En finir avec la banque universelle française
On est toujours fasciné de voir une profession cartellisée depuis Pétain sur les bases du fascio, en un mot une institution fasciste au sens propre du terme, et vivant en symbiose ouverte avec la haute fonction publique et l'énarchie qui a capté le pouvoir politique en France, se comporter comme des voyous en bande organisée n'oseraient pas le faire, avec l'onction des juges et des politiques.
Prenons un exemple minuscule. Une jeune association se voit imposer début 2017 sans discussion 480 euros de frais de tenue de compte par an pour une recette d'association de 800 euros. Elle est obligée de disposer d'un compte pour encaisser les chèques de cotisants. Elle ne peut garder de l'argent en liquide.
L'exemple est intéressant du fait de la nature très particulière du contrat de tenue de compte par une banque. Comme nous l'avons vu à plusieurs reprises sur ce blog, ce qu'on appelle un dépôt à vue n'est pas un dépôt au sens du droit civil habituel. L'argent versé sur le compte appartient aussitôt à la banque qui en récupère et l'usus et le fructus. Elle en fait rigoureusement ce qu'elle veut sans que le déposant ait la moindre information sur l'emploi des fonds. En contrepartie le client dispose d'une créance sur la banque. Normalement une créance doit être rémunérée. Et c'est là que tout devient psychédélique. La banque a récupéré la pleine propriété du contenu déposé par la petite association et va en faire son miel. elle prend en fait une commission de gestion sur son propre avoir, puisqu'elle a la pleine propriété du contenu du compte. Qui plus est en volant plus de la moitié de la somme déposée. Vous avez bien lu : grâce à nos aimables législateurs, entièrement entre les mains de la haute administration qui vit en symbiose avec les grandes banques universelles françaises, ces dernières gèrent leur argent à vos frais. Cette scandaleuse inversion de toutes les règles de la normalité juridique peut s'analyser, si on préfère, comme un prélèvement à taux usuraire non pas sur le débiteur mais sur ses créanciers. Chapeau ! La banque qui doit de l'argent à ses déposants (les soi-disant dépôts sont une dette comptable et réelle), leur prélève une quote-part démentielle de sa propre dette à titre d'intérêts usuraires inversés !
On marche totalement sur la tête.
C'est contraire à tous les principes du droit. En un mot c'est du vol organisé par une mafia qui vit à cheval entre l'Etat et le secteur bancaire et qui légifère en sa faveur avec une totale absence de principe pour son seul intérêt et celui d'une brochette de cadres aux bonus extravagants compte tenu des pertes abyssales qu'ils ont réalisées.
Si le Conseil Constitutionnel avait un sens, il aurait dû retoquer ces textes aberrants qui rendent obligatoire le compte courant et en organise le vol "légal". Le lobby pétainiste a fait en sorte qu'on ne puisse sortir d'un compte qu'à son détriment et au profit d'une autre banque. Et il fait la chasse au liquide pour imposer la traçabilité totale de tous les échanges. En un mot la grande banque universelle française est un système qui a accepté d'être un auxiliaire du fisc pourvu qu'on les laisse se goinfrer sans limite au mépris du droit.
Le tout baigné dans un bla-bla sur la "banque éthique" et autres balivernes pour gogos.
Nous aurions pu naturellement rappeler les grands délires des banques universelles françaises. Les exploits du "crazy Lyonnais" restent dans toutes les têtes. Les techniques de gestion avancée de la spéculation de la Société Générale sont encore fameuses. C'est la ruine de trois fonds de BNPPARIBAS qui déclenche la crise des marchés monétaires mondiaux et l'explosion financières de 2008. Le Crédit Agricole se fait étriller sur tous ses rachats de banques, totalement aventurés. Dexia a été le succès que l'on sait. Un livre récent montre comment est gérée la Caisse des Dépôts, tenue étroitement par la mafia des inspecteurs des finances qui mélangent adroitement positions administrative et politique. La ruine de Groupama qui croyait faire une bonne affaire en rachetant de la dette grecque et italienne n'est pas mal non plus.
Rappelons au passage que nationalisation puis dénationalisation ont fait de ces banques universelles "privées" l'exemple français d'une oligarchie à la soviétique.
Et si on veut encore remonter le temps, évoquons le glorieux souvenir des contrats d'assurance collective souscrits sans qu'ils le sachent par les déposants, énorme escroquerie qui voyait quelques complices à la tête des banques et des assureurs se gaver d'énormes prébendes sous forme de commissions d'apport ou de gestion, ou en volant carrément les excédents techniques des contrats d'assurance.
À chaque fois, à la tête de ces groupes, c'est une poignée de dirigeants qui se sont servis sans limite. Et les sommes se comptent en dizaines millions d'euros. Au total à peine plus de 500 personnes enrichies sans cause alors qu'ils ont ruiné leur établissement et essaient de se refaire la cerise avec l'argent des déposants.
Il faut évidemment démanteler ce système mafieux. Comment ?
C'est très simple. Le premier acte est de créer un concept de banque de paiement qui reçoit de vrais dépôts qui restent la propriété des déposants. Ces banques sont des sociétés de purs services qui doivent être soumises à une concurrence féroce, afin de faire descendre les frais de gestion au minimum technique. Que ces sociétés facturent des frais au forfait ou à l'acte soit. Mais que les tarifs correspondent aux frais et une marge raisonnable. Gardons à l'esprit que toute la gestion est quasi automatique, reportée pour la saisie sur l'usager et que la réduction de l'usage des espèces limite encore les frais de gestion. Les frais sont essentiellement des frais d'amortissement de systèmes informatiques.
À chacun de choisir l'établissement le mieux disant pour des actes de simple tenue de compte et de paiement. Cette activité doit rester totalement indépendante de l'activité de crédits et du loyer de l'argent. L'avantage de banques exclusivement spécialisées dans le paiement, c'est qu'il n'y a aucune raison d'en brider l'extension internationale. Et il n'y a aucune raison qu'elles soient sous la tutelle de la banque centrale puisqu'il n'y a aucune gestion de risque.
À côté de ces établissements on aurait des systèmes totalement indépendants : les banques de crédits, travaillant sur argent collecté par souscriptions de bons ; Les banques de financements spécialisés ; Les banques d'affaires, travaillant uniquement sur fonds propres ou par émission d’obligations. Les fonds de placements et d'investissements et les organismes de gestion de fortune compléteraient le dispositif.
Tous ces métiers doivent être exercés dans des entités entièrement indépendantes pour éviter les conflits d'intérêts qui sont la base abjecte du système actuel.
Tous les contrats seraient clairs et nets. Et chacun prendrait ses risques de façon parfaitement lisible. Il serait parfaitement inutile de prévoir une garantie des dépôts. Et la faillite d'une banque de crédit ou d'affaires n'engagerait que des investisseurs assumant leurs risques.
Ce système qui se mettra en place à terme de façon presque obligatoire, parce qu'il est LE SEUL LOGIQUE et RATIONNEL. C'est le seul à ne pas être basé sur un concept de vol organisé. L'obstruction hargneuse des grandes banques universelles françaises et des hauts fonctionnaires des finances. doit être cassée avec toute la violence législative et réglementaire nécessaire.
C'est l'Europe qui devrait en prendre l'initiative.
Mais les obstacles sont nombreux : toutes les grandes banques néerlandaises, italiennes, allemandes, grecques, espagnoles sont quasi en faillite. Les Etats-Unis ont fauché tout le marché des grandes opérations de banques d'affaires transnationales. Le bunker français et les multiples établissements européens en difficulté forment un bloc aussi malsain que difficile à faire bouger.
Pourtant, il le faut. Sinon le vocable de bankster a encore quelques beaux jours devant lui. Aujourd'hui, il est parfaitement justifié.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
- la banque traditionnelle qui vous dépossède de votre argent et en fait ce qu'elle veut mais vous offre gratuitement en contrepartie la gestion de compte et de paiement
- Ce que vous appelez la banque de paiement, sans dépossession du déposant mais avec facturation des actes.
L'entre deux actuel est une gymnastique juridique trop acrobatique d'un point d'un droit rationnel, mais c'est aussi un problème d'efficacité.
Extraits du Temps
"Car si, en 15 ans, la productivité (en termes de chiffres d’affaires par employé) s’est accrue de 70% dans l’industrie alimentaire suisse et de 37% dans la construction, elle a diminué de 8% dans les banques."
C'est vrai en Suisse mais encore plus en France où la productivité bancaire est en chute libre.
En mélangeant des activités de banques spéculatives et la gestion technique des paiements, on a perdu de la productivité alors que la productivité potentielle des nouveaux systèmes de paiement est tout simplement gigantesques. Tout est à peu près automatique et ce qui reste manuel est transféré vers le client. Des technologies comme celle des fichiers répartis cryptés autogérés peuvent même rendre les frais de tenue de compte et les coûts par transaction presque nuls
La seule manière de faire apparaître la productivité latente est de séparer en effet banque de crédits et banques de paiements. Je ne suis pas sûr que le terme de banque soit adapté. Parlons d'institutions de paiements.
Il est vrai qu'une institution de paiement peut s'internationaliser sans dommage et au contraire réduire les frais de transaction internationale à l'heure actuelle facturés de façon exorbitante par les banques. L'Europe s'est lancée timidement dans l'affaire. C'est à cet échelon qu'il faudrait faire avancer la législation. Faut-il interdire la gestion des paiement aux banques ou simplement leur imposer des cloisonnements opérationnels avec spécialisation de filiales ? La question reste ouverte.
Mais à mon avis il faut imposer la séparation et aller vite vers la banque de paiement. Sinon, tout va venir de la Silicon Valley et l'Europe connaîtra une évolution forcée à son détriment et le cartel des banques se protégera en en faisant voir de toutes les couleurs à leurs clients, comme d'habitude.
A rapprocher de ce que dit Marc CHESNEY, Head of Department of Banking and Finance, Professor of Quantitative Finance, Zurich University
https://www.youtube.com/watch?v=jK3A5wat6Bk
CHESNEY est, malheureusement un médiocre orateur, mais son développement sur les banques "too big to fail" et les CDS est passionnant.
Il arrive à la même recommandation que vous s'agissant des banques de dépôt.
Ce que je trouve remarquable dans l'exposé cité, ce n'est pas tant l'analyse des défauts du système bancaire, alimentant une économie baudruche, très classique et que nous avons faite sur ce site dès le lendemain de l'effondrement de Lehman Brothers et d'AIG, que l'appel à la responsabilité des économistes et notamment des économistes officiels dont ceux qui ont une fonction active d'enseignement. Nous donnons par ailleurs une réaction sur une conférence récente de Patrick Artus qui montre bien que l'essentiel de la profession, surtout lorsqu'elle est rémunérée par les banques, regarde obstinément ailleurs et refusent de creuser les dysfonctionnements. Rappeler aux économistes qu'ils ont un devoir d'explication sur les malheurs du temps est fondamental.
Cela dit les dysfonctionnements de la sphère financière sont entièrement liés au système monétaire débile mis en place et son autonomisation par rapport à l'économie réelle. Lorsqu'on permet des millions de milliards de déficits ou d'excédents de balances de paiements qui sont recyclés avec multiplicateur, on abouti mécaniquement à une économie baudruche. On peut essayer de corriger voir d'étouffer l'amplificateur, solution proposée par le conférencier, cela ne changera rien ou pas grand chose si on ne touche pas à la source fondamentale des dérives.
Si on ouvrait les vannes du barrage d'Assouan, d'avoir enseigné à nager préalablement au plus grand nombre n'aurait pas de résultat. Ce n'est pas la manière dont l'eau frappe le pays qui compterait mais le fait qu'on ait ouvert le barrage.
Le barrage, en matière économique et financière, c'était le corpus de règles de Bretton Woods. On a tout enlevé. Le désastre est arrivé. Les bonus, la taxation des transactions, les règles comptables, les contrats bidonnés, la transformation des techniques de précaution (hedging) en moyen de spéculation sur des défauts couverts par les contribuables, la gestion à la microseconde des contrats sur les marchés financiers, et le développements de techniques qui n'ont aucun intérêt global mais qui fragilisent l'ensemble pour des gains sans causes réelles sont des défauts effectifs et mériteraient évidemment des corrections. Mais le plus simple serait tout de même de s'attaquer aux causes.
Sur l'organisation bancaire, l'auteur en reste à la division entre banques de dépôts et banques d'investissement. Nous pensons qu'il faut aller plus loin et séparer les banques de paiement des banques de crédit. Encore un effort !
Oui, cet appel à la réfonte de l’enseignement économique s'impose.
D'autre art, c'est vrai, si Chesney mentionne Bretton W dans son intro, il n'y fait plus aucune allusion dans la suite de son intervention et reste timide sur une réorganisation bancaire sectorielle.