Une erreur majeure de perspectives

De nombreux livres paraissent qui tentent d'expliquer les difficultés économiques du moment par les évolutions supposées de la production. Le numérique tuerait l'emploi. "L'uberisation" de la société déboucherait sur un chômage structurel. La destruction du tertiaire n'alimenterait pas de quaternaire. Etc.

Où est l'erreur ? Dans ce fait élémentaire qu'au dessus de notre PIB se trouve une couche quatre fois plus épaisse de dettes. Les désordres actuels proviennent de cette couche ingérable de dettes, pas de la structure de la production ni de son évolution.

Considérons le fait majeur qui inquiète aujourd'hui même : le retour de la baisse des prix en Europe et dans bien des parties du monde. Est-il lié le moins du monde à Uberpop ou aux nouvelles technologies ? Pas du tout. En revanche la destruction monétaire provenant du dégonflement nécessaires des en-cours bancaires est un mécanisme tout ce qui a de plus pertinent pour expliquer la déflation des prix.

Les observateurs à courte vue mettent en avant la baisse du pétrole comme facteur principal de la baisse des prix et ajoutent que le gaz de schiste en est le vecteur. Le moindre approfondissement de l'observation montre que toutes les matières premières ont connu la même baisse. C'est l'arrêt du commerce international et l'abandon de la politique de sécurisation de son stock de monnaies mises en réserve par la Chine qui explique cette décroissance subite, pendant des politiques de spéculations pratiquées antérieurement.

Ces baisses ne proviennent pas de la production mais des mouvements spéculatifs antérieurs permis par la création monétaire prodigieuse des décennies précédentes et le non contrôle des déficits et des excédents majeurs de  balances des paiements.  

Le monde aimerait se débarrasser d'un stock de dettes vertigineux mais ne se met pas en position  d'enclencher des mécanismes concertés de croissance. Le résultat est la stagnation, le chômage et la déflation.

Uberpop  et ses confrères n'ont rien à voir avec ces mouvements majeurs qui portent sur des milliers de milliards d'actifs plus ou moins faisandés.

En se concentrant sur des exemples marginaux d'évolution des produits et des productions, beaucoup des analyses publiées perdent le contact avec les réalités massives et ne produisent rien de  probant. C'est comme ci de subtils analystes voyant des villages entiers emportés par des crues gigantesques expliquaient le désastre par la forme du toit des nouvelles maisons ou la nature des nouveaux matériaux de construction.

La crue destructrice est le phénomène économique majeur. La numérisation de l'économie pas plus que sa mécanisation ou son électrification ou l'accroissement de la part psychologique dans la valeur des produits, ou la saturation des besoins, n'est la source structurelle d'une hausse du chômage. En revanche quand vous avez 400% de dettes par rapport au PIB avec une durée moyenne de l'en cours de 5 ans et un taux d'intérêt de 5%, le remboursement du principal et le paiement des intérêts prendrait 100% du PIB. Impossible !   Cà, c'est une vrai vecteur de chômage et de difficultés.

En se concentrant sur 1% du PIB (la part des nouvelles technologies problématiques) au lieu de s'attaquer aux 400% de dettes, toutes les subtiles analyses qui triomphent actuellement dans les medias ne sont qu'un vain exercice. Ce n'est pas la paille qui volète autour de certains marchés nouveaux qu'il faut analyser mais la poutre qui est plantée au cœur de l'économie et qui empêche son cœur de battre.

Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile

Commentaire
Jacotte's Gravatar Vous illustrez là une des manies de l'époque : sacraliser l'accessoire et se détourner de l'essentiel. Personne ne sait comment se débarasser des 400% de dettes (voyez, on vous lit) qui pèsent au dessus de l'économie occidentale, dette impossible à réduire sans tout changer. Alors il ne faut pas en parler. Uber n'a exactement aucune importance. Un épiphénomène que la règlementation peut tuer d'un claquement de doigt. On en fait le vecteur de la destruction de l'emploi.

La responsabilité d'Uber dans les 5.500.000 chômeurs est exactement égale à zéro. Le poids d'une dette astronomique et les mécanismes délétères d'une compétition sans foi ni loi qui aboutit à des excédents et des déficits incontrôlables, en expliquent probablement autour de 90%. Alors il faut se taire.

"De minimis non curat praetor". La doctrine inverse, qui est celle de la médiasphère, et de l'atlantisme européiste intéressé, l'a emporté.

Ici Jacotte qui radote.
# Posté par Jacotte | 04/10/15 12:43
Micromegas's Gravatar Je crains que la campagne électorale qui s'ouvre ne soit de nouveau une hymne à l'ominpotence virtuelle du politique, et une réalité saumâtre de déjections démagogiques, et que jamais ne soit posées, à la bonne hauteur, les questions qui fâchent dans l'organisation de l'Europe et du Monde, réalités intangibles auxquelles "nous devons nous adapter". Cette exigence d'adaptation sans but évident, sinon la domination des mégaentreprises américaines, est creuse et dangereuse. Les observateurs avertis devraient se concentrer sur ces questions. Il est bien plus facile et moins dangereux de gloser sur "l'ubérisation" de la société.

Ne pas accepter de nouvelles "avancées" européennes et atlantistes sans changement radicaux dans l'organisation de l'Europe de l'Euro et dans le système monétaire international, serait un minimum. Mais qui porte ce message ? Chez les économistes en poste officiel, personne.
# Posté par Micromegas | 05/10/15 13:10
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

Association loi 1901

  
BlogCFC was created by Raymond Camden. This blog is running version 5.9.002. Contact Blog Owner