Actualité saisissante d'un livre de 1934

Les leçons des grandes crises sont souvent les mêmes

L’avantage des grandes crises économiques, si on nous permet cette expression, est qu’elles ébranlent quelques certitudes et permettent des remises en cause qui sont souvent nécessaires, dans des domaines qui ne sont pas qu’économiques.

On le constate tous les jours en ce moment. L’interprétation des remises en cause est aidée lorsqu’on se penche sur ce qui s’est passé après la précédente grande crise mondiale, 1 929.

Un des livres les plus intéressants de la période et qui connaîtra un grand retentissement, ne serait-ce que par l’effet qu’il aura sur la pensée constitutionnelle du Général de Gaulle, est « L’heure de la décision », 1 934 – Flammarion, d’André Tardieu.

George Mandel et André Tardieu sont les deux personnalités remarquables des années trente par leur lucidité et leur courage. Tous deux ont parfaitement compris ce que signifiaient l’élection d’Hitler et le risque de désastre qui pouvait s’en suivre. Tous deux ont essayé, au pouvoir, avec les moyens limités qui étaient les leurs, d’agir avec fermeté. Tous deux étaient de droite et opposés à toutes les formes de socialisme violent, qu’il s’agisse du socialisme des ligues, du national-socialisme ou du communisme. Tous les deux ont considéré que le Front Populaire désarmait la France alors que l’Allemagne réarmait et que « le temps n’était pas à jouer de l’accordéon dans les cours d’usines mises à l’arrêt par des occupations illégales quand Hitler finissait de réarmer l’Allemagne et de créer une armée mécanique ».

Tardieu sera victime d’une attaque cérébrale et se retirera très diminué à Menton, où il n’aura plus d’influence avant de mourir en 1945. Mandel a été assassiné par la Milice peu avant la Libération.

Le fait d’être un opposant résolu au socialisme vaudra à Tardieu d’être totalement ostracisé. La reconnaissance de ses qualités est (très partiellement) en cours. Natacha Polony l'a fait alors que la gauche socialiste est quasiment hégémonique dans les médias, notamment publics. Bravo ! La lecture du Figaro du jour annonce un livre de Maxime Tandonnet, ce que nous ne savions pas lorsque nous avons écrit ce billet. Cet intérêt soudain se comprend. Relire Tardieu est plus qu’intéressant, par ce qu’il nous permet de comprendre de la situation actuelle.

1)      Crise économique et institution

André Tardieu réagit à la crise qui ravage le pays après avoir mis par terre l’économie mondiale, en exigeant une réponse institutionnelle. Le thème de l’impuissance des élites, comme aujourd’hui, est très prégnant dans l’opinion de l’époque. Ayant été trois fois Président du conseil et trois fois renversés après de trop courts mandats, il a tous les éléments en main pour comprendre que l’impuissance est d’abord institutionnelle.

Il demande cinq réformes :

-          La possibilité pour l’exécutif de dissoudre l’assemblée

-          L’abandon de l’initiative des dépenses des chambres

-          L’instauration du référendum

-          La séparation de la politique et de la haute administration

-          L’interdiction pour les fonctionnaires et aux juges de faire grève et d’avoir des positions politiques publiques.

Le Général de Gaulle mettra en œuvre les trois premières suggestions dans la Constitution de 58. Il ne s’attaquera pas aux deux dernières. En revanche il fera du président élu au suffrage universel le pilier de l’exécutif, une solution que Tardieu n’a pas envisagée.

La dissolution sauvera les institutions en 1968, sera détournée de son sens après l’élection de Mitterrand, pour synchroniser la majorité présidentielle et parlementaire. Elle sera appliquée par Chirac à mauvais escient en 1997.

Le referendum sera combattu par la gauche comme plébiscitaire, jusqu’à sa renaissance soudaine avec le mouvement des Gilets Jaunes. L’échec du referendum sur la prétendue « constitution européenne » a singulièrement refroidi les amateurs dans les partis de pouvoir, au prétexte que les électeurs votent contre le pouvoir en place mais pas pour la question posée (ce qui est un faux argument).

Sarkozy, avec la complicité de Copé, a malheureusement remis au goût du jour l’initiative des dépenses par l’Assemblée dans le cadre d’une « coproduction législative » dont on voit en ce moment même tous les dangers.

L’absorption de la politique par l’Enarchie est totale. Le quinquennat a fait de la dissolution un accompagnement automatique de l’élection présidentielle qui a pour but d’accorder la chambre et le président.

Le petit monde la politique politicienne a réussi à stériliser les réformes indispensables que seuls des évènements d’une extrême gravité avait réussi à faire accepter.

2)      Sur l’économie et les causes de la crise

« Les États-Unis s’habituaient à ne vivre que de crédit et de spéculation » « En bref les Etats Unis ont été les premiers responsables de la crise ». « Ils ont pratiqué l’inflation maxima du crédit, non pas même au service de la production mais pour des fins spéculatives ». Ils ont « exporté leurs dollars chez les emprunteurs les moins sûrs et stimulé les pays les plus disposés à abuser de l’emprunt ». « Ils ont livré le dollar aux hasards de change et rompu les amarres avec l’or ».

« On nous a dit « le redressement de l’équilibre budgétaire demande des mesures immédiates » Or qu’est-il arrivé ? Dix-huit mois ont passé à attendre l’immédiat ».

« L’excès du machinisme a provoqué l’abus de crédit, la surcapitalisation des entreprises, le dérèglement des rapports économiques. Le capital de spéculation, substitué au capital d'épargne, n’a plus voulu connaître les bornes du débouché ». « Choisir entre les vices du néocapitalisme et les vices du néocommunisme me répugne ». « Notre époque ne semble capable de supporter ni les maux ni les remèdes ».

« Les classes moyennes ont succombé. » La faute en revient aux « partis de gauche grandement servis par les fautes et maladresses des parties conservateurs ». « La fiscalité radicale-socialiste contre-pied de celle de la Révolution française a développé la fraude et la spéculation. Quant à l’économie dirigée, qui n’est autre chose que l’étatisme, elle a paralysé les initiatives individuelles et mis les budgets en déficit chronique ».

« On a fabriqué un Français moyen qui n’est pas le français normal mais un Français dont on a développé les défauts et amenuisé les vertus ». « La matière financière ne touche les masses que lorsque la chute du Franc trouble les relations entre créanciers et débiteurs ».

Pratiquement toutes ces phrases pourraient être reprises aujourd’hui, à une observation près. Dans la mentalité de l’époque les crises étaient d’abord une conséquence de la surproduction. Il est facile de comprendre que dans une économie agricole les surproductions ont un effet direct sur les prix et les revenus. On attendait de restrictions quantitatives le retour à un prix tolérable pour les paysans qui formaient la majorité de la population active. Ce raisonnement a longtemps survécu à la diminution croissante de la part de l’agriculture dans le PIB. D’où le raisonnement tenace: machinisme = performance = surproduction = crise. De nos jours on sait que la productivité n’est pas un vecteur de crises conjoncturelles.

En revanche Tardieu voit bien dans la finance américaine la cause du dérèglement de tous les mécanismes de financement. Elle est débridée depuis la guerre du fait de l’afflux d’or suivant la guerre de 14, qui a provoqué une grande création monétaire en interne. Les changes flottants qui ont suivi dans les années vingt, ont aussi poussé à des gains spéculatifs majestueux (dont Keynes profitera pour faire une petite fortune). Les changes flottants sont déjà vus comme un grave problème, mais sans doute plus par habitude de l’étalon-or, considéré en France par nos politiques de tous bords comme une valeur de référence absolue et le mode normal de fonctionnement d’un système monétaire international, que par l'analyse fine des conséquences des gros déficits et des gros excédents.

Un autre aspect, que l’on retrouve dans tous les écrits de l’époque, est le refus du machinisme et de la consommation considérés comme des excès qu’une vertu supérieure devrait condamner. La TSF joue le rôle des réseaux sociaux actuels, la production intensive paraît une sorte de délire qui gâche toute la beauté ancestrale du monde. Le modernisme en tout est vu comme une aberration d’enfant gâté etc. Un certain conservatisme moralisant renaît à l’occasion des grandes crises… Voir la situation actuelle !

Tardieu écrit : « Notre régime de tolérance illimitée, de non-résistance au mal, répond-il aux traditions de la force individualiste qui a dominé les révolutions intellectuelles et économiques d’où l’âge moderne est sorti ? » « Nous sommes les liquidateurs forcés des abus dont le libéralisme et le matérialisme ont marqué le dernier siècle ». On croirait lire la PQN française.

3)      Sur les abus politiques des fonctionnaires

On voit aujourd’hui de façon quotidienne et éclatante que les juges, les employés de services publics, notamment les enseignants, les « journalistes » radio et télé du secteur public, les syndicats de fonctionnaires, font de la politique à leur propre compte, sans vergogne, au mépris de toute règle et même de la loi, vue comme le reflet momentané d’un rapport de force qu’il s’agit de faire évoluer.

Nous écrivons cet article juste au moment où les cheminots et leurs syndicats ont détourné la loi stupide sur le droit de retrait pour créer une grève totalement illégale faite pour gêner le maximum d’usagers. La loi est stupide car jamais qui que ce soit qui cherche « à éviter un danger imminent et grave » en s’éloignant d’un lieu de travail n’a jamais connu le moindre ennui. Ce texte permet à des personnels mal embouchés et des syndicats voyous de menacer la prospérité de leur entreprise en toute impunité. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a été voté dans la foulée de l’élection de Mitterrand. « Il s’agit de contester la toute-puissance patronale en affermissant un contre-pouvoir des salariés » indique un défenseur des lois Auroux du 23 décembre 1982. Comme plus tard la prise en compte de la pénibilité pour les retraites, ou les abus liés au chômage des intermittents du spectacle, il s’agit de gages politiques, en vue d’une hypothétique « paix sociale », dont on sait que ce sont des absurdités et que la loi ne servira que des abus. Une fois entérinées ces lois sont impossibles à amender.

Relisons ce qu'écrit Tardieu, qui trouve un écho frappant aujourd’hui :

« Il y a pour les fonctionnaires un problème administratif et un problème politique. Le premier est posé par le refus des agents publics d’accepter dans leurs relations avec l’État, en contrepartie de droits spéciaux des devoirs spéciaux. Le second naît de leur prétention d’être des citoyens comme les autres et bien qu’échappant à la bataille des partis de se mêler à cette bataille sans mesure ni réserve ».

« Le droit à la propagande politique hors de la fonction et dans la fonction même y a été revendiqué et usurpé » par les syndicats qui ne respectent pas « les principes sur quoi sont fondées la patrie et la république ».

Les instituteurs affirment qu’ils « feront une grève générale même en cas de guerre défensive. Contre la Constitution on substitue aux pouvoirs publics nés de la loi la dictature d’une organisation anonyme de classe ». « Un jour c’est la fédération CGTU des fonctionnaires qui demandent l’instauration du régime soviétique, et un autre c’est la SFIO qui invite le corps enseignant à se dresser contre la défense nationale ». « Tout instituteur sait que c’est sur lui seul qu’il doit compter pour former une génération d’élèves qui pourront achever la désagrégation du capitalisme ».

« Les fonctionnaires chez qui le socialisme est entré par le syndicat vont devenir dans le sein de l’État avec l’autorité qu’ils empruntent à l’État les plus actifs propagandistes de cette doctrine ». « Certains fonctionnaires administrent contre l’État ».

« Pour 40 millions d’habitants on arriva vite à 1 million de fonctionnaires ».

Mise à jour : On est passé de 40 à 66 millions de Français, soit 55 % d’augmentation, et à plus de 5 millions de fonctionnaires et assimilés, sans compter les associations réalisant des politiques publiques. Soit une multiplication par 6. Une croissance dix à douze fois plus rapide que celle de la population.

« Le législatif, inventé par nos grands-pères pour contrôler et freiner la dépense, en est devenu l’accélérateur ». « Le mal est chronique, plus accentué seulement quand le pouvoir appartient aux gauches, où s'intègrent les plus puissantes des oligarchies dépensières ».

Mise à jour : la dépense publique dépasse aujourd’hui la valeur ajoutée des entreprises du secteur industriel et commercial (hors banques et entrepreneurs individuels).

« Dès avant son élection le candidat est sommé de se livrer aux oligarchies mendiantes ». Il ne s’agit plus que de « piller le budget au profit de quelqu’un ou de quelque chose ». Jules Ferry : « le budget est une immense gamelle où chacun vient puiser à son tour ». « On a oublié l’origine du mandat qui est de défendre le contribuable pour se mieux consacrer au renouvellement de ce même mandat qui veut la satisfaction de certains électeurs aux dépens de certains contribuables ». « Proposer les dépenses que ne les payant pas réclament les ordres mendiants apparaît à l’élu comme son outil de travail ».

La notion « d’ordre mendiant » mériterait de revenir à la mode, tant il est justifié par la situation contemporaine.

4. Sur la défense de la nation

« Une grande offensive est en cours contre notre civilisation et pour défendre cette civilisation la France a besoin d’être en bon état ».

« Il faut restaurer un minimum de dignité électorale, un minimum de moralité publique, un minimum d’ordre financier ».

« Jamais gouvernements et peuples n’ont été moins qu’aujourd’hui aptes à la compréhension mutuelle ».

« Si nous ne voulons nous trouver un jour devant l'un de ces faits accomplis [qui ruinent le pays N.D.L.R.] il faut affirmer notre volonté de vivre en État puissant et libre, disposé aux transactions mais rebelle aux soumissions ».

« Il est de règle en tout pays que les hommes de gauche arrivent au pouvoir par suite de difficultés financières et qu’ils les portent en quelques mois au point d’extrême acuité ».

« Il n’est pas d’exemple qu’un régime socialiste ait jamais réussi ».

Le drame socialiste « est d'oublier le péril extérieur ».

Inutile d’insister pour vérifier que toutes ces citations pourraient être reprises aujourd’hui quasiment dans les mêmes termes.

Tardieu affirme que l’on ne gagne rien à oublier que « la vie des peuples est réglée sur trois idées : « patrie, légalité, propriété » ».

La patrie est en danger, contestée par les européistes qui veulent la disparition des nations et un État fédéral européen (d’où le Brexit) et par le « grand remplacement » associé à l’islamogauchisme.

La légalité : Elle est foulée aux pieds tous les jours. L’affaire du droit de retrait précité suffisant à le prouver.

La propriété : elle est mise en pièces par tous les bouts (réglementation, fiscalité, voies de fait non poursuivies).

5. Quelques conclusions

L’aspect institutionnel reste brûlant. Les réformes du général de Gaulle ont été largement affadies. Ce qui n’avait pas été jugulé a pris une extension épouvantable. Ce qui était reproché aux députés est désormais généralisé :

-          L’Europe

-          Les régions et les municipalités

-          La présidence de la République,

sont toutes devenues des sources de démagogies budgétaires incontrôlables. Le cas du Brexit est typique : comment réagir à la disparition des ressources en provenance du Royaume Uni ? En révisant à proportion des dépenses ? Pas question : il faut des recettes nouvelles ! À Paris, la mairie a augmenté de 90 % la taxe foncière et porté à bientôt 7 milliards la dette de la ville. L’élection du Président au suffrage universel pour 5 ans crée une urgence de réélection qui pousse à la démagogie la plus totale, à l’affichage de fausses réformes dérisoires et transforme le Président en assistante sociale.

Il faut, comme nous en défendons le principe depuis longtemps, séparer la haute fonction publique et la politique. L’Enarchie doit être empêchée. Si on appartient à un corps de l’État, on ne peut pas être à la tête d’un exécutif. De même, la procédure budgétaire doit être entièrement revue aussi bien pour le Parlement que pour les collectivités locales. Les « gratuités » doivent être interdites. Les lois qui créent des obligations financières majeures pour des catégories de Français à l’exclusion des autres, doivent faire l’objet de procédures spéciales. Le referendum d’initiative populaire doit être imposé dans les communes, notamment en cas de hausse du budget supérieur à l’inflation. Les niveaux d’endettement doivent être contrôlés partout, tout dépassement de plafond devant faire l’objet d’un vote voire d’un referendum.

Le démantèlement de l’autorité de l’état par des fonctionnaires et des salariés d’établissements publics, ou d’entreprises en situation de monopole, qui se sont accordé le droit de saboter la vie sociale et économique du pays tout en dominant la presse, à 95 % socialisante, est désormais tel qu’il va falloir que la nation assure son indépendance et sa souveraineté par des mesures fortes. Le justicialisme des juges (j’utilise mon poste pour faire avancer la cause socialiste), la partisanerie des journalistes des entreprises publiques, les blocages continuels organisés par les syndicats des entreprises publiques, le détournement de pouvoir des « enseignants » qui se croient obligés non pas de transmettre des savoirs et des savoirs faire mais de former des Français socialisants jusqu’à l'anticapitaliste militant, avec en prime une pointe de politiquement correct à l’américaine, les excès des syndicats de fonctionnaires et des entreprises publics doivent être empêchés.

Les grandes crises provoquent des réflexes conditionnés pas toujours porteurs de grand sens mais elles stimulent aussi des prises de conscience et une pédagogie.

Ce que montrent le livre et l’expérience d’André Tardieu, c’est le caractère potentiellement désastreux à terme de l’inaction, qui est tentante. On le voit aujourd’hui avec les taxes sans réponse de Trump, les crimes sans réponse de l’Islam politique, l’incapacité d’agir au Moyen Orient, la dette qui enfle démesurément, les prélèvements qui croissent toujours et dont nous sommes devenus les champions du monde.

André Tardieu nous avertit des conséquences négatives du pillage continu de la nation par les « ordres mendiants institutionnels » et de la destruction des valeurs essentielles que sont le patriotisme, le goût de la propriété, les libertés et notamment la possibilité d’une volonté positive d’agir dans la qualité. Il rappelle le droit fondamental à ne pas être bombardé dès l’école (et constamment ensuite par les médias) par une propagande socialiste débilitante. Actualisons le propos en soulignant que nos vies n’ont pas à dépendre à ce point des Gafa, et d’un" Internet de la pourriture", avec un État qui se cache derrière Internet plus qu’il n’en use pour réduire ses coûts de fonctionnement.

Le retour vers le passé est aussi un retour vers un futur.

Commentaire
Micromegas's Gravatar Une chose frappe : tous les médias français sont dressés sur leurs ergots pour mettre à bas le "libéralisme", l'ultralibéralisme" ou le "néolibéralisme". On ne cesse de gloser sur les ultra-riches qui auraient oublié le reste de la nation et d'incriminer une classe bourgeoise mondialisée qui se moque des patries et de l'intérêt général. Tous les nouveaux très riches sont dans les pays émergents et en particulier la Chine et l'Inde, pour ne pas parler de la Turquie et de la Russie ou du Mexique. On assimile la volonté des jeunes de Hong Kong de ne pas être dévorés par la dictature communiste chinoise et la révolte des Gilets Jaunes, celles des Algériens de sortir de la dictature militaire à celle des Vénézuéliens, ruinés par Maduro. Les troubles au Chili réactive la haine pour un régime "libéral" mis en place par Pinochet. L'Argentine ruinée par un sous-péronisme de malfrats est présentée comme la victime du libéralisme ! L'Union Européenne est présentée comme un foyer de soumission à l'ordre néolibéral avec destruction des merveilleuses créations social-libérales. On n'en vient même à trouver que les démocratures ont du bon. Les esprits qui veulent faire "haute pensée" annonce la fin du cycle "ordolibéral" commencé avec Reagan et Thatcher. Ce que montre le livre cité, c'est surtout le désordre des esprits qui suit les grands désordres économiques qu'on évite soigneusement d'expliquer. Comme on ne s'attaque pas aux causes qu'on ne veut pas connaître, chacun va de son discours pour fortifier sa chapelle, en s'unissant contre une hydre commode servant de bouc émissaire, en fonction de la passion dominante locale. Les juifs et les anglo-saxons, dans les années 30. Le "libéralisme" et les riches aujourd'hui. Les médias français dominants veulent des impôts, des impôts, des impôts, des dépenses publiques, du socialisme à tout va, de l'égalitarisme et vomissent un "libéralisme" en général tellement caricaturé que cela en devient puéril. Revenir sur les statuts grotesques mis en place par le Parti Communiste au sortir de la guerre et sur les régimes de retraite grotesques et inégalitaires qui se financent sur le dos des pauvres du secteur privé, serait la marque d'un coupable libéralisme pinochétiste. Après une crise il est rare que plus d'une ou deux voix s’élèvent pour dire : attention, vous ne regardez pas là où il faut et vous allez le payer très cher. André Tardieu après la crise de 29 ; Maurice Allais, après celle de 92-93. J'ajouterai presque, ce blog, aujourd'hui, après la crise de 2008-2009.
# Posté par Micromegas | 24/10/19 12:58
DD's Gravatar Cette histoire de "cycle libéral" qui s'achèverait est tout à fait ridicule. Tout commence par une voie de fait, l'abandon des changes fixes, qui n'est pas motivé par une fièvre libérale mais par la volonté de la puissance américaine de se libérer d'une contrainte en faisant défaut sur sa parole. En régime de changes flottants les politiques "keynésiennes" de relance ne marchent pas. Les Anglais et les Français en font l'expérience au début des années 70. C'est la décrépitude du système anglais qui amène Thatcher au pouvoir. Reagan gagne les élections parce que son prédécesseur avait sombré devant l'Iran. La Chine se convertit début des années 80 au capitalisme d'état avec une stratégie mercantiliste parce qu'elle est devenue un nain économique qui se fait damner le pion par tous ses voisins devenus prospères. L'URSS s'effondre d'abord du fait de ses dettes internationales et de son incapacité à trouver une voie de réforme efficace. Il n'y a aucun "cycle libéral", mais des remises en cause géopolitiques. La hausse du pétrole organisée par les pays du cartel n'a rien de libérale. La création, sur une base exclusivement politique (il n'y a pas de réelles justifications économiques) de la zone Euro n'a rien de libérale. Il n'y a pas de cycle libéral. Ce qui se termine, c'est la complaisance pour les résultats de ces erreurs géostratégiques pour l'économie occidentale en générale et européenne en particulier. La France quant à elle, a choisi une expérience socialiste débilitante suivie par une gestion entièrement bureaucratique du pays fondée sur l'impôt, la dette et la dépense publique, dans la déréliction générale. Ce cycle là est malheureusement loin d'être terminé.
# Posté par DD | 24/10/19 16:49
Siem's Gravatar Qui s'intéresse à la grosse artillerie socialisante de la pensée dominante médiatique française ? Ne croient à ces sornettes que ceux qui veulent y croire. L'inégalité, voilà la grande affaire en France, alors que toute l'histoire des quarante dernières années est un rééquilibrage des revenus entre pays occidentaux et pays de "socialisme réalisé" convertis au capitalisme d'état soutenu par la dictature ou ayant retrouvé leur liberté.

Un haut fonctionnaire français qui cumule une retraite statutaire à taux plein même s'il n'a travaillé dans le cadre de ce statut que deux ou trois ans, avec les retraites associées à ses emplois politiques ou dans l'économie privé, ce n'est pas de l'inégalité. 5 millions de chômeurs qui survivent aux mesures socialistes les plus stupides (35 h; retraite à 60 ans, lois Auroux et Jospin de blocage des entreprises) et à la démesure fiscale et à l'inflation règlementaire, alors qu'on a multiplié les postes sûrs de fonctionnaires territoriaux, ce n'est pas de l'inégalité. Le statut des intermittents du spectacle, comme cité dans l'article, ce n'est pas de l'inégalité. Ceux qui crient le plus fort à la fin d'un prétendu cycle libéral et à la lutte contre les inégalités ne pensent qu'à accroitre les inégalités entre emplois publics et privés. J'ai bien aimé le terme d'ordre mendiant. L'idée de l'égalité en France est simple : j'arrose les ordres mendiants et je m'enrichis personnellement par la politique alors que je ne vaux pas grand chose.
# Posté par Siem | 24/10/19 18:13
Joëlle Lebourg's Gravatar Il est sûr que les crises ne font pas de bien aux mentalités, aux électeurs et à ceux qui s'en préoccupent pour leur élection. Mais n'y a-t-il pas une certaine vérité dans l'affirmation que le "consensus de Washington", très libéral, est en partie responsable ? L'absence de consensus désormais tourne à la foire d'empoigne. Tout s'est durci. On ne voit pas que cela améliore quoi que ce soit. Mais les tenants du libéralisme pur sont tout de même sur la défensive. Les trois libertés commerciales de mouvements (hommes capitaux, marchandises) sont contestées y compris à droite (Zemmour et Polony). Tous les traités de libre-échange sont vilipendés, ne serait-ce que pour des raisons écologiques. Le libre-échange devient une cible dans les programmes de partis de droite comme de gauche. Le tourisme est montré du doigt. On vit bien une séquence anti libérale, très réactionnelle. Et peut-être pas entièrement condamnable ? Qu'en pensez-vous ?
# Posté par Joëlle Lebourg | 25/10/19 12:25
DD's Gravatar @Joelle Lebourg

En fait, il y a eu deux consensus. L'un mou et réticent a été l'acceptation à Kingston en 76 des changes flottants entre les grands pays développés, l'autre, plus mou encore mais qui en est la suite logique et qui concernent les pays sous développés, qui est le consensus de Washington. Le premier n'a rien de libéral puisqu'il entérine un défaut d'état vis à vis d'un de ses engagements, même si, pour donner un minimum de crédit à cette voie de fait on a été rechercher dans la naphtaline les écrits minoritaires de Milton Friedman, qui lui, prétend que la monnaie est une produit comme un autre et que seul le marché peut en donner la valeur. Toute cette armature idéologique en carton pâte finira par s'enfoncer dans la catastrophe, Trump donnant la dernière pelletée.

Le consensus de Washington est une espèce de suite de Kingston. Puisqu'on a les changes flottants, il n'y a pas de danger à ouvrir les mouvements de capitaux à court terme qui permettront une optimisation de l'allocation du capital et feront pression pour que les pays gèrent bien leur économie. L'idée folle ici, qui s'étalera pendant toutes les années 90, est que les marchés dresseront les états. S'ils veulent faire n'importe quoi, comme c'est la règle dans la majeure partie des pays sous développés, ils seront châtiés par les marchés internationaux. Les autres règles du consensus n'ont rien de libéral. Il s'agit de recettes de bonne gestion classique. Tout ce fatras s'effondrera avec ce qu'on a appelé à tort la "crise des pays émergents", alors qu'il s'agit de la première grande crise du dollar et des changes flottants. Les capitaux flottants mondiaux refluent en masse vers les Etats-Unis et effondrent les marchés monétaires et financiers locaux. Tous les bénéfices allégués par Friedman des changes flottants disparaissent en un instant et sa doctrine devient instantanément caduque. Mais il faudra attendre 2008 pour que les pays développés le constate dans leurs comptes.

La question du "libéralisme" allégué devenu puissant puis contesté doit être "downgraded" en une question plus triviale d'organisation monétaire internationale : les changes flottants avec liberté totale des mouvements de capitaux à court terme forment-ils une solution correcte ? Nous disons depuis le début : non ! C'est une erreur d'organisation que tout le monde paie très cher, pays développés comme pays émergents ou émergés. Cela ne veut pas dire qu'il faille renoncer à la liberté d'entreprendre et plus généralement à une économie de liberté. Ce n'est pas parce que Milton Friedman se présente comme dans la continuité de l'école autrichienne d'Hayek qui est, à bon escient, très critique vis à vis du socialisme effectif ou du socialisme larvé, que son illusion sur les changes flottants met en cause le libéralisme économique. Une erreur d'organisation est une erreur d'organisation.
# Posté par DD | 26/10/19 10:55
Joëlle Lebourg's Gravatar Merci d'avoir pris le temps d'une réponse.
# Posté par Joëlle Lebourg | 26/10/19 13:56
dd's Gravatar C'est souvent une question de temps. J'en profite pour dire à ceux qui m'ont posé des questions concernant le dernier livre de Picketty et la Libra que je n'ai pas renoncé à le faire sous forme de billet sur ce blog. .
# Posté par dd | 27/10/19 15:55
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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