Faut-il mettre en cause la Constitution de la Ve République ?

Le mensuel Causeur, dans sa livraison de septembre 2025, a publié la libelle anti-gaulliste la plus violente qu’on ait lue depuis les temps troublés de la guerre d’Algérie. Plus d’un demi-siècle après la mort du Général de Gaulle, une telle diarrhée d’invectives surprend. Pourquoi tant de haine rétrospective ? Voici quelques échantillons des « compliments » de l’auteur, Pascal Avot :

- Le gaullisme est un naufrage.

- Le naufrage idéologique du gaullisme

- Le gaullisme est devenu un ectoplasme

- Il relève du « cosplays » (sic)

- De Gaulle a conçu la machine qui a tué la nation.

- L’état gaulliste est un tueur en série économique.

- La géopolitique gaulliste est une décharge pour concepts hors service.

- Le gaullisme est une fin de race

- Laisser la France goûter à l’Après-Charles

- De Gaulle va perdre sa statue et devenir une statuette.

- Les admirateurs de De Gaulle « passeront au mieux pour d’aimables plaisantins, au pire pour de dangereux illuminés »

Pour l’auteur, cette statuette doit clairement subir un rite de style Vaudou, avec mille épingles traversantes permettant l’exécration et la malédiction. Présenter le fondateur de la Ve République comme un tueur, un naufrageur, un ectoplasme fin de race à jeter à la décharge, ne laisse pas entrevoir une analyse d’une grande profondeur. On se souvient d’un journal, Hara-Kiri, qui offrait en quatrième de couverture « une page de vomi ». Mais c’était pour rire ! Un rire pas trop distingué mais un rire tout de même. Ici, pas question de lâcher la guillotine. La tête au képi à deux étoiles doit rouler dans la sciure pour l’éternité, sous les crachats.

Pourquoi s’attarder sur ce texte injurieux ?

L’article est en vérité une critique acerbe du rôle de l’État. L’auteur montre sans originalité mais avec exactitude que l’État français s’est cru prométhéen et a utilisé sa force pour détruire l’économie française à force de socialisme et d’étatisme délirants. Il constate que « la droite n’a eu ni le courage ni l’intelligence d’annuler ces quatorze ans où la France est devenue un pays d’assistanat addictif, de redistribution ratée, de mépris pour les riches, d’hypnose idéologique, de bureaucratie galopante et de laideur morale ». « C’est l’État et lui seul qui a vidé le pays de sa substance économique dans le seul but de nourrir sa cohorte de serviteurs, sa myriade d’obligés et d’affidés et de monter en neige ses projets imbéciles ».

Comme la forme actuelle de l’organisation de l’État a été voulue par le Général, c’est lui le coupable. La voiture s’est plantée dans un platane : ce n’est pas la faute du conducteur mais du concepteur de la voiture. Sans doute veut-il dire que, sans volant, la voiture n’aurait pas eu d’accident !

De Gaulle était, en économie, le contraire même du laxisme. Il a très bien vu que la destruction des Accords de Bretton Woods mettrait fin aux « Trente glorieuses » et il a souhaité mettre fin au rôle du dollar et rétablir celui de l’or, comme base du système. Il a constamment rappelé notamment à M. Giscard qu’il ne fallait pas dépasser 32 % du PIB en prélèvements de toute nature. Il a souhaité une décentralisation et une association entre capital et travail pour permettre des arbitrages plus près du terrain et des acteurs. Il a dû faire face à une révolte venue des États-Unis et au laxisme de George Pompidou. Il est alors parti.

Le vrai coupable de ce qui s’est passé n’est ni de Gaulle ni la Constitution. L’Enarchie Compassionnelle et Bienveillante, stade suprême de la prise en main du politique par la haute fonction publique, n’est pas née en 1958. Dès la crise de 1929, les Polytechniciens ont lancé le mouvement X-Crise fondé sur l’idée qu’il ne fallait plus laisser le pouvoir à des politiciens ignorants. Maurice Allais est une des réussites de cette réflexion. Il a annoncé avec ténacité qu’une grande crise allait se produire, sans aucun écho dans le système médiatique. Des économistes polytechniciens plus actuels sont moins convaincants. Il ne suffit pas d’être polytechnicien pour avoir raison.

Les Inspecteurs de Finances ont eu le même réflexe après l’effondrement en quinze jours des armées françaises en mai 1940. Ils ont décidé qu’il fallait prendre en main les affaires, faire les réformes nécessaires et se faire nommer ou élire aux postes de responsabilités politiques pour éviter une telle déroute pour l’avenir. Pratiquement toutes les réformes qui se concrétiseront dans le plan du Conseil National de la Résistance date de Quarante et ont mûri pendant l’occupation avant de fleurir à la Libération. L’ENA est créée, comme pratiquement toutes les institutions sociales, au profit d’une nouvelle caste entreprenante et dominatrice : l’Enarchie.

Dès la Quatrième, le poste de président du Conseil est conquis d’abord par Mendès-France puis Bourgès Monoury puis Félix Gaillard. Ensuite, ce sera Michel Debré. Avec le couple Giscard-Chirac la main mise énarchique est totale. Elle s’épanouit dans la démesure sous Hollande et Emmanuel Macron. On voit alors que le poste de premier Ministre est juste une étape de carrière administrative entre un poste de président de société de bus et la direction d’une société de métro ou de chemins de fer. Le premier Ministre perd sa consistance politique en ne représentant plus aucun segment du corps électoral. Gauche, Centre et Droite deviennent des entités politiques indistinctes et dominées par des élites administratives. Tous font la même politique. L’impôt ; le règlement, la subvention, les trois disciplines de base du haut fonctionnaire, explosent littéralement et coulent la France.

L’auteur se trompe de combat. L’objet de son ressentiment devrait être l’Enarchie Compassionnelle et Bienveillante. Elle peut être réduite par deux mesures simples : interdire aux hauts fonctionnaires de devenir des élus, sauf à démissionner de leur statut ; interdire les cumuls de rémunérations publiques. L’épistémocratie ne vaut pas mieux que la partitocratie. La séparation des pouvoirs implique que les hauts fonctionnaires servent la République mais ne la dirigent pas.

Là est la mesure utile et intelligente.

Éructer contre le Général de Gaulle est une passion triste et morbide mais surtout une erreur de cible particulièrement embarrassante.

Maintenant, il reste la liste affligeante de Présidents qui se croient des Jupiter et finissent dans le n'importe quoi. Giscard, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron ont été des présidents catastrophiques. Tous ont laissé filer la dette et multiplié l'interventionnisme de l’État nounou, sans oser s'attaquer aux deux sources principales des malheurs français ; la dénatalité et les défauts radicaux des systèmes monétaires internationaux, au sein d'une mondialisation dérégulée et déséquilibrée ; après avoir perdu toute indépendance au profit des commissaires européens.

Le spectacle donné par les parlementaires actuellement indique tout de même qu'il y a pire que des présidents défaillants. Fin de régime ? Tout le monde l'annonce. Avoir laissé la France dégringoler à la 28e place pour le PIB par tête est en effet le genre de résultat que personne en 1973, dans ses pires cauchemars, n'entrevoyait. Encore 50 ans de délire et on sera dépassé par le Zimbabwe. L'Européisme, l'Étatisme, le Socialisme, le Wokisme, le Fiscalisme, l'Anticapitalisme, l'Escrologie, le Keynésianisme dévoyé, la démagogie de la "gratuité de la vie", le gouvernement des juges, l'idéologie de la non-répression et le Justicialisme, ont été de plus féroces ennemis du peuple Français et de sa prospérité que la Constitution.

Le problème de la France n'est pas d'avoir un président trop puissant, mais qu'il a perdu toute autorité. Le problème du peuple français n'est pas qu'il souffre, mais qu'il ne travaille plus et ne fait plus d'enfants. Dans ces conditions, l'effondrement est automatique. Les Français ont le choix de croire qu'ils peuvent vivre sur la dette et l'argent des riches, ou de se remettre au boulot avec détermination, réenchanter la natalité et revenir aux grands équilibres.

La personnalité du futur président est importante, mais le programme l'est plus encore. En sacrifiant une mesure indispensable (le recul de l'âge de la retraite) la classe politique jette un froid terrible sur notre avenir. Certains désormais finissent par croire que le communisme est une solution pour perdurer dans la fainéantise assistée.

La seule solution est de se remettre dans la dynamique de la Ve République et de faire admettre aux Français que le salut passe par un programme massif et dynamique de redressement, avec la nécessité d'infliger une défaite cuisante aux ennemis de l'intérieur et de faire gagner une diplomatie de la prospérité.

Il est malheureusement clair qu'on n'en prend pas le chemin.

C'est tout de suite qu'il faut corriger la trajectoire et construire le projet décisif.

 

Didier Dufau pour le Cercle des économistes e-toile.

 

Commentaire
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