La défaillance française de production médicale

Exiger sans comprendre : la recette de futurs désastres

Bossuet, dans la magnifique langue de son siècle, a fait un sort au ridicule qui consiste à chérir les causes des conséquences dont on se plaint. Les sondages portant sur « ce qui doit changer » nous alertent à nouveau sur la permanence de ce piège. « Il faut rapatrier la production de médicaments en France » est sans doute l’assertion qui se discute désormais le moins.

Tant mieux ! Nous-même la répétons depuis des lustres dans ces colonnes. Nous l’avons illustrée dans notre livre « L’Etrange Désastre » comme le symbole d’un effondrement français calamiteux.  Mais voilà : comme nous portons cette cause depuis longtemps nous savons bien quels sont les mécanismes qui ont provoqué ce qui est dénoncé, et l’extrême difficulté de les entraver et surtout de changer l’horlogerie des rouages qui les explique.

Cette expatriation dommageable de la quasi-totalité de la production des médicaments principaux paraît très simple à régler. « Messieurs des labos, à vous de jouer ! Relocalisez, bande de cupides qui avaient choisi d’importer pour vous faire des c… en or ».  L’injonction-dénonciation est facile. Les perroquets se sont engouffrés. En fait tous les labos savent produire les principes actifs. Ce sont les excipients et toute la chaîne de conditionnement, d’emballage, d’étiquetage, de logistique, qui ont été totalement sous-traités, sauf pour certaines spécialités où même le principe actif est abandonné, comme la pénicilline.

En vérité, l’expatriation des productions est liée en premier lieu à l’imposition bureaucratique des génériques, sans droits, avec des règles composition plus lâches et moins contrôlées, dans tous les pays à sécurité sociale et notamment en France, au moment même, seconde difficulté, où l’ouverture totale des frontières dans le cadre de l’OMC à la Chine et à l’Inde était imposée.

Si les médicaments sont « gratuits », c’est-à-dire payés collectivement et non par les usagers, la ruine du payeur et la gabegie de la consommation conduit automatiquement à des mesures extrêmes. Quand Fidel Castro a voulu instaurer la gratuité du pain, l’état cubain n’a bientôt plus pu financer cette folie. Alors il a fusillé quelques consommateurs abusifs qui nourrissaient leurs cochons avec du pain gratuit et quelques paysans « profiteurs et accapareurs ». Et il a tout abandonné devant le bain de sang qui se profilait.  Comme en France on ne peut plus décemment fusiller quiconque, on a préféré imposer les génériques et exigé des laboratoires qu’ils baissent leurs prix au plus bas de l’offre mondiale.

C’est donc la production nationale de médicaments qu’on a fusillée. En même temps, on a bien été obligé de constater qu’il y avait un abus consternant de prescriptions de médicaments et on a commencé à contraindre le consommateur. Campagne de pub sur le fait qu’on était le premier pays consommateur de médocs, restrictions sur la prescription d’antibiotiques, popularisation d’idées fausses comme l’inutilité de prendre des antibiotiques contre les maladies virales, interdictions ou limitations, imposées aux médecins, de prescrire et aux pharmacies de délivrer, autre chose que des génériques, déremboursement des médicaments de marque etc.

La pandémie de Sars-Cov-2 a souligné que l’accès à des fournitures extérieures majoritairement fabriquées en Chine et en Inde était aléatoire.  Mais les ruptures de livraison existent et se multiplient depuis des années, dans l’indifférence générale, avec exactement les mêmes raisons que ce qu’on a vu pour les masques : les surenchères diverses sur les prix et les conditions de paiement de tel ou tel pays privent les autres des produits commandés. Comme la France s’appauvrit relativement et que sa bureaucratie est incapable de flexibilité, les ruptures augmentent.  CQFD ! Ce qu’on appelle un cercle vicieux.  

Dans l’Etrange Désastre, nous dénoncions les deux sources de cette calamité :

-        Le choix d’une mondialisation fondée non plus sur le rattrapage des pays émergents mais sur la substitution de localisation des productions permettant de créer des oligopoles mondiaux en déplaçant toutes les productions vers la Chine, devenue, dangereusement, l’atelier du monde.  Cette optique, associée aux changes flottants qui permettent tous les déséquilibres, a été imposée par les Etats-Unis, qui se croyaient devoir être le vainqueur de cette conquête, et mis en musique par l’Union Européenne qui lui est bassement inféodée.

-        La gratuité du petit risque, qui crée une gabegie intenable et entraîne des comportements bureaucratiques répressifs sur l’offre et le demande.

Une telle dénonciation ne pouvait trouver d’éditeurs grands publics tant l’information est cadenassée en France. C’est donc les Editions du Cercle qui l’ont diffusée.  Le verrouillage de l’information en France a été cruellement illustré par la crise sanitaire. Tout le monde a désormais compris. On n’entend, en France, qu’une information préparée, anesthésiée, filtrée, épépinée, moraliste, conformatrice, sectatrice, castratrice. Elle n’a pour but que de rendre bien-pensant et docile le populo. L’affaire des masques inutiles tant qu’on n’en avait pas, obligatoires sous peine d’amende exorbitante dès qu’on en a eu un peu, est fulminante et infâmante. Tout est possible. Les bornes de l’information contrôlée étant dépassées depuis longtemps, il n’y a plus aucune limite.

Du coup, il est inutile d’espérer qu’on aborde les grandes questions posées par le rapatriement de la fabrication des médicaments en France.

  1. Accepte-t-on de supprimer la gratuité presque totale de la couverture du petit risque et à 100% de maladies au long cours ? (Pour l’anecdote c’était le thème de notre premier billet en juin 2008 sur ce site, 12 ans déjà !).
  2. Accepte-t-on de rétablir la liberté dans les prescriptions dans le cadre d’un tarif de responsabilité qui différencie les remboursements ?
  3. Accepte-t-on de mettre fin au ARS et au triomphe de la bureaucratie à la soviétique dans le domaine médical ?
  4. Accepte-t-on de renforcer le poids de la médecine et de ramener celui de la science à des proportions plus justes ?  On a vu qu’au nom de la science on ne recherchait plus que des molécules nouvelles hyper chères, avec cette dichotomie totalement ahurissante entre une élite médicale politisée (socialiste) cherchant fortune auprès des grands labos et une bureaucratie ruinant les grands labos.
  5. Accepte-t-on de sortir de la politique européenne d’ouverture totale des frontières et de concurrence absolue ?
  6. Accepte-t-on de sortir de la tutelle américaine ?
  7. Accepte-t-on de mettre fin aux changes flottants qui permettent tous les déséquilibres ?
  8. Accepte-t-on de multiplier par quatre le prix des médicaments en France ?

Pour l’amusement, il est facile de faire le constat des réponses des différents partis qui luttent politiquement en France.

  1. Non général ! Socialisme et féminisation de la société l’imposent.
  2. Non à gauche ! Heu à droite !
  3. Heu général !
  4. Heu général !
  5. Oui général sauf chez les européistes à tout crin !
  6. Oui général !
  7. Heu général !
  8. Non général !

Entre ignorance, réflexes pavloviens, idéologie, appétit de consommation médicamenteuse et soucis de sa petite santé, il n’y a aucune politique sérieuse, touchant aux causes, qu’il soit possible de mettre en œuvre en France.  Aucun des gourous dénonciateurs que la période a fait pulluler ne se saisira avec réalisme du problème. Bien trop complexe et dangereux.

Alors on va faire semblant, avec un lot de demi-mesures, le tout noyé dans une com’ orientée expliquant que le problème est réglé. L’Europe spécifiera des domaines stratégiques, avec les stocks afférents. On réouvrira quelques ateliers témoins. Les chaînes d’infos passeront des reportages édifiants où on verra quelques machines sortant à toute vibrure des milliers de pilules avec un commentaire chargé d’émotion et de reconnaissance. Peut-être même une bienveillante caméra accompagnera un Président, premier de cordée, pendant une visite en tenue médicale Gucci dans le dit laboratoire et qui fera ensuite une analyse de cinq heures des bienfaits de la relocalisation heureuse, avec bronzage intensif, œil bleu renforcé et zozotement gommé.

Et stop !  

Dormez tranquille !

Commentaire
DvD's Gravatar Très intéressant dans cette période de voir qui sont les Atlas qui portent littéralement le monde sur leurs épaules. Sans surprise, Jupiter n’en fait pas partie.
# Posté par DvD | 16/05/20 15:14
DD's Gravatar Les langues commencent à se libérer dans le monde médical muselé jusque là. Quand le docteur Michael Peyromaure, chef de service urologique de Cochin remet en cause les 35 heures et milles autres réglementations qui font que le travail se situe entre 32 et 35 hors maladie maternité etc. Quand il ajoute que la décision est désormais partagée sur tout et rien par une multitude de services qui s'enchevêtrent et ne permettent pas de mettre en place simplement des solutions qui en elles mêmes ne coputent rien, donc que la bureaucratie a paralysé l'action médicale. Quand il complète que la gratuité des soins est folle. Quand il rappelle que les bons de transports sont une gabegie et une scandale. Il ne fait que reprendre avec l'autorité d'un vrai médecin de qualité tout ce que nous écrivons depuis 12 ans sur ce site dans le silence absolu des médias. .

Alors nous disons merci à la crise sanitaire de faire enfin remonter des éléments cruciaux de la vérité dans des médias qui jusqu'ici s'étaient tûs avec obstination pour ne pas déranger.

Briser le mur du mensonge en France est presqu'aussi dur qu'en URSS.
# Posté par DD | 19/05/20 00:56
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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