L'économie vue par des nuls. L'exemple de Libération.
Un jour le Général de Gaulle, constamment tancé par les donneurs de leçons du journal Le Monde, rencontre son directeur, Hubert Beuve Méry et le prend à part. Flatté, celui-ci tend l’oreille attentivement au discours de celui qu’il fait démolir à longueur de colonnes et entend : « Quand j’ai envie de rire, je lis Le Monde ».
Quand on a une envie de rire, aujourd’hui, il faut lire Libération. C’est le genre de journal où tout le contenu est connu d’avance et il suffit de lire le titre pour savoir quel pis de la vache socialo-bobo on va traire.
La livraison du 12 septembre se pique d’idées économiques. Voici donc un certain Breda expliquant que « des études économiques », en fait ses propres élucubrations, ont prouvé qu’il fallait des syndicats dans les sociétés « faisant beaucoup de profits » et que par conséquent la nouvelle loi Macron est néfaste. Soit. Reste à trouver les nombreuses PME françaises qui font « beaucoup de profits » et qui n’ont pas fait leur juste place à M. Martinez et à ses sbires.
Voici surtout une certaine Marinescu qui explique que la concurrence a diminué aux Etats-Unis et qu’il faut voir là la cause de la diminution de la croissance et de la création d’emplois. Pour conclure, de façon tellement surprenante, que « l’augmentation spectaculaire des profits aux Etats-Unis n’est pas le signe d’une économie dynamique et innovante. Bien au contraire ». Notre modèle social, bien à nous, est sûrement meilleur et tout le monde nous l’envie.
C’est ça Libé : des articles bidons qui disent le bien penser. On réentendra dans les dîners en ville ces paroles reprises avec l’air d’un sachant informé : les syndicats sont un bienfait ; Il faut plus de concurrence aux Etats-Unis, car les riches l’ont supprimée pour faire des super profits (en Europe, là on, ne sait pas). C’est prouvé par des études américaines.
Usuellement, nous ne commentons pas ces sottises orientées qui servent une clientèle et lui permettent de vivre dans la douce hébétude du « bobo conscientisé » généralement bien nourri et dans la sécurité de l’emploi, à qui on ne la fait pas.
Nous dérogeons à cette règle hygiéniste, parce que l’étude de Loecker et Eeckhout (NBER Working Paper No. 23687), cité dans l’article de Mme Marinescu, nous paraît l’exemple même d’une analyse qui inverse les causes et les conséquences et de conclusions qui partent assez largement dans le décor. Les Américains ne veulent pas remettre en cause les vraies causes du désastre économique provoqué par l’introduction des changes flottants et de la « globalisation ». Les difficultés constatées en peuvent venir que de vilains qui font de vilaines choses. Les méga entreprises auraient acquis un « pouvoir de marché » qui leur permettrait de réduire les salaires et maximiser les profits au détriment de la collectivité tout entière. J.K.Galbraith, après la crise de 1929, s’était laissé aller à des analyses de ce genre. C’est un marronnier qui revient après chaque récession.
Comme toujours, les prémisses sont exactes. « Un ensemble de mauvaises dynamiques affecte l’économie américaine depuis plusieurs décennies : une stagnation des salaires des travailleurs peu qualifiés, une déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment du travail, une hausse des inégalités, un moindre dynamisme du marché du travail, une baisse du taux d’activité, une faible croissance en l’absence de bulles, une faiblesse de l’investissement, etc. ». « Lorsqu’ils étudient les données relatives aux firmes américaines entre 1950 et 2014, ils constatent que le taux de marge était initialement stable (en fluctuant autour de 20 %), voire même avait tendance à décliner, avant de s’accroître entre 1980 et aujourd’hui, en passant de 18 % à 67 % ».
Merci au blogueur qui a parfaitement résumé le thème de l‘étude.
La question posée est de comprendre le pourquoi de ce phénomène en effet problématique. Notre explication est totalement différente. Nous avons théorisé dans notre livre « l’Etrange Désastre » l’apparition d’une économie baudruche provoquée par l’introduction des changes flottants en 1971. Nous avons montré chiffres en mains que les énormes excédents et les gigantesques déficits désormais permis par le nouveau système provoquait un détournement de l’argent de l’investissement productif vers la spéculation. Le mécanisme de ce détournement a été parfaitement expliqué par deux économistes français, J. Rueff et Maurice Allais. Il est parfaitement étalonné et on peut le voir à l’œuvre de façon presque caricaturale de 71 à nos jours.
Dans une économie baudruche, l’investissement utile est en concurrence permanente avec la spéculation sur les valeurs d’actifs. Pour que l’entreprise puisse trouver investisseur, il lui faut être compétitif contre des placements financiers spéculatifs qui peuvent vous rendre riche en quelques mois, avant explosion. Les entreprises ont perdu le pouvoir contre les marchés financiers. Il leur a fallu passer d’une logique de compte d'exploitation à une dynamique de haut de bilan. Sous la pression des investisseurs institutionnels, notamment les fonds de pension, l’argent n’a été disponible que si l’entreprise était capable de faire valoir des rentabilités aussi sympathiques que les fonds spéculatifs. C’est comme cela qu’on a vu de plus en plus d’entreprises contraintes de faire apparaître des rentabilités intenables à long terme. Pour cela, il n’y avait guère de possibilité : se concentrer sur le noyau dur des activités les plus rentables et tenter de devenir un leader mondial sur son créneau, en essayant de vaincre une concurrence féroce. Et faire monter le plus possible le cours de Bourse pour entrer dans la course à la spéculation. On a développé les stock-options pour cela.
Il nous semble parfaitement erroné d’en déduire que les entreprises ont été conduites à ces actions par une tentative de réduire la concurrence. La lutte pour les financements dans une économie baudruche mondialisée est la vraie cause.
Il faut néanmoins remarquer que dans les entreprises de la nouvelle économie la tendance à la concentration du marché sur un vainqueur et un seul est évidente. Nous l’avons souligné dans un article paru dans le Figaro qui soulignait la nécessité d’une action antitrust dans ces domaines. Les marges de Google sont colossales, comme celles de Microsoft, ou IBM en son temps etc. Si le vainqueur « prend tout » et utilise à mort les possibilités de segmentation de la chaîne de valeur proposée par la mondialisation et les facilités de non-paiement d’impôt, son taux de marge s’élève très haut. De toute façon, pour les « start-up », la recherche des « barrières à l'entrée » et de rigueur ainsi que la spéculation sur les valeurs futures des actions. La décision des Américains de laisser leurs entreprises innovantes conquérir le monde hors impôts a tout aggravé dans ce domaine.
L’analyse des résultats des élections qui ont vu le triomphe de Trump fait valoir que la concurrence acharnée des pays à bas salaire a bousculé le tissu industriel américain et provoqué la révolte de la classe moyenne. On ne peut pas affirmer dans la même phrase que la concurrence étrangère a été une cause des difficultés américaines et que les entreprises ont pris le pouvoir et réduit la concurrence.
Un peu de rigueur, S.V.P.
La seule solution est de sortir de l’économie baudruche, dont le caractère explosif est évident, et d’éviter les énormes déficits et excédents. Il faut pour cela revoir profondément l’organisation monétaire et commerciale internationale. Là est le chemin.
D’ores et déjà les rendements très bas de la spéculation ont provoqué un certain retour à l'investissement productif. Ce mouvement doit être accompagné.
La hausse globale du taux de marge aux Etats-Unis est le fruit d’une rétractation de l’activité autour des noyaux durs des entreprises leaders sur leur marché et de l’abandon de bien des productions aux pays à bas salaires. La maîtrise du pouvoir de marché est un aspect dérivé et secondaire.
Une de fois de plus les économistes américains, sachant que toute discussion sur les changes et leur organisation est impossible, cherche dans les arroyos ce qu’ils ne veulent pas voir dans le grand fleuve. Et les bobos du village gaulois se croient obligés de répéter ces sornettes comme des perroquets quand cela va dans le sens de leurs préjugés.
Didier Dufau pour le Cercle des Economistes e-toile
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Cet arbitrage systématique des coûts du travail à l'échelle mondiale dans le cadre du système commercial et monétaire international existant depuis les années 1970 (fin des Accords de Bretton Woods en 1971, officialisation des changes flottants en 1976 et accélération de la mondialisation du commerce avec l'OMC à partir du Tokyo Round conclu en 1979) a conduit à une ouverture massive de l'échelle des salaires dans les pays développés entre les emplois peu qualifiés mis en concurrence frontale avec les pays "low cost" et les emplois indexés sur la part croissante des profits dans la valeur ajoutée (dirigeants, cadres supérieurs, actionnaires), ainsi qu'à une envolée du sous-emploi, surtout dans les pays où existe un salaire minimum légal.
Ces évolutions se sont nécessairement accompagnées d'une hausse de l'endettement mondial. Naturellement, l'endettement a augmenté dans les pays développés en déficit externe pour financer le déficit commercial et le déficit budgétaire qui va souvent de pair (il faut bien indemniser le chômage et subventionner l'emploi peu qualifié) ainsi que pour financer le maintien voire la hausse relative de la consommation alors que la part des salaires dans la production baissait. De façon moins intuitivement évidente, l'endettement a aussi augmenté dans les pays en développement pourtant en excédent extérieur important comme le Japon à partir de 1985 et la Chine à partir de 2009, les réserves monétaires accumulées grâce aux excédents extérieurs étant démultipliées par leur système de crédit domestique à réserves fractionnaires. Cette hausse de l'endettement relatif mondial (dette totale / GDP) ainsi que la hausse des profits justifiant des valorisations d'entreprises plus élevées a naturellement conduit à une divergence notable entre valeur totale du stock de capital et la valeur de la production, c'est à dire à la formation de bulles. Les bulles d'actifs sont une conséquence nécessaire des déséquilibres induits par la mondialisation dans ce cadre défectueux.
La faiblesse relative de l'investissement privé dans les pays développés est aussi une conséquence. À partir du moment où la capacité d'endettement privé et public a été utilisée, la consommation et la dépense publique ont du mal à croître si les revenus du travail et les recettes fiscales stagnent du fait de l'arbitrage salarial mondial. L'investissement d'aujourd'hui servant à satisfaire la demande future, si la consommation stagne durablement, il n'est nul raison d'investir pour accroître les capacités de production. Les rares secteurs qui ont augmenté leurs investissements dans la période récente alors que la capacité d'endettement mondial était proche de la saturation (immobilier, secteurs minier et pétrolier, industrie maritime) se sont rapidement retrouvés en situation de sur-capacités et ont accumulé de lourdes pertes les obligeant à couper drastiquement lesdits investissements.
La cause des déséquilibres cités par le Working Paper sur lequel s'appuie Libération sont en effet à rechercher dans le cadre défectueux du système commercial et monétaire international, pas dans une diminution structurelle de la concurrence. S'il est exact que les effets d'échelle positif de certains business internet conduisent à des situations dominantes et des profits records pour ces sociétés, il faut noter que la croissance de leurs profits s'accompagne d'une baisse des profits d'autres entreprises du secteur. Ainsi, l'essor d'Amazon fait baisser les ventes et donc les profits du commerce physique, de sorte que les profits du secteur de la distribution considéré dans son ensemble ne sont pas nécessairement en hausse. Bien sûr, dans la période avant Amazon, les profits du secteur de la distribution avait considérablement augmenté, non pas du fait d'une moindre concurrence mais en raison d'un sourcing systématique en Chine et autres pays low cost.
Le diagnostic énoncé par les économistes du NBER et Libération est effectivement incorrect. À cet égard, il n'est peut être pas totalement inutile de signaler à la majorité des économistes et de la presse que la répétition incessante d'analyses et commentaires erronés conduit à une forte baisse de leur crédibilité et de leur audience. On peut toujours lire Libération pour rire, en effet. Mais ça fait rire de moins en moins de monde.
Qui est actionnaire de Libération : Rotschild donc la banque, donc les seuls gagnants de cette politique de change flottants... cqfd
Un chien ne mort jamais la main de son maitre.
Ce qui doit bien amuser le fondateur du journal, Jean Paul Sartre.
L'empire Drahi est en totalité fondée sur la dette. et les appuis politiques. Comme il est normal, il est résident Suisse ce qui est meilleur pour donner des leçons de gauche anti capitaliste.