Pik(pock)etty – saison 2
Thomas Piketty publie une nouvelle somme "capital et idéologie". L’immense succès du précédent livre publié sous sa direction impose le respect. L’énormité des tirages et son extension à l’univers tout entier nimbent d’une autorité planétaire son auteur principal. Piketty est sans doute le seul économiste au monde vraiment « bankable ». Bravo !
Certains se contentent d’ironiser sur la fortune nouvelle de celui qui veut taxer les fortunes et renoncer à la propriété mais pas à ses droits d’auteur. Nous pensons de meilleure méthodologie de se pencher sur le phénomène, sans trop s’attacher au côté « livre des records ».
Le livre précédent de l’équipe Piketty a rencontré une forte demande pour deux raisons principales :
- Beaucoup y ont vu un atlas, fruit d’un travail universitaire important susceptible de leur apporter des informations jusqu’ici indisponibles.
- Le thème des inégalités est très prégnant depuis la crise de 1992-93 qui avait été très profonde et avait suscité une littérature « anticapitaliste » intense (Rappelons-nous de l’Horreur Economique de Viviane Forrester, des grands jours du mouvement ATTAC contre le « néolibéralisme » etc.). La crise de 2008 a aggravé le phénomène. La cible a changé, passant des grandes entreprises aux profiteurs du capitalisme, grands bourgeois enrichis par la mondialisation et faisant leur rupture avec leur patrie. La croissance des inégalités est devenue le leitmotiv à gauche, et surtout dans toutes les ONG internationales, comme dans la droite zemmourienne, sans parler de Marianne de Natacha Polony et son héritage d’extrême centre.
Disposer d’un travail universitaire de type encyclopédique sur les inégalités était « une attente du marché ». C’est l’aspect atlas qui a séduit. En revanche la méthodologie a très vite été contestée et à juste titre. L’ouvrage n’était pas un véritable travail universitaire, rigoureux et scientifique, mais une sorte de machine de guerre idéologique.
Il nous avait paru à l’époque étrange qu’un livre sur les inégalités ne traite pas prioritairement du véritable phénomène de dimension historique qu’a été la sortie de la pauvreté presque totale de centaines de millions de personnes victimes des régimes communistes. La plus grande inégalité après la révolution russe, puis la colonisation soviétique de l’Europe de l’est, puis la révolution chinoise, aura été de naître dans des pays soumis au régime communiste.
Oui, en matière d’inégalité, les trente dernières années ont vu la chute du communisme et la plus extraordinaire des corrections d’inégalités. Les malheureux citoyens sous régime communiste accèdent enfin à la consommation et à un niveau se rapprochant de celui des pays capitalistes développés. Ce rattrapage s’est malheureusement fait aux frais des salariés dans les pays développés.
Sur le front des inégalités, le reste n’a pas vraiment d’importance. Que des très grandes fortunes se soient faites et d’autres défaites ne concerne qu’une frange infime de la population et n’explique pas les énormes frustrations des classes moyennes des pays développés frappées par la crise et maintenues dans une stagnation de l’emploi et des salaires par la concurrence des ex-pays socialistes. Pour nous, tout le travail tendancieux de Piketty n’a pas réellement d’importance ni de pertinence. L’ouvrage a été beaucoup acheté et peu lu. Il n’est plus une référence, sauf pour les anticapitalistes impénitents.
Le livre qui vient de paraître accuse malheureusement les défauts du premier. On est passé de l’atlas géographique à l’atlas historique, toujours proposé sur une base « universitaire », mais là, plus personne n’y croit. Il s’agit d’un pamphlet orienté et non d’un travail « objectif » d’universitaires soucieux d’indépendance d’esprit et de vérité scientifique.
Les grands auteurs anticapitalistes ont souvent été tentés par les énormes essais historiques et géopolitiques pour prouver que le régime ensoleillé du socialisme réalisé était le fruit d’une intense nécessité. Pensons plus à Eric Hobsbawm qu’à Karl Marx. Sa trilogie est une œuvre remarquable, tendancieuse naturellement, controuvée à maints égards mais magnifiquement écrite et capable de stimuler l’intelligence des situations même si ce n’est pas dans le sens des préférences du lecteur.
Piketty se voit en un nouvel Hobsbawm, mais qui aurait largué le communisme et sa violence. Supériorité du King’s College sur l’Ecole Normale Supérieure, Piketty ne tient malheureusement pas la comparaison.
On aime Michel Onfray ou pas, on accepte ses idées ou non, mais c’est un esprit qui est capable de se porter au niveau des auteurs qu’il commente, encense ou démolit. Dès lors qu’on se porte sur le terrain de l’idéologie, même s’il s’agit d’idéologie économique et surtout s’il s’agit d’idéologie économique, où les auteurs sont nombreux et parfois géniaux, il faut avoir une densité de connaissance et de pensée, une qualité de formulation et de conception, une force intellectuelle, toutes de qualité supérieure.
On regrette d’avoir à le dire mais l’aspect « idéologie » du livre est extrêmement médiocre, on pourrait même dire bétassin. Il se trouve que notre premier contact avec le livre s’est fait dans une librairie de gare par la lecture d’une page centrale sur laquelle le livre s’était spontanément ouvert. Elle concernait les vues de M. Piketty sur le Venezuela de Maduro : un texte au-delà du médiocre, carrément ridicule. C’est souvent l’impression que l’on a quand on lit les articles de Piketty dans le journal Le Monde : vide et parti pris. Eric Piketty est un auteur politique sans portée. Ce qui explique largement que même au parti socialiste, on ait refusé de mettre en programme ses propos.
Reste donc l’aspect encyclopédique, la dimension atlas universitaire. Elle est beaucoup moins nette cette fois-ci, même si l’inventaire qui est fait de nombreux systèmes économico-politiques peut être parfois intéressant.
La jonction entre l’aspect atlas et l’aspect étude idéologique est fragile, du fait de la faiblesse de ce domaine du livre.
Le propos est beaucoup moins en phase avec la situation actuelle du monde, contrairement au thème de l’inégalité, même si ce dernier reste prédominant dans ce nouveau livre.
Du coup le lecteur se décourage vite. Rien n’accroche. Les démonstrations sollicitent trop les faits pour convaincre. Les slogans glissent comme un pet sur une toile cirée.
Une fois de plus, l’auteur ne tient pas compte des leçons de l’échec du système socialiste. On en apprend plus en lisant le journal de Sandor Marai, portant sur les années 1943 à 1948 que dans le fatras pikettien.
Cet auteur Hongrois était l’exemple même du bourgeois en rupture de ban, typique des années trente, proche du socialisme, tenté par le communisme en dépit de tout, refusant d’assimiler le national-ocialisme et le communisme dans la même réprobation, obligatoire devant tant de crimes abjects, et qui voit tout sombrer autour de lui, la Hongrie, sa patrie, désossée par le Traité de Versailles, sa population martyrisée en partie par les Nazis qui liquident les juifs et les communistes, sa classe sociale vilipendée et ruinée par les communistes, sa réputation anéantie par le régime communiste dès lors qu’il ne s’y est pas rallié. Il faut lire ces pages où la survie dépend des reliquats de capital qui ont pu être sauvés. Un pays où tout dépends des tiers et des instances publiques s’avère invivable. Il n’y reste que « des salauds et des esclaves ». Le capital, c’est capital. Parce que c’est la liberté des projets, la possibilité d’une vie meilleure et aussi indépendante que possible.
Il faut aussi comprendre que le communisme culturel et la dépendance où il a tenu l’édition en France, mais aussi dans l’ensemble de l’Europe, jusqu’à une libération partielle et récente, ont prolongé la misère de Marai, qui triomphe aujourd’hui, mais qui est mort suicidé.
Lire Marai est le meilleur antidote aux sottises de la gens qui trouvent en Piketty l’espoir de leur idéologie. On ne peut pas dire qu’il soit tendre pour l’argent. « Quel est le péché originel français ? La cupidité ». Il aurait aussi pu dire l’envie, qui est la forme la plus basse de la cupidité, celle qui espère s’alimenter de l’argent des autres, c'est-à-dire de « la vie des autres », titre d’un film qu’il faut avoir également avoir vu avant de lire Piketty.
Affirmer qu’on renie les conséquences du communisme sans en renier les causes, considérer que la kalachnikov fiscale est le moyen le plus doux de réaliser la mort du « propriétarisme », sans voir que c’est aussi la mort des libertés et de la possibilité d’une vie, est une entreprise inexcusable, surtout après les leçons que l’histoire du XXème siècle nous a laissées. Elle symbolise, par son succès même, la mort de l’économie universitaire en France. Sur ce point, Alain Minc a parfaitement raison.
Espérons néanmoins un succès mondial à son auteur qui permettrait de financer une petite part de nos déficits extérieurs, permanents depuis la mise en œuvre du Programme Commun de la gauche. Les droits d’auteur, le capital littéraire, seront alors une forme d’hommage du vice à la vertu.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Je bois du petit lait quand je vous lis.
Ce triste sire pense sauver le monde en abolissant la propriété privée... j'ai cru m’étrangler en lisant ça. Un ami m'avait dit que la civilisation c'est l'état civil et le cadastre...
Empêcher la propriété privée c'est du communisme...on sait comment il a fini.
Ce monsieur veut sans doute contrer les effets délétères des trusts peu concurrentiels détenus par on ne sait qui.
Il devrait plutôt s'en prendre à la société anomyme, à l'anonymat des propriétaires et aux paradis fiscaux qui permet à tout ce beau monde de se planquer (à Londres notamment).
L'entrepreneur au sens noble du terme (créateur de richesse tel un paysan, un industriel, un négociant même), est la clef de la civilisation et du progrès. Croire que l'Etat totalitaire est la solution totale est un chemin dangereux pour un peuple.