Comment comprendre la sanctification de Jacques Julliard par la presse classée à droite
Le Figaro, Le Point, Marianne etc;Ce n’est pas faire injure à Jacques Julliard de remarquer qu’il a toujours été une personnalité journalistique et politique plutôt de second plan. Il est vrai que l’effondrement assez général du niveau journalistique ces derniers temps fait automatiquement remonter la qualité relative des journalistes d’avant. Posez la question autour de vous : on peut le regretter mais personne ne le connait en dehors des milieux étroitement parisiens.
Comme une partie des journalistes très engagés à gauche dans les années 70, à l'exemple de François Olivier Giesbert, a évolué vers la presse « bourgeoise » et a pris ses marques dans des journaux dits « de droite », on pourrait dire qu’ils saluent une dernière fois leur copain de jeunesse. Et passer à autre chose !
Non : le dithyrambe est tel qu’on doit s’interroger un peu plus, surtout quand on observe que les hommes politiques qui actuellement sentent un peu la sacristie à droite suscitent des réserves marquées, qu’il s’agisse de Bruno Retailleau, de FX Bellamy ou même de Philippe de Villers. Le bénitier n’est apprécié que lorsqu’il est « de gauche ». Il suffit de voir E. Macron se précipiter à Marseille pour se faire voir avec le Pape, un jésuite dont certains disent qu’il reste proche de la théologie de la libération dont on se souvient qu’elle voulait voir en Jésus un Lénine en mieux.
Pour comprendre ce mystère, rappelons ce que J. Julliard écrivait il y a peu dans le Figaro et que nous avions commenté sur ce site ( http://cee.e-toile.fr/index.cfm/2021/8/17/Lpouvantable-article-de-Jacques-Julliard-dans-le-Figaro)
Il n’y a de bonnes manifestations de masse que de gauche. Une manifestation qui ne l’est pas est préfasciste ou fasciste
Il y a un bon et un mauvais peuple. L’infaillibilité du peuple n’a pas de fondement rationnel. Il n’est souverain que lorsqu’il est éclairé. Sinon ce n’est qu’une populace.
Les gilets jaunes sont une horreur incompréhensible, mélange d'anticapitalistes pré marxistes (l'erreur absolue) et de populistes ravagés. Il s’agit d’un ramassis d’imbéciles (belle citation de Bernanos, penseur Chrétien qui sert à l’occasion, qui déclare que « l’expérience accumulée par les imbéciles pèse d’un poids immense sur le monde »).
Quand on se drape dans le drapeau français, on lui donne « des couleurs louches, sectaires et comme factieuses »
La laïcité, la République et la nation sont passées à droite pour leur plus grand malheur. (La droite salit ce qu’elle touche. Mais le chèque des employeurs de la presse de droite est immaculé. NDLR).
« Il y a pire que l’anarchisme prolétarien de l’extrême gauche, c’est l’anarchisme petit-bourgeois, un libéralisme d’enfants gâtés ».
Face à ces sornettes idéologiques teintées de gâtisme, lisons ce qu’écrit Oliver Giesbert dans le Point daté du 14 septembre 2023 sur le « merveilleux J. Julliard » :
« Que sera notre vie sans J. Julliard » ? Il a été « l’honneur des intellectuels français ». Il a su rester « socialiste-conservateur-libéral » et a juste un peu dérivé vers le « révolutionnarisme-réformiste-conservateur ». En ce sens il est « l’Incarnation de l’esprit français », et son socialisme « pourrait enfin renouveler et prolonger dans l’humanité l’esprit du Christ ».
Rien que cela ! Jésus n’était juste qu’une esquisse avant l’arrivée de Saint Julliard ! Que ceux qui ne croient pas à ces sornettes n’imaginent pas que les Giesbert et autres thuriféraires leur laisseront le terrain libre. Ils réagiront. « Qu’ils se le tiennent pour dit » !
Brrr, on a peur ! Et on ne savait pas qu’on était passé à côté « d’un homme de gauche » devenu un « géant » en persistant à l’être, et dont la jeunesse attendrait frénétiquement la parole comme celle du Messie. On lisait dans son œil « le chagrin de celui qui n’a plus de famille (le socialisme et la gauche - NDLR) en dehors du refuge que lui accordait la droite républicaine ». Diable, la crèche socialiste a été sauvée par le bourgeois et le beauf !
Le Monde ne s’est pas fait prier pour le dire : « Aux funérailles, les absences sont au moins aussi remarquables que les présences. Il n’y avait presque personne pour dire les années de rêve et de conquête, celles de la fureur des années 1970 et 1980, celles de la deuxième gauche de Michel Rocard, de la révolution sociale et non marxiste, de l’autogestion, du réformisme réel. […]. Pas un seul compagnon de route de la Rocardie. »
Nous avons écrit un article sur l’affaire LIP pour justement expliquer cette disparition. Tout était bidon dans la mouvance socialiste tendance protestante (Rocard, Jospin) et catholique (façon Mgr Gaillot, Maurice Clavel et Julliard). L’autogestion était une perruque qui s’est envolée au grand vent de l’histoire, comme la notion de « patron-mais ». Rocard a déçu comme Premier Ministre, alors qu’il a bénéficié d’une conjoncture très favorable, et ruiné le pays en se lançant dans des dépenses folles tout en ouvrant grand la fiscalité confiscatoire. Delors s’est révélé d’une grande médiocrité sous Mitterrand et a finalement fui le pouvoir en France en sachant qu’il n’avait rien à proposer. L’européisme lui offrait de bien meilleures perspectives. Sa fille, avec Jospin, a contribué à tuer la compétitivité française de façon honteuse. Le déclassement de la France est largement le résultat de cette mouvance malsaine qui avait toujours un arrière-goût de moralisme abusif et de confessionnal.
Tout ce petit monde a cassé le pays assis sur un petit fond de vertu chrétienne et les deux pieds dans la méga bassine socialiste. Politiques désastreux mais curés autant que possible ! Du soft Wokisme avant l’heure !
Alors pourquoi ces révérences délirantes, cette glorification enflée, cette exhortation incongrue à idolâtrer un second couteau tombé dans l’errance ?
Après l’effondrement militaire de mai 1940 et la Collaboration pétainiste avec Hitler, il fallait pour les enfants ambitieux de la bourgeoisie, à l’époque encore très catholique, être de gauche et anti-bourgeois. Mais pas communiste, sauf pour ceux qui s’étaient réellement compromis dans le nazisme et qui voulaient le faire oublier. A partir de 1947 et la répression par Jules Moch des grèves organisées par les Communistes, le PC marquait la limite à ne pas dépasser à gauche. Mais la SFIO de Guy Mollet s’est retrouvée embourbée dans la guerre d’Algérie. On a donc vu se dessiner dans la bourgeoisie cultivée de gauche le goût de la transgression à gauche du PS mais loin du PC. Jospin dont le père avait été pris dans le pétainisme ambiant par pacifisme est devenu trotskiste caché. Rocard déclare avoir porté les valises du FLN, une trahison, mais qui avait surtout un impact d’image : de gauche mais pas mollettiste. Dans la mouvance catholique aussi, certains ont vu une ouverture : socialiste mais non communiste et non Molletiste, à la recherche des dépassements permettant de créer un « socialisme réel ». Beaucoup étaient fonctionnaires et certains hauts fonctionnaires. Mai 1968 accélère le mouvement et promeut ceux qui avait 20 à 25 ans en 1960. A l’ENA les noms de promotion témoignent de la gauchisation du corps : Saint Just, Robespierre, Jaurès, Blum, Guernica…
Se crée alors un politiquement correct de gauche. Être de droite, c’est être un fasciste qui ne veut pas se l’avouer. Mitterrand, un spécialiste des coups pourris, promeut Le Pen comme repoussoir. La droite est sommée de ne pas sombrer dans les extrêmes.
Cela va marcher pour des décennies au fur et à mesure que cette génération triomphe.
La seconde gauche soutient les nationalisations ringardes en grinçant que 51% du capital au lieu de 100% aurait suffi. On n’est pas des cocos tout de même ! Ils accepteront les dénationalisations (à 100%) qui suivent peu après et qui créent des Oligarques.
Elle pousse aux élévations massives de taxes et d’impôts tout en règlementant tout.
Elle s’engouffre dans l’Union Européenne et son obsession pour les libertés économiques absolues de mouvements de capitaux d’hommes, de services et de marchandises.
Elle accepte l’entrée de la Chine dans l’OMC.
Les entrepreneurs se retrouvent avec des boulets aux pieds en concurrence avec le monde entier.
La France perd sa monnaie, son industrie, son emploi et sa classe moyenne déclassée et smicardisée.
Alors la classe ouvrière quitte la gauche pour le vote protestataire. Et les révoltes commencent qui sont incompréhensibles pour cette caste qui croit avoir tout fait bien pour les « petits pauvres ». Le PS s’effondre avec Hollande et se coupe en deux : le gros de troupes passe au Wokisme, aux luttes LGBT et à l’islamo-gauchisme. Le monde d’un Julliard s’effondre. Il ne peut pas se retrouver dans les « sottises infectes et dangereuses » de la NUPES.
Rocard est mort. Jospin profite du homard au restaurant du Dôme, de son appartement dans un hôtel particulier du 7ième ou dans sa villa de l’île de ré. Plus bourgeois, tu meurs ! Et il ne comprend pas que plus personne ne l’écoute. La sociale démocratie révolutionnaire conservatrice des enfants du bon Dieu est morte et enterrée sous ses mauvais résultats.
Emmanuel Macron a tout fait pour accélérer la chute. Le pays est désormais totalement déclassé, surendetté, surfiscalisé, explosé façon puzzle, en perte de vitesse dans tous les domaines. Les dirigeants sont devenus impuissants du fait du gouvernement des juges1, des dissidences sur le terrain, des mécanismes de l’Union Européenne. Tout ce que soutenait Jacques Julliard, sans le soutenir tout en le soutenant a montré son caractère délétère..
Une nouvelle génération d’éveillés veut sauver la terre en s’attaquant à l’humanité et à la culture dominante, favorable à la croissance.
Le protestantisme français comme le catholicisme se sont effondrées. Il n’y a plus de communisme pour borner la sottise et l’intolérable à gauche.
La droite qui avait accepté de pactiser avec la gauche et s’était installée dans la révérence du politiquement correct de gauche pour sauver les meubles, est embarquée dans le naufrage. Elle tente, en sanctifiant Saint Julliard, de créer un poteau un peu solide pour se raccrocher et continuer dans sa sujétion tout en s’attaquant à l’extrême gauche mélenchonienne et woke.
Mais le poteau est planté dans la vase.
L’étatisme social-démocrate implicite de la haute fonction publique, teinté de charité payée par les autres, commence à trembler. Les jacqueries on ne sait pas vraiment comment faire. Il va bien falloir un jour rétablir les libertés de penser, de posséder, de réussir, et la responsabilité de chacun dans ce qui lui arrive plutôt que justifier l’acharnement à faire payer par les autres ce qui est de la responsabilité de chacun.
Au moment où les nuages s’accumulent sur la France, on ne peut pas oublier que la mouvance incarnée ces vingt dernières années par Jacques Julliard a contribué lourdement à cette descente aux enfers et a regroupé trop « d’idiots utiles » complices de l’effondrement français. Au passage le catholicisme s’est effondré, et l’islamogauchisme a considéré qu’il n’avait même plus besoin d’idiots-tes utiles plus ou moins rallié-es. Ils avaient tout ce qu’il fallait dans leur rang.
Il ne faut pas non plus oublier que l’idéologie de la déconstruction des « dominations » s’est mariée avec le puritanisme anglo-saxon pour donner le Wokisme, la cancel culture, et la coercition sociale.
Le mariage entre religion et politique a toujours été source de fanatisme au nom de la vertu. Julliard n’était pas un Savonarole hystérique en dépit de ses aphorismes radicaux et de sa participation au bain de boue infligé au père LIP. Les nouveaux sont de vrais dresseurs de piloris.
Il faut leur faire barrage.
Qu’ils se le tiennent pour dit !
Didier Dufau
1. La Cour de Cassation vient de "faire la loi", en décidant de la question des droits à la retraite pendant les congés maladie. Une question qui aurait dû dans une démocratie normale être tranchée au parlement par des élus.