Discrédit des hommes politiques : pourquoi ? Le triste exemple de Christophe Béchu.
Tout le monde le constate à l’occasion de la campagne des Européennes : les candidats récitent des éléments de langage. Ces constructions n’ont aucun intérêt de fond et empêchent ceux qui les utilisent de présenter une réflexion personnelle sur les problématiques sous-jacentes ou d’une actualité chaude. Du coup, pourquoi les écouter ? Un porteur d’éléments de langage est totalement interchangeable et annule sa personnalité. Certains croient que leurs prestations oiseuses leur apporteront de la notoriété. Sans se rendre compte que le mépris est plus sûrement au bout du chemin pour un zozo sans importance puisqu’il n’a aucune réflexion personnelle pour fixer l’intérêt d’un auditeur et susciter un engagement.
Il est intéressant de constater ce phénomène sur certains sujets cruciaux où on attend des dirigeants qu’ils prouvent leur maîtrise et leur pertinence. Par exemple, le Figaro Magazine a permis sur une page à M. Béchu, Ministre de la transition écologique, de fixer sa réflexion sur les objections qui se multiplient contre les affirmations du GIEC.
Ce Monsieur Béchu est intéressant. Comme Mme Meloni en Italie, il appartient à ce petit nombre de politiciens qui ont connu très jeunes des succès électifs remarquables et qui donc ont une pâte politique bien pétrie au fond de leurs tripes. Il est élu conseiller municipal à 21 ans puis rapidement conseiller général. À 29 ans il est le plus jeune président d’un Conseil général. Il devient maire d’Angers à quarante ans. Il a été député européen et sénateur français. Après avoir trahi l’UMP, avant même le premier tour des élections présidentielles, il devient ministre délégué puis ministre dans les gouvernements Macron, tout en prenant la présidence du mouvement Horizons du maire du Havre, Édouard Philippe. Il se pense en bonne voie d’une carrière encore plus éblouissante au départ de Macron. Pourquoi pas premier Ministre du président Philippe ? En attendant mieux. En 2 037 il sera dans la soixantaine épanouie. La présidence lui tend les bras. Il n’est pas Énarque, même s’il a fait Sciences Po et un DEA de droit public. Il n’est donc pas totalement formaté et prisonnier d’un esprit de corps. Mais il a compris qu’il fallait rester dans le sillage des Énarques avec Macron et Philippe, Castex et Borne. Sarkozy et Fillon lui ont paru sans assise assez solide pour ancrer sa carrière. Il les a donc trahis sans frémir.
Le trouble qui commence à s’établir sur le sérieux des politiques délirantes de « transition » vers une France « totalement décarbonée » dès 2050, concerne son ministère au premier chef. L’absence de toute étude d’impact aussi bien par la Commission Européenne que par le gouvernement français, l’incapacité d’évaluer les coûts et les autres conséquences économiques et sociales, le refus d’annoncer des résultats en matière de température justifient de larges inquiétudes légitimes qui se concentrent dans sur la formule : Ne pas se ruiner pour rien au profit des autres.
La dérive infernale des comptes publics sous la présidence Macron et l’obligation européenne de corriger le tir met évidemment les dépenses extravagantes engagées dans ladite « transition » en tête des économies à faire. Ce que souligne avec précision Christian Gerondeau dans le numéro concerné du FIG Mag.
Nous touchons là un aspect de la politique publique qui est au cœur de l’avenir du pays. On attend du Ministre une réponse des plus sérieuses.
Et il nous sert les « éléments de langage » les plus plats qu’on puisse imaginer. Il s’est installé dans la nullité triomphante. Écoutons le Ministre :
Argument n° 1 : » N’importe quel scientifique sérieux démontrera sans peine le caractère fallacieux de l’argumentation de M. Gerondeau ». On insulte son contradicteur : ce n’est pas un scientifique sérieux ; Le plus nul des scientifiques le balaierait de la scène. On affirme sans preuve : en indiquant que la réfutation se ferait « sans peine », on nullifie la prétention de le contredire. Mais M. Béchu, derrière ces inepties d’autorité, n’apporte aucune preuve de ce qu’il avance. Il aurait pu dire : la question est sérieuse ; je l’ai fait étudier ; le rapport « Machin » est disponible. Voilà ce qu’il conclut sur le sujet ». Mais non ! Il suffit de dire qu’on a affaire à un affabulateur qui fait rire les « vrais » scientifiques.
Argument n° 2 : « Ce type de démonstration pseudoscientifique vient nourrir un discours politique mêlant déclinisme, relativisme, voire complotisme ». À nouveau on insulte sans preuve : « pseudoscientifique » ? Où est la preuve ? En partant des modèles du Giec, M. Gerondeau n’a pas beaucoup de mal, comme d’autres, à démontrer que la suppression de l’émission de CO2 en France (1 % des émissions mondiales) ne peut pas avoir un impact de plus d’un dixième de degré sur la température mondiale et aucun impact sur le climat. Si c’était faux nous disposerions de dizaines de textes scientifiques pour le dire. Où sont-ils ? Nulle part ! Au contraire des dizaines d’études ont montré la nullité de l’impact des mesures envisagées. L’une d’entre elles précise notamment que si on réduisait de moitié la couche mondiale de CO2 on aboutirait à une baisse de température de 0,4 à 0,5°. Négligeable !
M. Béchu s’abaisse à une autre manipulation : le reproche la mauvaise intention et d’appartenance à des mouvances condamnables. Voici Gerondeau décliniste, relativiste et complotiste. Le contradicteur du ministre est un délinquant multiple ! l’inculpation est sans preuve : les insultes sont gratuites.
Argument 3 : « Ce discours doit être combattu sans états d’âme car il est contraire à l’intérêt national et à la vérité scientifique ». On cite la vérité scientifique mais sans avoir fait la moindre étude d’impact alors que M. Béchu en a tous les moyens. On est à nouveau dans l’affirmation sans preuve et dans l’insulte. On évoque en plus une atteinte à l’intérêt national. Tout le monde comprend que les dépenses inconnues mais vertigineuses du plan de décarbonation totale d’ici 2 050 peuvent avoir des conséquences nationales désastreuses. Le Ministre n’a rien fait pour les évaluer et concevoir les moyens de les réduire. Il serait légitime de lui retourner le compliment. Béchu dégage une image d’irresponsabilité injurieuse particulièrement méphitique.
Argument 4 : « M. Gerondeau a fait sans le savoir œuvre utile : il offre aux vrais patriotes… une synthèse des contrevérités à abattre ». Une fois de plus on insulte son contradicteur, parfait imbécile antipatriotique qui ne se rend compte de rien. En revanche, pas un argument qui pourrait contrer ceux de M. Gerondeau. Le bon peuple doit savoir qu’il faut simplement les « abattre. » La menace de violences extrêmes est désormais en plein centre du débat : il faut abattre ce gêneur et ses fariboles ». Oui : abattre ! M. Béchu veut manier la tronçonneuse !
M. Béchu est ministre. Il fuit le débat mais surtout la réflexion sur les questions qui se posent. Là où il devrait être extrêmement motivé par la recherche de la vérité et des éléments critiques de la décision, au cœur de ses responsabilités de Ministre, il se contente d’éléments de langage répulsifs, outrés et dérisoires. « Ne l’écoutez pas c’est un vilain qui a la gentillesse de nous dire ce qu’il faut absolument réfuter ». Mais que nous ne réfuterons pas avec des vrais arguments. Les insultes suffisent.
On retrouve la morgue insultante d’un Pascal Canfin ou d’une Valérie Hayer. La méthode Macron a cascadé au plus bas de la pyramide LREM, disqualifiant toute la mouvance.
Pour l’observateur, les conclusions sont faciles.
Les ministres de M. Macron ne gouvernent pas. Pour gouverner il faut avoir une réflexion et une action, une ligne politique, des arguments, une ossature programmatique avec des fins annoncées et le moyen clair de les atteindre ; avec le souci de cerner constamment l’évolution des réalités.
Le débat est rendu impossible par la systématisation des « éléments de langage » voulus par la Com’.
Il ne reste que des insultes et des sottises.
Et des mouvements de masse qui seuls sont entendus quand la sottise de certaines politiques pique un peu trop.
Comment éviter dans ces conditions le discrédit des hommes politiques ?
Qu’est-ce qui peut justifier qu’un Béchu se laisse aller ainsi ? L’explication est à chercher dans l’impuissance des Ministres maintenant que leurs responsabilités ont été transférées massivement à d’autres et notamment à la Commission européenne.
Faire semblant d’exister par des postures n’est que ruine de la politique. La gesticulation et la Com’, les deux mamelles du macronisme, abîment tous ceux qui se sont arrimés à cette sinistre farce.
Et cela abîme la France qui glisse sur une pente fatale sans réagir.
Il faut absolument sortir de cette emprise.
Didier Dufau, pour le Cercle des économistes e-toile.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |