Le Grand Mensonge Immobilier
Pour l’observateur, l’économie de l’immobilier, dans ses multiples aspects, construction neuve et marché de l’occasion, « l’ancien », immobilier de bureau ou de logement, immobilier de loisirs professionnel et non professionnel, immobilier de propriétaire occupant et immobilier de propriétaire non occupant, est un sujet de frustration constant.
Le mensonge, par abstention d’une façon générale, prévaut systématiquement dans la couverture médiatique dès qu’il s’agit d’immobilier. Toute la presse est dépendante de la publicité immobilière. Le politique est constamment sollicité par la question du logement. Les intervenants professionnels n’ont qu’une crainte : que l’on dise que les prix baissent. L’industrie, la politique et les médias sont donc tous unis dans la certitude qu’il ne faut rien dire ou écrire qui puisse « créer une psychose » sur le marché immobilier. Il est vrai que quand le « bâtiment va, tout va », la phrase type qui sert de couverture à tous les silences. Il est rare qu’on puisse voir le puits s’ouvrir et quelques vérités s’échapper. Les ambitions présidentielles d’une certaine Mme Duflot, ci-devant ministre du logement dans le gouvernement de M. Ayrault, ancien Premier Ministre de M. Hollande déjà oublié , oblige M. Valls, le nouveau, et le PS à partir en guerre contre la « renégate ». Donc à avouer quelques erreurs et annoncer quelques correctifs.
Peut-être est-ce l’occasion d’aller un peu au-delà de cet exercice politicien et d’examiner quelques vérités qui mériteraient d’être aérées un peu plus souvent ?
La première vérité est que le cycle immobilier existe. Pour simplifier disons que l’immobilier connait un cycle de 20 ans. La phase haute du cycle immobilier correspond très généralement à la phase finale du cycle court global qui précède une crise sévère. Pour s’en tenir à la France, le marché fonctionne de 1953 à 74 où il s’effondre. Il repart jusqu’en 93, où il s’effondre. Il repart progressivement jusqu’à 2008 où il s’effondre. Le rythme de 20 ans est assez net. Nous sommes donc au départ d’une phase basse. Il faudra maintenant plusieurs années pour que le marché retrouve une tendance haussière forte.
La seconde est de ne pas voir le rôle essentiel de l’immobilier dans « l’économie baudruche » qui s’est installée progressivement depuis le début des années 70. L’immobilier est « une classe d’actifs » comme on dit maintenant. Lorsque la dette globale est à plus de 400% du PIB marchand, on a vu qu’elle ne pouvait plus être justifiée par des flux de remboursements associés à la production. Elle ne peut se nourrir que de plus-values potentielles. Dans la pratique l’immobilier va fonctionner presque automatiquement selon un schéma de bulles. Massives, elles sont extrêmement dangereuses lorsqu’elles explosent. La bulle sur le marché de l’immobilier de bureaux à Paris, avant le krach de 1992, était tout à fait extraordinaire. Les encours bancaires avaient été multipliés par…sept dans l’année précédant l’effondrement. Les banquiers finançaient, au départ de la bulle, une fraction du prix d’achat de l’immeuble. Juste avant l’effondrement, ils finançaient l’achat total, plus les frais, plus une partie de la plus-value attendue de l’opération. Certains immeubles étaient achetés le lundi et revendus avant la fin de la semaine. Nous avons le souvenir d’une opération dans le « Triangle d’Or » de Paris où l’achat a eu lieu le matin et la vente le soir avec une plus-value consistante. La crise de 93, la seconde « pire crise depuis 1929 », après celle de 1974, a une composante immobilière très importante. C’est vrai en France sur le marché du bureau mais le monde entier connait des variantes de cette crise au même moment. La Suède connait une crise gravissime, avec faillite de la quasi-totalité de son système bancaire, qui lui imposera de revenir sur son « modèle social » et de mettre en œuvre un système de « bad banks » qui reste encore un modèle du genre. Le Portugal vit une expérience similaire avec l’affaire de la banque portugaise EspiritoSsanto , dont les actifs pourris (largement liés à l’immobilier) se valoriseront à la Saint Glin-Glin.
La crise de 2007-20xx a une composante immobilière tellement galvaudée qu’il est inutile d’y revenir, même si nous combattons régulièrement l’idée qu’il ne s’agit que d’une crise de « subprimes américaines » qui aurait, par un effet papillon magique, tourné à la crise mondiale.
La troisième est de faire semblant de ne pas comprendre le rôle ambivalent de l’immobilier après que le tourbillon de la crise monétaire et financière se soit installé. La fuite devant la monnaie, général depuis 2003, la peur de la faillite des banques, la peur de l’éclatement de la zone Euro, ont conduit à des comportements de défense patrimoniale qui ont fait la part belle à l’immobilier. Les Grecs ont acheté à Berlin pour fuir la hantise de voir leurs biens happés par la crise ou le fisc, comme une bonne partie des Européens. Les Russes ont protégé leurs avoirs en investissant dans des biens de luxe en France, considérant que le plus haut de gamme ne verrait pas sa valeur trop chuter. Les Portugais offrent une franchise fiscale sans égale à quiconque rachètera une partie des surplus immobiliers. En France le maintien de certains niveaux de prix sur le très haut de gamme ne s’explique que par ce phénomène et non par les élucubrations habituelles sur le manque de biens à vendre etc.
La quatrième est de nier que l’immobilier soit un marché en panique. Quiconque se promène en France voit des dizaines et des dizaines de maisons à vendre partout où il passe. De Metz à Paris, de Cancale à Deauville, du Touquet à Saint Jean de Luz. Le marché de la maison de campagne, de montagne ou de bord de mer est arrêté. Les informations fournies par la presse et certains organismes, comme les notaires ou les agents immobiliers sont totalement à côté des réalités. Des dizaines de milliers de maisons sont à vendre et ne trouvent pas preneurs. Les rares opérations qui se font voient une baisse de plus de 30% du prix courant en 2009. L’immobilier de loisirs, dans son ensemble est en catalepsie.
Le marché du bureau est exactement dans la même situation. Celui de l’immobilier de placement pour location est désormais bloqué par la loi Duflot, un monument de stupidité élevé à la démagogie à courte vue, que nous avons dénoncé en son temps. La construction neuve est stagnante à un niveau très bas.
La cinquième « vérité cachée » est qu’en matière immobilière le prêt doit être manié avec beaucoup de prudence et de doigté. Un prêt immobilier est par nature hyper dangereux. Le bien vaut cher. Le remboursement prendra du temps. Le taux d’intérêt ne peut pas être financé par la productivité du bien, sauf en cas de location. D’un point de vue macro-économique, on sait qu’il ne faut pas aller trop loin, car une place trop importante des loyers et ou de l’amortissement d’un prêt pèse sur la consommation et il faut une forte croissance pour permettre le paiement des taux d’intérêt, sauf inflation qui diminue le poids de la dette pour l’emprunteur. Même si le marché ne tombe pas dans l’enfer de la bulle, l’excès d’immobilier est nocif, sauf cas particuliers. Il n’y a pas de « normes » de taille de la dette immobilière globale. Nous même pensons que l’amortissement et le paiement des intérêts de la dette immobilière doit toujours rester inférieure à une petite fraction de la valeur ajoutée de l’économie marchande. Cette remarque vaut aussi pour le crédit à la consommation qui lui aussi ne génère pas directement le moyen de son remboursement et du paiement des intérêts :(il faut de la croissance par ailleurs pour garantir la bonne fin du prêt).
La sixième vérité cachée veut qu’en matière immobilière la fiscalité doit être extrêmement prudente et neutre. Pour le particulier, acheter un bien immobilier est l’acte d’une vie. Beaucoup n’y parviennent pas et restent locataires toute leur vie. Seule une fraction réduite de la population peut se permettre plusieurs achats ou plusieurs possessions, souvent grâce, directement ou indirectement, à l’héritage.
Si l’on veut loger les gens, il n’y a donc pas trente-six solutions :
- L’accession à la propriété par l’emprunt (en général avec une aide parentale, car le prix est élevé alors que le besoin concerne des personnes jeunes)
- La location à des investisseurs
- Le logement social.
Considérer un appartement comme une boîte de haricots et les revenus immobiliers comme des salaires est une énorme sottise.
L’immobilier se doit d’avoir une fiscalité particulière et attentive. En France, on a choisi de surtaxer l’immobilier. On taxe l’héritage ; l’achat et la vente ; la plus-value ; le capital, sous la triple forme de l’impôt foncier, de l’ISF, de la taxe sur les bureaux. On taxe également le revenu.
Le résultat est bien connu : louer un logement est une subvention au locataire. L’inflation, l’IR (jusqu’à 45%), la taxe professionnelle et l’ISF suffisent à prendre non seulement le rendement brut de la location mais aussi à rendre le rendement négatif. Sur les taux marginaux (45% IR, 1.5% ISF etc.), c’est manifeste : un rendement de 5% théorique (devenu rare) va être amputé de l’inflation (disons 1%) de 1.5% d’ISF, reste 2.5%. L’IR est à 2.4%. On est déjà presqu’à zéro. Ajoutez les impôts fonciers et autres, et vous arriverez au final à un rendement négatif. Investir dans l’immobilier de location est donc clairement une folie. D’autant que si vous voulez vous dégager, la plus-value éventuelle entrant désormais dans l’IR, la taxation sera de 45% sur cette dernière. Avec tous les frais de cession, vous vous retrouvez avec une fraction de la valeur du bien. Ajouter les frais de recherche d’un locataire, les périodes sans location, les frais d’éviction du locataire indélicat, les contraintes règlementaires absurdes qui s’accumulent, le rendement devient franchement déplaisant : entre moins 5 et moins 10% !
La loi Duflot a tout aggravé sans vergogne. La fiscalité et l’idéologie qui veulent que l’Etat doit « libérer» le locataire de la contrainte indigne que lui fait subir le loueur dans le cadre d’une « relation inégalitaire », ont tué la location privée. La réglementation des loyers a fait le reste.
L’accession à la propriété est associée aux taux d’intérêt et conditions d’emprunt, au prix de l’immobilier, notamment neuf, et à l’aide des parents. On voit bien que tout se ligue contre ce marché. La peur après la spéculation a conduit les prix trop haut. La perspective d’une baisse entrave l’idée d’achat. Les parents écrasés d’impôts ne peuvent plus aider. Le passage d’un bien plus petit à un bien plus grand est rendu impossible par l’imposition des plus-values à l’impôt progressif sur le revenu, avec des taux marginaux effroyables. C’est le blocage. En ajoutant des kilogrammes de dossiers à remplir avant de vendre un bien, ce que les anglo-saxons appellent le « red tape », on n’a fait qu’aggraver le problème.
Un autre frein est la conséquence de la loi sur le logement social « mélangé ». La « mixité sociale » est une idéologie et ne correspond en rien aux désirs des acheteurs. En imposant, dans les mêmes locaux, des logements très aidés, des logements aidés et des logements à plein coûts, on crée des dissentiments et même des haines phénoménales. Les copropriétaires sont obligés à une cohabitation avec des gens qui se fichent totalement de l’état de l’immeuble. Les conflits sont continuels. Les locataires à 25 Euros le m2 ne peuvent pas comprendre pourquoi leur voisin de palier ne paie de 4 Euros, surtout quand il est adepte de la dive bouteille et s’exprime sous différentes formes et par divers effluents sur le palier commun. L’immigration avec logement subventionné ne fait pas de bien non plus. On a vu la banlieue désertée par la demande solvable de la classe moyenne-moyenne et inférieure qui est partie en « péri urbain ». Bonjour la mixité heureuse !
L’hyper fiscalité et le recul de l’emploi a bloqué l’immobilier de bureau. Les pancartes à louer et à vendre fleurissent partout en France, notamment à Paris. Le doublement de la taxe sur les bureaux n’a pas fait de bien. Sauf pour quelques opérations, très limitées, où on compte obtenir une plus-value en revalorisant des biens bien placés mais mal gérés et sous rentabilisés, le marché est atone. L’absence de reprise générale de l’activité pèse sur les gains escomptés.
Au total, le marché de l’immobilier, neuf comme ancien, est dans un état catastrophique. L’idée traditionnelle du complexe administrativo-politique est de fabriquer des lois spéciales qui permettent en partie de compenser les blocages. Elles sont de plus en plus compliquées et d’un effet aléatoire, voire discutable. Mettre la tête des gens sous l’eau, en leur donnant une paille pour respirer quand même, est une des bases de l’énarchie. Tout dépend de la profondeur où se trouve la tête et quelle est la longueur de la paille.
La démagogie signée Duflot, est en ligne avec tout l’appareil mental des socialistes. Elle n’a été qu’une couronne de plus tressée sur le cercueil du secteur immobilier, qui s’enfonce doucement dans le néant sous les fleurs de rhétorique et les mesurettes insignifiantes, le tout bercé par le silence intéressé des médias qui dépendent de la publicité immobilière.
Le conflit politicien entre Duflot et le PS ne nous vaut aucune mesure sérieuse de déconstruction du système délétère qui empêche le bon fonctionnement des marchés immobiliers. Les amateurs n’auront guère que des invectives à apprécier. Comme ce commentaire, entendu par hasard :
« Duflot est une gourdasse effrontée. Son cerveau reptilien lui permet de naviguer dans le marigot de l’extrême gauche. Mais son intelligence s’arrête à son culot. Licenciée en géographie, elle voit le Japon dans l’Hémisphère sud ! On voit le niveau. »
Rendez-vous dans un an pour voir l’effet du nouveau cours des choses. Quelque chose nous dit que le redressement sera peu perceptible. Mais on adorerait être surpris.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Quand on coupe les deux jambes d'un athlète, on ne peut pas espérer qu'il gagne les jeux olympiques au prétexte qu'on lui a fourni à contretemps des prothèses précaires et branlantes, tout en se flattant qu'on l'aide à mort et en exigeant qu'il soit reconnaissant. Le tout dans un pays qui considére que les athlètes sont des "salauds" et que leur capacité est une insulte à la médiocrité des autres.