Deux illusions tenaces

La France souffre de deux maladies tenaces : l’excès de dettes et l’excès d’impôts. Le témoin d’un excès de dettes est leur caractère irrécouvrable qui impose de les transférer le plus possible vers l’Etat, à charge pour lui de les amortir par l’impôt, où vers la banque centrale, à charge pour elle d’en diminuer radicalement le coût de portage ; celui d’un excès d’impôts, la faiblesse des investissements et la fuite des foyers aisés vers des cieux plus hospitaliers ou moins prédateurs comme on voudra.

Les deux excès se conjuguent. L’excès de dettes pousse à l’impôt. L’excès d’impôts pousse à plus de dettes.

On trouve aujourd’hui encore, malgré l’évidence des difficultés, de nombreux commentateurs ou auteurs qui poussent allègrement à l’impôt et à la dette.

La justification de ces positions n’est pas toujours très élaborée. « Vive l’impôt » est un signe de ralliement pour la gauche et la maladie particulière de l’Enarchie compassionnelle de droite (pensons à Giscard et à Juppé). La dette se justifie souvent par le faible taux des intérêts. La création monétaire paraissant gratuite, certains aiment à répéter qu’il faut dépenser à mort en imposant les riches, en ne craignant pas de s’endetter et en finançant l’état par a création monétaire.

Derrière ces simplismes on trouve en trame de fond deux raisonnements qui sont également controuvés.

Lors que les taux de dettes ont commencé à dépasser 400% des PIB locaux, pour s’élever parfois à des niveaux encore plus stratosphériques, des voix se sont élevées : en s’écartant ainsi du PIB de la nation hôte, les banques créent un risque systémique gravissime, puisqu’in fine, ce sont les Etats qui garantissent la parole des banques nationales et leur crédit. Dans la pratique, on demande aux peuples de payer pour la faillite des banques.  La réponse des adeptes de la mondialisation financières a été constante. Ce fut celle du FMI. Les crédits sont garantis par les actifs financés. Derrière la dette, il y a des usines, des productions, des gains attendus. Ces actifs sont mondiaux. C’est aux banques et aux mécanismes de hedging qu’il revient de stabiliser l’ensemble. Donc les banques en Islande peuvent dépasser 1000% d’encours bancaire puis que ce n’est pas le PIB local qui garantit les prêts mais l’économie monde et ses « actifs ».

On a vu ces illusions s’évaporer en 2007-2008. Aux Etats maintenant de payer les pots cassés. Demandez aux Grecs.

A-t-on pour autant abandonner l’idée que les prêts sont d’abord assurés par ce qu’ils financent ? Pas du tout. L’Europe a essayé de dégager les Etats de leurs responsabilités. On force les banques à mettre en face de leurs prêts des capitaux d’autant plus élevés que le risque est plus grand. On régente le tout de façon tatillonne. Et on indique qu’en cas de problèmes ce sont les déposants et les obligataires qui paieront les dégâts. Ce qui revient à dire : les actifs que vous financez sont votre seule garantie. Maintenant vous pouvez financer ce que vous voulez, partout dans le monde, avec de l’argent provenant d’où vous voulez. Les Etats réduisent vos capacités de prêts et ne viendront plus à votre secours. Mais la mondialisation heureuse peut continuer. Les américains, eux ont été un petit poil plus narquois : ils ont imposé que la finance mondialisée soit dominée par leurs banques et leur monnaie ! Dans la pratique, on a constaté une rétractation de l’activité des banques vers leur marché national. La déglobalisation bancaire est un fait. Et les étouffements administratifs ne garantissent rien du tout, sinon une inefficacité globale du secteur. Du fait de l’application de règles différentes un peu partout et de l’impérialisme juridique américain, cette inefficacité se double de distorsions de concurrence.

Nous pensons qu’au-delà de ces réserves, il est impossible de ne pas prévoir que les crédits globaux et autres « obligations de payer » ne soient pas maintenus dans des limites strictes par rapport au PIB. Nous considérons comme une faute inexpiable de n’avoir pas vu que le retournement du taux de dette/PIB, qui baissait continument depuis 44 a dépassé 200 puis 250, puis 300 puis 400% entre 71 et 2007. Comme on l’a souvent répété sur ce blog, une maturité moyenne des prêts de 5 ans avec un taux d’intérêt + frais de 5%, implique que l’amortissement de la dette et le paiement des intérêts  prennent 100% du PIB. Ce qui est naturellement impossible.  L’approche micro économique, prêt par prêt ou classe de prêts par classe de prêts, n’apporte aucune garantie. Et si le système pète, inévitablement si les taux dépassent 300%-400%, la perte des dépôts entraîne immédiatement une crise de type 1929.

On doit donc prévoir un contingentement global des en-cours de prêts. Comme il n’existe aucun organe global pour le faire, on en revient aux approches nationales. L’illusion micro-économique en matière de prêts est d’une extrême gravité. L’illusion qu’une approche par classe de prêts empêchera toute  difficulté est un péché contre l’esprit.

On retrouvera le mécanisme mental avec les mêmes conséquences dans le domaine fiscal.  Récemment encore lors d’un débat sur la TNT un économiste, au nom imprononçable mais au style catégorique, dégoisait cette fausse règle : la dépense publique ce sont des équipements collectifs et du bien social ; la contrepartie étant solide et indispensable, nous ne devons pas craindre qu’elle soit élevée. Inutile de dire que les équipements publics sont importants, comme le lien social. Mais ici aussi intervient le quantum par rapport à la production.

De même que le système de prêts lorsque les encours dépassent plusieurs fois la valeur du PIB n’est plus garanti par les flux de production  et ne concerne plus que des opérations spéculatives, de même lors que la dépense publique dépasse 35 à 40% de la production, il n’y a plus de contreparties tenables. On entre dans le gaspillage de ressources rares au détriment de l’économie. Comme nos lecteurs le savent nous avons l’habitude de faire le rapprochement des prélèvements et de la dépense publique de la valeur ajoutée des entreprises de plus de une personne du secteur non financier, ce qu’on appelle communément « les entreprises ».   On sait qu’en 2014 non seulement la dépense publique mais les aussi désormais les prélèvements ont dépassé la valeur ajoutée par les entreprises. Les Français ne disposent plus que de ce qui est redistribué ou emprunté, avec une baisse constante du revenu par tête depuis 2008.

Raisonner sur la dépense publique en oubliant de regarder le rapport avec le niveau de production est aussi sot que de penser la dette sans établir de rapport avec la production.  

La curiosité du moment est qu’on ne trouve personne dans les médias pour faire ces remarques élémentaires. Baigner dans un système mental qui fait l’unanimité de son clan ou de ses pairs est un grand danger. La lumière ne pénètre plus. Et casser le bloc mental congelé qui empêche d’accueillir la réalité est une tâche surhumaine.

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile  

Commentaire
S du Jonchay's Gravatar Fondamentaux !
# Posté par S du Jonchay | 02/11/15 11:04
Stephen Denitzev's Gravatar Ces deux observations paraissent "évidentes", avec toutes les limites que peut porter le concept et l'emploi de l'évidence. Et pourtant elles remettent en cause tout un pan de la révolution conceptuelle de l'économie portée par les universités américaines.

Différents auteurs ont voulu casser la distinction entre micro et macro économie qui gêne depuis longtemps. Il est difficile pour un scientifique d'admettre qu'il y ait une solution de continuité entre le tout et les parties. Le tout doit être d'une façon ou d'une autre la résultante des mouvements du sous-jacent. Certains ont pensé régler la question en éliminant la macro économie. Seule la micro économie comptait. La réflexion s'est donc portée sur les questions d'efficience du modèle de Walras et Pareto, donc sur l'efficience des marchés. Si des crises se produisaient, c'est que le modèle était mis en échec par des défauts. Si on supprimait les défauts, alors tout se passerait bien. De même qu'il y a des perturbateurs endocriniens, des pertubateurs économiques gênaient le bon fonctionnement des mécanismes de marché. Il fallait les supprimer et tout irait bien.

La liste des perturbateurs est infinie. Ne tentons pas ici d'en faire la liste exhaustive. Quelques indications tout de même.

L'homme concret, marqué par le péché originel est une source de difficulté. Des vilains peuvent casser la belle logique des marchés. Les crises sont le fruit de défaillances humaines qui doivent être sanctionnées. Le système lui est bon par nature. D'où la litanie des condamnations actuelles de personnes ou d'entreprises. De Madoff à BNPPARIBAS.

L'homme social, qui justifie l'Etat, est la seconde difficulté. L'Etat va empêcher la bonté des marchés de s'exercer et provoquer des catastrophes. Exemple type : les subprimes, voulues par l'administration Clinton.

L'homme national, non américain, est la troisième calamité. Il veut sa monnaie, ses règles, sa culture, ses habitudes, ses protections. Il faut lui imposer une monnaie régulée par les marchés, donc les changes flottants, des règles communes, imposées par le Grand Maître, c'est le traité transatlantique et le droit américain pour faire respecter les règles, et aucune limitation aux mouvements de capitaux, d'hommes et de marchandises.

Les fédéralistes européens ont fait un raisonnement identique. Plus de monnaies nationales, droit communautaire, aucune limitation des mouvements d'hommes, de capitaux et de marchandises, contraintes mises sur les Etats en matière de déficits et de dettes.

Ce qu'on appelle Organisation de la mondialisation est l'application pure et simple de ces règles, défendues par toutes les organisations économiques internationales (FMI, OCDE etc.).

Au final : baisse tendancielle du trend, crises financières, chômage de masse, dettes, fiscalité terrifiante.

On en revient à la question clé : tout s'explique-t-il par la micro-économie, ou existe-t-il un saut quantitatif et qualitatif entre micro et macro économie ?

En soulignant ces deux règles de base que ni l'impôt ni la dette ne peuvent s'interpréter sans faire intervenir les échelles macro économiques, votre article remet en cause les fondements même du consensus économique international qui règne depuis quarante ans.

Petites phrases, grandes conséquences. Tout cela va bien au delà de la querelle entre keynésiens et monétaristes. En sciences physiques, on admet parfaitement qu'il y ait des niveaux d'analyses imparfaitement emboités. On peut traiter de physiologie du corps humain sans passer par une analyse moléculaire ; on peut traiter de la chimie moléculaire sans faire intervenir les quarks. En sciences humaines, on sait très bien que les mécanismes sociaux globaux ne peuvent pas s'interpréter en terme de morale individuelle. L'Eglise a, elle même, toujours fait une distinction entre morale individuelle et collective.

On ne pourra redresser l'économie mondiale qu'en désemboitant les différents niveaux d'interprétation et d'action. C'est à dire en revenant sur quarante ans de tentatives infructueuses d'expliquer le global par la micro économie.

Bien du courage à vous !
# Posté par Stephen Denitzev | 04/11/15 11:08
S du Jonchay's Gravatar @Stephen Denitzev,
Votre déconstruction du sophisme de l'économisme libéral matérialiste est absolument lumineuse. Vous expliquez parfaitement pourquoi il n'y a aucune personnalité politique ou scientifique éminente qui sache dire quelque chose d'utile et efficace à partir du constat de Didier Dufau de l'anarchie stérile du pseudo système monétaire et financier actuel. Le désemboitement des différents niveaux d'interprétation et d'action est exactement le fondement de la chambre de compensation monétaire universelle que j'essaie de programmer informatiquement. La condition sine qua non d'une calculabilité de l'équilibre général des prix et du crédit à l'échelle mondiale est le compartimentage objectif et intangible à l'intérieur des paiements internationaux entre :
1) la liquidité des primes d'assurance des risques de capital systémique (macro-économie monétaire),
2) la liquidité des primes d'assurance des prix en crédit (macro-économie),
3) la liquidité des primes d'assurance des actifs financiers (micro-économie),
4) la liquidité des primes de rémunération des revenus du travail de production et de détermination de la demande réelle (micro-économie marchande du travail).
# Posté par S du Jonchay | 04/11/15 12:51
stéphane's Gravatar @ Du Jonchay :

accumulation de mots et de concepts (si on peut appeler cela des concepts) vide de sens.

Merci d'arrêter de polluer ce site sérieux avec vos concepts (??) fumeux svp.

Ou alors expliquer chaque mot, c'est incompréhensible.

"ce qui se conçoit bien s'énonce clairement" Boileau.
# Posté par stéphane | 04/11/15 14:28
S du Jonchay's Gravatar Économisme libéral matérialiste : prétention intellectuelle pseudo-scientifique à réduire toutes les réalités sociales et politiques à des interférences matérielles mathématiques sans objet ni sujet. Le libéralisme économique pose l'inanité de la loi humaine dans la définition des biens économiques et rejette en conséquence la régulation des échanges par l'égalisation des droits entre les personnes individuelles et collectives de toute condition. L'Etat libéral est pur concept qui ne doit pas être représenté par des personnes réelles impartiales dédiées à l'arbitrage de l'équilibre des rapports humains.

Anarchie stérile du pseudo système monétaire et financier actuel : qualification du régime économique et financier issu de l'abandon des accords de Bretton Woods et de la "libéralisation" des années 70-80. L'exclusion des Etats de droit et d'autorités politiques responsables dans la conduite des politiques monétaires nationales et internationale entraine la prolifération anarchique des dettes indépendante de toute quantification objective, vérifiable et mondialement consolidée de la production réelle publique et privée de biens et services.

Désemboitement des différents niveaux d'interprétation et d'action : la mesure du prix en crédit de la production en cours effectivement engagée ne peut pas être effectuée par ceux qui mesurent le capital effectivement disponible et investi dans la couverture des crédits émis non échus. L'allocation du capital en fonction des risques objectifs sous-jacents à la production financée par le crédit ne peut pas être décidée par ceux qui emploient, possèdent et rémunèrent le capital. La définition et l'évaluation des droits de propriété sur les actifs matériels et immatériels ne peut pas être objective et impartiale si dans les mains des intermédiaires du capital ou du crédit. Pour que les prix relatifs de l'assurance, du crédit, du capital et de la liquidité monétaire soient calculables dans la réalité objective, il faut une séparation juridique, comptable et gouvernementale entre les quatre degrés financiers de la liquidité.

Prime : plus-value objective liquide sur le prix nominal d'un actif titrisé et déposé dans un État de droit identifié, indépendant, responsable et gouverné.

Dérivé de crédit : prime d'option du prix à terme d'un bien réel légal effectivement livrable, monétisée par un opérateur financier sur le crédit accordé par une banque à l'actif sous-jacent effectivement employé par un gérant physique responsable identifié.

Prime de change : prime d'option du prix nominal d'un actif dans une monnaie converti dans une autre monnaie. La prime de change mesure à différents termes la variation relative escomptée des prix des biens dans des monnaies différentes. La prime de change est une estimation marchande de la plus ou moins-value latente entre deux systèmes économiques différents par l'équilibre intérieur propre à la souveraineté politique.

Evidemment il va sans dire que toutes ces notions sont par définition vides de sens dans le paradigme libéral actuel.
# Posté par S du Jonchay | 05/11/15 13:59
stephane's Gravatar @ Jonchay :

la prétention pseudo scientifique dotn vousparlez s'appelle l'économie mathématique, dénoncée par les vrais libéraux, Von mises en tête, depuis 60 ans, donc aucun rapport avec le libéralisme et le matérialisme.

votre définitino du libéralisme éxconomique est une accumulation demots qui ne veulent rien dire mis bout à bout. Le libéralisme, c'est le respect des droirs fondamentaux de l'individu, point à la ligne, d'où découle une forme économique qui prône la liberté des échanges par le contrat,c'est tout, allez étudier svp.

L'état libéral est un oxymore.

Pour info, la fin de bretton woods a redonné l'entière conduite des affaires monétaires aux états de droit, l'indépendance des banques centrales étant une vaste blague, regardez ce qui se passe actuellement svp.

les dettes sont parfaitement quantifiables de façon parfaitement objective, vous avez déjà lu des articles de ce site ou quoi ?

Sur le désemboitement, arrêtez d'accumuler des mots mis bout à bout sans lien intelelctuel, c'est pénible (mais très risible, je l'avoue, quel est votre définition du cuistre ?)

"la définition des droits de propriété ne peut pas être impartiale ? et pourquoi donc ? ce qui est à moi n'estp as à moi ?

séparation juridique, comptable et gouvernementale entre lesdegrés de liquidité ???? cela ne veut strictement rien dire.

je voisque pour les définiitons de la prime et des dérivés, vosu êtes enfin allé voir wikipedia, pouvez vous y aller pour voir les définiton du libéralisme, du droit de propriété, etc etc etc ?

Quelqu'un qui parle du paradigme libéral actuel ne comprend manifestement pas ce que c'est que le libéralisme.

Ou voyez vous du libéralsime dans la situation actuelle ????
# Posté par stephane | 05/11/15 18:10
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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