Le démon du bien
Le démon du bien
Depuis le début de la crise nous prétendons qu’elle n’est pas le fruit de l’action de « vilains » mais plutôt d’erreurs globales commises par des élites animées par la recherche d’un bien supérieur. La durée de la crise et l’absence de vraies solutions proviennent justement de ce caractère très particulier : personne ne veut renoncer au bien !
Cette situation rappelle l’Union soviétique et ses politiques agricoles. Le système ne marchait pas. Mais il était parfaitement conforme à la doctrine considérée comme « indépassable » du socialisme agraire. A chaque début de famine ou de disette, on criait aux nécessaires réformes et on en lançait une. Qui marchait parfaitement. Allait-on la généraliser ? Non ! Aussitôt les défenseurs de la bonne pensée socialiste veillaient et interdisaient la prolongation de la réforme.
Nous avons proposé une explication de la crise en trois éléments :
- Le système des changes flottants a provoqué une baisse tendancielle de la croissance mondiale, aggravé l’ampleur des crises décennales et finalement explosé. Le mécanisme principal est la montée délirante et généralisée de l’endettement global, du fait des doubles pyramides de crédits permises par ce système monétaire particulier et jamais décrit en bien par la doctrine jusqu’à sa mise en œuvre de facto sous la pression intéressée des Etats-Unis.
- L’organisation de l’Euro, fondée uniquement sur une norme, sans aucun organe de pilotage, est un système fragile incapable de faire face à une crise autrement que par des déflations.
- L’hyperfiscalité française, constamment aggravée, a progressivement paralysé l’économie marchande qui souffre d’un manque à employer de près de 10 millions de salariés, permis une hypertrophie délirante du secteur public et créer une situation insoluble où les prélèvements excédent la valeur ajoutée des entreprises.
Il n’est pas difficile de comprendre que la France, baignée dans la mondialisation financière basée sur les changes flottants, membre fondamental de la zone euro en déshérence et noyée dans son propre vomi fiscal, ne peut pas s’en sortir facilement.
Le premier choc fiscal, dû à Sarkozy, doublé par le délire fiscal et les injures sociales de Hollande, ont aggravé la cause spécifiquement française de nos malheurs économiques. L’année 2012 a vu un recul global de PIB, la baisse du pouvoir d’achat (par tête et global), la spoliation des entrepreneurs et des épargnants pour obtenir au final plusieurs centaines de milliers de chômeurs de plus, avec en vue le record de chômage à plus de 11%, de très nombreuses faillites, le blocage de l’immobilier, et…un déficit public et un endettement public aggravé.
Dirigée par un fils de famille aigri contre la bourgeoise et l’extrême droite de son enfance, haut fonctionnaire qui n’a jamais travaillé, ni dans la fonction publique ni ailleurs, qui a fait une carrière d’apparatchik malin mais méprisé par tous ceux qui l’ont approché du fait de sa méthode qui consiste à toujours donner raison au dernier interlocuteur et d’éviter à tout prix de se faire coincer par l’énonciation d’une idée quelconque, la France économique a été abandonnée aux vaticinations et improvisions d’un professeur d’allemand et d’un professeur de maths. Ces excellences de préau d’école n’ayant jamais vu une entreprise de leur vie ne pouvaient que prendre des décisions déplorables. Elles l’ont fait avec une incompétence à la hauteur de leur engagement socialiste.
Bien sûr, dans un moment de dépression économique, il faut à tout prix réduire les frais généraux de la nation et conforter autant qu’on peut le tissu des entreprises.
Comment faire quand la classe gouvernante depuis 1974, l’énarchie compassionnelle, promeut l’idée généreuse, bien que controuvée, selon laquelle seul le haut fonctionnaire voit juste et qu’il est seul désintéressé, qu’il doit arbitrer la société, qu’il faut crier en permanence « vive l’impôt » et que la dépense publique est le seul bien collectif qu’il faut à tout prix protéger, et ses servants avec ? Seule la séparation de la politique et de la haute fonction publique permettrait d’en sortir. Cela supposerait deux mesures constitutionnelles évidentes :
- Nul ne peut recevoir deux rémunérations de l’état
- Nul ne peut être membre d’une assemblée ou d’un exécutif qui fixe sa propre rémunération.
Seulement voilà, il faudrait s’attaquer à un « démon du bien », comme disait Henri de Montherlant. Et ce démon tient les institutions politiques, l’Etat, la banque, et … la presse.
L’Europe de l’Euro a elle aussi ses démons du bien. Ils suggèrent que l’Europe c’est la paix, que seul l’abaissement des Etats la permettra, qu’il faut mettre fin à toutes les barrières, à toutes les frontières et que l’individu européen, enfin libéré des contraintes artificielles mis à son bonheur et à son action par les nations, pourra montrer toute sa fécondité.
Les Européistes ont considéré qu’il fallait créer l’Euro sur une base purement contractuelle. Que les sinistres moignons d’Etat fassent ce qu’on leur demande, à savoir conserver leur déficit dans la limite de 3% du PIB et l’endettement public en deçà de 60% du PIB et tout irait bien. Jusque-là les Etats avaient des armes conjoncturelles, taux de change, politique monétaire et financière. Dans le cadre de la zone Euro ces pouvoirs sont supprimés. La BCE n’a qu’un rôle vis-à-vis des prix qui doivent rester en deçà de 2%. L’objectif statutaire est unique. Que se passe-t-il en cas de crise conjoncturelle mondiale ? Silence. Que se passe-t-il en cas de distorsions internes ? Silence. On a mis la charrue avant les bœufs. Les bœufs ont naturellement piétiné la charrue qui ne marche plus.
On change ? Non. L’approche juridique et l’option européenne de principe sont des démons puissants. Tout cela a été fait (ou défait comme on voudra) pour la paix et le bien commun. Cela ne marche pas ? Tant pis ! On ne revient pas sur d’aussi beaux principes.
La dernière classe de démons du bien se trouve aux manettes de l’organisation monétaire internationale. Seuls les polémistes à courte vue peuvent prétendre que l’organisation qui a été mise en place est le fruit pourri d’une malveillance organisée. Empêcher les Etats de venir gêner voire empêcher des relations économiques mondialisées par des contraintes abusives est un objectif défendable et même souhaitable. La liberté n’est pas une contre-valeur. Faire en sorte que chaque individu à travers le monde puisse aller et venir librement, s’établir librement, contracter librement, au civil comme au commercial, acheter et vendre librement, ce n’est que reconnaître un droit naturel de l’homme au monde.
Construire un tel monde n’est pas une œuvre vaine et démoniaque.
Le diable une fois de plus n’est pas dans l’objectif mais dans les modalités. L’organisation monétaire est contingente. Ses modalités doivent être d’abord efficaces. Pour servir une même fin, une organisation peut s’avérer meilleure ou pire qu’une autre. Chercher la meilleure n’est pas un exercice indifférent.
En voulant construire un système de libertés concrètes sur une organisation non coopérative, le monde occidental s’est trompé. Malheureusement les tenants de cette politique non coopérative et déséquilibrée assimilent l’organisation qu’ils ont choisie et les objectifs poursuivis. Jupiter aveugle ceux qu’il veut perdre.
Le résultat est qu’il est impossible de mettre en cause le système des changes flottants qui est la base du G.20 et de toutes les relations internationales. Essayez, pour voir, de faire passer un texte qui remette en cause les changes flottants dans un cénacle international, dans un média qui se veut sérieux, ou même auprès d’un éditeur : impossible ! Le tabou est trop fort.
Système monétaire malfaisant, système de l’Euro absurde, hyperfiscalisme français aberrant sont autant de montagnes impossibles à gravir car gardées par des démons du bien.
La crise entrera dans sa septième année en juillet 2013. Sept ans de malheur. Il est temps de jeter le miroir cassé de nos bonnes intentions détournées de leur véritable finalité! Les changes flottants ne sont pas la condition du libéralisme économique international. L’Européisme aventuré n’est pas la condition de la construction européenne. Le socialisme bureaucratique n’est pas la condition du social.
Il faut vaincre le démon du bien qui est en nous, même si l’enfer, c’est les autres, comme disait Sartre, un spécialiste.
Didier Dufau pour le Cercle des Economistes E-toile.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
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