haut.

Les mouvements récents ont mis par terre le Forex et tous les agents travaillant sur le marché monétaire. Les industries Suisse sont KO. Un désordre est toujours un désordre.

La Presse se demande si "cela va marcher", rappelant le succès américain, largement imputé au gaz de schiste, voire anglais, imputé à la place financière de Londres, mais aussi l'échec Japonais.

Cela marcherait si l'activité commerciale nationale et internationale repartait d'un bon pied. Les mesures prises depuis 8 ans n'ont pas principalement cette vocation. Comme nous l'avons vu, le but est de faire face à la perte de 12 mille milliards de dollars  encourue par l'économie baudruche. On a sauvé les banques artificiellement, en faisant intervenir les Etats. Maintenant on sauve les Etats qui sont à bout de souffle fiscal.

On évite un krach général. Mais on ne stimule rien. Les taux d'intérêt sont déjà extrêmement bas, presque trop bas pour une rationalité économique d'entreprise. Les entreprises ont besoin de demande globale. On ne peut leur restituer qu'en "rendant l'argent" aux consommateurs et en cessant de voler les entreprises et leurs propriétaires.

Au total, faute de vouloir réformer le système monétaire international, chaque sous-système est obligé de prendre des mesures d'urgence pour tenter de ne pas subir seul les effets de la crise et la crise perdure indéfiniment.

Une économie baudruche percée de toute part, avec des instances dépassées qui tentent de maintenir la quantité d'air de façon artificielle au lieu de colmater les brèches  n'est pas une organisation intelligente de l'économie internationale.

Il faut d'urgence que les pays du G.20 remette en place un système de changes fixes et ajustables, mettent fin à la liberté totale des mouvements de capitaux  et se mettent en position pour une croissance mondiale rapide, comme celle qui a vu l'endettement global d'après guerre passer de 400 à 200% en 20 ans, sous l'influence d'un système régulé qui interdisait grands déficits et gros excédents.

Il faut que la zone Euro achève sa mue en créant un poste de chancelier disposant des attributions nécessaires à l'ajustement en temps utile des différentes économie et à la gestion du paquet de dettes résiduelles. La BCE ne peut pas tout.

Il faut que la France sorte du socialisme fiscalo-étatiste antinational qu'elle est la seule à pratiquer à cette échelle et revienne dans les clous d'une économie équilibrée, après une réforme drastique de l'Etat et de ses dépendances.

Dans ces trois domaines, on joue la procrastination,  on évite, on tangente, on met la tête dans le sable, on enfume l'opinion, mais on est finalement obligé de plier. Trop peu et trop tard.

Résultat la crise est plus longue et plus coûteuse que nécessaire.

Regrettons une fois de plus que la terrible mais limpide leçon des faits ne soit pas entendue.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.

2015 : pour qui sonne le glas ?

Dimanche dernier le glas a sonné. La France  directement atteinte en son tréfonds s'est réunie. Nous avons décidé de cesser tout commentaire pendant une semaine. Mais les grands deuils sont aussi la condition d'un sursaut si l'indignation et le chagrin n'interdisent pas l'action. Même si on n'a guère envie de revenir sur ce que fut la désastreuse année 2014, il importe d'en tirer quelques leçons.  

La question, en 2013, était de savoir si l'optimisme de commande des autorités était justifié alors que le budget de 2012 emmenait la France droit à l'échec économique. Nous avons eu la réponse  : une année Hollandibilis et horribilis se terminant par la révolte des Bonnets Rouges et l'annonce d'un changement important de politique. Le socialisme se transformait, au PS, en social-démocratie avec un siècle de retard ! Les augures intéressés avançaient que l'année 2014 serait enfin celle de la reprise. Les journalistes de cour accumulaient les sarcasmes contre les "déclinistes" et les spécialistes de la déprime nationale qui ne voyaient ni le monde, ni l'Europe et encore moins la France en grande forme. Fustiger les Cassandre est un marronnier qui refleurit chaque année à la période des vœux.  En début d'année, tout allait donc bien, Madame la Marquise. 2014 serait meilleur et la "boite à outils" mise en place par le chef des socialistes montrerait ses effets lumineux.

Seulement voilà : les faits sont têtus.

Le monde a encore connu, en 2014, une année désastreuse. Certes les Etats-Unis, appuyés sur une monnaie nationale qui est aussi la monnaie du monde (à plus de 80%) et un dynamisme pétrolier probablement temporaire mais indiscutable, sont repartis en croissance  et dans une moindre mesure la Grande Bretagne.

Au global, le commerce international est à l'arrêt, les flux financiers sont toujours déréglés et spéculatifs, et l'économie baudruche, percée de partout, et regonflée artificiellement par des injections gigantesques de monnaies banque-centrale n'est qu'une Montgolfière ballotée dans des cieux tourmentées.

Ce sera le cas tant qu'un nouveau système monétaire international ne sera pas mis en place.

L'exaltation juridique et nationaliste des Etats-Unis a conduit à la mise en œuvre de Fatca, une loi inique et grotesque qui a une conséquence imprévue : plus aucune banque mondiale ne veut ouvrir de comptes aux détenteurs de passeport américain. Les double-nationaux abandonnent leur nationalité américaine en dehors du pays. La volonté des Américains de faire croire que la crise est le fait de "méchants" les a conduit à infliger des amendes grotesques à des banques américaines mais aussi étrangères, portant sur des dizaines de milliards de dollars. Le système ne peut pas être mauvais, seulement les personnes ! En même temps, les entreprises américaines colonisaient le monde sans pratiquement payer d'impôts. Cette dualité intolérable est là pour durer. Elle n'a pas empêché la Chine de devancer les Etats-Unis, sur certains critères, comme première puissance économique mondiale. La faiblesse d'Obama, fait prix Nobel de la paix dès son premier jour de mandature pour lui rogner les dents et lui lier les mains, entraîne par ailleurs l'effondrement de la puissance  américaine, permet à Poutine d'annexer une partie de l'Ukraine et de créer la guerre civile dans l'est du pays, stimule la volonté des Japonais de retrouver leur puissance nucléaire et pousse le ressentiment musulman au delà de l'inhumanité absolue.  

Un désastre économique a toujours des conséquences politiques déplorables.

Du coup, le pétrole que les écologistes nous annonçaient à 200 $ le baril se retrouve à moins de 50, ruinant les pays rentiers dont la Russie et le Venezuela. L'Arabie Saoudite, alliée surprenante des écologistes les plus sectaires, expulse plusieurs millions de personnes "allogènes" et fait patiemment fermer toutes les exploitations pétrolières coûteuses de ses concurrents. Les imbéciles qui prétendaient que la crise du pétrole était simplement un fait de marché lié aux excédents temporaires de production, doivent constater que toutes les matières premières sont en repli avec parfois des baisses pires que celles du pétrole. C'est l'abandon radical de la spéculation sur les cours de matières premières, liées aux mesures de contrôle mises en place aux Etats-Unis qui est à la source du renversement total des perspectives. La manière dont la spéculation a été conduite par quelques fonds et grandes banques est, elle, clairement délictueuse.

La réaction judicaire américaine a donc des effets contradictoires : elle arrête des modalités de spéculations dévoyées, tout en empêchant les grandes réformes nécessaires !

Le désordre international est donc un peu plus profond en fin d'année 2014 qu'il n'était en fin 2013. Il suffit de constater ce qui se passe actuellement sur le front monétaire international pour constater des désordres que l'on peut qualifier d'inouïs. La BNS a tué les spéculateurs du Forex. L'Euro s'effondre comme de nombreuses monnaies alors que la BCE annonce qu'elle va faire exactement tout ce qui était jusque là interdit. Il ne restera rien du chapeau dont s'était affublé M. Trichet.   

L'Europe de la zone Euro, étranglée par ses politiques déflationnistes, asphyxie par contagion ses principaux clients. L'année 2014 aura été celle de la consolidation à un niveau très bas. Faute des institutions de gestion nécessaires à une zone de monnaie unique, l'illusion qu'une reprise serait possible uniquement par la grâce d'un président de la BCE non conformiste, s'est dissipée dans les nuées. Depuis huit ans, nous crions inlassablement qu'une Banque centrale est comme la psychanalyse, incapable de soigner quelques maux que ce soit, sinon ceux qu'elle a créés.  

L'Europe est à la traîne. Les élections européennes ont été un théâtre d'ombres, permettant aux pays les plus petits de s'arroger l'essentiel des places contre les piliers européens que sont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni. L'idée Rooseveltienne d'une Europe lavette dont les nations puissantes auraient été noyées dans un lac de petites nations sans envergure et ficelées par une bureaucratie aux ordres, est désormais en place. Le choix comme président de la Commission d'un ancien chef du Luxembourg, état microbique dont le jeu est de s'enrichir en favorisant fiscalement les grandes multinationales étrangères et notamment américaines, est plus que significatif. Le risque de dissolution des grandes forces européennes a été aggravé par le referendum écossais, légal, et le referendum catalan, illégal. Si les grandes puissances historiques sont dissoutes dans des micros ensembles, elles n'auront plus aucun moyen de mettre en commun les ressources nécessaires à ne serait-ce que leur défense nationale.  L'Angleterre seule, sans l'Ecosse et le pays de Galles ne peut plus avoir d'armée significative.  L'Espagne sans la Catalogne et le pays basque non plus. Pas plus qu'une Italie coupée en deux. Ne parlons pas de la France, si l'Alsace, la Lorraine, la Bourgogne, la Corse, la Bretagne, la Savoie, la Normandie, le Jura, l'Auvergne, la Guyenne-Gascogne, le Pays basque, "l'Occitanie", la Picardie, les Flandres  et le Comtat-Venaissin venaient à acquérir leur autonomie. La dissolution de l'Europe en micro états de dimension vicinale est la mort de l'Europe tout court.

A l'occasion des élections européennes, le Parlement s'est permis un "coup d'Etat" (selon l'expression de VGE), liant le résultat du vote et la présidence de la Commission. Pourquoi se gêner ?  Quant aux résultats de ces élections en France, on l'a vu : après une campagne électorale creuse et même, pour l'essentiel, carrément inexistante, où les grands Partis se sont contentés d'ajouter quelques recalés du suffrage universel direct à leurs européistes qualifiés, le Front national a emporté la mise, sur fond d'abstention débilitante, entraînant une réaction de marginalisation de la France dans toutes les institutions. Ce qui veut dire que l'idéal européen est en lambeaux, et que la France a les pieds pris dans les déchets.

Quant à la France ! Commencée dans le vaudeville, l'année présidentielle a enchaîné sur des convulsions politiciennes grotesques, avec la disparition sans gloire du gouvernement Ayrault, puis une crise gouvernementale de l'équipe suivante, sans causes nationales sérieuses, aboutissant à l'éviction de deux ministres, dont le ministre de l'économie, parti aussitôt apprendre la gestion dans une école de management ! Le scénariste le plus délirant n'aurait pas osé imaginer une histoire aussi débile.

Comme chacun sait, l'histoire est tragique. Voici qu'un Français a été décapité dès son arrivée sur un sol arabe, sans aucune réaction du gouvernement et dans la foulée, des musulmans en folie foncent dans les foules françaises à Noël. Des centaines de musulmans nominalement français mais qui ne se considèrent pas comme tel, partent massacrer, violer, terroriser dans les pays où l'islamisme, enflammé par les conquêtes et exactions occidentales puis israéliennes depuis des décennies et nourri par la rente pétrolière, a été libéré par des Occidentaux malavisés des régimes forts qui le contenait.

F. Hollande qui pensait se faire une image de chef en envoyant ses troupes contre l'Islam à l'étranger se retrouve avec un second front intérieur, alors que, suivant les recommandations de Terranova, il avait fait du terreau musulman son électorat privilégié. A peine a-t-il recommencé à le courtiser en proposant l'élection des étrangers aux municipales que deux frères délinquants séduits par la violence illimitée islamiste et le surmoi qu'elle permet aux faibles d'esprit, entraînés au Yémen par Al Qaïda, mais qui sont représentatifs d'une forme d'irrédentisme musulman proprement national qui s'amplifie depuis des années, massacrent toute la rédaction d'un journal marginal mais sympathique et qu'un troisième tue à répétition aux portes de Paris de façon synchronisée. L'arrogance d'une fraction croissante des enfants d'immigrés musulmans vis-à-vis des "gaulois", leur volonté de ne pas s'assimiler, leur revendication identitaire et religieuse dans la cité, dans l'armée et dans l'entreprise, la provocation vestimentaire ou alimentaire permanente, le refus d'accepter le contenu républicain et national de l'enseignement public, la tendance à la délinquance de ses jeunes, le romantisme du combat armé sans règle humanitaire depuis la guerre de Yougoslavie, attisé par la conscience d'une domination démographique dans certains territoires de la République Française, créent les conditions d'une guerre civile larvée.  En nous embarquant dans des guerres religieuses au Moyen-Orient et en Afrique, nous n'avons fait qu'attiser un feu qui couve depuis des années.

On a accepté de changer l'enseignement de l'histoire et les règles de l'école pour ne pas fâcher les élèves musulmans, on a toléré que l'hymne national soit sifflé en masse au Stade de France, on a trouvé expédient de substituer aux Français dans les logements sociaux des millions d'étrangers n'attendant souvent de la France que des indemnités, on a chanté inlassablement aux Français qu'ils étaient des "beaufs" et des "salauds au sens sartrien du terme". La veille des assassinats politico-religieux des frères Bouaki, la télévision passait le film de Tavernier, "Coup de torchon", présentant les Français au temps des colonies comme des porcs bons à être saignés par un justicier pas très propre sur lui. "Français vous avez des devoirs vis-à-vis de ceux qui vous tuent, car vous avez péché". Déjà, le jour où des avions démolissaient les tours jumelles de New York, le fameux "11 septembre", un excité s'exaltait à condamner les Français sur France-Inter pour l'affaire de Sétif ! Rappelons qu'Hollande lui-même a tenu à stigmatiser, il y a moins d'un an, la répression d'une manifestation interdite du FLN de 1961, à une époque où les commissariats étaient protégés des exactions des Fellaghas par des guérites en béton. Les autorités n'avaient pas voulu laisser la rue et le haut du pavé au FLN. Pas plus qu'elles n'avaient voulu que l'OAS y fasse régner la terreur. Sans faiblesse et même sans pitié.

Nous voici avec un 7 janvier 2015, où les menaces contre la liberté d'expression et de pensée ont été mises à exécution par des musulmans dignes justement du FLN, de l'OAS ou d'Action Directe. Ce passage à l'acte ouvre une autre période de l'histoire française.

Sur le terrain économique, les cartes sont désormais étalées. La France finit l'année avec des déficits aggravés, des dettes aggravées, un chômage aggravé en nombre et en durée, des faillites record, une construction à des niveaux ridicules, des familles ruinées par les impôts, des jeunes, des patrons, des retraités et des entreprises en fuite vers l'étranger. La réponse est une loi poudre-aux-yeux promue par un certain Macron qui fait du tort aux professions que les socialistes n'aiment pas et qui n'a strictement aucun intérêt économique autre qu'anecdotique ou politicien, comme on voudra.

L'important, pour tout ce petit monde, est la stratégie politique présidentielle de M. Hollande qui n'intéresse pourtant que lui-même et ses clans mais qui doit s'imposer aux Français. Surtout pas de réformes sérieuses qui pourraient coaliser des masses ou des énervés disposant d'un pouvoir d'agitation. Alors on ne redéfinit pas à la baisse  les missions du moloch étatique : la fonction publique et toutes les mille-et-unes organisation publiques et parapubliques, c'est électoralement sacré. La SNCF s'effondre ? Tant pis. EDF et le CEA forment un Etat dans l'Etat de plus en plus nul et coûteux. On s'en fiche. Les intermittents du spectacle ? Le déficit de leur régime extravagant de financement par les autres de leur temps d'inactivité est sanctifié, sacralisé et "sanctuarisé" ! Mais oui, le Premier Ministre a parlé de sanctuaire. Les déficits démagogiques, c'est malsain mais c'est saint !  Alors qu'il ne s'agit que d'un abus délirant responsable du tiers des déficits de la branche chômage pour un nombre ridicule, mais en forte augmentation, de bénéficiaires. On se pince, mais tout cela est vrai.

"L'achat de vote" recommence. On rajoute aux impositions déraisonnables et spoliatrices, portant sur les réussites, l'impôt que l'on supprime à "9 millions de foyers" ! Raisonnable et républicain ?

On perfectionne les gratuités, notamment dans le domaine de la Santé, afin de rendre les situations vraiment inextricables, au prix d'une dérive bureaucratique de qualité soviétique . Il ne s'agit rien de moins que de supprimer les libertés médicales. Les médecins, qualifiés et utiles, devront demander, avant de lancer des traitements, l'autorisation préalable à des sous-fifres sous-qualifiés, planqués dans ces usines à incapables que sont les Agences Régionales de la Santé. Leur rémunération dépendra du bon vouloir de bureaucrates dont la compétence peut s'apprécier tous les jours, à la mesure de nos déficits et des désordres de plus en plus graves qui agitent le domaine. Une occasion de plus de rappeler que tout le secteur dit social est entre les mains de pseudos-cadres, marqués politiquement, sortis d'enseignements le plus souvent très faibles, ivres d'un pouvoir à peu près totalement incontrôlé, ayant acquis une presque totale indépendance et nourris par des prélèvements constamment croissants. Pour eux : "la crise connait pas". Le gouvernement Valls reflète assez bien cette sous-bureaucratie politisée, sans mérite et sans valeur, à qui on a laissé trop de pouvoir. Autant dire que l'année 2015 s'engage sous les meilleurs hospices !

La France est désormais plus qu'engagée dans le maelstrom du déclin. Son revenu par tête a encore baissé en 2014. Son rang économique aussi. Ce n'est pas le pseudo pacte de responsabilité qui changera quoi que ce soit. Ce dispositif est purement politicien et n'a pour but, malheureux mais évident, que de renvoyer sur les entreprises l'échec socialiste et lui permettre d'avoir quelque chose à dire pour faire réélire son chef. Quo non descendam ?

Voilà le monde largement à l'arrêt économiquement et sous la pression de musulmans fanatisés en armes sur plusieurs continents. Pendant que la France pleure 17 morts, Boko Haram vient d'en tuer 2.000, en rasant 16 villages, avec vieux, femmes et enfants, pratiquement sans un mot dans la presse française. L'Europe est en pleine dérive. La France renifle des effluves de guerre civile. Elle flirte avec la déréliction économique irrattrapable, avec un président requinqué par le sursaut d'unité nationale des Français et  qui frétille de bonheur déplacé de pouvoir s'exprimer sans être aussitôt sifflé. Après tout le massacre historique que l'on vient de connaître a été évité en Belgique et subi en France. Le succès de la police de doit pas grand-chose au Ministre de l'intérieur qui indiquait en été 2014 : "Ce n'est pas un délit de prôner le djihad" (RTL - 5 Août 2014), ni une garde des Sceaux, incapable d'assurer le suivi judiciaire de condamnés dangereux à qui elle cherchait à éviter une "prison qui empêche la réinsertion".   

Politique et économie sont liées. Lorsqu'on atrophie l'économie par idéologie et esprit politicien, on met aussi en cause la stabilité politique d'un pays. Et lorsqu'un pays pourrit par sa tête politique, son économie souffre aussitôt. Peron a mis l'Argentine par terre. Chavez a ruiné le Venezuela. Papadopoulos a abaissé la Grèce et aggravé ses tares traditionnelles. Castro a laminé Cuba. Mugabé a tué et affamé son peuple. Le FLN a fait de l'Algérie un pays intolérable que fuit sa jeunesse. L'Iran des Mollah est une infection. Poutine ruine la Russie.  

L'économie française se défait par la politique. L'échec économique défait la France. L'équipe que dirige M. Hollande, a prouvé en deux ans et demi qu'elle n'était pas au niveau des missions qui devraient être les siennes, et qu'elle n'a pas les moyens de sortir le pays de l'ornière dangereuse où il se retrouve.

L'unanimité des bons sentiments dans le chagrin et la pitié est une bonne chose, à laquelle nous nous sommes associés totalement. Les moments d'unité nationale sont trop rares pour les bouder.

Elle ne pourra pas longtemps faire oublier qu'aucun Français digne de ce nom ne peut  admettre que la France en général et son économie en particulier tombent si bas. Le drame de l'insurrection musulmane djihadiste qui s'enracine en France et risque de s'étendre et de s'aggraver encore, sur un terreau social dégradé, s'ajoute au drame que sont les résultats économiques de 2012, 2013 et 2014.

Puisse les Français comprendre dans leur tréfonds national que la vocation de la France n'est pas l'effondrement économique, la déréliction sociale, la dégénérescence du politique dans la démagogie clientéliste et la comm', la dissolution nationale dans une Europe croupion, et l'épuisement dans une variante larvée de " guerre des civilisations".

Un cycle historique qui a vu la France s'enfoncer si bas doit se refermer. Et un autre commencer. Il implique une autre vision de l'organisation mondiale, de la construction européenne et de que doit être la France.

L'échec économique global, l'échec européen et l'échec français ont tous les trois des causes précises. On ne peut en rester là.

Nous avons écouté le glas. Maintenant il faut entendre le tocsin !

 

PS : Nous donnons ci-dessous, comme chaque année, les résultats de la fréquentation de ce blog qui a dépassé 690.00  lectures cumulées de personnes différentes, soit une hausse de 190.000 en un an (grosso modo le nombre des chômeurs supplémentaires en France. Espérons qu'il n'y a pas de corrélation !).  Trois articles font leur apparition dans le palmarès des articles les plus lus. Ils touchent à l'essentiel et nous sommes heureux que leur importance soit ainsi reconnue. La question de l'organisation bancaire est centrale. "L'étrange nature du dépôt bancaire" est désormais un thème qui retient l'attention, bien que le chemin reste long vers les banques de paiements et les spécialisations bancaires que nous préconisons. Les observations de J. Rueff sur les doubles pyramides de crédit sont fondamentales pour comprendre la situation actuelle. Nous nous réjouissons de les populariser ici. Plus surprenant notre bulletin de conjoncture de juin 2008, annonçant clairement la crise, a fini par retenir l'intérêt des lecteurs avec 6 ans de retard. Nous avons ici prévu une crise dure et longue en temps voulu, malgré tous les propos des nigauds qui ne cessent de répéter que cette crise était imprévisible. L'important n'est pas la gloriole du "je vous l'avais bien dit" mais de comprendre les chemins de cette prévision et le diagnostic qu'elle sous-tend. Plus que jamais, nous persistons et signons :

- Il faut mettre fin aux changes flottants et recréer un système monétaire international coopératif.

- On ne peut pas gérer une zone de monnaie unique uniquement avec des normes. Il faut créer une chancellerie de la zone Euro distincte de la Commission de Bruxelles.

- L'asphyxie fiscale française est un désastre auquel il doit être mis fin.



Une autre erreur économique commune

Parmi les erreurs que l'on retrouve de façon assez généreuse dans la presse et parfois dans les rapports des grandes institutions économiques mondialisées, figure l'idée que les pays émergents tireraient la conjoncture et serait la solution aux difficultés des économies "vieillissantes". Nous avions déjà dénoncé ce travers , dès 2009, dans le dossier :

http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2009/3/8/Non-la-Chine-ne-nous-sauvera-pas-

Nous donnons ci-dessous le graphique de l'évolution du PIB chinois tel qu'il nous est désormais connu. On voit qu'il n'y a pas eu de miracle. La Chine a suivi l'évolution générale. Ses énormes réserves ont permis des poussées spéculatives ou défensives d'achats divers (terres rares, pétrole, ports étrangers, achats africains, etc.) qui ont laissé croire à une reprise du commerce international. En réalité le commerce international, largement basé sur la santé des circuits financiers car on échange des biens contre du papier étranger, s'est totalement effondré en 2009 et n'a jamais véritablement repris.

L'effondrement pendant l'année 2014 (qui devait être l'année de la franche reprise) des prix du pétrole, de l'or, des matières premières, et d'une façon générale des biens qui servent de base aux échanges internationaux,  en est aujourd'hui la preuve éclatante.C'est cette baisse qui fait craindre au FMI un début de déflation généralisée. Mais le FMI n'en analyse pas la source. Pour cette institution c'est la stagnation européenne qui explique tout. En fait, l'explosion du système monétaire international, avec repli sur leur pré-carré de toutes les banques, sauvées par leur Etat, n'a conduit, sur le front international,  qu'à des mouvements erratiques soutenus essentiellement par la spéculation ou les pratiques défensives.

Les énormes liquidités créées par les banques centrales ont certes conduit les investisseurs à chercher des opportunités dans les pays émergents. La hausse de tel ou tel marché dans ces régions a été créée par ces mouvements spéculatifs qui ne reposaient sur rien. Jusqu'au moment où le néant sous-jacent est apparu clair à tout le monde et ce fut le repli en ordre dispersé. Le rôle des responsables de la gestion de fortune est de chercher à être au début du mouvement spéculatif et de s'en échapper à temps. Certains y arrivent. Mais, obligatoirement, la majorité d'entre eux se noit.Et avec eux les économies touchées : voir le cas du Brésil.

La vérité est toute simple : les économies importantes sont grevées par un stock de dettes irrécouvrables monstrueux qui pèse sur leur croissance. Les pays émergents peuvent être occasionnellement boostés par les flux de monnaie créés pour contrer le dégonflement global de l'économie baudruche mais ils ne sauraient tirer la conjoncture.

Le faible ne sauve jamais le fort.

 

 

 

 



La fausse "exemplarité" du marché des devises

Parmi les lubies de l'époque, et cela dure depuis la libération complète des mouvements de capitaux en 1990, figure l'exemplarité du marché des changes, présenté un peu partout et en particulier dans les cours d'économie financière, comme le parangon d'un marché quasiment parfait, permettant une confrontation à la seconde de millions de décisions  d'achat et de vente, et l'allocation optimale des ressources, en liaison avec le marché des taux d'intérêt.

Depuis cette époque nous ne cessons de répéter que cette doctrine est totalement aveugle aux réalités.

Le marché monétaire est l'exemple même d'un marché doublement imparfait :

- Il est dominé par quelques banques centrales qui peuvent intervenir avec des moyens tels que les changes n'ont que le sens qu'on veut bien leur donner (ou qu'elles veulent bien qu'on leur donne). On l'a vu avec la banque centrale suisse, qui a émis presque la valeur d'un PIB national pour arrêter la hausse des cours du Franc Suisse. On l'a vu avec l'émission de monnaie de la Banque centrale du Japon qui a noyé de liquidité les marchés pour faire baisser le Yen. Ne parlons pas de la FED et maintenant de la Banque Centrale Européenne qui ont émis près de 10.000.000.000 de dollars de monnaie gagée sur rien du tout en 7 ans.

- Les opérateurs au quotidien sur le marché des changes sont très peu nombreux et peuvent se coaliser facilement pour monter des coups permettant des gains faramineux en quelques heures ou quelques jours. Les gains sont minimes en taux mais les capitaux mobilisés sont tels et la durée des opérations si courte,  que les rendements sont extravagants.

Que constate-t-on aujourd'hui ?

- La condamnation des principales banques ayant manipulé le cours de certaines monnaies clés permettant de fixer des "trackers" sur lesquels on a pris des positions spéculatives à très court terme. On se rappelle que le Libor avait déjà été manipulé de la même façon. Cours de change et taux d'intérêt ont donc été constamment manipulés pendant vingt cinq ans. Merci pour l'allocation optimale des ressources !

- La danse de Saint-Guy actuelle des monnaies dont les cours sont manipulés par les banques centrales ou les Etats, ou de celles qui ont été affectées par des éclatement de bulles spéculatives. Le cours du pétrole, entièrement dominé par la spéculation, a fini par s'effondrer,provoquant aussitôt la chute de monnaie surévaluée comme par exemple le Rouble russe, lui-même victime de faits politiques. Le Real brésilien se porte mal du fait de l'arrêt des achats chinois qui avait permis une spéculation éhontée sur les "classes d'actifs" brésiliens dont la monnaie. L'Euro a fortement baissé par rapport au dollar du fait de l'action de M. Draghi.

Encore une fois, où voit-on un marché libre, liquide et parfait ?

De toute façon dans une économie boursouflée par la création monétaire massive, que nous avons appelé "baudruche", les marchés de capitaux n'ont aucun sens "réel". L'argent ne se place pas dans des projets de production mais dans des espoirs de gains en capital sur des valeurs nominales dépendant directement des émissions monétaires.

Tant qu'on n'a pas mis fin au mécanisme qui permet un gonflement des crédits  hors de tout contact avec les investissements de production, et qu'on laisse les banques centrales se faire la guéguerre monétaire, enveloppée dans l'encens des réunions périodiques sacralisées et pseudo consensuelles, les sanctions juridiques n'ont aucun sens.

La seule solution est d'en revenir à l'essentiel : les Etats doivent être rendus responsables de l'équilibre de leurs balances extérieures et du change de leur monnaie, avec des mécanismes de contrôle et d'aide pour limiter les effets des ajustements éventuels.  L'énergie est trop importante pour qu'on en laisse le prix flotter au gré de la spéculation. Il faut revenir à un système de monnaie internationale de référence, gagée sur des valeurs réelles, dont le pétrole mais aussi l'or, avec des monnaies au change fixe et ajustable par rapport à cette monnaie internationale.

Cette organisation, conforme aux statuts du FMI et aux accords de la Havane, mais corrigée par rapport au système de Bretton-Woods (suppression de la référence obligée au dollar, parité des droits et des devoirs au sein du FMI, intégration des grandes valeurs économiques de référence comme l'énergie, interdiction du "short" sur les monnaies, interdiction de la cotation continue), est la seule capable de mettre fin à l'économie baudruche et de canaliser le dégonflement de la masse d'endettement global qui frôle toujours aujourd'hui dans l'OCDE les 400%.

Cette réforme est SINE QUA NON.

Vouloir faire croire que la crise est circonstancielle et liée à l'action condamnable de quelques malfaisants est, au mieux, une naïveté.   

La crise a éclatée en juillet 2007. Sept ans après, l'empilage de dettes n'a pas été réduit. Le marché des monnaies est en pleine folie. "L'allocation optimale des ressources" est, comme la fameuse main censée la guidée "clairement invisible". En revanche la stagnation perdure ; les désordres perdurent ; le chômage s'étend ; les politiques économiques restent de pure panique.

Et pas un mot de la part des responsables pour faire le constat de ce sinistre tableau ni prendre la moindre mesure corrective. Où est M. DSK, l'ancien président adulé du FMI ? En train de tenter de se sortir d'un engagement fumeux dans la spéculation internationale. Où est Madame Lagarde ? En train de tenter de se libérer de son inculpation dans l'affaire Tapie. Où est le Président de la République Française ? En train de tenter de se sortir des mille et pièges qu'il dresse et dans lequel il tombe avec un certain plaisir. Où est M. Juncker, le Président de la Commission Européenne ?  En train de tenter de se sortir de l'affaire des avantages fiscaux donnés aux multinationales par le Luxembourg qu'il dirigeait, au détriment des autres pays d'Europe. Où est Poutine ? En train de reconquérir par la force une partie de l'Ukraine. Où est M. Abe ? En train de tenter d'interpréter la Constitution Mac Arthur pour construire la bombe atomique. Où en sont les Chinois ? En pleine exaltation du national-socialisme Han. Où est M. Obama ?  Qui est M. Obama ?

L'esprit de coopération économique et monétaire international a totalement disparu, noyé dans le "libre" marché des capitaux et la perte de toute réflexion économique collective sérieuse.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

L'état du monde en octobre 2014

Toutes les prévisions gouvernementales suivent, à peu près, le même cheminement : aujourd'hui, cela va mal, mais la reprise arrive l'année prochaine et dans deux ans ce sera magnifique. La reprise est toujours "au coin de la rue". Rien n'aurait donc changé depuis Hoover ? Lorsqu'on relit les analyses d'octobre 2013, on constate que l'année 2014 était annoncée comme un excellent cru économique et que l'année 2015 serait encore meilleure. Nous étions sceptiques.

Cet optimisme de circonstance s'est fracassé, comme d'habitude, sur des réalités plus puissantes que les vagues espoirs, plus ou moins honnêtes, de dirigeants déboussolés.

La difficulté de l'économie mondiale tient au fait qu'une masse de dettes délirante s'est accumulée en quarante ans, à un niveau tel que la production ne peut pas en assurer le remboursement et permet à peine le paiement des intérêts. Nous en sommes toujours, pour les pays de l'OCDE, à un taux de dettes globales situé quelque part entre 380 et 420% du PIB. Par rapport à la valeur ajoutée des entreprises de plus de une personne du secteur marchand non financier, le taux doit être plus proche de 800% que de 700%. Ce qui veut dire que les banques sont toujours virtuellement en faillite et que les détenteurs "d'actifs" sont dans l'angoisse permanente d'en perdre une partie plus ou moins conséquente.

Le mouvement naturel du commerce est entravé par cette situation d'enflure qui provoque des comportements de défense aussi bien des Etats que des banques, des entreprises et des particuliers. Qui dit défense dit contraction et repli. Les Etats ruinent leurs citoyens par l'impôt et/ou leurs entreprises par la contraction de la demande et des moyens d'investissement. Les entreprises restent infiniment prudentes, faute de marchés. Les énormes liquidités déversées sur les banques ne servent qu'à chercher les reliquats de plus-values ou les mini-bulles spéculatives que ce ruissellement peut engendrer.

L'examen du "Baltic dry index" montre un électroencéphalogramme commercial absolument plat, alors que les bourses ont grimpé un petit peu, en même temps que certains secteurs immobiliers comme en Irlande, à Berlin ou à Londres. Nous sommes toujours dans le type d'économie que nous avons qualifié de "baudruche", avec un ballon gonflé à l'hélium des banques centrales mais qui fuit de partout. Cette situation où tout le monde a le pied sur le frein pendant que les banques centrales appuient sur l'accélérateur est propice à tous les dérapages, surtout quand elles lâchent l'accélérateur. 

La volonté de la Chine de ne pas perdre trop sur son stock de dollars a animé, un temps, les marchés internationaux avec des achats de produits agricoles et de matières premières. La remontée du cours du dollar du fait de l'action de la BCE qui a fait fondre un peu l'Euro, a réduit cette pulsion. Alors tous les cours baissent. Déjà la menace d'une diminution du Quantitative Easing de la FED avait déréglé le marché des changes. Si le dollar remonte, les flux spéculatifs se réorientent. C'est la beauté des changes flottants avec refus de maîtrise des excédents et des déficits massifs de balances de paiements et liberté absolue des mouvements de capitaux. Les décisions ne sont plus corrélées aux productions et consommations mais à des spéculations massives sur des interprétations comportementales.

Le problème est que les Etats-Unis ne joueront pas le rôle qu'ils ont tenu à la fin des années 1990. Le retournement du change du dollar avait provoqué l'accélération de la spéculation sur les bourses américaines, confortée par la bulle sur le compartiment NTIC du Nasdaq,  et une spéculation sur le dollar lui-même, en même temps qu'une énorme création monétaire des banques d'affaires et commerciales, basée sur le recyclage des excédents Chinois et Allemands,  avait provoqué une flambée conjoncturelle très intense. Rien de tout cela n'est plus possible aujourd'hui. Les banques ont besoin de dégonfler leurs bilans et la consommation est asséchée par les impôts, notamment en France et plus généralement en Europe.

La chute des cours du pétrole prend acte du fait que la spéculation sur les cours n'a plus aucun rapport avec la consommation effective. Toutes les autres matières premières suivent le même chemin, sauf l'or qui frémit devant de nouveaux risques d'explosion de la zone Euro.

Alors, oui, nous sommes encore dans la phase "haute" du cycle, mais la hauteur en question est réduite par l'obligation générale de réduire les déficits publics et les en-cours bancaires. Le seul aspect positif est que la récession décennale devrait être modeste, la correction des excès de crédits se réduisant à la digestion d'erreurs spéculatives de petite amplitude. Sauf, naturellement si la baudruche perce massivement du fait de politiques trop gravement inconséquentes ou d'évènements extérieurs gravissimes. 

L'Afrique dont la croissance a été plutôt bonne du fait de l'arrivée massive de capitaux internationaux à bas prix et par les achats multiples de la Chine,  commence à tousser. L'Europe est toujours plus ou moins stagnante. Et les Etats-Unis, faute de marchés extérieurs, voient la reprise économique, réelle, s'étouffer lentement.  

Cette situation inquiète les grands maîtres de la spéculation internationale. Ils ont fini par conclure que les positions allemandes bloquaient tout le système et empêchaient de faire des affaires. Depuis juin 2014 les rumeurs signalent qu'ils vont provoquer une correction assez forte des marchés d'action, qui n'avaient pourtant grimpé en moyenne que d'une dizaine de pour cent en deux ans. Le but n'est pas très compliqué à comprendre :  provoquer la crainte d'une récession en l'Allemagne, où le système bancaire est très abimé, puis d'un nouveau Krach. Il fallait, pour que l'opération réussisse, que les indices cautionnent l'opération. On a attendu octobre pour la déclencher car tous les chiffres d'activités sont dans le rouge ou l'orange foncé et des aléas pèsent sur la fin de l'aide à la Grèce, et celle du Quantitative Easing de la FED. Les petites guerres en Europe, en Afrique  et en Orient ajoutent au climat. La baisse soudaine des bourses, amplifiée par les programmes informatisés, joue le rôle d'un avertissement. Tout est trop artificiel, trop lié aux banques centrales. Mais il faut que ces dernières ne renoncent pas à la création monétaire et que l'Allemagne cesse ses blocages.

Sans tomber dans le "complotisme", l'avenir nous révélera sans doute, comme d'habitude, que quelques dizaines de financiers se sont réunis dans un endroit sympa et discret en cette saison, comme Colorado Springs, pour réfléchir à l'avenir.

Ceux qui sont accrochés à la baudruche ne veulent pas d'un dégonflement cataclysmique. Ils pensent désormais qu'il faut que l'économie réelle reparte. Sans croissance, il est impossible de sortir de la situation. Ce en quoi ils n'ont pas tort.

L'expérience montre que le seul moyen d'obtenir une relance concertée qui ne sombre pas immédiatement dans les crises monétaires et financières est de recréer un système de changes fixes et défendus par des Etats conscients de leur responsabilité dans ce domaine. L'expérience des années 1944 à 71 montre qu'on peut, en même temps, faire baisser l'en cours de dettes global et créer une forte croissance.

Si on était dans un système de changes ajustables, le Yuan aurait été fortement réévalué, le Dollar dévalué, le DM fortement réévalué et le Franc fortement dévalué, mais de façon concertée, avec un fort accent mis sur la production et la productivité.  Une fois le nouvel équilibre institué, les entrepreneurs et les financiers auraient eu un horizon stable pour rechercher non pas une spéculation  artificielle sur une bulle monétaire ou immobilière quelconque mais des possibilités de flux de recettes liées à l'activité croissante.

L'action des banques centrales, associée à des traités intercontinentaux ne suffit pas, si on conserve un système de changes flottants avec irresponsabilité des Etats sur leurs excédents et déficits. "Nous sommes au bout des politiques monétaires", disent les banquiers centraux.

C'est le grand paradoxe de la situation actuelle. Les grands spéculateurs viennent de le faire savoir, avec leurs moyens : cela ne marche pas ; changez ! Mais pour que cela marche, il faut leur ôter un champ immense de la spéculation : les taux de changes et les taux d'intérêt. Et, de toutes façons, il faudra que l'endettement global redescende en dessous de 250%. Venant de 400 %, ce n'est pas simple et la crainte de la déflation ne sera jamais vaine dans les années à venir, comme depuis… 2007.

Face à cette évolution, l'Europe Unie est, comme toujours, ailleurs. Le gouvernement de nains qu'on appelle la Commission, conglomérat de représentants de pays minuscules, dirigée par un Luxembourgeois dont le pays vit de l'évasion fiscale, et sans programme connu, finit de jouer sa parodie de spectacle politique, dans son théâtre de démocratie factice.  Elle négocie en secret un accord transatlantique dont les peuples et même les gouvernements n'ont pas le droit de connaître les tenants et surtout les aboutissants.

La France de Hollande est la France de Hollande. Un immense cratère de démagogie dans laquelle la fortune historique de la France s'engloutit peu à peu. Ce minuscule président brise les tabous qui ne coûtent pas cher et permettent de durer, un peu, sur fond de ruine générale. Sa seule boussole est de tenir pour avoir une sortie un minimum honorable. Pour cela il ne faut pas que dans la rue se "coagulent les mécontentements" et que le flot d'emprunts coûte plus cher. C'est que la France doit emprunter chaque année 30% de la valeur ajoutée des entreprises non financières de plus de une personne, alors qu'on prélève chaque année, en impôts, la valeur de cette production ! Alors on aggrave encore les impôts mais sur ceux qui ne peuvent pas tenir la rue. Les familles, les "riches". On brûle la chandelle par les deux bouts. Ceux qui paient l'essentiel de l'impôt n'auront plus les mêmes droits que ceux qui en paient peu ou pas. Pour eux les services et prestations publiques seront "modulés", traduire : réduits ou supprimés ou rendus plus chers qu'aux autres,  en fonction du revenu brut. Mais pas du net !  Tous ceux qui connaissent la déclaration de revenu et d'ISF de la classe moyenne supérieure savent qu'elle doit puiser dans ses réserves pour payer l'impôt. Le net est souvent négatif. Cela ne les empêchera pas de payer plus cher pour les services de la Ville de Paris, dit Mme Hidalgo, maire très satisfaite d'elle-même et d'une gestion si dispendieuse que personne ne sait plus comment la financer. Boucler des budgets extravagants exige toujours plus de prélèvements. Il y a tant de mines prêtes à exploser que la situation n'est pas près de s'inverser (voir par exemple les incroyables dérives du grand auditorium de la Villette, impossible à rentabiliser et même à simplement occuper sauf à cannibaliser de façon mafieuse les autres enceintes, comme la Salle Pleyel).  

Entre panique et calcul politicien, la "France se suicide". Effectivement. C'est pour cela que les débats sur la consistance de ce qui faisait la force des Français et de la France est si vif. La ruse et la palinodie ont remplacé l'effort national concerté et partagé équitablement. Il suffirait d'une hausse à 4 ou 5% des taux d'intérêt pour qu'elle tombe dans le gouffre grec, et l'Europe à sa suite, provoquant un ressentiment mondial contre l'ineptie française, là où il y avait, naguère, envie et admiration.

Il ne manquerait plus que la Corse, le pays basque, la Bretagne, la Savoie, l'Alsace Lorraine, la Bourgogne, nos "possessions" extérieures, et le Comtat Venaissin, naturellement,  fassent sécession pour que nous ne soyons plus rien du tout.

Ce qui donne le ton de cet automne climatiquement doux, économiquement cruel et politiquement désastreux, c'est que les trois réformes indispensables, le retour à un système de monnaie fixes et de balances extérieures coordonnées, la construction d'un système européen respectueux des peuples et dont les ajustements économiques relatifs ne se font pas par la récession provoquée, la reconstruction d'une France dynamique et élitiste soulagée d'une fiscalité aberrante, ne connaissent strictement aucun progrès ni sur le plan théorique ni sur le plan pratique.

Qui peut s'étonner que sept ans après le démarrage de la phase chaude de la crise, avec le blocage en été 2007 du marché monétaire interbancaire global, le monde, l'Europe et la France en soient toujours, respectivement, à la stagnation, au blocage et à la nécrose ?

Didier Dufau pour les Cercle des Economistes E-toile.



Nouvelle poussée du lectorat de ce blog

Le 7 janvier 2014, le nombre cumulé de lectures étaient de 500.000. Nous en sommes au 7 juillet à 580.000. Ces 80.000 lectures en six mois marque un nouvel accroissement de l'intérêt porté à des questions économiques plutôt austères.

Les élections municipales et européennes sont certainement une des causes de cet intérêt renouvelé.

Nous pensons que la persistance de la crise est la vraie raison. Une inquiétude grandit dans le pays que nous ne en sortions pas. Après les éruptions sociales de l'automne 2013, le Président de la république avait fait marche arrière toute, annonçant l'embellie de la conjoncture et un nouveau cours de son action.

L'embellie était fictive. Le changement d'orientation de la politique fiscale, sociale et économique est resté verbal.

Les Français se demandent si on ne va passer de l'échec répété au désastre définitif. Nous sommes conscient que l'augmentation des lectures est associée à celle de l'angoisse du pays.

De l'échec au désastre ? Est-ce là le destin qu'on nous prépare ? Sept ans de crises, de faillites en augmentation, de chômage en augmentation, de dette en augmentation, de pression fiscale en augmentation, de déficits jamais jugulés.

Et rien ne change. Mme Hidalgo élue à Paris sur la promesse : "plus d'augmentation d'impôts", annonce qu'il manque 400 millions pour boucler le budget, veut doubler la taxe de séjour hôtelière, veut doubler le taux des amendes, …

Le budget n'est pas tenu et les engagements solennels pris vis-à-vis de l'Europe ne seront pas atteints.

On songe à rendre progressive la CSG mesure qui, ajoutée à toutes les autres,  marquera la mort définitive non seulement des fortunes et de la bourgeoisie aisée en France, mais de tous les espoirs de renouveau de l'esprit d'entreprise.  Comme au RU à la fin des années 70, la France entre dans une spirale de suicide national.

La France est aujourd'hui sur le fil du rasoir. La situation politique est désastreuse. La droite est embourbée dans les différents chemins de traverses de la gestion Sarkozy. La gauche est prisonnière de la désinvolture du Président qu'elle a porté au sommet de la République et  de l'indigence sectaire des apparatchiks qui tiennent le Parlement. Le peuple se détourne vers les extrêmes, l'indifférence ou la révolte. La presse, ruinée par l'innovation qui touche le secteur,  ne s'intéresse qu'aux problèmes de communication et de personne . Elle refuse toute étude de fond.

On le voit à Aix.  Les économistes officiels parlent d'investissement à un pays où il a disparu sans qu'ils expliquent réellement pourquoi.  Il suffit de relire les minutes des débats de 2006 et 2007 pour vérifier qu'ils n'avaient rien prévus, rien compris à la crise qui nous a frappé.

Dans ce désarroi général, il ne reste qu'une voie de sortie par le haut : comprendre. La connaissance précède toujours l'action. Observer les faits sans a priori en remontant suffisamment haut dans le temps pour ne rien manquer.  Confronter les analyses pour gagner en justesse et éviter approximations ou courtes vues.

Tant qu'on en restera au niveau zéro de la pensée, les" élites" françaises de gauche ou de droite seront discréditées. Les causes de la crise ne sont toujours pas au centre du débat public. Les moyens d'en sortir ne peuvent donc pas être discutés et compris.

On laisse les pulsions politiques emporter tout. Malfaisance idéologique à gauche, idiotie aveugle à droite.

Il faut prendre un autre chemin.

Espérons que nous y contribuons à notre humble mesure.

En tout cas cette nouvelle croissance de notre lectorat nous y encourage.

Une erreur économique commune mais profonde

Lors d'une des émissions d'adieu de Philippe Bouvard aux "Grosses têtes", on parle monnaie avec Jean d'Ormesson.

Première erreur : "la monnaie date de 9000 ans".

La monnaie circulante date du 7-8ème siècle avant JC, soit moins de trois mille ans. La monnaie a été une invention, comme la roue et d'une importance cruciale sur l'évolution de l'humanité. Elle n'existe pas de toute éternité, ou même depuis 9000 ans.

L'idée de frapper d'un sceau officiel une pièce en alliage de métaux, de carat normé, n'est pas venue du commerce, mais "au carrefour du sabre et du goupillon" selon le terme employé dans notre livre sur la monnaie. Les trésors étaient dans les temples avec des obligations rituelles de donner. L'autorité royale les a monétisés pour payer des soldats. Qui les utiliseront immédiatement dans les temples où travaillaient les filles de joie.

Le prince, le curé, la prostituée et le soldat sont à la base du circuit monétaire moderne. Pas le commerçant.

Tout le monde sait que Sparte méprisait ces Athéniens qui utilisaient si vulgairement de l'argent. Les Phéniciens qui étaient les maîtres du commerce "mondial" de l'époque refusèrent longtemps d'utiliser ce "vil argent".

La dette et le prêt existent, eux, pratiquement de tout temps. Et le désir de mesurer la valeur relative des biens économiques également. Il est symptomatique que tous les noms de monnaies au départ sont des unités de poids.

La seconde erreur, tout aussi commune, est de croire qu'avant l'invention de la monnaie régnait le troc.

C'est une invention des premiers économistes. Personne n'a jamais pu trouver une société primitive fondée sur le troc. L'Egypte qui n'utilisait pas de monnaie, ne connaissait pas le troc. Pas plus que les civilisations amérindiennes. Toutes les enquêtes sociologiques de tribus primitives effectuées depuis 200 ans ont démontré qu'aucune d'entre elles ne pratiquait le troc.

Les sociétés hiérarchisées, primitives ou plus organisées comme Sumer, Ninive, l'Egypte des pharaons etc. n'étaient pas fondées sur le troc mais sur une division de la société. Chacun avait un rôle dans une hiérarchie stricte et le plus souvent inflexible. Le travail était fondé sur la contrainte, pas sur le libre échange. Le paysan devait porter son grain au collecteur qui le redistribuait selon des règles précises. L'artisan recevait sa pitance du prince. Certains biens étaient strictement réservés à l'aristocratie politique ou religieuse.

Le soldat était nourri et logé. Les extras étaient fournis par le pillage des peuples vaincus ou les razzias temporaires chez le voisin. Les survivants se voyaient dotés d'un champ ou d'une charge. De toute façon les objets produits étaient très peu nombreux. L'esclavage fournissait l'énergie, qui, de tout temps, a été le problème économique majeur de l'humanité. Les corvées, c'est-à-dire le travail forcé non rémunéré, étaient la base des travaux publics.

On mourrait tôt, de maladie ou de mort violente. Il n'y avait pas de notion d'épargne individuelle remplacée par celle de survie du collectif, de la race comme on disait à l'époque. Les dettes et les prêts portaient sur des aventures collectives ou sur des sanctions personnelles.  La sanction imposait une échelle de valeur. Le pénal est la base des barèmes d'indemnités ou de sanctions, donc des prix relatifs et par voie de conséquence des "mercuriales", sauf que ce n'était pas le dieu Mercure qui y présidait. Condamné à un bœuf, un coupable pouvait se libérer par des jours de corvées. On savait donc le rapport de la valeur du bœuf évaluée en jours ouvrés. Les rapports de valeur entre poulet et canard, ou entre or et argent, sont connus et (presque) stables pendant toute l'antiquité. Ils ne sont pas fixés par "le marché". Mais par décision de justice.

La monnaie permettra l'étagement des peines et la suppression des modes de paiement par "compensation", c'est-à-dire en nature ou en travail.  L'obligation et la dette ont grandement précédé la monnaie, mais ensuite la monnaie en a permis l'expansion.

La monnaie se développe essentiellement pour des besoins militaires dans la Grèce antique puis à Rome. L'accumulation de réserves monétaires et de dettes provoquent des crises monétaires et financières fort graves dès le début. La question du taux d'intérêt se pose très vite. Doit-on gagner de l'argent sur l'argent alors que seules la production et la consommation comptent ?

La circulation de monnaie ne deviendra réellement "commerciale" qu'à partir du moment où les productions se diversifieront et où les sociétés cesseront d'être hiérarchisées. La monnaie est bien de la "liberté frappée". L'indépendance des villes sera le maillon fort de cette chaîne d'évènements qui mènent à des sociétés "capitalistes", c'est-à-dire fondée sur l'accumulation de monnaie et de dettes, puis à la société de consommation. Tout cela est très récent. Quelques siècles à peine.

L'économie politique commence lorsque les manipulations monétaires des princes commencent à troubler la révolution industrielle. L'autonomie du monétaire vis-à-vis des Etats ne sera jamais obtenue.

Aujourd'hui encore, la monnaie est gérée par les Etats, malgré la grossière imposture de l'indépendance des banques centrales. Les désordres monétaires sont la source des plus grosses difficultés. La crise actuelle en est la preuve.

Nous ne savons toujours pas comment gérer une "fiat money", une monnaie de papier imprimée par des fonctionnaires. Surtout quand il y a plusieurs émetteurs et uniformisation mondiale des marchés.

La monnaie est de tout temps une affaire d'Etat, où l'Etat est à la fois nécessaire et partie du problème. Croire que c'est une affaire purement commerciale est une erreur historique et économique.

La crise actuelle étant d'essence principalement monétaire (un défaut du système monétaire international), elle ne pouvait pas être réglée simplement par les banques centrales.  De même la monnaie unique européenne est une absurdité parce qu'on a cru qu'elle pouvait être uniquement gérée par la BCE et des règles juridiques simplistes (qu'il a fallu violer en totalité par tout le monde…).

L'histoire comme toujours éclaire le présent. "C'est l'or de Philippe" qui a permis de vaincre Darius et Alexandre le Grand fondait l'or partout où il passait.  Le triomphe de Rome s'est assis sur la destruction des montagnes aurifères d'Espagne. La superpuissance américaine et les abus du dollar sont la cause des troubles monétaires, financiers et économiques actuels. Mais sans le dollar, il n'y aurait pas de superpuissance militaire américaine.

La difficulté de faire admettre une réforme du système monétaire international est justement là. Toucher aux changes flottants, c'est toucher à l'Impérium. Les dominés préfèrent filer doux. La première réunion du G.20 a servi à cela : réaffirmer qu'on ne toucherait pas à l'Impérium et à sa base monétaire, en dépit de la crise que cette dernière avait provoquée.

Voilà comment on passe des "Grosses têtes" aux "têtes basses" !    

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile

 



Conjoncture mondiale flageolante

L'inquiétude que nous exprimions en décembre 2013 et en janvier 2014 sur l'état de la conjoncture, à contrecourant des propos très optimistes qui étaient répétés dans la presse et relayés par les politiques, était malheureusement fondée.

Il n'y aura pas eu de reprise générale mondiale au premier semestre. La croissance est partout plombée. Le stock de dettes douteuses est encore si élevée que les banques ne peuvent pas relayer la croissance. La perspective des stress tests "réalistes" en Europe pèse sur les comptes des banques. Les pénalités phénoménales imposées par le gouvernement américain plombent encore un peu plus la situation.

Le secteur financier a perdu en huit plus de 100.000 salariés à travers le monde. L'hémorragie continue.

Quelques pays ont tiré leur épingle du jeu du fait d'un certain besoin de renouvellement de l'équipement. Pour beaucoup, il s'agit d'un renouvellement de machines retardé par la crise. Après 8 ans d'immobilisme, il était impossible de conserver un parc de machines obsolètes. C'est le même mécanisme qui touche le parc des voitures. Il ne peut pas vieillir indéfiniment (sauf à Cuba !). Le commerce international reste bas. La reprise de 2013 était principalement due aux achats de précaution des détenteurs de dollars.

Les pays très exportateurs à natalité basse comme l'Allemagne et le Japon sont confrontés à des difficultés internes croissantes du fait du vieillissement de la population et désormais du risque de contraction démographique.

La rente pétrolière étrangle toujours l'économie mondiale, mais les bénéficiaires voient leurs revenus stagner.

Tous les facteurs qui militent contre la croissance, démographie, rentes abusives, paralysie bancaire, excès de dettes notamment publiques, ajustement par la dépression en Europe,  sont pleinement actifs.

Ils empêchent la phase haute du cycle de se matérialiser. Comme dans les années 2006-2008 en Europe, où cette phase a été très molle, mais cette fois- ci c'est le monde entier qui est frappé. On risque d'entrer dans la crise décennale après un épisode de "haute conjoncture" particulièrement médiocre. C'est ce qui s'était passé en 1938.

Mauvaises nouvelles (suite)

4,3% de déficit public par rapport àun PIB qui comporte une grosse partie de la dépense publique.

93% de dettes publiques par rapport au PIB.

11% de taux de chômage.

Aucune perspective sérieuse de redressement.

Sept ans après le blocage du marché interbancaire.

La fiscalité excessive, le  "sociétalisme" agressif, et le discours méprisant contre des boucs-émissaires ont eu raison du "socialisme municipal". 

La fracture entre ceux qui paient et ceux qui reçoivent est devenue béante et publique,  créant des risques sociaux et politiques également béants.

Faire du tort aux Français, qui perdent revenu, emploi, espoir  et à la France qui ne tient aucun engagement et  s'efface dans la compétition mondiale, quel beau résultat !

La bataille se déplace vers l'Europe, le Traité, les trois libertés de circulation des capitaux, des personnes et des marchandises.

Personne ne regarde la vraie cause :

Sans retour vers un système monétaire international coopératif, à base de stabilité des changes , aucune solution n'est possible.

7 ans sans réflexion mais avec des réflexes politiciens minables.

Un désastre international, européen, français.

Un désastre intellectuel avant d'être économique et politique.

 

Sexe des anges bancaires européens et risques systèmiques

La zone Euro a unifié la création de la monnaie "banque centrale"  de ses membres. La crise financière a conduit a l'idée en apparence rationelle  d'une unification de la supervision de la création de la monnaie de crédit, qui est, en valeur, infiniment plus importante. On parle donc d'Union Bancaire Européenne, avec une supervision centralisée à la BCE et un mécanisme de résolution des difficultés bancaires.

La gestion de tous les types de  monnaies serait donc totalement fédérale.

A l'occasion de cet effort fédéraliste, conduit totalement à l'abri du regard des peuples, une idée a surgi : les banques doivent financer elles-mêmes la survie du système bancaire en crachant régulièrement  une forme de prime d'assurance tout en sachant que ce sont les actionnaires, les prêteurs obligataires et une partie des avoirs déposés qui seront impactés en cas de faillite.

On souhaite abonder un fonds de 50 Milliards d'euros à terme pour compléter le dispositif.

La bataille, essentialiste et non technique, oppose actuellement les Etats, et notamment l'Allemagne, qui souhaitent conserver un oeil sur l'avenir de ses banques et ne pas tout laisser à la BCE, sachant qu'in fine c'est le contribuable  qui servira  de financier de dernier ressort pour le système bancaire européen dans son ensemble, et les européistes qui veulent immédiatement un système totalement fédéral et mutualisé.

En un mot le Parlement crie "l'Europe, l'Europe, l'Europe" comme un cabri et comme un seul homme, alors que le Conseil est sur une ligne plus réaliste, compte tenu des enjeux.

Gardons quelques ordres de grandeur en tête :

- Le fonds de garantie vise à récolter ( à terme !)  50 milliards d'Euros.

- Les fonds d'Etat mobilisés depuis 2007 pour sauver le système bancaire européen : 1.600 milliards d'Euros.

- Sauver le système financier (banques, assurances, etc.) a mobilisé près de 15% du PIB européen et 20% du PIB marchand. 

- Essayer de mettre fin aux conséquences de la crise de la dette  aura mobilisé en pertes cumulées pour les ménages et les entreprises, sur la période 2007-2017, probablement l'équivalent global d'une année de PIB. 

Ce qui veut dire que tout ce qui se discute en ce moment et qui mobilise les idéologues, n'a strictement aucun sens pratique et porte un risque systèmique colossal.

Croire qu'avec le dispositif en cours de discussion on pourra réellement éliminer pour les Etats le soucis du système bancaire et d'un éventuel nouveau sauvetage est un énorme leurre. Croire que ce dispositif apporte une solution pérenne est une idiotie.

On l'a bien vu : la source de la difficulté n'est pas dans la banque mais dans un système global qui provoque mécaniquement un accroissement irresponsable de la dette. Ce sont les défauts cumulés d'un système monétaire mondial trop souple, basé sur les changes flottants et les marchés, sans contrôle des déficits et des excédents monstrueux de balances de paiement, et d'un système trop rigide en Europe qui ne permet pas les ajustements interétatiques dans la zone Euro, qui posent problème.

Ces deux causes majeures ne sont pas traitées. Et on croit que les mesures envisagées sont à la hauteur des risques ?

Les pertes  mondiales  associées à l'effondrement da la pyramide de crédits dégagés de tout rapport avec la production ont excédé 10.000 milliards de dollars.  Ce qui veut dire que tout le système bancaire a été et reste en faillite virtuelle. On évite par des procédés d'urgence que cette faillite soit actée. Mais le sousjacent est malheureusement fort clair. 

Les risques associés à une nouvelle crise sont de même ampleur voire plus élevés.On a vu que les mécanismes d'assurances crédit mis en place, notamment les CDS,  concentraient les risques chez les gros assureurs et les fonds de pension. Ce n'est pas la petite prime de risque envisagée, d'un niveau ridicule par rapport aux échelles de pertes potentielles, qui aura la moindre importance.

En revanche revenir sur la doctrine qui a été la base du FDIC aux Etats-Unis, à savoir que l'effondrement successif des banques est automatique si on ne garantit pas les dépôts, est extrêmement dangereux.

Considérons bien la situation :

- on ne traite pas les causes de la crise

- on met en place un cautère pour jambe de bois

- on supprime le traitement  qui avait montré son efficacité.

En revanche on s'affronte sur le sexe des anges européens, entre Etats qui savent bien qu'au final ce sont les contribuables qui seront sollicités, notamment dans les grands pays, et européistes à tout crin  qui veulent profiter de la crise pour créer un "fait accompli fédéral".

Cela rappelle facheusement tout le débat sur Maastricht. Pas une réflexion sur la manière dont une zone de monnaie unique peut créer des dangers supplémentaires et notamment comment on règle la question du change extérieur et des déséquilibres intérieurs. En revanche on livre farouchement une bataille essentialiste entre souverainistes et fédéralistes.

Naturellement, pas un vrai débat technique dans les média. Il ne faut pas ennuyer l'auditeur.

Disons le clairement : tout ce qui concerne l'Union Bancaire Européenne est pour le moment une énorme farce mais avec bombes à retardement incorporées.

Le seul vrai débat qui compte est de savoir comment on peut éviter à l'avenir qu'on se retrouve avec la valeur d'un PIB compromise par des défauts majeurs d'organisation  des systèmes monétaires. Se concentrer sur l'amplificateur des crédits, les banques, ne suffit pas. Il faut s'attaquer aux sources d'émission primaire de la dette globale. Et on ne le fait pas. En revanche, on crée de nouveaux risques pour permettre un accord fédéraliste.

Tout faux.

Comme pour Maastricht, c'est 20 ans plus tard qu'on s'en rendra compte. 20  ans trop tard.

 

 

 Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Croissance, vous avez dit croissance ?

Article paru dans le Figaro du samedi 19 -Dimanche 20 juillet 2003.

TENTONS UNE CROISSANCE RAPIDE

par

Didier Dufau - Economiste

Une croissance de 3% sur le long terme est facile à obtenir. Les trente dernières années perçues  comme catastrophiques par rapport aux trente précédentes qualifiées de "glorieuses" le prouvent : la croissance a été de 2,9%.

Et si on cherchait à faire mieux ?  Par exemple 3,5% ? ce taux assure un doublement tous les vingt ans. 25 millions de personnes au travail produisent dix mille milliards de francs par an , soit quatre  cent mille Francs par tête. Pas mal. Mais dans vingt ans nous en produirions, au taux proposé, huit cent mille puis un million six cent mille , etc. De quoi soulager quelques misères.

Cette croissance un peu rapide impose de desserrer trois freins catastrophiques :

- l'accroissement mécanique du poids des prélèvements

- le désordre associé aux changes flottants

- l'étroitesse de la population active.

En matière d'impôts il existe des lois incontournables. la première dispose que lorsque l'impôt est progressif  la croissance provoque mécaniquement la hausse de la part de l'Etat dans l'économie. Ce phénomène et aggravé par la caractère cyclique de l'activité qui produit, dans la phase de haute conjoncture, des recettes fiscales en très forte augmentation, alors que, dans la phase  de récession, l'Etat  refuse de voir sa dépense diminuer et hausse les prélèvements, effet de cliquet très bien illustré par le traitement Juppé des effets de la crise de 1993. Le pire, c'est lorsqu'on crée des impôts nouveaux aussi en période de forte conjoncture. Pensons à la création  de la CSG et à la "réhabilitation de la dépense publique" par le gouvernement Rocard et aux "cagnottes" du gouvernement Jospin.

Le résultat aura été, en France, où l'impôt est globalement progressif  et l'énarchie puissante, une montée extravagante de la dépense publique  et des taux de prélèvements.  Certains diront : ce taux n'a jamais dépassé les 46%, ce n'est donc pas si grave. Là, il faut bien comprendre que la comptabilité nationale enregistre les coûts de l'Etat comme de la production. Voyonbs les conséquences sur un exemple. Robinson, seul sur son ile, puis de l'eau au puits  et cueille des noix aux cocotiers du coin. Admettons que cette production vaille 100. Un fonctionnaire armé débarque  et prend tout. La comptabilité nationale dira :

- production marchande = 100

- prestation de sécurité de l'Etat = 100 (coût du fonctionnaire)

- PIB = 200

- Taux de prélèvement égale 100/200 = 50%.

Seconde loi : quand l'Etat prend tout, le taux de prélèvement est de 50%.

Les Français sont soumis à des prélèvements confiscatoires. Les petits salaires sont l'occ&asion d'une ponction globale de 55 à 60%. Les revenus modestes, spoumis à l'impôt sur le revenu, de 60 à 70%. les hauts revenus de 70 à 85%.

Si l'ISF s'ajoute, on atteint facilement 90%  et pour quelques dizaines de milliers de personnes plus de 100%. On oblige donc les plus taxé à vendre leur patrimoine. A qui ? A l'étranger.D'où la troisième loi : lorsque l'impôt force à céder des biens , il n'y a pas de redistribution mais financement  de l'Etat par vente à l'étranger  du patrimoine national.

La capitalisation boursière est actuellement à près de 40% dans des mains non françaises et chacun sait que des pans entiers de notre immobilier sont en train d'être transférés à des non-résidents.

En trente ans les taux de prélèvements ont été portés au maximum  et ont fourni à l'Etat des ressources gigantesques immédiatement dépensées. Ce qui ne l'a pas empêché de faire passer l'endettement de 20 à 60% d'un PIB qui a presque doublé  pendant la période concernée.

Un complète folie.

L'Etat devra admettre de n'augmenter les recettes que proportionnellement à l'accroissement de la richesse des Français. Il doit jouer la carte d'une croissance forte  mais en compensant l'effet de la progressivité sur l'accroissement de son poids dans l'économie.

Sinon l'asphyxie de la croissance , déjà trop visible, sera consommée.

Le choix de J. Chirac tel qu'annoncé le 14 juillet de baisser les impôts  et de ne pas faire jouer l'effet de cliquet est historique en France. Il va dans le bon sens.

Autre cause d'inquiétude pour la croissance : les changes flottants. Depuis l'explosion du système de Bretton-Woods, charpente des fameuses "trente glorieuses", le taux de croissance diminue chaque décennie sous l'effet de désordres monétaires répétées. Faire passer les lourds convois du commerce international sur des passerelles monétaires en caoutchouc mou est absurde.

Agitées de soubresauts incontrôlables, amplifiant tous les déséquilibres, ces passerelles saugrenues  envoient au fond du précipice  des pans entiers de la croissance mondiale.

Toutes les crises des trente dernières années  sont associées à des variations brusques  du cours des monnaies principales.  La crise dite à tort "des pays émergents",  comme l'explosion du "currency board" argentin, ont une origine monétaire. L'énorme bulle financière qui s'est créée  à partir de 1999 et dont l'explosion  réveille le spectre  de 1929, est un effet direct des changes flottants qui ont auto-entretenu une folle spéculation sur le dollar, se surajoutant à un "exubérance boursière" déjà excessive.  Les déficits américains s'accumulent, financés par la création monétaire et les déplacements de capitaux irrationnels.  Ils représentent, pour les Etats-Unis, un "plan Marshall à l'envers" très lucratif. Les créanciers, eux, sont régulièrement ruinés, explication principale de la stagnation japonaise et de la langueur allemande.

Il n'y aura pas de retour à une croissance mondiale forte  sans réforme équilibrée du système monétaire international.  la France est en pointe vers une gouvernance mondiale équilibrée. Elle doit l'être aussi dans le domaine monétaire.

Reste le frein démographique. Alors qu'au sortir de la guerre, les idées dominantes, merci Alfred Sauvy, ont été productivistes et natalistes, les trente dernières années  ont vu le retour des pratiques malthusiennes. Immigration zéro, indifférence à la dénatalité, réduction du temps de travail, préférence pour l'emploi public, ont dominé les pratiques gouvernementales.

Dans la durée ce petit jeu a été incroyablement délétère.  L'emploi salarié dans le secteur marchand atteint à peine 16 millions de personnes pour une population supérieure à 60 millions. Avec le ratio des Etats-Unis  ou de la Grande Bretagne, on dépasserait les 25 millions ! Un manque à gagner de 10 millions d'emplois ! Notre moteur économique concurrentiel est certes performant mais il est devenu ridiculement petit.

Croire que le départ à la retraite des "baby boomers" fera diminuer le chômage  est une de ces illusions arithmétiques qui font le charme de l'ignorantisme malthusien.  La réduction de la population active  va exaspérer  la compétition entre secteur public  et privé pour des ressources  rares et encore réduire  la taille du moteur.

Il faudra pour échapper à cette fatalité non seulement prolonger la durée du travail  mais faire basculer une part importantes des effectifs publics  vers le secteur marchand.  On voit comme les esprits y sont préparés !  

La France se retrouve devant des choix décisifs. les erreurs des trente dernières années  ne lui sont plus permises. Pourquoi ne pas virer de bord avec résolution ?  Pourquoi ne pas choisir les disciplines et surtout les promesses d'une croissance rapide ? Pourquoi ne pas tomber amoureux d'un taux de croissance ? Par exemple 3,5%...

Il semble que sous l'impulsion du Président de la République un changement radical soit en train de se produire en ce sens. Dans cette conjoncture déprimée, c'est une excellente nouvelle."

 

 

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Commentaires, 11 ans plus tard…

 

L'article précédent a été écrit en juillet 2003, après la crise dite des NTIC,  alors que J. Chirac, réélu, voulait donner à son quinquennat une dimension nouvelle. Dans la pratique, le quinquennat Chirac sombrera dans la "défense des avantages acquis", pendant que Schröder, en Allemagne, prendra les mesures nécessaires pour remettre l'Allemagne en état de réussir dans la mondialisation. La dette et l'emploi public ne cesseront d'augmenter en France. La question du système monétaire international ne sera pas posée. Il n'y aura aucun desserrement de l'emprise malthusienne avec maintien des 35 heures et de la préférence pour l'emploi public, notamment dans les régions. Les socialistes s'empareront de près de 60% des mairies et de la quasi-totalité des gouvernements régionaux Les effectifs municipaux grimperont sans aucun contrôle en 14 ans de près de 800.000 !Nicolas Sarkozy proposera une rupture qu'il ne fera pas ou à moitié comme on voudra.

La crise, à connotation 1929, ne pourra pas être évitée.

Elle aboutira à de nouveaux blocages en France, à une hausse délirante des impôts, et finalement à un total revirement qui voit M. Hollande, comme M. Chirac, évoquer une accélération de la croissance grâce à un nouveau "pacte".

 

Nous sommes, mutatis mutandis,  dans une situation un peu comparable à celle qui nous avait conduit à proposer cet article au Figaro.  Le G.20 vient justement , à Sydney, de proposer une relance de 2% de plus du 1.5% du moment, soit une croissance de 3.5%, le même chiffre que nous avions proposé en 2003.

Si nous avions à réécrire l'article pour soutenir cette ambition, on ne voit pas vraiment ce qui serait à en retirer.

L'absence de toute référence à l'Euro dans l'article de 2003  peut surprendre. La raison en est simple. A cette date, la gestion de l'Euro était naissante et on annonçait un relâchement des contraintes qui avaient été nécessaires pour instaurer la monnaie unique. On discutait d'une gestion expansive de la zone euro et on annonçait une vision plus ouverte des contraintes du traité de Maastricht. La question de l'Euro, du coup, se ramenait plus globalement  à celle des changes et du "malthusianisme" ambiant, la rigueur excessive de la BCE pouvant s'analyser comme un malthusianisme , associé à la défense des petits vieux, assis sur leur épargne sacrée, dans une Europe très vieillissante, notamment en Allemagne et en Italie. 

 

Aujourd'hui nous affirmons qu'il n'y aura de sortie de crise durable que si été seulement si

- Mondialement, on réforme le système monétaire international,

- En Europe, on dote la zone Euro d'un pilote et d'une cabine de pilotage, avec un œil actif sur le cours du change

- En France, on casse la croissance hyperbolique de la dépense publique, de la dette et des prélèvements.  

Il est intéressant de mesurer les chances d'une reprise de la croissance à cette aune. 

 

De son côté quelles mesures proposent donc  le G.20 ?

 

1.  "Les pays membres du G20, qui représentent quelque 85% de l'économie mondiale, se sont fixé pour objectif de doper la croissance de deux points de pourcentage supplémentaires d'ici à 2018, en "développant des politiques ambitieuses mais réalistes".

"Cela représente plus de 2.000 milliards de dollars en termes réels et permettra la création de nombreux emplois", ont souligné les ministres des Finances et les banquiers centraux lors de cette réunion préparatoire au sommet des chefs d'Etat qui se tiendra en novembre à Brisbane (Australie).

Pour la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, cet objectif "peut être atteint, voire dépassé" à condition "de mettre en œuvre les réformes identifiées" dans chacun des pays concernés."

La principale erreur ici est formulée par Mme Lagarde. La reprise serait l'affaire individuelle de chaque état faisant en son sein les efforts demandés.  On retrouve la folie d'un FMI dont les analystes sont cloisonnés par pays et ne voient rien du risque global. DSK en fera deux fois l'aveu. "Le FMI ne s'est pas intéressé aux interactions ni aux phénomènes de contagion".  Ce que dit Mme Lagarde est dans le droit fil des défauts déjà signalés. Cela tient à la structure par pays du FMI. Les décloisonnement n'ont pas eu lieu.

Du coup il n'y a aucune réflexion sur les défauts structurels du système monétaire international. En revanche on espère une coopération dans une structure non coopérative ! Ce qui est de l'ordre de l'oxymore.

«L’engagement pris à Sydney par le G20 à communiquer systématiquement les actions de politique monétaire pour mieux gérer leurs effets collatéraux est aussi capital. Un dialogue au niveau mondial et une meilleure communication sont indispensables pour préserver la stabilité financière. Les membres du G20 se sont aussi engagés à prendre les mesures qui s’imposent pour gérer les pressions déflationnistes et inflationnistes. Le FMI appuie ces efforts et se tient prêt à aider ses pays membres en offrant ses avis de politique économique ou, le cas échéant, un financement."

Les pays émergents sont priés de mettre fin à leur inflation, afin "de ne pas déstabiliser les changes". Ce qui signifie que les désordres monétaires en cours sont de la responsabilité des pays victimes pas des mouvements de capitaux erratiques et de la politique des banques centrales et notamment de la FED.  C'était exactement le discours de 1998 où les difficultés dans les pays émergents étaient mises sur le dos du "cronyism" des dirigeants de l'époque.

En revanche, il faut que les pays excédentaires relancent. Ce qui est juste. Mais pourquoi sont-ils excédentaires et qu'a-t-on fait pour empêcher ce mouvement ? Si la coopération est nécessaire pourquoi ne pas l'institutionnaliser ?  Les marchés règnent mais les gouvernements doivent être plus communicants plus transparents. A quoi tout cela rime-t-il ?

Certains observateurs ont parlé d'un changement de ton, de cap et même de logiciel avec l'introduction d'une dose de keynésianisme.

Il faudrait que l'investissement public et privé reparte à la hausse. Mais seulement dans les pays qui ne glissent pas sur la pente de l'inflation  et la lutte contre la déflation ne doit pas passer par plus de dettes…

Où sont les politiques "ambitieuses et réalistes " ?

La vérité du G.20 est ailleurs. Les autorités internationales s'inquiètent de voir se profiler un "triple dip". Le commerce international est à l'arrêt. Les achats de précaution stratégique de la Chine se sont arrêtés. Les crédits internationaux sont encore 40% plus bas qu'avant la crise.  La déflation menace en Europe alors que l'inflation s'est installée dans les pays dépendant des achats chinois. Nous sommes encore et toujours dans la gestion de la panique.

Le FMI s'est trouvé légèrement pris à revers par la découverte d'une erreur de tableur dans les démonstrations sur lesquelles l'institution se fondait pour demander plus d'austérité. Alors elle crie : "vive la croissance".

Les pays "émergents" s'indignent de voir que la politique de la FED a des effets immédiats chez eux. Il fallait les calmer. Ce qui est fait en parlant de croissance.

Le Japon avait inquiété avec sa politique d'intervention directe sur les changes. On lui demande d'être plus coopératif. Qu'au moins il prévienne ! Mais s'il prévient, rien ne marchera…

Il n'y a aucune mesure structurelle ni aucun changement d'idéologie. On pare au plus pressé politique. On espère doper le moral des uns et des autres.

Mais personne n'est tenu à rien et les défauts structurels perdurent. 

 

2.Le temps :  "La semaine dernière, le yuan chinois s’est déprécié comme jamais depuis septembre 2011. C’est le cas du moins pour le CNH, ou la version «offshore» de la monnaie qui est échangée à Hongkong, et qui a perdu presque la valeur d’un point de pourcentage face au dollar américain. Parallèlement, le yuan «onshore», ou CNY, la monnaie utilisée en Chine continentale, s’est aussi fortement déprécié, de moins d’un demi pour cent. Cette différence de fluctuation, du fait que l’écart entre CNY et CNH évolue rarement d’une semaine à l’autre, a peut-être été encore davantage perçue.

Qu’est-il en train de se passer? Tout le monde sait que, si les taux journaliers du CNH et du CNY peuvent librement légèrement fluctuer dans des fourchettes étroites, toute évolution plus importante des taux de change est le fruit d’une action tout à fait intentionnelle de la Banque populaire de Chine et du gouvernement chinois.

La réponse semble donc se trouver du côté du massif «carry trade» qui a vu le jour au cours des dernières années et que les autorités chinoises tentent d’éradiquer. Le problème, au vu du fait du large contrôle des capitaux chinois, est qu’il est très difficile pour les opérateurs chinois du continent d’obtenir des fonds en dollars américains pour effectuer un échange. Mais quand la volonté est présente, il existe un moyen. Et ce moyen implique toute une série complexe de transactions financières, dont des garanties stockées dans des entrepôts d’emprunts sur le continent chinois pour des emprunts en dollars américains. Ces marchandises, ayant ensuite fait l’objet de fausses exportations vers Hong­kong, ont été vendues là-bas à des entités offshore qui ont renvoyé les fonds en Chine. De cette façon, ces fonds pouvaient être ainsi détenus en CNY. Ce type d’opération est probablement à l’origine des indications erronées données par les chiffres importants de l’excédent commercial de la Chine ces dernières années.

Cette opération de carry trade contribue à expliquer pourquoi la monnaie chinoise a continué de s’apprécier ces derniers mois (avant son plongeon de la semaine passée), alors même que d’autres monnaies des marchés émergents se dépréciaient massivement. Pour l’instant, le yuan chinois est probablement l’une des devises les plus surévaluées du monde, jusqu’à 30% selon un des analystes de Lombard Street Research".

 

Si vous avez entendu le G.20 dénoncer la surévaluation du Yuan, vous avez gagné.

3. Au final :

- La France est toujours écrasée d'impôts et de prélèvements et aucune économie sérieuse n'a encore été annoncée précisément par M. Hollande ou son gouvernement.  Relance keynésienne en France par l'investissement public, à 100% d'endettement public ? Rions mes Frères !

- La zone Euro ne fait toujours pas l'objet d'une quelconque gestion. La BCE va s'amuser à teststresser les banques systémiques ! C'est poétique et c'est tout.   

- Le monde vit toujours dans le système de change désastreux qui a présidé à la terrible récession dont on peine à sortir.

Le G.20 qui s'était ridiculisé en 2009 en ne proposant que des mesures dérisoires (les bonus, la comptabilité, les agences de notation, les paradis fiscaux et autres babioles), cf nos articles de l'époque, en est toujours à la douce pusillanimité et aux paroles rassurantes "pour faire revenir la confiance".

Pendant ce temps là des écologiques injurient les "vieillards à cheveux blancs qui pensent encore en terme de croissance".

Zeus aveugle ceux qu'ils veut perdre. Il est sacrément efficace !

Le coût économique en Occident du socialisme violent

Pendant 75 ans  une partie des Terriens s'est occupée principalement de faire naître un "homme nouveau", échappant à la triple détermination dénoncée par Marx comme source de tous les conflits : la nationalité, la religion et la propriété. Cette utopie a été la plus tragique de toute l'histoire de l'humanité avec des milliards de vies gâchées par la pauvreté et le dénuement moral, des centaines de vies mutilées par la répression (spoliations, prisons, déportations, pertes de parents, etc.), et entre 100 et 150 millions de morts, dont près de la moitié dans des famines effroyables, la plupart du temps provoquées en toute connaissance de cause, qui ont touché hommes, femmes et enfants de façon indiscriminée.

Rien n'a poussé dans cette énorme flaque de sang.  Le système s'est effondré sur lui même et a disparu, détruit de l'intérieur  par les "socialistes réalisés de la seconde génération". RIP !

Une des questions qui n'est jamais posée est celle de savoir combien cette détestable expérience a coûté aux autres nations qui ont réussi à échapper, parfois de peu,  à cette malédiction.

Quel est l'effet du commerce international sur la croissance et celui de son absence sur de longues périodes ? En maintenant des millions d'êtres humains dans un niveau de pauvreté et de dénuement presque total, le socialisme a considérablement freiné, non seulement la production et la consommation intérieures mais aussi les possibilités d'importation et d'exportation des pays libres. Si la théorie qui veut que la croissance soit tirée par les échanges est vraie, et elle fonde aujourd'hui toute la mondialisation, cette asphyxie des échanges a nécessairement eu un effet sur la richesse globale.

- De combien la croissance européenne aurait-elle été accélérée si les pays de l'Est et la Russie avaient pu suivre la même courbe de développement que les pays européens occidentaux au sortir de la guerre de quatorze? 

- De combien la croissance mondiale aurait-elle été accélérée si la Chine et les autres pays de l'orient communistes avaient suivi la courbe de développement du Japon et des autres "tigres asiatiques" ?

- Que nous coûte aujourd'hui la brusque irruption de tous ces pays dans le concert des nations commerçantes et qu'est-ce que cela peut nous rapporter ?

Il est curieux que ces graves interrogations ne fassent jamais l'objet de la moindre investigation directe tant le manque à gagner pour l'humanité a été gigantesque et tant les difficultés résultantes restent fortes.

Les théories économiques portant sur les relations monétaires ou économiques internationales sont quasiment les premières à avoir été abordées par la réflexion économique et pourtant ce sont les parents pauvres aujourd'hui d'une discipline qui a réussi à approfondir beaucoup de concepts dans un cadre national sans parvenir à les étendre de façon convaincante à l'international. Cela se voit dans les niveaux de l'enseignement aussi bien en France qu'à l'étranger. Depuis 1960 tout ce qui concerne l'international dans l'enseignement est aussi nul que controuvé, le tout étant parfois enveloppé dans un vocabulaire abscons pour masquer le délabrement général.

L'échange per se ne crée aucune richesse puisque les valeurs qui s'échangent sont par définition de valeur identique : la désutilité marginale pour le vendeur équivaut à l'utilité marginale pour l'acheteur. Le commerce n'est utile à la valeur que parce qu'il est l'intermédiaire entre production et consommation. Comme la monnaie, qui en est le lubrificateur presqu'obligé, le commerce est un adjuvant. La théorie des adjuvants n'est jamais la plus fouillée.

La théorie du commerce international est presqu'entièrement fondée sur l'avantage comparatif et la spécialisation mis en avant par Ricardo.  En mettant sur le marché leurs avantages compétitifs les pays créeraient une richesse supérieure. Spécialisés, ils optimiseraient leur capacités de production et donc la richesse générale.

Dans la pratique les choses ne se passent pas exactement comme cela. Les marchés nationaux sont largement homothétiques, ou fractals, comme on voudra et non pas spécialisés. Dans un système de libertés économiques, l'imitation et la réplication sont des forces beaucoup plus actives que la spécialisation. Les pays passent par des niveaux de développement à peu près similaires, avec des effets de rattrapage. Les rattrapages permettent des croissances rapides. Lorsqu'ils faut trouver les chemins de la productivité par l'innovation, l'itinéraire est plus tortueux. L'innovation se produit par bouffées.

Le commerce international ne fait que très marginalement le jeu des spécialisations. En vérité il crée des effets de taille  et des contagions.  Le premier pays qui a réussi à atteindre un certain seuil d'organisation productive tire les autres.  La liberté permet à l'innovation de circuler.  Le libre échange est d'abord la libre circulation de l'innovation et de la productivité. C'est par ce biais qu'il contribue à la croissance. Et cette contribution est cruciale. Les remises en causes du libre échange sont justement condamnées car elles condamnent la productivité, l'innovation et le passage d'un niveau économique à un autre.

L'expérience socialiste violente et conséquente de 75 ans a bloqué la diffusion de l'innovation et de la productivité.

Son effet, notamment en Europe, aura été de freiner l'expansion potentielles des entreprises qui avaient une prise majeure sur l'innovation.  En utilisant le différentiel de niveau de vie, donc de consommation, donc de production, donc d'importation, on peut chiffrer le manque à gagner des entreprises de l'Ouest à près de 100%, rien qu'avec son plateau économique oriental.  Ce manque à gagner pèse extrêmement lourd dans la compétition mondiale actuelle.

On peut convertir le raisonnement sur le revenu induit. Compte tenu de la part moyenne des entreprises exportatrices dans le PIB, le revenu moyen n'aurait pas été le double de ce qu'il est. Mais l'effet revenu aurait été tel que le niveau de vie moyen serait supérieur d'un tiers au moins à ce qu'il est aujourd'hui dans l'Europe de l'Ouest.

L'ouverture brutale de ces marchés permet certes aujourd'hui d'énormes rattrapages. Mais l'ampleur des déséquilibres a un coût. On le voit particulièrement avec la Chine qui dispose d'une masse gigantesque de travailleurs disponibles bien que de faible productivité et qui de ce fait déforme le chemin vers la croissance global et le rend beaucoup plus âpre.

Le socialisme aura donc eu un coût du fait d'un manque à gagner prolongé de production dans les pays occidentaux et du fait de son effondrement brusque et des phénomènes de déséquilibres qui l'accompagne. Il a été une nuisance économique lors de sa formation, pendant son règne et après son effondrement ! La totale ! Tout cela se chiffre en milliers de milliards d'Euros. La quintette tragique, Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao, aura non seulement été la source d'un massacre ahurissant mais elle aura coûté presqu'aussi cher, en Occident,  que les effets des désordres du système monétaire international.

Reste à s'occuper du désordre du système monétaire international !   

Chomage : le pire est arrivé. Pourquoi ?

Comme prévu tous les indicateurs de 2013 qui nous arrivent sont catastrophiques. Celui du chômage tourne à la catastrophe incontrôlable.

461.380 chômeurs catégorie A de plus en deux ans.

2.000.000 de chômeurs de longue durée.

Durée au chomage : 555 jours.

Sorties du chômage en emploi : <50%

Près de 5 millions de chômeurs toutes catégories.

L'insee annonce un taux de chômage supérieur à 11% pour l'été 2014.

Nous finirons par avoir les taux d'emploi par classe d'âge. Ils seront catastrophiques. La France est parmi les pays industrialisés comparables le pays qui emploie la plus faible partie de sa population. 

Le blocage interbancaire s'est produit en juillet 2007. La crise ouverte s'est manifestée à la mi-septembre 2008.

La reprise artificielle de 2010 n'était pas durable et a conduit à une rechute sanglante. En système de change flottant les relances budgétaires et monétaires débouchent systèmatiquement sur des échecs :

- Relance Chirac après la crise de 73 aboutit au Plan Barre

- Relance Balladur après la crise de 92 aboutit au Plan Juppé

- Relance Fillon après la crise de 2008 aboutit au plan Fillon-Ayrault de 2012-2013.

A chaque fois on tape les 10% de taux de chômage, on fait grimper la dette et le taux de prélèvements explose.

A chaque fois les résultats sont plus graves : crise plus longue et plus profonde.

Ces crises ne sont pas innocentes : des millions de personnes au chômage, des dizaines de milliers d'entreprises au tapis, des dizaines de millions de personnes appauvries, en France.

Ne pas voir que ces phénomènes sont à analyser dans la longue durée, et non pas comme phénomènes de pure conjoncture est une grave erreur. Les gesticulations politiques sont un épiphénomène, même si, dans le cas Hollande, on ne comprend pas bien le prurit injurieux qui a marqué les premiers 18 mois de son mandat, pour aboutir à un revirement presque complet. 

Les graves quesstions économiques restent toujours :

- Pourquoi le trend est-il constamment ralenti ?

- Pourquoi les crises décennales sont-elles toujours plus violentes ?

- Pourquoi voudrait-on que cette évolution tragique change quand aucun dirigeant d'institutions nationales ou internationales ne cherchent à avancer d'explication de ces deux phénomènes ? 

Malgré tous le mépris affiché par certains sur la croissance et les relations à caractère économique d'une façon générale, la décroissance est un malheur certain qui touche des millions de foyers. Ces épreuves sont réelles pas virtuelles.On peut parler pour la France d'une tragédie nationale.

Rappelons que pour nous les trois causes de la situation sont :

- Pour le monde, un système monétaire défaillant qui permet des déficits et des excédents mosntrueux qui poussent à un gonflement démesuré de la dette globale ; la masse de ettes aventurées expliquent la sévérité des crises et la mollesse de laz croissance globale.

- Pour la zone Euro, un système de monnaie unique sans pilote ni cabine de pilotage est un non sens qui implique que tous les ajustements se fassent par la déflation et la récession.

- Pour la France, la préférence hystérique pour l'impôt et la dépense  pubique la rende plus vulnérable et provoque un chômage de masse et cette situation folle et incontrôlable d'un état qui consomme plus que ce que produisent les entreprises (de plus d'une peersonne et du secteur commercial) et qui a fini par créer une situation intolérable où la moitié de la population vit au crochet de l'autre et où la dette publique risque de dépasser rapidement 100%du PIB officiel et 200% de la valeur ajoutée des entreprises.

L' absence de toute réforme du système monétaire international, le renforcement de la gestion par la norme en Europe et la bouffée de folie fiscale supplémentaire française expliquent que la crise perdure et prend, pour la France, la forme d'une déchéance sociale aussi profonde.

Devises : un faux marché !

Combien de fois avons-nous entendu ou lu que le marché des devises, et a fortiori son résultat, les taux de changes, était le prototype d'un vrai "marché" où des millions de décisions venaient se confronter permettant aux libertés économiques de jouer pleinement et d'exercer leur pouvoir bienveillant, guidées par la "main invisible" de l'intérêt.

Les changes flottants, c'est-à-dire le cours des monnaies laissé à la libre appréciation des agents économiques "sans intervention" des Etats, sont désormais considérés dans la presse comme un état de nature, au-delà de toute critique. Aucune appréciation contraire n'est acceptée dans les médias de la PQN. Le sujet est non seulement peu vendeur mais tabou. Pas un "prix Nobel d'économie", pas un "grand économiste" qui s'écarte de cette idée : "nous ne sommes pas capables de définir à priori le cours d'une devise. Seul le marché a raison. Les Etats qui interviennent n'ont rien compris car on ne peut rien contre les marchés qui sont plus forts que tous les Etats, même le plus grand".

Ces doctrines tournent à la farce. Tout est faux, de A jusqu'à Z.

On le voit très bien en ce moment pour peu qu'on se donne la peine de regarder.

Il se trouve que les autorités de contrôle, un peu partout en Occident, ont fini par se rendre compte que tous les marchés monétaires et financiers avaient été largement manipulés. Ils ont enquêté et confirmé qu'il y avait bien eu manipulation. Tiens-donc : les "millions d'intervenants" pouvaient donc être  manipulés par quelques banques alors que les Etats seraient impuissants ?  Bizarre ? Non, pas bizarre. Car on s'est vite aperçu que le marché des changes était tenu par trois banques réalisant 50% des transactions et que 90% de leurs transactions étaient le fait d'ordinateurs et de progiciels de gestion instantanée des tendances. En un mot, trois gus avec leur ordinateurs réalisent 50% des transactions.

Là-dessus on a vu la BNS doubler ses encours d'émission de FS pour contrer la hausse de la devise, et la Banque du japon effondrer sa monnaie. On a vu qu'un seul propos de la FED pouvait amorcer une dégringolade des devises des pays émergents avec des chutes plus que significatives puisque dépassant 40% dans bien des cas comme la Roupie indonésienne ou le mois dernier le peso argentin, la banque centrale argentine intervenant pour mettre fin à la spirale descendante. On a vu qu'un discours de M. Draghi pouvait arrêter durablement un train de spéculation sur l'Euro. Une voix serait plus forte que "des milliards d'actes quotidiens".

Bref, on a vu que le marché des changes étaient tout sauf un marché parfait. C'est un marché de spéculateurs et de régulateurs où la manipulation est partout présente et qui ne correspond à rien sinon à donner l'exemple caricatural d'une instabilité chronique associée à des marchés purement spéculatifs et dotés d'instruments de spéculation concentrés entre quelques mains.

L'Europe a renoncé à utiliser le levier des changes et le change de l'Euro est la variable d'ajustement de toutes les spéculations et manipulations qu'elles proviennent des états ou des intervenants principaux.

Il s'agit d'une faute contre l'esprit autant qu'une sottise économique.

Certains ont affirmé que contrôler les grandes opérations contre les monnaies était impossible. Si la loi internationale  interdisait le "short" des monnaies à partir de fonds rassemblés à cet effet (en général des crédits bancaires atteignant des montants fous) avec des sanctions extrêmement lourdes pour tous les complices, il n'y aurait pas de nouveaux Soros se vantant d'avoir fait fortune sur le dos de la Livre anglaise.

L'examen de la réalité, et il n'y a pas besoin de microscopes, montre bien que toute la théorie qui fonde actuellement la gestion internationale des monnaie est substantiellement fausse et controuvée. Rappelons que la double hélice des crédits qui est à l'origine du gonflement maladif des dettes globales ans le monde, elles mêmes responsables du désastre économique actuel, est la fille des théories sur la nécessaire abstention des Etats dans la gestion des balances de comptes extérieurs.

C'est tout un pan du credo qui prévaut depuis 1971 qui est à démolir et à reconstruire sur des bases différentes.

Volcker vient de dire qu'il fallait une monnaie mondiale. C'est l'idée que nous avons exprimée dans notre article "en route vers le Mondio", il y a 5 ans maintenant. La monnaie unique montre bien que cette idée, pour être efficace, doit être complétée par des modes de gestion opérationnels permettant un pilotage au jour le jour. Les normes ne suffisent pas.

Malgré l'évidence, rien ne bouge sur ces sujets essentiels. La leçon fondamentale de la crise n'est pas tirée.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

Le FMI : pyromane devenu pompier ? Même pas !

Le FMI est une institution malade depuis la fin des accords de Bretton-Woods qui l'avaient instituée. Son rôle était de réguler les changes fixes en permettant à des pays dont la monnaie était attaquée de ne pas régler ses difficultés de paiements internationaux par la récession et la déflation, entraînant tous les autres dans ses problèmes. Ses statuts lui imposaient et lui imposent toujours de veiller à ce qu'aucun acteur international ne laisse filer ses déficits de façon astronomique ou accumule des excédents intolérables. 

Seulement voilà : les Etats-Unis ont un statut privilégié au FMI et ils ont un pouvoir de veto. Le dollar est devenu de facto la monnaie du monde avant de l'être de jure après les accords de la Jamaïque qui ont démantelé les dispositifs de coopération mis en place à Bretton-Woods.

Les Etats-Unis ont donc alimenté le monde en dollars, en creusant des déficits immenses. En contrepartie se sont créés des excédents immenses. Les déficits ont été comblés par la planche à billets aux Etats-Unis et par le replacement des excédents dans les banques américaines. Chaque goutte de déficit américain a donc permis une émission de crédit dans le pays créditeur et une émission de crédits dans le pays déficitaire. Cette double pyramide de crédits, sans frein depuis que les changes flottent, a fait passer la dette globale de moins de 200% à près de 400%  du PIB à peu près partout.

Il en est résulté des crises périodiques de plus en plus fortes et une baisse tendancielle du "trend", provoquant un chômage intense dans les pays développés et une dette publique considérable.

Jusqu'à la crise finale que nous connaissons.

Nous avons chiffré entre 8 et 16 mille milliards de dollars la perte à fin 2007 sur ces crédits de plus en plus artificiels car depuis longtemps déconnectés de l'économie de production.  Ce chiffre parait énorme. Il l'est par rapport au capital des banques. Le système bancaire mondial est virtuellement en faillite depuis 2006.  La crise a créé une nouvelle source de crédits défaillants ("non performants" en novlangue). On est passé d'un taux de 2 à 4% de crédits en difficulté à 8-12% selon les banques. Cela a créé une nouvelle bouffée de crédits défaillants.

Les Etats en ont absorbé une bonne partie. Le déficit budgétaire annuel américain a gonflé de 10.000 milliards de dollars. En six ans, les sommes ainsi cumulées représentent près de 40.000 milliards de dollars.  Le reste du monde, globalement, a généré à peu près les mêmes flux.

Une crise portant sur une dizaine de milliards de dollars a créé, par un multiplicateur tragique, dix fois la même somme en déficits variés financés par la planche à billets et la création de crédits ex-nihilo.

On demande aux peuples, dont aucun n'a été décisionnaire, de rembourser ces dizaines de milliers de milliards de dollars. Ils ne le peuvent pas.

Rétrospectivement, on voit l'absurdité de la politique conduite par le G.20, dont nous avions ici même dénoncé les dangers dès la première réunion en novembre 2008.

Il fallait sortir immédiatement du système des changes flottants avec liberté totale des mouvements de capitaux pour restaurer une coopération minimale autour de changes fixes mais ajustables, avec interdiction des déficits massifs et des excédents démesurés.

On ne l'a pas fait et nous sommes exactement au même point qu'en 2008, sauf que la déflation généralisée a conduit à des dommages considérables et aggravé les choses.

Cette décision devait être accompagnée par une ponction exceptionnelle et immédiate d'une partie des placements mondiaux. On sait que l'épargne mondiale placée est d'environ 250.000 milliards. Il fallait immédiatement éliminer 10.000 milliards de dollars de dettes perdues par prélèvement sur cette masse. Cela faisait une perte de 4%, parfaitement digeste.  Maintenant qu'on en est à 100.000 milliards, la solution est impraticable.

Pourquoi n'a-t-on pas effectué immédiatement cette ponction de 10.000 milliards de dollars ? Simplement parce que le gros de cette épargne est dans des mains où elle ne peut pas être facilement saisies. Les gros contributeurs auraient du être la Chine, les pays pétroliers, et les détenteurs de rentes de situation massives, notamment les propriétaires des plus grosses sociétés mondiales et les hyper milliardaires. Ils représentent à peu près 80%  de l'épargne mondiale.

On a préféré un gonflement massif des émissions monétaires et des déficits publics pour leur permettre de conserver en valeur nominale la valeur de leurs avoirs.

En Europe, et notamment en France, cela a conduit à une politique spoliatrice visant  les "petits riches" tout en envoyant des wagons de salariés au chômage.

Le FMI après des années d'errance intellectuelle, découvre, tout d'un coup, qu'après ne rien avoir compris à la crise, d'avoir raté toutes ses prévisions et d'avoir proposé des fausses solutions, il faut désormais faire porter le chapeau aux riches  grâce à un impôt important sur le capital. Comme les principaux  détenteurs de rentes sont à l'abri, cette suggestion revient à demander une aggravation de la taxation de ceux qui sont déjà surtaxés dans les pays où le fisc est fort.  C'est naturellement une fonctionnaire française du FMI qui fait cette recommandation...

Sans même évoquer les causes de la crise et le rôle du système international des changes.

Le FMI dans ce triste drame aura été défaillant avec une constance regrettable.

Le drame d'un organisme sans objet, et le FMI n'en a plus depuis 73, c'est que sa volonté de survivre en fait un dispositif pire qu'inutile : néfaste. Il est malheureux que ce soit des dames françaises qui en témoignent de la façon la plus criarde.

Soit on réforme le système monétaire international, soit on supprime le FMI !

Au moins on ne financera plus l'indigence.

 

Didier Dufau, pour le Cercle des économistes e-toile   

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Dettes : requête à l'Insee, à Eurostat et au FMI

Le document affiché en bas de billet est une infographie du Figaro dont la source est la Deutsche bank. 

Merci et bravo au Figaro de l'avoir publiée.

Il montre l'évolution de la dette globale pour les pays du G7 de 2003 à 2012.

Première constatation : ce que nous n'arrêtons pas d'affirmer est confirmé. La dette globale, qui était inférieure à 100% en 1971 a progressivement explosé ses plafonds pour passer les 100, 150, 200, 250, 300, 400% et atteindre comme il est montré, en moyenne près de 440% du PIB.

Lorsque j'écrivais ma thèse de doctorat, on estimait qu'une dette d'Etat inférieure à 20%, une dette des particuliers inférieure à 25%, avec une part prudente pour l'immobilier, et une dette des entreprises non financières (plus de deux personnes) variant entre 30 et 50%, dans des économies où la valeur ajoutée des entreprises représenterait près de 75% du PIB, était raisonnable. La seule ambiguïté portait sur la dette de l'institut d'émission. Fallait-il l'ajouter ou non, en tout ou en partie,  à la dette globale, l'émission de monnaie banque centrale étant, comptablement,  une dette collective mais pouvant être considérée, avec l'abandon des monnaies métalliques, comme un fonds de roulement "technique" que l'on pouvait neutraliser dans les décomptes des dettes effectives : nul n'était besoin de la rembourser ! 

On peut se demander pourquoi cette évolution du taux de dettes globales est passée pratiquement inaperçue pendant des décennies, alors qu'elle représente une véritable révolution intellectuelle et économique. J'ai déjà présenté ce calcul élémentaire :

Si la dette est de 400% du PIB , avec un taux de 5% et une maturité moyenne de 10 ans, pour simplifier les calculs, l'amortissement  est de 40% du PIB et le versement des taux d'intérêt de 20%. Il faudrait donc que l'économie sorte 60% du PIB pour faire fonctionner un tel système à partir de la valeur ajoutée. Ce qui est impossible. Les banquiers ont cru pouvoir détourner cette impossibilité en  se remboursant nominalement sur les plus values de biens. Un banquier se moque d'être remboursé à partir d'une plus value ou de la vente d'une immobilisation, plutôt que d'un flux de revenu. Pas l'économiste.

Ce que montre le graphique, c'est qu'en moyenne les pays du G7 ont grimpé dans la folie des dettes jusqu'à l'explosion et qu'il n'ont réussi qu'à stabiliser le taux de dettes. Le graphique, ne montre ni le transfert des dettes vers les Etats ni le transfert vers les banques centrales.

Nous sommes toujours dans la situation intenable que nous avons matérialisée par l'image du "hanneton qui s'épuise à pousser devant lui sa boule de crottin".

La situation est plus simple pour les pays greffés sur la monnaie mondiale, comme les Etats-Unis qui en fournit 90% et le Royaume-Uni qui la fait tourner. L'explication des gros bénéfices des grosses banques mondiales est entièrement dans le fait qu'elles se sont débarassées du gros de leurs dettes et qu'elles continuent à fixer leurs honoraires sur une fraction démente du PIB des nations. La situation est dramatique pour les pays de la zone Euro,  contraints par l'absurdité du système de Maastricht qui a supprimé les possibilités d'action monétaire nationale sans transférer les mêmes moyens à l'échelon supérieur.

La grande question est de comprendre comment une évolution aussi néfaste et aussi massive que le gonflement gigantesque du taux de dettes a pu passer inaperçu et pourquoi les quelques lueurs qui ont percé le mur des ténèbres ont été considérées, par presque tous les économistes, sauf Maurice Allais, comme sans conséquences.

Une réponse est l'inadéquation des statistiques. Sur ce site, nous poussons à intervalle régulier un large cri d'alarme statistique et demandons à l'INSEE et aux medias, de remédier à des lacunes phénoménales.

- Nous souhaitons des séries longues, sur 50 ans minimum et sur 100 ans si possible. Pourquoi ? Parceque les évolutions étant incrémentales, elles ne prennent leur pleine expression que sur de longues plages de temps.  L'existence d'un cycle de 8-10 ans ne peux échapper à qui prend en compte l'évolution de la valeur ajoutée des entreprises depuis 1900 ! 

- Sur la dette globale la situation se double d'un probléme de définition. Quiconque s'est penché ne serait que trois minutes sur la question se rend compte qu'il est quasiment impossible de se faire une opinion fondée sur des informations solides. Tous les chiffres disponibles sont incompatibles entre eux. Les études sont faites, comme dans le cas de celle du Figaro, sur des enquêtes particulières dont la méthodologe est incertaine. Comparer les chiffres annoncées  par les uns et les autres, genre enquête Mckinsey, est IM-POS-SIBLE !

Dans le cas de la zone Euro le problème se corse du fait des dettes de la BCE ? Comment les réaffecter aux nations composantes ?

Le trouble est caractérisé quand on lit l'opuscule de l'INSEE sur l'économie française. Pour la première fois, l'édition 2013 donne des indications sur la dette relativement au PIB, alors qu'auparavant on donnait des chiffres sur des bases différentes : par exemple la dette des particuliers était rapportée au revenu disponible, pas au PIB, rendant les regroupements pénibles. 

Si on s'en tient aux chiffres données (particulier, état, entreprise), on reste dans des plages de dettes "acceptables" dont le total dépasse à peine 200%. D'où vient alors l'écart de 200% avec le chiffre de 440%  de la Deutsche Bank ?

Nous transmettons donc la supplique suivante à l'Insee (et par extension à Eurostat et au FMI)  : fournissez-nous une série longue recomposée au moins depuis 1945, donnant, sur une base normalisée, l'évolution de la dette globale française (européenne et mondiale pour les autres institutions).

Devraient  figurer EN TETE et en ENORME dès le début de l'opus sur l'économie française de l'INSEE, l'évolution des courbes suivantes :

- Valeur ajoutée des entreprises de plus de 1 personnes (en montant et en en pourcentage)

- Montant de la dépense publique

- Montant des prélèvements

- Montant de la dette globale et de ses principales composantes.

- part de la population globale  au travail

- ratio salarié des entreprises privées (hors associations et finance)/population totale ;

Dans la seconde qui suivra la lecture de ces courbes, le lecteur comprendra :

- que la crise de 2007-201x et sa dureté étaient entièrement prévisibles : télescopage de la crise décennale avec un encours de dettes intenables. C'est le moyen qui nous a servi à les prévoir dès Pâques 2006.

- que la montée du chômage est entièrement corrélée à celle de la dépense publique, avec ses deux compagnons prélèvements et dettes.

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