Vous avez dit démocratie

Dépêche du  26 juillet 2015

 

Interview de Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroup :

Q - Le référendum que vous venez d'organiser dans tous les pays de la zone Euro  en recommandant le non, est une belle victoire.

JD- Oui la démocratie est un ingrédient indispensable de l'Europe. On évoquait sans cesse notre manque de démocratie. Les peuples ont parlé.

Q - La question était : "Voulez-vous payer les dettes grecques à la place des Grecs ?".

JD  Une question simple et directe qui a permis un triomphe de la démocratie : avec 99,97% de non, notre mandat devient beaucoup plus simple et le rapport de force avec les prédateurs grecs est désormais en notre faveur.

Q : Tsipras a parlé d'un simulacre de démocratie et affirmé que le referendum européen était une "élection piège à cons", qu'en pensez vous ?

JD : Tsipras est un spécialiste. En demandant si les grecs voulaient payer leurs dettes et en obtenant la très surprenante réponse "non", il a été généralement considéré en France comme un sublime démocrate qui renouait avec les gens simples et permettait de revenir dans les vraies traces de la démocratie. Nous suivons son exemple.

Q : En indiquant qu'ils ne voulaient pas payer les dettes grecques, les Grecs ont été considérés comme courageux, mûrs, socialement responsables. Que pensez-vous du courage des autres pays Européens ?

JD : Ils ont fait preuve d'un magnifique courage en résistant à la facilité d'une générosité mal employée. Le mandat est impératif.

Q : Quelle a été la réaction de Tsipras ?

JD : Il m'a appelé pour me dire que j'étais un pur fasciste et que j'avais outrepassé mon mandat. J'aime beaucoup Tsipras dont le théorème mérite de passer à la prospérité : "Dans un jeu de c… le plus c… gagne". Je viens de confirmer le théorème de Tsipras, je ne comprend pas qu'il soit mécontent.

Q : En vérité c'était une idée de Varoufakis, le spécialiste de la théorie des jeux.  

JD : On regrettera sa rondeur et son esprit d'à propos. Son successeur est totalement nul, comme Varoufakis mais en plus il est sinistre.

Q : Comment voyez-vous la suite ?

JD : il faut laisser un peu de temps au temps  pour fêter notre triomphe démocratique. Nous envisageons d'autres référendums avec les question simples suivantes : "Voulez vous accueillir les africains qui prennent des rafiots pour nous rejoindre" ; "Trouvez-vous normal les décapitations récentes".  L'intensité démocratique est une excellent chose.  

Q : Je voulais dire : Où va l'Europe avec ses dettes terrifiantes et sa mollesse dans tous les domaines.

JD : Quelle mollesse ? Grâce à notre fermeté la Grèce va devoir revenir dans la zone Euro. On aura montré qu'on n'en sort pas comme cela. Mais ce ne sera plus un pays du Club Med. Le travail sera devenu la grande valeur sociale grecque avec le civisme fiscal.

Q : La France va bientôt entrer dans les tourments grecs. Avec une dette de 2.100 milliards d'Euros et une valeur ajoutée des entreprises du secteur marchand de 1.250 milliards, elle ne pourra jamais rembourser. Quelle va être la position de l'Eurogroup ?

JD : Un referendum, très probablement.

Q : Sur quel sujet ?

JD : "Voulez vous du socialisme fiscal à la française".

Q : Et quel est votre pronostic sur les résultats ?

JD : Sans doute  autour de 99% de non.

Q : Merci Monsieur le Président de l'Eurogroup.

JD : Je vous en prie, la presse est le principal soutien de l'esprit vraiment démocratique.

Commentaire
DvD's Gravatar La facilité avec laquelle les partis extrémistes passent pour de grands démocrates face aux institutions européennes laisse en effet une impression totalement désastreuse.

A tort ou à raison, c'est ce message qui est perçu dans de larges pans des opinions publiques européennes. Du pain béni pour les Le Pen, Mélanchon, Podemos et autres Mouvement des 5 Étoiles !

Tout contrat de prêt nécessite un consentement explicite de l'emprunteur et du prêteur. Que les parties prenantes soient des États - c'est à dire des contribuables - ne change rien à cette évidence. Le peuple grec, en tant qu'emprunteur, ne veut pas de ce contrat de prêt (soit dit en passant à l'intention de Merkel et Sarkozy, il aurait été avantageux de laisser Papandréou faire le référendum en novembre 2011 AVANT de débourser le prêt de €130 milliards dont on ne reverra maintenant jamais la couleur). Mais comment savoir si les contribuables des pays de l'eurozone, en tant que prêteurs, sont d'accord pour prêter à la Grèce à ces conditions ? Avant de les exposer pour des centaines de milliards d'euros alors qu'ils croulent eux-mêmes sous le chômage, les dettes et les charges, le minimum eut été de leur demander par référendum. Toute nouvelle proposition qui serait éventuellement faite à la Grèce devrait impérativement être acceptée par les contribuables concernés. Pas par une réunion à huit-clos de l'eurogroup.

Loin d'apporter la paix et la prospérité, l'euro mal conçu est en train de semer la récession et la discorde. L'aveuglement, la surdité, l'incompétence et l'ignorance des soit-disant partisans de l'Europe quant à la façon de la gérer politiquement, économiquement et humainement ne fait que susciter l'hostilité des peuples envers l'idée européenne et favoriser les partis extrémistes. On va ainsi vers une issue malheureuse pour l'union européenne.

Quel gâchis !

Dans cette affaire grecque, on a encore une fois constaté l'absence totale de leadership du Président français. Double discours permanent, disant à Tsipras et Merkel ce qu'ils veulent respectivement entendre, campant dans un ni-ni de synthèse totalement inopérant : ni austérité, ni allègement de dette ; ni sortie de l'euro, ni changement de gouvernance de la zone euro. Pathétique !

Bon, c'est pas pour vous gâcher les vacances, mais pendant qu'on se passionne pour les €300 milliards de dette grecque, la bourse chinoise vient de perdre €3000 milliards en 3 semaines. Comme la bulle implique le grand public et est en grande partie financée à crédit, les dégâts peuvent être relativement considérables. Beaucoup de Chinois auront perdu leur chemise. Les chances que la Chine doive fortement dévaluer sa devise augmente, ré-exportant déflation et chômage vers les pays développés.

Quelle époque épique !
# Posté par DvD | 07/07/15 19:20
Julien L.'s Gravatar @dvd

D'accord avec vous sur la nécessité de solliciter des électeurs un mandat pour les engager sur des prêts dangereux ou des subventions très lourdes à payer. Mais un referendum pour "dire non aux créanciers" n'est pas démocratique mais parodique.

Depuis 6 mois, Tsipras joue sur les nerfs des autres en faisant exprès de rater toutes les "dead lines". Un défaut vis à vis du FMI : "je m'en fous" ; vis à vis de la BCE "pareil". Les propositions promises sont toujours remises au lendemain, puis au surlendemain puis à la Saint Gllinglin. On parlait d'un "sommet" pour aujourd'hui : voilà les réunions prévues pour tout le mois de juillet.
ce qui fera deux échéances de plus dépassées.

Le jeu est toujours le même : "permettez-moi de durer au pouvoir avec une victoire morale et financière sur l'Europe et "les créanciers". Eliminez ma dette très largement et financez toutes mes échéances prochaines. Je serai comme le héro grec de l'antiquité et au pouvoir pour vingt ans comme le clan Papandreou. Tant que vous ne lâchez pas cela je mets par terre votre eurozone à la con et j'accumule les impayés partout. Vous aurez bientôt une crise grave de la zone Euro, une tempête sur les taux ou autre. Moi, je m'en fiche. Si tout craque je serai à l'aise pour expliquer que vous avez préféré casser la zone plutôt qu'aider les pôôôôôvres Grecs. Si cela ne craque pas tout de suite, on négociera ad perpetuam. Je viendrai sans cravate ni sacoche ni papier ni plan ni rien. En promettant pour demain des propositions que JE NE FERAI JAMAIS PUISQUE JE NE SOUHAITE PAS NEGOCIER UN COMPROMIS MAIS OBTENIR CE QUE JE DEMANDE POUR DES RAISONS POLITIQUES ET POLITICIENNES. De toute façon le démagogue a toujours l'avantage dans les périodes de troubles.

"Je suis dans l'OTAN, j'occupe une place géostratégique, je peux mettre fin à la zone Euro. Mon prix, c'est mon pouvoir ad perpetuam. Les Grecs, je m'en fous ; l'Europe, je m'en fous ; l'OTAN, je m'en fous. L'Euro, je n'en ai rien à cirer. C'est pour cela que mon sourire est affiché tout le temps. Vous me faites bien marrer. Je vous tiens par les couilles et vos simagrées me laissent totalement indifférent."

C'est pour cela que les propos de Hollande sur l'urgence n'ont aucune efficacité et n'ont pour but que de faire croire qu'il joue un rôle. Dans l'affaire il a mis la France dans la situation grecque avec des dettes impossibles à rembourser et qui, si les taux d'intérêt montent, asphyxieront le pays. L'urgence de l'accord, c'est pour la France et non pour la Grèce.

Merkel constate qu'il n'y a pas de projet sur la table. Il n'y en aura jamais, tant qu'elle n'aura pas dorer le trône de Tsipras.

Draghi peut demain matin faire sauter le système bancaire grec, en cessant de fournir de la monnaie banque centrale. Tsipras s'en moque. Il n'aura aucun prix politique à payer et comme communiste impénitent, formé au PC le plus stalinien d'Europe avec le PC français, nationaliser les banques ne lui fait pas peur : on pourra placer des copains et tenir l'argent. Alors Draghi ne le fait pas.

Demain Tsipras va dire au PE qu'il aime l'Europe, adore l'Euro et exige seulement un peu de respect pour le peuple grec martyrisé. Il prendra à témoin les eurodéputés du tort qu'on fait à son pauvre pays et tous les députés fédérôlatres du PE crieront : payez ! Sauvez la Grèce ! L'Europe à tout prix ! Sauf quelques grincheux qui feront une leçon de méthode de dialogue constructif.

Tsipras n'a exactement rien à faire des leçons de morale. Il espère simplement trouver un peu de soutien moral dans son rapport de force. Qui osera dans ce Parlement fantôche rappeler que la Grèce avait un PIB ridicule en 1980 (si je lis bien ce blog, autour de 50 milliards d'Euros) et qu'il a déjà bénéficié de 150 milliards de fonds structurels et 100 milliards d'abandon de créances privées, soit 5 fois son PIB initial et qu'il veut maintenant un cadeau équivalent, ce qui est indécent. Il rigole bien Tsipras : s'il gagne il aura réussi à extorquer 1000% de son PIB de 80 aux autres pays membres. S'il perd, il ne remboursera rien même s'il ne touchera plus rien. Du velours, car il n'aura même pas à conserver un excédent structurel de son budget. Il pourra arroser les clientèles.

Rigole bien Tsipras, rigole bien. Tu ne risque exactement rien. Lagarde a déjà cédé, sous la pression américaine (l'Otan). Le PE cédera. L'Eurogroup est un fantôme. Et Merkel ne peut pas se payer la responsabilité d'un éclatement progressif de la zone Euro.

On voit que la constructon européenne ne peut se faire si un des membres se croit à ce point indispensable qu'il peut se moquer des contraintes communes. La gestion par la norme, comme dit D. Dufau, n'est possible que si chacun se fait un devoir de la respecter. Si on utilise la démocratie directe pour renier les engagements d'Etat, elle vole en éclat.

Que Sarkozy ait mis en place un plan d'urgence sans consulter le pays, c'était normal : dans les conditions du moment, la zone Euro sautait !

Et aujourd'hui un referendum européen global sur l'éviction de la Grèce de la zone Euro est politiquement impossible.

En prouvant que la zone euro était ingouvernable si les peuples se déjugeaient de leurs responsabilités sur une convocation référendaire sous huit jours, Tsipras a tué un projet européen de monnaie unique où les ajustements ne peuvent se faire que par la récession organisée du pays fautif.

La seule solution actuellement efficace est d'acter que le gouvernement Tsipras ne veut pas jouer le jeu institutionnel d'une zone de monnaie unique et faire sauter les banques grecques en ne fournissant plus de liquidité BCE. Tsipras devra les recapitaliser avec de la monnaie de singe grecque qui n'aura pas de valeur, don c sortir de facto de l'Euron et l'économie grecque reprendra son petit bonhomme de chemin, avec probablement un retour à un PIB de 75 à 80 milliards d'Euros. La Grèce sera sortie de Schengen et ne pourra plus bénéficier de fonds structurels. Les avoirs détenus par les Grecs en Europe seront saisis, pour diminuer la perte sur dette (100 milliards peuvent être récupérés en quelques semaines).

Simultanément la zone Euro doit renforcer sa gouvernance en créant un poste de "chancellier" comme on dit sur ce blog, avec un appareillage démocratique pour viter les accusations de dictature des experts. Au lieu de causer avec Tsipras, c'est à cela que devrait se consacrer l'Eurogroup et tout de suite. Avec une procédure d'expulsion des mécanismes de l'Euro pour les pays qui viendraient à mettre en place des gouvernement de type Tsipras.

Toute autre solution reviendra à faire se mettre indéfiniment entre les mains de Tsipras, puis de ses émules dans d'autres pays, au risque de faire sauter l'Euro. Une bonne amputation n'est jamais drôle mais parfois nécessaire.

Adieu Tsipras ; amuse toi bien, mais sans nous.
Et que l'on tente de créer une zone euro efficace.
# Posté par Julien L. | 07/07/15 23:03
DD's Gravatar Varoufakis, qui est un bavard impénitent, émet des théories qui ne sont pas loin de celles que nous défendons ici. En particulier que la crise globale est liée à la politique de déficits systèmatiques des américains et que l'organisation de la zone Euro est si bancale qu'on ne peut créer des ajustements que par la récession programmée. Sur le diagnostic on peut se mettre d'accord avec lui. Mais sur la méthode ! Mais sur la forme ! Il a été l'idiot utile de Tsipras qui l'a jeté dès qu'il a pu.

La stratégie grecque que vous décrivez est parfaitement exacte. Elle est odieuse. Tsipras réussira certainement à passer pour un héro antique et durera, car les européistes et les anti européistes pleurent avec lui sur l'état de la pauvre Grèce, quoique les larmes ne soient pas du même oeil. Et l'Europe cèdera, sans céder tout en cédant. L'humanisme et la géopolitique, mais surtout la peur de l'éclatement d'une organisation bancale signent la défaite en rase campagne.

L'idée qu'une zone de monnaie unique puisse être gérée par la norme git, épuisée et trouée de mille coups de poignards, sur le sable de l'arène. La vraie question est la réforme de la gestion de la zone Euro. Au lieu de discuter avec Tsipras qui va faire sonner tous les grelots les uns après les autres, les responsables de la zone euro devraient plutôt se réunir autour d'un projet de réforme.

Tsipras attendra dans son coin en réructant.

A terme, on lui demandera s'il veut participer à la nouvelle organisation. S'il veut faire un referendum, libre à lui. Mais les mécanismes auront été discutés et seront à prendre ou à laisser. Il est absurde d'attendre de Tsipras des suggestions. Comme vous le dites son rôle est de faire monter le coût pour l'Europe jusqu'à ce qu'elle cède. Il ne faut pas jouer ce jeu là. En attendant la BCE peut fournir 30 euros par jour et par personne de monnaie de papier aux banques grecques. A charge pour Tsipras de durer comme il le peut dans ce canevas là.

Ce schéma serait enfin POSITIF. Il est certainement envisageable de préparer une conférence organique pour début septembre. Pendant tout ce temps là, on refuse de parler à Tsipras et on le laisse à son sourire, ses provocations, ses injures, ses faillites, en regardant ailleurs et en sifflotant.

S'il veut créer de la monnaie, il sortira lui-meme de la zone euro et bonne chance. S'il n'en crée pas, la vie sera dure, mais le peuple grec était prévenu. C'est son choix. On a les gouvernants qu'on mérite.

S'il vient à Canossa avec une acceptation du plan européen, on acceptera de fournir les aides décidées.

Une fois encore, le problème n'est pas la Grèce mais la réforme de la gouvernance de la zone Euro.
# Posté par DD | 08/07/15 12:12
DvD's Gravatar On peut bien penser ce qu'on veut de Syriza. Et il est vrai que sa stratégie est totalement foireuse. Pour la Grèce d'abord : arguer pendant six mois sur quelques points de TVA valant quelques milliards d'euros annuels au prix d'une fuite immédiate de 50 milliards d'euros de dépôts du système bancaire a un ratio coût / bénéfice désastreux, dans la lignée des politiques économiques suivies un peu partout dans le monde ces dernières décennies. Foireuse pour la zone euro également, qui continue de prêter des montants toujours plus élevés à la Grèce, entraînant ainsi sa propre dette dans une trajectoire insoutenable pour tenter de soutenir une dette grecque non soutenable. Il est visible que cette politique est vouée à l'échec.

Mais, le fait est que Syriza n'est pas la cause de la situation actuelle. Syriza fut créé en 2004, a fait des scores marginaux aux élections législatives de 2004, 2007 et 2009 (entre 3% et 5%), a percé aux élections législatives de 2012 (17% en mai et 27% en juin) pour finalement gagner les élections de 2015 avec 36% et accéder ainsi au pouvoir. Dans la longue chaîne des causes et conséquences qui mène jusqu'à la situation présente, Syriza est en soi une conséquence, un symptôme de l'incurie persistante de ses prédécesseurs Grecs, des échecs de la politique d'ajustement structurel européenne, de l'erreur de faire entrer la Grèce dans l'euro, du défaut de gouvernance de la zone euro qui permet la divergence entre cigale et fourmi au sein d'une même union monétaire et finalement un symptôme des échecs des "plan de sauvetage" européens de 2010 et 2012.

Là encore, il faut traiter les causes premières. S'offusquer des symptômes ne sert strictement à rien. Dérouler le tapis rouge (ou brun) aux partis extrémistes à force de décisions erronées entraînant des résultats désastreux pour ensuite dénoncer leur attitude une fois au pouvoir est totalement vain. De ce point de vue, l'attitude de l'eurogroup n'est pas plus encourageante que celle de Syriza : aucune analyse des sources des déséquilibres au sein de la zone euro, aucune remise à plat de la gouvernance économique de l'eurozone et de l'organisation institutionnelle correspondante ; que des platitudes éculées, des leçons de morale plus ou moins sincères, des envolées émotionnelles aussi creuses que spectaculaires ; pour finalement reconduire toujours les mêmes plans quasiment à l'identique. On ne saurait dire qui de Tsipras ou de ses homologues européens est le plus à côté de la plaque. Parmi tous les protagonistes, il me semble que Varoufakis est celui qui s'est le plus approché de ces thèmes de réformes du pilotage économique de la zone euro. Bien sûr, le faire au bord de la faillite n'a pas la même portée que le faire alors que la situation financière est stable.

La duplicité du gouvernement français dans l'affaire grecque apparaît particulièrement abjecte : mener la politique économique grecque tout en demandant à la Grèce - en s'abritant derrière la ligne allemande pendant la négociation - de mener la politique économique allemande et opiner sur le sérieux et la crédibilité d'un programme de restructuration du secteur public et d'excédent budgétaire primaire tout en étendant le champ du secteur public improductif et en maintenant un déficit budgétaire primaire en France témoigne d'une hypocrisie consommée qui finit d'achever le peu de crédibilité qui restait encore à la France. Ces clowns ont-ils seulement conscience que les institutions non crédibles sont amenées à s'effondrer ? Comme les Républicains sont dans le même bateau, eux qui ont bricolé les plans de sauvetage de 2010 et 2012 avec le peu de succès que l'on sait, c'est encore Le Pen qui récolte les bénéfices politiques. Plus ou moins consciemment, les français comprennent en effet que, au rythme où vont les choses, le prochain affrontement de ce genre opposera dans quelques années la France et l'Allemagne. Contrairement à l'entre-deux guerres, cette fois ce sera l'Allemagne qui exigera "la France doit payer !". Comme en 1870. L'histoire rime. Le PS et les Républicains qui auront mené le pays à la ruine seront balayés dans les urnes, le FN arrivera au pouvoir comme Syriza y est arrivé, non pas sur la validité de ses propositions mais sur le discrédit de ses prédécesseurs.

Une dernière chose. Des référendums apparemment évidents ("acceptez vous les conditions proposées par vos créanciers ?") n'ont pas forcément des réponses évidentes. Par exemple, en Suisse, les référendums de ces dernières années proposant une semaine de vacances de plus par an ou l'instauration d'un salaire minimum relativement élevé ont reçu des réponses négatives. Le peuple est loin d'être aussi démagogue que les politiciens de bas étage. L'interprétation du "non" grec me semble ainsi assez caricaturale et superficielle. Ce qui arrange beaucoup les soit-disant démocrates européens qui ne détestent rien tant que la démocratie et préfèrent continuer à décider à huis-clos. Tsipras peut bien faire comme tous les leaders européens et faire voter par le parlement les textes rejetés par vote populaire. Sarkozy par exemple avait procédé de cette manière pour faire voter la constitution européenne par le parlement alors qu'elle avait été rejetée par référendum en 2005. Bien sûr, cela ne fait que renforcer le sentiment de trahison des élites dans les opinions publiques, ce qui revient à semer les raisins de la colère avec beaucoup de pépins dedans. Ce qui signe aussi l'arrêt du projet européen qui n'a strictement aucune chance de progresser en allant ainsi contre la volonté des peuples. La dérive totalitaire du projet européen mal conçu et prêt à tout pour se maintenir tel quel apparaît ainsi chaque jour plus visible.
# Posté par DvD | 11/07/15 16:59
DD's Gravatar Dans les conditions et dans l'esprit où il a été mené, le referendum grec n'a rien de démocratique, puisqu'il ne mène à aucune décision durable. Le vote a été contredit par Tsipras dans les trois secondes suivantes. Il s'agit d'une manoeuvre politicienne, et dangereuse en prime, puisqu'on a prouvé au peuple qu'on l'agite mais qu'on ne l'écoute pas. Ce qui ne veut pas dire que le referendum ne soit pas un moyen essentiel de s'assurer du soutien global de l'opinion sur des sujets sensibles et que le contournement du non français à la "constitution" ne représente pas un déni de démocratie.

La grande leçon de la crise actuelle est, comme le dit assez justement Varoufakis, que la France est en première ligne. Avec 2.200 milliards d'euros de dettes pour 65.000.000 de résidents, la France n'est pas loin du ratio des 350 milliards de dettes pour un peu plus de dix millions de grecs. Il faut passer du Cheval de Troie à la règle de trois.

Ce qui veut dire qu'on voit assez bien le mur sur lequel la facilité française peut finir par s'écraser, sa dette étant aussi peu soutenable que la dette grecque : la fuite devant les dépôts bancaires en France et devant les investissements fiscaux qui protégent les banques et l'Etat (genre assurance vie). La crainte du "Hair cut" est là depuis Chypre et celle du "corralito" depuis une semaine. Si la banquise de confiance fond, mieux vaudra être au chaud ailleurs. Certains départs n'ont pas lieu vers le Portugal et ses exonérations fiscales mais vers les Etats-Unis. Le mouvement risque de s'accèlerer. Le monde commence à manquer de places où se mettre à l'abri.

En attendant bonjour l'investissement.
# Posté par DD | 12/07/15 15:10
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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