Champagne à la Kaiserstrasse !
A certains grands moments de la crise que nous subissons depuis 2007 l'avenir dépends des décisions des pouvoirs publics. Une mauvaise appréciation, l'inconscience de la réalité des choses, le poids des impuissances peuvent conduire à en prendre d'exécrables.
On l'a vu lors des G.20 de 2008 et 2009. Il fallait comprendre que la crise provenait du système monétaire international et y porter remède. On ne l'a pas fait. On a conservé le système non coopératif des monnaies administratives gérées par des gnomes et dont la valeur se fixent sur les marchés de devises, avec liberté totale des mouvements de capitaux. Malgré toutes les exemples historiques qui démontraient que dans ce cadre les relances keynésiennes ne marchent pas, on a fait le pari que cette fois-ci on verrait ce qu'on verrait. On a vu : quatre ans après le désastre économique continue (Cf. sur ce blog : G.20 un pari très dangereux)
Pour la France, on savait que le danger venait de sa surfiscalité aberrante provoquée par le développement d'un secteur public de proportion exagérée, dont l'ampleur et les besoins de financement avaient créé un sous-investissement massif et une précarité maximum dans un secteur marchand laminé, sans capitaux, sans marge, sans compétitivité et incapable de pourvoir aux besoins d'emplois du pays. La décision tragique sera celle des Français portant au pouvoir de façon totalement décalée une équipe socialiste de fonctionnaires qui allait tout aggraver au lieu de commencer à remonter la pente. Le climat de haine sociale entretenue contre les patrons et l'annonce de mesures spoliatrices allaient dès l'été 2012 bloquer le pays. 50.000 chômeurs plus tard, la France est confrontée à la perspective d'une année noire en 2013.
Restait l'Europe. On savait que la zone Euro était structurellement malade. Elle n'avait aucun instrument pour faire face à une crise mondiale. De paniques en expédients on en est arrivé au TSCG, traité budgétaire renforcé qui sacralise les règles de Maastricht. Restait à savoir si dans ce cadre malsain, car uniquement déflationniste, allait se mettre en place d'autres organes de gestion que les croupions actuels. Certains célèbrent aujourd'hui l'accord "historique" qui voit les responsabilités de supervision bancaire glisser des banques centrales et des organes de contrôle bancaire nationaux vers la BCE. Crier au miracle et à l'avancée déterminante comme Le Monde du jour est tout à fait excessif. Y voir la fin de la menace contre la zone Euro est risible. L'idée sous-jacente est traditionnelle au sein du fédéralisme européen : cette étape permettra d'en atteindre une autre etc. On dépouille les Etats nationaux et c'est déjà cela de pris. Les résultats sur la réduction du chômage, la gestion des écarts de productivité, la vulnérabilité spécifique aux systèmes nationaux seront pratiquement nuls.
Christian Noyer, qui parle certes en son nom mais qui est trop fin connaisseur de ce qui se passe à la BCE, a tué toute perspective positive en ce sens. Sa dernière intervention laisse entendre que la politique de la BCE a été formidable car elle a permis de maintenir l'inflation dans les limites statutaires de la BCE (on retrouve l'hymne à la gloire de Trichet : cf sur ce blog l'article La "victoire" à la Pyrrhus de Jean claude Trichet). Il est inutile de prévoir de grosses modifications dans la gouvernance européenne. Si la politique monétaire a été handicapée, la faute en revient à "l'indiscipline" des Etats. Il suffit de renforcer les normes et la sanction des normes pour que tout aille pour le mieux. Au passage renforçons les pouvoirs de la BCE. Un plaidoyer pro domo ; de la plus belle eau.
Cette vision est totalement controuvée et lourde de nouvelles difficultés. Elle confirme l'amour éternel porté par les banquiers centraux européens, contrairement à leurs devanciers, à un système de monnaies administratives gérées par eux-mêmes et dont la valeur externe est laissée aux forces du marché. Que le système ne marche pas et soit structurellement déséquilibré ne les gênent pas : on ne touchera pas à la source, à l'émetteur des déséquilibres mais au transmetteur et à l'amplificateur, le système bancaire, qui passera sous le contrôle des gnomes. Si les Etats sont par ailleurs contraints, tout ira bien.
On notera que toutes ces erreurs majeures se complètent : on ne souhaite pas traiter le mal à la racine alors on s'énerve sur les symptômes.
Un exemple historique nous rappellera comment on gère normalement une crise économique. Après l'échec de la relance de Chirac en 74, on a appelé Raymond Barre. Il explique très bien ce qu'il a fait (cf : "en relisant Raymond Barre" sur ce blog) : il a piloté la sortie de crise en jouant sur la monnaie, sur les changes, sur le budget et sur les règles du jeu social (désindexation compétitive , fin de l'autorisation administrative de licenciement, etc.). Heureux homme qui avait encore une cabine de pilotage totalement équipée des instruments de bord nécessaires.
On voit bien que les Etats européens n'ont plus accès aux instruments de pilotage anticrise. Les changes ? Plus personne ne s'en occupe sinon un fantomatique Eurogroupe dont Juncker va quitter la présidence et qui ne fait exactement RIEN en la matière. La politique monétaire : la BCE s'en charge avec une seule boussole : les prix. Le budget : il est désormais contraint. Restent les règles du jeu social qui dans le contexte général ne peuvent être réorientées que dans un sens restrictif.
L'urgence aujourd'hui, si on veut que le système de l'Euroland marche et que l'on sorte de la crise , est de recréer une possibilité de pilotage global à l'échelon de la zone. Il faut une cabine de pilotage, la centralisation des instruments, et une action coordonnée sur les intérêts, les changes, les financements globaux, les budgets et les mesures sociales. Bien sur il faut refuser le saut fédéraliste total avec création d'un budget fédéral gigantesque s'amusant à effectuer des transferts massifs entre pays européens. Noyer a raison de dire que les opinions publiques ne le permettront pas.
Cela implique un poste de "Chancelier de l'Euroland" doté de moyens légers mais cohérents et démocratiques d'agir sur les manettes économiques, y compris les changes et y compris la politique monétaire.
La BCE serait dans ce cadre partiellement subordonnée à ce Chancelier. L'Europe renoncerait à être la seule puissance du monde qui joue réellement le jeu faussé des changes flottants.
On pourrait envisager une sortie de crise par le haut en renonçant au chemin débile de la déflation et de la dépression dans les pays en décalage de compétitivité.
Dans la pratique on tourne le dos à cette orientation.
Nous nous retrouvons donc à la fin 2012 avec
- un monde dominé par les changes flottants et les attitudes non coopératives des Etats
- une Europe de l'Euro sans pilotage mais étouffée dans un système anti démocratique et lacunaire de contrôle et de restrictions en tout genre.
- une France dans la folie fiscale aggravée par un socialisme sûr de lui et dominateur qui a fait de la Kalachnikov fiscale le moyen du" grand soir" de la ruine de sa bourgeoisie, au milieu des injures mille fois répétées contre les entrepreneurs (les patrons sont des "patrons-voyous", les chefs des entreprises du CAC "les douze salopards". M. Mittal" n'a rien à faire en France". "Casse toi pauvre con" lance-t-on à M. Arnault. Et quand Depardieu "se casse", c'est un" traitre" à la patrie, alors que le droit d'établissement où l'on veut en Europe est la conquête principale de l'Union Européenne pour ses citoyens) .
Autant dire qu'il n'y a rien à attendre de bon de 2013. Le problème des grandes erreurs, c'est qu'elles ne se rattrapent jamais.
La crise entrera dans sa sixième année, du jamais vu depuis 1929.
Le Bilan de la BCE et ses gains n'ont jamais été aussi élevés. Voilà ses pouvoirs élargis.
On doit faire livrer les bouteilles de champagne au 29 de la Kaiserstrasse à "Eurofort sur le Moins", comme disait Séguin.
Mais ce sont les peuples qui trinquent.
Le cercle des économistes regroupés dans E-TOILE autour de Didier Dufau, Economiste en Chef, aborde des questions largement tabous dans les media français et internationaux soit du fait de leur complexité apparente, soit parce que l'esprit du temps interdit qu'on en discute a fond. Visions critiques sur les changes flottants, explications sur le retard français, analyses de la langueur de l'Europe, réalités de la mondialisation, les économistes d'E-Toile, contrairement aux medias français, ne refusent aucun débat. Ils prennent le risque d'annoncer des évolutions tres a l'avance et éclairent l'actualité avec une force de perception remarquable. Association loi 1901 |
Sarko n'avait pas toujours raison, loin de là, mais avec Hollande on est dans "la vérité si je mens". Ce gouvernement a des apparences: la justice et l'égalité, mais aussi des réalités: l'amateurisme et le sectarisme.
d'un autre point de vue j'ai trouvé cette analyse elle est évidemment orienté mais il me semble que beaucoup de choses ne sont pas mauvaises.
Commentons un extrait du texte cité.
« Tout le monde s’accorde sur le fait que les marchés financiers ont commencé à prendre de l’ampleur et à devenir autonomes vers le milieu des années 1970. Cependant, ce n’était pas le résultat de choix politiques arbitraires, ni de l’influence de think tanks néolibéraux ou de puissants lobbies économiques, ainsi qu’on le prétend souvent ; c’était une réponse à la crise structurelle inhérente au système, crise qui, lorsque le fordisme eut rencontré ses limites, vint mettre un terme à l’expansion capitaliste d’après-guerre. A cette époque, en effet, l’épuisement des réserves organisationnelles de productivité qu’avait créées la production de masse standardisée comprimait les taux de profits, tandis que, dans le même temps, les classes laborieuses étaient parvenues, à force de luttes, à obtenir de meilleurs salaires et avantages sociaux, et que les coûts d’investissement des infrastructures publiques augmentaient sans cesse. Dans un tel contexte, le relèvement notable du prix du baril de pétrole par les pays de l’OPEP, en faisant soudain grimper en flèche le coût de la surexploitation des réserves d’énergies fossiles, fut suffisant pour mettre en panne la dynamique de croissance auto-entretenue d’après-guerre. On cessa d’investir dans les moyens de production, usines, bâtiments, etc., ces secteurs ne rapportant désormais plus assez. D’importantes masses de capitaux se trouvèrent « libres », sans aucun investissement rentable en vue. »
On retrouve là une manière de penser les crises déjà présente lors de la crise de 1929. La crise ne serait pas liée à des défauts d’organisation mais à un effondrement du sous-bassement systémique entraînant l’effondrement des super-structures.
Les explications par des « causes réelles », comme la perte structurelle de la rentabilité marginale du capital, l’épuisement des ressources naturelles, l’apparition d’un monde fini, les changements géopolitiques liés à la démographie, en appellent toutes à une forme de rationalité expérimentale « que l’on peut toucher du doigt ». Toute religion a besoin de stigmates.
L’ennui est que ces théories ont été constamment contredites par la réalité. Nous avons connu les trente glorieuses alors que notre système était structurellement foutu ! Les petits esprits se rattrapent toujours aux branches. On affirma alors que c’était …grâce à la guerre. Les trente glorieuses seraient le fait de la reconstruction. Une fois les pays touchés reconstruits, plus de croissance possible.
L’ennui c’est que les miracles économiques se sont succédé dans des pays où la guerre n’avait pas fait de destructions massives. Et que certains systèmes qui avaient fait l’objet de destructions massives lors de la dernière guerre n’ont pas connu de miracle économique.
La petite raison raisonnante qui rationalise des impressions en rapprochant sans véritables liens logique des faits épars qui lui conviennent n’explique rien. Elle ne peut imaginer que quelques mesures fondamentales peuvent changer la donne et provoquer des changements systémiques graves.
Le changement radical du système monétaire international est la cause sinon unique du moins principal du changement du cours des choses en 1971. On sait expliquer pourquoi. On sait démontrer comment. N’explorer aucun des mécanismes concernés INTERDIT toute explication rationnelle et force à inventer ou simuler des mécanismes approximatifs qui plaisent à l’oreille mais ne résistent pas à l’analyse.
Que veut dire : « quand le fordisme eut atteint ses limites ». Exactement rien. Le fordisme n’a été aucunement une doctrine active dans les phénomènes économiques de l’entre deux guerres. L’innovation en économie va toujours provoquer le même cycle : bouffée de profits vers les créateurs, diffusion, épuisement, et on repart. On a donc des phases où le revenu distribué augmente, d’autres où il se concentre. D’autre part la notion de richesse est beaucoup plus complexe que ce que l’on dit usuellement. On n’est jamais riche de la même chose. Tout dépend de l’effet relatif de la productivité. Un riche du 18ème siècle n’était pas riche de la même chose qu’un riche d’aujourd’hui. Il n’avait pas de médicaments mais un nombre de serviteurs incomparablement plus élevé. Il n’avait pas le moyen de voyager loin facilement mais il pouvait posséder des objets d’art qui demandaient un nombre d’heures de travail gigantesque. Etc.
La production nouvelle va là où on l’a trouvée et où elle est possible. Le parcours n’est pas un chemin de roses. Des villes prospères naguère sont aujourd’hui abandonnées. Des productions naguère utiles sont aujourd‘hui arrêtées.
Le fordisme a connu une certaine aura intellectuelle parce qu’il expliquait que le dépérissement forcé et scientifique du capitalisme ait été différé. On le déclare « épuisé » aujourd’hui parce qu’on considère que le dépérissement a repris son cours.
C’est de la religion. Ou plus exactement de la théologie. On raisonne avec les catégories qu’on a soi- même créées et qui ont un effet magique dans l’esprit des charbonniers de cette foi là.
Rapport avec la réalité : nul.
Evacuer les observations utiles et magnifier les théologies sont des manifestations du cerveau primaire et de la pensée magique, souvent réactivées par les moments de difficultés.
Qui a oublié que Rifkin avec des raisonnements tellement creux qu’ils avaient séduit son préfacier Michel Rocard, le maître de la pensée fausse, avait annoncé la fin du travail à la veille de la hausse la plus monumentale de l’emploi mondial de toute l’histoire de l’humanité ?
Revenons les pieds sur notre terre économique réelle : pour de mauvaises raisons, la puissance américaine a imposé au monde un système non coopératif de liberté totale des mouvements d’hommes, de capitaux et de marchandises basé sur une système de monnaies administratives sans valeur de référence et qui trouveraient leur valeur d’échange sur des marchés financiers non régulés.
Ce système avait toujours été considéré comme absurde et dangereux par la quasi totalité des économistes d’avant 1971. Il l’était assurément. Les défauts n’ont pas tardé à se manifester. Ils ont atteint le trend, qui s’effrite décennies après décennies, aggravé par les crises périodiques, devenues tous les 10 et surtout 20 ans de plus en plus explosives et difficiles à juguler. La manière dont cela s’est passé peut être décrite dans le détail et quantifiée sans difficulté.
Mieux vaut revenir aux causes premières explicites que de se lancer dans la théologie.