L’inaction : une maladie française ?
De nombreux articles publiés ces dernières semaines insistent lourdement sur le fait que la haute fonction publique française a mis la main sur l’Etat, ce qui est normal, mais surtout sur la politique, ce qui ne l’est pas.
Le nouveau livre de Sophie Coignard et Romain Gubert , « Ca tiendra bien jusqu’en 2017 », Albin Michel, vient ajouter une touche de scandale à cette réalité en démontrant avec force exemples que l’ensemble de ce petit monde mêlant administration et politique n’a qu’une ambition : durer, sans jamais résoudre quelque problème que ce soit, mais surtout en lâchant tout à la rue de peur de perdre le pouvoir et les privilèges qui vont avec. Surtout pas de vagues !
Cela fait longtemps (1977) que nous avons théorisé le règne de la haute fonction publique sur le pays sous le concept d’Enarchie Compassionnelle. En fait nous résistons à cette idéologie depuis que le Club Jean Moulin, à la fin des années 60, avait conduit à l’extase les tenants de cette oligarchie publique malvenue et sans fondement. Elle prétendait à tout, y compris à redéfinir l’entreprise privée. Nous avons souligné à plusieurs reprises que « Pour une réforme de l’entreprise » de François Bloch-Lainé était devenu, pour tout lecteur d’aujourd’hui, un objet de franche hilarité. Le mouvement, purement intellectuel dans les années soixante est devenu une réalité politique prégnante avec l’arrivée du couple Giscard-Chirac, pour s’épanouir sans limite à partir des présidences Mitterrand.
Notre nouveau gouvernement socialiste reste une illustration impeccable de ce mouvement. Au-delà de l’esprit médiocrement politicien, dénoncé partout pour son caractère caricatural, ce remaniement est l’exemple même d’une opération politicienne montée par un énarque pour se faire réélire en se souciant comme de l’an quarante des besoins du pays. Les commentaires vachards qu’il suscite s’attardent, et c’est nouveau, sur l’ineptie de nommer des fonctionnaires sans carrure à des postes qui exigeraient des expériences civiles approfondies.
On peut naturellement s’insurger contre un gouvernement où les affaires étrangères sont tenues par un prof d’allemand n’ayant pas prouvé de grandes capacités comme premier ministre, que l’Europe soit entre les mains de l’inexistant Harlem Désir, que le Travail soit revenu à une personne n’ayant jamais travaillé et l’Education a une franco-marocaine dont les prouesses universitaires restent à découvrir.
Mais c’est la nomination au Ministère de la culture qui souligne le plus les déviations dénoncées. La charmante française d’origine coréenne qui en était le ministre n’avait aucune qualification particulière pour le poste. Celle qui lui succède a les mêmes (dons musicaux en moins). Mais ce sont des haut-fonctionnaires politisés et des femmes utiles dans la parité gouvernementale. On leur a soufflé leur texte : flatter, soudoyer et surtout pas de vagues. Le niveau zéro de la culture !
Au global, tout le monde est d’accord sur le diagnostic : il faut mettre fin à cette tartufferie qui tourne à l’aigre, le pays n’étant plus gouverné.
Le bât blesse, au moment de l’action. Là, le vide s’installe en maître exigeant. Chut ! Ne rien proposer. Absolument rien. Pourtant, si on veut vient tirer les conclusions pratiques que l’analyse pertinente suggère, les pistes d’action ne manquent pas.
Nous sommes en phase de révision constitutionnelle. Suggérons à nos constituants d’ajouter deux très courts articles :
- « Nul ne peut être élu dans une assemblée qui décide de sa rémunération et de ses conditions d’emploi ».
- « Nul ne peut recevoir deux rémunérations de l’Etat ».
Cela nettoierait un peu notre démocratie de sa principale tendance à l’oligarchie.
Une seconde mesure serait de supprimer le statut de fonctionnaire pour tous les postes «professionnels », ne gardant cette garantie particulière que pour une partie de la catégorie A. Pourquoi une partie ? Parce que par exemples il n’est pas besoin d’être fonctionnaire de catégorie A pour diriger une crèche. Il faut écheniller la catégorie A.
D’autres pays ont contractualisé les intervenants du secteur public sans drame. L’avantage : on peut restructurer, réduire, adapter, reconfigurer. Bref, on peut faire ce qu’il faut sans entrer dans des bagarres impossibles qui se terminent toujours sur le dos des contribuables. Exemple : ce qui se passe avec la fusion des Régions où on va aligner tous les salaires sur la région la plus généreuse et supprimer aucun poste malgré les doublons.
On peut aller plus loin en rendant plus mobile ce qui restera de fonction publique protégée. L’administration est une suite de silos absolument étanches. Essayez, si vous êtes fonctionnaire à l’Assemblée d’obtenir un poste équivalent au Sénat ! Du coup on a deux armées mexicaines incroyablement coûteuses, parfaitement pléthoriques et sclérosées.
C’est vrai partout, dans l’Etat.
Si on est timide, et que c’est encore trop, on peut tout de même envisager quelques réformes minimes mais qui mettraient un peu de fluidité dans les rouages. Par exemple, on ne pourrait devenir titulaire à la Cour des Comptes ou au Conseil d’Etat qu’au mérite, après 15 ans de vie administrative réussie.
Trop encore ?
Alors supprimons les mises à disposition. Cette facilité interdit toute comptabilité analytique. Les fonctionnaires doivent signer des contrats de travail par unité de gestion. Lorsqu’ils sortent d’une unité pour aller dans une autre, on fait un nouveau contrat. Il faut naturellement mettre fin à cette horreur qu’est la « mutation », ce qui suppose que la profession de fonctionnaire ne soit plus un état basé sur un rattachement statutaire, mais une capacité personnelle vérifiée susceptible d’emploi là où cette capacité est nécessaire n’importe où dans la fonction publique.
Si le capacitaire est momentanément sans affectation, il est géré par une entité chargée du placement public. Il peut faire un tour dans le privé tant qu’il veut et revenir ultérieurement.
Il est amusant que l’on songe à simplifier les relations entre entreprise et salariés mais que personne ne veuille toucher au seul endroit où les blocages sont la règle et la souplesse l’exception.
Il est redoutable de constater qu’à aucun endroit de l’échiquier politique, et dans aucune colonne de la Presse, ces mesures, « congruentes » avec les accusations portées, ne soient même envisagées.
Au contraire on voit la droite, soucieuse de « renverser la table », bien partie pour mettre à sa tête un haut fonctionnaire qui a symbolisé le ni-ni chiraquien et un étatisme sans limite, en un mot tout ce que l’Enarchie Compassionnelle a de plus contreproductif. En y ajoutant la finesse politique qui a fait venir Jospin au pouvoir d’Etat et Delanoë puis Hidalgo au pouvoir à Paris. Alain Juppé est, de plus, le seul à avoir perdu lors des dernières élections régionales. Les Français sont curieux, tout de même.
Faire rentrer la Haute Administration dans sa bouteille devrait être un des enjeux des prochaines élections présidentielles. Précisons que nous sommes POUR une haute fonction publique de qualité et n’avons strictement rien contre l’ENA. Nous ne l’aurions jamais envoyée à Strasbourg. Mais chacun à sa place.
En France, les constats sont généralement bons voire excellents ; les explications lacunaires voire inexistantes ; le passage à l’acte, inenvisageable.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
éliminer cette caste qui dirige le pays depuis trente ans.On ne résoud pas les problémes avec ceux qui les ont crées disait Enstein.