2013 : l'« annus hollandibilis »
Comme il était prévisible, l’année 2013 aura été, en France, un complet désastre économique. Sur absolument tous les critères, on constate une aggravation.
Nous serons à très court terme, si nous ne le sommes pas déjà (les rectifications statistiques prennent souvent jusqu’à deux ans !), à près de 11% de chômeurs et de 100% de dettes publiques par rapport au PIB. La compétitivité française n’a pas été restaurée, stimulant les déficits extérieurs. L’investissement productif est au plus bas, la fuite des actifs au plus haut. La trésorerie des entreprises est quasiment inexistante, et les faillites ont explosé. Les grandes entreprises ont multiplié les licenciements collectifs, éliminant jusqu’à 4% des postes de travail. Des secteurs économiques entiers sont sinistrés, avec des chutes de chiffres d’affaires allant jusqu’à 30%. Le revenu par tête a baissé.
Cette catastrophe prend tout son relief lorsqu’on compare cette macabre évolution avec celle des autres pays comparables de l’OCDE, où la tendance à la reprise est affirmée et où le chômage est repassé souvent sous la barre des 7%. Les Etats-Unis ont connu une forte croissance.
Bref, dans une Europe qui est à la traîne du reste du monde, la France décroche.
Les prévisions 2014 sont dans la continuité : un décrochage aggravé.
On peut expliquer ce mauvais résultat par les obligations dépressives du traité Merkel-Sarkozy, qui impose de revenir rapidement dans les règles de Maastricht au prix de sanctions aggravées et qui a donné à la Commission des pouvoirs de coercition nouveaux et difficiles à éluder. Quel que soit le clan au pouvoir, il aurait bien fallu respecter la parole donnée.
Par calcul politique, François hollande a tenu à prendre une posture hostile jusqu’à la vindicte aux 10% de la population qui forme le socle économique de la nation. La tradition républicaine veut qu’on sorte collectivement d’un mauvais pas et qu’on n’insulte pas les citoyens. Hollande, appuyé par un gouvernement fantoche et une majorité parlementaire excitée, dont le parangon est M. Eckert, a voulu multiplier les mesures ciblées les plus odieuses. L’impôt a été le vecteur principal de cette vindicte, aboutissant à des prélèvements supérieurs à 100% pour près de 10.000 Français.
Constamment bloqué par les instances de régulation juridique et notamment le conseil constitutionnel, F. Hollande a voulu prouvé sa détermination hargneuse en contournant les jugements pour faire le tort qu’il souhaitait aux catégories ciblées. Il fallait que quelqu’un paie pour les 75% d’imposition promis aux hauts salaires. Réintégrer les plus-values latentes des contrats d’assurance vie dans les revenus à prendre en compte dans le plafonnement obligé de l’ISF est contraire à tous les principes, l’argent étant non disponible. Les juges ont sanctionné la mesure. La vengeance est en cours d’élaboration. La fiscalité est la kalachnikov de ces pseudos révolutionnaires qui sont de vrais populistes sectaires. François Hollande ne fait que suivre l’exemple de B. Delanoë le maire de Paris qui a doublé les impositions sur le capital en affirmant « et je ne m’excuse pas ».
Cette violence verbale et fiscale a bloqué le pays. Elle a compromis l’efficacité même des mesures d’austérité prises.
L’augmentation des impôts n’a pas eu le rendement espéré : il manque près de 10 milliards d’Euros au bout de l’année. L’argent a fui et s’est caché. On peut ruiner les gens une fois. Pas deux. La trajectoire de réduction des déficits publics, bien orientée après les mesures fiscales déjà concentrées sur la population aisée, mais sans abus ni injures, prises par l’équipe Sarkozy-Fillon, a été bloquée.
Le gros mensonge de l’innocuité de la politique fiscale pour les classes moyennes et populaires a volé en éclats, avec des millions de nouveaux contribuables à l’impôt sur le revenu et les hausses massives de TVA (passer de 7 à 10% la TVA moyenne est une augmentation de 42,86%, pas de 3%).
Il a bien fallu en passer par là : saquer fiscalement les ménages pour tenter de restaurer la compétitivité des entreprises. Indiscutablement c’était nécessaire. Mais que de temps perdu et surtout, pourquoi avoir choisi des modalités aussi complexes que le CICE ?
La posture politicienne hystérique et l’esprit incroyablement administratif qui ont teinté de façon indélébile l’action du gouvernement, sous l’aiguillon de F. Hollande, ont été totalement contreproductifs. Elle masque des évolutions certes insuffisantes mais utiles, comme l’assouplissement partiel des relations sociales ou la réforme minimaliste des retraitées du privé (qui n’a évidemment rien touché aux avantages abusifs des retraites publiques). De même, on peut considérer comme un bon point l’obtention de délais pour revenir dans la norme européenne.
Sachant qu’il était prisonnier des traités, F. Hollande a choisi l’offensive et l’offense pour « tenir » le temps que l’austérité fasse un minimum son effet et que la reprise mondiale tire le pays hors du pire. Il a asphyxié le terrain médiatique avec des réformes sociétales ciblant de prétendues « victimes » du système capitaliste et bourgeois.
Il a donc pris des mesures en faveur :
- Des Roms (la circulaire Valls)
- Des homosexuels (en offrant le « mariage » à leurs organisations militantes les plus actives)
- Des fonctionnaires abusant des arrêts de travail (alors que le jour de carence avait montré son efficacité)
- Des élèves décrocheurs
- Des drogués (en leur offrant une salle de shoot)
- Des présidents de collectivités locales abusifs
- Des voleurs condamnés et emprisonnés
- Des prostitués, « réifiées » par leurs clients
- …
Ne fallait-il pas « pacifier » une société à domination bourgeoise « victimisant » ses enfants ?
Ce « sociétalisme » offrant à tous les groupes militants des satisfactions concrètes devait masquer la politique d’austérité et permettre la victoire aux municipales, où le PS est dès le départ en situation de force, d’une part en faisant monter le Front national et d’autre part en s’assurant des clientèles.
En un mot François Hollande a fait de la politique en sachant qu’il n’avait aucune marge dans le domaine économique. L’ennui est qu’il a empoisonné l’esprit public et ses manœuvres politiciennes (imposées de facto sans jamais les justifier par une ligne ou un cap quelconque) ont fini par aggraver la situation économique.
Le drame, pour la Nation, est que cette inspiration politicienne a fini par faire perdre deux ans au moins à la France. Il se peut qu’on découvre désormais le « nouveau Hollande », celui qui a compris qu’il fallait surtout reconstituer la société productive privée.
Les derniers dix-huit mois ne plaident pas pour une évolution de ce sens. On a concédé des mesures absurdes et dangereuses comme l’augmentation des effectifs publics, le compte « pénibilité » la « gratuité de la vie » entre 20 et 25 ans. On a choisi de réduire la dépense publique non pas en s’en prenant à l’appareil qui le gère et qui est hypertrophié, mais en supprimant des allocations de façon ciblées. On n’a pas recadré le champ des missions de l’Etat qui s’est développé de façon excessive dans tous les azimuts depuis 50 ans. « L’énarchie compassionnelle » est toujours triomphante.
Rappelons que pour nous la crise est due à trois causes :
- Un système monétaire international défectueux. Le silence de F. Hollande a été sur ce sujet tonitruant.
- Une gestion européenne par la norme qui transfère à des institutions non élues des instruments dont ils ne se servent pas. Où est la politique des changes ? Le silence de F. Hollande a été sur ce sujet tonitruant.
- Une hypertrophie maladive de la fiscalité française liée à la capture du politique par la haute fonction publique. F. Hollande l’a incroyablement aggravée en la rendant encore plus anti productive.
Alors oui, la dimension proprement « hollandaise » de la gestion économique en 2013 en a fait inutilement une « annus horribilis ».
Il lui reste trois ans pour rectifier le cap. Mais en a-t-il seulement conscience et, si oui, la volonté personnelle ?
Une gestion purement politique, avec comme seul objectif la réélection, n’est pas ce qu’il faut à la France. Il est à craindre que l’esprit déplorable de l’élection présidentielle de 2012 persiste. Comment changer des travers qui vous ont fait gagner ?
Mais c’est la France qui perd.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Juste une nuance sur la fiscalité de la ville de Paris : Un collègue parisien est venu s'installer à Lyon dernièrement, il a reçu la taxe d'habitation de son F3 : 1600€ à comparer à 500€ payé à Paris en 2012... Les valeurs locatives cadastrales sont très faibles à Paris comparées à la Province, Delanoé à certes été un incompétent mais c'est l'arbre qui cache la forêt : le peuple ultra riche de Paris vit sur une niche fiscale (la fausse VLC) qui si elle était remise à niveau permettrait de redonner de la cohérence avec la Province...
Merci pour votre appréciation globale.
Pour ce qui est de Paris, rappelons que c'est l'impôt foncier et la taxe sur les bureaux qui ont été pratiquement doublés, et que ce doublement des taux s'est accompagné d'un doublement du prix de l'immobilier. Pour les nouveaux entrants, c'est la double peine. Résultats : Paris est une ville de vieux et d'étrangers, dans le secteur libre. Ajoutons que la dette a été très fortement aggravée et que les effectifs de la mairie sont devenus extravagants : 56.000 au lieu des 20.000 qui sont dans la norme mondiale pour des villes de 2 millions d'habitants.
Paris n'est pas une ville chère pour les locataires, mais les demandeurs ne trouvent pas de logements ! La politique de rachat d'appartements, pour les faire passer dans des catégories aidées, parfois dans les quartiers les plus chers, a asséché le marché libre.
Cela provoque dans des immeubles de la Ville de Paris, comme Place de Catalogne, des cohabitations hazardeuses, qui tournent à l'enfer et chasse les locataires payant le plus. La "mixité" heureuse est un mythe et tourne mal comme toutes les discriminations positives.
Les nouveaux "locataires" à 4 Euros du M2 loué ne travaillent pas et viennent faire la manche devant tous les magasins du coin et multiplient les incidents.
On devrait naturellement voter un volume d'impôts et de dépenses et rendre aux habitants toute plus-value fiscale exceptionnelle. Les énormes plus-values sur la bulle immobilière ont été captées par Delanoë et de surcroît il a doublé les impôts sur le capital ! Pourquoi se gêner ?
Le résultat est un étouffement de la capitale qui ne peut plus jouer son rôle de poumon du dynamisme français et de carrefour des talents. On ne voit pas que la province puisse en profiter.
Il faut noter aussi que les charges des copropriétés sont plus lourdes à Paris que partout ailleurs et que l'ISF, qui est principalement un impôt sur la valeur de l'immobilier, a très fortement augmenté sur le patrimoine le plus cher de France (hors stations de montagne ou de mer à la mode).
Paris n'est pas ou plus une "niche fiscale". Son bas coût en matière de fiscalité locale provenait de sa densité et de l'ancienneté de sa "complétude". C'était un atout qui ne prenait rien aux grandes villes de Province. La "péréquation" a toujours joué en défaveur de Paris.
Les projets de Grand Paris vont encore aggraver les coûts puisque, pour l'essentiel, on ajoute des centaines de millions d'euros de charges, en fonctionnaires nouveaux, en immeubles et en frais de fonctionnement. Pour des bénéfices que personne ne voit. Il s'agit presqu'exclusivement d'assurer de nouvelles places et de nouveaux prébendes aux partis politiques.
Rien de tout cela n'est raisonnable.
Hollande s'inscrit dans la parfaite continuité de promesses électorales dont les réalisations se sont systématiquement avérées inversement proportionnelles à l'éloquence de leur énoncé.
Si bien que le pays ne connaît pas une "annus horribilis" exceptionnelle de loin en loin mais une crise continue qui n'en finit pas de finir depuis plusieurs décennies.
Je sais bien que voter est un droit précieux pour lequel d'autres avant nous se sont chèrement battus. Mais enfin, si à chaque élection, il n'y a le choix qu'entre des candidats qui n'ont rien d'autre à proposer que des mots creux, ça ne sert pas à grand chose. C'est avant tout, je crois, un problème de qualité du personnel politique. On est très largement en deçà de ce qui serait nécessaire. Et pourquoi ?
Les homosexuels ne sont pas des parasites à ranger dans le même sac que les Roms, les fonctionnaires abusant des arrêts de travail, les drogués, les voleurs condamnés et emprisonnés...Une orientation sexuelle différente et le désir de se marier et protéger son conjoint ne constituent en rien une volonté de contrevenir à la loi ou bien profiter de la collectivité.
La grande pertinence économique de cet article et la situation économique préoccuante de la France nous invite à nous concentrer à sur les problèmes centraux de notre pays, dont l'accès au mariage pour les gays ne fait pas parti. Cependant, cela ne doit pas être un prétexte à ce genre d'amalgame malheureux.
Très bonne continuation tout de même...
Les "catégories" que nous évoquons ne sont pas les notres mais ceux du mouvement qui les illustre. La notion de "pacification" portée par F. Hollande est peut-être controuvée, mais quelque soit le jugement qu'on a de l'idée, il n'est pas difficile d'y voir une "volonté de réparation". On répare un dommage fait à une victime. La victimisation des homosexuels à qui on doit des droits nouveaux, et une reconnaissance particulière du fait des tourments qu'ils ont eu à subir, est une caractéristique propre à certaines tendances de la gauche, que M. Hollande a voulu satisfaire.
On définit aujourd'hui le "sociétalisme" comme la volonté de prendre des mesures favorables à des groupes jusque là tenus en lisière de la société et que l'on voit comme réparatrices.
Il serait faux de croire que ce soit uniquement une préoccuption de gauche. V. Giscard a été le premier à considérer qu'il fallait faire des gestes de "pacification" vis à vis de populations ou de comportements "stigmatisés" par le moralisme bourgeois. L'IVG, le divorce par consentement mutuel, la disparition des fiches de polices dans les hôtels, le ministère de la femme, la visite aux éboueurs, étaient des composantes "sociétalistes" du "libéralisme avancé". La suppression de la peine de mort par F. Mitterrand est de la même inspiration. La constitutionnalisation par J. Chirac du principe de précaution et la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français dans le drame du Vel d'Hiv, puis de différents "droits à" par N. Sarkozy n'échappent pas à la règle.
La tendance à privilégier non plus le noyau dur de la société, mais ses excroissances plus ou moins marginalisées, ou anciennement sanctionnées ou simplement mal vues ou passées sous silence, date curieusement de la fin du pouvoir réel des gouvernants. Ils n'ont plus rien dans les mains pour faire face aux problèmes les plus lourds. Alors ils deviennent les activistes du politiquement correct du moment.
Le constater n'est pas en soi un jugement de valeur sur les mesures concernées. Et nous récusons naturellement tout soupçon d'homophobie, de prostituphobie, de prisonnophobie, d'islamophobie, de fénéantophobie, etc., ad libitum.
Ce qui nous gêne, c'est le fait que pendant qu'on s'agitait dans tous ces domaines, la politique économique menée était désastreuse comme les résultats de 2013 en témoignent.
Merci pour ce regard intelligent et objectif.
Effectivement, tout cela masque malheureusement le véritable débat sur l'éfficacité de la politique économique menée par le gouvernement.