Pour une diplomatie de la prospérité !

Jean-David Levitte est sans aucun doute le sommet de la crème de la crème de nos élites diplomatiques, françaises et européennes. "Diplomator" est son surnom qui marque bien l'admiration légitime que le milieu accorde à ses talents.

Les anciens de l'INSEAD l'ont invité ce matin pour un petit déjeuner-débat qui s'est révélé à l'image de l'invité : exceptionnel.

Exceptionnel, l'exposé brillantissime sur l'évolution des grands axes géopolitiques depuis quatre décennies, marquée par des novations majeures tous les dix ans. Le grand tournant est daté de l'arrivée de Khomenei aux affaires en Iran, accompagnée du second choc pétrolier et de la décision de la Chine de se lancer dans l'ouverture capitaliste. La situation diplomatique figée par la guerre froide se remet en mouvement. D'événements en événements (Chute de l'Union Soviétique et guerre en Irak, destruction des Twin Towers et guerre en Afghanistan), on se retrouve aujourd'hui avec une série de fragmentations, dont l'Asie mineure est le meilleur exemple mais qui touche aussi l'Afrique et surtout l'Europe.

Exceptionnelle, l'analyse de "l'échec dangereux" de la politique de Poutine qui est obligé d'intervenir en Syrie pour masquer son échec en Ukraine. Fils d'un père juif de la région russe d'Ekaterinbourg, devenue la ville ukrainienne de Dniepropetrovsk, Monsieur l'Ambassadeur a quelque raison de suivre les affaires locales avec attention. En proposant l'idée que c'est Poutine et son agression qui ont créé le sentiment national ukrainien, il pousse sans doute le bouchon un peu loin. Les massacres staliniens (Holodomor) avaient fait beaucoup et le nationalisme Ukrainien ne date pas d'aujourd'hui, même si la Crimée est Russe ("mais réclamée de façon un peu cavalière…") et qu'il y a en effet trois parties bien distinctes en Ukraine. Il fait de l'échec de la politique russe la source possible d'un nouvel embrasement. Il considère que le soft-power européen, si souvent décrié (notamment par nous-mêmes), a bien fonctionné. L'Union Européenne est généreusement réhabilitée avec une vision du nouveau traité entre l'Europe et les Etats-Unis plus que positive, même dans ses aspects d'arbitrages privés, qui nourrissent de violents débats dans la blogosphère et sur les réseaux sociaux. La raison : si les normes ne sont pas construites entre l'Europe et les Etats-Unis, elles le seront par l'Asie.

Exceptionnellement bien présentés, les efforts de la Chine pour réaffirmer sa suzeraineté sur tous ses voisins, tout en ne cherchant jamais à aller trop loin.

Où se niche le sentiment sinon de malaise du moins d'inachevé qui nimbe ce grand exposé ? Il est toujours difficile de bien cerner un sentiment diffus. Cela vous grattouille et cela vous chatouille sans qu'on parvienne trop à comprendre ce qui cloche. Jusqu'à ce que la lumière se fasse. Cet exposé ne comprend aucune analyse de l'évolution économique depuis quarante ans ! La diplomatie reste exclusivement géopolitique, façon Talleyrand, et ne s'intéresse pas au bain économique global.

Nous posons la question : "Depuis quarante ans chaque décennie voit la croissance ralentir, les crises périodiques devenir plus sauvages, la dette augmenter jusqu'à devenir intolérable, Pourtant le discours diplomatique sur ces sujets est inexistant. Ne devrait-on pas donner une dimension économique à la diplomatie, avoir aussi, en France et en Europe une diplomatie de la prospérité ? Nous n'avons pas de vision des causes de la crise, pas de diagnostic, pas de "guidelines" qui pourraient être le support d'une action diplomatique continue envers les gouvernances internationales dysfonctionnelles. Est-ce normal dans une période de mondialisation où nous dépendons des autres de plus en plus étroitement ? "

Le discours, limpide jusqu'ici, se fait hésitant et même incertain. "C'est à la France de s'adapter et elle ne l'a pas fait et ne le fait toujours pas". Pourtant ce n'est pas en France que la crise est née et pris son envol. On a pris en pleine figure l'explosion de la sphère financière internationale pilotée par les pays anglo-saxons. Certes on n'avait rien fait pour s'y préparer, mais les causes du saccage de la prospérité ne sont pas en France. Il serait donc logique d'élaborer une action diplomatique vis-à-vis des acteurs et des actions qui nous nuisent. Visiblement la nécessité et les contours d'une telle action sont totalement étrangers aux préoccupations diplomatiques françaises et européennes. Jean-David Levitte se contente de citer quelques pointures françaises qui sont au cœur de discussions réussies, comme la fin du secret bancaire ou la fiscalisation des multinationales. Sinon, c'est peut-être le destin de l'économie d'avoir atteint une sorte de sommet. Et puis tout semble aller mieux. Les banques ont été sauvées. Le Grexit a été évité. "La reprise est là en Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis, même si la classe moyenne ne cesse de perdre du pouvoir d'achat". Dans la salle on entend quelques affirmations du type : "la crise est finie !" ; "Quelle crise ?" ; "La reprise est là !".

L'économie n'a toujours pas trouvé sa place dans la diplomatie. Une carrière diplomatique réussie suppose qu'on ne s'attaque pas à des sujets qui fâchent : une zone euro dysfonctionnelle qui a ruiné certains de ses membres ; un système monétaire international dysfonctionnel qui explique l'essentiel des grandes crises politiques qui se sont enchaînées et qui ont été si bien décrites par l'orateur.

Pas de Khomenei sans l'émancipation de l'Opep et l'arrivée d'une manne pétrolière démesurée. Pas de chute de l'URSS sans la rupture de croissance des années 73-89. Pas de changement de la politique chinoise si on ne comprend pas que les Tigres et Dragons étaient en train de dépasser la Chine en puissance économique et financière. Pas de crise actuelle en Chine si on ne comprend que l'accumulation d'actifs en dollars a été excessive et que comme au Japon après 92-93, le risque était de voir s'évaporer dans le néant des milliers de milliards de dollars de créances. Les révolutions dites du printemps arabe sont toutes les fruits de la misère consécutive à l'effondrement bancaire de 2008.

La trame de tous les événements qui marquent l'évolution géopolitique des quarante dernières années est liée aux défauts structurels du soubassement économique international et notamment à ceux du système monétaire international. De façon inextricable.

La diplomatie n'en a cure. Il n'y a pas de dimension économique de la diplomatie, analysée dans un discours construit et portée par une politique explicite. L'économiea été évacuée vers les banques centrales et les institutions financières internationales, ensemble hors les murs de la politique et de la diplomatie, sauf sur des sujets étroits et moralement indiscutables, comme la lutte contre l'argent noir ou l'évasion fiscale.

Le Général de Gaulle est le dernier président français à avoir élaboré une doctrine économique et monétaire internationale et pris le soin de l'exprimer.

Depuis les présidences françaises sont taiseuses. Les erreurs économiques massives commises en France ont fait perdre de toute façon toute crédibilité aux gouvernants français.

C'est pour cela que notre diplomatie économique est muette.

Il nous faut une "diplomatie de la prospérité" qui s'attaque aux systèmes internationaux dysfonctionnels. Le suivisme morose ne rime à rien sinon à l'effacement de la France en particulier et de l'Europe en général, dans une déréliction globale.

Diplomator doit être aussi Economator.

 

Didier Dufau pour le Cercle des Économistes e-toile

Commentaire
david's Gravatar Très bonne analyse. Le fameux Jean-David s'est débalonné complètement quand vous passez aux choses serieuses. Je ne suis pas surpris, c'est un bon salonard qui n'avait pas de fiche préparée à vos questions ! Le sherpas avait traité que le coté diplo.
La réalité les interessent peu, ils ont une autre vision, des grands espoirs que seuls Braudel et qq autres ont effleurés de leurs ecrits
# Posté par david | 07/10/15 01:19
stéphane's Gravatar Bonjour,

Sauf que l'URSS se serait effondrée quand même même sans la fin des accords de bretton woods, l'économie de l'URSS ne dépendait pas de la croissance mondiale, elle évoluait en vase clos, comme vous l'avez si bien dit dans un précédent article.

L'économie de l'URSS ne pouvait qu'exploser, évènement prévu par Von Mises dès 1922 et son livre 'Socialisme, le chaos de l'économie planifiée".

Si l'URSS s'est effondrée dans les années 80, elle le "doit" à la course aux armements relancée par Reagan, qui après avoir nettoyé les écuries d'Augias de l'économie US en mettant la FED en laisse et en réduisant la folie fiscale, pouvait s'appuyer de nouveau sur la plus "puissante" économie du monde.

Enfin, oui,le taux de croissance mondial baisse depuis les années 70, mais pas de façon uniforme et pas partout.

Remarquez qu'à chaque fois qu'un pays vit une parenthèse libérale (Reagan et bush jr, Tchatcher, Chili depuis 1985, Australie et NZ depuis 1985, etc etc etc) la croissance repart, malgré les vices liés à la mauvaise allocation de capital dépendant d'un marché mondial des changes flottants laissés à la merci des politiques.

Voilà le vrai fond du problème, l'état, toujours l'état.

L'état n'est pas la solution, c'est l'état le problème. REAGAN.
# Posté par stéphane | 07/10/15 15:11
DvD's Gravatar Vous soulevez une question particulièrement sensible.

Les déséquilibres commerciaux et monétaires internationaux sont responsables de l'affaissement des niveaux de vie et de la forte hausse du sous-emploi dans les pays développés ; de la baisse de la part du travail dans le revenu mondial et de la montée des inégalités qui conduisent à une faible demande globale et à des surcapacités dans de nombreux secteurs avec les pressions sur les prix qui en découlent ; de la hausse vertigineuse de l'endettement qui se conjugue assez mal avec les pressions déflationnistes. Les tensions sociales, politiques et géopolitiques qui se constatent sont la conséquence de ces déséquilibres et de leurs effets d'autant plus ravageurs que la structure économique et sociale interne des pays est peu productive.

A part vous, très peu de gens en parlent. Tout se passe comme si le rôle des déséquilibres commerciaux et monétaires internationaux n'étaient pas compris.

Or, en discutant en "off" avec les dirigeants économiques et politiques, en lisant entre les lignes, en écoutant ce que disent d'anciens responsables maintenant à la retraite et donc plus libres de leurs paroles, on réalise que le rôle des déséquilibres commerciaux et monétaires internationaux dans la situation actuelle est parfaitement compris. C'est juste totalement occulté dans le débat public. C'est tabou. Y compris dans les forums internationaux comme le G20. Pire encore, dans les faits, les dirigeants ne semblent intéressés qu'à perpétuer ces déséquilibres. En baissant les taux d'intérêts toujours plus bas pour toujours plus longtemps et en faisant fixer le prix des actifs financiers par leurs banques centrales. En continuant de négocier en grand secret des traités commerciaux internationaux au beau milieu de la valse des dévaluations compétitives. C'est bien sûr présenté comme une façon d'éviter l'effondrement de ces déséquilibres non soutenables. Mais c'est aussi et surtout une façon de les perpétuer en pouvant continuer de financer par endettement systémique la captation de nouveaux profits d'arbitrage au bénéfice des élites. La dette mondiale continue en effet de croître plus vite que la production mondiale depuis 2008, la plupart des pays émergents ayant maintenant rejoint les pays développés dans le club des pays sur-endettés qui comprend dorénavant les 3/4 du PIB mondial. Dans les faits, la diplomatie mondiale travaille bel et bien à perpétuer les déséquilibres commerciaux et monétaires, pas à les résorber. D'où cette impression que le G20 n'est qu'une pièce de théâtre dans un décor en carton pâte. D'où cet écart béant, pratiquement partout, entre les intentions déclarées et les résultats obtenus par les gouvernements. Ce n'est pas une diplomatie de la prospérité. C'est exactement l'inverse.

Une grave question se pose alors : pourquoi donc quelque chose qui est compris comme jouant un rôle majeur dans les difficultés actuelles et qui est en train de se propager à toutes les économies du monde est-il non seulement passé sous silence mais encore activement poursuivi ?

On a beau tourner la question dans tous les sens, la seule réponse possible est que les élites politiques bénéficient de ces déséquilibres, d'une manière ou d'une autre, directement ou indirectement. C'est pour cette raison que les dirigeants politiques sont en apparence impuissants à proposer des solutions durables à la crise et se contentent d'expédients de court terme. Ils ne veulent tout simplement pas mettre fin aux déséquilibres, sources de leur pouvoir, de l'extension de leur champ d'action et de leur main mise sur la société, voire source de leur fortune. Dans un monde économique et financier globalisé, l'intérêt des élites politiques a clairement divergé de l'intérêt général de leur population nationale. Les élites politiques ne sont plus représentatives. Elles ne sont plus crédibles. Elles ne sont donc plus perçues comme légitimes. C'est la raison essentielle de la montée de l'appareil de surveillance policier sous couvert de lutte contre le terrorisme. C'est la raison essentielle de la montée des extrêmes et des candidats anti-establishment qui se constate partout en Europe et aux Etats-Unis.

De même que les paniques boursières et les récessions expriment la montée de la volatilité économique et financière liée à ces déséquilibres, la montée des extrêmes et des partis alternatifs exprime la montée de la volatilité politique liée à ces déséquilibres.

C'est là l'inquiétude majeure des élites politiques. La réaction de votre interlocuteur montre que vous avez touché une corde sensible. Le dénouement de la crise économique va d'abord devoir se jouer sur la scène politique. S'ils veulent encore éviter le pire, les diplomates devraient en effet se réveiller et se pencher de toute urgence sur les questions économiques et monétaires.
# Posté par DvD | 07/10/15 21:42
DD's Gravatar "Tout se passe comme si le rôle des déséquilibres commerciaux et monétaires internationaux n'étaient pas compris."

Ce n'est pas seulement le cas des politiques. Si vous prenez l'excellent livre de Jean-Marc Daniel, Le gâchis Français, excellent par la foule de détails qu'il donne sur les conceptions qui ont présidé à l'effondrement économique français, vous constaterez également qu'il manque deux dimensions critiques pour la compréhension des évènements :
- le cycle n'existe pas. Les évènements se succèdent dans le désordre sans que l'enchaînement des situations paraisse avoir une logique quelconque.
- le renversement de la courbe de la dette globale mondiale qui baisse de 44 à 71 pour remonter brutatlement jusqu'à atteindre des niveaux explosifs n'est même pas cité et ses mécanismes totalement ignorés.

Quiconque se penche sur la question sait que ce renversement est du à la fin de l'application des accords qui limitaient et condamnaient les grands excédents et les gros déficits dont tout le monde avait compris dès l'avant-guerre qu'ils étaient la cause des emballements de crédits incontrôlables et des récessions majeures consécutives.

La seule raison de ce blog est dans ce constat. Des phénomènes critiques ne sont jamais évoqués alors qu'ils sont indiscutables. "Non est ratio in absentia".

Si vous demandiez à Madame Lagarde comment il se fait qu'elle dirige un organisme dont les statuts INTERDISENT les grands excédents et les grands déficits et qu'elle n'a jamais pris aucune position publique contre les déficits effroyables des Etats-unis et des excédents symétriques de la Chine, voire du Japon et de l'Allemagne, vous n'aurez pas de réponse.

On peut être sûr que si vous lui demandiez auparavant si les grandes déséquilibres avaient des inconvénients elle vous aurait répondu : "mais bien sûr ! Je ne suis pas nulle en économie tout de même".

C'est le pendant mondial à la situation européenne où vous pouvez faire l'expérience suivante. Vous demandez à un député européen ou à un haut fonctionnaire en liaison avec l'Europe si le change est important. "Oh oui ; crucial". "Qui est responsable du change", ajoutez vous alors ? Et là c'est le grand silence. "Ben euh".

Les politiques ont organisé leur dépossession sur ces sujets qui sont laissés à la discrétion d'experts, situés dans des "machins" qui sont tous dans la main des Etats-Unis. Les Etats-Unis veulent continuer à bénéficier du privilège monétaire mis en place après-guerre. Ils ont fait sauter les accords de Bretton-Woods lorsque les règles formelles les ont gênés. Pendant 15 ans, grosso modo jusqu'aux accords du Louvre, ils ont fait semblant de croire aux nécessités des grands équilibres au nom de la stabilité monétaire (les changes flottants étaient censés être un système provisoire avant de retrouver la stabiité !) . En anglais cela donne : to pay a lip service ! Et ils ont fait ce qu'ils voulaient indifférents aux conséquences y compris chez eux.

Sans entrer dans le complotisme, vous ne pouvez plus faire carrière en politique française, européenne et mondiale sans baisser la tête et vous taire. Agiter la question avec un peu d'énergie vous fait éliminer des cénacles qui comptent pour anti américanisme primaire masqué derrière mille prétextes. "Individu incontrôlable" ; "Adepte ringard et fétichiste de l'or" ; "Il n'a rien compris au monde nouveau de la finance internationale", etc.

Un trou noir s'est créé qui détruit les carrières universitaires, administratives ou politiques.

Alors, on fuit les abords du trou noir.

Alors, on se tait. Et on laisse des comités internationaux et des groupements d'experts inféodés aux Etats-Unis prendre les décisions en évoquant une "stabilité" mythique qu'on s'acharne à détruire par des dystèmes instables et structurellement déséquilibrés.

En juin 2008 j'ai été invité par des banquiers Suisse à faire une conférence parce que j'avais annoncé dans un bulletin de conjoncture une crise majeure pour septembre 2008. La prévision était étayée d'une façon très simple :
- l'arrivée de la phase récessive du cycle, en sachant qu'il s'agirait de la phase dure (le cycle alterne les récessions faibles et dures)
- l'inversion des la courbe de la dette globale et le dépassement partout des 400%. Il n'était pas difficile de monter qu'avec une maturité moyenne de 5 ans et un taux d'intérêt moyen de 5% on aboutissait à la nécessité de consacrer 100% du PIB au remboursement et au paiement des itnérête. Même pas besoin d'avoir le certif pour le comprendre.
J'annonçais donc qu'entre 8 et 12 mille milliards de dollars de dettes étaient sans contrepartie réelle. Cette désastreuse situation signifiait que les banques étaient en grand danger. En particulier les leurs.

Cet exposé a déclenché des rires et des lazzis. Je n'avais rien compris aux mécanismes de hedging qui solidifiaient l'ensemble et qui garantissaient l'investissement bancaires. En face du monstrueux développement des crédits il fallait comprendre qu'il y avait du dur : des classes d'actifs parfaitement analysées et solides. Notées par des agences sérieuses. Je représentais une vision de l'économie ancienne avant le grand remplacement de l'économique par le financier assisté par des Nobels de l'économie.

Trois ans plus tard j'ai été sollicité par les mêmes pour une nouvelle conférence sur les nouvelles perspectives. Ils m'ont même indemnisé pour se faire ce qu'ils avaient omis de faire la fois précédente. Les banques représentées avaient perdu 150 milliards de dollars entre temps. Et la valeur des actifs douteux résiduels étaient deux fois plus grande encore à cette période.

La question : est-ce qu'on est sorti du trou ?

Avant de répondre je fis l'exercice suivant : quelles sont les causes de l'effodnrement que vous avez connus. Toutes les réponses furent notées sur un paper board. L'explosé consista essentiellement à rayer successivement toutes les causes alléguées. La crise n'avait pas été comprise et les arguments présentés quelques années avant totalement "oubliés".

Ma conclusion sera de dire que comme le hanneton le monde allait pousser sa boule de crottin devant soi en utilisant tous les artifices possibles pour eviter l'effondrement, que dans le processus tout le monde violera les règles et que tant que les Etats pourront résister, les banques seront à l'abri. En revanche l'énergie passée à ne pas contrer les causes mêmes de la crise empêchera une solution durable.

Les banquiers n'ont vu qu'une chose : ils résisteraient. les jeux financiers pourraient continuer avec les profits associés, quitte à faire sauter le secret bancaire pour rester branché sur la manne de dépôts américaine alimentée par les excédents chinois, allemands, ou pétroliers, replacés aux Etats unis. Ne surtout pas toucher au cadre, maintenant que les Etats avaient repris le gros des dettes irrécouvrables.

Toute réorganisation internationale les priverait d'un cash dont elles avaient un besoin fondamental. Les banques suisses ont besoin du cash amércain pour porter des "actifs" qui représentent plusieurs fois le PIB suisse.

Aujourd'hui les banques considérent qu'elles sont saines et sauves. Alors que le crédit crunch reste majeur et entraîne la déflation partout avec des conséquences majeures sur la prospérité générale. Et que les niveaux fiscaux nécessaire pour finanbcer la reprise des pertes atteignent des sommets qui interdisent toute prospérité.

Alors les banques ne veulent plus rien entendre des causes de la crise. Chut : acceptons les contraintes règlementaires qu'on nous impose mais qu'on ne coupe pas le cordon ombilical avec les flux de trésorerie engendrée par le replacement des excédenets majestueux de certains pays.

Le secteur bancaire mondial aura probablement perdu en dix ans (de 2008 et 2018) entre 300.000 et 400.000 salariés dans le monde. Mais tout va bien. Les banques sont sauvées.

Et la crise globale dure depuis maintenant 8 ans (été 2007 à aujourd'hui) avec ses millions de chômeurs supplémentaires (entre 1 et 1.5 millions rien qu'en France) et une dette globale qui se maintient à 400% du PIB, donc toujours à un niveau impossible, simplement parce qu'on la fait tourner sans jamais rien rembourser ni amortir, quitte à tuer tout investissement rationnel.
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Telles sont les raisons pour lesquelles il reste impossible d'aborder publiquement les causes de la crise et les réformes majeures qu'il faudrait faire pour en sortir. "La crise est finie". "Les banques vont bien". C'est à chaque état de se débrouiller avec la situation telle qu'elle est.

Et curieusement toutes les prévisions de sortie crise inlassablement annoncées par le FMI se sont révélées fausses. L'effondrement des Brics après les avoir portés au pinacle surprend, exactement comme la crise faussement qualifiée "des pays émergents", en 98, avait paru tellement incongrue qu'elle avait été expliquée par les "régimes de cronies".

Nous comptions sur la pédagogie de la crise pour casser cette fuite constante devant les faits et leur explication.

Douce illusion.






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# Posté par DD | 08/10/15 12:07
Le blog du cercle des économistes e-toile

Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef,   aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit  parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants,  explications  sur le retard français,   analyses de la langueur de l'Europe,  réalités de la mondialisation,  les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable.

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