Ce qu'on disait en 1947.

"L’Europe qui s’était relevé rapidement des dévastations de la guerre voit aujourd’hui les conditions de son économie dangereusement compromises. Les répercussions de cette situation s’étendent à tous les secteurs de l’économie mondiale. Le rapport que nous vous soumettons aujourd’hui prouve qu’un remède est possible au mal si profond qui, à des degrés divers, atteint toutes les nations européennes. Ce remède doit être recherché avant tout dans l’effort individuel et collectif de ces nations […]. Considérant cette situation grave, les 16 pays européens ont pris un certain nombre d’engagements de coopération mutuelle, compte dûment tenu des engagements de même nature pris par les autres pays participants. Ils visent notamment les trois domaines suivants : production, stabilisation économique et monétaire intérieure, coopération européenne."

 Ce texte est d'Hervé Alphand, un des maîtres d’œuvre des Accords de Bretton Woods (il en était le négociateur avec Istel), Pierre Mendès France venant représenter le pouvoir politique du Gouvernement provisoire que de Gaulle avait fini par présider après avoir éliminé le général Giraud contre l'avis des Américains. Il énonce les conclusions d'une conférence internationale préparatoire du Plan Marshall.

Il est symptomatique de plusieurs conceptions :

 - Le sentiment que l'urgence de la reconstruction est derrière la France et les pays européens en 1947. Ceux qui pensent que les trente glorieuses sont la conséquence de la reconstruction apprécieront.

- La certitude que l'économique et le monétaire vont ensemble. La conférence de Bretton Woods concerne la reconstruction d'un cadre économique et monétaire pour la reprise des échanges commerciaux internationaux. Ce n'est pas une conférence monétaire comme l'histoire en a simplifié les objectifs. Cette règle de concomitance a été perdue. Pas de commerce sain sans une monnaie saine.

- L'obligation de la coopération d'abord en Europe mais aussi dans le monde : le texte est préparatoire au plan Marshall.

- Le souci de la production et pas de la "création de valeur". On veut du pain et de l'acier, de l'électricité et des vaches, du logement et des voitures, de la productivité partout.

- La diplomatie de la prospérité est le fait des ambassadeurs, pas des gouverneurs de banques centrales.

 

Ces conceptions aboutiront aussi à cette certitude que les forts doivent aider les faibles. La politique de Roosevelt et Cordell Hull était de détruire les empires européens (l'empire allemand étant par terre, il restait à détruire les empires anglais et français, notamment en imposant la décolonisation). Le plan de Morgenthau et de son adjoint White (qui dominera la conférence de Bretton Woods) était virulent sur ces destructions. La haine de Roosevelt contre de Gaulle provenait d'abord de ce souci de ne pas revoir la France jouer un rôle quelconque sinon de vassal édenté. Cette posture finira par céder à la nécessité de la collaboration pour sortir le monde de sa géhenne. Bien sûr, il y a des zones intéressées dans le plan Marshall : les Etats-Unis ont compris que le commerce ne repartirait pas et serait "mauvais pour la nation américaine" si la concentration des richesses aux Etats-Unis était maintenue (75 % environ de l'or monétaire mondial était encore à Fort Knox en 1947).

 Ces leçons devraient être encore totalement actuelles.

 - L'organisation et la bonne gouvernance comptent.

- La coopération internationale compte

- Le monétaire va avec le commercial

- Les marchés ne peuvent rien dans des cadres financiers et productifs totalement désorganisés

- Prêts et dons vont ensemble pour sortir d'un mauvais pas.

- Il faut produire, d'abord produire.

 Elles ne le sont plus.

 Tout est désarticulé et non coopératif sauf pour s'enfoncer dans le malthusianisme anti-productif dont la COP21 est le symbole.

Commentaire
Micromegas's Gravatar Je me demande toujours pourquoi ce site est le seul à analyser les faits et les concepts contemporains à la lueur de l'histoire économique. Le monde donne l'impression d'avancer dans le brouillard sans jamais regarder en arrière et sans remettre en cause les glissements de concepts et d'organisation qui ont mis l'économie mondiale par terre. Si tout allait bien on pourrait le comprendre mais vu le désastre actuel et ses conséquences politiques en France, cette carence du débat médiatique et politique est réllement consternante.
# Posté par Micromegas | 09/12/15 10:24
stephane's Gravatar @ micromegas :

je vous encourage à découvrir le site "contrepoints.org" alors !!
# Posté par stephane | 09/12/15 14:35
Micromegas's Gravatar @Stephane

Etant moi-même d'inspiration libérale, le site que vous pronez m'est évidement sympatique. Jacques Garello est bien connu comme défenseur du libéralisme le plus large et beaucoup de ses thèses rencontrent mon accord. Il manque malgré tout l'aspect critique de certaines formes de libéralisme qui sont dangereuses. On ne peut pas expliquer la crise uniquement par le vilain Etat qui a tout pris. L'explication de la crise sur ce site est très courte et techniquement très floue. Ce que j'aime ici, c'est que les a priori idéologiques ne jouent pas trop. On regarde les faits et on essaie de trouver en toute bonne foi l'explication.
# Posté par Micromegas | 11/12/15 15:15
stéphane's Gravatar @ micromegas :

"certaines formes de libéralisme sont dangereuses" ah bon ? lesquelles ? la Liberté est dangereuse ? depuis quand ?

ou alors, nous n'avons pas la même définition de la Liberté.

Les crises s'expliquent bien sûr et la plupart du temps uniquement par les états, cf "les dépressions économiques" de Murray Rohbard , ou alors" l'action humaine" de Von Mises pour les explications détaillées.

Le site contrepoints a une vocation plus générale et philosophique que la seul explication de la crise actuelle,m ais en cherchant dans le moteur de recherche des publicateurs comme P. Salin, Charles Gave ou alors des articles sur Rothbard et les crise (en relation avec le livre plus haut cité) je pense que les origines de ces crises sotn parfaitemetn analysés, et même plus fondamentalement que le clercle des économistes e toile.

Car Mr Dufau dénonce la double pyramide de crédit (comme Rueff, xcité dans contrepoints), mais d'où vient-elle cette double pyramide de crédit si ce n'est de dysfonctionnements provenant de l'intervention des états dans l'économie ?

Le terme d'a priori idéologique ne s''applique pas au libéralisme, philosophie fondée sur la Raison, donc pas sur des a priori.
# Posté par stéphane | 11/12/15 16:47
DD's Gravatar La monnaie est née au croisement du sabre et du goupillon sept siècles avant JC, principalement pour faire la guerre et alimenter les temples. L'économie est née avec Copernique qui a été le premier à avertir les rois et les églises que la monnaie n'était pas la vraie richesse mais la production. Sa position sera reprise au 18ème devant les méfaits réels du passage au billet de banque. Depuis le guerre de 14, le système à peu près stabilisé d'une monnaie d'or international (avec moult ennuis et accomodements) a sauté du fait du passage de facto à la fiat money. Les guerres ont été le moteur de l'évolution de cette monnaie créée par les banques centrales et amplifiée par les banques. On eut l'entre deux guerres qui suscita une prise de conscience. Après la période heureuse de Bretton-Woods, née de ces observations, on a fait sauter le système parce qu'il empêchait les Etats-Unis d'avoir une politique impériale (guerre et course aux étoiles). Encore le sabre. La destruction des accords a eu pour conséquence funeste de créer la double pyramide de crédits qui a fini par faire sauter le système.

Donc la question monétaire est toujours aujourd'hui associée à des questions de puissance, le goupillon pouvant encore jouer sur les guerres comme le prouve Daech.

13 000 milliards de création monétaire par les banques centrales depuis 2008 ! Cela n'a rien à voir avec l'économie réelle. Mais l'économie libre des changes flottants avait créé 12.000 milliards de dettes irrécouvrables.

La question n'est pas "c'est la faute à qui ?". Bretton Woods marquait une triple évidence :

- la paix est d'abord le chemin des monnaies stables
- les échanges vont avec la monnaie
- la monnaie doit être garantie par les Etats dans le cadre d'un accord général de collaboration avec des règles et un surveillant.

Les Etats Unis ont cassé les trois règles qu'ils avaient ontribuées à mettre en place.

La guerre froide leur a imposé de faire sauter tous les verrous monétaires
Les échanges ont été disjoints de la monnaie.
Les Etats ne sont plus responsables de rien.

D'où un désastre.

Les questions restent toujours les mêmes :

- Comment gère-t-on une "fiat money" créée par les banques centrales et amplifiée par le système bancaire ?

- Comment assurer la paix et, dans ce cadre, toujours maintenir le lien entre monnaie et activité économique ?

- Comment ajuster sans déflation les écarts qui se créent entre les Etats.

L'idée que c'est en supprimant le rôle des Etats, et en laissant s'exercer sans entraves toutes les libertés économiques n'a pas connu la réussite que Friedman en attendait. Toutes ses prévisions se sont révélées fausses.

Il faut revenir à un organisation interétatique à la fois souple et ferme qui évite les doubles pyramides de paiements et le financement des guerres par la monnaie. Il faut donc la paix. Une chance unique a été perdue après 93. La crise avait été assez pédagogique pour forcer le changement ; la paix était là. On a tout raté.

La crise actuelle n'est plus pédagogique : on gère l'urgence en permanence ; La guerre est là qui fait sauter les volontés d'organisation sereine.

La monnaie est malheureusement un affaire d'Etat. En attendant le dépérissement de l'Etat, il faut s'organiser. Entre Etats. Pour ne pas nuire à l'économie.

Cela n'empêche pas d'être l'avocat, comme nous le sommes, des libertés économiques et de la liberté en général.
# Posté par DD | 12/12/15 13:34
stéphane's Gravatar @ Mr DD :

La monnaie est née au même moment que l'échange entre êtres humains se complexifiait suffisamment pour nécessiter un autre outil que le troc.

Des exempes d'utilisation de coquillages comme monnaie remontent à plusieurs millénaires avant Jésus Christ.

La monnaie est une convention sociale (car elle est liée à une idée de valeur) et n'a pas besoin d'un état pour exister.

L'or a servie de monnaie étalon partout dans le monde pendant plusieurs millénaires sans que ce soit un état qui le décide...

"la monnaie doit être garantie par les états" => soyons sérieux, c'est comme si vous affirmiez que le feu doit être combattu par les pyromanes...


Friedman avait tort, mais pas comme vous l'entendez. D'abord, ce que préconisait Friedman, c'est d'enlever le contrôle de la monnaie de la main des états ou des banques centrales, et ensuite, defaire croître l'encours monétaire d'un certain pourcentage par an, afin de favoriser la croissance.

Là où Friedman a eu tort, c'est bien entendu dans le rôle de la monnaie pour favoriser la croissance : jamais aucune manipulation monétaire n'a pu jouer un rôle dans l'augmentation de la productivité marginale.

Vous dites que ce que préconise Friedman n'a jamais marché : d'abord, ce qu'il préconisait REELEMENT (cf supra) n'a jamais été tenté, un.

Deux : supprimer le rôle des états dans la gestion de la monnaie et laisser sans entrave jouer toutes les libertés économiques, cela ne s'est jamais passé !!

Trouvez moi donc un seul exemple de monnaie non trafiquée depuis la fin des accords de Breton woods ?

La monnaie n'est pas une affaire d'état, la preuve : les accords de Bretton woods !!

=> ils empéchaient les états et les gouvernements de s'affranchir de toute réalité économique en reliant toutes les monnaies à l'étalon or, intrafiquable, car n'étant pas une affaire d'état !!

"la monnaie est une affaire d'état" => soyons sérieux, c'est comme si vous affirmiez que le feu doit être combattu par les pyromanes...

Pour comprendre ce qu'est la monnaie : "la vérité sur la monnaie" de Pascal Salin.

Ou alors, il y a un bon passage dans l'action humaine de Von Mises, bien sûr ...
# Posté par stéphane | 14/12/15 10:56
DD's Gravatar "La monnaie est née au même moment que l'échange entre êtres humains se complexifiait suffisamment pour nécessiter un autre outil que le troc".

J'attire votre attention sur le fait que cette assertion, que l'on retrouve dans trop de manuels d'économie classique, est totalement fausse. Les sociétés antiques ou primitives n'ont jamais fonctionné sur le troc. C'est une fiction que tous les historiens de ces périodes ont abondamment dénoncée. Si vous lisez toutes les études sur les sociétés primitives, amérindiens ou papouasie, vous ne voyez pas de troc. Les sociétés claniques fonctionnent sur l'attribution des missions et la spécialisation des rôles, pas sur le troc. Les villes Etats mesurent les richesses dans trois buts : établir les stocks, les tributs et les sanctions. Les étalons de valeur ne circulent pas.
Dans la haute antiquité grecque et égyptienne, la monnaie ne circule pas. Les rôles sont répartis parfois de façon violente. On est esclave, soldats, prêtres etc.

Les rois lyciens mettent en place la monnaie d'electrum d'abord pour des raisons fiscales associées aux sacrifices des temples. Le sacrifice d'hommes et de bétail parait de plus en plus inconfortable comme moyens de donations aux temples. On payait sa dette par compensation, c'est à dire en nature. On pouvait pêtre amené à donner sa fille ou sa femme ! La ritualité religieuse utilisait déjà dans les classes élevées des sacrifice sous forme de petite bulle d'electrum. Qui a eu l'idée de normaliser pour la première fois la valeur faciale "garantie" d'une pièce (boule de métal aplatie d'un poids normalisé et garanti par l'Etat) ? Un roi lycien qui aussitôt en a rendu l'usage indispensable pour l'impôt et surtout la dîme. Il a ensuite vu tout l'intérêt pour recruter des mercenaires. Les guerres avec Darius sont financées par l'or du Pactole et ensuite par l'or de Philippe. Les marchands du temple vont se saisir de ce nouvel instrument qui va rapidement se généraliser. Les Phéniciens refusent pendant trois cent ans d'utiliser la monnaie. Ce sont pourtant les véritables marchands. La monnaie triomphe au quatrième siècle avant JC seulement.

Telle est l'histoire. L'or est depuis synonyme de puissance impériale ou autre et le sera jusqu'à la guerre de 14.

La monnaie commodité née des inconvénients du troc est une fable pédagogique. Ce qui est vrai, en revanche et indiscutable, c'est que l'échange monétaire est plus pratique que l'échange en nature. Sur ce point, nul doute.
# Posté par DD | 14/12/15 17:00
stéphane's Gravatar @ DD :

Alors je reformule dans le cadre d'un raisonnement économique plus fondamental :

La monnaie se met à exister au même moment où la spécialisation des individus s'intensifie un tant soit peu.

Sans monnaie, pas de spécilalisation des individus, pas de hausse de la productivité, pas de création de richesses.

La spécialisation du travail ayant commencé au néolithique, parler de mythe quand à l'existence ou non du troc (qui est une pratique qui a toujours existé et qui existe encore) c'est ne pas prendre de risque, aucune preuve de son existence (comme de sa non existence d'ailleurs) n'existe.

La monnaie est liée à l'échange humain, qui ne date pas de Darius.

J'ai cité l'or et les coquillages, mais je crois me souvenir que les légionnaires romains étaient parfois payés avec du sel, d'où l'origine du mot salaire parait-il.

Les aztèques utilisaient le cacao, etc etc etc ...

Bref, une monnaie, c'est un bien ayant une certaine valeur qui tient dans le temps, et c'est surtout une convention sociale, car la notion de valeur est subjective, donc sociale.

Croire qu'un organisme supérieur (un Etat) est capable et doit fixer ce qu'est une convention sociale, cela s'appelle du constructivisme, et c'est une "présomption fatale" (Hayek).

De même pour les taux d'intérêt : un taux d'intérêt, c'est un marqueur de préférence pour le présent par rapport au futur né de l'interraction et de la confrontation des préférences de millions d'individus.

Dire qu'une Banque Centrale ou un état doit fixer des taux d'intérêt, quand on sait ce que c'est qu'un taux d'intérêt, c'est comme affirmer que l'état décide des goûts et des appétences de millions d'individus, et qu'il sait mieux qu'eux ce qui est bon pour eux.

Bref, du constructivisme matiné de totalitarisme et de négation de l'individu.

Cela ne peut pas marcher (d'ailleurs, nous en avons la preuve depuis la fin de bretton woods)

L'état, ce n'est pas la solution, c'est l'état le problème. (Reagan)

Vous dites que pour sortir de cette situation où nous ont plongé des hommes politiques arrivistes et irresponsables (pléonasme), c'est de confier la situation à des hommes politiques raisonnables, mais c'est de l'utopie.

Le pouvoir rend fou, et, comme disait Herbert Spencer, il n'existe pas d'alchimie politique qui transforme des instincts de plomb en une conduite d'or.

C'est la seule "faille" de vos raisonnements pour une sortie de crise possible.

Vous dites qu'il faut plus d'état, mais un état responsable (or c'est impossible, ça n'a jamais existé et ne peut exister).

Les libertariens disent qu'il faut moins d'état, et donc plus de responsabilités de chacun des acteurs économiques, car un état, un gouvernement responsable, c'est impossible.

Bien cordialement,
# Posté par stéphane | 15/12/15 10:41
DD's Gravatar Quelques remarques :

"La monnaie se met à exister au même moment où la spécialisation des individus s'intensifie un tant soit peu."

Non. La monnaie est inventée par les rois lyciens au moment où clergé et princes trouvent que c'est un moyen pratique de régler leurs affaires (soldes pour les uns, sacrifices, rites et financement des prêtres, pour les autres). C'est purement et simplement de l'histoire.

"Sans monnaie, pas de spécialisation des individus, pas de hausse de la productivité, pas de création de richesses."

Non. Les cités antiques étaient très productives (pour l'époque) et spécialisées. Mais les rôles étaient répartis. La violence et les habitudes cadraient les comportements. L'esclavage a été le mode de production de l'énergie pendant des millénaires. Rien à voir avec la monnaie. Les femmes avaient un rôle strictement dévolu. Les "ordres" étaient la base de la ruche.
Oui : la monnaie est une invention qui a permis le développement du capitalisme, c'est-à-dire une certaine décentralisation de la production par rapport aux princes et à l'Eglise. Le sabre et le goupillon ont inventé un instrument qui allait progressivement leur poser de grands problèmes et finalement détruire largement leur emprise.

"La spécialisation du travail ayant commencé au néolithique",
Date à laquelle la monnaie n'existait pas. Votre assertion précédente est contredite.

"La monnaie est liée à l'échange humain, qui ne date pas de Darius".

Non. Les échanges ont été largement canalisés par la violence et l'organisation. L'échange dit "marchand" s'est développé très récemment à l'échelle historique.

"J'ai cité l'or et les coquillages, mais je crois me souvenir que les légionnaires romains étaient parfois payés avec du sel, d'où l'origine du mot salaire parait-il."

"L'or est la sang des dieux" ; il était concentré dans la main du clergé et des princes. Il ne circulait pas avant le 7ème siècle.

Le sel présentait des qualités intrinsèques de rareté, de poids et de conservation, en même temps que de nécessité des usages qui en faisait un moyen monétaire. Il était en usage en concurrence avec la monnaie métallique, surtout en période de rareté du métal. Il servait, entre les tribus, à payer partiellement le tribut ou comme cadeau. C'était une forme mal commode de monnaie. Mais la monnaie métallique existait aussi lorsqu'on l'a utilisé.

Quant au Cauris, ils ont servi de monnaie divisionnaire jusqu'au 20ième siècle.

"Les Aztèques utilisaient le cacao"

Oui, comme monnaie de compte. Mais la cabosse ne circulait pas. Elle le fera avec l'arrivée des Européens.

"Bref, une monnaie, c'est un bien ayant une certaine valeur qui tient dans le temps, et c'est surtout une convention sociale, car la notion de valeur est subjective, donc sociale."

Oui : et c'est tout le problème. La valeur nominale est l'affaire de l'état ; la valeur d'échange des marchés.

"Croire qu'un organisme supérieur (un Etat) est capable et doit fixer ce qu'est une convention sociale, cela s'appelle du constructivisme, et c'est une "présomption fatale" (Hayek)."

La valeur nominale a toujours été fixée et garantie par l'Etat. Les économistes depuis Copernic ont tenté de faire comprendre aux Etats que la vraie valeur venait de production et des échanges libres et pacifiques. Et les Etats ont toujours voulu croire que la monnaie était le vecteur de la fiscalité et du financement des guerres. On fait sauter l'étalon or pour financer la guerre de 14-18. On fait sauter le système de Bretton-Woods pour financer la guerre du Vietnam et la course aux étoiles.

"De même pour les taux d'intérêt : un taux d'intérêt, c'est un marqueur de préférence pour le présent par rapport au futur né de l'interaction et de la confrontation des préférences de millions d'individus."

Sauf que les besoins de l'Etat prime dans la pratique et que les taux d'intérêt sont désormais de jure et de facto entre les mains des banques centrales, un démembrement de l'Etat.

"Dire qu'une Banque Centrale ou un état doit fixer des taux d'intérêt, quand on sait ce que c'est qu'un taux d'intérêt, c'est comme affirmer que l'état décide des goûts et des appétences de millions d'individus, et qu'il sait mieux qu'eux ce qui est bon pour eux. Bref, du constructivisme mâtiné de totalitarisme et de négation de l'individu.".

Oui, mais c'est un état de fait et de droit. La question reste toujours la même : comment contraindre les Etats à ne pas faire n'importe quoi pour des besoins de puissance.

"Cela ne peut pas marcher (d'ailleurs, nous en avons la preuve depuis la fin de bretton woods)"

Bretton Woods avait l'avantage d'interdire certaines pratiques des Etats. Pour simplifier, d'avoir d'énormes déficits ou excédents. La faiblesse des accords est d'avoir accorder des privilèges impériaux aux Etats-Unis. Ce sont ces privilèges qui ont conduit à la fin des accords.

"L'état, ce n'est pas la solution, c'est l'état le problème. (Reagan)".

L'Etat est à la fois la solution et le problème. La question est de savoir comment cantonner l'Etat pour qu'il ne nuise pas à l'économie. La négligence offensive de Reagan en matière de relations économiques extérieures a été un très grand problème qui a conduit à la terrible crise de 92-93 et légitimé les erreurs ultérieures qui font que nous en sommes où nous en sommes.

"Vous dites que pour sortir de cette situation où nous ont plongé des hommes politiques arrivistes et irresponsables (pléonasme), c'est de confier la situation à des hommes politiques raisonnables, mais c'est de l'utopie. Vous dites qu'il faut plus d'état, mais un état responsable (or c'est impossible, ça n'a jamais existé et ne peut exister)."

C'est bien possible mais en attendant le dépérissement de l'Etat (c'est pas pour tout de suite), il faut bien faire quelque chose. La coopération internationale des Etats est indispensable. Sinon on se retrouve là où on est.

"Les libertariens disent qu'il faut moins d'état, et donc plus de responsabilités de chacun des acteurs économiques, car un état, un gouvernement responsable, c'est impossible."

J'ai été un des premiers à parler d'Ayn Rand. Même sur ce blog. Le message libertarien est intéressant. La fuite des patrons et des fortunes en France crée une situation qui ressemble un peu à celle décrite dans "La Grève".


La difficulté actuelle est que tout en se cachant derrière les libertés, les Etats ont créé des systèmes dysfonctionnels. Je crois aux vertus de la canalisation : la liberté s'épanouit si on lui donne un cadre adapté. Sinon on sombre vite dans la licence et les conflits. Une liberté sans aucun cadre est depuis que la philosophie existe considérée à juste titre comme une utopie. Le vrai libertaire n'est pas celui qui crie "ni Dieu ni maître" ; c'est le bâtisseur d'écluses et de canalisations. Elles seules permettent aux libertés de servir durablement l'humanité.
# Posté par DD | 15/12/15 13:02
stéphane's Gravatar Quelques remarques sur vos remarques :

Si la monnaie, cad un moyen d'échange et de paiement, n'existe pas dans le cadre de la spécialisation du travail, cad quand on passe d'une société humaine faite de petites collectivités (fait de quelques familles) de chasseurs cueilleurs à des sociétés plus organisées (village et ville) faites d'agriculteurs éleveurs, et si le troc n'existe pas selon vous, bref, si l'échange, d'après ce que vous affirmez, n'existe pas avant les rois lyciens, comment ces sociétés ont pu se créer ?

comment l'échange, base de la vie en communauté, a pu se faire ?

L'être humain n'a donc jamais échangé avant le 18 ième siècle ?

C'est contraire au bon sens.

Ce serait un dictateur primitif, meilleur encore que big brother, qui gérerait toutes les interactions humaines ?

voyons ...

Et puisque vous parlez d'histoire, le shekel est un moyen de paiement inscrit dan les tablettes sumériennes plus de 3000 ans avant JC.

Dans la bible, Abraham achète des biens avec des sicles d'argent.

L'Histoire ne commence qu'avec les rois lyciens ?

"la spécialisation du travail commence au néolihtique" => ça c'est un fait.

"la monnaie n'existait pas au néolithique" : relisez moi, c'est votre affirmation,pas la mienne.

Pour moi, s'il y a spécialisation, c'est pourqu'il y est échange, et donc utilisation de monnaie ou de troc.

Tous les textes de l'antiquité parlant d'échanges matériels entre êtres humains font référence à des monnaies ou à du troc, et jamais à l'organisation totale et complète des échanges humains par des dictateurs primitifs.

"les cités antiques étaient très productives pour l'époque" => affirmation qui mériterait d'être développée, comment le savoir ? productives par rapport à quoi ?

Et même en étant très productives (??), produire des biens différents implique l'échange, donc soit le troc, soit la monnaie, aucun roi ou dictateur ne peut (ni d'ailleurs maintenant malgré les techniques modernes) controler tous les échanges humains ...

Les preuves d'utilisation de moyens d'échange que l'on peut qualifier de "monnaie" sont légion, et bien avant les rois lyciens, et dans tout autres buts que religieux ou guerrier.

Le capitalisme, c'est la propriété privée des moyens de production, c'est le début d'un premier respect des droits de propriété qui permet la naissance du capitalisme.

"les échanges ont été largement canalisés par la violence et l'organisation" : vous êtes en train d'affirmer que des dictateurs de sociétés primitives sont plus efficaces dans le contrôle des populations que big brother dans 1984, nous ne serons jamais d'accord sur ce point ...

Ok, puisque l'or ne vous convient pas, parlons de l'argent, attesté et utilisé dans les civilisations sumériennes ...

La valeur nominale d'une monnaie n'est pas une affaire d'état, c'est lui qui s'est arrogé ce droit, tout à fait indu.

Sur le reste, vous soulignez encore une fois que le problème vient de l'état.

Ce n'est pas parce que l'état s'est arrogé par la force le pouvoir de fixer le prix de la monnaie et des taux d'intérêt qu'il a la légitimité pour le faire.

La force ne donne pas la légitimité, c'est toute la différence entre le droit positif et le droit naturel.

"comment contraindre les états à ne pas faire n'importe quoi ", c'est la même question que pour "comment contraindre les rois ou les dictateurs à ne pas faire n'importe quoi".

On ne peut pas, il faut supprimer les états, le monopole de la force est une absurdité, la notion d'état nation est une absurdité.

Pour lutter contre un état, il faut multiplier les contre pouvoirs et les petits états, un peu comme lefont les Suisses.

"le déperissement de l'état, ce n'est pas pour tout de suite" nous sommes passés de 50 états en 1945 à plus de 200 aujourd'hui, de nombreuses régions veulent être autonomes (Catalogne, Ecosse, etc ..)

le dépérissement des états est un phénomène lent, mais qui semble bien enclenché.

Alors que fait-on ? renforçons encore la concurrence entre état, mais la bonne concurrence : la FISCALE !!

Un état est contraint quand il n'a plus d'argent...

Ayn Rand est minarchiste, pas libertarienne (la différence ? l'état minimum est un plancher pour les minarchiste, il est un plafond pour les libertariens)

Dans la Grève, les citoyens américains ne votent pas avec leurs pieds, hélas ...

Le seul cadre de la Liberté, c'est la Justice, cad le respect des droits fondamentaux des individus ...

Une liberté sans cadre, c'est une licence, rien à voir avec la Liberté.

"les libertés servent durablement l'humanité" phrase utilisant des réifications, ce n'estpas l'humnatié que la liberté doit servir, mais l'individu.

Un libertaire n'estpas un libertarien, un libertaire ne reconnait pas le droit de propriété, il prône l'anarchie chaos.

L'anarcho capitalisme a des règles très strictes pour que les individus puissent s'épanouir (cf Murray Rothbard, l'éthique de la Liberté).

Bien cordialement,
# Posté par stéphane | 16/12/15 11:12
DD's Gravatar Une dernière remarque portant sur la différence entre monnaie de compte et monnaie circulante, et nature de la quesstion générale qui se pose aujourd'hui en matière monétaire.


Le Seckel est une unité de poids, et comme souvent, une unité de poids est devenue unité compte. Le décompte en unités de compte est plus vieux que la monnaie circulante. L'innovation des rois Lyciens est l'emploi d'une monnaie métallique étalonnée à des fins de circulation. Les tablettes sumériennes constatent des états mesurés de ressources. Les mercuriales donnant la valeur relative de biens existent depuis des millénaires. Elles servait à établir des compensations. "Tu as écrasé son canard ; tu lui donneras deux poulets. Tu as tué ta femme de ton voisin, tu donneras ta fille en esclavage pour 20 ans". Les décisions de justice et les tables de la loi sont des sources sympas pour établir les valeurs relatives de bien, telles qu'on les voyait alors. Mais ces premiers seckels ne circulaient pas. La comptabilité a précédé la monnaie circulante.Ce qu'on peut appeler le "capital" est centralisé entre les mains des princes et de l'Eglise (pour simplifier). Avoir un capital privé est une franchise concédée par les seigneurs jusqu'à la Révolution. L'autonomisation du capital et son affranchissement de l'emprise des Etats est toute l'histoire des dernières mille années. L'impôt sur les successions est la preuve que cette autonomie est précaire et octroyée.

L'économie des Cités-Etats, un sujet passionnant et assez mal traité, il faut bien le dire, est fondée quasi entièrement sur la répartition autoritaire des rôles. Pas sur l'échange marchand. Le paiement de tributs est pendant très longtemps un versement en nature. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y avait pas d'échanges, notamment entre cités-Etat, ni de troc. Mais ce n'était pas la base du fonctionnement de ces sociétés. Cela ne veut pas dire non plus qu'il n'y avait pas de comptabilité ni de dettes ni d'obligations.

La monnaie circulante sera une innovation qui aura un rôle central dans l'émergence du capitalisme.

L'approche historique tord le cou à certaines formes d'explications "naturalistes" et "essentialistes". Les premiers écrits économiques sont souvent victimes de ces simplismes.

"Avant la monnaie était le troc" est un de ces simplismes. On n'a pas besoin d'épouser toutes les thèses constructivistes ou chartalistes, pour constater les faits. La monnaie est un phénomène historique dont l'évolution, jusqu'aux formes actuelles mélangent de façon inextricable comportements économiques et réalités politiques. Il ya eu, il y a, il y aura toujours un conflit entre la monnaie "liberté frappée" et la monnaie, élément constitutionnel de la souveraineté.

Le stade actuel de ce conflit est la volonté des Etats de surveiller la totalité des mouvements de paiement donc une bancarisation forcenée imposée par l'Etat, tout en ne voulant plus s'occuper du sauvetage des banques et de la valeur extérieure de la monnaie. La monnaie n'est plus de la liberté frappée, du fait de la traçabilité de tous les actes impliquant un versement de monnaie. Les "dépôts" ne sont plus garantis, alors que les déposants ne sont pas à même de contrôler l'emploi des fonds confiés, surtout maintenant qu'ils peuvent être utilisés par les banques partout dans le monde. La cohérence monétaire internationale n'est plus assurée, les banques centrales étant désormais capables et autorisées à créer des milliards de dollars de monnaie sans contrepartie réelle future dans un surcroît de production.

Nous sommes donc à un tournant de l'histoire monétaire où la question de la gestion des "fiat monnaies" concurrentes dans un contexte de durcissement de l'emprise des Etats sur leurs citoyens et d'absence de maîtrise des transactions internationales par les mêmes états devient épique.

La question de la gouvernance monétaire est posée. C'est celle-ci qu'il faut résoudre.

Merci de m'avoir permis de préciser ces différents points.
# Posté par DD | 18/12/15 11:40
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Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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